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Mercredi 13 mai 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 48

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Audition de M. Stéphane Saint-André, président du Conseil d’administration de Voies navigables de France (VNF), et de M. Marc Papinutti, directeur général.

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Stéphane Saint-André, président du Conseil d’administration de Voies navigables de France (VNF), et M. Marc Papinutti, directeur général.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous allons auditionner notre collègue député du Pas-de-Calais, M. Stéphane Saint-André, président du Conseil d’administration de Voies navigables de France (VNF), et M. Marc Papinutti, directeur général. Je rappelle que nous avions auditionné Stéphane Saint-André le 3 juin 2014, préalablement à sa nomination.

Il m’est apparu intéressant d’organiser cette audition au moment où l’établissement public publie son projet stratégique pour la période 2015-2020 – qui vous a été envoyé par courrier électronique. C’est l’occasion de dresser un bilan de la réforme de 2012 dans un contexte assez morose du trafic fluvial, et d’évoquer les orientations stratégiques de VNF en matière d’investissements et de grands projets.

Je précise que M. Saint-André et M. Papinutti sont accompagnés de Mme Nathalie Augereau, directrice de cabinet, et de M. Laurent Monjole, responsable des relations institutionnelles.

M. Stéphane Saint-André, président du Conseil d’administration de Voies navigables de France (VNF). Monsieur le président, chers collègues, je brosserai en quelques mots le contexte de l’élaboration de ce projet stratégique 2015-2020, qui est encore soumis à la concertation – avec les élus, les acteurs du fluvial, le personnel et les syndicats.

Vous connaissez dans quel environnement évolue notre secteur, marqué comme tous les autres par la crise économique, mais aussi par des réformes et des évolutions sociétales qui fixent de nouveaux enjeux et nous amènent à procéder à des modifications et à des adaptations de nos modes opérationnels.

Le trafic de marchandises, qui a plutôt mieux résisté à la crise que les autres modes de transports, affiche une quasi-stabilité. Toutefois, la filière fret demeure fragile. Les transporteurs doivent répondre aux attentes nouvelles de leurs clients, à leur exigence d’optimisation des prix, dans un contexte de forte tension, imposée notamment par la concurrence du transport routier.

Dans le même temps, l’activité des croisières fluviales – plus 6 % en 2014 en nombre de bateaux – et le trafic des bateaux promenade sont en augmentation et viennent conforter le secteur de l’activité touristique.

L’évolution de la réglementation environnementale favorise les politiques de report modal vers les modes alternatifs au transport routier et impose de développer de nouvelles chaînes logistiques. Mais il convient aussi de prendre en compte les aléas environnementaux et climatiques qui posent des enjeux particuliers et engendrent une exigence croissante sur notre mission de gestion hydraulique – d’autant que, depuis la réforme, VNF est l’interlocuteur unique en la matière – et celle de maintien de la biodiversité.

La réforme de l’organisation territoriale nous amène également à procéder à des aménagements à tous les niveaux, notamment sur la conduite à tenir en matière de tourisme et de développement économique, et repose la question des relations de l’établissement et des collectivités à tous les échelons.

Enfin, les ressources de l’établissement sont plus contraintes. Nos problèmes de financement s’aggravent dans les transports. L’établissement aurait besoin de 60 millions d’euros supplémentaires chaque année pour entretenir l’existant. Or notre budget enregistre à nouveau des tassements par rapport aux années antérieures.

Les recettes qui sont liées à la taxe hydraulique reculent en raison du plafonnement légal et des stratégies industrielles de nos clients. Cela se traduit évidemment par une capacité d’investissement réduite sur tout le réseau.

Ainsi, depuis un certain temps, nous sommes dans une période de rareté de l’argent public et de nos recettes. Nous devons donc adapter nos modèles économiques pour les rendre plus efficients et les adapter à la nouvelle donne économique. On envisage aussi de nouvelles gouvernances, sur lesquelles nous reviendrons.

Notre projet stratégique tient compte de ce contexte, tout en restant ambitieux et résolument tourné vers l’avenir. Et il se décline autour de quatre grands axes, que je laisse à M. Marc Papinutti le soin de développer – à partir d’un Power Point.

M. Marc Papinutti, directeur général de VNF. Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis très honoré de vous présenter ce document. Nous avons de grandes ambitions pour VNF, un établissement moderne, responsable, soucieux de la juste qualité du service rendu à l’usager et garantissant l’utilité sociale, économique et environnementale de la voie d’eau – même si le sujet est relativement peu abordé, en raison de la modestie de notre part modale.

Notre environnement a changé, comme l’a très bien dit notre président : un trafic relativement stable, mais une filière du fret fragile ; une croissance du tourisme en nuitées ; un renforcement de la réglementation environnementale : d’un côté, le transfert modal, et de l’autre, notre activité de gestion hydraulique. En effet, la première chose que transporte VNF, c’est de l’eau. Mais elle transporte aussi des personnes et des marchandises.

Notre budget se tasse par rapport aux années antérieures, après une période initiée par un plan de relance. En 2014, les dotations de l’État ont été d’environ 255 millions d’euros, et nos ressources propres hors taxe hydraulique – péages et domaine – de 53 millions d’euros. Notre niveau d’investissement a été de 187 millions d’euros. Les recettes liées à la taxe hydraulique – à la création de VNF, il s’agissait de faire payer les usagers de l’eau, et notamment EDF qui en utilise pour les centrales nucléaires – sont aujourd’hui plafonnées et se modifient en même temps que se modifient, en France, les stratégies industrielles – notamment autour de la production thermique.

Les effectifs se réduisent : 2015 est une sorte d’année « tampon » qui nous permet de poursuivre nos réorganisations.

Aujourd’hui, nous agissons au quotidien pour relever les défis du fluvial : assurer et promouvoir les activités de navigation sur le réseau ; fiabiliser, moderniser le réseau ; automatiser et sécuriser les ouvrages – il existe encore des barrages à aiguilles où, depuis 1850-1860, les agents arrachent, tous les hivers, des aiguilles de bois de 40 à 60 kg ! En période de crue sur la Meuse, c’est extrêmement dangereux ; enfin, développer le transport fluvial. J’observe qu’il est assez rare qu’un gestionnaire d’infrastructures ait aussi pour mission de développer, avec ses partenaires, le mode de transport correspondant.

Nous ne nous contentons plus d’offrir un service : nous développons des services pour répondre aux besoins et aux attentes des usagers, qui sont aussi nos clients, qu’ils viennent du monde industriel et économique ou du monde du tourisme. Et bien sûr, nous accordons une attention particulière à leur sécurité comme à celles de nos agents, qui travaillent dans des conditions parfois difficiles.

Nous devons à la fois protéger et entretenir le patrimoine, et assurer l’équilibre entre le développement des activités et la protection de l’environnement. C’est un défi d’envergure, avec 6 700 km de réseaux et près de 40 000 ha de domaine.

Par ailleurs, nous assurons la maîtrise d’ouvrage des grands projets engagés pour l’avenir de la voie d’eau. Nous portons d’importants projets, que ce soit celui de Bray-Nogent, celui de la modernisation du canal du Rhône à Sète ou, à l’échelle européenne, le projet Seine-Escaut. Nous nous appuyons bien évidemment, pour ce faire, sur la compétence et le professionnalisme du personnel : aujourd’hui environ 4 700 agents, à la fois salariés de droit privé et de droit public, qui ont fusionné le 1er janvier 2013 à la suite de la réforme décidée en 2012.

J’ai demandé aux cadres de l’établissement quelles étaient les valeurs de l’établissement et de ses personnels. La réponse fut assez classique : le service public et l’intérêt général, le développement durable, la sécurité, le professionnalisme, la compétence, la qualité, l’efficacité et la réactivité, le travail d’équipe et les partenariats – notamment territoriaux – et, enfin, l’écoute et la responsabilité. Les personnels de VNF semblent y accorder une grande importante, davantage que les années précédentes.

J’en viens aux quatre grandes orientations stratégiques de notre projet 2015-2020. Il s’agit pour nous d’organiser notre réseau en fonction d’une offre de service raisonnée qui réponde aux enjeux économiques et environnementaux et aux contraintes, d’agir avec les acteurs institutionnels, de contribuer au développement des activités, au bénéfice du report modal, et l’économie touristique et des territoires, et enfin de construire un établissement socialement et économiquement responsable.

Première orientation : organiser notre réseau en fonction de l’offre de services.

VNF offre un réseau et des possibilités de transport sur ce réseau :

Tout d’abord, une offre de service fret garantie toute l’année sur le réseau principal : un bateau peut naviguer sur ce réseau sept jours sur sept, en passage libre ou à la demande. Soit les éclusiers sont là et ouvrent les écluses. Soit l’usager demande la veille ou l’avant-veille l’ouverture et le passage, et nous nous organisons en conséquence. C’est une offre de service total, 24 heures sur 24, sauf à certains endroits. En effet, sur le petit réseau Freycinet qui est très peu fréquenté, les offres se limitent à 9 ou 12 heures par jour.

Ensuite, une offre de service saisonnière, sur le réseau secondaire. C’est une offre touristique, sur une période plus ou moins longue selon que l’on est dans le Sud de la France ou dans le Nord-Est, qui laisse toutefois la possibilité de concrétiser des projets de fret. Par exemple, aujourd’hui, sur le canal latéral à la Loire, nous essayons de voir s’il est envisageable de remonter, pour un coût supplémentaire faible, du sable en Île-de-France.

Enfin, une offre de service permettant tous les autres usages de l’eau. Lorsque les enjeux de navigation ne sont pas prépondérants, l’action de VNF est naturellement concentrée sur la gestion hydraulique, à savoir la gestion des barrages. Par exemple, pour qu’il y ait de l’eau à Paris, il faut que le barrage de Suresnes soit monté. De même, les collectivités ont la possibilité d’aller pomper de l’eau dans le canal à Montceau-les-Mines. Bien sûr, toutes ces opérations de gestion hydraulique sont faites sur l’ensemble du réseau. En outre, une navigation ponctuelle à la demande – un dimanche, un week-end de Pentecôte – reste possible si elle ne mobilise pas ou mobilise peu de moyens supplémentaires.

Il est envisageable d’aller au-delà de ces offres de service, pour autant que les prestations rendues ou les projets mis en œuvre représentent un intérêt économique et s’inscrivent dans des partenariats locaux structurés. Nous en discutons avec les collectivités locales.

Quelques cartes permettent de présenter le réseau. Ces cartes d’enjeu, qui prennent en compte les tonnages et le nombre de passages des bateaux aux écluses, font apparaître une forte concentration sur certains bassins – la Seine, une petite partie du Rhin, la Moselle, le canal du Nord actuel et la partie Sud du Rhône – et l’absence ou la faiblesse des liaisons interbassins qui seraient nécessaires pour compléter le réseau.

On y voit que le trafic touristique s’est légèrement modifié au cours des années. Il s’est concentré sur le canal du Midi, plutôt la branche Est, sur le Nord de la Saône et sur une partie du réseau Bourgogne et Nivernais. Sans compter à la frange de l’Alsace et de la Lorraine, un magnifique ouvrage qui a été accidenté et qu’il faudra avoir réparé pour la mi-juillet : l’ascenseur d’Arzviller. Mais cette concentration touristique est un sujet d’aménagement du territoire dont nous devons discuter avec les collectivités territoriales et avec les élus, y compris lorsqu’il s’agit de rouvrir certains axes – comme la réouverture du canal de la Sambre à l’Oise. Cet échange est d’autant plus nécessaire que nous avons observé une certaine méconnaissance de ce qui est possible et de ce qui pourrait valoriser le tourisme. Et je ne parle pas des paquebots de croisière qui se multiplient sur la totalité du réseau, y compris en Île-de-France…

La dernière carte d’enjeu porte sur la gestion hydraulique et identifie les endroits où il est important d’intervenir. De fait, les biefs de partage, les parties hautes de nos réseaux, sont aujourd’hui peu utilisées ; en revanche, dans les zones d’agglomération, dans les zones denses, les voies fluviales ne servent pas qu’à la navigation, mais aussi au refroidissement des centrales, à l’agriculture, etc.

Dans le contexte rappelé le président, comment faire des offres de qualité dans un cadre défini au niveau national et décliné à l’échelle de chaque itinéraire ? Il faut répondre au besoin de tous les navigants tout en renforçant la compétitivité de la voie d’eau et celle de notre établissement. Les offres de service et l’état du réseau permettent d’allouer les moyens par itinéraire. L’analyse systématique des risques permet de préciser les montants. Ensuite, il faut remonter au niveau national pour s’assurer que cela est compatible avec les scénarios mis en place en termes financiers. Et évidemment, en parallèle, il faut proposer une politique de grands projets de développement.

Je terminerai par la carte des grands développements : au Sud, le canal du Rhône à Sète, qui est en cours de réinscription dans les CPER ; la mise à grand gabarit de la liaison Bray-Nogent ; l’ensemble Seine-Escaut, notamment la partie française, avec les extrémités dans le réseau Nord et MAGEO (mise au gabarit européen de l’Oise) ; le canal Seine-Nord-Europe, dont nous reparlerons ; mais j’ai ajouté volontairement une écluse – ou plutôt un ensemble d’écluses – à Méricourt qui est sur l’axe 24/24, 7 jours/7. Ces derniers travaux, qui devraient être inscrits dans les CPER, sont justifiés par la fragilisation du réseau existant, qui avait été modernisé un peu « à la va-vite » au cours des années soixante-dix.

Deuxième orientation : agir avec les acteurs institutionnels et économiques au bénéfice du développement du réseau, de la préservation du patrimoine et de l’aménagement du territoire. Tous les échelons sont concernés : l’Europe, le national, les régions, les métropoles – qui, telle celle de Lyon, semblent « redécouvrir » les voies navigables – mais également les départements, les institutionnels économiques, les opérateurs et les entreprises. Bien évidemment, la contractualisation joue un rôle important : CPER, contrats de territoire, commissions territoriales de la voie navigable. Cela dit, nous allons proposer la révision de ces dernières, car elles ne fonctionnent au niveau attendu.

Troisième orientation : contribuer au développement des activités au bénéfice du report modal, de l’économie touristique et des territoires.

À cette fin, nous devons développer et promouvoir le fret fluvial, la place de VNF restant encore à déterminer. Par exemple, si je prends l’axe Seine, comment va-t-on procéder par rapport à d’autres acteurs, notamment les ports maritimes ?

Nous devons également développer l’activité économique et touristique. Certains sites accueillent 500 000 ou 600 000 visiteurs par an. VNF s’occupe pratiquement de tout, qu’il s’agisse de l’offre de service ou de la gouvernance. Or je pense que les collectivités et les élus souhaitent que cela change. Les directeurs territoriaux sont souvent des anciens fonctionnaires qui travaillaient derrière le préfet, et il faut que nous participions, avec les collectivités et nos autres partenaires, à l’émergence de nouveaux modes de gouvernance.

Ensuite, nous devons développer l’attractivité de notre domaine, les 40 000 hectares que l’État a confiés à VNF.

Enfin et surtout, nous devons développer l’innovation. Le transport fluvial n’est pas un secteur où l’on parle facilement innovation. Pourtant, il faut que nous nous y mettions tous ensemble – éventuellement dans des clusters, etc. Lorsqu’on lance un appel à candidatures sur un projet d’aide à la modernisation, qu’il s’agisse de motorisation ou de matériels, tout est bouclé en un mois. Il y a donc de vraies demandes. Mais il faut également tenir compte des exigences environnementales et faire en sorte que nous ne soyons pas montrés du doigt pour avoir créé un moteur polluant. Cela devra se faire au niveau européen.

Quatrième et dernière orientation : construire un établissement socialement et économiquement responsable.

Cela passe par l’accompagnement du changement, qui est un sujet difficile. Nous avons mis en mouvement VNF, mais nous devons évoluer en continu sur nos organisations, adapter l’offre par rapport à nos moyens, sans lésiner évidemment sur la sécurité. Je me suis engagé à ce qu’il n’y ait plus aucun accident du travail avec arrêt. C’est un objectif volontariste, fort, qui implique tous les agents et tous les directeurs, à tous les échelons.

Cela suppose aussi de conforter notre stratégie financière.

En conclusion, ces orientations pourraient être traduites dans un contrat d’objectif et de performance passé entre l’État et VNF. Il nous faudra veiller à adapter nos offres de service, à renforcer et valoriser la gestion hydraulique, à contribuer à la transition énergétique, et au développement des activités fluviales et des territoires traversés, à contractualiser les partenariats nécessaires, à optimiser le pilotage, les modes de fonctionnement et les processus internes de l’établissement, et enfin à accompagner le changement et les évolutions métiers.

M. Stéphane Saint-André. Je dirai un mot du contrat d’objectifs précédent, même si je ne l’ai vécu qu’en partie, du moins de l’intérieur de l’établissement.

Vous savez qu’au 1er janvier 2013, nous sommes devenus un établissement public administratif (EPA) regroupant les 4 300 agents publics des services de navigation de l’État et les 390 personnels privés de l’établissement public industriel et commercial (EPIC) VNF. Ce changement a été préparé avec les syndicats courant 2012. L’objectif était d’unifier le service public de la voie d’eau sous une autorité unique et de lui confier une nouvelle mission, à savoir la gestion de l’hydraulique.

Globalement, cela s’est bien passé, sans heurts. Les seules difficultés ont porté sur la façon de travailler, notamment avec les élus. Comme Marc Papinutti l’a dit, nous avions l’habitude de travailler derrière le préfet. Cela explique que certains d’entre vous me signalent encore quelques problèmes sur des dossiers. Malgré tout, ces problèmes seront résolus assez rapidement. Je ressens en tout cas, à l’intérieur de l’établissement, que le sens du service public et du service rendu aux usagers est partagé par tous les agents.

Cette réorganisation s’est par ailleurs accompagnée d’une nouvelle organisation territoriale, puisque l’établissement est aujourd’hui construit autour de sept directions territoriales bien identifiées.

En conclusion, ce qui n’était pas gagné d’avance s’est très bien passé, et je pense que l’on peut parler d’une belle réussite collective.

M. Marc Papinutti. Ainsi, il est possible de procéder à des transformations qui, de premier abord, pouvaient paraître difficiles. Il faut dire que nous avons concerté avec tous, avant la réforme, et que nous avons même signé un accord, portant notamment sur la répartition public/privé. La signature d’accords était une méthode nouvelle pour les uns et les autres, y compris pour les agents de l’État présents.

M. Gilles Savary. Messieurs, je vous remercie de votre présentation et des propos encourageants que vous avez tenus, en particulier sur la mise en place de ce grand service public de la voie d’eau qui a nécessité, en interne, une lourde réorganisation et la mise en place d’un nouveau système de management, avec des personnels de statut différent, ce qui n’est jamais facile.

Je vous remercie d’avoir signalé que ce service devait faire des efforts pour travailler de façon peut-être plus directe avec les élus locaux. Il est en effet tentant de ne travailler qu’entre soi, en l’occurrence entre techniciens et ingénieurs qui, parfois, éprouvent une certaine défiance vis-à-vis des élus locaux.

Vous représentez un mode de transport mis en place au moment de la révolution industrielle et au service de l’industrie lourde française. Pour s’en convaincre, il suffit de se reporter à la géographie des canaux, en particulier ceux qui sont encore utilisés aujourd’hui à des fins économiques, pour le fret. Ils se trouvent à l’Est d’une diagonale Le Havre/Marseille, plus particulièrement au Nord-Est de la France, en liaison avec les grands canaux du Nord de la France, de la Belgique et des Pays-Bas, pour l’approvisionnement des grands ports nord-européens.

Il y a probablement aujourd’hui un problème de vocations. On voit bien que, sur le fret, vous pliez mais vous ne rompez pas par rapport aux années précédentes. Pour autant, comme tout le monde, vous subissez la crise.

Vous avez deux types de trafic dominants : les trafics agricoles et les trafics de matériaux de construction qui ont subi un assez faible tassement. Vos recettes sont néanmoins en difficulté, du fait des régulations budgétaires de l’État et des problèmes de rentrées fiscales. Pourtant, vous avez un patrimoine à entretenir.

Ma première série de questions porte sur l’exploitation de vos réseaux. Je suis élu d’une région qui possède un superbe canal, le canal latéral à la Garonne, qui se prolonge par le canal du Midi. Malheureusement, le patrimoine se dégrade faute de moyens pour l’entretenir. Il y a de grands ouvrages, mais peu de trafic – plus de trafic économique, mais un petit trafic touristique qui a été réactivé grâce à l’attrait des centres-villes. Cela dit, ce sont plutôt les fleuves qui bénéficient de l’accroissement des croisières fluviales. Que pensez-vous donc de l’état de ces ouvrages, notamment des vieux ouvrages qui n’ont plus de vocation économique très affirmée ? Est-il possible de remettre en place des trafics locaux de cabotage ? Est-ce que le tourisme y suffira ?

J’aimerais également que vous nous parliez de votre gestion forestière, et du problème posé par le chancre coloré du platane. Qu’est-ce que cela vous coûte ? Quel est votre plan de déploiement ? Comment comptez-vous préserver le paysage, dont le platane est indissociable ?

Ensuite, que pensez-vous des délégations de service public ? Y avez-vous souvent recours ? Chez moi, cela se passe bien, à condition d’être très vigilants. Avez-vous l’intention de développer les délégations de service public de gestion de ports, que ce soit pour le fret ou pour le tourisme ?

Je ne saurais résister à l’envie de vous demander comment vous envisagez la mise en œuvre des préconisations du rapport Pauvros. L’une d’elles, qui ne dépend pas de vous, me paraît très intéressante. Pour développer le fret fluvial, il faut que celui-ci soit incitatif, c’est-à-dire que les prix relatifs entre le fret fluvial et notamment la route, soient favorables au premier. Voilà pourquoi notre collègue propose que sur l’axe Seine-Escaut, nous menions une véritable politique publique en faveur du trafic fluvial en mettant en place une Eurovignette Qu’en pensez-vous ?

Enfin, travaillez-vous sur les interfaces entre la route et la voie d’eau ? Menez-vous une politique d’investissement en matière d’intermodalité ? S’agit-il d’une politique raisonnée autour de quelques grands trafics repérés ou repérables comme pouvant faire l’objet d’un transfert de la route sur la voie d’eau ?

M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le président Chanteguet, messieurs, merci pour cette audition.

VNF a effectivement connu une mutation essentielle avec la loi du 24 janvier 2012, issue des orientations du Grenelle de l’environnement. Vous avez aujourd’hui la gestion de plus de 6 000 km de canaux, comme d’un certain nombre d’infrastructures dont vous avez rappelé l’importance. Cette loi vous a-t-elle permis d’être plus performants et plus efficaces dans la gestion de ces infrastructures ?

4 314 agents de l’État et 389 salariés de droit privé ont été réunis dans un même établissement. Comment cela se passe-t-il d’un point de vue social ? J’ai eu l’occasion de rencontrer régulièrement ces agents. Comment cela s’organise-t-il ? À l’époque, c’était un peu difficile. Le climat est-il plus serein ?

On sent bien que le tourisme fluvial progresse. Comme vous l’avez dit, il est important que cette progression s’effectue en concertation avec les collectivités locales, les offices de tourisme et les collectivités intercommunales qui sont de plus en plus sensibles à la valorisation apportée par le passage des canaux. J’observe qu’à côté des bateaux et du tourisme fluvial, il ne faut pas oublier le tourisme à vélo, avec les « véloroutes » aménagées aux abords des différents canaux.

Par ailleurs, vous n’avez pas évoqué les nouvelles possibilités apportées par la loi de 2012, notamment en matière de production d’électricité. Cette loi permet en effet à VNF d’être producteur d’électricité. Qu’en est-il exactement et avez-vous déjà des résultats ?

VNF est par ailleurs un acteur majeur en matière de « trame bleue », à côté de la « trame verte » sur les territoires. Je voudrais savoir si, bien évidemment en cohérence avec les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), vous avez avancé sur le sujet.

Enfin, en matière de fret, il est évident que la rupture de charge est importante entre le camion et la péniche. Cela nécessite un certain nombre de plateformes portuaires sur l’ensemble du territoire. Des collectivités sont particulièrement intéressées. Avez-vous progressé sur ces questions ?

M. Stéphane Demilly. Voies navigables de France a en charge l’exploitation, la maintenance et la modernisation de 6 700 kilomètres de rivières et canaux navigables. Elle gère également 40 000 hectares de domaine public fluvial, près de 4 000 ouvrages d’art, écluses, pentes douces, barrages ainsi que 2 500 bâtiments et des maisons éclusières. On le voit bien, le champ d’investigation de VNF est particulièrement vaste et les chantiers sous votre responsabilité, partout en France, sont très nombreux. Cependant, en ma qualité de député de la Somme et bientôt de la grande région Picardie Nord-Pas-de-Calais, je voudrais concentrer mon intervention sur le projet de canal Seine-Nord Europe.

Il s’agit du chantier le plus important que notre pays ait connu depuis des décennies, et probablement le chantier du siècle pour VNF, pour la France et peut-être même pour l’Europe. Je ne m’attarderai pas sur les objectifs que vise la réalisation de ce canal, car nous les avons déjà évoqués dans cette commission, mais j’en rappellerai trois qui me semblent fondamentaux : la réduction significative du nombre de poids lourds (PL) qui transitent sur l’autoroute A1 – on parle de 200 000 PL en moins ; la diminution des émissions de CO2 par la réduction du nombre de camions ; la création de 10 000 à 13 000 emplois durant la construction du chantier, et de 50 000 emplois à l’horizon 2050.

Je me réjouis d’avoir lu dans le projet stratégique 2015-2020 de VNF – page 4 – que la capacité d’investissement réduite de l’établissement public n’impacterait pas le canal Seine-Nord-Europe. Pouvez-vous nous le confirmer ? Pouvez-vous par ailleurs nous assurer que le calendrier fixé le 26 septembre dernier par M. le Premier ministre lors de sa venue à Arras sera maintenu, à savoir un début de travaux en 2017 et une ouverture en 2023 ?

La concrétisation du canal Seine-Nord-Europe est très attendue par les habitants de nos territoires. Comme tout chantier d’envergure, il suscite cependant des interrogations légitimes auxquelles il convient de répondre avec précision et clarté. Je pense notamment aux habitants d’Ytres, dans le Pas-de-Calais ou encore à ceux du hameau de Halles, de la commune de Péronne, dans la Somme. L’accompagnement d’un tel chantier, sur le terrain, nécessite un travail de proximité et de pédagogie très minutieux auprès des populations concernées.

Dans son rapport remis au secrétaire d’État aux transports, le 5 mai dernier, notre collègue Rémi Pauvros a clairement souligné les limites des procédures de consultation des populations dans ce type de projet. Il a évoqué les problèmes de délai, les moments à choisir pour le dialogue en fonction d’étapes clé dans l’avancement du projet, mais aussi l’écoute et les outils à utiliser – par exemple un site internet –, l’idée globale étant de mettre en place une démarche participative associée à un dialogue permanent. Je souhaite donc connaître les initiatives envisagées par VNF pour répondre à cette attente importante de nos concitoyens.

En introduction du document présentant le projet stratégique de VNF, Marc Papinutti précise que vous prendrez « soin de concerter et d’écouter ». Je souhaite vraiment que cet engagement préside au suivi de la réalisation du canal Seine-Nord Europe.

Ensuite, des interrogations subsistent concernant le réseau des canaux secondaires entourant le canal Seine-Nord Europe. Il convient peut-être d’apporter un éclairage sur la stratégie de VNF en la matière.

Enfin, je terminerai sur un élément déterminant : la création par ordonnances de la société de projet à l’article 3 du projet de loi « Macron ». Selon les termes de cet article, la société de projet aura la charge de la réalisation de ce canal Seine-Nord Europe, et créera des associations avec les représentants de l’État, les établissements publics de l’État et les collectivités territoriales. Je souhaite que vous nous donniez un peu plus d’informations sur les relations qui vont unir VNF à cette société de projet, et que vous nous parliez également de l’Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF).

M. Jacques Krabal. Monsieur le président de VNF, monsieur le directeur, merci de venir pour la deuxième fois au sein de notre commission. C’est un plaisir de vous accueillir ici. Mais nous vous avons également accueillis sur notre territoire, au sud de l’Aisne. À cette occasion, les élus locaux vous ont questionnés sur les problématiques d’entretien du patrimoine et sur la réhabilitation des ouvrages – je pense au maire de Presles-et-Boves et à son pont. Ces questions sont en effet au cœur des préoccupations des élus locaux. De mon côté, j’aimerais connaître votre méthode de travail. Mettrez-vous en place un partenariat plus efficient ? Quel sera le rôle des subdivisions territoriales. Celles-ci seront-elles plus accessibles aux élus ?

Je souhaiterais également vous interroger à propos du grand canal Seine-Nord Europe, même s’il ne traverse pas notre département. Nous espérons que sa future réalisation renforcera le réseau des canaux existants et contribuera à la constitution d’un maillage de circulation fluviale.

Le département de l’Aisne comprend 310 km de voies navigables, avec le canal de l’Aisne à la Marne qui court sur 58 km et une prise d’eau qui va de Berry-au-Bac au canal de l’Oise. L’utilisation de l’Aisne pour le fret est limitée, la navigabilité se cantonnant à 600 tonnes. Il conviendrait d’augmenter les capacités pour passer à 2,20 mètres de jauge – le gabarit international. Par ailleurs, le rehaussement des berges sur la section Compiègne-Condé-sur-Aisne et Condé-sur-Aisne – Berry-au-Bac permettrait une augmentation du trafic fluvial de 30 à 40 % conformément aux estimations et aux attentes de la communauté d’agglomération du Soissonnais. Que pensez-vous de ces projets ?

Le canal Seine-Nord Europe devrait ouvrir une continuité de navigation sur toute la partie Est du département de l’Aisne. Pouvez-vous développer ces perspectives importantes pour notre territoire, autant d’un point de vue économique que touristique ? Comme vous l’avez dit en venant à Château-Thierry pour inaugurer la halte fluviale, vous portez un grand intérêt au développement touristique. Je voudrais donc rebondir sur les questions posées par notre collègue Savary. Quelles propositions formulez-vous en matière de gestion et d’animation de ces haltes fluviales ? Comme vous l’aviez remarqué à Château-Thierry, se pose aussi un problème de fixation des tarifs, qui peuvent varier d’un territoire à l’autre.

Ma dernière question concerne le coût du transport fluvial. Même s’il y a une augmentation des volumes transportés, nous restons bien en deçà des pourcentages significatifs qui permettraient de faire avancer la réflexion autour du développement durable et de la lutte contre les émissions de CO2. Avez-vous des éléments de comparaison sur les coûts des différents modes de transport entre le fluvial, le ferroviaire et le routier ?

M. Patrice Carvalho. Merci, monsieur Saint-André, d’être venu nous présenter le projet stratégique de VNF 2015-2020. Merci, monsieur Papinutti, de répondre à toutes nos sollicitations.

À la commission du développement durable, nous ne cessons de promouvoir la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, et par conséquent l’action contre la consommation énergétique de produits fossiles, et de remettre en cause le « tout routier » dans le transport de fret. Or, malgré nos professions de foi écologiques, la part du fluvial ne représente qu’un peu plus de 2 % du transport, contre 9,4 % pour le rail, en déclin, et 88,3 % pour la route. Pour faire bonne mesure, le projet de loi « Macron » nous promet un développement du transport passager en car, qui se fera au détriment du rail. Bref, nous faisons l’exact contraire de ce que nous affirmons.

Avec 1 kg équivalent pétrole consommé, nous pouvons transporter 1 tonne de marchandises sur 50 km par camion sur autoroute, sur 130 km par train et 175 km par voie fluviale. Le transport fluvial est bien le moins cher des modes de transports, le moins polluant et parmi les plus sûrs mais, paradoxalement, le moins utilisé. Il devrait faire l’objet d’une attention publique particulière. Pourtant, il n’échappe pas à la politique d’austérité, ce qui constitue un autre paradoxe.

Je suis l’élu d’une région qui est au cœur du projet du canal Seine-Nord Europe. En effet, la partie nouvelle de ce canal démarre dans ma circonscription, où l’on débat des projets de construction de plateformes multimodales et des quais de débarquement. Il faut faire en sorte que l’infrastructure permette le développement économique, et que les industries qui aujourd’hui n’utilisent que la route utilisent également la voie d’eau. Mais cette multimodalité destinée à favoriser l’essor de la voie d’eau devrait être déployée partout sur l’ensemble du réseau, dans le cadre d’une politique globale d’aménagement des territoires, en cohérence avec une politique industrielle.

C’est une question de volonté politique et de moyens correspondants. J’ajoute que si nous voulons développer le transport modal, il faut que le « tout routier » ne soit pas le mode le plus favorisé. De ce point de vue, le fiasco de l’écotaxe apporte la démonstration du contraire.

Ensuite, votre projet stratégique a de grandes ambitions – Bray-Nogent, MAGEO et le canal Seine-Nord Europe. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Mais toute la question réside dans les moyens dont vous disposerez pour que ces ambitions se réalisent. Et ces moyens sont aussi ceux qui seront alloués aux salariés de VNF, sans lesquels le réseau ne saurait répondre aux exigences de fonctionnement et de développement qui s’imposent à l’établissement.

Enfin, le projet Seine-Nord Europe va se réaliser. Mais quand je vois que ce canal va démarrer à Janville pour déboucher à Bellerive, je m’interroge sur l’intérêt de maintenir l’ancien canal existant. Personnellement, j’y suis sentimentalement attaché, mais celui-ci a été construit en surplomb et je ne suis pas sûr que l’on ait les moyens de l’entretenir. D’ailleurs, qui l’entretiendra ? Ce pourrait être l’occasion de remettre les choses à plat, et d’en discuter avec les élus locaux.

M. François-Michel Lambert. Merci, messieurs, pour votre présentation et pour votre volontarisme. Je reviens sur la mise en place de cette nouvelle structure d’État au service de la voie d’eau, dont l’objectif est de redonner une place plus importante à l’activité fluviale, à la gestion hydraulique, à la protection du patrimoine foncier et aux enjeux touristiques. Je concentrerai mon propos sur le transport, et notamment sur l’activité de fret, à laquelle je porte un intérêt tout particulier en tant que président de la Conférence nationale sur la logistique.

Tout d’abord, notre collègue Gilles Savary, faisant référence au rapport de Rémi Pauvros, a indiqué que nous devions redonner des marges économiques au fret fluvial. Pour y parvenir, trois possibilités s’offrent à nous : premièrement, contraindre le routier, ce qui me semble bien difficile à mettre en œuvre de façon généralisée ; deuxièmement, renforcer les aides publiques, mais les problèmes budgétaires limitent les capacités d’intervention ; troisièmement, recourir davantage à l’ingénierie financière, qui doit être en capacité d’intégrer la création de valeurs issues de l’utilisation du fluvial plutôt que d’un autre mode, en particulier le routier.

Prenons comme exemple l’approvisionnement de marchandises en containeurs fluviaux sur Paris. Au-delà de la différence de prix de revient qui peut exister entre la route et le fluvial, il faut prendre en compte le fait que la ville de Paris, première capitale touristique au monde, y gagnerait une image positive et que le client, en l’occurrence Franprix, aurait ainsi la possibilité de communiquer sur son utilisation d’un mode de transport beaucoup plus responsable. Cette ingénierie financière, qui va chercher ailleurs que dans le prix brut du transport la création de valeurs, me semble donc constituer un atout important.

Comment VNF peut-elle porter cette expertise pour faire émerger des solutions novatrices ? Si l’on se réfère au mode ferroviaire, on s’aperçoit que les opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) qui ont pu émerger sont des structures souples ayant précisément intégré la capacité à aller au-delà de la seule question du transport, en prenant en compte la question de l’infrastructure, les services collectifs et les services marketing et commerciaux supplémentaires qu’ils apportent. On peut appliquer cette analyse à la voie fluviale, et plus particulièrement au réseau Freycinet à petit gabarit. On voit bien, là aussi, que ce n’est pas le transport massifié qui crée les marges, mais la capacité à aller chercher ailleurs de la valeur.

Enfin, j’aimerais que vous présentiez les axes d’innovation que vous souhaitez privilégier. J’aimerais notamment que vous nous fassiez le point sur la question des Data, les données. De par votre dimension, votre présence territoriale, votre champ d’intervention, en particulier en termes d’enjeux économiques et de développement durable, il y a probablement pour VNF, qui est directement propriétaire de ses données, une opportunité extraordinaire de création de valeur, de marges et de nouvelles activités.

Mme Florence Delaunay. J’ai pris connaissance avec intérêt du projet stratégique de VNF, dont l’une des grandes orientations consiste à garantir une offre de service fret toute l’année sur le réseau. Pour cela, parallèlement à l’amélioration des conditions de navigation et de circulation des marchandises, il conviendrait, en partenariat avec les acteurs impliqués et notamment les collectivités territoriales, d’étudier les capacités d’accueil et de manutention des ports fluviaux et urbains. En effet, les élus des villes fluviales ont une place essentielle dans l’aménagement des terrains portuaires, quel qu’en soit le propriétaire.

Les avantages d’un port urbain sont importants. L’arrivée des marchandises en pleine ville, sans qu’il soit besoin de recourir aux camions, va dans le sens d’une moindre pollution et d’une meilleure qualité de l’air. La voie navigable reste une solution très intéressante, notamment en cas de convois exceptionnels ; je pense au transport d’Airbus en Gironde, sur la Garonne. Les ports doivent pouvoir accueillir des bateaux de différentes tailles. Ils peuvent également représenter une solution de stockage économique. Enfin, l’expérience de déchetteries fluviales semble être un bon exemple d’innovations possibles.

Ma question porte donc sur les moyens et les partenariats à mettre en œuvre pour favoriser l’aménagement et la mise aux normes des ports fluviaux urbains.

M. Jacques Kossowski. L’année dernière, à peu près à la même époque, VNF et la région Île-de-France ont signé une convention de partenariat relative au plan d’aide de report modal, afin de développer le transport fluvial. L’objectif était de favoriser le report modal, en particulier pour les entreprises qui souhaitent développer une conception durable de leur activité de fret ou de logistique urbaine. Avec un budget de 2,5 millions d’euros sur cinq ans, la région Île-de-France a financé un volet dédié aux investissements dans l’outillage et l’infrastructure portuaire. Avec une année de recul, j’aimerais que vous puissiez nous dresser un rapide bilan de ce partenariat régional, et nous dire quelles en sont les perspectives.

M. Yannick Favennec. Le tourisme fluvial est en plein essor, notamment sur la Seine, comme vous l’avez mentionné. Aussi, quelles actions mène VNF pour accompagner ce développement ? Sur quels acteurs locaux vous appuyez-vous pour renforcer ce secteur d’activité ? Les offices de tourisme sont-ils associés à votre démarche ?

M. Rémi Pauvros. Je tiens à dire le plaisir que j’ai eu à travailler avec les collaborateurs de VNF, sous l’autorité de Marc Papinutti.

Où en êtes-vous du projet de réouverture du canal de la Sambre à l’Oise, soit 116 kilomètres fermés depuis plusieurs années ? Pour ce qui est du fonctionnement, huit intercommunalités se sont mises d’accord sur le principe du cofinancement, tandis que le contrat de plan 2015-2020 prévoit la partie investissements. Pourriez-vous nous éclairer sur les mises en perspective et la réouverture de ce canal ?

M. Guillaume Chevrollier. Depuis 2001, l’Union européenne tente de favoriser le report modal de la route vers les autres modes de transport. Or le transport routier représente encore 45 % du transport de marchandises au sein de l’Union européenne. Malgré son bilan carbone, ce mode de transport tient toujours la première place, en raison d’un coût plus avantageux. L’abandon de l’écotaxe est regrettable, car elle aurait permis de faciliter le transfert vers les transports plus propres que sont le ferroviaire, le maritime ou le fluvial.

Dans votre projet stratégique 2015-2020, votre troisième orientation entend contribuer au développement du report modal. Pouvez-vous nous faire part des résultats concrets obtenus en matière de fret ? Quelle est votre stratégie de communication pour le développement de l’activité sur les voies navigables des territoires, dans les domaines touristique, écologique et patrimonial ? Pouvez-vous nous faire part des perspectives et données concrètes sur ce sujet ?

M. Bertrand Pancher. La stratégie de l’État en matière de transports est la suivante : moins il y a de moyens, plus il y a de projets. Le financement du canal Seine-Nord reste pour moi une grande énigme. Alain Vidalies, que j’ai interrogé la semaine dernière, a indiqué qu’il s’agissait de 1 milliard d’euros et que ce serait à la charge du budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

Le Premier ministre dit que le projet va démarrer avant 2017. Je suis prêt à parier que ce sera plutôt après 2017 et que ce sera à la future majorité de régler la question. Pourriez-vous nous donner des précisions sur ce sujet ?

Nous aimerions également vous entendre sur les moyens financiers nouveaux. C’est l’usager ou le contribuable qui paient en matière de transports. Le contribuable ne pouvant pas aller plus loin, c’est donc l’usager qui va payer un peu plus. Quels moyens envisagez-vous pour financer ces nouvelles infrastructures de transport ?

M. Jean-Jacques Cottel. Le canal Seine-Nord Europe est un formidable projet de territoire et un important outil de développement.

Il nous faut aujourd’hui traiter un certain nombre de problèmes locaux concernant les communes traversées par la nouvelle configuration. On a parlé tout à l’heure de la commune d’Ytres. Il y a également celles de Ruyaulcourt, Hermies et Havrincourt. Rémi Pauvros avait demandé qu’il puisse y avoir un référent de territoire de VNF pour approcher au mieux ces communes. Ce référent a-t-il été nommé ? Il conviendra d’être pédagogue et d’avoir les meilleurs outils possibles pour présenter le projet. Je pourrai être à vos côtés pour aller à la rencontre des populations.

Outre les relations avec les élus, que vous avez évoquées, il importe aussi de tisser des relations importantes avec le monde agricole. Celles-ci ont-elles été bien établies par rapport à la future enquête publique concernant le canal Seine-Nord Europe ? Pourriez-vous préciser votre façon de fonctionner avec le monde agricole ? Quelle est votre disponibilité face à ses attentes ?

M. Gérard Menuel. Je me félicite, en tant que député de Nogent-sur-Seine, de voir figurer en bonne place, dans le document que vous avez distribué, la section Bray-Nogent à 3 000 tonnes.

Dans l’Est du bassin parisien, des centaines de milliers de tonnes de céréales sont exportées, notamment vers le port de Rouen. Le transport se fait soit par le train, soit par la route, soit par voie d’eau. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un problème. De nombreuses lignes de la SNCF, sur lesquelles les silos sont embranchés, sont dégradées, non entretenues et, pour certaines, vouées à la fermeture. Il y aura donc, concernant l’exportation de ces céréales, un report modal, soit vers la voie d’eau, soit vers la route, par camion, jusqu’au port d’exportation, c’est-à-dire à une distance de 300 ou 400 kilomètres. Cela conforte encore la section Bray-Nogent à 3 000 tonnes, qui prend tout son sens dans cette évolution vers un transport moins cher, moins polluant, et surtout territorialement structurant. Pourriez-vous préciser le calendrier de cette réalisation ?

Je voudrais aussi souligner, s’agissant de ce dossier, les très bonnes relations que nous avons depuis plus de vingt ans avec les services de VNF. On l’a vu lors de la création du port de Nogent-sur-Seine, lors du débat public et lors de l’évaluation technique concernant ce dossier important et attendu.

M. Philippe Plisson. En France, on constate une régression constante de l’aire de distribution des poissons migrateurs. Il est donc indispensable de rendre les obstacles franchissables afin d’assurer la pérennité de certaines espèces.

Les effectifs d’aloses, contrôlés en 2013 au niveau des stations de Golfech, sur la Garonne, et de Tuilières, sur la Dordogne, sont toujours à des niveaux catastrophiques, avec respectivement 630 et 682 individus contrôlés. Cela reste insignifiant par rapport à la moyenne de 38 000 individus, observée sur la période 1992-2012.

Dans votre projet stratégique 2015-2020, vous apportez votre contribution à la politique de transition énergétique en signalant l’enjeu des passes à poissons. Pouvez-vous nous en dire plus ? Quels seront vos investissements, notamment sur le bassin Gironde-Garonne-Dordogne concernant ce problème spécifique qui me tient à cœur ?

Par ailleurs, j’ai fait effectuer une étude par le syndicat mixte pour le développement durable de l’estuaire de la Gironde (SMIDDEST), concernant la mise en place de navettes fluviales pour le transport quotidien au départ de Pauillac, dans le Haut Médoc, et de Blaye, en Haute-Gironde, via Bordeaux, pour l’embauche et la débauche, matin et soir. VNF s’investit-elle dans ces démarches ? Pourrait-elle m’aider à concrétiser ce projet qui se heurte à des contraintes financières ?

M. Jean-Pierre Vigier. Voies navigables de France a, parmi ses objectifs, celui de mettre en place des aménagements pour assurer la continuité écologique. Celle-ci se caractérise par la possibilité de libre circulation des espèces aquatiques et surtout le bon déroulement du transport des sédiments, indispensable au bon fonctionnement des fleuves.

Les différents règlements français et européens convergent vers une obligation de restauration de la continuité écologique. Dans les années quatre-vingt-dix, des actions en faveur de la préservation du milieu aquatique ont été mises en place. Toutefois, à mon avis, le bilan est aujourd’hui plus que mitigé. D’où mes interrogations.

Quels sont, d’après vous, les freins à une action plus efficace en la matière ?

Pensez-vous qu’il y ait des freins, notamment au niveau de la gouvernance ?

Mme Geneviève Gaillard. Le transport fluvial semble répondre aux exigences des trois piliers du développement durable, y compris aux enjeux de biodiversité. Le développement de ce secteur implique d’anticiper, s’agissant particulièrement du transport des matières dangereuses par voie d’eau. Avez-vous des solutions concernant le transport de ces matières dangereuses ? Avez-vous anticipé les mesures de précaution ?

Par ailleurs, j’aimerais connaître l’importance de la pollution due aux rejets d’hydrocarbures et aux eaux sales. De quelle façon essayez-vous de la réduire ? La pollution aux PCB – polychlorobiphényles – et aux métaux lourds peut-elle entraîner la propagation par le décollement des vases et empêcher d’atteindre les objectifs fixés concernant la qualité des eaux ?

M. Yves Albarello. Vous avez évoqué tout à l’heure l’augmentation du tourisme fluvial. La France est la première destination touristique du monde. Avez-vous réfléchi à un plan d’action pour développer ce secteur, appelé à connaître un essor important dans les années à venir ?

S’agissant encore du tourisme, avez-vous mis en place un plan de formation pour les jeunes afin de leur offrir une perspective dans ce secteur ?

Enfin, pouvez-vous citer quelques exemples de maîtrise des coûts sur l’exercice qui vient de s’écouler ?

M. Christophe Bouillon. Ma question concerne le canal Seine-Nord-réseau Seine-Escaut. C’est un projet qui vient de loin. Plus récemment, chacun se souvient de l’article 10 de la loi Grenelle 2, des déclarations de l’ancien Président de la République en 2011, du plan de prévention de la pollution (PPP), de son abandon, des deux excellents rapports de mon collègue Rémi Pauvros, des décisions qui viennent d’être prises et de l’amendement déposé dans le cadre de la loi pour la croissance et l’activité. Cette infrastructure n’est ni de droite ni de gauche. Ce qui rassemble, c’est l’effort qui doit être fait en termes de report modal.

Pour autant, il y a une inquiétude, concernant notamment la place portuaire du Havre, dont je me fais le relais. Nous craignons que la réalisation du canal Seine-Nord vienne tailler des croupières à la place havraise. Si l’on ne peut qu’être favorable au fluvial et au report modal, il est néanmoins indispensable que le territoire de la vallée de la Seine, et notamment son estuaire, ainsi que la place havraise, soient rassurées sur ce point.

M. Yves Nicolin. La loi de 2012 avait consacré une organisation nouvelle, puis prévu un certain nombre de moyens. À l’époque, on avait annoncé 840 millions d’euros pour financer les programmes d’investissement et de modernisation. Où en est-on aujourd’hui ?

Il existe des plans d’aide à la modernisation et à l’innovation (PAMI), ainsi qu’un plan d’aide au report modal (PARM). Ces plans s’étalent entre 2013 et 2017. Aujourd’hui, en 2015, nous sommes à mi-chemin. Peut-on faire un rapide état des lieux de ces plans ? Qu’ont-ils permis ? Quels moyens y ont été consacrés ?

Enfin, nous avons l’immense bénéfice de disposer sur le Roannais du canal de Roanne à Digoin, d’avoir un port à Briennon, à Roanne, et une darse extrêmement importante. La communauté d’agglomération que je préside travaille actuellement à un projet de reprise du transport de fret fluvial. Comment pouvez-vous nous aider ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Je suis élue d’un département qui est traversé par une voie d’eau fluviale créée par Pierre-Paul Riquet et classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. En d’autres termes, je suis élue de l’Aude, département traversé par le canal du Midi.

Ma question portera sur les 42 000 arbres qui ceinturent cet axe et dont plus de 10 000, atteints par la maladie du chancre coloré, ont été abattus. Une expérimentation sur le traitement de cette maladie, portée par le centre d’études techniques et d’expérimentations forestières (CETEF), devait se mettre en place dans le courant des mois de mai et juin 2015. J’aimerais avoir des informations sur la mise en place, ou non, de ce traitement.

Enfin, qu’en est-il de la replantation de ces arbres, notamment dans les cœurs de villages ? Je rappelle que cinquante-six communes du département de l’Aude sont traversées par cet axe et qu’elles ont déjà fait des investissements en prévision du développement touristique fluvial sur cet axe.

M. Jean-Louis Bricout. Le canal Seine-Nord est un projet d’avenir pour notre nouvelle et grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.

Mon propos concerne un canal à moindre gabarit qui, pour autant, ne manque pas d’intérêt en termes de maillage pour le développement touristique fluvial, en termes de fret également, et qui est complémentaire par rapport au canal Seine-Nord : je veux parler de la remise en navigation du canal de la Sambre à l’Oise. Cette voie, qui permet de relier le bassin parisien à la Meuse belge, est devenue depuis 2006 une voie sans issue avec la fermeture du pont-canal, d’abord, de Vadencourt, puis, de Machilly.

La remise en navigation nécessite de gros investissements par les grandes collectivités, notamment le département et la région, ainsi qu’une participation de VNF, mais aussi une répartition des charges de fonctionnement, sur la base d’une clé de répartition. J’aimerais avoir des précisions sur cette clé de répartition et que vous nous indiquiez le degré d’acceptabilité des différentes collectivités.

À l’heure des baisses de dotations, les collectivités restent très motivées par ce projet, mais prudentes pour ce qui est des montants engagés. Quelle action mettez-vous en œuvre pour mieux les informer de l’intérêt de ce projet en termes de développement du tourisme fluvial et des liens qui peuvent se réaliser avec un projet touristique plus global sur le territoire ? Pouvez-vous faire un point précis par rapport aux propositions qui ont été faites récemment par VNF aux collectivités ? Quel est votre sentiment sur l’aboutissement de ce projet ?

M. Stéphane Saint-André. Je voudrais d’abord apporter une précision sur les chiffres du transport. Ces dix dernières années, la progression a été de 6 %. Trois filières sont particulièrement porteuses : les produits agricoles, avec + 9,4 %, la filière de la métallurgie, avec + 10,1 %, et les conteneurs, colis lourds et véhicules, avec + 5,1 %. Par contre, deux filières sont en net recul : le charbon, avec – 35,5 %, et les matériaux de construction, avec - 10,8 %.

S’agissant de l’exploitation et de l’état du patrimoine, nous avons des moyens insuffisants pour nos 6 700 kilomètres de voies d’eau, nos 40 000 hectares de foncier et nos 4 000 ouvrages d’art. Nous essayons, dans les contrats de plan État-région, de caler quelques projets, que nous sommes obligés de prioriser.

J’en viens au chancre coloré et à son coût. Cette maladie des platanes qui bordent le canal du Midi est arrivée chez nous il y a cinquante ans. À ce jour, il n’existe pas de vaccin ni de moyen de la soigner. Par conséquent, nous sommes obligés, la mort dans l’âme, d’abattre les platanes touchés par la maladie, mais aussi leurs voisins immédiats puisque la maladie progresse notamment par les racines.

Cela coûte très cher. Nous avons planté 1 000 arbres en février et mars 2015. La première campagne d’abattage 2015 prévoit d’éliminer 2 000 arbres malades. En 2015, sur les 40 000 arbres que compte le canal du Midi, 4 000 seront abattus.

Malheureusement, nous n’avons pas les moyens financiers d’y faire face seuls. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé une campagne de mécénat. C’est un peu novateur pour un établissement public, mais cela fonctionne. Nous avons lancé cette campagne en juillet 2013 et, jusqu’à présent, nous avons récolté 530 000 euros grâce aux dons de trente-cinq entreprises mécènes et d’un peu plus de 4 000 particuliers. Nous avons lancé un Club des entreprises mécènes, sous la présidence de René Bouscatel, et nous organisons un certain nombre d’événements.

De jeunes scientifiques travaillent sur cette maladie. Une molécule est porteuse d’espoir, mais malheureusement, il s’agit d’une molécule génétiquement modifiée, ce qui pose problème pour obtenir l’autorisation de la commercialiser. J’espère que nous pourrons trouver rapidement une solution, car abattre des arbres est toujours difficile. Je le répète, nous n’avons pas suffisamment de moyens puisque nous ne replantons que 2 000 arbres pour 4 000 abattus.

Pour répondre à M. Gilles Savary, nous signons des délégations de service public (DSP) pour les ports. À titre personnel, j’y suis favorable.

M. Marc Papinutti. Sur ce point, il y a deux situations très différentes. S’agissant du fret, nous sommes les dignes héritiers de l’État, avec, parfois, des conventions sur trente ans et des délégations de service public qui sont un peu oubliées. Au moment de clôturer ces longues concessions, nombre de questions complexes se posent, par exemple, sur le Rhin ou, dans les années qui viennent, sur la Moselle. Mais il n’y a pas d’états d’âmes sur la délégation de service public concernant le fret.

S’agissant des petits ports de plaisance, le sujet est plus difficile. Nous sommes en train de faire un diagnostic systématique de toutes nos concessions. Aujourd’hui, l’équilibre économique de ces petits ports fluviaux n’est pas totalement assuré, y compris la garantie qu’une DSP puisse être relancée et trouver des « entreprises clientes », les entreprises étant assez peu enclines aux investissements lourds. Cela pose problème sur le type d’utilisation, alors que des conventions d’occupation temporaire pour moins d’une centaine de bateaux nous permettraient, avec les collectivités, puis avec les gestionnaires exploitants, de faire les choses. Lorsque la mairie locale est en concurrence avec une entreprise privée pour une DSP, dans le cadre d’un appel d’offres, cela pose quelques problèmes, que vous pouvez facilement imaginer en tant qu’élus locaux.

M. Stéphane Saint-André. En ce qui concerne le rééquilibrage des coûts entre le transport routier et la voie d’eau, je regrette que l’on ait abandonné l’écotaxe.

Plusieurs députés. Nous aussi !

M. Stéphane Saint-André. Les solutions préconisées par Rémi Pauvros sont à creuser. L’un d’entre vous parlait d’une baisse du trafic routier sur l’autoroute A1. Encore faut-il que les transporteurs trouvent un véritable avantage au transport fluvial. Si le coût est trop élevé, cela posera problème. Toutes les solutions permettant de rééquilibrer les coûts sont donc les bienvenues.

Oui, monsieur Jean-Marie Sermier, la loi a permis une meilleure organisation et une meilleure gestion du réseau, mais même si on est bien organisé, sans argent, on ne peut pas faire grand-chose. Quant aux problèmes sociaux suite à cette réorganisation, il n’y en a pas eu trop.

M. Marc Papinutti. La vraie difficulté a été, dans un établissement public industriel et commercial, avec des services de l’État déjà organisés, de fusionner l’ensemble des organes sociaux classiques. Nous avons conçu un système à deux étages : un comité technique unique pour tous les agents, puis des comités spécialisés, un public, un privé, et le même type d’organisation dans les directions territoriales.

Le décret a été difficile à rédiger parce que, techniquement, le droit social public et le droit social privé sont extrêmement différents. Ce qui est très sensible dans l’ensemble, c’est un besoin extrêmement fort de dialogue social à tous les étages et une très bonne information de tous les agents, information descendante et montante. Il y a eu beaucoup de changements sur ce point. La parole des uns et des autres doit être validée, réentendue et réécoutée. Cela signifie que tous les directeurs territoriaux, tous les chefs d’équipe ont systématiquement encadré des réunions d’information, de discussion, de dialogue et les remontées de tous sur tous les sujets.

Enfin, la place du travail, surtout pour des gens extrêmement soucieux de leur travail et de leur rôle par rapport au transport et à l’eau, est encore plus forte que par le passé. Il faut faire remonter le plaisir qu’ont les gens à venir travailler pour la voie d’eau. Tous les agents n’ont qu’un objectif : voir passer des bateaux sur leurs canaux, et notamment des bateaux de fret. Il y a un travail de fond à mener avec eux. C’est le seul moyen que nous ayons de procéder à des transformations, parce qu’il y a un vrai métier.

M. Stéphane Saint-André. S’agissant du tourisme fluvial, nous travaillons en collaboration avec les régions et les départements. Il y a des endroits où cela fonctionne merveilleusement bien, d’autres où c’est un peu plus compliqué, parfois parce qu’il y a moins d’intérêt de la part des collectivités, parfois parce que nos agents ont quelques difficultés dans les rapports humains avec les élus. Mais globalement, cela se passe très bien.

M. Marc Papinutti. Concernant la production d’hydro-électricité, nul n’est censé ignorer qu’il est très difficile de prévoir le prix de l’énergie à moyen et long terme. Les investisseurs, institutionnels ou non, qui, dans l’enthousiasme, seraient tentés de se précipiter sur l’hydro-électricité fluviale, reculent un peu quand ils font leurs calculs, s’agissant notamment du temps qui s’écoule entre l’appel d’offres et la mise en œuvre réelle de nouveaux lieux de production. De nouveaux appels d’offres vont être faits pour l’hydro-électricité qui vont rendre plus enthousiastes sur certains sujets, s’agissant notamment de la tarification du prix de rachat.

Nous sommes en train de travailler sur la Seine Aval. Nous avons travaillé, lors du contrat de partenariat sur la Meuse, avec le concessionnaire sur quelques projets, mais nous avons été bien inférieurs à ce que nous pensions, notamment parce qu’il y a toute la phase d’autorisation avant de produire, sachant qu’un investisseur est plus hésitant sur le long terme.

M. Stéphane Saint-André. Concernant la date prévue pour le début des travaux du canal Seine-Nord, 2017 est l’objectif qui nous a été assigné par le Gouvernement. À l’heure où je vous parle, il n’y a aucune raison pour que cet objectif ne soit pas atteint.

S’agissant de l’impact sur nos finances, le projet Seine-Nord est en dehors des investissements que nous prévoyons. Cela a été dit, c’est un projet important, qui est tout à fait à part dans les projets de VNF.

Monsieur Jean-Jacques Cottel, il y a maintenant une référente, Émilie Ledein, qui est chargée de la concertation avec la population.

Alain Vidalies est venu au siège national il y a peu et il a été très clair, concernant Seine-Nord, la société de projet et l’exploitation, sur la place prépondérante de VNF dans ces montages. Nous sommes satisfaits, car nous pouvions avoir quelques craintes, alors que cela fait quinze ans que Voies navigables de France travaille sur ce dossier.

S’agissant de l’AFITF, c’est au ministre qu’il faut s’adresser, car je n’ai pas la réponse. Cela étant, le Premier ministre a annoncé à Reims la participation de l’État à hauteur de 1,7 milliard d’euros, dont 700 millions d’emprunt pour financer Seine-Nord. Les collectivités se sont engagées à hauteur de 1 milliard d’euros. L’Europe devrait, dans les semaines qui viennent, s’engager également. Je n’ai donc pas de crainte particulière pour le financement du canal Seine-Nord.

M. Marc Papinutti. J’en viens au tourisme et aux haltes fluviales.

Nous avons élaboré des projets, des schémas directeurs. Aujourd’hui, nous réorganisons nos agents dans ce que l’on appelle des unités territoriales d’itinéraire.

S’agissant des conventions d’occupation temporaire (COT), je suis conscient que les collectivités qui sont nos partenaires attendent plus de VNF. Il y a deux étapes. Que peut-on faire concrètement pour une nouvelle COT ? Comment s’intègre-t-on dans un projet de tourisme ? Notre force, dans le fluvial, c’est d’avoir des itinéraires parallèles, avec des chemins de halage où l’on peut se promener. Il y a plusieurs types de clients : il y a les locaux et ceux qui traversent la France sur nos véloroutes…Il faut avoir en tête qu’un cyclotouriste dépense localement entre 60 et 70 euros par jour, contre 35 à 40 euros pour un touriste fluvial. C’est ce sujet que nous devons retravailler avec vous. J’ai rencontré Jacques Maillot, chargé de mission pour les croisières maritimes et fluviales : nous avons du mal à convaincre tout le monde qu’il y a un intérêt collectif à cette forme de tourisme.

Aujourd’hui, je crains que nous ne soyons en train de nous refermer et c’est pour cela que je réorganise le réseau par itinéraire avec des services plus spécialisés. En Île-de-France, notamment, la Direction territoriale Bassin de la Seine va avoir des services plus spécialisés pour débattre de projets avec vous. J’ai réussi à obtenir que l’on simplifie des documents qui permettent de montrer ce que cela peut apporter.

Nous avons un patrimoine formidable qui, avec le temps, s’est dégradé. Nous sommes, de toute façon, contraints à une remise en état qui tienne compte de l’environnement et de la sécurité sur les berges. Il faut donc trouver une solution pour qu’une partie significative de l’investissement soit prise en charge par des institutions classiques, comme VNF, l’État ou les collectivités régionales, et que la valeur ajoutée locale soit bien répartie entre nous. Je suis confiant sur notre capacité à retrouver cet équilibre.

J’en viens à la question de Patrice Carvalho sur l’ancien canal et l’utilité de son maintien. D’abord, l’ancien canal va servir à la construction du nouveau. Nous n’avons pas totalement déterminé la suite avec les collectivités territoriales. Il faut réfléchir à la façon d’organiser le chantier. Une partie de celui-ci, dans le sud, sera commune à l’Oise. Puis, il y a l’acheminement des matériaux. À ce jour, nous n’avons pas tout à fait clarifié cette étape. Je ne doute pas que, pour des raisons environnementales, plusieurs de nos canaux jouent un rôle dans la nappe phréatique qui en est proche. Il faudra vérifier que l’eau que nous enlevons n’aura pas d’effets désastreux sur la nappe phréatique ou sur l’environnement.

Aujourd’hui, aucune décision n’est prise. Il y aura une concertation dans les années à venir, mais ce qui est paradoxal, c’est que la période du chantier à venir sera plutôt une période d’intensification des trafics et de renforcement de la qualité des ouvrages.

M. Stéphane Saint-André. François-Michel Lambert a cité le cas de Franprix, à Paris, qui utilise la voie d’eau pour approvisionner ses quatre-vingts magasins. Ce faisant, il pose la question de la démarche commerciale : comment VNF doit-il aller chercher le client pour promouvoir le transport fluvial ? Certaines directions territoriales le font déjà mieux que d’autres. Il suffit de regarder les chiffres de la direction territoriale du Nord-Pas-de-Calais où le fait de « mouiller la chemise » en allant faire la promotion de la voie d’eau permet de conquérir de nouveaux marchés. C’est important pour nous, car c’est une source de revenus.

M. François-Michel Lambert. Monsieur le président, j’ai une totale confiance dans vos équipes commerciales qui « mouillent la chemise » par passion et sans doute au-delà du raisonnable.

Cela étant, je voudrais savoir si, au sein de VNF, comme on l’a vu au niveau de la SNCF, vous envisagiez une structure ou des moyens ad hoc qui permettraient d’aller dans l’ingénierie financière sur le modèle des opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) où la SNCF a accompagné le montage de la recherche de valeurs complexes pour tenir des modèles.

M. Marc Papinutti. Nous travaillons depuis longtemps sur les certificats d’énergie. Nous y travaillons aussi indirectement par le biais du programme d’innovation et de report modal. En Île-de-France, nous avons dû engager 1 million d’euros sur l’année avec le conseil régional. Toutes les ressources ont été créées pour permettre à VNF d’accomplir une partie très significative du chemin.

Si demain, nous avons des travaux à faire sur les déchets ou sur des grands chantiers, il faut réfléchir à intégrer d’office dans le marché l’évacuation des matériaux par le fluvial. Nous avons travaillé sur ce sujet avec les déchetteries. Les déchetteries fluviales existent en Île-de-France et il va bientôt y en avoir une à Lyon. C’est par ces biais que l’on peut faire un vrai travail, mais on rentre là dans une problématique un peu plus complexe – la problématique urbaine – car c’est au cœur des agglomérations que l’on arrive à faire cela. C’est beaucoup plus difficile lorsqu’on en est éloigné.

M. Stéphane Saint-André. Il est possible d’envisager des partenariats pour financer l’aménagement des ports. Quant aux moyens, nous n’en avons pas. Concernant les ports de plaisance, c’est avec les collectivités territoriales que nous devons travailler. Nous apportons l’ingénierie, voire, parfois, le financement de certaines études. Cela étant, nos moyens sont limités.

Je vais laisser à Marc Papinutti le soin d’évoquer le bilan du partenariat avec la région Île-de-France.

M. Marc Papinutti. Le PAMI, qui a été abondé, est de l’ordre de 2,5 millions d’euros par an au niveau national, et de 500 000 euros pour la seule région Île-de-France. Comme c’est un partenariat récent, nous n’avons pas à ce jour tous les éléments. Concernant le précédent programme, le montant était d’environ 160 000 euros par projet et il y avait une dizaine de projets aidés par an.

Le PARM, qui concerne le report modal, est plus rapidement engagé par quelques opérations. Nous n’aidons pas directement le service, mais nous aidons l’infrastructure qui met en place une baisse de coût pour le fluvial. Le plan de financement est de 10 millions sur cinq ans.

S’agissant du calendrier Bray-Nogent, nous préparons le dossier pour qu’une enquête publique puisse être lancée en 2017. Ensuite, il faudra compter dix-huit mois pour la clôture de l’enquête.

Quant au canal de la Sambre à l’Oise, j’ai écrit au préfet et contacté les collectivités pour voir si l’on pouvait modifier la répartition proposée afin que les coûts d’exploitation se rapprochent de la proposition des collectivités territoriales. Je suis confiant, nous trouverons dans ce rééquilibrage les solutions pour remettre ce canal en service.

S’agissant des questions de Philippe Plisson, je n’ai pas les chiffres exacts concernant les passes à poissons, mais globalement, sur la période 2010-2018, nous y aurons consacré près de 120 millions d’euros, soit 6 à 7 % de la totalité de nos investissements. Nous avons la chance que les agences de l’eau nous aident. L’usager contribue donc indirectement. Je note tout de même une forte hausse des coûts sur la Seine, car il s’agit de très gros ouvrages. Le coût de chaque passe peut atteindre plusieurs millions d’euros.

Les problématiques de trame bleue sont particulièrement sensibles à VNF. Régulièrement, nous en mettons en service et nous faisons vérifier la fonctionnalité dans la durée de cet outil. Il ne s’agit pas seulement de la mettre en place, il faut l’entretenir et vérifier qu’elle est efficace. Nous avons mis en service une passe à poissons sur la Seine, à Andrésy. On y a retrouvé plusieurs dizaines d’espèces et une petite centaine de poissons qui y nichaient. Il y a donc un effet direct de ces passes, y compris pour le monde de la pêche.

S’agissant de la sécurité du transport fluvial, les transports industriels sont soumis à des normes de sécurité parfois supérieures à celles de la sécurité routière. C’est paradoxalement du client que l’exigence est venue puisqu’il s’agit d’un contrat externe et que les clients, aujourd’hui, par rapport à il y a une dizaine d’années, sont extrêmement tendus et volontaristes en matière de sécurité.

S’agissant des eaux noires et des eaux grises, il n’y a pas aujourd’hui de règle au plan national. Nous travaillons sur le tourisme fluvial, notamment dans des sites spécifiques pour que les ports de plaisance puissent avoir des cuves à eaux noires et des cuves à eaux grises et que les bateaux neufs soient transformés.

Enfin, le sujet le plus tendu et le plus difficile pour VNF porte sur les métaux lourds qu’il y a au fond. Le coût du dragage augmente avec le temps. Aujourd’hui, il nous faut, à travaux égaux, augmenter nos coûts de fonctionnement.

Le cas des PCB est encore plus complexe puisqu’ils se sont étendus le long des voies navigables, alors qu’on n’en a pas rajouté depuis des années. Cela pose un problème complexe de traitement des vases. Là encore, c’est la même logique que pour les métaux lourds. Je travaille sur ce sujet avec nos amis allemands sur le Rhin, qu’il va probablement falloir draguer à certains endroits. Nous avons subventionné des recherches pour savoir ce que l’on peut faire de ces produits.

M. Stéphane Saint-André. Concernant l’inquiétude légitime de certains ports, les élus du Havre, par exemple, ont dû être rassurés en lisant les rapports de Rémi Pauvros. Plutôt que de les affaiblir, le canal va renforcer les ports français. Il est clair, notamment pour les Américains, que les ports français, notamment Le Havre et Dunkerque, sont aujourd’hui et seront demain, grâce au canal Seine-Nord, le hub, la porte d’entrée pour atteindre l’ensemble du réseau fluvial européen, et notamment de l’Europe du Nord.

Pour répondre à la question d’Yves Nicolin sur les 840 millions d’euros d’investissements prévus en accompagnement de l’ancien contrat d’objectifs, il n’est pas toujours évident que l’argent suive.

M. Marc Papinutti. Il s’agit de 720 millions sur 840. J’estime que c’est tout à fait honorable – même si cela ne finance pas pour autant le dragage complet du port…

Pour les points très précis qui ont été soulevés, nous enverrons à chaque député qui le souhaitera une réponse plus détaillée.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie, monsieur le président, monsieur le directeur général, pour cet échange particulièrement intéressant et pour les réponses que vous nous avez apportées.

*

Informations relatives à la commission

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Vous avez été plusieurs à être interrogés dans vos circonscriptions sur les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse de certains palmipèdes et la succession d’arrêtés ministériels déférés au Conseil d’État et annulés m’incite à vous proposer la création d’un rapport d’information sur la question plus particulière des oies cendrées.

J’ai reçu la candidature de M. Philippe Plisson.

Je précise que les auditions qu’il organisera seront ouvertes à tous les membres de notre commission et à ceux du groupe d’études sur la chasse qu’il préside par ailleurs.

La commission a alors nommé M. Philippe PLISSON, rapporteur d’information sur les oies cendrées.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 13 mai 2015 à 9 h 30

Présents. - Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, Mme Catherine Beaubatie, M. Philippe Bies, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Gérald Darmanin, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Gérard Menuel, M. Yves Nicolin, M. Robert Olive, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Thierry Solère, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - Mme Laurence Abeille, M. Julien Aubert, M. Jacques Alain Bénisti, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, M. Jean-Yves Caullet, Mme Sophie Errante, M. Charles-Ange Ginesy, M. Christian Jacob, Mme Viviane Le Dissez, M. Franck Marlin, M. Philippe Martin, M. Napole Polutélé, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Pierre Blazy, Mme Marie-Hélène Fabre