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Mercredi 11 février 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 30

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Table ronde sur l’élevage et l’environnement, avec la participation de M. Dominique Langlois, président d’Interbev, président de la FNICGV (Fédération des Industriels et des Commerçants de viande) et président de la SVA Jean Rozé ; M. Emmanuel Coste, éleveur ovin, président du comité d’experts « moutons » de l’office international de la viande et ambassadeur Climat à l’OIV ; M. Dominique Daul, éleveur bovin, responsable des dossiers « Environnement » d’Interbev ; M. Jean-Baptiste Dollé, chef du service environnement de l’Institut de l’élevage ; M. Arnaud Gauffier, chargé du programme « agriculture durable » à WWF France » ; M. Jean-Claude Bevillard, vice-président de France Nature Environnement en charge des questions agricoles.

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé une table ronde sur l’élevage et l’environnement, avec la participation de M. Dominique Langlois, président d’Interbev, président de la Fédération des Industriels et des Commerçants de viande (FNICGV) et président de la SVA Jean Rozé ; M. Emmanuel Coste, éleveur ovin, président du comité d’experts « Moutons » de l’Office international de la viande (OIV) et ambassadeur « Climat » à l’OIV ; M. Dominique Daul, éleveur bovin, responsable des dossiers « Environnement » d’Interbev ; M. Jean-Baptiste Dollé, chef du service environnement de l’Institut de l’élevage ; M. Arnaud Gauffier, chargé du programme « agriculture durable » à WWF France » ; M. Jean-Claude Bevillard, vice-président de France Nature Environnement en charge des questions agricoles.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mesdames, messieurs les députés, l’idée de la table ronde d’aujourd’hui est issue de la visite du salon international de l’agriculture par une délégation de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire au mois de février 2014. Sur le stand d’Interbev, il nous avait été présenté le groupe de travail « Environnement et territoires » chargé d’évaluer les impacts de l’élevage sur l’environnement, de quantifier les services territoriaux de cette activité et de faire émerger de bonnes pratiques.

Je rappelle que le rapport d’information de nos collègues Sophie Errante et Martial Saddier en novembre 2013 sur l’affichage environnemental avait souligné la difficulté d’évaluer l’impact environnemental de certaines filières, en particulier dans l’agroalimentaire.

L’engagement que j’avais pris alors est tenu puisque nous nous retrouvons pour une table ronde qui réunit les acteurs de la filière et les associations environnementales.

Je suis heureux d’accueillir aujourd’hui M. Dominique Langlois, président d’Interbev, et président de la Fédération nationale des industriels et des commerçants de la viande (FNICGV) ; M. Emmanuel Coste, éleveur ovin, président du comité d’experts « Moutons » de l’Office international de la viande (OIV) et ambassadeur « Climat » à OIV ; M. Dominique Daul, éleveur bovin, responsable des dossiers « Environnement » de l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) ; M. Jean-Baptiste Dollé, chef du service environnement de l’Institut de l’élevage ; M. Arnaud Gauffier, chargé du programme « Agriculture durable » de WWF France ; M. Jean-Claude Bevillard, vice-président de France Nature Environnement (FNE) en charge des questions agricoles.

M. Dominique Langlois, président d’Interbev et président de la Fédération nationale des industriels et des commerçants de la viande. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de nous recevoir.

L’interprofession bétail et viande (Interbev) regroupe l’ensemble des acteurs de la filière bovine, ovine, caprine et équine, de la production à la mise en marché, en passant par les commerçants en bestiaux, le secteur de l’industrie de la viande, les abattoirs, les unités de transformation, la distribution en boucherie traditionnelle et en grande distribution et une partie de la restauration collective.

Le rôle de l’interprofession est de défendre les intérêts des familles professionnelles représentées : vingt depuis le mois de juin contre treize auparavant, puisque nous avons dû adapter nos statuts à l’évolution de la réglementation communautaire et à la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Nous devons aussi communiquer sur la viande en général et faire un travail auprès des parlementaires pour suivre les débats qui nous concernent et apporter un éclairage sur notre secteur d’activité.

Le secteur de la viande est important, puisqu’il concerne 59 000 emplois directs, et le secteur de la mise en marché 80 000 emplois, entre les bouchers traditionnels et les professionnels de la viande dans les grandes et moyennes surfaces (GMS).

Notre secteur est très encadré au plan environnemental, puisque nous sommes soumis à des enquêtes publiques et à des agréments sanitaires. Nous sommes aussi dans un cadre européen très contraint puisque le « paquet hygiène » réglemente très largement notre secteur d’activité.

Trois points sont importants pour nos activités en termes d’environnement : l’eau et son traitement, la production de froid, la valorisation des coproduits.

Nous sommes consommateurs d’eau parce que nous en avons besoin pour assurer à la fois le nettoyage et la désinfection de nos installations. Un travail important a été accompli, puisque nous sommes passés d’une consommation de l’ordre de 5 m3 par tonne en 1995 à 2,2 m3 aujourd’hui. Des améliorations peuvent encore être apportées, mais nous devons assurer la désinfection de nos installations.

Comme nous consommons de l’eau, nous devons la dépolluer : 80 % de cette dépollution est effectuée sur site, les 20 % restants l’étant généralement dans les stations communales pour les abattoirs de plus petite taille. Le traitement des résidus se fait par différentes méthodes telles que l’épandage, le compostage, la méthanisation, voire l’incinération avec valorisation énergétique de la vapeur produite.

S’agissant de la production de froid, nous allons devoir modifier nos installations pour nous mettre en conformité avec l’interdiction d’employer le gaz que nous utilisons actuellement. L’ammoniac semble être a priori le gaz le plus approprié et le moins polluant. Nous recherchons des solutions alternatives qui ne sont pas forcément simples à trouver. Nous faisons également un travail important en matière d’économies d’énergie. Comme nous produisons du froid, nous essayons de nous doter de pompes à chaleur afin de récupérer cette énergie.

Enfin, nous valorisons les coproduits, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas consommé. Je pense aux peaux, que nous salons avant de les vendre à des tanneurs. On peut regretter le faible nombre de tanneries en France, qui nous amène à exporter nos cuirs, principalement en Italie et maintenant en Chine. Il est également possible de traiter et de valoriser les graisses, les gras et les os en dehors des circuits traditionnels comme l’équarrissage, qui laisse peu de marge de manœuvre dans les négociations. Les graisses sont utilisées dans la lipochimie en particulier, et notamment les os de bovins servent à fabriquer de la gélatine, dont l’utilisation se développe en Chine.

Il est possible désormais d’utiliser des graisses dites C1, destinées normalement à la destruction, en particulier les graisses issues des animaux trouvés morts dans les fermes, et de les valoriser sous forme de biocarburants. En plus de mes fonctions, je suis président d’une société qui a créé une unité de transformation de ces graisses pour produire du biocarburant. Nous sommes d’ailleurs très attentifs au projet de loi pour la croissance et l’activité, dont un volet concerne le double comptage accordé aux graisses animales par rapport aux graisses végétales. Il faut savoir que cette question est remise en cause, ce qui modifie l’équilibre économique de ce genre d’installations. C’est donc une question très importante que nous suivons de très près.

D’autres sujets nous préoccupent, comme l’étiquetage environnemental ou les emballages. Comme le nombre de produits élaborés est de plus en plus important sur le marché, nous recherchons des solutions à la fois pour réduire le nombre d’emballages et pour produire des emballages biodégradables.

M. Dominique Daul, éleveur bovin, responsable des dossiers « Environnement » d’Interbev. Monsieur le président, je vous remercie d’avoir pris l’initiative d’organiser cette table ronde au sein de votre commission. Il est essentiel qu’un débat concret et pragmatique ait lieu entre le monde de l’élevage et l’ensemble des élus de notre pays.

Si notre secteur est souvent pointé du doigt en matière d’environnement, l’éleveur que je suis et la profession que je représente aujourd’hui estiment que les atouts de notre secteur et sa façon d’aborder la question sont en général peu connus. Ainsi, la semaine dernière j’ai eu le plaisir d’aller dans l’Aveyron visiter des élevages. En traversant ce département, je me suis dit que seules l’activité d’élevage et la profession d’éleveur pouvaient valoriser l’ensemble des prairies et les façonner. L’élevage doit faire l’objet d’une réflexion pragmatique. Lorsque l’on aborde les sujets environnementaux, il faut regarder ce qui se passe sur le terrain.

Quelques chiffres : la France compte 13 millions d’hectares de prairies, ce qui représente plus de 20 % de sa superficie. Seule l’activité bovine, ou celle des ruminants en général, peut valoriser ces surfaces. Forts de ce constat, nous avons voulu être proactifs et avoir un discours beaucoup plus positif sur l’élevage que celui qui a prévalu jusqu’à présent. D’où la création, au sein d’Interbev, du groupe « Environnement et territoires », qui affiche clairement que l’élevage a toute sa place et que les acteurs sont des acteurs de la transition écologique. Nous abordons sans complexe des sujets tels que le climat, l’eau, l’air, la biodiversité, la qualité des sols, etc., non seulement pour expliquer ce que fait l’éleveur au quotidien, mais aussi pour améliorer nos pratiques et nos impacts environnementaux.

Je veux citer quelques exemples concrets de notre travail au quotidien. La ration d’un bovin est constituée à 60 % d’herbe – jusqu’à 80 % pour les races allaitantes – et 90 % de cette alimentation est produite sur les exploitations. Le lien au sol fait partie intégrante de notre modèle de production et de nos élevages. Les déjections issues de nos élevages sont soumises à des normes, et c’est justifié. Elles apportent une vraie valeur ajoutée à nos élevages. Je suis agriculteur à dix kilomètres de Strasbourg – je me permets ici de saluer Mme Rohfritsch – et je peux vous dire que notre matière organique est valorisée sur l’exploitation. Le système de polyculture que je pratique avec mon associé est équilibré entre l’animal et le végétal. Le modèle français qui s’inscrit dans cette démarche est un vrai atout environnemental aujourd’hui. C’est un élément qu’il faut garder à l’esprit avant d’aborder tous les sujets, y compris les impacts négatifs.

Depuis deux ans, nous avons mené une concertation avec cinq ONG – France Nature Environnement, WWF, Fondation Nicolas Hulot, Green Cross et Orée – dont deux sont représentées à cette table ronde. Nous avons fait ensemble le constat que, si l’élevage disparaissait en France, ce serait une catastrophe pour l’environnement, l’économie et la vie sociale de nombreuses régions. Vous avez tous, je crois, des exploitations agricoles et des exploitations d’élevage dans vos circonscriptions : regardez ce qu’il s’y passe, enlevez-les et imaginez le résultat.

Bien sûr, nous avons aussi abordé avec les associations les points de friction. Pour produire un kilo de viande, il faudrait, paraît-il, 15 000 litres d’eau. Il nous semble aberrant de comptabiliser l’ensemble des eaux de pluie qui tombent du ciel, recouvrent les prairies et font pousser l’herbe. S’il n’y a pas de vache dans un pré, l’eau y tombe tout de même. Nous avons demandé à l’Institut de travailler sur le sujet : on atteindrait plutôt 50 litres d’eau pour un kilo de viande produit. Il faut donc aborder ces sujets avec pragmatisme.

On parle beaucoup du bilan carbone de notre production de viande, surtout en cette année où la COP21 se tiendra en France. C’est le cumul de deux choses : le carbone émis par l’acte de production, qui représente 45 % des émissions – c’est tout ce qui est lié à l’énergie, aux épandages d’effluents, etc. –, et le méthane entérique, qui en représente 55 %. Le méthane entérique est un phénomène naturel lié à la rumination de l’herbe, c’est-à-dire, en clair, le rot des vaches. On n’a pas encore trouvé de solution pour le réduire. (Sourires)

Si l’on s’en tient à cette méthode de calcul, eau et bilan carbone, on aboutit à des aberrations puisqu’un feedlot américain, c’est-à-dire le regroupement de 50 000 à 100 000 têtes dans des parcs de contention, nourries avec des céréales, du soja, etc. – en fait, c’est un élevage intensif à outrance – est beaucoup mieux placé que le modèle économique de production français. Ce qui veut dire qu’il vaudrait mieux acheter du bœuf américain. (Murmures)

Vaut-il mieux conserver nos régions françaises avec l’herbe, le territoire, etc., et analyser l’ensemble des critères, ou se fonder uniquement sur le critère du carbone ? Réfléchissez bien, regardez les conséquences que cela pourrait entraîner.

J’ai oublié cet atout phénoménal que sont nos prairies, puisque 75 % des gaz à effet de serre émis sont compensés par le puits de carbone qu’elles représentent. Mais personne n’en parle ; ce n’est pas normal. Il est pourtant essentiel que vous en teniez compte dans vos décisions.

Je le répète, il est indispensable d’avoir une approche globale de l’élevage sur le plan environnemental. Nous avons engagé une démarche de progrès avec le projet Beef carbon d’une durée de six ans qui vise à essayer de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 15 à 20 %. Pour montrer notre engagement, la Confédération nationale de l’élevage organise, le 10 juin prochain, un colloque sur le climat et l’élevage. Nous aurons le plaisir de vous y inviter, ce qui vous permettra de voir les réels engagements de notre profession en englobant toujours l’aspect multicritères sur l’environnement.

M. Emmanuel Coste, éleveur ovin, président du comité d’experts « Moutons » de l’Office international de la viande et ambassadeur « Climat » à l’OIV. Mesdames, messieurs les députés, pour ma part je suis éleveur en Haute-Loire et je travaille avec mon fils. J’ai été président de la section ovine d’Interbev.

L’Office international de la viande regroupe la plupart des interprofessions viande qui existent dans la majorité des pays – États-Unis, Chine, Brésil, Mongolie, Nouvelle-Zélande, Australie, quelques pays d’Afrique, etc. Il est fortement mobilisé sur les aspects liés au climat du fait de cette année 2015 très particulière, à la fin de laquelle des décisions doivent être prises.

Je ferai quelques constats internationaux, qui donnent une image de ce qu’est l’élevage dans le monde. Il y a un milliard d’éleveurs dans le monde. Certes, ce ne sont pas tous des éleveurs à la française ou à l’américaine, mais ils ont des animaux. Un autre chiffre très significatif change la perception du phénomène : les trois quarts des surfaces agricoles mondiales sont des terres non labourables, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas utilisables directement pour cultiver des céréales. Il faut donc se demander ce que l’on fait de ces terres non labourables.

L’élevage, qu’il s’agisse des petites ou des grandes exploitations, transforme les protéines que l’on trouve, soit par les graminées, soit par les arbres et les arbustes, en protéines de qualité, qu’elles soient de lait ou de viande. Cette biomasse non comestible représente 80 % de l’alimentation des animaux. C’est un chiffre légèrement supérieur au niveau français et c’est normal, puisqu’il existe de nombreuses petites agricultures de par le monde. Cela montre que l’élevage est une réalité naturelle et économique de la planète.

On ne peut pas oublier non plus les services que rend l’élevage, quel que soit son lieu : traction animale – c’est un phénomène qui subsiste, même si, dans notre pays, on ne la voit plus que sous l’angle touristique –, peaux et cuirs, apport d’engrais organique voire de chauffage dans certains cas, entretien d’espaces et de paysages. Quel que soit l’endroit de la planète, l’élevage a formé le paysage et les espaces.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la production de viande devra s’accroître de 70 à 160 % selon les espèces. La quantification de la demande de viande est liée aux phénomènes religieux, importants puisqu’ils déterminent des données différentes selon les pays. La réponse à cette demande croissante qui se manifeste en Chine, en Afrique et partout dans le monde où le niveau de vie augmente, ne doit pas se faire n’importe comment, sans sécurité sanitaire et environnementale. C’est là que le rôle de l’OIV et des associations comme Interbev est important. Il faut une gouvernance internationale, afin d’éviter que l’élevage soit sacrifié ou, au contraire, intensifié dans certains endroits. Cette gouvernance internationale doit tenir compte de l’aspect durable de l’élevage. Pour ce faire, nous développons plusieurs axes de travail avec la FAO. Ces programmes de coopération concernent la diffusion de pratiques concernant le stockage et la valorisation maximale des déjections animales. En effet, plutôt que de les considérer comme des déchets, il faut les composter et voir ce que l’on peut en faire, quelle que soit la partie du monde où l’on se trouve. Il faut aussi améliorer l’alimentation et la santé animale. Dès lors que les animaux sont en bonne santé, le nombre de kilos de viande obtenus à partir d’un animal est plus élevé et on a moins besoin d’une population mère. Il faut donc réfléchir à une alimentation de qualité.

Pour vous montrer que nous travaillons déjà aux côtés de la FAO, je prendrai deux exemples. L’OIV est engagé dans l’Agenda global pour un élevage durable. Ce programme vise à permettre au secteur de l’élevage de contribuer à la sécurité alimentaire, à la lutte contre la pauvreté – le revenu est lié à la façon dont les petits éleveurs parviennent à vivre de leur production – et à la protection de la santé publique.

L’OIV est également impliqué dans un partenariat pour l’évaluation environnementale et les performances de l’élevage. Comme vient de le dire Dominique Daul, il est important que l’ensemble de la société – organisations non gouvernementales (ONG), lobbies, etc. – soit d’accord sur des constats clairs et objectifs. L’enjeu est de faire reconnaître nos contributions positives, c’est-à-dire de montrer le rôle que peut jouer l’élevage dans la lutte contre la pauvreté et la création ou l’entretien de la biodiversité. La quantification du stockage du carbone, qui a été appréciée à juste titre par la communauté scientifique, doit être faite correctement pour que l’on sache vraiment comment l’élevage contribue aux efforts demandés en matière climatique.

M. Jean-Baptiste Dollé, chef du service environnement de l’Institut de l’élevage. Mesdames, messieurs les députés, je veux tout d’abord insister sur le fait que la problématique environnementale concernant l’élevage n’est pas récente. Elle est en effet intégrée depuis plus de vingt ans, puisque nous travaillons sur toutes les pratiques qui permettront aux systèmes d’élevage d’émettre moins de nitrates, ce qui se traduit aujourd’hui par une amélioration de la qualité de l’eau au niveau national.

Nous travaillons depuis plusieurs années sur la méthodologie à mettre en œuvre afin d’apprécier le rôle exact de l’activité d’élevage dans les émissions de gaz à effet de serre, sachant que le processus de production du lait et de la viande est plus complexe que le processus industriel. On a l’habitude de compartimenter l’exploitation d’élevage en deux parties – d’une part l’animal, d’autre part le sol –, sachant qu’il y a des interactions permanentes entre les deux par l’affouragement des animaux – 80 à 90 % de l’affouragement est associé au sol de l’exploitation – et la valorisation des déjections sur ces mêmes exploitations. Cet élément très important est lié au cycle naturel du carbone et de l’azote, c’est-à-dire à un ensemble de phénomènes qui existent depuis de nombreuses années et qui sont en équilibre sur nos systèmes de production.

Il existe différents types de méthodologie pour évaluer ces impacts. Le premier se fonde sur les inventaires nationaux, qui permettent de déterminer la contribution d’un secteur aux émissions nationales. Le second se fonde sur l’analyse du cycle de vie, qui consiste à déterminer les impacts environnementaux associés à la production d’un kilo de viande ou de lait.

Ces méthodologies sont discutées à différents niveaux – national, européen, international – dans le cadre de travaux conduits en collaboration avec la FAO, l’objectif étant de partager ces évolutions méthodologiques et d’aboutir à une méthodologie harmonisée dans les différents pays. Ces évolutions méthodologiques ont d’ailleurs permis à la FAO de revoir la contribution de l’élevage à l’émission de gaz à effet de serre puisque, si elle était évaluée en 2006 à 18,6 %, en 2013 elle était de 14,5 % au niveau international. Cela nous permet aussi d’entrer dans les exploitations et de proposer des plans d’action aux éleveurs.

Grâce à cette évolution méthodologique, nous avons pu mettre en évidence les gains réalisés sur les émissions de gaz à effet de serre. La réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’élevage bovin est de 14 % depuis 1990, la meilleure performance technique des systèmes de production ayant permis d’améliorer la qualité de l’eau.

Jusqu’à présent, la contribution de l’élevage était analysée sous le seul angle des émissions de gaz à effet de serre, c’est-à-dire le gaz carbonique, le méthane, le protoxyde d’azote. La prise en compte du stockage de carbone n’était pas effective par manque de références, d’études scientifiques. Aujourd’hui, des éléments nous permettent de dire que nous pouvons intégrer le stockage de carbone. Des études récentes ont en effet été réalisées au niveau européen et international. Il en ressort que les prairies, qui représentent 13,5 millions d’hectares en France et 55 millions d’hectares en Europe, ont un potentiel de stockage deux fois supérieur aux grandes cultures. Cela nous amène à considérer la contribution de l’élevage aux émissions de gaz à effet de serre non pas seulement sous l’angle de l’émission mais aussi sous l’angle du bilan « émission moins stockage », ce qui nous permet de dire que l’élevage contribue à une compensation des émissions à hauteur de 30 % au niveau national.

Tout cela nous permet d’entrer en action, c’est-à-dire d’informer les éleveurs, de former les techniciens et de les sensibiliser à la démarche environnementale et aux problématiques du changement climatique, d’où ces deux programmes lancés à l’initiative des filières : Carbon Dairy pour la filière laitière, Beef Carbon pour la filière viande. Ils ont pour objectif de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à dix ans.

Ces programmes sont d’une assez grande ampleur puisqu’ils associent une centaine d’acteurs au niveau national. D’ailleurs, Beef Carbon s’étend au-delà du territoire national puisqu’il implique l’Irlande, l’Italie et l’Espagne dans un projet concerté pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre en élevage bovin. 6 000 éleveurs vont être impliqués dans la démarche, avec une évaluation des impacts environnementaux sur leurs exploitations et la mise en œuvre de plans d’action. L’objectif de ces programmes d’une durée de six ans est de permettre une réduction des émissions de CO2 de 250 000 tonnes pour ces exploitations. Il s’agit vraiment d’avoir une force de démonstration sur le territoire national pour la diffuser ensuite à d’autres interlocuteurs du développement, du conseil, à d’autres régions et d’avoir une dissémination importante.

L’environnement est parfois abordé sous un seul aspect, par exemple la qualité de l’eau ou le changement climatique. Or il est très important d’avoir une approche globale car, en ne considérant qu’un seul impact sur l’environnement, on pourrait être conduit à promouvoir des pratiques ayant un effet bénéfique dans ce domaine mais un effet néfaste sur d’autres points, par exemple sur la préservation de la biodiversité.

Dans la mesure où l’activité de l’élevage bovin est en lien avec le sol et a une influence importante sur le paysage, la biodiversité, la faune et la flore, il est important de pouvoir intégrer cette dimension dans l’évaluation que l’on fait. Cela répond tout à fait à la démarche agroécologique suivie au niveau national.

M. Arnaud Gauffier, chargé du programme « Agriculture durable » de WWF France. Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie d’avoir invité WWF à participer à cette table ronde. Notre organisation ne s’occupe pas uniquement de la protection des pandas, comme le grand public peut le croire. Bien entendu, nous protégeons beaucoup d’espèces emblématiques connues et menacées, mais nous nous intéressons aussi à la protection de l’habitat de ces espèces. C’est ce qui nous a conduits à travailler avec Interbev pour mesurer les impacts environnementaux de l’élevage bovin.

Les ONG considèrent que l’élevage des vaches allaitantes tel qu’il est pratiqué en France a beaucoup d’atouts : il a un très fort lien au sol, et la nourriture est essentiellement basée sur l’herbe. Donner à manger à des vaches, qui sont des ruminants, autre chose que de l’herbe est à la fois un peu dommage et un peu bête, étant donné que ces animaux ont cette particularité assez fantastique de produire de la viande à partir d’une nourriture à base d’herbe. Il n’en est pas de même pour le porc et la volaille.

L’élevage bovin a également des atouts en matière de valorisation des paysages, de maintien des emplois dans les territoires ruraux, de stockage de carbone. Il existe aussi un très fort lien culturel à l’élevage. Les touristes vont davantage visiter le bocage normand que la Beauce. (Sourires)

Depuis tout à l’heure, on parle beaucoup de la vache allaitante. Mais il faut savoir que 50 % environ de la viande de bœuf consommée en France provient d’élevages laitiers, c’est-à-dire de vaches de réforme. Or celles-ci ne sont pas nourries avec 80 % d’herbe, mais plutôt avec 50 % d’herbe. Il s’agit donc d’exploitations plus intensives, où les rations comportent beaucoup plus de céréales, voire du soja. Par exemple, le groupe laitier Bel importe 40 000 tonnes de soja d’Amérique du Sud chaque année, via ses éleveurs, pour produire son fromage, et Danone importe un million de tonnes de soja d’Amérique du Sud ou des États-Unis pour nourrir ses animaux. Évidemment, cette nourriture sert principalement à produire du lait, des yaourts et des produits laitiers, mais toutes ces vaches de réforme se retrouvent en fin de vie sur le marché de la viande. La consommation de viande a donc aussi un impact et un rôle à jouer.

Je ne suis pas sûr que l’élevage de volailles et de porcs, tel qu’il est pratiqué en France et en Europe actuellement, contribue beaucoup au façonnement de nos paysages et au maintien fort du lien au sol des exploitations. Une exploitation porcine a un lien au sol bien moindre qu’une exploitation bovine ; l’élevage porcin est beaucoup plus intensif ; l’alimentation est à base de céréales et la dépendance au soja importé d’Amérique du Sud forte. Le soja est l’une des grandes causes de déforestation dans le monde, et l’huile de palme peut aussi entrer dans l’alimentation des vaches laitières. C’est pourquoi WWF est fortement concerné par les questions d’élevage.

L’une des solutions consiste à diminuer la consommation de viande. Actuellement, on constate une baisse de la consommation de bœuf en France, avec un report sur la consommation de plats préparés et de viandes travaillées qui, d’un point de vue nutritionnel et environnemental, sont pires que de manger un steak. S’il fallait délivrer un message, ce serait qu’il vaut mieux manger du bon bœuf deux à trois fois par semaine et, au total, manger moins de viande. Si l’on maintient le niveau de consommation actuel tout en voulant réduire les impacts environnementaux, il faudra en passer par des feedlots. (Murmures)

Au Brésil, la première cause de déforestation, c’est l’élevage bovin, du fait de méthodes très extensives. Comme l’a dit tout à l’heure M. Daul, il faut avoir recours à une analyse multifactorielle, mais aussi examiner chaque situation puisque celle de la France est forcément différente de celle du Brésil. Une intensification de la production en France n’est pas nécessairement utile s’il y a une baisse de la consommation de viande. En revanche, une intensification de l’élevage au Brésil a du sens si la consommation des Brésiliens et l’exportation du bœuf brésilien se maintiennent au niveau actuel, voire continuent de progresser à cause, pour la seconde, de la demande asiatique, notamment chinoise.

Au niveau mondial, seul un quart des terres est labourable, dont 40 % destinés à la consommation des animaux. Il serait peut-être bon que les cultures dédiées à l’alimentation des animaux soient moins importantes, notamment dans l’intérêt de la sécurité alimentaire à moyen et long termes.

M. Jean-Claude Bevillard, vice-président de France Nature Environnement, en charge des questions agricoles. Mesdames, messieurs les députés, à mon tour je vous remercie pour votre invitation. Nous sommes très attachés au dialogue en matière d’agriculture et en particulier d’élevage puisqu’il s’agit du fondement de notre vie nationale, de notre culture et de notre civilisation.

France Nature Environnement (FNE) regroupe 3 000 associations sur le territoire national. Comme nous sommes généralistes, nous abordons l’ensemble des problématiques environnementales et nous sommes contraints d’être cohérents dans notre plaidoyer, notre argumentation entre nos différents relais, ce qui n’est pas très simple. En matière d’agriculture, nous sommes toujours dans la nécessité d’un compromis entre les enjeux alimentaires, environnementaux et d’aménagement du territoire.

Il est clair que si l’on ne préserve pas le sol, la qualité de l’eau, la biodiversité, bientôt nous ne pourrons plus produire suffisamment. La préservation de l’environnement est intrinsèquement liée à l’avenir de notre alimentation.

Quand on sait que la population mondiale devrait atteindre 10 milliards d’habitants dans quelques décennies, on ne peut pas envisager de nourrir l’humanité de la même façon qu’aujourd’hui puisque, pour produire une protéine animale, il faut entre dix et quinze protéines végétales, et que nous ne disposons pas de la surface nécessaire. On ne peut donc pas envisager l’avenir de l’humanité sans prendre en compte d’abord l’enjeu alimentaire.

FNE a déjà eu l’occasion de défendre sa vision de l’agriculture lors du Grenelle de l’environnement. L’agriculture doit réduire l’usage des intrants. Les intrants correspondent à tout ce que l’agriculteur achète à l’extérieur. Cela va de l’énergie à l’alimentation des animaux en passant par les engrais ou les produits de traitement. Il ne s’agit pas de les supprimer et d’aller vers une agriculture autarcique, mais de parvenir à une plus grande autonomie, à un système beaucoup plus résilient du point de vue économique. L’impact négatif sur l’environnement est très fortement lié, de façon générale, au volume d’intrants. Pour l’élevage, c’est la même chose.

Nous constatons avec satisfaction que cette vision a été traduite dans la certification environnementale de niveau 3, c’est-à-dire haute valeur environnementale (HVE). Le niveau de certification est basé sur le niveau d’intrants et sur la place laissée à la nature, c’est-à-dire aux infrastructures agro-écologiques. Il est rassurant de voir que, malgré l’alternance, il y a continuité dans l’approche agro-écologique suivie par les ministres de l’agriculture, et nous nous inscrivons parfaitement dans cette continuité. L’élevage doit y trouver sa place.

En fait, il n’existe pas un, mais des élevages : l’élevage en plein air, dont on parle beaucoup ce matin, mais aussi l’élevage en batterie, l’élevage hors sol, l’élevage des ruminants, l’élevage des animaux monogastriques, c’est-à-dire ceux qui ne s’alimentent pas à l’herbe. On ne peut donc pas tenir le même discours pour la vache élevée à l’herbe dans le Massif central ou sur le contrefort des Alpes, et le cochon ou la volaille élevés en batterie.

Il ne faut pas oublier non plus qu’il est nécessaire d’améliorer le respect de l’animal. Je sais que le sujet est sensible, mais il est fondamental. Nous devons avancer sur cette question éthique. Notre civilisation a de l’avenir dans la mesure où l’on prend en compte aussi cet aspect-là.

On peut rapidement dresser une liste des impacts négatifs de l’élevage sur l’environnement. D’abord, l’impact sur l’eau, avec les phénomènes d’eutrophisation. La manifestation la plus aiguë concerne les algues vertes en Bretagne, mais l’eutrophisation des eaux affecte la plupart de nos territoires.

Ensuite, l’impact sur l’air n’a pas beaucoup été pris en compte jusqu’à aujourd’hui, la prévention des impacts sur l’eau n’entraînant pas nécessairement une prévention des impacts sur l’air. Or, si l’azote va dans l’eau, il va aussi dans l’air. Il va donc falloir modifier à la fois les systèmes et les pratiques, sans quoi nous serons confrontés à des problèmes sociétaux.

Quand l’élevage n’est pas lié au sol, il faut prendre en compte les impacts sur l’environnement issus des cultures, notamment celles destinées à l’alimentation du bétail, au plan national et européen, mais aussi sur les autres continents du fait des importations.

Disons-le clairement, il est indispensable de réduire le cheptel, mais pas nécessairement les installations, le nombre d’élevages ni le revenu. Nous considérons que la meilleure régulation, c’est le lien au sol, c’est-à-dire le fait de n’élever que les animaux que l’on est capable de nourrir sur l’exploitation ou sur le territoire sans aller chercher des cultures outre-mer ou dans des régions très éloignées. L’élevage lié au sol entraîne nécessairement une diminution du cheptel et une amélioration de la qualité. Or la qualité, c’est l’avenir de l’élevage. J’habite en Haute-Savoie. Si les agriculteurs ne produisaient pas dans les Alpes du Nord des produits de qualité, il n’y aurait quasiment plus d’agriculture, ou en tout cas très peu. Aujourd’hui, avec le reblochon et le beaufort par exemple, la valeur ajoutée du lait est relativement forte, ce qui permet de maintenir un élevage actif dans une région où les contraintes liées au climat et au relief sont fortes, alors que les problèmes sont plus nombreux dans des régions où ces contraintes apparaissent plus faibles. Il faut donc encourager la qualité et la valorisation des produits.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Vous n’avez pas mentionné, dans vos différentes interventions, la dimension européenne. Considérez-vous que la nouvelle politique agricole commune (PAC) permettra de trouver un meilleur équilibre entre l’élevage et l’environnement ?

M. Jean-Louis Bricout. Messieurs, je vous remercie pour la qualité de vos interventions.

Concilier l’agriculture et la préservation de l’environnement, c’est possible et même indispensable.

En France, les émissions agricoles de gaz à effet de serre représentent environ 100 millions de tonnes de CO2 par an, soit 20 % des émissions totales du pays. Dans ce contexte, et comme l’a rappelé à plusieurs reprises le ministre de l’agriculture à la suite de l’adoption de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, l’enjeu est de considérer le défi écologique et de lutte contre le réchauffement climatique, le défi alimentaire et le défi agricole et forestier comme un ensemble, sans pour autant réduire les productions agricoles.

Le développement et la montée en puissance de ce qu’il convient dès lors d’appeler l’agro-écologie demeure une priorité. Elle a été encore rappelée mercredi dernier par le Premier ministre et la ministre de l’environnement à l’occasion de la présentation de la feuille de route 2015 pour la transition écologique, qui fait suite à la conférence environnementale.

Par ailleurs, le texte insiste sur le nécessaire maintien de la production au nom de la sécurité alimentaire. Ceci sera également défendu par la France dans les négociations climatiques internationales.

Pour résumer les choses simplement, je dirai que la seule question qui vaille est de savoir quel type d’élevage nous souhaitons privilégier.

L’impact de l’élevage sur l’environnement est important et diffus. La production animale a de fortes retombées sur les disponibilités en eau, car elle consomme plus de 8 % des utilisations humaines d’eau à l’échelle mondiale. Elle est essentiellement destinée à l’irrigation des cultures fourragères. Il est aussi attesté que la production animale est la plus grande source sectorielle de polluants de l’eau, notamment à cause des déchets animaux, antibiotiques, des hormones, des produits chimiques des tanneries, des engrais et pesticides utilisés pour les cultures fourragères.

Face à cette menace environnementale, se pose la question d’une meilleure efficacité d’utilisation des ressources qui sera la clé pour diminuer l’ombre portée par l’élevage. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’efficacité des nouveaux processus de production ? Quelles solutions apporter pour limiter ces menaces qui pèsent sur la dégradation des terres, sur les émissions de gaz à effet de serre, sur la pollution de l’eau, sur la biodiversité ?

Chacun sait l’incidence que peuvent avoir le coût des intrants, le prix des terres, les comparaisons entre la rentabilité des différentes productions agricoles, les normes, les règlements qui sont imposés et qui font partie des contraintes lourdes à supporter par nos éleveurs. Quelle est l’incidence de ces coûts, de ces niveaux de prix sur les choix, les méthodes d’élevage et l’utilisation des ressources naturelles ? Quelles méthodes employer ? Des méthodes coercitives ? Des compensations sur le principe « pollueur-payeur » ? Quelle stratégie mettre en place pour favoriser les bonnes méthodes environnementales et encourager les possesseurs de bétail qui fournissent aussi des services environnementaux ? On a bien vu que l’approche de l’agriculture devait être globale et qu’il fallait prendre en compte ses effets positifs sur l’économie et le tourisme, sans oublier qu’elle permet le maintien des prairies.

De nombreux arguments avaient été avancés pour justifier l’impossibilité d’avancer en matière environnementale. Mais on se trouve face à une contradiction puisque si l’on pollue moins quand on élève rapidement, la qualité est aussi moindre. Chacun sait en effet qu’il y a une grande différence de qualité entre un poulet de batterie et un poulet élevé en plein air. Il faudra bien déterminer un jour ce que l’on souhaite exactement.

Enfin, le gaspillage alimentaire représente jusqu’à 30 % de la production française. Une proposition de loi a été discutée jeudi dernier et un plan a été présenté par le Gouvernement afin de réduire d’ici à 2050 le gaspillage alimentaire. Pensez-vous pouvoir jouer un rôle auprès des plus jeunes en accentuant le lien entre l’agriculture et la sensibilisation du milieu éducatif, notamment les lycées agricoles ?

Enfin, je souhaite souligner l’engagement des députés du groupe SRC dans l’accompagnement nécessaire de nos agriculteurs pour une agriculture verte et responsable. Il y va de notre capacité à demeurer compétitifs à l’échelle européenne.

M. Jean-Marie Sermier. Je veux remercier les orateurs pour la qualité de leurs propos ainsi que le président de notre commission pour avoir su associer des intervenants qui ne se retrouvent pas naturellement autour d’une même table. (Sourires)

Je tiens à féliciter les éleveurs de France, car l’histoire de l’élevage, c’est tout simplement celle de l’humanité. Depuis que l’homme a essayé d’organiser son développement, il a eu des animaux à ses côtés, que ce soit pour se faire aider d’eux ou pour en tirer un moyen de subsistance.

Les agriculteurs et les éleveurs ont apporté un plus à notre pays. Finalement, il y a longtemps que certains pratiquent l’agro-écologie alors que d’autres la découvrent. Les paysages ne seraient pas ce qu’ils sont aujourd’hui sans les agriculteurs, et plus particulièrement les éleveurs, qui ont contribué à l’aménagement du territoire et sont présents sur l’ensemble du territoire, y compris dans les zones difficiles comme la montagne.

La biodiversité ne serait pas ce qu’elle est si nous n’avions pas préservé toutes les prairies qui permettent la croissance d’une multitude d’espèces végétales. La biodiversité animale ne serait pas ce qu’elle est si des passionnés n’avaient pas engagé des réflexions, ce qui permet par exemple d’avoir encore aujourd’hui quarante-trois races de chevaux, alors que l’on sait que cet élevage est dû à la passion plus qu’à la raison.

Des avancées très significatives ont eu lieu au cours des dernières décennies en termes d’alimentation. On peut penser que les Français, les Occidentaux en général, consomment trop de viande, mais on constate qu’un certain nombre de pays émergents sont en train de consommer de plus en plus de viande, que la consommation s’accroît au niveau mondial et qu’il faut être en mesure de répondre à la demande.

La qualité de l’alimentation française a été améliorée, comme l’a été la qualité sanitaire et la traçabilité. Aujourd’hui, on ne parle presque plus d’alimentation mais de gastronomie. Il existe de nombreuses appellations d’origine contrôlée (AOC), comme l’AOC « poulet de Bresse », l’AOC « porc noir de Bigorre » ou l’AOC « agneau de pré-salé ». Ces quelques exemples montrent que l’élevage a réussi sa mutation. Toutefois, un certain nombre de questions se posent.

On sait qu’aujourd’hui, en France, un tiers des repas sont pris hors du foyer. Quelle est l’action d’Interbev en direction de toutes ces structures organisatrices de la production des repas, qu’elles soient publiques ou privées ?

On a évoqué les émissions de gaz à effet de serre. A priori, 8 % sont d’origine animale, mais on constate que ces émissions ont été réduites de 10 % en quelques années, notamment par la valorisation des déjections. Où en est-on exactement ? Que pensez-vous de la filière méthanisation qui a bien du mal à se développer en France ? En Allemagne par exemple, la méthanisation se développe bien. Sur quelles mesures pourrait-on prendre exemple pour apporter des réponses à cette filière ?

Le grand public confond souvent sélection génétique et organismes génétiquement modifiés (OGM). Qu’en est-il exactement pour l’élevage ? Celui-ci est-il quelquefois génétiquement modifié, ou est-il simplement issu d’une sélection génétique traditionnelle ? La réponse à cette question doit être claire.

Puisque nous avons la chance d’avoir un éleveur ovin à notre table, je voudrais lui demander ce qu’il pense du loup et des attaques régulières qui font le désespoir d’un certain nombre d’éleveurs.

Comment parvenez-vous à mobiliser encore des jeunes générations ? On sait que la passion de l’élevage, qui n’est malheureusement plus rémunératrice dans un certain nombre de régions, se vit 365 jours par an, que les animaux ont besoin d’être soignés chaque jour. Comment faire pour permettre demain à des jeunes de prendre votre succession et faire en sorte que l’élevage français soit toujours bien vivant ?

À quelques jours de l’ouverture du Salon international de l’agriculture 2015 qui va attirer, à n’en pas douter, plusieurs centaines voire un million de citadins qui découvriront avec intérêt toute la qualité de l’élevage français, pouvez-vous nous indiquer quelles seront les nouveautés pour l’élevage français en 2015 ?

M. Yannick Favennec. Monsieur le président, je m’exprimerai au nom du groupe UDI et plus particulièrement de notre collègue Stéphane Demilly, qui a dû s’absenter et vous prie de bien vouloir l’excuser.

Stéphane Demilly souhaitait mettre en exergue l’impact de l’élevage sur l’environnement qui est régulièrement pointé du doigt. Il en sait quelque chose puisqu’il est député de la Somme où sévit cette violente polémique autour de la fameuse « ferme des mille vaches ».

Au niveau mondial, les systèmes de production animale sont responsables de 18 % des émissions de gaz à effet de serre, soit beaucoup plus que les transports. Cependant, je voudrais insister sur la déprise agricole, phénomène particulièrement inquiétant dans notre pays. Le développement à grande échelle de la déprise agricole que connaissent diverses parties du territoire national constitue un événement majeur dans l’histoire écologique de la France, événement dont nos concitoyens n’ont d’ailleurs pas encore vraiment pris la mesure.

Ainsi, l’extension progressive des surfaces qui retournent à la friche puis à la forêt aboutit à une transformation des paysages et des écosystèmes sans équivalent depuis le mouvement de déforestation qu’a connu la France au Moyen Âge. En silence, certaines parties du territoire retrouvent en quelque sorte l’apparence qu’elles avaient avant l’intervention des moines de Cluny. (Sourires) Certains pourraient être tentés de se réjouir de ce qui leur apparaîtrait comme un juste retour à la nature. En réalité il est urgent de souligner les dangers d’un mouvement difficilement réversible et qui constitue un véritable retour en arrière aux conséquences incalculables.

Dans plusieurs départements, les paysages se ferment progressivement du fait de la réduction de la surface agricole utilisée et de l’extension des forêts. Le cas du Jura, où la surface agricole utile (SAU) a très fortement diminué depuis 1970, est emblématique de ce mouvement qui concerne d’autres massifs tels que les Vosges ou le Morvan. Dans ces conditions, l’agriculture revêt des enjeux qui dépassent largement le cadre de l’économie agricole. À ce titre, l’élevage joue un rôle essentiel pour l’équilibre et la préservation du paysage, en entretenant l’espace. Qu’il soit bovin, ovin, caprin ou équin, son rôle est irremplaçable car la tonte de l’herbe par les animaux permet d’enrichir la variété de la flore et favorise, grâce à l’apport de matière azotée, l’apparition d’espèces végétales qui ne croîtraient pas en leur absence. De même, les pâturages, qui constituent 70 % des terres agricoles dans le monde, contribuent à absorber de grandes quantités de CO2.

Cette dimension de l’élevage n’est pas suffisamment rappelée lors des débats sur les relations entre l’élevage et l’environnement. C’est pourquoi j’aimerais connaître votre point de vue sur ce sujet.

Mme Laurence Abeille. Monsieur le président, je tiens à vous féliciter pour avoir organisé une table ronde sur ce thème beaucoup trop rarement évoqué, en particulier à quelques mois de la conférence de Paris. Il est très important d’évoquer le lien entre la production de viande et le réchauffement climatique. (Murmures)

Je rappellerai quelques chiffres qui montrent l’impact énorme de notre alimentation carnée sur le dérèglement climatique. Selon la FAO, l’élevage est responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre, c’est-à-dire davantage que l’ensemble des moyens de transport réunis. D’autres organismes évoquent des chiffres encore plus élevés.

Nous savons que la production d’un kilo de bœuf engendre cinquante à cent fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que la production d’un kilo de blé. L’un des problèmes principaux générés par cette surconsommation de viande est le changement d’affectation des sols. La destruction de la forêt amazonienne dont tout le monde s’émeut est liée en majeure partie à la culture du soja qui est utilisé pour nourrir les cheptels occidentaux, sans compter que cet accaparement des terres pour produire de la nourriture pour le bétail concurrence les cultures vivrières locales. Le WWF Suisse a ainsi calculé que la production d’un kilo de bœuf nourri au fourrage nécessitait 323 mètres carrés, contre 17 mètres carrés pour un kilo de riz et 6 mètres carrés pour un kilo de légumes. Nous savons que cette course au « toujours plus » de viande n’est pas viable écologiquement ; elle est surtout aberrante. Alors que plus d’un milliard de personnes souffrent de la faim, nous détruisons des calories végétales pour les transformer en calories animales. Il faut en effet sept à dix kilos de végétaux pour faire un kilo de viande de bœuf, quatre à cinq kilos et demi pour un kilo de viande de porc. Or, cette surconsommation de viande est récente. Un Français consomme plus de 1,5 kg de viande par semaine, ce qui est beaucoup trop, et beaucoup plus qu’il y a encore quelques décennies.

Répondre à cette demande toujours croissante ne peut se faire qu’en développant l’élevage intensif, le plus pollueur et le plus dramatique pour la condition animale. Or nous savons que la France ne gagnera pas cette compétition de la quantité et qu’il faut au contraire réorienter notre filière vers l’élevage extensif et de plein air dans les pâturages. Il faut cesser cette course à la quantité et aller vers une consommation moindre mais de qualité.

Je pourrais encore évoquer l’impact de l’élevage sur la dégradation des sols, la pollution des rivières, la pollution de nos côtes avec les algues vertes, etc. Une prise de conscience de l’impact écologique de l’élevage est nécessaire, et les pouvoirs publics devraient promouvoir une baisse de la consommation en réorientant nos filières vers la qualité.

Rappelons également que la consommation excessive de viande est mauvaise pour la santé et que le régime végétarien est bénéfique. (Sourires) Ce que nous mangeons est avant tout culturel.

Face à ce péril écologique qu’est la croissance à venir de la production et de la consommation de viande, il est nécessaire de modifier nos comportements et d’accompagner la mutation des installations agricoles. Quand on voit que le Programme national nutrition santé recommande de consommer entre 80 et 200 grammes de viande par jour, on peut douter de notre capacité à évoluer et affronter ce problème environnemental !

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, je vous remercie d’avoir tenu votre engagement. Lorsque les politiques s’engagent dans cette voie, il faut le faire savoir.

Le plus important, c’est d’avoir réuni autour de cette table une diversité d’intervenants. Cela renforce notre possibilité de réflexion dans un monde où il est difficile de trouver sa propre vérité. Sur ce sujet, je pense que les vérités sont multiples. Il est bon que nous puissions échanger sur des sujets compliqués. On se rend compte qu’il n’est pas facile de s’y retrouver entre l’action locale et la réflexion globale.

Les enjeux sont nombreux dans ce domaine comme dans d’autres, on l’a vu hier s’agissant des produits phytosanitaires. Ils concernent l’alimentation, la santé, l’environnement mais aussi l’économie sur laquelle vous n’avez pas suffisamment insisté. Quand on parle d’élevage, on ne peut pas faire non plus l’impasse sur l’enjeu culturel ou patrimonial. La France est rurale, agricole. Au XXIsiècle, on oublie que « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France ». (Sourires) Or ce sont des réalités que vous avez rappelées.

Il y a en effet plusieurs élevages et il faut favoriser le lien avec le sol. Vous avez voulu nous démontrer que cette prise de conscience était réelle.

Dans quelles tendances êtes-vous engagés depuis ces vingt dernières années en matière de lutte contre les gaz à effet de serre et de pollution de l’eau et de l’air ?

La commission et le Gouvernement ont souhaité exclure les gaz entériques du champ d’application de la stratégie « bas carbone ». Si tel n’avait pas été le cas, quel aurait été l’impact financier pour les éleveurs ?

J’estime que vous êtes les premiers acteurs de la défense de la biodiversité. Quelle est votre réflexion sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte ? Quelles évolutions mettez-vous en œuvre pour que le respect de la biodiversité soit une réalité de votre action ?

Je voudrais revenir sur l’agriculture intensive. Quelle est votre position sur le traité de libre-échange transatlantique ? Comment peut-on agir pour maintenir une agriculture qui soit en lien avec le sol ?

Vous n’avez pas non plus beaucoup développé la dernière proposition du ministre en matière de circuits courts. Mon territoire est en train de s’engager à fournir 10 000 repas chaque jour à nos écoles. Or la majorité des produits carnés proviennent de l’étranger. Comment agir pour que vos adhérents soient également acteurs, qu’ils nous fassent savoir comment nous pouvons mieux travailler ensemble ? Vous n’avez pas parlé non plus de l’économie circulaire alors qu’elle est mise en avant aujourd’hui.

Quelles sont vos réflexions en ce qui concerne la prochaine loi sur l’étiquetage ?

En conclusion, je vais encore faire sourire mes collègues puisque je citerai Jean de La Fontaine, qui se servait « d’animaux pour instruire les hommes », quand vous nous parlez d’animaux pour mieux nourrir les hommes. J’espère que vous le faites en préservant l’environnement.

Mme Catherine Beaubatie. Les éleveurs ont souvent le sentiment que les mesures environnementales – les trames vertes et bleues, les lois sur l’eau et sur l’urbanisme – sont des contraintes, voire des carcans qui sclérosent l’activité agricole, notamment l’élevage. Certains éleveurs de montagne et de zones défavorisées ont du mal à absorber les coûts supplémentaires et les réglementations. Celles-ci semblent parfois disproportionnées par rapport aux impacts carbone limités de certains types d’exploitation.

Quels mécanismes de régulation peuvent être envisagés afin de prendre en compte la taille et la capacité des exploitations à intégrer les normes environnementales ? La convergence des aides de la nouvelle PAC et le verdissement jouent-ils assez bien ce rôle ? Les évaluations environnementales qui préfigurent les projets de loi et les projets de territoire prennent-elles suffisamment en compte l’impact positif des puits de carbone des pâturages pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et l’impact négatif du transport lié aux importations de viande étrangère ?

M. Jacques Kossowski. En tant que député du nord des Hauts-de-Seine, l’agriculture est un domaine qui ne me concerne pas beaucoup. (Sourires) Il n’empêche que le sujet m’intéresse.

Après de vifs débats parlementaires le 28 janvier dernier, l’Assemblée nationale a adopté définitivement une disposition reconnaissant dans le code civil que les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Le Conseil constitutionnel doit se prononcer très prochainement sur cette question. Une telle évolution juridique vise, semble-t-il, à moderniser le code civil en mettant en cohérence les dispositions du code rural et celles du code pénal. Il s’agit aussi de rapprocher le droit français des autres législations européennes.

Notre collègue Marc Le Fur s’est récemment inquiété de ce changement. Pour lui, le problème n’est pas de légiférer sur l’animal, mais de le faire dans le code civil qui est le code régissant la personne, les relations interpersonnelles et le droit de propriété. Comme lui d’ailleurs, je m’interroge sur la possibilité que vont avoir tous les opposants à l’élevage d’engager de multiples contentieux juridiques. Je souhaiterais connaître votre point de vue en la matière.

Vous allez connaître, dans les années qui viennent, une montée de la viande halal. Cela va-t-il vous gêner dans vos abattoirs ? Comment allez-vous faire ?

Enfin, j’aimerais que vous abordiez la question des prix dans les abattoirs.

M. Yannick Favennec. Un sondage qui date du mois de décembre dernier, réalisé à la demande du ministère de l’agriculture, conclut que 93 % des agriculteurs français déclarent s’être engagés dans des démarches agro-écologiques ayant comme priorité la limitation des intrants et l’amélioration de la qualité des sols. Si ce chiffre paraît encourageant, les agriculteurs engagés semblent pourtant peu enclins à poursuivre leur réflexion. En effet, si 33 % sont prêts à aller plus loin, 61 % ne prévoient pas d’en faire davantage car ils estiment que l’investissement financier est trop important, de même que le temps de travail que cela nécessite. Un autre frein est souvent cité, celui des contraintes réglementaires. Qu’en pensez-vous ? Comment parvenir à ce que les éleveurs français qui subissent un déficit de compétitivité sur le plan réglementaire adhèrent majoritairement à la nécessaire transition agro-écologique ?

Mme Brigitte Allain. Messieurs, je vous remercie pour vos interventions.

Ma question concerne la réforme de la PAC et son influence par rapport à l’évolution des élevages. Selon vous, quel type d’élevage risque de prendre le pas ?

Avec la fin des quotas laitiers, il semblerait que l’on évolue plutôt vers un agrandissement des ateliers. Cette évolution vous paraît-elle sérieuse d’un point de vue environnemental, climatique et économique ?

M. Florent Boudié. Cela fait près de dix ans que la FAO a alerté la planète dans son rapport intitulé « L’ombre portée de l’élevage ». Le diagnostic est très préoccupant et va très au-delà des propos qui ont pu être tenus tout à l’heure par les différents intervenants.

On voit bien que de nombreuses mesures ont été prises – sans même parler de la directive « Nitrates » de 1991 – à l’échelle européenne et nationale pour inciter à des modes de production plus neutres pour l’environnement. La filière élevage a pris conscience que la mutation des modes d’exploitation est inéluctable à moyen terme pour les rendre soutenables sur le plan écologique.

Au fond, on a du mal à avoir – et je crois que vos interventions le traduisent bien – une vision d’ensemble des mesures qui sont prises à l’échelle nationale comme à l’échelle européenne, alors que la réduction de l’impact de l’élevage sur l’environnement est l’une des clés de la protection de la ressource en eau, à la fois sur le plan quantitatif et qualitatif, et de la limitation des émissions de gaz à effet de serre.

Quel est l’agenda de l’Europe sur cette question et celui de la France à la veille de la COP21 ? Comment les interprofessions de l’élevage se mobilisent-elles et se concertent-elles, notamment à l’échelle européenne ? Qui pilote en France l’adaptation des systèmes d’exploitation d’élevage à l’enjeu environnemental ? Cette dernière question rejoint celle du rôle que pourraient jouer les collectivités territoriales.

M. Gérard Menuel. Monsieur le président, je vous remercie pour votre initiative. Je suis heureux de voir que le monde agricole et celui de l’environnement se parlent.

Les producteurs agricoles, les éleveurs en particulier, répondent à un certain nombre de besoins, notamment ceux des consommateurs. L’évolution de la production est due pour partie aux consommateurs. Notre alimentation a deux qualités : elle est sécurisée et souvent labellisée.

S’agissant plus précisément de l’alimentation des animaux, je ne vois pas comment on pourrait produire de la viande uniquement avec de la paille, de l’herbe ou du foin. Or nous sommes fortement dépendants en protéines, d’où l’importation massive de soja.

Des efforts ont été accomplis dans le passé. On a essayé de mettre en place des unités de déshydratation, avec le succès que l’on connaît et l’évolution que l’on constate aujourd’hui. On a cultivé des pois protéagineux. Mais aujourd’hui la production est plutôt à la baisse. Je citerai également les coproduits issus du diester, notamment dans l’est de la France. Selon vous, quelles voies doivent être développées pour que la France soit moins dépendante en matière de protéines ?

En Allemagne, une unité de méthanisation se construit chaque jour, notamment chez les éleveurs. Là-bas, il faut six mois pour monter une unité parce que le parcours administratif est très court. En France, par contre, il faut quatre à cinq ans. Voilà pourquoi on en crée si peu.

M. Philippe Noguès. Ma question porte sur l’autonomie protéique, enjeu à la fois environnemental et économique en raison de la variation des cours mondiaux des protéines et des compléments azotés.

La FAO estime que l’élevage peut diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 30 % grâce aux technologies existantes et en améliorant les pratiques. Un certain nombre d’éleveurs adoptent des pratiques visant à accroître leur autonomie protéique via l’introduction de cultures moins gourmandes, voire excédentaires en azote, telles que l’herbe, la luzerne, le lupin, ce qui se traduit généralement par de meilleures performances technico-économiques et une moindre dépendance aux variations des cours sur les marchés.

Pourriez-vous nous indiquer la part de l’élevage actuellement engagée dans une démarche de recherche d’autonomie protéique ? Les aides et incitations de la PAC vous semblent-elles suffisantes et adaptées ? Quelles sont les régions de France les plus en avance sur ces questions ?

En tant que président du groupe d’études sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et membre de la plate-forme d’actions globales pour la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE), je souhaiterais savoir s’il existe des initiatives de RSE au sein de la filière bovine. Dans l’affirmative, quelle forme prennent-elles et sur quel sujet portent-elles exactement ?

M. Guillaume Chevrollier. Il est souvent affirmé que l’élevage est l’une des causes des problèmes d’environnement les plus pressants, à savoir le réchauffement de la planète, la dégradation des terres, la pollution des eaux et la perte de biodiversité. Ce tableau est très éloigné des réalités du terrain, ce qui donne lieu à de nombreuses polémiques. Il est à souligner que la recherche peut contribuer à atténuer ces nuisances.

Surtout, les pratiques de nos agriculteurs se sont considérablement améliorées pour répondre à la double contrainte en matière de performance économique et environnementale à laquelle ils sont soumis. En effet, je considère que l’on parle trop peu des contributions positives de l’élevage. Or celles-ci existent aussi en matière environnementale. Le secteur de l’élevage est socialement et politiquement très important, à la fois dans les pays en voie de développement où il est essentiel, et dans nombre de nos départements français, bien évidemment dans les départements ruraux. Là où il y a de l’élevage, il y a de la vie économique.

Les préoccupations environnementales ont donné lieu à des obligations innombrables pour les éleveurs, que ce soit en termes de contrôles, de déclarations, de paperasserie et donc de coût dont on n’a pas suffisamment parlé ce matin.

Je veux rappeler la situation délicate des éleveurs, notamment bovins, pris en étau entre la chute des prix de la viande bovine et l’augmentation des coûts de production. Je veux me faire l’écho de ce que j’entends dans ma circonscription de Mayenne : assez de contraintes et d’obligations, davantage de prise en compte des difficultés réelles des éleveurs.

Quelle est votre réflexion sur le débat relatif au bien-être animal, avec les risques que cela peut entraîner pour nos éleveurs ?

Enfin, l’étiquetage indiquant l’origine nationale des produits agricoles est-il un moyen efficace pour valoriser la production nationale française ?

Mme Sophie Rohfritsch. Monsieur le président, à mon tour je tiens à vous remercier pour avoir organisé cette table ronde. Je remercie également les intervenants d’avoir exposé avec beaucoup de clarté la situation et planté le décor. On comprend bien que nos destins sont liés et que les éleveurs sont vraiment des acteurs de la protection de l’environnement.

À ceux de mes collègues qui continuent de parler de compromis ou de lutte, je dirai qu’ils devraient cesser d’aborder la question de cette manière. Ils doivent comprendre que nous devons travailler ensemble sur des thématiques destinées au développement de l’élevage. Cela passe d’abord par une bonne qualité de vie des éleveurs et une bonne rémunération de leur activité. On n’a peut-être pas beaucoup insisté sur la façon dont on pourrait parvenir à une meilleure répartition de la valeur ajoutée de la transformation de la viande, donc de la production. En Alsace, un projet porté par une coopérative d’éleveurs alsaciens, Copvial, que Dominique Daul connaît très bien, vient d’aboutir au rachat d’une unité de transformation de la viande. Celle-ci est ensuite vendue sous un label tout à fait identifié par le consommateur alsacien comme un label de qualité. Il faudrait donc faciliter ce type d’acquisition pour que la filière soit présente sur l’ensemble de l’activité, de la production à la transformation.

On pourrait aussi envisager des mesures toutes simples comme le transfert aux collectivités territoriales des personnels en charge d’acheter la viande dans les collèges et lycées. Ils seraient plus sensibles à l’achat de la viande produite localement que des personnels d’État. Il faudrait également encourager la méthanisation. Bref, nous devons nous saisir de beaucoup de sujets, car les éleveurs comme les agriculteurs seront plus sensibles à la protection de l’environnement lorsqu’ils vivront bien de leur activité. Tel est le message qu’il faut délivrer en priorité.

Mme Sylviane Alaux. Ce que j’ai entendu ce matin est très intéressant.

Vous savez qu’un député a toujours tendance à parler en priorité de son territoire. (Sourires) Aussi, je vous ferai part d’initiatives qui ont fleuri dans le pays basque, concernant notamment l’alimentation du bétail. Des recherches ont été menées pour changer l’alimentation mais toujours avec l’objectif de ce que peut produire l’éleveur lui-même.

Vous parliez du revenu de l’éleveur. À cet égard, l’association EHLG, Euskal Herriko Laborantza Ganbara, a mis en œuvre une véritable politique de revenu du paysan. Elle considère que les agriculteurs ne sont ni des producteurs ni des éleveurs mais des paysans qui ont à cœur de mettre à la disposition du consommateur un produit de qualité tout en leur assurant un revenu qui leur permet de vivre.

Vous évoquez les circuits courts. La région Aquitaine développe de telles filières et, avec l’aide des conseils de développement du pays basque, nous avons mis en place des clusters agroalimentaires qui permettent de développer les circuits courts.

Mon intervention était davantage un témoignage qu’une question pour montrer que des initiatives sont prises dans nos régions de France. Peut-être faudrait-il qu’une concertation soit engagée sur ce point entre tous nos territoires.

M. Jean-Pierre Vigier. Je remercie les différents intervenants pour leur exposé.

Certains orateurs viennent d’affirmer que l’élevage est l’une des principales causes des problèmes environnementaux : réchauffement de la planète, dégradation des terres, pollution de l’atmosphère et des eaux, perte de biodiversité. Je veux bien, mais il ne faut pas généraliser.

Tout d’abord, je voudrais féliciter et remercier nos éleveurs qui nourrissent la planète.

Je ferai trois remarques pour rappeler des choses simples.

Premièrement, pour bien connaître le sujet, je peux affirmer que l’élevage en moyenne montagne concerne de petites exploitations agricoles. Elles ne sont pas intensives et elles respectent l’environnement, notamment par la mise en place de nouvelles pratiques agricoles, ce qui permet d’obtenir des produits de qualité, parfois labellisés AOC ou AOP (appellation d’origine protégée).

Deuxièmement, ces exploitations agricoles représentent 40 % de l’activité économique des territoires ruraux. Elles entretiennent l’espace dans des endroits parfois très difficiles. Je le dis clairement : sans elles, il n’y a plus de vie dans ces territoires ruraux. Nos agriculteurs font de l’aménagement du territoire.

Troisièmement, il ne faut pas oublier que les agriculteurs travaillent durement, dans des conditions difficiles, parfois pour dégager de faibles, voire de très faibles revenus.

Bien sûr, il faut protéger l’environnement, mais il faudra bien penser, un jour, à aider plus fortement et peut-être à protéger nos éleveurs. Qu’en pensez-vous ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur Jean-Pierre Vigier, je suis tenté de répondre d’abord moi-même à votre intervention.

L’état d’esprit de cette table ronde doit nous conduire, les uns et les autres, à tenir des propos les plus équilibrés possible parce qu’il y a différents types d’élevage et différents agriculteurs. L’analyse ne peut donc pas être unique et elle est forcément complexe. (Approbations sur divers bancs)

Les interventions des uns et des autres, professionnels comme représentants des ONG ou parlementaires, prouvent que les choses progressent, et c’est tant mieux. Elles avancent au niveau européen, dans les territoires, mais peut-être pas suffisamment en ce qui concerne l’installation des jeunes, sujet qui n’a pas encore été abordé ce matin. Actuellement, on compte une seule installation pour trois départs à la retraite. Que ferons-nous demain dans nos territoires ? Comment mieux prendre en compte les enjeux environnementaux, la biodiversité, l’aménagement de l’espace, la protection des sols si demain il n’y a plus d’élevages extensifs ? À ce jour, vous le savez, les politiques n’ont pas apporté de réponse. La réduction du nombre d’exploitants agricoles est un fait majeur qui commence à avoir des conséquences sur nos agricultures, et qui en aura aussi demain.

M. Dominique Langlois. L’enjeu économique des filières que nous représentons – filières bovine et ovine principalement – est majeur, puisqu’elles sont en crise. Aujourd’hui, les producteurs bovins ne gagnent pas leur vie, ce qui veut dire que le renouvellement des générations ne peut pas se faire. On ne peut pas attirer grand monde avec une perspective de revenu de 14 000 euros par an. Nous y travaillons avec les organisations syndicales, notamment la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).

L’industrie de transformation de la viande constitue également un enjeu économique majeur puisqu’elle concerne 59 000 emplois. Là aussi, nous sommes confrontés à un problème de renouvellement des générations puisqu’il est difficile d’attirer les jeunes vers les métiers de la viande. Il faut valoriser ces métiers nobles et qui ont un réel savoir-faire. C’est pourquoi nous avons entrepris une campagne importante de communication.

J’ajoute que, s’il n’y a plus de producteurs, il n’y aura plus d’industrie de la viande. La consommation de viande bovine baisse en France, tandis que la consommation d’autres espèces augmente, en particulier en raison du prix.

Depuis trois ans, nous avons la chance de voir l’ouverture des marchés extérieurs qui ne l’étaient plus à cause de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Ce problème est maintenant derrière nous et nous espérons être classés, au mois de mai prochain, en « risque négligeable » par la Commission européenne, ce qui permettra que soit levé l’embargo de la Chine et d’autres pays sur les viandes européenne et française.

La question de l’étiquetage est effectivement très importante. Elle sera au cœur de nos préoccupations lors du prochain salon international de l’agriculture. Il y a un an, nous avons vécu la crise du Horsegate. Nous avons créé « Viandes de France » qui regroupe l’ensemble des viandes et pas seulement la viande bovine, et certifie que les animaux sont nés, élevés, abattus et transformés en France. Mais, comme nous considérons que ce logo n’est pas suffisamment utilisé, nous allons intensifier notre action. Disons-le clairement : nous avons rencontré des réticences de la part d’industriels de la transformation. Nous menons également un combat auprès de la Commission européenne et du Parlement européen. Il y a quinze jours, nous avons réussi à empêcher qu’un amendement soit déposé qui considérait qu’il n’était pas possible de mentionner l’origine de la viande transformée en raison d’un coût élevé. En réalité, cet argument ne tient pas, car la quantité de viande dans un plat à base de viande est très faible, et l’impact sur le prix négligeable.

Ce combat est important parce qu’il permet de répondre à une attente du consommateur, dont le premier critère de choix est l’origine du produit. Il ne s’agit pas d’imposer la viande française partout, mais de permettre au consommateur de connaître l’origine de la viande qu’il consomme.

J’en viens à la restauration collective, qui représente 28 % de la consommation de viande en France. Nous savons qu’une part très faible est réservée à la viande française, ce qui est totalement anormal. Il faut bien distinguer la restauration collective commerciale de la restauration collective scolaire, des administrations, de l’armée, etc. Il est absolument anormal que 80 % de la viande consommée ne soit pas d’origine française. À cela, certains nous répondent que nous ne pourrions pas fournir suffisamment de viande. C’est faux : c’est un problème de gestion, mais nous savons le résoudre. Nos comités régionaux ont un travail important à faire auprès des collectivités pour leur expliquer que nous pouvons fournir de la viande. Nous avons une répartition territoriale des unités de transformation de viande qui permet également de valoriser des démarches régionales.

S’agissant du prix de la viande, une réunion de concertation a lieu aujourd’hui. Même s’il n’est pas rémunérateur pour l’éleveur, le prix est élevé pour le consommateur. Se pose donc la question des marges, que je n’aborderai pas. Nous avons un outil de réflexion qui peut nous permettre d’avancer : la contractualisation. Cela permettrait de mieux valoriser les démarches de qualité. Une caisse de sécurisation serait créée qui permettrait d’abonder le prix lorsqu’il est très bas et de capitaliser lorsqu’il est plus élevé.

Un autre point a été soulevé, celui de la valorisation des coproduits. En la matière, il existe de grandes complexités administratives et fiscales, mais il y a des chances à saisir. La méthanisation est très compliquée pour les industriels de la viande, et l’on se rend compte que le résultat n’est pas à la hauteur des études qui ont été réalisées.

S’agissant du bien-être animal, le code civil a été aligné sur le code rural. Je rappelle que le bien-être animal fait bien partie intégrante des préoccupations des éleveurs mais aussi des industriels de la viande que nous sommes, contrairement à ce que peuvent dire certaines associations dont le discours relève du militantisme. Pour ce qui est du transport des animaux, il est préférable que des animaux qui auront été élevés en France soient abattus en France avant d’être exportés, car le délai de transport est alors beaucoup plus court.

M. Dominique Daul. Il est important de noter que, quel que soit le gouvernement, le budget de la PAC a été maintenu globalement au niveau européen. La France a fait du bon travail. En ce qui concerne l’élevage, le choix a été fait de soutenir et de maintenir une prime couplée à la production de la vache allaitante, ce qui veut dire qu’à une vache correspond une prime. La prime n’est pas liée à l’exploitation, mais bien à un acte de production. C’est un choix fort pour les zones herbagères et l’on ne peut que s’en féliciter.

Je souhaite dire haut et fort qu’il n’est pas acceptable que les éleveurs, qui doivent faire leur « déclaration PAC » au mois de mai prochain, ne connaissent toujours pas le cadre de la nouvelle PAC. Il y a là un dysfonctionnement global des services du ministère de l’agriculture.

Un plan protéines a été avalisé dans le cadre de la nouvelle PAC et un fonds est spécifiquement lié à l’agriculture, notamment aux éleveurs. C’est essentiel pour développer différentes productions. Je pense notamment aux légumineuses, au mélange herbe-légumineuses, ce qui permettra de gagner en autonomie fourragère et d’améliorer notre plan « protéines végétales ». Cela ne veut pas dire pour autant que nous deviendrons indépendants. On estime pouvoir accroître les surfaces d’un million d’hectares, ce qui n’est pas négligeable. Les essais réalisés dans les fermes expérimentales et les différentes mesures déjà prises dans un certain nombre d’élevages montrent que ça marche. Mais ce ne sera pas possible partout. Et la mesure aura un impact agronomique auquel les éleveurs sont sensibles.

Je veux rappeler quelques chiffres. Le revenu moyen d’un éleveur est aujourd’hui de 14 000 euros par an. Quel jeune a envie de s’installer pour gagner une telle somme ? Il faut savoir qu’il est plus facile aujourd’hui de reprendre ou d’agrandir une exploitation céréalière que de reprendre un élevage. C’est souvent un voisin éleveur qui reprend l’élevage. Et si c’est un voisin céréalier qui reprend l’élevage, il vend les animaux et reprend les surfaces. C’est plus intéressant de pratiquer de la sorte en termes de qualité de vie et de vie sociale. Dès lors, que faire ? Ce n’est pas compliqué : il faut permettre à l’éleveur de gagner sa vie, comme l’a dit Mme Sophie Rohfritsch.

Ce n’est pas facile d’élever seul cinquante vaches. Pour ma part, je suis engraisseur, c’est-à-dire que j’achète des broutards issus de zones extensives. Je dis toujours qu’il est plus facile d’en produire 800 à deux que 400 tout seul, (Sourires) en termes de rentabilité, sans oublier le facteur humain. On parle beaucoup de bien-être animal, mais il faut aussi penser au bien-être de l’éleveur et à sa vie sociale. Dans un même village, on autorise aujourd’hui deux producteurs à avoir 400 jeunes bovins sur chaque exploitation. Par contre, on leur impose 20 000 euros d’études, deux ans d’expertises pour associer les deux exploitations. Il faudra donc savoir évoluer tout en maintenant un lien au sol pour éviter le développement des exploitations hors-sol de bovins.

On a beaucoup parlé des zones extensives. Il faut mentionner aussi la complémentarité des zones que nous avons la chance d’avoir en France : il y a des zones totalement herbagères ou à forte potentialité herbagère, et des zones de plaine où sont cultivées les céréales qui permettent de fournir des protéines et donc d’engraisser nos animaux. Si notre pays compte encore autant d’élevages, c’est bien que les différentes zones se complètent et que les systèmes de production sont équilibrés et cohérents. Venez visiter nos fermes : nous n’avons pas peur de montrer ce que nous faisons. Dernièrement, Interbev a organisé les rencontres « Made in viande ». Quand les citadins viennent sur nos exploitations, ils peuvent voir tout ce que nous faisons en matière d’environnement et se rendre compte de ce que cela coûte.

Je citerai encore un chiffre : 50 % des éleveurs ont plus de cinquante ans. Dans ces conditions, comment maintenir le potentiel de production, surtout lorsque l’on sait que le nombre d’exploitants va baisser ? Il y a actuellement 4 millions de vaches allaitantes en France. Sur 2 millions de broutards, jusqu’à présent la moitié partait en Italie. Mais d’ici à dix ans, on estime que seulement 600 000 iront à l’étranger. Dès lors, que faire des animaux restants ? Il y a des réalités économiques qui s’imposent à nous. Je ne dis pas qu’il faut aller vers de grands modèles – je ne parle pas des feedlots – mais si les normes sont respectées et le lien au sol conservé, nous serons capables de faire de belles choses au niveau environnemental, d’améliorer la vie sociale des éleveurs et de garantir la pérennité économique des exploitations. Il est essentiel de repenser fondamentalement la production. C’est ce que pensent l’interprofession et la Fédération nationale bovine (FNB) et c’est ce que les élus devraient penser. Ce sont de vrais enjeux, non seulement pour les éleveurs, mais aussi pour toute la filière en aval : fabricants d’aliments, concessionnaires, abattoirs, transformateurs, etc.

Méfions-nous de ce qui se passe en Allemagne en matière de méthanisation. Certaines exploitations allemandes sont allées jusqu’à arrêter l’élevage et ne cultivent que du maïs ensilage pour faire tourner leur méthaniseur. Ce n’est pas une solution pour nous. Certaines unités de méthanisation peuvent regrouper deux ou trois exploitations de 350 à 500 animaux et être viables. Mais que fait-on avec l’énergie et avec la chaleur ? Ne faudrait-il pas plébisciter les injections directes de gaz ? Actuellement, peu de méthaniseurs se montent en France pour des raisons administratives et financières, les éleveurs n’ayant pas toujours la capacité financière pour s’engager.

M. Emmanuel Coste. Je voudrais répondre à Mme Laurence Abeille. Nous souhaitons que nos discussions avec la FAO soient basées sur une analyse multicritères. Que l’on compare la quantité produite au mètre carré, à l’hectare ou en pourcentage de la planète, on obtiendra toujours des chiffres exacts, mais il faut parvenir à se mettre d’accord sur les évaluations multicritères. Nous sommes souvent attaqués sur le nombre d’animaux ou sur la qualité, mais il ne faut pas oublier qu’ils produisent d’autres choses, comme du lait, du cuir, etc. On parle souvent des impacts négatifs de la production de viande sur l’environnement, alors qu’il existe d’autres productions liées à l’animal.

Le modèle français est très particulier, si on le compare à ce qui se passe sur le reste de la planète, où l’on s’oriente plutôt vers des modèles de type industriel, qui sont les plus dangereux au plan environnemental. La confrontation environnementale nous conduit à orienter l’élevage de telle manière que l’on ne construise pas des usines à viande ou à lait. À cet égard, je voudrais signaler l’initiative qui a été prise au Brésil, où des gens se sont mis autour d’une table avec des ONG, en particulier WWF, pour réfléchir à un « bœuf durable ». Même si de telles initiatives ne sont pas suffisamment développées, elles devraient permettre de discuter d’un autre modèle. Mais le modèle mis en place en Afrique ou en Asie n’est pas du tout basé sur la dépendance au sol, contrairement à ce qui se passe en France et dans la partie orientale de l’Europe.

L’année dernière, lors du congrès mondial de la viande en Chine, le gouvernement chinois a posé la question suivante : déplacer les populations rurales en bordure des villes est peut-être une solution, mais que fait-on des territoires et de l’agriculture qui y reste ? Est-ce du développement industriel, ou un modèle à l’européenne ou à la française ? Ces questions sont au cœur de nos discussions. La réponse de la PAC est intéressante dans la mesure où elle allie le caractère productif et économique d’une exploitation à des qualités environnementales développées par l’agriculture. Je crois que ce modèle peut être intéressant, même s’il est contraignant pour les agriculteurs qui ont encore du mal à accepter d’avoir à remplir chaque jour des papiers. La prime à la vache allaitante ou à la brebis est associée à un caractère économique, c’est-à-dire que, contrairement à ce qui a pu être dit, les agriculteurs qui touchent des primes de Bruxelles s’engagent à produire un minimum de veaux ou d’agneaux, ces primes étant également liées à des critères environnementaux, à des densités, etc.

Vous nous avez demandé quelle sera la nouvelle PAC. On voit bien que la PAC est plutôt un assemblage de différentes positions nationales qu’une véritable politique européenne qui aurait alimenté l’avenir agricole de l’Europe. Ces questions se posent essentiellement au niveau européen mais elles ont un retentissement mondial parce que le problème de l’élevage au niveau mondial n’a rien de semblable avec l’évolution qui existe chez nous. Nous sommes parvenus à de premières réponses parce que les discussions locales avec les ONG ont permis quelques avancées.

M. Dominique Langlois. Je n’ai pas répondu sur les accords de libre-échange. Ce sera le deuxième sujet important du salon international de l’agriculture. Il y a un an, le Président de la République nous avait indiqué qu’il n’était pas question de saborder l’agriculture dans ces accords et que cette question devait être évacuée avant tout autre négociation. Or, aujourd’hui, nous sommes très inquiets en raison des accords qui ont été conclus avec le Canada et des discussions avec les États-Unis. Le risque est majeur puisque 250 000 tonnes seraient importées vers l’Europe – sans entrer dans le détail, il s’agirait de « muscles nobles », c’est-à-dire à valeur forte. Cela induirait une baisse de revenus de 30 à 40 % pour les éleveurs. Je le répète, cette viande importée est élevée dans de grands parcs d’engraissement où les antibiotiques sont utilisés comme activateurs de croissance et où les carcasses sont stérilisées à l’eau de javel. Ce n’est pas du tout le modèle de production européen, sauf à considérer que ce que l’on nous impose, en Europe et en France, ne sert à rien.

M. Jean-Baptiste Dollé. En France, depuis l’entrée en vigueur de la directive « Nitrates », on a constaté une meilleure valorisation des effluents d’élevage. De grands investissements ont été réalisés sur les exploitations pour mieux valoriser ces effluents. Cela s’est traduit par un moindre recours aux engrais de synthèse, donc une moindre dépendance aux engrais minéraux et, de fait, on observe une amélioration de la qualité de l’eau avec des teneurs en nitrates qui baissent dans les eaux superficielles.

S’agissant de la quantité d’eau nécessaire à la production de lait ou de viande, le schéma français n’est pas du tout le même que le schéma israélien, où l’on a recours à l’irrigation pour la production de tous les fourrages. En France, seulement 5 % des surfaces destinées à l’alimentation des animaux sont irriguées. Cela représente une faible part et donc une très faible dépendance à l’irrigation. Néanmoins, des améliorations sont nécessaires pour optimiser la consommation d’eau dans les élevages.

En 2006, la FAO estimait que l’élevage contribuait pour 18 % aux émissions de gaz à effet de serre au niveau international. Depuis, la FAO a conduit une nouvelle évaluation qui fait état de 14,5 % en 2013. Nous avons constaté que les pratiques mises en œuvre pour réduire la pollution par les nitrates ont un effet positif sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce qui fait qu’entre 1990 et 2010, une réduction de 14 % de ces émissions a été obtenue dans l’élevage bovin. Ce résultat est lié à l’amélioration des pratiques, mais aussi à l’augmentation de la productivité, sachant que la production par vache a augmenté entre 1990 et 2010 du fait de la génétique et d’une meilleure efficience des systèmes de production : nous sommes passés de 5 500 kg de lait par vache à 6 500 à 7 000 kg de lait, ce qui n’a rien à voir avec les 10 000 ou 12 000 kg que l’on peut observer dans certains pays où le lien au sol a été perdu. L’augmentation de la productivité en France nous a permis en effet de conserver malgré tout ce lien au sol. Il y aura de toute façon une augmentation des cheptels dans les exploitations, dès lors que le lien au sol sera conservé par la production de fourrage et la valorisation des déjections. Nous ne prendrons pas de risques environnementaux plus importants.

Vous nous avez demandé si l’on prenait suffisamment en compte le stockage de carbone dans les exploitations. La réponse est non. Même si nous progressons sur l’intégration du stockage de carbone, il nous faut un soutien pour que ce stockage soit reconnu en tant que tel dans les inventaires nationaux, dans les évaluations environnementales. Le risque serait sinon de voir disparaître ce puits de carbone, ce qui se traduirait par un emballement du changement climatique. Un effort important est donc nécessaire pour faire reconnaître cette contribution positive de l’élevage au stockage de carbone.

Il est difficile de dire que l’élevage contribue à une perte de biodiversité lorsque l’on voit, sur une zone de polyculture élevage, à la fois des champs de céréales, de maïs, de colza et des prairies. Cette mosaïque paysagère contribue à la biodiversité floristique et faunistique, c’est-à-dire qu’il y a un transfert d’espèces entre les différentes cultures, ce qui est bien plus favorable à la biodiversité qu’une zone de grandes cultures avec des étendues très importantes de monocultures. Pour l’éleveur, le dispositif est doublement bénéfique car, dès lors qu’il contribuera à une meilleure biodiversité du sol et de tout le paysage qui l’entoure, il aura moins recours aux intrants. L’élevage bovin s’inscrit donc dans la préservation de la biodiversité. Je précise que les produits phytosanitaires sont très peu utilisés en élevage, à la différence des grandes cultures.

Bien sûr, il faut engager d’autres évolutions. La FAO annonce un objectif de 30 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce qui est envisageable à plus ou moins long terme. Sur certaines exploitations, il reste encore des marges de progrès très importantes puisque des exploitations au système de production identique peuvent avoir une efficience technique et des impacts environnementaux différents.

M. Arnaud Gauffier. Aujourd’hui, un éleveur de vaches allaitantes gagne 14 000 euros par an pour 3 200 heures de travail, tandis que le revenu moyen d’un agriculteur qui cultive de la betterave, de la pomme de terre et du blé était de 75 000 euros avant impôts en 2011 pour 900 heures de travail. À cela s’ajoutent les aides de la PAC qui sont de 300 euros par hectare en grandes cultures et de 100 euros pour les prairies. Il y a là un véritable gâchis d’argent public. Comment voulez-vous justifier une telle PAC auprès des éleveurs et surtout des contribuables ?

J’ai trouvé Dominique Daul très accommodant sur la réforme de la PAC. Qui va accepter que l’on verse de l’argent public à des céréaliers qui, pour la plupart, n’en ont pas besoin ? Cette année, les prix des céréales ont chuté, mais, ces deux dernières années, ça a été le « gavage » complet ! Certaines ONG demandent une disparition de la PAC. Cela réglerait peut-être le problème, mais il n’y aurait plus d’éleveurs. Telle n’est pas la position de WWF. Pour notre part, nous demandons une meilleure répartition des aides et une convergence totale en 2020, mais cela nous a été refusé. Nous avions demandé un plafonnement des aides, mais cela nous a été également refusé. Nous avions demandé un paiement pour services écosystémiques, c’est-à-dire à ce que les agriculteurs soient payés pour le service rendu, ce qui leur permettrait de tirer leur épingle du jeu. Un céréalier en Beauce qui épand des pesticides et des engrais minéraux ne rend pas beaucoup de services écosystémiques à la société. Il n’a pas du tout d’infrastructures agro-écologiques, c’est-à-dire de haies, etc. En revanche, un éleveur de vaches allaitantes dans le Limousin, qui entretient un paysage et ses prairies et qui stocke du carbone, rend à la société un service largement supérieur. Aidons nos éleveurs ! Il est important de penser sérieusement à ces pistes pour la future PAC.

Beaucoup d’intervenants se sont félicités que les émissions de gaz à effet de serre aient baissé de 10 % dans l’élevage. Attention à cet argument à double tranchant, car ce résultat est dû à l’intensification de l’élevage. La « ferme des mille vaches » n’aura pas nécessairement un plus mauvais bilan carbone qu’une exploitation de vaches allaitantes nourries à l’herbe dans le Limousin.

On a parlé aussi de déprise agricole. C’est une réalité dans certaines régions, en moyenne montagne notamment parce que nos éleveurs ne sont plus du tout aidés et que personne ne veut s’y installer. Mais c’est aussi une réalité dans les régions de grandes cultures. Les aides PAC sont en quelque sorte des primes à l’agrandissement, puisqu’elles sont liées au nombre d’hectares. Du coup, les exploitations céréalières s’agrandissent tandis que le nombre d’agriculteurs diminue drastiquement. À ma connaissance, la région Champagne-Ardenne est la seule qui reçoit des aides du Fonds européen de développement économique et régional (FEDER) parce qu’elle perd de la population. Dans certains villages, il y avait auparavant quinze agriculteurs, contre un seul maintenant.

Cela doit nous conduire à nous poser la question de l’hyperspécialisation, qui est aussi le résultat des politiques agricoles françaises et européennes. Aujourd’hui, certaines régions sont spécialisées et déconnectées des autres. Dans la Beauce, on produit des céréales, en Bretagne du lait et du porc, en Aquitaine du maïs et du vin. (Murmures sur divers bancs) Reconnectons ces zones, essayons de réinjecter un peu d’élevage dans les zones de grandes cultures afin que des complémentarités vertueuses soient remises en place et que les céréaliers trouvent des débouchés pour les protéagineux qu’ils vont cultiver. Le plan « protéines » permettra d’accroître l’autonomie protéique des élevages, les éleveurs ayant intérêt à cultiver des protéines puisqu’ils toucheront des primes. Par contre, les céréaliers n’ont aucun intérêt à en cultiver car les niveaux de prix sont extrêmement bas, la recherche publique et privée sur les variétés a été arrêtée, d’énormes attaques de ravageurs font baisser les rendements, et les coopératives n’offrent pas de débouchés puisque les régions d’élevage sont éloignées.

La responsabilité sociétale des entreprises est une question importante. Il convient de responsabiliser tous les acteurs de la chaîne : les éleveurs, l’abattage, l’alimentation animale qui est un secteur clé en ce qui concerne l’autonomie protéique, mais aussi les industriels, la grande distribution et le consommateur. Le WWF travaille beaucoup avec les entreprises de tous les secteurs que je viens de citer – alimentation animale, distribution, transformation – et il distille des messages à destination des consommateurs pour qu’ils partagent la valeur ajoutée et les coûts. L’ONG environnementale que nous sommes souhaite que les coûts ne soient pas supportés uniquement par les éleveurs, mais qu’ils soient partagés tout au long de la chaîne de valeur et que tout le monde essaie de travailler la main dans la main. Vous avez cité l’exemple de la Global roundtable for sustainable beef (GRSB), la table ronde mondiale sur le bœuf durable, qui a été cofondée par le WWF et des industriels de la viande. Certes, cette initiative concerne plutôt la problématique de la déforestation, donc la Colombie, le Brésil, l’Argentine et l’Australie, mais c’est un bon exemple de travail avec le secteur de l’industrie.

M. Jean-Claude Bevillard. Je suis gêné par cette espèce de quiproquo qu’il y a sur le terme d’élevage. Il n’y a rien de commun entre un troupeau de vaches allaitantes dans le Jura ou dans le Limousin, et une usine de 5 000 cochons ou de 10 000 volailles en Bretagne. Les élevages hors-sol industrialisés sont quasiment insoutenables d’un point de vue environnemental. Je tenais à apporter cette précision car on utilise souvent les qualités d’un type d’élevage pour défendre l’autre, ce qui est dangereux.

Le lien au sol sur lequel j’ai insisté tout à l’heure signifie qu’il faut déconcentrer l’élevage et le réimplanter dans toutes les régions. Il y a des excédents d’azote en Bretagne dont on ne sait que faire, et des terrains dans le Bassin parisien qui sont en train de perdre leur humus et donc leurs qualités agronomiques. Il va falloir résoudre ce problème. Il y va de notre responsabilité à l’égard des générations futures. La déspécialisation et la diversification des régions sont importantes.

Arnaud Gauffier a très bien présenté la problématique de la PAC. France Nature Environnement a commencé à travailler sur la nouvelle PAC dès 2007. Nous étions partis du constat qu’en tant que politique publique, la PAC devait financer les prestations d’intérêt général des agriculteurs globalement, c’est-à-dire de ceux qui cultivent et de ceux qui élèvent. Les premières positions du Parlement allaient dans ce sens. Mais au final, la PAC ne ressemble à rien du tout parce que les égoïsmes nationaux se sont manifestés, notamment au Parlement, et l’on a abouti à une juxtaposition de politiques nationales. En matière de diversification, par exemple, on a réussi ce coup de maître d’accepter qu’une exploitation ne puisse avoir que deux cultures sur 95 % de la SAU.

Je suis tout à fait d’accord pour dire que l’élevage lié au sol ne fonctionne pas, que les revenus ne suivent pas, et que l’obsession des jeunes qui s’installent est de basculer de la polyculture élevage vers la culture. On voit bien quelles sont les contraintes d’un élevage lié au sol : il faut être présent chaque jour, gérer un troupeau, etc. Je ne dis pas que la culture soit facile, mais elle laisse davantage de souplesse dans l’emploi du temps et des revenus sans commune mesure.

Soit les politiques publiques visent à maintenir un élevage lié au sol dans toutes les régions et s’en donnent les moyens, soit elles se contentent de ces incantations que nous allons encore entendre pendant le salon de l’agriculture, sans que les décisions suivent. Si, d’un côté, on ne cesse de dire que l’on veut préserver l’élevage tandis que, de l’autre, dans la restauration collective, par exemple, on rechigne à faire le choix d’acheter des produits locaux de qualité, on n’aura rien gagné. Il faut mettre en accord les actes avec les discours. La PAC ne fait rien pour les prairies, elles ne sont pas protégées. Il était prévu de les cartographier, et voici que, finalement, on ne va retenir qu’une partie de celles de Natura 2000, tandis que les autres devront se contenter du fameux ratio régional qui, autant que l’on sache, n’a pas préservé nos prairies jusqu’à présent. Disons les choses clairement : les surfaces de prairies diminuent, ce qui veut dire que le stockage de carbone dans les prairies diminue aussi.

Il y a un consensus national autour de l’agriculture et de l’élevage. Pourtant, les décisions ne suivent pas. Il faut prendre des décisions plutôt que de continuer à constater les dégâts.

S’agissant de la méthanisation, on ne peut pas aller vers le modèle allemand, car il met en place des méthaniseurs alimentés par des cultures dédiées. Ces élevages ont tendance à voir les revenus de la revente du gaz comme un revenu principal, les produits de l’élevage étant des revenus secondaires. Cela ne ressemble pas à notre modèle français d’agriculture. Mais je suis d’accord pour que les méthaniseurs résorbent une partie des excédents d’azote, même si cela ne peut être qu’un moyen très partiel.

En ce qui concerne les échanges, on ne peut pas dire que notre élevage doive répondre à des exigences de qualité et respecter des normes, et importer d’Amérique du Nord de la viande et des cultures pour alimenter nos élevages hors-sol. Il ne s’agit pas de fermer nos frontières, mais de réguler nos échanges en nous fondant sur des critères environnementaux et sociaux, sans quoi ce sera la foire d’empoigne au niveau mondial et, comme toujours, ce sont les plus faibles qui trinqueront. Nous voyons bien aujourd’hui que l’élevage hors-sol subit les conséquences de niveaux de salaires beaucoup plus bas en Europe de l’Est et en Allemagne que dans notre pays. Ce n’est pas normal. On ne peut pas travailler dans ces conditions. C’est la prime au brigand, à l’augmentation des exploitations, à l’industrialisation de l’élevage.

À chaque fois que l’on va vers l’industrialisation de l’élevage, on le fragilise et on rend la défense de l’agriculture beaucoup plus difficile. Il ne faut jamais oublier que l’élevage comme l’agriculture travaillent sur le vivant. Une vache, c’est très différent d’une machine à laver ou d’un fauteuil, ce n’est pas un produit industriel. Notre civilisation est basée aussi et surtout sur l’éthique, et nous devons en tenir compte. Il est dangereux de considérer un animal seulement comme une masse de viande.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a vraiment eu raison d’organiser cette table ronde. Vous êtes tous intervenus avec vos connaissances, votre sensibilité, vos histoires personnelles et vos responsabilités. Je tenais à vous remercier pour ces échanges de qualité.

On a pu avoir quelquefois le sentiment que le sujet essentiel était l’élevage extensif. Mais il n’y a pas que celui-là. Nous sentons bien, à travers vos propos, que la prise en jeu des enjeux environnementaux est aujourd’hui une réalité, même si nous savons qu’il faut aller encore beaucoup plus loin. La PAC conduit à de nombreuses réflexions. Certains d’entre nous auraient souhaité que les choses aillent beaucoup plus loin en matière de rééquilibrage, de prise en compte des différents types d’agriculture. Ce n’est pas complètement le cas. Néanmoins, nous progressons un peu.

Enfin, l’évaluation multicritères me paraît fondamentale. Nous faisons parfois des analyses un peu abruptes, en ne retenant qu’un seul critère.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 11 février 2015 à 9 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Alexis Bachelay, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, M. Philippe Duron, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Michel Lesage, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Yves Nicolin, M. Christophe Priou, Mme Sophie Rohfritsch, Mme Barbara Romagnan, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, M. Thomas Thévenoud, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Serge Bardy, Mme Chantal Berthelot, M. Christophe Bouillon, M. Vincent Burroni, Mme Florence Delaunay, Mme Françoise Dubois, Mme Geneviève Gaillard, M. Charles-Ange Ginesy, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Franck Marlin, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Napole Polutélé, Mme Catherine Quéré, M. Martial Saddier, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - Mme Brigitte Allain, M. Philippe Noguès