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Mardi 7 juillet 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 59

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Examen du rapport d’information sur les maladies de la vigne et du bois (Mme Catherine Quéré et M. Jean-Marie Sermier, rapporteurs).

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné le rapport d’information de Mme Catherine Quéré et M. Jean-Marie Sermier, sur les maladies de la vigne et du bois.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Le 21 janvier dernier, le Bureau de la Commission a décidé de créer une mission d’information sur les maladies de la vigne et du bois. Notre Commission a nommé co-rapporteurs Mme Catherine Quéré et M. Jean-Marie Sermier, qui nous avaient alertés sur le développement de nouvelles maladies pouvant avoir des conséquences dramatiques dans un secteur très important pour notre économie.

Au cours de leurs travaux, ils ont auditionné une cinquantaine de personnes et effectué plusieurs déplacements, en France et à l’étranger. Ils vont présenter leur analyse de la situation et formuler des propositions en ce qui concerne la prévention, la recherche, les politiques de lutte ou la réglementation.

M. Jean-Marie Sermier, co-rapporteur. Je tiens, avant tout, à remercier très sincèrement Catherine Quéré avec laquelle j’ai eu un grand plaisir à travailler sur ce rapport qui dégage un consensus en dépit de nos convictions respectives. Nous allons faire une présentation « à deux voix » du rapport. Le traitement du sujet ne nous a jamais opposés ; il nous a, au contraire, permis de faire les mêmes constats.

Permettez-moi de commencer par un clin d’œil à l’histoire. Il y a cent trente ans, le 6 novembre 1875, dans le journal satirique Le Charivari, une illustration représentait un homme en haut-de-forme, dont on peut penser qu’il s’agissait d’un parlementaire, s’adressant à des vignerons, casquette à la main, en ces termes : « Mes amis, la commission vous apporte une méthode infaillible pour tuer le phylloxéra : commencez par arracher toutes vos vignes ! » Trente ans plus tard, cette « plaisanterie » devint une réalité, et la production française fut durablement altérée. J’espère que l’histoire ne se reproduira pas.

D’abord, quelques données d’ensemble. Le vignoble français couvre environ 750 000 hectares répartis sur 25 000 communes. Richesse des terroirs, richesse économique, un chiffre d’affaires de l’ordre de 20 milliards d’euros, un chiffre d’exportations de 7,2 milliards : c’est donc le second ou le troisième poste à l’exportation, suivant les années. Cette activité ne demande qu’à s’étendre : elle représente 558 000 emplois, et des zones économiques dans lesquelles le rôle du vignoble est prépondérant, comme dans le Cognaçais, où l’exportation représente 98 % de l’activité, ou encore la Champagne. Avec une consommation nationale qui a diminué de 60 % en 50 ans – plus de 1 % par an à long terme –, les Français ont une consommation « modérée » au sens de la loi « Evin », loi que vos rapporteurs soutiennent, compte tenu des précisions apportées récemment au niveau de la publicité, qui ne remettent pas en cause ce texte. Simplement, il ne serait opportun de faire un procès en responsabilité sanitaire aux vignerons : la consommation s’est sensiblement réduite, elle s’est transformée, comme la production, vers la recherche du qualitatif.

Le coût des maladies du bois, même si l’on manque d’un appareil statistique précis, est estimé à 1 milliard d’euros de manque à gagner, et son incidence économique et fiscale est indéniable. En termes macroéconomiques, ce sont les capacités de développement à l’export qui sont désormais menacées. Et comme on l’a constaté dans la région de Chinon ou dans le Jura, ce sont des exploitations qui passent ou passeront vite en dessous du seuil économique de rentabilité.

Mme Catherine Quéré, corapporteure. Malgré ces chiffres, la recherche manque cruellement de moyens. En Bourgogne, un vigneron nous a déclaré que l’investissement de la profession en détection et en recherche représente 0,5 % du chiffre d’affaires. Actuellement, une seule structure travaille à plein-temps sur Xylella fastidiosa. Si cette maladie de quarantaine arrivait en France, le coût se chiffrerait en centaines de millions d’euros, comme le phylloxéra auquel nous avons consacré la partie historique du rapport pour rappeler qu’une fois implantée, comme « la Peste » chez Camus, une maladie ne meurt jamais. De la même manière, aucun programme budgétaire n’est consacré à l’Esca, et la recherche manque, d’abord, de moyens. Une vente aux enchères, médiatisée, de bouteilles de vin jaune issu de la vigne Pasteur, a même été tentée, mais cette opération n’engendrera sans doute aucune retombée financière.

La recherche est éparse, et souffre d’un manque de coordination. Et pourtant, ni l’implication des chercheurs, que nous avons rencontrés, ni la qualité des laboratoires de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ne sont en cause. Ce qu’il faut, au-delà d’un financement public suffisant au regard des enjeux, c’est un suivi. Or le compte d’affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR), qui a été dans le passé à la source de deux programmes, ne fonctionne qu’à court terme, et aucune action prioritaire n’est actuellement développée à partir de ce compte d’affectation.

Le rythme nécessaire pour trouver de nouveaux clones efficaces ou des moyens de lutte agronomiques non polluants est de l’ordre de vingt ans. C’est une longue marche. Comment admettre que des financements se fassent sur une durée maximale de trois ans, et surtout, en ordre dispersé ? Nous avons rencontré des chercheurs de très grande qualité : il leur manque un soutien public, non seulement financier, mais aussi dans la coordination des travaux.

M. Jean-Marie Sermier, corapporteur. Cela est d’autant plus vrai que la situation sur le terrain se caractérise par une très grande diversité : autant de terroirs, autant de situations différentes, mais nul, à part le cœur du vignoble champenois et bourguignon, de façon d’ailleurs provisoire, n’est épargné. On dénombre une vingtaine de maladies cryptogamiques, 63 virus, 25 espèces parasitaires susceptibles d’attaquer la vigne. Les plus dangereuses attaquent le bois, de façon souvent descendante, comme l’Esca. Nous n’allons pas nous livrer ici à un catalogue scientifique, mais essayer de dire l’essentiel. Plusieurs maladies jouent un rôle important aujourd’hui : l’Esca, l’eutypiose, le black dead arm, étendu scientifiquement aux Botryosphaeria, le mildiou et l’oïdium, la flavescence dorée et les viroses (court-noué). Enfin, le danger de l’arrivée de la maladie de Pierce, variante de la maladie des oliviers, n’est pas écarté.

L’Esca, qui est une attaque de cinq champignons au moins, est devenue le principal problème en France, avec les Botryosphaeria. Il contamine 10 à 12 % du vignoble, avec de fortes manifestations dans le Jura, le Languedoc, le Bordelais, en Alsace et dans la région de Cognac. La croissance de la maladie est de l’ordre de 0,5 % à 1 % par an. Si l’on ne fait rien, il n’y aura plus de parcelles dans vingt ans. Bernard Nadal, président de l’Institut français du vin à Montpellier, a sans nul doute raison en disant : « c’est le phylloxéra ». Cette maladie est connue depuis longtemps, sans faire de parallèle d’actualité, depuis la Grèce antique. Néanmoins, l’« odyssée de l’Esca » débute en 2001, lorsque le seul produit efficace, l’arsénite de sodium, est interdit : sa manipulation était dangereuse, le produit est désormais classé comme cancérigène, mais ses effets ont duré quelques années, si bien que la maladie a repris une expansion inquiétante. L’Espagne, qui a différé l’arrêt du traitement, connaît elle-même une expansion très forte. Mais la nouveauté est que l’Esca s’attaque à des vignes désormais plus jeunes, de moins de quinze ans. Les seules techniques de lutte sont le recépage, qui consiste à couper le pied et à attendre une repousse, le surgreffage, qui consiste à implanter un greffon sur un pied coupé ou, le plus souvent, l’arrachage. Or l’arrachage coûte 10 à 12 euros par pied remplacé – et il faut attendre trois à six ans pour une nouvelle production –, et les autres techniques empêchent une ou plusieurs années de récolte. La recherche a avancé sur une forme de Botryosphaeria en Hongrie.

À ce jour, il existe un seul produit bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché, mais ses effets sont partiels. Le pathogène de l’Esca n’est pas connu, ni les causes de l’efficacité de l’arsénite de sodium. On en est là : cette maladie progresse de manière forte, condamnant les vignerons à l’arrachage, les vignes prennent une allure mitée et la production est en baisse.

Mme Catherine Quéré, corapporteure. L’eutypiose est une maladie distincte, même si ses effets sont proches : dans le cycle de vie des ceps, elle prend le relais de l’Esca, mais on constate actuellement sa stabilisation, voire sa régression sur le territoire. Elle ne touche pas tous les cépages, et on observe une corrélation inverse avec l’Esca, qui progresse tandis que l’eutypiose régresse. Sur ce point, on peut renvoyer à la page 55 du rapport qui montre des schémas tout à fait parlants du Bureau national interprofessionnel du cognac. En revanche, cette maladie progresse en Australie ou en Californie.

M. Jean-Marie Sermier, corapporteur. Le mildiou et l’oïdium sont des attaques cryptogamiques connues et traitées à la bouillie bordelaise, mélange de sulfate de cuivre et de chaux, ou parfois au soufre. C’est alors le coût écologique de ces traitements qui pose problème : 35 000 tonnes de fongicides sont utilisées chaque année. Mais pour une fois, nous devons faire preuve d’optimisme : l’INRA de Colmar est sur le point de diffuser de nouveaux cépages résistants qui annulent ou limitent fortement le besoin de fongicides. Grâce à des croisements multiples entre des cépages connus – comme le Chardonnay – et des cépages très anciens ou venus d’autres pays, notamment d’Asie, qui développent des résistances, on finit par garder 99 % du cépage traditionnel. Simplement, il s’agira de nouveaux cépages, et il faudra que les exploitants, et au-delà les consommateurs, les acceptent.

Mme Catherine Quéré, corapporteure. La flavescence dorée est une maladie de la vigne qui se transmet par un petit insecte, la cicadelle, lorsqu’il est porteur d’un phytoplasme. Elle a remonté, comme l’Esca, le couloir rhodanien et la Garonne. Elle avait atteint un seuil critique dans le Sauternais. Lorsqu’une parcelle est infectée à plus de 20 %, il faut l’arracher en totalité, sans indemnisation pour le propriétaire – ni pour l’arrachage ni pour la replantation. La maladie se transmet fortement par les vignes abandonnées, sa contagion est rapide, ses effets dévastateurs. Des remèdes existent. D’abord, une meilleure sélection des plants chez les pépiniéristes, et nous proposons d’étendre les mécanismes d’agrément et de tests actuels. Ensuite, une meilleure détection par les groupements de défense contre les organismes nuisibles (GDON) ; nous proposons de lever des obstacles de nature juridique à leur création, en revenant sur l’« unité de lieu » – un seul GDON étant autorisé par circonscription aux termes de la loi – et d’améliorer l’accès aux relevés parcellaires viticoles. Enfin, un arrachage plus précoce ; nous proposons de donner la possibilité d’arracher les vignes abandonnées, vecteur de la maladie et, surtout, de faire exécuter les décisions d’arrachages des vignes infectées – ce qui devrait donner lieu à une proposition de loi, ce sujet touchant au droit de propriété.

Quelque 300 000 hectares sont aujourd’hui en régime de lutte obligatoire, donc soumis à des contraintes de contrôle et de traitement plus fortes, et seule la mobilisation de la profession et des fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (FREDON) et GDON en viendra à bout.

Jean-Marie Sermier, corapporteur. Autre maladie : le court-noué. En l’espèce, une bonne image valant mieux qu’un long discours, nous renvoyons à la page 73 du rapport, qui montre la propagation d’une vigne atteinte de court-noué en Alsace, la propagation est lente mais définitive. Ici encore, les pépiniéristes, qui ont dû répondre à la demande mondiale croissante (Chine, Chili), doivent mieux sélectionner les plants, même si leur responsabilité est loin d’être exclusive.

Mme Catherine Quéré, corapporteure. Ce panorama ne serait pas complet si n’était pas souligné le risque extrême pour la vigne comme pour 200 autres espèces – oliviers, châtaigniers, laurier-rose, lierre – de l’arrivée de Xylella fastidiosa, dont on voit les ravages en Italie. La cicadelle vectrice a été identifiée en France sur des plants de caféiers le mois dernier. Il faut soutenir les mesures de contrôle et d’embargo mises en place, et peut-être même les étendre ; mais on n’arrêtera pas la transmission pas des voies non commerciales, si bien que le risque existe. Or la recherche, qui devrait permettre d’anticiper ce risque, comme elle aurait dû le faire dans le cas de l’Esca à partir de 2001, apparaît très en deçà des besoins : un seul laboratoire, à Angers travaille en lien avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) sur ces questions. Plus généralement, le rapport propose que, dès le prochain budget, des moyens soient dégagés par le biais d’un programme prioritaire du CASDAR et que l’administration s’implique davantage dans un observatoire permanent des maladies du bois.

Jean-Marie Sermier, corapporteur. C’est d’ailleurs notre principale conclusion : tout retard dans la recherche entraîne, à terme, des conséquences démultipliées sur l’économie de la filière. Une étude estime la perte due aux maladies du bois à 2 300 euros par hectare. Il s’agit, non pas d’être alarmiste, mais de prendre la mesure du mal et de constater les faiblesses des moyens de lutte. Tel est l’objet des 25 propositions que nous formulons. Il faut répéter, en particulier, que la recherche ne demande qu’à avancer, mais que les pouvoirs publics, les moyens budgétaires, la réglementation en matière de détection doivent accompagner ce mouvement, fatalement lent, pour enrayer la progression, matériellement rapide, des maladies du bois. Si ces propositions sont adoptées par la Commission, nous les soutiendrons, y compris par le biais d’initiatives parlementaires. L’heure est effectivement à la mobilisation et à la solidarité de tous les acteurs, car ils ne mourront pas tous, mais tous seront frappés. C’est le vignoble dans son ensemble qui est frappé. Faut-il attendre qu’il meure ?

Mme Catherine Quéré, corapporteure. Je vous livre maintenant les plus importantes de nos 25 propositions.

La première est la réalisation de statistiques et la mise en place d’un observatoire du vignoble.

Ensuite, au titre de la prévention et des mises en œuvre sur le terrain, nous proposons de créer un GDON spécialisé dans chaque zone viticole, dès lors que les professionnels en ressentent la nécessité, de mettre à disposition des viticulteurs un outil informatique permettant d’identifier précisément chaque maladie à ses divers stades de développement, ainsi que des guides de bonnes pratiques.

Au titre de la recherche, nous proposons de lancer, pour 2016, un appel à projet dans le cadre du CASDAR dédié à l’Esca et aux Botryosphaeria, centré sur l’identification des facteurs culturaux de propagation de ces maladies ; lancer d’urgence, en coordination européenne, un programme de recherche impliquant toutes les filières et laboratoires concernés, dédié à Xylella fastidiosa.

Au titre de la politique de lutte, nous préconisons de maintenir les dispositions de quarantaine contre les importations provenant de la zone des Pouilles et de les étendre aux importations de plantes du Costa Rica ou d’autres pays contaminés ; de rappeler par une circulaire ministérielle aux préfets que la mise en œuvre des décisions d’arrachage de vignes est impérative et de prévoir une disposition légale permettant l’arrachage de toute vigne abandonnée au-delà d’une durée de cinq ans, sans préjudice des droits du propriétaire et de prévoir une indemnisation à l’arrachage en mobilisant les fonds européens.

Enfin, au titre de la réglementation générale, lorsqu’une parcelle doit être arrachée pour des motifs liés aux maladies du bois ou de la vigne, nous proposons d’éviter pour ce seul motif la perte de l’Appellation d’origine contrôlée pour l’ensemble des parcelles du même propriétaire, de soumettre l’Esca et les Botryosphaeria à une réglementation de surveillance et de lutte obligatoire, en mettant en place un système similaire à celui qui prévaut en application des arrêtés du 31 juillet 2000 et du 25 août 2011 pour la lutte contre la flavescence dorée.

Jean-Marie Sermier, corapporteur. L’Esca fait mourir plus de 1 % du vignoble chaque année. En moins de quinze ans, entre 10 % et 15 % du vignoble s’est trouvé atteint. Au-delà d’un problème sanitaire grave, c’est toute la profession qui est fortement atteinte. Dans un premier temps, celle-ci a refusé d’apporter des explications, ne souhaitant pas montrer des vignes malades, alors qu’elle vendait un vin de qualité. Je m’empresse de dire qu’il n’y a aucun lien entre la maladie de la vigne et la qualité du vin. Mais aujourd’hui tous les vignobles sont touchés, y compris les grands crus, et demain, c’est l’ensemble de la viticulture française qui peut être mise à mal. Ce secteur est extrêmement diversifié, mais pour la première fois, le 22 juillet prochain, un congrès aura lieu à Paris sur les maladies du bois, où toutes les structures représentatives de la viticulture seront présentes. Les viticulteurs souhaitent lancer un cri d’alarme, et on les comprend !

Mme Catherine Quéré, corapporteure. Ce n’est pas un hasard si Jean-Marie Sermier et moi-même avons été volontaires pour rédiger ce rapport : les deux régions les plus touchées sont le Cognaçais et le Jura. Mais ailleurs, notamment en Touraine, les viticulteurs sont extrêmement inquiets. Le problème est européen, puisque la Hongrie, l’Espagne, l’Italie sont touchées, et il est même mondial, la Californie et l’Australie étant concernées.

Nous lançons un cri d’alarme car la situation est très grave humainement et économiquement. Une baisse de la production de 15 % entraîne de moindres rentrées d’argent pour les viticulteurs, mais aussi pour l’État qui y perd beaucoup d’un point de vue fiscal.

M. Bertrand Pancher. Madame la rapporteure, Monsieur le rapporteur, je tiens à vous féliciter pour la qualité de votre travail.

La Meuse, dont je suis originaire, faisait partie des deux ou trois départements qui possédaient les surfaces viticoles les plus importantes en France avant le phylloxéra et la Première guerre mondiale. Aujourd’hui, ce département ne compte plus qu’une trentaine d’hectares de vignoble – de qualité, je m’empresse de dire. Je tiens donc à exprimer ma grande solidarité envers les territoires viticoles touchés par cette maladie.

Vous avez parfaitement exposé les problématiques. Il s’agit d’abord de la difficulté à proposer des méthodes pour contrer ce fléau, en raison d’une mauvaise connaissance de ces maladies complexes mettant en jeu plusieurs champignons et de la trop longue durée des expérimentations pour pouvoir révéler l’efficacité des méthodes de traitement.

Il s’agit ensuite de la gravité de ces maladies, accentuée par trois facteurs : l’absence de produits fongicides pour lutter contre ce fléau ; le manque de connaissances fondamentales sur ces champignons ; le défaut de connaissance sur les liens entre la vigne et les champignons en cause, notamment l’influence des pratiques culturales.

Je ne reviendrai pas sur les enjeux économiques du secteur du vin et des spiritueux, qui représente environ 600 000 emplois et constitue l’un des premiers postes excédentaires de la balance commerciale.

Quels facteurs influent sur la propagation de ces maladies de la vigne et du bois ? Le changement climatique vient-il accentuer le phénomène ? La remontée d’un grand nombre de maladies du Sud vers le Nord, notamment dans ma région, y compris dans le secteur du bois, a-t-elle un lien avec ce changement ?

Le choix de telle ou telle pratique culturale, notamment le mode de taille, influence-t-il le développement de ces maladies ?

Existe-t-il des pistes dans le domaine du biocontrôle ?

Comment avez-vous travaillé avec les viticulteurs et les experts – INRA de Bordeaux, Institut français de la vigne et du vin, chambres d’agriculture, pépiniéristes ?

Pouvez-vous nous dire un mot de la recherche sur ces maladies ? Les différents acteurs travaillent-ils main dans la main pour lutter contre ce fléau qui met à mal nos vignobles et, de ce fait, une partie de notre économie ?

Enfin, votre rapport souligne l’absence d’indemnisation des viticulteurs. Quelles sont vos préconisations en la matière ? Les modes de financement sont-ils suffisants pour engager une vraie politique de lutte contre ces maladies ?

M. Jacques Krabal. Votre rapport note l’inscription, le 4 juillet dernier, par le Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO des « Climats du vignoble de Bourgogne » et des « Coteaux, maisons et caves de Champagne ». Nous avons le devoir de préserver ces territoires d’excellence. Les maladies de la vigne et du bois sont nombreuses, complexes, diverses d’un territoire à l’autre. Environ 13 % du vignoble français seraient actuellement touchés, selon l’enquête menée par la Direction générale de l’alimentation en 2012. Il est donc temps de réagir.

L’arsénite de sodium, seul produit efficace contre les maladies du bois, a été interdit en 2001 en raison de sa toxicité pour l’homme et l’environnement. Le 9 décembre 2011, le colloque sur les maladies du bois concluait à l’absence de moyens pour lutter avec efficacité en raison des difficultés liées à la complexité de ces maladies. Ne faut-il pas réévaluer l’impact des méthodes dites anciennes, dont l’arsénite de sodium ? Pouvez-vous nous indiquer l’état d’avancement de la recherche dans l’identification des maladies et des pathogènes ?

En l’état actuel des connaissances, il semble que les seules solutions soient d’ordre prophylactique, et non curatif. Que pensez-vous de l’obligation de la taille en hiver et d’une petite taille au printemps ? Faut-il généraliser ces initiatives ?

Vous parlez peu des échanges européens. Pourtant, la possibilité de traçabilité des pieds de vigne, afin d’éviter la propagation, est un élément important. Comment mieux encadrer cette traçabilité au niveau européen ?

Le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC) est déjà largement engagé dans une démarche de bonnes pratiques, et je salue le travail réalisé par les techniciens. Pour autant, appliquer les mêmes méthodes à l’Esca et à la flavescence dorée, n’est-il pas un peu exagéré, comme le pensent de nombreux viticulteurs champenois ?

La perte économique due au dépérissement de la vigne est évaluée de 5 % par an sur l’ensemble des vignobles. De nombreuses recherches sur le sujet ont été lancées depuis quinze ans. Il faut saluer la mobilisation de l’interprofession et le soutien d’Agrimer qui a souhaité donner une impulsion nouvelle à la recherche. Un plan national est lancé, qui devrait déboucher sur un programme de recherche internationale. Quels en sont les moyens ? Vous avez eu l’honnêteté de dire que les moyens ne seraient sans doute pas au rendez-vous, et nos collègues sénateurs avancent que le CASDAR ne suffira pas. Comment mobiliser des moyens supplémentaires ?

Enfin, vous avez évoqué ce formidable rendez-vous du 22 juillet prochain. Y êtes-vous conviés afin de faire entendre la voix des élus ?

Mme Suzanne Tallard. Merci à nos deux rapporteurs, qui ont réalisé un vrai travail de terrain.

La situation que vous décrivez me fait penser tristement à celle de l’ostréiculture, où des maladies sont identifiées depuis huit ans, mais dont les causes ne sont pas connues, et pour lesquelles la recherche est dispersée, si bien qu’on ignore pourquoi les huîtres jeunes ou prêtes à la consommation meurent.

Vous l’avez dit, la recherche sur les maladies de la vigne et du bois est partielle, tardive, en raison d’un manque de suivi, mais aussi d’une absence de coordination aux niveaux national et européen. C’est pourquoi je pense que nous serons nombreux à soutenir vos propositions.

Enfin, la viticulture biologique, si elle est marginale, peut constituer un lieu d’observation. Vous êtes-vous rapprochés des viticulteurs bio ? Des enseignements peuvent-ils être tirés de cette activité ?

M. Yves Albarello. Madame la rapporteure, Monsieur le rapporteur, au cours de votre périple, vous avez visité de grands vignobles, mais avez-vous bu du bon vin ? (Sourires.)

Concernant Xylella fastidiosa, vous écrivez à la page 84 de votre rapport que « le danger en Italie, où la propagation a atteint un niveau extrêmement critique, comme en France où jusqu’ici la quarantaine a été efficace, notamment en Corse, est certain ». Or à la page 86, vous ajoutez : « En France, même si un cas isolé sur un caféier a été détecté à Rungis le 15 avril 2015, il apparaît que la menace la plus sévère est en Corse. » N’y a-t-il pas là pas une contradiction ?

Mme Catherine Quéré, corapporteure. Non, car nous mentionnons la mesure de quarantaine. Le risque demeure fort en Corse à cause des échanges avec l’Italie.

M. Yves Albarello. Cette année, la France est devenue le premier pays producteur en termes de volume. Catherine Quéré et moi-même avons été réellement étonnés par la qualité du Pavillon du vin italien, que nous avons visité, alors que la France, qui produit pourtant des vins de qualité, ne présentait sur son stand que des bouteilles vides ! Nos viticulteurs peuvent prendre des leçons auprès des Italiens : je les invite à aller voir ce pavillon extraordinaire !

M. Yannick Favennec. J’aimerais à mon tour remercier les rapporteurs pour ce travail de terroir et de proximité qu’ils ont mené.

Nous savons que les périodes de canicule, de sécheresse, mais également l’acidification des océans ont un impact négatif sur le rendement des cultures. Qu’en est-il pour les maladies de la vigne ? Le réchauffement climatique contribue-t-il à leur propagation?

Par ailleurs, un système d’indemnisation des viticulteurs a-t-il été mis en place ? Si c’est le cas, est-il efficace ? S’il n’y en a pas encore, quel dispositif préconisez-vous ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je remercie les rapporteurs de s’être consacrés à ce problème dont nous entendons parler depuis plusieurs années. Dans ma circonscription, les viticulteurs qui produisent un vin de qualité sur la rive opposée aux coteaux du Sancerrois m’avaient depuis longtemps fait part de leurs inquiétudes face à ce danger croissant pour leurs cultures. Le monde viticole n’ose pas vraiment communiquer autour de ces maladies, de peur qu’elles ne suscitent une méfiance envers leurs productions. Or, comme cela a été souligné, celles-ci n’affectent en rien la qualité du vin.

Il est temps d’agir. Il faudrait réfléchir aux moyens d’aider et de mieux accompagner le monde viticole dans son ensemble. Des dispositions s’imposent rapidement, d’autant qu’on ne mesure peut-être pas à leur juste mesure les difficultés à venir.

À la suite de mes collègues, je poserai une question sur les moyens dédiés à la recherche. Comment mieux la financer ? Comment l’organiser au niveau national ?

Pour finir, je tiens à féliciter la Commission d’avoir accepté de créer une mission d’information sur ce sujet.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Catherine Quéré semble dire que cela n’a pas été facile !

M. Guillaume Chevrollier. Merci aux rapporteurs pour ce rapport d’information qui souligne la situation préoccupante dans laquelle se trouvent nos vignobles. Les maladies du bois et de la vigne sont nombreuses et rencontrent de graves effets économiques : elles affectent 12 % de la production viticole pour un préjudice de 1 milliard d’euros.

L’interdiction de l’arsénite de sodium en 2001 a eu pour conséquence une progression de ces maladies. Nous nous retrouvons toujours face au même problème : comment trouver des méthodes de lutte qui soient à la fois respectueuses de l’environnement et économiquement acceptables ?

Le vin reste un produit phare pour notre pays. Il représente avec les spiritueux l’un des premiers postes excédentaires de la balance commerciale.

La situation actuelle semble imposer deux urgences : l’indemnisation des exploitants qui se voient contraints d’arracher des pieds sur leurs parcelles ; le développement de la recherche afin de mettre au point des cépages plus résistants aux maladies. Ces deux orientations nécessitent des moyens financiers. Comment les mobiliser ?

Mme Sophie Errante. Merci, chers collègues, pour ce travail très attendu. Dans vos propositions, les lycées agricoles ne figurent pas parmi les institutions que vous comptez mobiliser. Il me paraît pourtant important de les associer à la réflexion sur le dispositif de lutte car c’est là que les viticulteurs apprennent leur métier, notamment grâce aux échanges sur les bonnes pratiques. Nous savons comme ceux-ci sont nécessaires. Il n’est qu’à prendre l’exemple de la taille : les sécateurs électriques ou pneumatiques ont certes été source de progrès mais ils ont aussi conduit à pratiquer des plaies parfois trop importantes.

Les viticulteurs sont réticents à communiquer le nombre exact de ceps affectés par les maladies du bois ou de la vigne par peur de perdre le bénéfice de l’appellation d’origine contrôlée. Avez-vous le soutien de l’Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) ou de notre ministre référent pour mettre en œuvre la disposition que vous préconisez dans votre proposition n° 20 ?

Dans le cadre d’une question orale sans débat, en 2013, le ministre m’avait indiqué qu’il était nécessaire que les recherches en ce domaine aient lieu au niveau européen. Quelles sont les perspectives ?

Enfin, peut-on en savoir davantage sur le colloque du 22 juillet ?

Mme Sophie Rohfritsch. Les rapporteurs ont mis en exergue l’urgence d’agir et l’importance de la recherche, soulignant l’intérêt qu’il y aurait à lancer un appel à projet national sur ces maladies.

La piste des vignes OGM semble abandonnée. L’affaire de Colmar a eu des conséquences malheureuses à mon sens : l’INRA avait brillamment mis en place cette expérimentation, qui aurait pu servir de modèle pour d’autres essais de ce type.

Aujourd’hui, les recherches s’orientent vers la mise au point de variétés de pieds résistantes. Il me semble important qu’elles ne soient pas généralistes car, d’un point de vue économique, nous perdrions à ce qu’elles se répandent dans le monde entier. Ces variétés doivent, à mon sens, être territorialisées, quitte à revoir les appellations et les indications qui en découlent. C’est à cette condition que nous pourrons avoir une chance de nous en sortir économiquement.

M. Philippe Plisson. La profession met en avant ses efforts pour diminuer l’utilisation des pesticides mais, aujourd’hui, l’apparition de maladies endémiques ne va pas dans le sens d’une viticulture durable. Je le déplore. Peut-on envisager à terme une évolution des pratiques ? Elle me paraît souhaitable.

M. Laurent Furst. Oui, soyons fiers de la qualité des vins produits dans les régions françaises et revendiquons l’importance de la consommation locale.

J’aimerais remercier nos deux collègues rapporteurs pour l’image qu’ils renvoient. À l’heure où nos concitoyens ont tendance à voir le Parlement comme le théâtre d’une guerre perpétuelle entre la droite et la gauche, il faut saluer le traitement consensuel de ce dossier technique.

La question fondamentale que je me pose est de savoir si vos propositions recueillent le soutien plein et entier de l’ensemble de la profession ou bien si vous avez été obligés d’aller contre certaines des positions qu’elle a prises.

La volonté de réduire la consommation des produits phytosanitaires a-t-elle une incidence positive ou négative sur l’exploitation des vignes ? Quelle contrainte implique-t-elle à moyen terme pour nos viticulteurs ?

M. Robert Olive. J’aimerais évoquer une maladie qui frappe l’arboriculture, plus précisément, les pêchers, je veux parler de la sharka, qui se propage très rapidement dans mon département, les Pyrénées-Orientales. Les marbrures qu’elle provoque sur les fruits les rendent impropres à la commercialisation.

Aujourd’hui, les arboriculteurs n’ont d’autre solution que d’arracher jusqu’aux racines les pêchers atteints et de les brûler le plus vite possible car la contamination est très rapide, d’autant que les parcelles sont très petites. Le régime d’indemnisation existant permet à certains arboriculteurs de replanter, mais beaucoup renoncent à le faire. Le développement des friches est donc très important avec plus de 100 000 arbres contaminés et plus de 200 000 hectares touchés.

Un laboratoire local spécialisé dans les biopesticides est parvenu à détecter la maladie dès la vente du plant chez le pépiniériste. Ne pourrait-on pas rendre obligatoire la détection des maladies de la vigne et du bois au stade de l’achat, de façon que seuls les plants certifiés puissent être plantés ? Cela me paraît être une piste, même si tous ne pourraient être soumis à ce contrôle, car beaucoup d’acquisitions se font soit en Espagne, soit en Italie.

M. Gérard Menuel. Toutes mes félicitations aux rapporteurs ! Le vignoble français est une chance pour notre économie, pour notre balance commerciale, pour l’emploi mais aussi pour nos paysages. Je voudrais à mon tour saluer la récente inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO des vignobles de la Champagne et de la Bourgogne.

J’aimerais savoir si vous avez pu observer des différences dans la propagation des maladies comme l’Esca et l’odium selon la nature des cépages et selon la méthode culturale, qu’il s’agisse de la taille tardive ou de l’effeuillage qui permet d’aérer la vigne.

Enfin, je vous invite à venir prendre connaissance des expérimentations très intéressantes qui ont été menées en Champagne.

M. Florent Boudié. Je remercie nos collègues pour ce rapport si attendu. J’ai pu le constater dans ma circonscription très viticole de Gironde, qui compte des appellations comme celles de Pomerol, Saint-Émilion ou Castillon-Côtes-de-Bordeaux.

Vous avez souligné l’un des grands défauts du système français de lutte contre les maladies de la vigne : les retards pris par la recherche et, en conséquence, l’absence de résultats. Dans son rapport sur les pesticides, Dominique Potier a souligné que les faiblesses de la recherche expliquaient en grande partie le peu de résultats du premier plan Écophyto. Le plan Écophyto II, qui s’est fondé sur ce rapport et qui est en ce moment soumis à consultation publique dans nos territoires, reporte à 2025 l’objectif d’une diminution de moitié du recours aux pesticides, dans l’attente notamment de nouveaux traitements des maladies de la vigne.

À cet égard, je partage pleinement vos propositions n°s 12, 13, 14, 15 et 16.

Dans ma circonscription, l’attaque très violente de mildiou en mai dernier a donné lieu à des remises en cause du bulletin de santé du végétal issu du plan Écophyto I. Il s’agit d’un outil utile : ses prévisions permettent aux vignerons d’anticiper et donc de prévenir la propagation de maladies. Toutefois, il n’est pas toujours fiable : sur le territoire des communes de Lussac-Saint-Émilion et Montagne-Saint-Émilion, certaines parcelles sont atteintes à 90 %. Autrement dit, cet outil n’a pas su orienter favorablement les comportements des viticulteurs.

Prévoyez-vous d’apporter des améliorations à ce dispositif ?

M. Jean-Pierre Vigier. Dans certaines régions, la culture de la vigne a disparu depuis bien longtemps, du fait de maladies antérieures. Toutefois, certaines collectivités locales ont pris l’initiative de replanter des vignes et parviennent à produire un vin local de qualité qui vient soutenir la promotion de leur territoire et amorcer le développement d’une économie locale.

Ma question sort quelque peu du cadre de votre rapport : avez-vous réfléchi aux moyens d’apporter une aide financière mais aussi technique à ces projets de réintroduction ?

M. Gilles Savary. Nos collègues rapporteurs m’ont fait l’honneur de passer par ma région, le Sauternais, où ils ont pu entendre un exposé magistral portant sur un GDON.

Les avis des professionnels sur ces groupements sont assez contrastés. Ils leur reprochent principalement d’être fondés sur l’obligation de cotiser, dissuasive pour nombre d’agriculteurs, mais également de ne pas être d’une remarquable efficacité.

Vous proposez dans votre rapport de les systématiser mais je ne cerne pas bien les contours du financement que vous envisagez. Systématiser les structures sur la base du volontariat, c’est courir le risque de ne pas pouvoir les systématiser. Avez-vous imaginé des mesures incitatives ?

Par ailleurs, qu’en est-il du traitement des vignes abandonnées, toujours susceptibles d’être des lieux de fixation et de diffusion des maladies du bois et de la vigne ? Envisagez-vous des mesures drastiques ? Nous le savons, leur mise en œuvre risque d’être complexe car elle suppose une forme d’intrusion dans des propriétés privées, certaines de ces vignes pouvant être des treilles domestiques.

M. Yves Fromion. En tant que membre d’une autre commission, j’aimerais féliciter votre commission pour cet excellent travail qui arrive à point nommé. Parmi vos propositions, la proposition n° 16 qui vise à créer un mécanisme d’incitation fiscale pour les investissements spécifiquement consacrés à des programmes de recherche en matière de maladies du bois et de la vigne a particulièrement retenu mon attention.

J’aimerais porter à votre connaissance l’initiative menée par les viticulteurs du Sancerrois et du Centre. Dans l’aire d’appellation contrôlée des Coteaux-du-Giennois, ils ont acquis une dizaine d’hectares afin d’y faire pousser des plants exempts de toute maladie. Cet intéressant projet se développe mais leur coûte fort cher et mes diverses tentatives pour obtenir des fonds auprès de l’État, via la préfecture de région, et de diverses institutions ont été vaines. Une aide fiscale pourrait leur être très utile. Prévoyez-vous des incitations de cette nature ?

M. Laurent Baumel. Je remercie nos deux collègues pour ce rapport documenté, qui répond à une très forte attente des territoires viticoles.

Vous excluez de manière définitive, même sous forme contrôlée, toute réintroduction de l’arsénite de sodium pour des raisons sanitaires que je peux comprendre. Dans ces conditions, la réponse aux maladies de la vigne repose entièrement sur la recherche. Vos quatre propositions qui s’y rapportent permettent bien de cerner dans quelles directions agir, toutefois elles ne précisent pas selon quel agenda et avec quels acteurs. Or les viticulteurs ne manqueront pas, dans les semaines et les mois qui viennent, de nous poser des questions à ce sujet.

Envisagez-vous de mettre en œuvre une partie des mesures préconisées dans le rapport sous forme législative, par voie d’amendements au prochain projet de loi de finances ? En appelez-vous à des prises de position du Gouvernement dans les secteurs qui sont sous la tutelle de l’État ? Vous l’aurez compris, j’aimerais avoir quelques précisions sur le « qui ? » et le « quand ? ».

M. Michel Heinrich. Je souhaiterais savoir quelles raisons motivent la proposition n° 4, qui vise à supprimer le principe de l’agrément de la création des GDON par le préfet.

Mme Catherine Quéré. Avant de répondre à toutes les questions qui viennent de nous être posées, je tiens à remercier ceux de nos collègues qui nous ont reçus dans leur circonscription : Laurent Baumel, Gilles Savary, Martine Faure, Alain Suguenot. Non seulement ils nous ont fort bien accueillis, mais ils nous ont permis de rencontrer les interlocuteurs de référence sur leur territoire –viticulteurs, chercheurs, pépiniéristes – et de découvrir des expérimentations intéressantes. Nous avons ainsi pu trouver sur ces territoires beaucoup de réponses aux questions que nous avions répertoriées. L’expérimentation menée par le GDON du Sauternais nous a particulièrement marqués car elle a abouti à un recul de la propagation des maladies. Sur ce territoire, la profession s’est prise en charge, n’hésitant pas à fixer un montant élevé pour les cotisations volontaires obligatoires, 20 euros par hectare contre 3 euros en Bourgogne où le prix de certaines parcelles peut pourtant être mille fois supérieur – 30 millions l’hectare pour l’appellation Vosne-Romanée, un autre monde !

Plusieurs questions ont porté sur le changement climatique : il n’a aucune incidence sur les maladies du bois et de la vigne, en revanche, il a des effets sur l’augmentation du taux de sucre. Ainsi, la date des vendanges est plus précoce qu’il y a quelques années. Certains se demandent s’il ne faudrait pas planter de nouveaux cépages mieux adaptés au réchauffement climatique, ce qui n’ira pas sans problème, tout changement de cépage obligeant à retrouver la typicité et la qualité du vin. Mais certains cépages sont prêts.

Mme Rohfritsch a exprimé ses inquiétudes face aux cépages généralistes. Elles n’ont pas lieu d’être : le terroir a une importance décisive dans la viticulture, pour partie parce que la vigne est l’une des plantes dont les racines s’enfoncent le plus profondément dans la terre. Un chardonnay cultivé en Champagne ne donnera absolument pas le même vin qu’un chardonnay cultivé en Charente.

Quant aux pratiques culturales, elles n’ont pas vraiment d’impact sur les maladies. La taille tardive pourrait avoir une éventuelle incidence du fait que la plaie est recouverte de sève, mais il n’y a pas de preuves établies. Il en va de même pour la biodynamie.

Enfin, Yves Albarello a eu raison de souligner la qualité de la présentation des vins au sein du pavillon italien à l’Exposition universelle. Le pavillon français, s’il est sans doute l’un des plus beaux d’un point de vue architectural, a été source d’une grande déception pour ce qui est de son espace d’exposition : bouteilles vides en suspension, étiquettes impossibles à lire, fromages en plâtre !

M. Jean-Marie Sermier. Bernard Pancher s’interrogeait sur les recherches menées au niveau européen. Dans le cadre du programme COST (European Cooperation in the field of Scientific and Technical Research), un projet d’action relative aux maladies de la vigne et du bois mobilise environ cent vingt chercheurs. Toutefois, comme ils ne se réunissent qu’une fois par an, la coordination est mal assurée. Il faut l’implication personnelle de quelques-uns d’entre eux pour faire tenir cet ensemble et je tiens ici à saluer la détermination de Florence Fontaine, de l’INRA de Reims, qui porte ce projet presque à elle toute seule. Il importe d’assurer une meilleure coordination au niveau européen, nous l’avons souligné dans le rapport.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué l’arsénite de sodium. Autant vous le dire, la réintroduction de ce produit cancérigène interdit par la législation européenne n’est pas à l’ordre du jour. Nous nous sommes d’entrée de jeu interdit d’envisager le recours à une telle solution, même en prenant toutes les précautions pour limiter la pollution. En revanche, nous soutenons la demande des chercheurs de tester cette substance sur quelques parcelles afin de déterminer les raisons de son efficacité dans la lutte contre l’Esca.

Quant aux parcelles cultivées en agriculture biologique, j’y reviens, elles ne sont ni plus ni moins atteintes que celles qui ne le sont pas.

Précisons ici que les cinq champignons en cause dans les attaques d’Esca figurent parmi les cent cinquante champignons présents dans tous les ceps. La maladie procède d’une perturbation de l’équilibre entre toutes ces espèces. En Hongrie, des chercheurs explorent une piste très intéressante contre un champignon (Diplodia) : ils procèdent au moment de la taille à la réimplantation de champignons dans les ceps atteints, opération qui permet de retrouver l’équilibre propre aux pieds sains.

Mme Catherine Quéré. Oui, lors de notre visite en Hongrie, c’est dans un petit laboratoire vétuste, tout en contraste avec les superbes laboratoires ultra-modernes que nous avons eu l’occasion de visiter en France, que nous avons découvert ces recherches impressionnantes que mène une équipe de chercheurs sur une maladie cryptogamique analogue à l’Esca, le Black Dead Arm.

M. Jean-Marie Sermier. Sophie Errante a évoqué avec raison les lycées agricoles. C’est par manque de temps et non par choix que nous n’en avons pas visité. Ils ont toute leur place dans le dispositif de lutte contre ces maladies puisqu’ils sont acteurs de la diffusion de nouvelles technologies parmi les futurs viticulteurs.

Guillaume Chevrollier est revenu sur les moyens financiers à mettre en œuvre dans la lutte. Il faut que le CAS DAR puisse apporter des financements. Il est alimenté par les taxes assises sur le chiffre d’affaires qu’acquittent les agriculteurs. Or, comme cela nous a été rappelé plusieurs fois, la viticulture, dont le chiffre d’affaires est supérieur à celui d’autres productions agricoles, y a largement contribué depuis des décennies. Les viticulteurs attendent clairement un retour sous forme d’aides. Nous proposons que dès 2016 – je le dis à l’intention de Laurent Baumel soucieux de précisions sur l’agenda – un programme du CAS DAR spécifique à l’Esca soit mis en place.

Mme Catherine Quéré. Florent Boudié a appelé notre attention sur le bulletin de santé du végétal. Dans ma région, la Charente, la station viticole alerte les viticulteurs chaque fois qu’ils doivent traiter leurs vignes, ce qui permet un traitement moins systématique qu’auparavant et donc des économies sur les produits. Les attaques de mildiou, qui dépendent beaucoup de la pluviosité, sont aussi du ressort des stations viticoles. Cela dit, l’organisation des alertes ne relève pas directement du champ de notre rapport.

Gilles Savary appelle à une efficacité accrue des GDON. C’est dans cette perspective que nous préconisons une modification du système des autorisations préfectorales.

M. Jean-Marie Sermier. Nous demandons en effet à rendre possible la création de plusieurs GDON au sein d’une même circonscription à la demande de la profession, ce qui suppose une modification du code rural. J’espère que cela répondra à votre question, Monsieur Heinrich.

Mme Catherine Quéré. Nous comptons déposer une proposition de loi à ce sujet.

S’agissant des vignes abandonnées, Monsieur Savary, il faut savoir qu’en Gironde, les viticulteurs ont obtenu des organismes d’exploitation d’autoroutes l’arrachage des vignes sauvages aux abords des autoroutes. Leur action auprès de la SNCF n’est toutefois pas encore couronnée du même succès.

Nous souhaiterions que les préfets fassent appliquer systématiquement les décisions d’arrachage de vignes abandonnées depuis plus de cinq ans.

Madame Errante, sachez que nous sommes en relation avec M. le ministre de l’agriculture. Nous lui transmettrons sans tarder notre rapport et nous comptons sur son soutien pour mettre en œuvre les incitations fiscales et les aides à la recherche, car il nous avait beaucoup encouragés à effectuer cette mission.

M. Jean-Marie Sermier. Des recherches sont menées sur l’incidence des méthodes culturales, Monsieur Menuel. Il semblerait que les types de tailles aient une influence sur l’évolution de l’Esca. Cela dit, avec l’accroissement des surfaces des exploitations, certaines méthodes sont plus difficiles à mettre en œuvre et les outils modernes, tels que les sécateurs pneumatiques ou électriques, modifient la taille des plaies.

Mme Catherine Quéré. Monsieur Olive, vous avez souligné que les arboriculteurs recevaient une indemnisation pour l’arrachage de leurs arbres malades. Les viticulteurs, pour leur part, ne sont indemnisés ni pour l’arrachage ni pour la replantation. Représentez-vous la perte économique énorme que doit subir un viticulteur se trouvant dans l’obligation d’arracher les ceps contaminés lorsque 20 % de sa parcelle est touchée par la flavescence dorée ! Cette absence d’indemnisation comporte un danger puisqu’elle pousse les viticulteurs à ne pas déclarer les maladies qui affectent leur vignoble. Nous préconisons donc la mise en place d’une indemnisation.

S’agissant des produits phytosanitaires, Monsieur Plisson, les recherches sont orientées vers une diminution de l’utilisation des produits dangereux, dans toutes les régions.

M. Jean-Marie Sermier. Nous vous invitons tous à assister au colloque du 22 juillet, auquel Catherine Quéré et moi-même participerons afin de faire part de nos propositions.

Mme Catherine Quéré. Je ne voudrais pas oublier la question de M. Fromion sur les parcelles témoins. De telles initiatives sont présentes dans toutes les régions.

M. Yves Fromion. Quelle incitation fiscale pourrait être mise en place pour soutenir ces projets coûteux ?

Mme Catherine Quéré. Nous avons bien l’intention d’agir en ce sens dans le cadre de la prochaine loi de finances, au-delà de nos propositions législatives.

En conclusion, j’aimerais dire combien nous apprécions qu’autant de questions nous aient été posées : cela prouve l’intérêt et l’importance de ce problème que constituent les maladies du bois et de la vigne.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous en venons au vote sur la publication du rapport.

La Commission autorise la publication du rapport d’information à l’unanimité.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Tous mes vœux accompagnent les rapporteurs qui doivent faire inscrire plusieurs dispositions, de nature fiscale en particulier, dans le futur projet de loi de finances. Il y a urgence à agir.

*

Informations relatives à la commission

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Comme tous les ans, il nous revient de désigner formellement, à cette période de l’année, les rapporteurs pour avis de la commission du développement durable sur le projet de loi de finances pour 2016.

Je vous propose de désigner les rapporteurs pour avis :

Pour la mission écologie, développement et mobilité durables : Transports terrestres et fluviaux, Rémi Pauvros ; Transports aériens, Jacques-Alain Bénisti ; Affaires maritimes, Jean-Christophe Fromantin ; Protection de l’environnement et prévention des risques, programmes 181 et 170, Jacques Krabal ; Paysages, eau et biodiversité, programmes 113 et 159, Michel Lesage ; Transition écologique, programme 174, François-Michel Lambert ; Politiques de développement durable, programme 217, Guillaume Chevrollier.

Pour la mission politique des territoires : Aménagement du territoire, programmes 112 et 162, Alain Calmette.

Pour la mission recherche et enseignement supérieur : Recherche dans les domaines de la gestion des milieux et des ressources, programme 172 et 193, Charles-Ange Ginesy ; Recherche dans les domaines du développement durable, programme 190, Philippe Plisson.

(Les rapporteurs pour avis sont désignés.)

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 7 juillet 2015 à 17 heures

Présents. - M. Yves Albarello, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Vincent Burroni, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, M. Michel Heinrich, M. Jacques Krabal, Mme Viviane Le Dissez, M. Michel Lesage, M. Gérard Menuel, M. Robert Olive, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - Mme Sylviane Alaux, M. Julien Aubert, Mme Chantal Berthelot, M. Jean-Yves Caullet, M. Stéphane Demilly, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - M. Laurent Baumel, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. William Dumas, M. Yves Fromion