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Mercredi 5 novembre 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 12

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président, puis de Mme Catherine Quéré Vice-présidente
de Mme Élisabeth Guigou Présidente
et de Mme Danielle Auroi Présidente

– Audition, ouverte à la presse, commune avec la commission des affaires étrangères et la commission des affaires européennes, de Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, représentante spéciale pour la conférence Paris Climat 2015

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, la Commission des affaires étrangères et la Commission des affaires européennes ont entendu Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, représentante spéciale pour la conférence Paris Climat 2015.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, représentante spéciale pour la conférence Paris Climat 2015. La réunion de trois commissions témoigne de l’importance que nous attachons à ce sujet. Cette première audition sera sans doute suivie d’autres rendez-vous puisque les négociations vont s’échelonner jusqu’à la conférence de Paris.

Dans cette perspective, nous avons créé un groupe de travail commun aux trois commissions. Nous prévoyons également la tenue à l’Assemblée nationale d’une conférence interparlementaire parallèlement à la conférence des Parties.

L’échéance de 2015 est essentielle car elle doit aboutir à la conclusion d’un accord universel permettant de plafonner à deux degrés l’augmentation de la température terrestre par rapport à l’ère pré-industrielle en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Le cinquième rapport du GIEC tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme, de façon plus inquiétante encore, confirmant les analyses de Sir Nicholas Stern et du Global carbon project. Il est impératif d’aller au-delà du protocole de Kyoto, prolongé jusqu’en 2020 par l’amendement de Doha, qui ne couvre que 15 % des émissions de gaz à effet de serre –celles de l’Union européenne pour l’essentiel.

Nous avons tous en mémoire l’échec de la conférence de Copenhague en 2009. Cette fois, la préparation semble mieux engagée. Le secrétaire général de l’ONU est très investi : il a réuni à New York le 23 septembre dernier de nombreux chefs d’État et de gouvernement. La prise de conscience au plus haut niveau semble réelle, y compris de la part de pays traditionnellement réservés.

La conférence de 2015 est aussi l’occasion de réunir des représentants de la société civile, des entreprises et des collectivités locales autour de l’agenda positif, aussi appelé « agenda des solutions ». L’Union européenne a su montrer la voie en parvenant à un accord sur un nouveau paquet énergie climat qui fixe à l’horizon 2030 les objectifs d’une baisse de 40 % des émissions, d’une part d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique porté à 27 % et de 27 % d’efficacité énergétique.

Il reste 400 jours pour traduire les paroles et les intentions en actes, 400 jours pour sauver la planète. Comme l’a dit le secrétaire général de l’ONU, nous avons l’obligation de réussir : il n’y a pas de plan B car il n’y a pas de planète B.

Plusieurs questions viennent spontanément à l’esprit : quel contenu et quelle forme peut-on envisager pour un futur accord universel et contraignant ? Que peut-on attendre de la prochaine conférence climat de Lima le mois prochain ? Les premières contributions des pays sont attendues pour le premier trimestre 2015 : que pourrait-on faire si leur ambition est insuffisante ? Par ailleurs, l’un des éléments clés de la réussite du futur accord, l’aide aux pays en voie de développement au travers du Fonds vert pour le climat, « patine ». Seules la France et l’Allemagne ont en l’état annoncé leur contribution. Comment donc créer la dynamique nécessaire afin que l’économie verte ne reste pas l’apanage des seuls pays riches ? Comment éviter à ces derniers d’encourir la critique de la part des pays en développement ; de s’acheter une bonne conscience à moindre coût ?

Mme la présidente Danielle Auroi. Je me félicite que nous soyons tous réunis au chevet de la planète.

Nos sociétés sont-elles capables et désireuses de relever le défi des deux degrés ? Cette résolution peut-elle prendre corps à Lima ?

La conférence de Paris sera décisive mais l’accord qui en résultera sera-t-il juridiquement contraignant ?

L’Union européenne fait figure de bonne élève depuis Kyoto mais ses décisions récentes sont-elles aussi ambitieuses qu’il y paraît puisque certains des objectifs fixés ne sont pas contraignants ? Les signaux adressés sont-ils suffisamment forts pour entraîner la conférence de Paris sur une voie positive ? Quel est le mandat défendu par l’Union européenne à Lima ?

Quel accord peut-on espérer avec les États-Unis – à cet égard, les résultats des élections ne sont pas rassurants –, la Chine, l’Inde ou le Brésil ?

Quels sont les points clés de la négociation ? S’agissant du Fonds vert, les résultats après la réunion de New York sont décevants : le fonds est très faiblement abondé au regard des besoins.

Vous avez compris que le groupe de travail évoqué par Mme Élisabeth Guigou s’est emparé de l’ensemble de ces questions. Quelle place voyez-vous pour la diplomatie parlementaire dont on sait qu’elle peut parfois aider ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Votre audition est incontournable pour les parlementaires des différentes commissions tout comme celles, à venir, de M. Laurent Fabius et de Mme Ségolène Royal.

Le Parlement ne peut pas être absent de la préparation de la conférence. Ce projet est particulièrement enthousiasmant pour nous et pour la France compte tenu des enjeux.

Il n’est pas facile de se positionner dans la diplomatie onusienne. J’espère malgré tout que nous trouverons un espace, nous y travaillerons de toutes nos forces.

Nous misons évidemment sur la diplomatie parlementaire mais nous souhaitons également organiser un débat citoyen planétaire comme il s’en est tenu à Copenhague et à Hyderabad. Je sais pouvoir compter sur le Président de l’Assemblée nationale pour nous apporter son aide. Ce débat doit permettre aux citoyens de délivrer un message unique à l’attention des chefs d’État, des collectivités locales et des entreprises.

Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, représentante spéciale pour la conférence Paris Climat 2015. Cette audition intervient à un moment important alors que nous nous apprêtons à honorer la mission qui a été confiée à la France de préparer et présider la conférence des parties en décembre 2015. Le travail parlementaire est essentiel car l’accord que nous allons discuter porte principalement sur les politiques nationales : la vision de l’énergie, sa consommation, sa transformation, la modernisation technologique des économies. Le débat sur le climat est moins international que national. Les parlementaires français ont donc un rôle à y jouer.

Le moment est important car chacun se souvient de Copenhague. L’Union européenne ne peut pas se permettre un échec.

Certaines choses se sont améliorées mais les forces contraires demeurent. J’observe aussi une grande lassitude de cette négociation. Un accord est indispensable pour indiquer aux partenaires économiques la transformation de l’économie qui est recherchée afin qu’ils s’y engagent résolument.

L’accord qui pourrait être annoncé le 12 décembre 2015 sera nécessairement intergouvernemental. Contrairement à Kyoto, la France a pour mandat de négocier un accord universel qui engage toutes les parties et pas seulement les pays développés.

Cet accord doit être crédible. Il ne s’agit pas d’installer un gouvernement mondial ou d’instaurer une police du climat. L’objectif est de faire converger les anticipations de tous les acteurs, en particulier les acteurs économiques, pour démontrer que la transformation économique et écologique est en marche.

L’accord doit également être dynamique. Il n’a pas vocation à régler toutes les questions jusqu’en 2050. Le cinquième rapport du GIEC réaffirme que nous devons au minimum diviser par deux les émissions mondiales de gaz à effet de serre jusqu’en 2050 pour avoir 66 % de chances de rester en dessous d’une hausse des températures de 2 °C. Nous devons à la fois définir un cadre qui va durer trente ans et prévoir des rendez-vous réguliers pour faire le point des transformations, améliorer les propositions des uns et des autres, et examiner le déploiement des technologies en fonction de l’innovation, de la baisse des coûts et de la coopération internationale.

L’accord doit en outre être solidaire. Les pays les plus pauvres sont aussi les plus affectés par le changement climatique. Lors de la réunion du 23 septembre, tous les responsables politiques ont évoqué les impacts du changement climatique qu’ils commencent à observer dans leur pays, pas seulement le Bangladesh, mais aussi l’Éthiopie, le Maroc, les petites îles ou les États-Unis.

L’accord doit « mettre sur les rails » une politique de décarbonation des économies susceptible de limiter – puisqu’il n’est pas possible de les éliminer – les effets du changement climatique.

L’accord intervient entre les États mais – c’est au moins aussi important – les sociétés civiles doivent être convaincues que l’avenir passe par une économie différente.

De nombreux acteurs peuvent s’engager aux côtés des gouvernements pour soutenir cette vision nouvelle parmi lesquels les collectivités locales et les entreprises. Les acteurs non gouvernementaux doivent être mobilisés pour appuyer et mettre en œuvre l’accord. C’est le sens de l’Alliance pour le climat que nous souhaitons promouvoir.

Quelle que soit la forme qu’il prendra, l’accord va définir des règles et fixer des points de rendez-vous pour réévaluer et corriger les trajectoires. Parallèlement, les États vont présenter pour la période qui va débuter – l’Union européenne a proposé 2030 comme horizon – leur contribution nationale. Nous espérons les avoir rassemblées au premier semestre 2015, si possible au premier trimestre.

Le premier signal tient à la conclusion d’un accord. Le deuxième signal réside dans l’engagement des pays à proposer un plan en faveur du climat pour 2025-2030 qui se décline en diverses politiques : la politique climatique mais aussi la fiscalité pour ceux qui vont utiliser des instruments comme la taxe carbone, les marchés carbone, les transports publics ou encore les innovations technologiques. Pour chaque État, il y a d’une part, les engagements pris au regard des pairs de la communauté internationale en matière de réduction des émissions et d’autre part, le corps de politiques déployées. C’est très important pour les acteurs économiques.

Lorsque les pays auront annoncé leurs objectifs en matière d’énergie propre ou d’énergies renouvelables, cela enverra un signal considérable aux marchés. Le pourcentage de véhicules électriques ou propres, l’intensité de l’effort dans les transports publics, la part d’énergies renouvelables, le nombre de bâtiments à énergie positive sont autant d’éléments susceptibles de redessiner les marchés mondiaux, de renseigner les acteurs économiques et de les rassurer.

L’accord doit s’accompagner d’un volet financier. Le Fonds vert a connu, il est vrai, un lent démarrage à New York. Nous attendons des annonces plus positives pour la fin du mois de novembre à Berlin. Réunir 7 milliards de dollars sur les 10 que nous escomptons au total serait un signe positif. Mais nous savons que certains États ne s’acquitteront de leur contribution que début 2015.

Parallèlement, il nous faut adresser des signaux économiques différents aux marchés financiers. En permettant aux marchés de mieux identifier les investissements dans les infrastructures énergétiques, l’efficacité énergétique, ou les transports publics, on peut espérer réduire la prime de risque qui pèse sur le coût des emprunts pour les pays désireux de s’engager dans la transition énergétique.

L’effort d’aide publique doit être adossé à une réforme progressive des signaux adressés aux marchés financiers pour que les investissements se reportent sur une économie sobre dès l’année prochaine. La France entend porter cette question au sein du G20 et auprès des banques multilatérales.

Quant à la contribution des acteurs non gouvernementaux, la grande innovation de cette négociation sur le climat réside dans l’idée que ces derniers ont leur mot à dire. Jusqu’à présent, il n’y avait pas d’espace pour ceux qui sont sur le terrain.

Dès Lima, nous espérons obtenir la création d’une plateforme pour donner, après 2020, une voix au chapitre aux collectivités, aux entreprises innovantes et aux institutions internationales. Cette plateforme leur permettrait de rapporter leurs efforts en faveur de la transition. Elle sera à la fois un lieu de démonstration et d’engagement.

Les gouvernements prendront des engagements et se reverront régulièrement – nous espérons tous les cinq ans – pour faire le point et examiner les solutions afin d’améliorer les propositions de chacun car le chemin à parcourir pour limiter la hausse des températures reste long. Les collectivités et les entreprises feront également tous les cinq ans le bilan de leur action et se projetteront dans l’avenir.

L’accord doit être porteur d’une vision partagée de l’avenir et d’une méthode pour faire converger les anticipations. Il s’apparente à une prophétie auto-réalisatrice.

Quant à l’agenda des solutions, on observe une mobilisation des acteurs économiques sans précédent.

Je souhaite conclure en montrant que nous avons beaucoup plus de chances de réussir qu’à Copenhague, en dépit des risques nombreux.

La plupart des pays sont infiniment mieux préparés qu’en 2009. Je pense en particulier aux pays émergents, notamment la Chine. Il y a un travail parlementaire considérable à faire avec la Chine. 2009 a été un choc, choc politique de la confrontation du vieux monde des pays développés avec les pays émergents, mais aussi choc pour les émergents dont la prise de pouvoir coïncidait avec de nouvelles responsabilités mondiales : la Chine est le premier émetteur de gaz à effet de serre ; d’ici à 2030, elle sera probablement le plus grand pays responsable des émissions globales.

Ce choc était dépourvu de solution politique. Mais, depuis 2009, de nombreux pays ont réfléchi à la transformation de leur économie. La préparation est importante dans les pays émergents et un changement est à l’œuvre aux États-Unis.

Même si les élections n’ont pas été favorables à l’administration qui essaie de faire des efforts aujourd’hui, nombre d’États américains ont pris le chemin de la décarbonation de l’économie, pas seulement la Californie : les énergies renouvelables, l’amélioration des réseaux, les réseaux intelligents, les bâtiments à énergie positive se répandent avec un souci croissant de l’impact du changement climatique.

Le degré de préparation est donc sans précédent.

Des pays, qui s’étaient par le passé retrouvés sur une ligne défensive comme l’Inde, la Chine, le Brésil et l’Afrique du Sud commencent à diverger : l’Afrique du Sud et le Brésil penchent pour une bonne solution en 2015, l’Inde s’interroge sur la conduite à tenir et la Chine est décidée à avoir un accord à Paris. Le paysage politique a beaucoup changé ce qui me fait penser que les grands pays souhaitent arriver à un accord en décembre 2015. Tout l’enjeu est de conclure un accord, non pas au rabais, mais qui indique la direction.

On sait que cet accord ne donnera pas la solution pour respecter la limitation de la hausse à deux degrés Celsius en 2015 car les contributions des pays ne seront pas dès à présent à la hauteur de ce qu’il faut faire. Les émissions mondiales devraient déjà avoir commencé à diminuer. En revanche, nous devons nous entendre sur un cadre de discipline pour les pays, des solutions et une feuille de route. Il faut qu’à l’issue de la conférence de Paris, un plan ait été établi pour revenir à deux degrés, un plan partagé par les gouvernements, les collectivités et les entreprises, même si ce plan dessine une trajectoire qui fait l’objet de rendez-vous tous les cinq ans pour s’assurer qu’elle est respectée.

L’annonce européenne, qu’on aurait pu rêver plus ambitieuse, a eu un effet très positif vis-à-vis de nos partenaires. Nous sommes les premiers à afficher un chiffre ambitieux de réduction des émissions. Malgré la récession qui l’affecte, l’Europe affirme sa croyance dans une économie sobre en carbone. Le travail de mise en œuvre de ce paquet européen est très important. On le sait, celle-ci est conditionnée à la conclusion d’un accord international en 2015. Mais c’est très bien ainsi : l’Europe montre qu’elle considère unilatéralement que la transition écologique est bonne pour elle et, en même temps, elle envoie un signal très positif à tous les pays qui doutent encore.

Il faut vaincre deux doutes : le premier, est-ce qu’on peut le faire, est-ce que nos sociétés sont prêtes à le faire ? À cet égard, plus on observe les pays se préparer à le faire, plus le doute se dissipe. Second doute, est-ce que les autres vont le faire ? Ce doute est précisément plus facilement dissipé aujourd’hui car nombreux sont les pays à souhaiter aboutir en décembre face à un risque climatique qui n’a jamais été autant appréhendé, on l’a vu le 23 septembre.

M. Jean-Pierre Dufau. Vous avez rappelé le choc qu’a représenté l’échec de Copenhague pour souligner que le changement du modèle de développement n’est plus une hypothèse mais une nécessité. Vous proposez une évolution dans notre conception du développement qui est presque une révolution.

Nous connaissons les objectifs scientifiquement établis. Vous êtes enthousiaste sur la dynamique, la nouvelle gouvernance et l’agenda de solutions. Vous estimez que l’ensemble des responsables, en insistant sur les acteurs non gouvernementaux, vont tirer dans le même sens pour définir des objectifs et se donner les moyens concrets de les atteindre.

À ce jour, les pays émergents n’ont pas manifesté la prise de conscience que vous escomptez. On peut être dubitatif sur votre optimisme d’autant que pour un certain nombre de pays, le problème climatique s’ajoute à d’autres problèmes à régler comme l’insuffisance alimentaire ou la pauvreté qu’ils n’hésiteront pas à ériger en priorité.

Sur l’agenda des solutions, vous insistez sur la nécessaire mobilisation des acteurs économiques en faveur de la transition énergétique. Pouvez-vous préciser comment vous entendez faire comprendre aux marchés financiers que c’est l’intérêt commun ?

Pour que Paris 2015 soit un succès, vous parlez d’un accord-cadre accompagné de mesures concrètes. Comment sera assuré le suivi de ces mesures ? Peut-on envisager la mise en place de sanctions ?

M. Arnaud Leroy. Je vous remercie pour cette présentation claire et pragmatique. Le pragmatisme est en effet la bonne manière d’aborder les négociations climatiques.

Le prix carbone est une question importante qui nous préoccupe aussi au niveau européen. Si on peut saluer le paquet énergie climat, on peut aussi s’interroger sur le choix qui a été fait de mettre l’accent sur le système de l’échange de quotas avec une certaine faiblesse, à savoir une distribution de quotas trop généreuse. Il nous faut avancer sur cette question. L’agenda des solutions est conditionné à un accord sur un prix carbone raisonnable qui donne de la visibilité aux entreprises et à ceux qui développent des technologies propres. Ces dernières restent plus chères et ne deviendront rentables qu’avec un prix du carbone faisant sens, au-delà des cinq euros d’aujourd’hui.

La question de la gouvernance est décisive. Comment orchestrer le contrôle sur les contributions proposées par les États ? Doit-on convaincre l’Agence de l’énergie d’être le pivot du contrôle – le MRV pour Measurement Reporting and Verification selon la terminologie onusienne – ou créer une nouvelle institution ?

Les pays sont préparés, c’est un fait. Tous les États ont adopté des législations nationales, plus ou moins ambitieuses, sur lesquelles le prochain accord doit impérativement s’appuyer.

Dernier point, sur le plan budgétaire, au-delà du financement du Fonds vert, je m’interroge sur l’opportunité de flécher dans les budgets des États qui le peuvent, notamment européens, une somme conséquente pour les affaires climatiques. Comment discuter de cet aspect à l’échelle européenne, en permettant par exemple de soustraire ces dépenses au cadre maastrichtien ?

M. Bernard Deflesselles. Au lendemain de la publication du cinquième rapport du GIEC, chacun a bien compris les objectifs, vous les avez rappelés : augmentation limitée à deux degrés et diminution de moitié des émissions.

Le rapport rappelle, d’une part, qu’à 95 % nous avons la certitude que l’activité humaine est responsable des désagréments et, d’autre part, que l’augmentation de la température pourrait atteindre 4,5 à 4,8 degrés à la fin du siècle. Il pointe également la montée des océans, les bouleversements touchant à la sécurité alimentaire, santé, les déplacements de population.

Bref, tout est sur la table. Les scientifiques ont fait le job. Il appartient aux politiques et aux États de faire le leur.

Je retiens deux sujets clés. Le premier tient à la nature de l’objet juridique qui sera négocié en 2015 à Paris : sera-t-il contraignant ou pas ?

Avec le recul dont nous disposons, il paraît difficile de reproduire ce qui s’est passé avec le protocole de Kyoto dont la mise en application est intervenue huit ans après la signature en raison des délais de ratification. Le nœud gordien est là : quel objet juridique peut-on mettre sur la table sachant que quelques grands pays comme les États-Unis, l’Inde ou la Chine, ne veulent pas s’embarquer dans une nouvelle aventure ?

En outre, en matière de contrôle – non pas au sens de contrainte mais plutôt du MRV du système onusien –, comment voyez-vous les choses sachant que la Chine et les États-Unis n’ont pas envie qu’on s’ingère dans leur feuille de route ?

En voyageant, on se rend compte que tous les pays préparent une feuille de route car tout le monde a pris conscience du problème. Mais lorsqu’on consolide ces feuilles de route, on est très loin d’une augmentation limitée à deux degrés.

Deuxième sujet clé, l’état des négociations internationales. L’Europe pèse 12 % des émissions. Elle vient de faire un effort extraordinaire avec le nouveau paquet énergie climat.

Dans le même temps, les émissions représentent aux États-Unis, 17 tonnes par habitant et en Chine, 6 tonnes par habitant, soit l’équivalent de la France, mais avec 1,35 milliard d’habitants. Rien ne peut se faire sans eux et ils se tiennent par la barbichette. Pouvez-vous décrypter ce qui peut se passer avec la Chine et les États-Unis ? Les résultats des élections de midterm ne sont pas une bonne nouvelle, le président Obama est pris dans les filets du Congrès. On se rappelle que le président Clinton a été désavoué par le Congrès après avoir signé le protocole de Kyoto. Que peut faire Obama aujourd’hui ? Il essaie de contourner le Congrès en passant par la voie réglementaire mais le dernier mot revient aux États.

Ce sont les deux nœuds gordiens : le caractère contraignant de l’objet juridique et l’état des relations internationales. Outre la Chine et les États-Unis, qui sont les acteurs clés, il ne faut pas oublier l’Inde qui, malgré une évolution, reste réticente à un accord international contraignant, mais aussi le Brésil ou le G77 dont la position est évanescente.

Il ne vous reste plus qu’à négocier, madame l’ambassadrice.

M. Bertrand Pancher. Je dois sans doute manquer d’intelligence (Murmures sur divers bancs) mais, plus je réfléchis et moins je comprends pourquoi, face aux défis qui nous menacent, personne ne songe à remettre en cause notre modèle de développement. Tout se passe comme si au lieu de changer le moteur nous accélérions pour foncer dans un mur. Je ne comprends pas.

D’autant que les défis que nous avons à relever ne suscitent plus de controverse. Le dernier rapport du GIEC indique clairement qu’à ce rythme-là, l’augmentation de la température sera de quatre degrés à la fin du siècle. Les conséquences seront sans aucune mesure avec les drames que nous avons connus dans notre histoire.

Trois questions. Premièrement, au plan national : comment expliquez-vous la phobie environnementale qui nous affecte tous ? Nous sommes capables de grandes et belles déclarations à Paris mais, de retour dans nos territoires, nous nous dérobons à la contrainte, nous devenons les fossoyeurs de la fiscalité environnementale et les défenseurs de la déréglementation.

Deuxièmement, au plan européen, je me félicite des dernières avancées même si les chiffres annoncés ne sont pas à la hauteur des ambitions. Quelle analyse faites-vous du refus de l’Union européenne de se doter de mécanismes de régulation, au premier rang desquels les certificats d’économies d’énergies qui sont pourtant le seul instrument utile ? Au plan extérieur, pourquoi abandonnons-nous l’idée d’une régulation environnementale aux frontières de l’Europe ? Nous sommes encore la première puissance économique mondiale, nous avons la possibilité de réguler l’économie mais nous ne faisons rien : ainsi sommes-nous les premiers responsables du drame qui s’annonce.

Troisièmement, au plan international, comment désamorcer le choc Nord-Sud ? Les pays en voie de développement disent à juste titre : à vous de faire des efforts, vous qui avez pollué. Mais où sont les contreparties, combien de promesses non tenues depuis Copenhague ? Va-t-on enfin aller de la coupe aux lèvres ?

Les pays industrialisés n’auront pas atteint le seuil de réduction de 20 % des émissions en 2020 alors que les experts du GIEC s’accordent désormais sur une fourchette de 25 à 40 % pour atteindre l’objectif.

M. Patrice Carvalho. Nous vous auditionnons un an avant le sommet de Paris alors que le cinquième rapport du GIEC vient d’être publié. Ce rapport comporte des éléments de confirmation et des données nouvelles. La responsabilité des activités humaines dans le réchauffement climatique, de « probable » à « très probable », est passée à « extrêmement probable ». Quatre scénarios sont élaborés ; le plus probable est aussi le plus pessimiste qui table sur une poursuite des émissions actuelles de gaz à effet de serre.

Je relève quelques autres éléments nouveaux : la hausse du niveau des mers pourrait être plus importante que prévue ; des événements climatiques extrêmes plus intenses et plus fréquents pourraient intervenir ; depuis 30 ans, chaque décennie a été significativement plus chaude que la précédente.

Bref, seul un scénario de réduction des émissions est en mesure de maintenir la hausse des températures sous le seuil des deux degrés, ce qui implique de réduire nos émissions de 10 % par décennie.

Tel est l’enjeu majeur de la conférence de Paris en 2015. Elle est censée aboutir à un nouvel accord international sur le climat applicable à tous les pays qui entrera en vigueur en 2020. Ces derniers sont au nombre de 195, signataires de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

L’intérêt de lutter contre le réchauffement climatique est commun à tous. Pour autant, les intérêts d’États n’en sont pas moins divergents.

Les pays les plus développés ont apporté leur lot au dérèglement climatique mais une prise de conscience a commencé à s’opérer, avec de grandes inégalités. Les pays émergents, quant à eux, vivent souvent les exigences environnementales comme des contraintes et des freins à leur développement. Leur engagement est donc loin d’être acquis.

Le sommet de Paris est un vrai défi. On assiste à un bras de fer entre les grands émergents – Chine et Inde – l’Union européenne et les États-Unis. J’ai pu le constater lors du sommet de Varsovie auquel je participais en novembre 2013.

Si nous ne voulons pas que les pays émergents déploient, comme nous l’avons fait, un mode de développement productiviste et énergivore, il faut les y aider. C’était l’idée du Fonds vert pour le climat décidé au sommet de Copenhague en 2009 et crée en 2010 par les accords de Cancun. Il s’agit de financer la transition des pays en développement vers un modèle sobre en carbone. Ce fonds devrait mobiliser, à partir de 2020, 100 milliards de dollars par an. Les chefs d’État et de Gouvernement s’étaient engagés, en 2009, à fournir 30 milliards de dollars. Mais tout cela peine – c’est le moins que l’on puisse dire – à se mettre en place.

Avez-vous des éléments sur la place que prendra cette question décisive au sommet de Paris ?

M. Noël Mamère. Je suis rassuré quand je vous entends, madame Tubiana, mais je le suis beaucoup moins quand je vois la réalité. Car nous ne parviendrons pas à contenir à 2° C le réchauffement climatique si nous ne changeons pas de mode de développement, de mode de vie et de mode de pensée. La question se joue au niveau international, au niveau européen, mais aussi au niveau national. Or, en France, nous restons loin des engagements pris sur les énergies renouvelables à l’horizon 2020.

Deux cultures, deux visions du monde se font face, entre lesquelles une passerelle devra être jetée. D’un côté, le productivisme compte, pour vivre mieux, sur le maintien du statu quo et sur une croissance du type de celle des Trente glorieuses. De l’autre côté, la notion de « bien commun » s’impose de plus en plus, dans une perspective de respect de l’environnement et de la condition humaine.

En Amérique latine, les mouvements de lutte contre l’extractivité visent à protéger les ressources premières de la vie. Le même phénomène s’observe en Afrique. En France, les syndicalistes agricoles eux-mêmes peuvent accaparer les terres et diminuer la souveraineté alimentaire des paysans.

Pour tenir nos engagements, nous devons changer de logiciel, en instituant une fiscalité écologique, fondée sur le principe du pollueur-payeur, que la France continue de refuser. Quant à l’Europe, certes elle a pris des engagements, mais elle ne rejette que 13 % des gaz à effet de serre émis au niveau mondial. Pendant ce temps, le Japon, la Nouvelle-Zélande et la Russie ont abandonné le protocole de Kyoto.

Hier encore, au Canada, le Président de la République exaltait l’extraction des sables bitumineux. La tendance à favoriser des modes de vie dévastateurs pour la planète ne se dément pas, comme le montre le débat sur les gaz de schiste. Sortir de l’âge carboné est indispensable pour contenir à 2 °C le réchauffement climatique. Ce n’est pas faute de pierre que l’âge de pierre s’est effacé devant l’âge de fer, mais du fait d’une évolution anthropologique.

Mme Geneviève Gaillard. Certes, l’alliance pour le climat regroupe des acteurs non gouvernementaux ; une plateforme de démonstration et d’engagement réunira les collectivités et les entreprises soucieuses d’agir contre le réchauffement ; un agenda positif de solutions sera défini. Mais, à l’heure où prévaut le travail dans l’immédiateté, la mise en œuvre d’un projet de long terme ne passe-t-elle pas par une mobilisation des acteurs territoriaux ? Les documents territoriaux ne devraient-ils pas inclure obligatoirement des objectifs de nature climatique ?

M. Martial Saddier. La France figure plutôt parmi les bons élèves en matière climatique, puisqu’elle a réduit de 6,6 % entre 1990 et 2010 ses émissions de gaz à effet de serre. Elle ne rejette plus aujourd’hui que 1 % des gaz à effet de serre émis au niveau mondial, alors que son économie correspond à 4 % du PIB mondial.

Mais les efforts actuels ne permettent cependant pas d’espérer la baisse de 70 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre entre 2010 et 2050 seule à même de contenir à 2° C le réchauffement de la planète. L’accord du Conseil européen ne fixe pas de critères contraignants. Un plan à l’échelle mondiale ne pourra être au mieux établi que l’an prochain. Dans ces circonstances, et vu les conditions économiques actuelles, comment les objectifs climatiques peuvent-ils encore être atteints ?

M. Yannick Favennec. Selon le rapport du GIEC, les températures se seront élevées de 4° C à l’échelle planétaire d’ici à 2100. Par suite, le niveau des mers montera, les rendements agricoles s’affaisseront et l’eau deviendra une ressource plus rare. Comment faire pour changer les mentalités des populations ? Selon un expert de l’IRIS, les chiffres ne parviennent pas par eux-mêmes à frapper l’opinion. Tant que les effets du changement climatique ne seront pas perceptibles, les obstacles à la compréhension ne seront pas totalement levés, car c’est le ressenti qui est primordial. Alors que seuls nos descendants verront éventuellement le profit de l’action climatique, ne faut-il pas diffuser mieux les résultats du GIEC en les reliant à des problématiques de la vie quotidienne – pêche, tourisme, agriculture, santé ?

Mme Cécile Duflot. Il me semble que la mobilisation citoyenne constitue la clef de l’action climatique, au-delà des accords entre États. De nombreux collectifs de jeunes se sont déjà formés. Comment imaginez-vous la mobilisation de la société civile au niveau mondial ? Comment pourra-t-elle fournir un appui en vue de la conclusion d’un accord sur le climat, mais aussi dans la perspective de sa bonne mise en œuvre ?

M. Jean-Yves Caullet. Je voudrais insister sur le secteur particulier de la biomasse. Car toutes les formes de décarbonation ne se valent pas, de même qu’il ne faut pas confondre le carbone de stock et le carbone renouvelable. La forêt se renouvelle et le bois stocke le carbone. Une politique ambitieuse de la biomasse forestière pourrait faire converger États et collectivités vers ce secteur, où des investissements qui seraient de l’ordre de 100 ou 150 millions d’euros en France apparaissent négligeables si on les compare avec les avantages qu’ils pourraient produire, en matière de renouvellement de la forêt, notamment. Quel cadre imaginez-vous pour aller dans ce sens ?

Une diplomatie forestière ne peut-elle voir le jour, qui regroupe les grands et petits États concernés, en vue d’optimiser l’exploitation de cette ressource pour le plus grand bénéfice de l’environnement et de l’économie ?

M. Yves Albarello. L’Europe, bonne élève en matière climatique, traverse cependant une crise. Comment sa politique climatique est-elle susceptible de l’en faire sortir ? Doit-elle emprunter plutôt la voie de la fiscalité ou celle de l’investissement ?

M. François-Michel Lambert. Le danger climatique ne représente qu’un péril parmi tant d’autres, tels que la pénurie alimentaire, la raréfaction des ressources ou encore les choix hasardeux en faveur du nucléaire. Que l’avenir appartienne à une économie différente a été assez dit. Il faut définitivement sortir de l’idée que l’énergie fossile est abondante. Loin des gaspillages, l’humanité urbaine doit s’orienter vers une économie circulaire où la biodiversité est à conquérir et à conserver. Les pistes sont très nombreuses. Mais comment sera-t-il possible de les coordonner ?

Mme Sophie Errante. Au titre de la commission du développement durable, je suis rapporteure d’une mission d’information parlementaire sur les conséquences des changements climatiques en France. Mais nous avons déjà évoqué le rôle des parlementaires. L’article 6 de la convention cadre des Nations unies prévoit la participation de tous à son action, comme l’a évoqué notre collègue Cécile Duflot. Quel regard portez-vous sur l’initiative World Wide Views on Climate and Energy, débat citoyen planétaire qui rassemble 10 000 personnes ? Une consultation sera organisée le 6 juin 2015, au cours de laquelle les participants exprimeront leur avis sur trente questions. D’autres initiatives de ce genre sont-elles à signaler ?

M. Michel Terrot. Le dernier rapport du GIEC fait état de prévisions pessimistes, selon lesquelles les températures augmenteraient de 5° d’ici à 2100, entraînant une augmentation du niveau de la mer d’un mètre. Or, dans la région Nord-Pas-de-Calais, une augmentation de 80 centimètres de ce niveau bouleverserait déjà la vie d’un demi-million d’habitants. Comment faire face aux conséquences de ce phénomène ?

M. Jean-Marc Germain. Madame l’ambassadrice, je vous souhaite le plein succès dans vos fonctions. Vous avez évoqué l’instauration d’une politique de l’environnement, mais où en est l’agence environnementale de niveau mondial proposée par le Président de la République ? À défaut de Conseil de sécurité climatique, peut-être une telle organisation pourrait-elle regrouper au moins les États qui y sont favorables. Alors que la Banque mondiale est chargée de coordonner les efforts des banques régionales de développement, parvient-elle à les orienter dans un sens favorable aux investissements écologiques ? À la conférence de Paris l’an prochain, préférerez-vous un accord a minima à une absence d’accord ?

M. Jean-Marie Sermier. Nous menons aujourd’hui un débat essentiel, à l’heure où la planète commence pour ainsi dire « à prendre feu ». Nous partageons des objectifs communs, mais je n’ai pas bien compris comment nous parviendrons à changer le cours des choses. Dans l’immédiat, ne faudrait-il pas privilégier l’emploi d’énergie décarbonée, tel le nucléaire, en considérant qu’il représente un péril moindre que le péril climatique ?

M. Gérard Sebaoun. Le secteur des transports, notamment le secteur des transports aériens, connaît une forte croissance. Il rejettera 625 millions de tonnes de carbone en 2020, sans doute le double en 2036, et le quadruple ou le sextuple en 2050. Les systèmes d’échanges régionaux de permis d’émission se sont heurtés aux réticences des compagnies non européennes. L’Organisation de l’aviation civile internationale a récemment fait plier l’Union européenne sur un projet de réduction à l’horizon 2020. N’est-ce pas un mauvais signal en amont de la conférence de Paris ?

M. Jacques Kossowski. En Chine, en Europe, aux États-Unis, des marchés du carbone existent, mais ils ne sont pas coordonnés et concernent seulement 7 % des rejets de gaz à effet de serre, même s’ils pourraient bientôt s’étendre au Brésil ou à la Turquie. Il faut éviter de reproduire l’expérience désastreuse qui a suivi la conférence de Kyoto. Peut-on attendre de la conférence de Paris des avancées, en particulier l’émergence d’un marché du carbone à l’échelle mondiale ?

Mme Suzanne Tallard. À 400 jours du début de la conférence, la France a le devoir d’être exemplaire par la mobilisation des acteurs non gouvernementaux. Quelles sont les initiatives déjà prises ou encore à prendre pour impliquer le monde économique, le monde éducatif et les collectivités locales ? Est-ce qu’une taxation ambitieuse des transactions financières est envisagée pour constituer une recette pérenne du Fonds vert pour le climat ?

M. Guillaume Chevrollier. Madame l’ambassadrice, vous avez été nommée représentante spéciale pour la conférence de Paris 2015 par Laurent Fabius, qui vous a chargé, par lettre de mission, de mobiliser tous les acteurs pour porter un agenda positif destiné à montrer que non seulement la lutte contre le dérèglement climatique est indispensable, mais qu’elle peut aussi apporter des bénéfices majeurs en termes de croissance, d’emploi et de qualité de vie. À ce titre, votre rôle est très important, car il est impératif de relier les considérations environnementales aux données économiques. Saurons-nous proposer à nos concitoyens un projet entraînant – et pas seulement contraignant – pour eux, en soulignant les retombées économiques positives de l’action pour le climat ?

M. Jean-Louis Bricout. À l’heure de la crise en Ukraine, l’interconnexion des réseaux européens est un enjeu essentiel pour assurer la sécurité énergétique. Au niveau européen, l’Espagne et le Portugal en ont fait une condition sine qua non de leur engagement en faveur de l’action climatique. Quelle est votre réponse en face de ce contexte politique particulier ? En outre, quels enseignements tirez-vous du projet de loi relatif à la transition énergétique récemment examiné en première lecture par l’Assemblée nationale ? Enfin, comment mobiliser la jeunesse sur les enjeux climatiques, pour qu’elle les fasse aussi partager aux adultes ?

M. Jacques Myard. Si nous sommes d’accord sur l’objectif assigné à la conférence de Paris, je suis étonné de son coût, car la venue de 20 000 experts coûtera 160 millions d’euros. Y recherchera-t-on un accord contraignant ? Cette démarche me paraît vouée à l’échec. À Helsinki, des avancées avaient été réalisées grâce à un engagement politique non contraignant ; la formule ne doit donc pas être écartée a priori. La France adopte une attitude paradoxale en refusant l’énergie nucléaire ou les barrages hydrauliques tout en voulant s’engager dans l’action climatique. Quelle est au fond la position de notre pays ? Enfin, pensez-vous que le Fonds vert pour le climat pourra être alimenté par des droits de tirage spéciaux ?

Mme Sylviane Alaux. Les mots que nous avons entendus tintent positivement à nos oreilles, tout en étant empreints de réalisme. La nécessité de décarboner doit en effet nous pousser à dépasser le cadre strictement national du débat. Mais ces bonnes intentions sont fragiles, si l’on songe à leur possible mise en œuvre dans les pays en voie de développement. Comment ceux-ci pourront-ils fournir les efforts nécessaires alors qu’ils peinent déjà à se bâtir une économie pérenne ? Dans l’agenda des solutions que vous évoquez, un rôle spécial est-il imparti aux pays développés pour qu’ils accompagnent la démarche des pays en voie de développement sur la voie du respect des préconisations de décembre 2015 ?

Mme Sophie Rohfritsch. Nous abordons un sujet en effet essentiel. En attendant un accord entre les gouvernements, prend-on déjà en compte les conséquences du réchauffement sur la production agricole, alors que la FAO prévoit que les besoins alimentaires, pour des raisons démographiques, augmenteront de 60 % d’ici à 2050 ? Le dérèglement climatique affecte déjà l’arboriculture, la céréaliculture et l’élevage, mais provoque aussi une acidification des océans dangereuse pour les poissons. Est-ce pris en compte au niveau européen ?

M. Gilles Savary. Pour changer les comportements, il faut en effet changer de modèle économique. Au cours d’un déplacement récent en Chine, j’ai pu observer comment y émerge un nouveau modèle de mobilité. Puisque l’altruisme n’est pas l’une des premières valeurs anthropologiques, puis-je vous demander si la question démographique est taboue ? La croissance de la population mondiale, qui pourrait atteindre dix à onze milliards d’habitants d’ici à la fin du siècle, constitue un choc écologique majeur. La population humaine n’est-elle pas devenue une population invasive pour la planète, qui fait obstacle aux efforts déployés contre le réchauffement de la planète ?

M. Michel Heinrich. Mon collègue Jean-Yves Caullet a déjà abordé la question de la biomasse sur laquelle je souhaitais également vous interroger. J’attendrai donc la réponse.

Mme Françoise Dubois. Hier, dans l’hémicycle, j’ai interrogé la ministre de l’écologie sur le rapport de synthèse du GIEC, sur l’organisation de la conférence de Paris et sur les perspectives de la lutte contre le réchauffement climatique. Pour contenir la montée des températures à seulement 2 °C supplémentaires, il faut espérer, à mon sens, un accord mondial contraignant qui inclue les États les plus pollueurs. D’ici là, comment évoluent les pourparlers en amont de la conférence de Lima qui se tiendra le mois prochain ? Quels résultats sont-ils attendus ?

M. Philippe Plisson. Ayant présidé la commission de préfiguration du Conseil national de la transition énergétique, considérez-vous que le projet de loi sur la transition énergétique, tel qu’il a été adopté, répond à l’enjeu climatique ?

Les réactions les plus contradictoires se sont fait entendre à l’issue du Conseil européen consacré à l’action climatique. Tandis que les gouvernements applaudissaient, les organisations non gouvernementales étaient consternées. En matière de lutte contre le réchauffement, les États adoptent souvent une attitude schizophrène, puisqu’ils mêlent aux vœux en faveur de l’action climatique des incantations en faveur de la croissance. Est-ce hypocrisie, incompétence ou lâcheté face au chantier d’une révolution de notre société qu’une autre orientation induirait ?

M. Yves Nicolin. Madame l’ambassadrice, vous occupez une multitude de fonctions, puisque vous êtes représentante spéciale pour la conférence de Paris 2015, que vous présidez l’Agence française de développement et que vous siégez dans un certain nombre de conseils. À l’heure où un parlementaire ne peut même plus être maire d’une commune de 200 habitants, ce cumul est-il bien raisonnable ? (Murmures sur divers bancs)

Mme Chantal Guittet. L’enjeu principal de la conférence de Paris sera de définir des objectifs communs à tous les pays. Mais quelle sera la nature de ces engagements ? Il conviendra d’en assurer la traçabilité et le suivi grâce à des instruments internationaux. L’énergie faisait partie des grandes absentes au nombre des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), et il faut espérer qu’elle fera partie des objectifs de développement durable (ODD) pour l’après-2015. Loin des recoupements entre agendas qui peuvent nuire à l’efficacité de l’action climatique, n’est-ce pas une approche transversale qu’il faut privilégier ? Que pensez-vous des initiatives récentes en faveur d’une énergie durable pour tous, qui garantisse à chacun une vie digne ?

M. William Dumas. Le gaz de schiste est souvent présenté comme une source d’autonomie énergétique. Mais, dans les Cévennes, où je suis élu, le territoire est classé au patrimoine mondial de l’Unesco et l’exploitation des gisements serait une catastrophe d’un point de vue touristique. Que pensez-vous de cette perspective ?

Mme Laurence Tubiana. Si j’avais le moindre doute sur le degré d’implication ou le niveau de connaissance des élus en matière de réchauffement climatique, je crois que cette série de questions l’auront définitivement dissipé. Je regrouperai les questions pour y répondre.

Un plan d’action climatique ambitieux peut-il être adopté pour introduire de nouveaux comportements ? Pourquoi ce succès pourrait-il être enregistré maintenant, même si tout le monde s’accorde sur la nécessité de changer ? À l’heure actuelle, des acteurs économiques et politiques conçoivent déjà le changement, dans des régions aux niveaux de développement aussi différents que la Californie, le Kenya ou encore l’Éthiopie, où le Gouvernement s’est récemment engagé à parvenir à la neutralité carbone en 2025.

Un effet de masse apparaît ainsi progressivement. Le récent prix Nobel d’économie Jean Tirole a, comme d’autres, travaillé sur les anticipations des marchés, en montrant que les marchés sont dirigés par une forme de psychologie. Les attentes des acteurs évoluent jusqu’au moment où la minorité cesse d’en être une pour déterminer à son tour l’opinion majoritaire (mainstream). En Chine même, des débats très intenses ont lieu au sein du parti communiste, comme je peux m’en rendre compte lors de mes fréquents déplacements dans ce pays.

Au cours de la semaine des énergies renouvelables organisée à Abu Dhabi, ce ne sont pas des petites et moyennes entreprises, mais de grandes sociétés pétrolières qui présentent leurs projets. Un noyau économique se constitue ainsi depuis dix ans. Le patron de Tesla, Elon Musk, a récemment donné accès à ses brevets gratuitement car il a besoin d’un grand marché des véhicules électriques pour développer son entreprise. De son côté, Michael Bloomberg a également fait paraître un rapport sur le risky business, tandis que le patron d’Unilever se retirait de BusinessEurope au motif que ce groupe est trop frileux quant à sa vision de l’avenir. Ces responsables, dont les anticipations convergent et qui sont animés par la recherche du profit, pensent aux marchés de demain.

Quant aux aspects financiers, il faut agir pour que l’économie décarbonée soit plus avantageuse que les secteurs qui reposent sur les centrales à charbon. Or la perception financière évolue, tant chez les gestionnaires de fonds de pension, chez les assureurs ou dans les banques commerciales telle la Bank of America. Car un risque carbone émerge, qui s’analyse comme une anticipation de standards et de normes nouveaux qui coûteront cher aux secteurs anciens.

L’agence de notation financière Standard&Poor’s vient d’introduire ce risque dans sa grille d’évaluation des portefeuilles. Distinct du risque carbone, le risque climatique prend quant à lui en compte l’évolution du climat et ses conséquences, ainsi que le coût des investissements nécessaires pour y faire face. Il faut miser sur cette évolution. La Banque mondiale et les institutions financières s’emploient ainsi à diminuer le coût des obligations vertes. Car l’accès à un capital bon marché est un enjeu primordial et une évolution en ce domaine peut entraîner des États comme la Pologne à adopter d’autres positions.

La politique commerciale fournit également des leviers d’action. Les autorités chinoises commencent à prendre en compte un prix du carbone implicite dans leurs anticipations. Une taxe carbone pourrait frapper les filières de l’acier, du ciment, du verre ou encore du papier, même si l’Union européenne ne parviendrait pas arrêter une démarche commune sur ce point. La menace d’une taxe aux frontières pour les produits à forte empreinte carbone, telle qu’elle avait été agitée aux États-Unis, pèse néanmoins sur les grands pays exportateurs. Cet outil sera au demeurant fatalement utilisé si trop de divergences se font jour dans les efforts de lutte contre le réchauffement climatique.

Les relations sino-américaines sont centrales à la solution du problème au niveau mondial. La Chine continue de croître de 7 % par an, tandis que 350 millions de ses habitants attendent encore d’entrer dans l’ère de la modernité, ce qui gonflera largement sa consommation. Mais le développement côtier et le risque sanitaire induit par l’usage excessif du charbon et des automobiles font voir au gouvernement chinois le coût environnemental de cette croissance et le poussent à une réorientation. Ainsi, le 23 septembre dernier à New York, le représentant chinois a annoncé pour l’an prochain un engagement de calendrier sur une réduction absolue de la consommation carbone de son pays, alors qu’une telle déclaration aurait été hors de question en 2009.

Il faut que les deux grands émetteurs de gaz à effet de serre parviennent à s’entendre d’ici à l’année prochaine. À cet égard, contrairement aux analyses que j’ai pu avancer il y a quelques années, je pense que c’est possible car la Chine est aujourd’hui décidée à trouver un accord ; elle a besoin des États-Unis et ceux-ci ont besoin d’elle. Car ils ne peuvent, l’un et l’autre, s’engager qu’en vertu d’un parallélisme et d’une comparabilité de leurs efforts. C’est la clé de la conférence de Paris 2015. C’est notre chance de réussir. L’accord trouvé sur cette base pourra trouver de nombreuses formes différentes. Il pourra être contraignant seulement sur le plan procédural, en imposant une obligation de présenter des résultats et de se plier à des mesures de vérification. Il marquerait une première étape vers la définition de nouveaux objectifs à horizon 2050. Car la conférence de 2015 n’apportera pas de solution définitive ; il faut aspirer à ce que les États proposent d’ici à 2020 de nouveaux objectifs à plus long terme. Même si l’Union européenne veut aller plus loin encore, il serait déjà essentiel que les deux grands émetteurs acceptent une discipline minimale, que l’accord impose une méthode de travail et une clause de rendez-vous tous les cinq ans, ce qui ne fait pas encore consensus aujourd’hui.

Où en est l’Europe ? Quelle solution permettrait de sortir de la crise européenne ? Le débat est lancé, notamment parmi mes collègues économistes. Ce qui est sûr, c’est que cette solution passe par un investissement dans une économie sans grand carbone, visant à accroître l’efficacité énergétique, à transformer nos systèmes de transport et à développer les nouvelles technologies. Certes, on pourrait décider d’investir dans une économie intensive en carbone, mais ce serait aberrant, alors même qu’un extraordinaire mouvement d’innovation technologique se fait jour, comme cela ressort du débat qui a eu lieu autour du texte sur la transition énergétique. En effet, le progrès est là, et on ne peut pas concevoir que l’investissement n’aille pas dans le sens du progrès.

Avant de répondre à la question sur le cumul de mes fonctions, je ferai quelques observations sur les grands objectifs du développement durable.

On ne parle plus seulement de climat : on parle aussi de développement, et d’un développement plus sobre en matière d’utilisation des ressources naturelles. On a compris que le changement climatique avait déjà provoqué des dégâts, au point de mettre en péril des besoins fondamentaux, notamment nos besoins en eau, laquelle est indispensable à l’agriculture et à la production d’énergie – centrales nucléaires comme centrales à charbon.

À cet égard, la conférence Paris Climat 2015 constitue une chance fantastique pour nous, alors même qu’une négociation sur le développement durable et sur des objectifs beaucoup plus intégrés entre l’environnement et le développement a été engagée. Le débat Nord-Sud traditionnel est d’ailleurs en train de changer fondamentalement. Les pays les moins avancés, donc les plus pauvres, sont les plus demandeurs d’un accord solide sur le climat : d’une part, ils sont les plus impactés par le changement climatique ; d’autre part, ils considèrent que « le rêve américain, c’est le cauchemar pour le reste du monde » – pour reprendre une formule que je trouve particulièrement heureuse.

Bien sûr, il ne faut pas négliger la société civile. En septembre dernier, la manifestation sur le changement climatique a réuni 400 000 personnes à New York. En 1970, la première célébration du Jour de la terre (Earth Day), avait mobilisé 20 millions de personnes dans la rue ; elle s’était même traduite dans les politiques américaines de l’époque, qui se sont alors révélées extraordinairement avancées en matière de pureté de l’air, de conservation des ressources, de biodiversité, des parcs naturels, etc.

La mobilisation de la société civile aura lieu de toute façon. Il faut donc engager le dialogue. Cela suppose de garder le contact avec les différentes organisations, notamment avec les plus nouvelles, qui mobilisent la société civile à travers les réseaux sociaux. Je pense à la pétition sur le climat que nous avions lancée sur le web avec quelques collègues scientifiques : nous étions péniblement parvenus à 200 000 signatures, lorsque Avaaz s’en est mêlée, nous en étions à 3 millions de personnes trois jours plus tard.

Au Bourget, nous pensons construire un « village » dédié à la société civile, où chacun pourra s’exprimer – les communautés autochtones, les nombreux mouvements, etc. Mme Sophie Errante a parlé de World Wide Views on Climate and Energy, fantastique opération sur laquelle nous nous étions appuyés pour préparer le débat sur la transition énergétique, avec l’Office danois de la technologie. De la même façon, au Bourget, nous souhaitons générer les contributions citoyennes et rapporter au Gouvernement la vision des citoyens.

Le débat français sur la transition énergétique n’a pas toujours été facile, mais les contributions des uns et les autres ont révélé une fantastique vitalité. J’ai par ailleurs remarqué que beaucoup d’acteurs locaux « pensaient le long terme » – pour répondre à l’interrogation de l’un d’entre vous. De nombreux acteurs, dont les jeunes, sont en train de penser le changement.

Cela dit, j’aimerais que nous soyons plus nombreux sur le chantier. En effet, je trouve parfois que je suis trop sollicitée. Mon métier n’est pas d’être diplomate, ni de travailler au sein du Gouvernement : je suis un professeur d’université, un chercheur qui a envie de s’impliquer dans la vie publique.

Penser la transformation du monde, défendre le climat, doit relever non pas seulement des écologistes, mais de la société tout entière. Je me suis battue à Sciences-Po pour que l’on mette en place des masters de formation en développement durable, et je me réjouis d’avoir des étudiants dans plus de cinquante délégations de la négociation « climat ». J’espère toutefois que dans quinze ans, je n’aurais plus à être à la fois « au four et au moulin ».

De ce fait, j’ai été amenée à renoncer à beaucoup de choses – mes conseils dans différentes fondations où j’opère, mes cours à Columbia University, etc. – et je le regrette. Mais en janvier 2016, je « rendrai les clés » au ministère des affaires étrangères pour retrouver mes chers étudiants. Des gens plus jeunes reprendront le flambeau. Ils auront à travailler sur ce que l’on commence à reconnaître comme étant un sujet de politique publique majeure.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci infiniment, Madame, d’avoir mis votre expertise, votre compétence, votre engagement, votre militantisme au service de ce grand enjeu.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 5 novembre 2014 à 9 h 45

Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Alain Gest, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, M. Philippe Martin, M. Yves Nicolin, M. Robert Olive, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard

Excusés. - M. Jacques Alain Bénisti, Mme Chantal Berthelot, M. Vincent Burroni, M. Charles-Ange Ginesy, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, M. Franck Marlin, M. Napole Polutélé, Mme Barbara Romagnan, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville, M. Thomas Thévenoud, M. Jean-Pierre Vigier

Assistaient également à la réunion. - Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Marietta Karamanli, M. Michel Ménard, M. Philippe Noguès, M. Lionel Tardy