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Mercredi 20 mai 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 49

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Examen du rapport d’information en conclusion des travaux du groupe de travail sur la réforme du code minier (M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur).

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné le rapport d’information de M. Jean-Paul Chanteguet, en conclusion des travaux du groupe de travail sur la réforme du code minier.

M. le président Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. C’est en 2011, lorsque la délivrance subreptice de permis exclusifs de recherches de gaz de schiste provoqua une vague d’indignation et souleva plusieurs territoires, dont le plateau du Larzac et le couloir rhodanien, que s’est imposée à tous l’impérieuse nécessité de réformer le code minier. Dès le 22 avril, la ministre de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet commandait à l’avocat Arnaud Gossement un rapport en ce sens. Le 5 septembre 2012, le conseiller d’État Thierry Tuot était saisi officieusement par Jean-Marc Ayrault de l’organisation de la concertation des parties prenantes, puis, le 14 février 2013, il était officiellement missionné pour élaborer un projet de code minier conforme aux orientations retenues en conseil des ministres : modernisation du modèle français fondé sur le rôle de l’État concédant ; application des principes constitutionnels de la Charte de l’environnement ; protection de l’environnement et garantie de la sécurité des travailleurs et de la sécurité publique ; fiscalité plus favorable aux territoires concernés ; prise en compte des spécificités ultramarines. Le 9 décembre 2013, le groupe de travail, comprenant ONG environnementales, syndicats et représentants de l’industrie, livra au Gouvernement un projet de texte soutenu par tous.

Face aux enjeux soulevés par les défaillances du code minier, le Parlement n’est pas resté inactif et la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale a toujours joué un rôle déterminant à travers des travaux tels que le rapport d’information sur les gaz de schiste de Philippe Martin et François-Michel Gonnot, la proposition de loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique, la loi relative à la mise en œuvre du principe de participation du public, dont Sabine Buis était rapporteure et qui, dans son article 4, renforçait la participation du public dans la procédure d’octroi des titres miniers. Fin 2013, nous avons pris la décision de constituer un groupe de travail sur la réforme du code minier réunissant des représentants de tous les groupes. Celui-ci, sur la base des conclusions du groupe de Thierry Tuot, a auditionné les principales organisations et personnalités engagées dans cette réforme.

Si nos débats ont vu se confronter des approches différentes, les désaccords constatés sur des questions précises – relance de la recherche d’hydrocarbures, droit de suite entre exploration et exploitation, fiscalité sur l’exploitation –, n’ont jamais remis en cause le constat partagé d’une réforme nécessaire autant à la protection de l’environnement qu’à la sécurisation de l’activité minière. Dix points de conclusion ont retenu notre attention, et pour ceux ne faisant pas l’objet d’un consensus, j’ai fait le choix de laisser la question ouverte.

Rarement projet de loi n’aura bénéficié d’un temps de préparation aussi étendu, d’études d’impact aussi fouillées, de document préparatoires aussi nombreux. Soumise à un code minier obsolète, l’industrie extractive, dont l’activité est assise sur le long terme, ne peut arrêter sa stratégie de développement. Le temps est venu de légiférer ; un projet de loi doit être déposé dans les meilleurs délais. Eu égard à l’investissement de ses membres depuis l’origine de la réforme du code minier, notre commission du développement durable doit jouer un rôle central. Le caractère environnemental affirmé de cette réforme lui en donne naturellement la compétence, et c’est d’ailleurs vers elle qu’ont été renvoyés tous les textes parlementaires en relation avec le droit minier depuis le début de la législature.

Le recours aux ordonnances envisagé par le Gouvernement n’est pas illogique pour les simples modernisations, adaptations de cohérence et autres toilettages. Toutefois, les membres du groupe de travail ont considéré que devaient être sorties de ce champ les dispositions hautement politiques touchant aux principes du code minier, à la procédure minière, à l’outre-mer et à la fiscalité.

L’opportunité d’un rapprochement entre le code minier et le code de l’environnement n’a pas fait consensus. Le premier ayant vocation à réglementer une exploitation et le second à protéger l’environnement, la divergence des objectifs justifie une séparation.

L’idée, issue de la tendance à la décentralisation, de confier la compétence minière aux collectivités territoriales a rapidement été abandonnée, à l’unanimité ou peu s’en faut. S’il est admis que les ressources du sous-sol constituent le patrimoine de la nation, il y aurait quelque incohérence à donner aux collectivités une compétence décisionnelle sur leur exploitation. La politique minière doit demeurer une compétence de l’État.

Le groupe de travail a été très intéressé par la proposition de Thierry Tuot de recourir, dans certains cas, au groupement momentané d’enquête (GME), une procédure innovante visant à renforcer l’information et la participation du public.

Les difficultés rencontrées en 2010, lors de la délivrance de permis exclusifs de recherches, ont révélé le caractère insatisfaisant des demandes déposées auprès du ministre de l’écologie. Conformément au code minier en vigueur, celles-ci ne faisaient mention que de la matière prospectée : M pour métal, H pour hydrocarbures, sans beaucoup plus de précision. Le groupe de travail souhaite que les dossiers de demande de permis minier soient désormais plus explicites et que, en conséquence, les permis soient délivrés pour des produits mieux identifiés.

Proposé par la commission Tuot, le recours au rescrit lors de l’attribution d’un titre minier, qui conduirait la cour administrative d’appel à juger de la procédure suivie, accélérerait et sécuriserait grandement les procédures minières au bénéfice des citoyens comme des industriels. Néanmoins, nous devons nous interroger sur l’immixtion du juge administratif dans les prérogatives du pouvoir exécutif.

L’une des difficultés du droit minier actuel tient à la délivrance quasi automatique d’une concession minière à tout détenteur d’un permis exclusif de recherches dont la prospection se révèle fructueuse. Si, aujourd’hui, certains considèrent que ce droit de suite ne doit pas perdurer, les opérateurs économiques comme le groupe de travail attendent du nouveau code minier qu’il procure un cadre à l’activité extractive, non qu’il multiplie les obstacles à son développement.

Enfin, doit-on, dans la logique du choc de simplification décidé par le Président de la République, accepter qu’au bout de deux mois, le silence de l’autorité administrative vaille acceptation, comme le propose la commission Tuot ? Adviendrait alors la délivrance de titres implicite, uniquement fondée sur l’absence d’instruction et de réponse de l’administration. Si le groupe de travail a jugé séduisant ce principe, il a préféré attendre la rédaction finale du projet de loi pour se prononcer.

Je conclus en disant ma satisfaction – j’espère qu’elle ne sera pas déçue – que l’examen de cette réforme se stabilise sur l’automne 2015. En effet, le 18 mars dernier, les ministres chargés de l’économie et de l’écologie ont conjointement annoncé le début du processus de consultation sur un avant-projet de loi, prélude à une saisine du Conseil d’État et à un dépôt sur le Bureau de l’Assemblée pour la rentrée prochaine.

Mme Françoise Dubois. Je tiens à rendre hommage à la ténacité de notre président qui a conduit le groupe de travail. Ce dernier, constitué au mois de juillet 2012, a démarré ses travaux dès le début de l’année 2013, procédant à de nombreuses auditions. Le projet de rapport présenté aujourd’hui tient compte de toutes les positions exprimées en son sein.

Le texte proposé est plus lisible que le précédent. Il prévoit des procédures simplifiées ainsi que des dispositions spécifiques pour l’information et la participation du public dès le stade de la demande du permis d’exploration. Il propose la création, à l’initiative du préfet, d’une commission spéciale de suivi ainsi que la rénovation du dispositif national de l’après-mine, principalement par la constitution d’une mission d’indemnisation. Il tend à soumettre les travaux miniers aux mêmes règles de protection environnementales que les installations classées. Il soutient la création d’un espace de débat national, avec l’institution d’un Haut Conseil des mines et l’élaboration d’un schéma national minier.

Les principales avancées de ce projet ont trait au meilleur encadrement de l’activité actuelle, qui doit se dérouler dans des conditions environnementales, sociétales et économiques acceptables. Il ressort des débats du groupe de concertation présidé par Thierry Tuot qu’il faut conserver un code minier distinct du code de l’environnement, chacun ayant sa propre finalité. Quant à la fiscalité minière, elle devra être rénovée pour parvenir à une meilleure répartition des produits fiscaux entre l’État et les collectivités. Enfin, le nouveau code minier prendra mieux en compte les spécificités ultramarines, avec le maintien des autorisations d’exploitations de petite taille et l’introduction d’une consultation systématique du conseil régional ou de la collectivité unique avant la délivrance des titres.

M. Martial Saddier. À mon tour, je salue l’action de notre président qui a su conduire la mission à un consensus sur un sujet complexe et délicat. La réforme du code minier a occupé deux majorités, le processus ayant été lancé par Nathalie Kosciusko-Morizet et poursuivi par Jean-Marc Ayrault. Tel qu’il existe aujourd’hui, le code minier est obsolète puisque certaines de ses références datent de 1810 et 1919. Le groupe UMP est, lui aussi, d’avis qu’il est urgent de le réformer, mais qu’il convient de le conserver comme un code spécifique. Sous l’impulsion de Christian Jacob, à la fin de la précédente législature, un texte avait été élaboré afin d’interdire la fracturation hydraulique. Nous souhaitons à présent qu’un projet de loi nous soit soumis selon un calendrier précis et que la Commission du développement durable en soit saisie au fond. À cet égard, je vous remercie, monsieur le président, pour le combat que vous menez.

En plus de régler le sujet de la fracturation hydraulique, la réforme doit contribuer à combler un vide juridique qui permet, dans certaines régions, de multiplier les permis de recherches géothermiques à haute et basse température dont nous n’avons pas toujours les moyens techniques de vérifier la pertinence.

Enfin, considérant que la richesse du sous-sol fait partie du patrimoine national, nous rappelons, en bons législateurs, que nous sommes toujours aussi enthousiastes au sujet des ordonnances. (Sourires) Si nous comprenons qu’elles puissent concerner une partie très technique du texte, nous souhaiterions, compte tenu des délais dont la préparation de ce texte a bénéficié, qu’elles fassent, avant leur adoption, l’objet d’une présentation devant les parlementaires.

M. Bertrand Pancher. Nous sommes tous d’accord sur l’impérieuse nécessité qu’il y a de réformer le code minier. Si un avant-projet de loi nous a été présenté le 18 mars dernier, l’avenir du texte reste incertain : depuis trois ans qu’on nous le promet, il est sans cesse repoussé. Emmanuel Macron l’a annoncé devant le Parlement pour l’automne. Sachant que cette période est occupée par la discussion du budget, autant dire que ce sera l’année prochaine. C’est ainsi que quatre ans auront été perdus.

Par ailleurs, on ne peut que s’alarmer du large recours aux ordonnances. Selon Arnaud Gossement, il ressort de la lecture attentive de l’article 46 du projet de loi que c’est la totalité de la partie législative du code minier qui sera rédigée par voie d’ordonnance. Ce serait un comble que les parlementaires n’aient pas voix au chapitre sur les aspects les plus politiques et législatifs, tel le principe de participation et d’information du public, alors même que le rapport célèbre les nombreuses auditions et études d’impact qui ont permis sa préparation dans une réelle concertation.

L’article 28 porte sur la constitution d’un groupement participatif d’information et de concertation regroupant toutes les parties prenantes ; pour sa part, le rapport Tuot préconisait un regroupement momentané d’enquête, ce qui n’est pas la même chose. Notre rapport souligne le flou de la définition de ce GME, mais cela vaut aussi pour le groupement participatif : quel en sera le fonctionnement exact ? Pourquoi, comme le souligne Me Arnaud Gossement, cette structure vient-elle se superposer à la Commission nationale du débat public (CNDP) ? Ne va-t-on pas encore ajouter au millefeuille d’instances consultatives au risque d’être contre-productif ?

L’avant-projet de loi n’aborde pas l’épineuse question du droit de suite, qui consiste à délivrer de façon quasi automatique une concession minière à tout détenteur d’un permis exclusif de recherches dont la prospection se révèle fructueuse. France nature environnement (FNE) en demande instamment la suppression.

J’appelle l’attention sur le dernier alinéa de l’article 7, qui signifie que l’on pourrait mener des opérations d’exploration sans aucun titre, c’est-à-dire sans information ni consultation du public. Il y a de quoi s’en inquiéter si l’on songe que c’est l’absence totale d’information sur les premières études du potentiel de notre sous-sol en matière d’hydrocarbures non conventionnels qui a déclenché tout le « bazar ». Procédons encore de la sorte et cela continuera.

Enfin, FNE a souligné que l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 47 visant à protéger l’environnement est repoussée à l’adoption d’une seconde loi de ratification, autant dire aux calendes grecques. C’est inacceptable ! Nous souhaitons que ce texte voie le jour très rapidement et dans de bonnes conditions.

M. Jacques Krabal. Je ne peux que saluer la présentation du projet de rapport d’information, bienvenu sur un sujet aussi délicat et difficile. Un des faits qui a motivé la réforme du code minier a été l’attribution d’un permis d’exploration dans la ville de Château-Thierry, dont je suis le maire, sans que les élus en aient été informés. Nous pouvons tout particulièrement remercier Thierry Tuot, qui n’a jamais baissé la garde dans ce dossier et à qui nous devons l’avant-projet de loi portant réforme du code minier. Pour votre part, monsieur le président, vous nous avez un peu rassurés au sujet du calendrier, cependant, nous aimerions avoir plus de certitudes.

Je partage les conclusions 2 et 3 du rapport d’information. Or, le 1er avril dernier, le ministre de l’économie a installé le groupe de travail « Mine responsable ». Comment allons-nous travailler avec lui, et quels seront les rôles respectifs de chacun des organismes concernés ?

En ce qui concerne la transparence et la proposition de Thierry Tuot d’instituer une procédure de groupement momentané d’enquête, j’aimerais savoir selon quelles modalités fonctionnera cette méthode de participation du public et comment s’organisera la concertation qui, à nos yeux, constitue la pierre angulaire de la réforme.

La conclusion 7 porte sur l’obligation d’information des dossiers. Je souhaite, là encore, que nos concitoyens ne soient pas floués. À cet égard, je regrette que le rapport ne reprenne pas la proposition de stratégie nationale sur la mine avancée par Thierry Tuot.

Enfin, les propositions visant la fiscalité minière sont intéressantes, encore faut-il détailler le partage entre l’État et les collectivités territoriales. Êtes-vous en mesure de nous apporter des précisions ?

J’attends avec impatience le dépôt du projet de loi, qui ne manquera pas, j’en suis certain, de reprendre l’ensemble de vos propositions, monsieur le président.

M. François-Michel Lambert. Je vous félicite, monsieur le président, pour votre persévérance et votre exigence au sujet de la réforme du code minier, dont la nécessité a été révélée par la découverte du processus qui conduisait à attribuer des permis d’exploration en matière de gaz de schiste. Le permis dit de Gardanne, par exemple, a été délivré sans qu’aucune structure locale, aucun élu local ou responsable politique n’y ait été associé. Aujourd’hui, ce permis n’est ni suspendu ni prolongé. Un tel vide juridique est préjudiciable aux acteurs économiques, certes, mais aussi aux décideurs locaux qui n’ont pas de visibilité pour développer leurs territoires. Au XXIe siècle, une telle situation n’est pas acceptable.

La Commission s’est saisie de ce dossier après que le Gouvernement a fait part de sa volonté de réformer le code minier qui, datant de 1810, est singulièrement inadapté aux circonstances actuelles. Grâce à Thierry Tuot, qui s’est vu confier le pilotage du groupe de travail en 2013 par le ministère de l’écologie, un avant-projet a été présenté à l’été 2014 et nous pouvons aujourd’hui avancer dans le dossier. Que ce document comporte plus de sept cents articles illustre la nécessité de la réforme, notamment au regard de l’intégration des principes de la Charte de l’environnement, de l’amélioration de la sécurité publique et juridique des travailleurs, de la démocratisation des processus et de la meilleure transparence de la mise en marche des exploitations minières. En mars 2015, Mme Royal et M. Macron ont installé un comité de pilotage dit « Mine responsable » associant l’ensemble des parties prenantes ainsi que certains députés. Avec tout cela, nous espérons un projet de loi avant la fin de l’année, à tout le moins de la présente législature, car il n’est pas envisageable qu’en cinq ans, la France ne parvienne pas à réformer son code minier : cela constituerait une faillite politique.

Dans l’absolu, les écologistes préconisent la sortie de l’activité minière, mais ils savent que notre modèle économique, structuré sur une base linéaire, ne va pas muter vers une économie circulaire en quelques années. S’ils acceptent l’extraction des ressources minières, elle ne peut qu’être conduite dans des conditions strictes et développée en France. Au nom de la solidarité internationale, mieux vaut extraire des ressources dans des conditions d’emploi et d’environnement que l’on peut maîtriser afin de préserver notre indépendance économique tout en sécurisant notre approvisionnement en ressources. C’est là un des principes de base des écologistes.

Nos inquiétudes portent sur les points clés de la réforme, qui doivent être débattus à l’Assemblée nationale, sans faire l’objet d’un recours abusif aux ordonnances. Le projet de loi ne doit pas empêcher la transition vers l’économie circulaire et le respect des objectifs climatiques internationaux. Il doit être cohérent avec le code de l’environnement, garantir la transparence, la concertation et la protection des territoires concernés. Je pense particulièrement à l’outre-mer qui recèle un formidable potentiel ainsi qu’un espace de biodiversité remarquable.

La géothermie doit être encouragée et réglementée par le seul code minier. Toute tentative d’instituer une décision implicite d’autorisation doit être abandonnée ; le fameux droit de suite n’est pas acceptable. Si la Compagnie nationale des mines, proposée en son temps par M. Arnaud Montebourg, demeure d’actualité, elle doit avoir pour seul objet la prospection et l’exploitation du sous-sol de la France. En aucun cas, elle ne doit s’orienter vers l’exploitation du gaz de schiste qui est une aberration.

Le XXIe siècle doit être celui de la responsabilisation des différents acteurs, notamment des citoyens, qui doivent être associés aux choix politiques et de développement des territoires. Il faut sortir d’un modèle niant toute idée de démocratie.

M. Patrice Carvalho. À mon tour, je salue le travail de réflexion accompli par le groupe constitué au sein de notre commission du développement durable sur l’avant-projet de loi élaboré par la commission Tuot. Son rapport fait état de dix préconisations que je partage pour l’essentiel. L’épisode du gaz de schiste a montré l’urgence de procéder à la réforme du code minier, qu’il faut rapprocher du code de l’environnement sans toutefois l’y faire disparaître. Il est tout aussi souhaitable d’affirmer que notre commission a un rôle central à jouer et que la politique minière doit demeurer une compétence de l’État.

Quelques points me laissent perplexe, s’agissant notamment des procédures de consultation du public, telle l’idée avancée par la commission Tuot d’un groupement momentané d’enquête disposant d’un budget et pouvant conduire des expertises. Des zones d’ombre subsistent, qui concernent particulièrement l’indemnisation de ses membres et le déclenchement du processus. J’ai également des doutes au sujet du principe du rescrit et de l’intervention du juge administratif dans la procédure d’attribution d’un titre minier.

Je suis, bien entendu, opposé au recours aux ordonnances. On ne peut, dans le même temps, affirmer que notre commission a un rôle à jouer et nous dessaisir de notre pouvoir législatif.

M. Jacques Kossowski. Je m’interroge devant le manque d’encadrement de la fermeture des sites miniers existants, pour laquelle il conviendrait de définir des règles précises propres à garantir la prévention et la réparation des atteintes environnementales ou sanitaires. Malheureusement, les antécédents ne manquent pas : uranium dans le Limousin, arsenic dans l’Aude, mercure dans le Gard, or dans la Sarthe, charbon en Lorraine.

Maryse Arditi, responsable du réseau énergie de France nature environnement, a récemment déclaré : « Dans un contexte où les ministères de l’environnement et de l’économie souhaitent développer la démarche dite des mines responsables, et alors que certains territoires paraissent encore extrêmement marqués par les pollutions liées aux exploitations minières passées, l’absence de dispositions relatives à l’après-mine est intolérable ». J’aimerais, monsieur le président, avoir votre avis à ce sujet.

M. Yannick Favennec. La réforme du code minier va accompagner une éventuelle relance de l’exploitation de nos ressources naturelles en conciliant deux exigences : rendre l’exploitation des mines compatible avec des règles de protection de l’environnement de plus en plus contraignantes, et assurer une meilleure sécurité juridique aux entreprises minières. À mon tour, je remercie le président Jean-Paul Chanteguet ainsi que nos collègues qui y ont participé, pour le travail accompli, qui nous éclaire sur ce sujet très complexe. Je me félicite que les dix points de conclusion aient recueilli l’assentiment général des membres du groupe de travail.

Quelques questions restent en suspens, notamment la mise en place ou non d’un schéma national minier. Sur ce point en particulier, je serais partisan d’un droit de suite, car cette réforme a pour objectif de donner un cadre à l’exploitation de nos ressources et non pas de multiplier les obstacles. Reste maintenant à examiner le projet de loi, et je forme le vœu que celui-ci soit inscrit à l’ordre du jour de nos travaux dans les meilleurs délais.

M. Guillaume Chevrollier. L’examen du rapport d’information sur la réforme du code minier laisse espérer un calendrier pour l’examen de ce texte qui est un véritable serpent de mer. Deux nouvelles entités semblent s’imposer : le groupement momentané d’enquête et le schéma national minier. L’autorité administrative sera-t-elle liée par les conclusions du GME ou pourra-t-elle, au nom de l’intérêt général, émettre une décision contraire ? Quant au schéma national minier, quelle sera sa portée juridique ? Sera-t-il considéré comme un inventaire des ressources minières ou y aura-t-il obligation de respecter ses prescriptions ?

Ces questions sont lourdes de conséquences, et il me semble important qu’elles fassent l’objet d’un débat au sein de la représentation nationale, dans notre commission, et non pas d’ordonnances, comme cela semble devoir être le cas.

M. Jean-Pierre Vigier. Annoncée par le Premier ministre au mois de juillet 2012, la réforme du code minier a pour objet de mettre celui-ci en conformité avec la Charte de l’environnement et d’assurer aux activités minières la sécurité juridique qu’elles requièrent. À plusieurs reprises, ce projet a semblé avorter. Ce texte verra-t-il enfin le jour ?

Le cas échéant, quels seraient les éléments susceptibles de favoriser la mise en œuvre de cette réforme, qui semble difficile ?

M. Christophe Priou. Si, comme pourrait le dire Jacques Krabal, adepte des citations de La Fontaine, « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » (Sourires), pour le monde économique, la patience a ses limites, celles-ci conduisant à saisir la justice. C’est ainsi que, le mardi 12 mai dernier, le tribunal administratif de Nantes a donné raison à deux sociétés d’extraction de sable sous-marin de la région, qui, en novembre 2011, avaient contesté, en le déduisant de son silence, le refus implicite de l’administration de leur accorder une concession sur le site de Cairnstrath. Suivant les conclusions du rapporteur public, la magistrate a préconisé la condamnation de l’État à verser 1 500 euros de frais de justice aux sociétés plaignantes. Avec le calendrier très glissant de la réforme, on peut craindre que les contestations de décisions – ou plutôt de non-décisions – de l’État ne se multiplient.

Mme Valérie Lacroute. Clarifier et simplifier le code minier était bien nécessaire, c’est pourquoi j’ai souhaité me joindre au groupe de travail, cela d’autant plus que ma circonscription est très concernée par ce sujet sensible.

Aujourd’hui, c’est une uniformisation ponctuée d’une accélération qui nous est proposée, avec une multitude de décrets pris en Conseil d’État. Cela signifie que notre rôle de parlementaires sera probablement limité puisque nous ne pourrons amender qu’à la marge. On peut aussi se demander si ce projet de loi ne fera pas doublon avec le code actuel, tant ses articles réaffirment le modèle minier français. Il faut attendre l’article 46 pour trouver l’élément majeur de ce texte qui autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnances. Or il me semble que certains sujets, notamment relatifs à la police des mines, au régime de la responsabilité ou à la concertation publique auraient mérité de faire l’objet d’un débat de fond. Cela aurait certes pris du temps, mais les ordonnances ne donneront que l’illusion d’en gagner. Espérons que cela n’altérera pas la qualité du texte ni sa stabilité juridique.

M. Jean-Marie Sermier. La réforme du code minier est un long serpent de mer qu’un certain nombre d’entre nous a vu arriver puis repartir pour revenir aujourd’hui.

C’est l’affaire du gaz de schiste qui a mis le feu aux poudres, si j’ose dire, car l’absence de consultation du public a été vécue localement comme une provocation. Or, comme le précise le rapport de Philippe Martin et François-Michel Gonnot, il n’y a pas eu dysfonctionnement dans le processus d’autorisation. Cela met en évidence la nécessité d’une consultation régulière pratiquée sur le terrain.

De cet exemple à méditer, on ne pourra que conclure qu’une loi sur le code minier ne peut être écrite que par les parlementaires et qu’il serait catastrophique de recourir à des ordonnances en trop grand nombre. Il est, par ailleurs, évident que notre commission doit être celle qui va examiner au fond ce projet de loi, ayant donné la preuve de sa capacité à dérouler des débats sereins. Les députés de l’UMP vous aideront, monsieur le président, à faire en sorte que notre commission soit saisie et que l’ensemble du travail revienne au Parlement.

Mme Sabine Buis. Je tiens à vous remercier, monsieur le président, pour avoir fait en sorte que notre sujet reste toujours d’actualité, même si nous avons rencontré des difficultés pour faire avancer le projet de réforme du code minier. Je suis persuadée que le travail du groupe dont nous examinons aujourd’hui le rapport pèse sur les choix du Gouvernement et qu’il a motivé celui-ci pour nous donner une date d’examen dont nous espérons qu’elle sera respectée.

Parmi les dix conclusions du rapport, auxquelles, en tant que membre du groupe de travail, j’adhère sans réserve, je souhaite revenir sur la troisième qui fait référence au recours aux ordonnances. La question est la garantie que doivent avoir les élus de participer à la rédaction de la loi, sans être cantonnés à la seule habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances.

De fait, le cœur de la réforme se trouve à l’article 46 qui renvoie aux ordonnances sur des thèmes importants, tel que celui de la participation du public qui me tient particulièrement à cœur. Nous ne pouvons pas nous permettre, même dans le cadre d’un échange avec le Gouvernement et des institutionnels, de confier ce débat à d’autres. C’est pourquoi j’ai lancé hier un groupe de travail sur le dialogue environnemental dont les travaux devraient aboutir prochainement à une proposition de loi.

Je salue, par ailleurs, l’initiative prise par le ministre de l’économie d’installer le groupe de travail « Mine responsable », tout en souhaitant que celui-ci ne devienne pas une source d’alimentation pour d’éventuelles ordonnances. De fait, les travaux de ce groupe ne portent pas sur les hydrocarbures et seraient insuffisants pour nourrir la réflexion du Gouvernement. Qui plus est, ils ne seront pas le fruit de débats comparables à ceux qui se déroulent au Parlement. Il n’en reste pas moins que la constitution de ce groupe reste bienvenue, car je constate à quel point industriels et ONG acceptent de se parler et s’accordent sur la nécessité d’accélérer la réforme du code minier. Il permet d’avancer sur des sujets tels que la responsabilité et nous devrions peut-être le rencontrer.

M. le président Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. Tous ensemble nous cheminons. Avec vous, je me bats pour que la Commission du développement durable puisse examiner au fond les textes qui lui reviennent – hier, la proposition de loi sur le droit humain à l’eau, aujourd’hui, la réforme du code minier. Notre commission doit être saisie au fond, car l’orientation majeure du texte est l’adaptation de la législation minière au droit de l’environnement et à la Charte de l’environnement. Ce combat est permanent et nous avons eu le bon réflexe, à la suite de la remise des travaux de Thierry Tuot, de créer ce groupe de travail. Nous avons conduit de nombreuses auditions et entendu les ONG, les industriels et les professionnels, mais aussi les trois ministres concernés à l’époque : Victorin Lurel, Arnaud Montebourg et Philippe Martin.

Le travail de fond réalisé par Thierry Tuot dans un grand esprit de concertation doit constituer pour nous une richesse et une force. Lui-même a dit que ses propositions de réforme n’apportent qu’un tiers de dispositions nouvelles, les deux autres tiers demeurant inchangés. Dès lors, nous ne pouvons pas réécrire tout le code minier, et il faut donc autoriser le Gouvernement à recourir aux ordonnances. Néanmoins, je suis d’accord avec ce que j’ai entendu ce matin, et, lorsque je lis l’article 46 qui autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnances, je me dis que nous ne pouvons pas l’accepter sous cette forme. (Applaudissements)

Nous allons dresser la liste des thèmes qui ressortent de nos échanges comme fondamentaux et je les porterai à la connaissance des deux ministres de l’écologie et de l’économie. En particulier, s’agissant des dispositions relatives à la participation du public aux décisions, nous ne pouvons pas admettre qu’elles sont prises uniquement par ordonnance, ou alors, celles-ci devront nous être remises au moment de l’examen du texte dans l’hémicycle. Je ne vois pas d’autre solution. J’entends votre message et, bien entendu, je le porterai.

L’avant-projet de loi du Gouvernement reprend certaines propositions novatrices faites par Thierry Tuot : le groupement momentané d’enquête – sous un autre nom –, le schéma national minier, le Haut Conseil des mines, et des dispositions concernant l’outre-mer. Toutefois, force est de constater des déperditions par rapport au pré-projet remis au ministre. Nous devons les identifier et être particulièrement vigilants.

Certaines propositions méritent débat, particulièrement celles concernant le droit de suite, le rescrit ou le silence valant accord. On peut trouver un terrain d’entente avec les parties prenantes et le Gouvernement, mais faut-il encore que nous en ayons la possibilité, c’est-à-dire que nous ne soyons pas privés de ce débat par le recours systématique aux ordonnances. Puisque, m’a-t-on assuré, notre commission sera saisie au fond de ce texte, je me battrai pour qu’il soit inscrit à l’ordre du jour dans les meilleurs délais.

Quant à l’argument selon lequel, sans ordonnances, le temps nécessaire ne sera pas disponible pour la discussion dans l’hémicycle, je ne peux ni ne veux l’entendre. On trouve bien le temps pour d’autres textes… (Approbations sur tous les bancs) La réforme du code minier doit être traitée à l’aune des enjeux économiques et environnementaux qu’elle emporte.

Il n’est pas inutile de faire un peu d’histoire, en revenant quelques années en arrière, lorsque des citoyens et des élus ont découvert que des permis exclusifs de recherches avaient été attribués dans la plus grande opacité. Ces permis, rappelons-le, étaient muets, ils n’indiquaient pas ce qui était recherché : gaz ou huile de schiste, huile ou gaz conventionnels, pétrole… Et ces autorisations portaient sur des surfaces immenses, par exemple dans les régions de Villeneuve de Berg, Montélimar, et Nant. Les parlementaires ont alors pris leurs responsabilités. L’UPM, avec à sa tête Christian Jacob, et le groupe SRC ont déposé deux propositions de loi quasi identiques ; Serge Grouard s’est battu pour qu’il y ait deux co-rapporteurs, Michel Havard et moi-même.

Le Parlement est souvent critiqué, mais la loi interdisant la fracturation hydraulique est le résultat du travail parlementaire. Nous avons su apporter une réponse aux questions des collectivités territoriales, des élus et des citoyens, et je sais que nous continuerons d’assumer nos responsabilités dans le cadre de l’examen de ce texte.

Il est urgent et nécessaire que nous réformions le code minier dans les meilleures conditions et le plus rapidement possible. Je vous remercie du soutien que vous apportez. Nous avons été réactifs et continuerons à l’être. À la fin de ce mois, je rencontrerai le cabinet du ministre de l’économie pour évoquer ces différents sujets. Je sais qu’un certain nombre d’organisations, dont FNE, ont commencé à réagir, et les accords obtenus grâce à Thierry Tuot doivent être portés le plus loin possible dans notre réflexion comme dans le cadre du débat. La note que j’ai évoquée plus haut, faisant le point sur nos échanges, sera transmise dans les meilleurs délais à Ségolène Royal et à Emmanuel Macron.

(Applaudissements nourris sur tous les blancs)

La Commission autorise alors la publication du rapport d’information.

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Informations relatives à la commission

M. le Président Jean-Paul Chanteguet. Le 6 novembre 2013, nous avions nommé Michel Lesage rapporteur de la proposition de loi visant à la mise en œuvre effective du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement. Notre rapporteur a travaillé pendant plus d’une année et il a été décidé de déposer une nouvelle proposition de loi, portant le même titre, et signée par Jean Glavany, Marie-George Buffet, François-Michel Lambert, Bertrand Pancher, Stéphane Saint-André et moi-même, ce qui montre que la quasi-totalité des groupes politiques de notre assemblée soutiennent cette proposition. Je vous propose de nommer à nouveau Michel Lesage sur ce second texte.

La commission a nommé M. Michel Lesage, rapporteur de la proposition de loi visant à la mise en œuvre effective du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement. (2715 rectifié).

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 20 mai 2015 à 9 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Julien Aubert, M. Serge Bardy, M. Jacques Alain Bénisti, M. Philippe Bies, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M. Jean-Christophe Fromantin, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Gérard Menuel, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Alexis Bachelay, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, Mme Florence Delaunay, M. David Douillet, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, M. Christian Jacob, M. Franck Marlin, M. Philippe Martin, M. Rémi Pauvros, M. Napole Polutélé, M. Gilles Savary, M. Gabriel Serville, M. Thomas Thévenoud

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Pierre Blazy, M. Philippe Noguès