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Mardi 12 mai 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 47

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– En application de l’article 13 de la Constitution, audition de Mme Elisabeth Borne dont la nomination à la présidence de la RATP est envisagée par le Président de la République.

– Vote sur la nomination

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu, en application de l’article 13 de la Constitution, Mme Elisabeth Borne, candidate à la présidence de la RATP.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous auditionnons Mme Élisabeth Borne, que le Président de la République envisage de nommer, pour succéder à M. Pierre Mongin, à la présidence de la Régie autonome des transports parisiens (RATP). Nous avions entendu M. Pierre Mongin, en juillet dernier, avant que son mandat ne soit renouvelé.

Madame, soyez la bienvenue. Je vous demanderai de présenter votre carrière, puis d’évoquer l’avenir de la RATP et les ambitions que vous nourrissez pour celle-ci.

Je rappelle qu’aux termes de l’article 13 de la Constitution, la loi organique du 23 juillet 2010 a dressé la liste des cinquante et un emplois pourvus par le Président de la République, dont seize doivent faire l’objet d’un avis préalable de notre commission.

Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l’Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

L’audition sera suivie d’un scrutin secret pour lequel aucune délégation de vote n’est possible, et qui sera effectué par appel nominal. La commission du développement durable du Sénat auditionnant Mme Borne demain matin, le dépouillement aura lieu ultérieurement.

Mme Élisabeth Borne. C’est un honneur d’être devant vous, sur la proposition du Président de la République, pour solliciter votre accord sur ma nomination comme présidente directrice-générale de la RATP.

Cette grande entreprise publique, référence mondiale dans le domaine des transports urbains, est riche de son histoire, de ses prouesses et de ses innovations techniques. Elle est riche des femmes et des hommes, profondément attachés aux valeurs du service public, qui composent, dans la diversité de ses métiers, le groupe intégré qu’est la RATP. Elle est riche enfin de la qualité des relations qu’elle a su tisser avec les collectivités et autorités organisatrices, au premier rang desquels le syndicat des transports d’Île-de-France (STIF).

Elle est au cœur d’enjeux essentiels allant de la vie quotidienne des millions de voyageurs qu’elle transporte chaque jour, au développement des territoires que ses réseaux irriguent, mais aussi, à une échelle plus globale, à la lutte contre les gaz à effet de serre par le recours à des modes de transports sobres en énergie et peu polluants.

Les questions de transport, leurs liens avec l’aménagement et le développement durable des territoires constituent l’axe principal de ma vie professionnelle. Je suis ingénieure de formation, de l’École polytechnique puis de l’École nationale des ponts et chaussées. Mon parcours m’a conduit à occuper des postes au sein de l’État, en administration centrale, en cabinet ministériel ou comme préfète de région, en collectivité et en entreprise, dans le secteur public ou privé, avec la préoccupation constante de servir l’intérêt général et la conviction que l’action publique doit améliorer le quotidien et l’avenir de nos concitoyens.

J’ai suivi les questions de transport pendant cinq ans au cabinet du Premier ministre. Puis, pendant cinq ans, j’ai été directrice de la stratégie, membre du comité exécutif de la SNCF. Dans ce cadre, j’étais notamment chargée du projet industriel de l’entreprise, qui visait à faire partager par les cheminots et leurs représentants, les grands enjeux de la transformation de l’entreprise.

Ces expériences m’ont permis de connaître les grandes problématiques du domaine des transports, de mesurer l’importance du dialogue avec les partenaires sociaux et de la qualité des relations avec les collectivités et autorités organisatrices, mais aussi d’appréhender de manière opérationnelle la déclinaison de ces enjeux, au sein d’une grande entreprise du secteur.

Mon expérience de secrétaire générale du schéma directeur d’Île-de-France, puis de directrice générale de l’urbanisme de la ville de Paris, menant de nombreuses opérations avec les collectivités voisines, m’a permis de bien connaître les territoires où intervient la RATP et ceux où elle est appelée à se développer avec le réseau de transport du Grand Paris.

Mon parcours m’a amenée à travailler, dialoguer et négocier avec des partenaires très variés, à développer des projets en France et à l’international, et à mobiliser des équipes au service de grandes politiques publiques, notamment comme préfète de région.

C’est cette expérience que je souhaite, si vous m’accordez votre confiance, mettre au service de la RATP, en mesurant le poids des responsabilités qui pourraient m’être confiées à la tête de cette grande entreprise, où 55 000 personnes mettent chaque jour leurs compétences au service de millions de voyageurs.

Comme vous le savez, la RATP est en bonne santé. Elle respecte la trajectoire financière fixée en accord avec l’État dans son plan d’entreprise. Elle a montré sa capacité à améliorer sa performance économique en mobilisant les différents leviers de productivité. Elle partage son résultat avec le STIF à hauteur de 100 millions d’euros par an, le reste lui permettant d’améliorer sa capacité d’investissement au profit des voyageurs.

Le cadre juridique de son action en Île-de-France est clarifié, notamment depuis la loi de décembre 2009 déclinant le règlement européen sur les obligations de service public. Le groupe assume ainsi, depuis le 1er janvier 2012, la mission pérenne de gestionnaire d’infrastructures, y compris pour les futures lignes du Grand Paris Express, et dispose d’un temps d’adaptation conséquent pour une ouverture à la concurrence différenciée selon les activités. Depuis la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, il est également autorisé à développer son activité par l’intermédiaire de filiales en province et à l’étranger.

Sa diversification est engagée, même si le cœur historique, en Île-de-France, représente plus de 80 % de son activité. Le groupe RATP est le cinquième acteur mondial du transport public, présent sur tous les modes de la mobilité collective : rail, métro, tramway et bus.

La RATP dispose d’une compétence exceptionnelle dans la gestion des flux denses de voyageurs grâce à son cœur d’activité en Île-de-France, où elle exploite un des réseaux les plus importants d’Europe, dans le cadre du contrat qui la lie au STIF. Sa situation financière dépend largement de ce contrat dont la renégociation s’engage dans un contexte marqué par les contraintes qui pèsent sur les finances publiques, notamment celles des collectivités locales, et par la nécessité de renforcer la desserte en transport en commun en banlieue et à la périphérie de l’Île-de-France.

La RATP devra donc continuer à améliorer sa performance économique, mais elle peut prendre appui sur ces bases solides pour se consacrer à sa priorité : la qualité du service rendu aux près de 9 millions de voyageurs qu’elle transporte chaque jour. Elle ne pourra le faire que grâce à la mobilisation de ses salariés autour d’objectifs clairs, à l’engagement du management associé à la détermination de la stratégie et à la qualité du dialogue social.

Dans ce domaine, elle a joué un rôle précurseur. Je rends hommage aux présidents dont l’impulsion a fait de cette entreprise ce qu’elle est aujourd’hui : Jean-Paul Bailly, Anne-Marie Idrac et, bien sûr, Pierre Mongin, avec une pensée particulière pour la très grande directrice des ressources humaines qu’a été, à leur côté, Josette Théophile, qui nous a quittés, il y a quelques semaines.

La transformation, le développement, la capacité à relever les défis passent par l’implication de tous les salariés de la RATP qui assurent quotidiennement une belle mission de service public dans des conditions parfois difficiles. La qualité du dialogue social est un préalable à la réussite de l’entreprise. Si vous m’accordez votre confiance, ce sera l’une de mes priorités.

J’en viens aux principaux défis que devront relever les 55 000 collaborateurs du groupe RATP.

Le premier est la qualité du service rendu aux usagers. La RATP doit proposer des offres supplémentaires pour faire face à l’augmentation de la fréquentation sur le réseau existant, que la prochaine réforme tarifaire pourrait accentuer. Pour ce faire, elle doit acquérir des matériels de plus grande capacité et plus confortables, ce qui suppose la poursuite du déploiement de trains à deux niveaux sur le RER A ou la modernisation des rames du RER B, la modernisation du métro avec l’automatisation de la ligne 4, et l’augmentation de la fréquence grâce à des systèmes de contrôle commande modernisés.

Un autre enjeu majeur en Île-de-France est de répondre aux besoins des territoires mal desservis. Afin de préparer la mise en service du réseau Grand Paris Express, la RATP réalise, pour le compte du STIF ou de la Société du Grand Paris (SGP), des extensions de réseau sur quatre lignes de métro. Fin 2014, elle a mis en service les nouvelles lignes de tramway T6 et T8, après les deux mises en service intervenues en 2013. De même, à la demande du STIF, elle a renforcé, en 2014, l’offre de bus sur quarante-neuf lignes.

Au-delà de ces mesures, les voyageurs attendent de la RATP qu’elle leur fournisse un service plus attentionné et plus régulier, une information fiable et personnalisée, notamment en situation perturbée, et des espaces sûrs et propres.

La sécurité ferroviaire est au cœur de la culture de la RATP. Elle passe par un très haut niveau de maintenance et de suivi assuré notamment par le gestionnaire d’infrastructure interne, mais aussi par une vigilance permanente et une mobilisation à tous les niveaux de l’entreprise, y compris du Président.

La qualité de service sera au cœur de la négociation qui démarre avec le STIF sur le prochain contrat. Si la RATP, selon les enquêtes du STIF, peut se féliciter d’un taux de satisfaction de plus de 80 %, les attentes restent fortes, notamment sur l’amélioration de la régularité. Je distingue deux priorités : la ligne 13, qui sera heureusement soulagée par le prolongement de la ligne 14 – j’ai noté l’enjeu que constitue le délai sur ce sujet –, et les RER A et B, pour lesquels une modernisation sans précédent est lancée dans le cadre des schémas directeurs d’investissement. Les progrès réalisés grâce à une exploitation unifiée du RER B par la RATP et la SNCF devront être confortés. Il faudra étendre cette dynamique au RER A.

Pour l’information aux voyageurs, c’est en combinant la mobilisation de toutes les nouvelles technologies du digital, une gestion des informations plus réactive, partagée avec le STIF et la SNCF, et l’équipement et l’implication des personnels, que la RATP pourra jouer pleinement son rôle d’acteur de la ville intelligente, en facilitant la vie des voyageurs.

Les attentes concernent également l’amélioration de la propreté, pour laquelle la RATP devra poursuivre les efforts engagés depuis 2013, et la sécurité, la garantie de voyager en toute tranquillité étant indispensable pour attirer tous les publics vers les transports en commun. En accord avec le STIF, nous pourrions renforcer encore les équipes du Groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR), qui compte actuellement 1 100 agents.

La négociation du nouveau contrat qui s’engage est essentielle pour la RATP. Elle s’inscrit logiquement dans une exigence croissante de la part de l’autorité organisatrice. L’entreprise pourra capitaliser sur la relation de confiance qui s’est tissée ces dernières années, notamment grâce au travail de terrain réalisé par les agences et les différents services, à l’écoute des usagers et des collectivités.

La RATP cherchera à concilier cette exigence avec des conditions de mise en œuvre réellement motivantes pour ses salariés. La déclinaison des objectifs de qualité de service au niveau de chacun des opérateurs est un gage de mobilisation de toute l’entreprise sur ces enjeux essentiels.

Celle-ci cherchera enfin à maintenir le haut niveau d’investissement du contrat en cours pour accroître l’offre et moderniser le réseau, grâce à des cofinancements qui lui permettront de ne pas augmenter sa dette.

Le deuxième défi est l’exemplarité en matière de développement durable. Dans le passé, le groupe s’est comporté en précurseur dans le domaine social, par ses propositions de développement du réseau, largement reprises dans le projet Grand Paris Express, ou par des prouesses techniques comme l’automatisation de la ligne 1 sans interruption de service. Si vous m’accordez votre confiance, je souhaite mobiliser la richesse et la diversité des talents pour faire de la RATP, l’entreprise de référence en termes de mobilité durable.

Cet enjeu s’impose d’autant plus que la France, qui accueillera en décembre la conférence Paris Climat, se doit d’être exemplaire. À cet effet, elle s’est fixé des objectifs ambitieux dans la loi sur la transition énergétique, qui revient en discussion dès la semaine prochaine devant votre assemblée.

Le programme « Bus 2025 », élaboré en concertation avec le STIF et la ville de Paris, s’inscrit dans cette ambition. Il doit permettre à l’entreprise de disposer d’un parc « zéro émission – zéro particule – zéro bruit » à horizon de 2025. La RATP, qui travaille en partenariat avec GDF Suez et EDF pour expérimenter les meilleures solutions, peut créer un véritable effet d’entraînement sur la filière et faire émerger des offres de constructeurs français.

Des progrès sont aussi possibles dans la gestion des déchets, le traitement du bruit, la récupération de l’énergie ou de la chaleur. Je suis certaine que la RATP a la capacité d’être à la pointe sur ces différents sujets.

Les enjeux en termes d’environnement concernent également la santé. La question de la qualité de l’air dans les espaces souterrains ferrés est un enjeu tant pour les voyageurs que pour les 13 500 agents qui travaillent dans ces espaces. Pour mieux cibler ses actions, la RATP pourra s’appuyer sur l’expertise que mène actuellement l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).

La responsabilité sociale de l’entreprise, c’est aussi l’accessibilité pour tous. Favoriser la mobilité des personnes handicapées revient à améliorer le confort de l’ensemble des voyageurs et à anticiper le vieillissement de la population. Si la situation du métro pose des difficultés particulières prises en compte par la loi de 2005, le réseau de tramway est entièrement accessible, les soixante-cinq gares du RER le seront en 2019 et la quasi-totalité des bus disposent d’une rampe d’accès. Le travail doit se poursuivre avec les collectivités gestionnaires de voirie pour adapter les points d’arrêt.

La responsabilité sociale, c’est enfin, la mobilisation en faveur de l’emploi, y compris pour les personnes qui en sont le plus éloignées. Le groupe, qui a recruté 4 300 personnes en 2014, dont 2 800 pour l’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), est un des premiers recruteurs d’Île-de-France. L’an passé, 800 personnes y ont bénéficié de contrats aidés.

Avec votre accord, je veillerai à ce que la RATP joue pleinement son rôle dans les territoires qu’elle dessert, en faveur de l’emploi, du développement économique et de l’insertion sociale, qu’elle continue à assumer ses responsabilités en termes d’emploi des personnes handicapées, qu’elle tire parti des nouvelles perspectives ouvertes pour le service civique, dans un jeu gagnant-gagnant pour les jeunes et pour les voyageurs, et qu’elle utilise toutes ses marges de progrès en termes de parité, puisqu’elle emploie à peine 20 % de femmes.

Le troisième défi pour la RATP sera de se préparer à la concurrence et de conforter le développement du groupe. La concurrence existe, depuis 2010, pour les nouveaux réseaux créés par le STIF. L’ingénierie est totalement concurrentielle, en particulier pour le projet du Grand Paris Express. SYSTRA, filiale commune avec la SNCF, a remporté la moitié des contrats attribués.

La RATP a de nombreux atouts pour tenir une place de premier plan dans le projet de développement majeur qu’est le Grand Paris. En prolongeant la ligne 14 au nord jusqu’à Saint-Denis-Pleyel et au sud jusqu’à Orly, elle réalisera, pour le compte de la SGP et du STIF, le premier élément d’une véritable épine dorsale du Grand Paris et contribuera à améliorer la desserte des aéroports parisiens.

Elle devra prochainement répondre à un appel d’offres majeur : l’exploitation de la grande rocade du Grand Paris Express, la ligne 15. Pour la RATP, c’est un enjeu en termes de technique, d’économie et d’image. Je la crois capable de remporter cet appel d’offres et de démontrer ainsi ses forces sur son territoire historique.

En 2024, c’est la totalité des lignes de bus franciliennes qui seront soumises à appel d’offres. La RATP doit s’y préparer de manière offensive et dynamique en s’appuyant sur ses progrès permanents de compétitivité.

Le groupe a également engagé son développement hors d’Île-de-France, en visant un chiffre d’affaires de plus d’1 milliard d’euros en 2015, en étant présent dans quatorze pays sur quatre continents et en proposant, en région, une offre alternative aux collectivités locales, aux côtés de celles de Keolis et de Transdev.

Il a sans doute une carte à jouer sur le marché des autocars interurbains dont l’ouverture est prévue dans le cadre du projet de loi pour la croissance et l’activité.

Il peut valoriser son savoir-faire en matière de tramway, car, responsable de 100 kilomètres en Île-de-France, il est l’un des plus grands exploitants au monde de ce mode de transport.

Il peut en outre s’appuyer sur son modèle multimodal, à la pointe des technologies du transport haute densité, dont les lignes 1 et 14 sont les meilleurs exemples.

Ces atouts doivent aider l’entreprise à conforter sa place sur le marché national et mondial, ses filiales RATP Dev et SYSTRA portant en province et à l’étranger le savoir-faire de l’établissement public dans les domaines des transports et de l’ingénierie. Les contrats en province ou à l’étranger, permettent à la RATP d’apprendre la concurrence et de mieux se préparer à l’ouverture du marché en Île-de-France.

La période qui s’ouvre s’annonce passionnante pour la RATP. La préparation du nouveau contrat avec le STIF sera l’occasion de marquer l’engagement de toute l’entreprise sur la qualité de service et de montrer sa capacité à dégager des ressources pour participer au financement des investissements. La réalisation du Grand Paris Express sera un puissant levier pour un développement plus équilibré des territoires de l’Île-de-France et un défi en termes de construction et d’exploitation de nouveaux réseaux. La prise de conscience des enjeux de climat et de santé publique devrait conduire à renforcer la demande de transports propres à l’échelle mondiale.

Grâce aux compétences de ses agents et à la pertinence des politiques menées par les présidents qui se sont succédé ces dernières années et dont je salue de nouveau l’action, la RATP a tous les atouts pour réussir, pour répondre aux besoins de mobilité croissants des Franciliens, pour améliorer l’accès à l’emploi, aux services, à la culture, pour conforter l’attractivité de la région capitale et sa capacité à accueillir de grands événements comme la COP 21 en décembre prochain, les JO de 2024 ou l’Exposition universelle en 2025, et pour renforcer sa place parmi les leaders mondiaux du transport public. L’entreprise devra prendre appui sur ces acquis pour continuer à innover, à entreprendre et à aller toujours plus loin.

Si vous l’approuvez, c’est avec beaucoup de modestie et une très grande motivation que je me propose de mobiliser ces compétences, ces femmes et ces hommes pour relever de beaux défis au service de l’intérêt général, dans une entreprise que je sais très attachée, comme je le suis moi-même, aux valeurs du service public et au dialogue social.

M. Guillaume Chevrollier. La RATP est une grande entreprise publique, dont les 55 000 employés transportent chaque jour 5 millions de voyageurs. C’est aussi un acteur clé de la construction du Grand Paris Express, pour lequel on prévoit de prolonger quatre lignes de métro et de créer quatre nouvelles lignes de métro automatique en banlieue parisienne. Pour remporter ce chantier, quelles sont ses chances face au groupe Keolis, dont l’expertise est reconnue ?

Comment la RATP pourra-t-elle rénover les lignes de RER, au bord de la saturation, alors que le chantier du Grand Paris mobilisera ses ressources pendant des années ?

Enfin, comment allez-vous intensifier la lutte contre les pickpockets, véritable fléau pour les usagers, particulièrement les touristes ?

M. Jean-Yves Caullet. Vous avez présenté votre expérience très riche en matière de transport, d’infrastructures et de service public, et brossé les enjeux environnementaux, sociaux et économiques de la RATP, dont la performance est reconnue.

Comment répartir les investissements structurants du Grand Paris et ceux qui concernent la maintenance ou la rénovation du réseau ?

Comment pensez-vous préserver la compétence, la formation et le recrutement du personnel de la RATP ? Celle-ci a construit sa performance sur la base d’une forte compétence technique, à laquelle notre société accorde désormais moins d’importance qu’à la compétence managériale.

Les entreprises de transport font face à une demande croissante, mais ne faut-il pas aussi adapter les usages aux capacités ? Face aux organisateurs des grands événements, de quel pouvoir de négociation la RATP dispose-t-elle pour optimiser l’utilisation des infrastructures ?

Comment pensez-vous orienter la collaboration du Groupe de protection des réseaux et des forces de police et de sécurité ?

Quel développement pourrait avoir RATP Dev ou SYSTRA sur différents territoires en France ou à l’étranger ? Ces entreprises pourraient-elles aider à la réflexion sur les nouveaux transports en zone diffuse ?

M. Bertrand Pancher. Je soutiendrai votre candidature, compte tenu de votre solide expérience dans le domaine des transports, bien que je ressente une certaine réticence, que j’avais déjà exprimée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, en voyant de hauts fonctionnaires prendre la direction de grands groupes publics.

Comment envisagez-vous le traitement des 6 à 8 millions de Franciliens qui habitent au-delà de l’A 86, considérée comme le nouveau périphérique de la région parisienne ? Plus on s’éloigne du centre de Paris, plus on est contraint de prendre sa voiture, et les automobilistes mettent plus de temps qu’il y a quinze ans pour joindre la grande couronne au centre de Paris. Les moyens de l’État ne se sont-ils pas trop concentrés sur le cœur de l’agglomération ? On a l’impression que les autres métropoles européennes – moins étendues que Paris, il est vrai – disposent de moyens de transport mieux organisés et moins coûteux.

Votre prédécesseur a annoncé le passage au tout-électrique en 2025, ce qui représente un défi pour les fabricants de matériel de transport. Cet objectif vous paraît-il tenable ?

Comment préparez-vous le passage du transport en bus à la concurrence, prévu en 2025 ?

M. Denis Baupin. Vous avez rappelé que la RATP est une belle entreprise et souligné que, compte tenu de votre expérience, vous aviez toutes les qualités pour la diriger. Le dossier du Grand Paris Express est un grand chantier, qui permettra de rééquilibrer la densité des transports collectifs entre Paris et la petite couronne, la grande couronne relevant davantage de la compétence de l’organisation professionnelle des transports d’Île-de-France (OPTILE).

Vous voulez faire de la RATP une entreprise de référence en matière de mobilité durable, ce qui est indispensable tant pour l’environnement que pour permettre une desserte égale des territoires. L’autobus, moyen de transport qui se déploie le plus rapidement et le plus efficacement, sera au cœur du débat. Pensez-vous tenir les délais annoncés par votre prédécesseur pour déployer des bus propres sur l’ensemble du réseau ?

Je vous remercie d’avoir évoqué la nécessité de lutter contre la pollution aux particules fines qui s’étend dans le métro. Il faut étudier son origine et la manière d’y remédier, par exemple en modifiant le système de freinage.

En matière d’information des voyageurs, on peut dégager des marges de progression significatives (Sourires). Je suis heureux que vous vouliez y travailler avec le STIF et la SNCF, car, pour les usagers, les différents réseaux n’en forment qu’un seul. L’information en temps réel doit d’ailleurs concerner, outre les moyens de transport publics, la disponibilité des Vélib’ ou Autolib’.

Un dernier point mérite réflexion. En cas de pic de pollution, la circulation alternée ne peut fonctionner que si les transports publics sont extrêmement réactifs. La RATP doit être capable d’augmenter son offre sinon en période de pointe, où elle atteint le maximum de ses capacités, du moins en flanc de pointe et dans les heures creuses.

M. Philippe Duron. Chacun reconnaît votre compétence en matière de transport et votre grande rigueur professionnelle. Comment envisagez-vous de rabattre les flux de voyageurs au-delà des métros du Grand Paris ? Pensez-vous pouvoir construire une offre complémentaire en transposant le modèle madrilène ?

Quelles conséquences aura la nouvelle organisation de la métropole parisienne sur les missions de la RATP ? Comment celle-ci appréhende-t-elle le fait qu’on lui transfère des compétences en matière de lutte contre la pollution à l’échelle métropolitaine ?

Enfin, la RATP, spécialisée dans le transport de voyageurs, peut-elle trouver des perspectives de développement en accompagnant la réflexion des pouvoirs publics pour faciliter et moderniser la logistique urbaine ?

M. Gérard Menuel. La RATP doit résoudre divers problèmes – fraude, délinquance, propreté, pollution – dont dépend notre bien-être quotidien. Des mesures spécifiques, comme la circulation alternée et la promotion de la voiture électrique ou des modes de transport doux, ont déjà été prises pour améliorer la qualité de l’air extérieur. Quelles solutions permettraient d’améliorer la qualité de l’air dans le métro ou le RER ?

M. Yannick Favennec. Comment envisagez-vous les différents défis auquel sera bientôt confronté le transport en bus ? Il faudra en effet transformer le réseau pour mettre en place celui du Grand Paris Express, ouvrir les réseaux franciliens à la concurrence et mener le projet « Bus 2025 », visant à faire évoluer le parc de l’Île-de-France vers le tout-électrique.

M. Jean-Pierre Vigier. Pierre Mongin laisse une entreprise économiquement saine. Les indicateurs sont au vert. Le chiffre d’affaires atteint 5,3 milliards d’euros en 2014. Au niveau international, celui de la filiale RATP Dev se monte à 900 millions. Cependant, deux points négatifs altèrent l’image de l’entreprise : les conflits sociaux peuvent rapidement s’exacerber, et certaines lignes, comme la ligne 13 du métro, ont mauvaise réputation, en termes de ponctualité. Quelles stratégies concrètes comptez-vous mettre en œuvre pour y remédier ?

M. Laurent Furst. Vous avez parlé, dans votre excellente intervention, du dialogue social, de la qualité du service rendu aux usagers, du développement durable, de la qualité de l’air, de l’accessibilité du transport aux handicapés ou encore de la parité. Mais vous avez passé sous silence l’obligation de maîtriser les coûts de production et de réduire le financement public de la RATP. Les contraintes de gestion ne figurent-elles pas dans votre mandat ?

Un point m’intéresse dans votre parcours. De 2002 à 2007, vous avez été directrice de la stratégie, des affaires européennes et du développement durable, membre du comité exécutif de la SNCF. La RATP a gagné des marchés sur les lignes de la banlieue de Londres. Je ne pense pas – bien que je n’aie jamais pu obtenir de réponse à cette question – qu’elle aurait été aussi compétitive à Paris ou ailleurs en France, compte tenu des coûts qui lui sont imposés. Avez-vous réfléchi à la productivité de la RATP, qui cherche à s’internationaliser ?

Mme Laurence Abeille. Comment allez-vous aborder l’intermodalité, c’est-à-dire le passage du métro au RER, au bus, au vélo ou à la voiture en co-voiturage ou en auto-partage ? Il s’agit d’une évolution inéluctable non seulement pour lutter contre la pollution et le dérèglement climatique, mais aussi pour améliorer le bien-être des Franciliens, qui souffrent beaucoup dans les transports.

Comment envisagez-vous de modérer l’exposition aux ondes électromagnétiques, dont l’augmentation est exponentielle, sachant que la ville intelligente, fondée sur le transfert d’informations, passe par l’utilisation des smartphones ?

Mme Élisabeth Borne. Je vous remercie de vos propos bienveillants et de vos questions auxquelles j’essaierai de répondre, bien que ma connaissance de l’entreprise soit encore imparfaite. Si vous m’accordez votre confiance, je pourrai approfondir certains sujets lors d’une prochaine audition.

Fort heureusement, la RATP dispose d’encore un peu de temps pour se préparer à l’ouverture à la concurrence, prévue pour 2024. Si la société Keolis est bien placée pour remporter certains marchés du Grand Paris, j’ai confiance dans les compétences techniques de la RATP en matière de métro automatique. La ligne 14, qu’elle a mise en service, fut l’une des premières de ce type. Je rappelle aussi qu’elle a automatisé la ligne 1 sans que le service ait jamais été perturbé. Le savoir-faire, qu’il importe de maintenir, est une des ressources fondamentales de l’entreprise.

Le développement à l’international ou en province est une manière de préparer l’ouverture à la concurrence. Le groupe apprend ainsi à répondre aux appels d’offres. Pour nous, compétitivité et productivité ne sont pas des mots-tabous, mais la RATP ne pourra évoluer qu’en dialoguant avec les agents et leurs représentants.

MM. Guillaume Chevrollier, Jean-Yves Caullet et Denis Baupin m’ont interrogée sur le Grand Paris, qui représente une chance tant pour notre région que pour tout le pays. Reste que la situation est pour le moins atypique : si l’hyper-centre bénéficie d’une des meilleures dessertes du monde, la qualité de la celle-ci chute rapidement aussitôt qu’on s’éloigne du périphérique.

Les projets prévus pour le Grand Paris dans le contrat de plan État-région, qui mobilisera 7,5 milliards d’euros pendant les prochaines années, permettra une évolution structurelle. La superficie de Londres équivaut à quinze fois, celle de Berlin à treize fois celle de Paris, ce qui explique la pression foncière que subissent les Parisiens. Bâtir une agglomération à bonne échelle sera une évolution positive tant pour Paris que pour l’ensemble du pays.

La desserte en métro automatique ne pouvant s’appliquer à tout le territoire, je n’entends pas négliger le bus, auquel Pierre Mongin a fixé des objectifs précis. L’autobus doit devenir un mode de transport propre. La RATP est suffisamment importante pour créer un effet d’entraînement sur la filière, mais, à l’heure actuelle, aucune offre française ne nous permettrait de disposer, à l’horizon de 2025, du parc à 80 % électrique et à 20 % à gaz rêvé par Pierre Mongin.

Disposer d’un parc moins bruyant et réellement propre, qui n’émette ni particules ni de gaz à effet de serre, est un défi à relever. On comprendrait mal que nous nous équipions de matériel chinois. (Murmures divers). Il faut par conséquent que les constructeurs français se mobilisent pour que la RATP puisse atteindre ses objectifs et disposer d’un modèle exportable, qui placerait notre région à la pointe du secteur.

L’autobus possède d’autres atouts : non seulement il permet d’assurer une desserte plus fine des territoires, mais sa mise en place est plus rapide que celle du métro ou du tramway. Cette souplesse permet éventuellement de préparer l’installation de modes de transport plus lourds. Il importe de choisir l’offre adaptée à chaque territoire, afin d’améliorer significativement la qualité de vie en Île-de-France, notamment dans les zones enclavées.

M. Bertrand Pancher a regretté que des fonctionnaires soient nommés à la tête d’entreprises publiques. Mon parcours s’est partagé entre l’entreprise et l’administration de l’État ou de collectivités, ce que je considère comme une force. Lorsqu’on revient dans une administration centrale après avoir occupé des fonctions sur le terrain, le regard qu’on porte sur la réalité s’est modifié. Je recommande avec beaucoup de modestie à ceux qui veulent exercer des responsabilités de passer de l’entreprise à l’administration, puisque celles-ci doivent dialoguer pour se comprendre.

M. Denis Baupin et Mme Laurence Abeille ont souligné l’importance d’informer les voyageurs, que le système SIEL renseigne déjà sur le temps d’attente. La RATP doit fournir une information multimodale et multiréseaux, en gare ou en station, et même embarquée. Elle y travaille au fur et à mesure qu’elle renouvelle les matériels. Elle prévoit aussi d’utiliser tous les supports digitaux, sans perdre de vue l’importance de limiter l’exposition aux ondes.

Une des ambitions pourrait être de proposer aux usagers des itinéraires multimodaux porte à porte, en prévoyant un guidage pour les personnes mal voyantes. Pour construire cette nouvelle étape, la RATP devra renforcer sa coopération avec la SNCF. Le travail est engagé sur le RER B, où un centre de commandement unique a été inauguré. La collaboration des opérateurs doit être transparente. Dans la ville intelligente, il faut traiter des données en masse pour proposer une information individuelle au voyageur.

M. Philippe Duron m’a interrogée sur les conséquences de l’organisation du Grand Paris sur la RATP. La Régie continuera à travailler avec l’autorité organisatrice, c’est-à-dire le Syndicat des transports d’Île-de-France, qui sera peut-être lui-même appelé à évoluer. Elle occupera une place de premier plan dans le développement du réseau.

Monsieur Jean-Yves Caullet, à l’époque où l’on envisageait peu de projets en Île-de-France, les projets internationaux ont permis à l’entreprise de maintenir ses compétences ; ils l’aident à présent à valoriser celles-ci et à enrichir son savoir-faire.

Dans son plan d’entreprise, le groupe s’est fixé un objectif ambitieux : augmenter de 30 % à l’horizon de 2020 le chiffre d’affaires de ses filiales. Il faut surtout à mes yeux que le développement se fasse de manière rentable pour la RATP, et que l’étanchéité comptable soit totale entre l’EPIC et ses filiales. (Approbations). L’autorité organisatrice ne comprendrait pas que l’argent des Franciliens finance des projets à l’international. Par ailleurs, comme l’a noté M. Guillaume Chevrollier, consacrer des moyens à l’amélioration des réseaux existants doit rester une priorité.

La fraude crée un manque à gagner de plusieurs dizaines de millions d’euros sur le seul réseau de la RATP. Son importance doit toutefois être relativisée : sur le total des voyageurs, on compte 5 % de fraudeurs dans le métro et 10 % dans le bus. Le phénomène ne me paraît pas justifiable, compte tenu de l’existence d’une offre tarifaire sociale et ciblée. La RATP emploie plus de 1 000 personnes à lutter contre ce phénomène. Elle doit faire plus, ce qui suppose de comprendre la diversité des réseaux et le profil des fraudeurs.

Sur la qualité de l’air dans le métro, l’ANSES publiera cet été une étude, qui comprendra un état des lieux et des recommandations. Il faudra probablement réduire l’émission de polluants, en travaillant sur le freinage, et améliorer le renouvellement de l’air, dimensionné davantage en vue de la sécurité incendie plutôt que dans un souci de qualité de l’air.

Monsieur Laurent Furst, j’ai rappelé que la RATP avait amélioré sa productivité, en révisant l’organisation de ses ateliers et ses achats. On ne répondra aux attentes des collectivités qu’en poursuivant une mobilisation qui a déjà permis de rendre chaque année environ 100 millions d’euros au STIF sur le contrat en cours.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je salue la présence dans la salle de Mme Annick Lepetit, membre du conseil d’administration de la RATP. Je signale aussi que M. Gilles Carrez, autre membre du conseil d’administration et président de la commission des finances, soutient votre candidature. (Sourires). Je rappelle enfin qu’en juillet 2014, nous avons soutenu le renouvellement du mandat de M. Pierre Mongin, reconnaissant ainsi son bilan autant que ses compétences professionnelles.

Madame, ne doutant pas que votre candidature sera soutenue par tous les membres de la Commission, je vous souhaite d’ores et déjà plein succès dans vos nouvelles fonctions.

*

MM. Christophe Bouillon et Olivier Falorni étant scrutateurs, les résultats du scrutin qui a suivi l’audition sont les suivants :


Nombre de votants


Bulletins blancs ou nuls


Abstention


Suffrages exprimés


Pour


Contre

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 12 mai 2015 à 17 heures

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Alexis Bachelay, Mme Catherine Beaubatie, M. Philippe Bies, M. Christophe Bouillon, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Gérard Menuel, M. Robert Olive, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, M. Michel Heinrich, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - M. Denis Baupin, Mme Annick Lepetit