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Mardi 29 septembre 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 67

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– En application de l’article 13 de la Constitution, audition de M. Jean-Marc Lacave, candidat au poste de président-directeur général de Météo France

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu, en application de l’article 13 de la Constitution, M. Jean-Marc Lacave, candidat au poste de président-directeur général de Météo France.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Notre séance d’aujourd’hui est consacrée à l’audition de M. Jean-Marc Lacave, dont le renouvellement du mandat de président-directeur général de Météo France est proposé par le Gouvernement.

M. Lacave a été nommé à son poste par décret du 19 décembre 2013 et notre commission l’avait auditionné avant sa nomination, le 19 novembre précédent.

Je rappelle que la loi organique du 23 juillet 2010 a dressé la liste des 51 emplois pourvus par le Président de la République et que, parmi ceux-ci, 16 doivent faire l’objet d’un avis préalable de notre commission. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l’Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

L’audition sera donc suivie d’un vote à scrutin secret et par appel nominal, pour lesquels aucune délégation de vote n’est possible.

La Commission du développement durable du Sénat auditionnant le candidat demain, le dépouillement aura lieu ultérieurement.

M. Jean-Marc Lacave, candidat au poste de président-directeur général de Météo France. J’ai cinquante-huit ans et suis ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts et président de Météo France depuis le 1er janvier 2014, ayant terminé le mandat de mon prédécesseur, et président par intérim depuis mai 2015.

Mon intervention portera sur trois points : une fiche d’identité sur Météo France, mon regard sur l’établissement au cours des vingt mois de mes fonctions, et les défis et les ambitions que je souhaite porter pour le mandat suivant.

Je rappelle que Météo France est un établissement public administratif (EPA) datant de 1993 et faisant suite à la direction nationale de la météorologie, qui était un service de l’administration. Il emploie un peu moins de 3 200 personnes, dont 350 en outre-mer, et comporte une forte dimension technique, avec 1 000 ingénieurs et 1 600 techniciens.

Son siège est à Saint-Mandé, avec 250 personnes, auquel il faut ajouter un gros centre scientifique et technique à Toulouse, occupant 1 100 personnes, les autres personnels étant répartis dans des directions interrégionales, sept en métropole et quatre outre-mer.

Nous avons un nombre important d’agents en travail posté, 570 sur des postes permanents et 650 sur des postes semi-permanents. Une grande partie du personnel est présente 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, ou au moins 12 heures par jour tous les jours de la semaine.

Nous avons plusieurs missions principales : la sécurité des personnes et des biens – avec un rôle institutionnel très fort : nous sommes conventionnés avec plus de 23 services ou opérateurs de l’État, aux ministères chargés de l’environnement, de la sécurité publique, de la défense nationale ou de la santé – ; le soutien des forces armées, où qu’elles se trouvent ; l’appui à la navigation aérienne ; et le service aux acteurs économiques, qui comprend les professionnels comme le grand public.

300 personnes font de la recherche, 500 s’occupent des réseaux d’observation, un millier fait de la prévision et environ 500 gèrent les calculateurs, serveurs, transmissions et l’informatique.

Notre budget est de 385 millions d’euros en 2015, dont 20 millions d’investissements. Les recettes sont composées pour 63 % de la subvention de l’État pour charge de service public – environ 200 millions –, pour 23 % de la redevance aéronautique – 85 millions – pour 8 % du commerce – 30 millions – et 6 % de produits divers.

Nous avons quatre filiales – Météo France International (MFI), Météorage, PREDICT Services et Météo France Régie –, auxquelles s’ajoutent deux filiales plus institutionnelles, chargées, non de faire du commerce, mais de la recherche : Mercator et le Cerfacs.

Météo France a enfin beaucoup de connexions internationales : elle est représentant de la France à l’Organisation mondiale de la météorologie (OMM) et dans les centres européens de prévision, en Angleterre, dans EUMETSAT, l’organisation européenne des satellites de météorologie, et dans EUMETNET, consortium des services météorologiques européens.

Mon regard porté sur l’établissement depuis le 1er janvier 2014 fait apparaître des forces indéniables et des préoccupations réelles.

Parmi les forces, Météo France bénéficie d’abord d’une grande notoriété à la fois auprès du grand public, des pouvoirs publics et des entreprises : notre site internet ou mobile est consulté entre 1,5 et 4 millions de fois par jour en France ; et nous sommes le 19e ou 20e site internet le plus consulté dans notre pays. 75 % des gens ont par ailleurs confiance dans nos prévisions et neuf personnes sur dix connaissent notre carte de vigilance.

Nous avons en outre cinq secteurs d’excellence : la recherche, qui donne lieu à beaucoup de publications scientifiques, est connectée avec le CNRS et les grandes universités et a permis par exemple d’élaborer un modèle de climat parmi les meilleurs du monde, contribuant d’ailleurs étroitement aux rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ; les modèles de prévision, logiciels numériques permettant de donner des prévisions par des algorithmes, des calculs et la résolution des équations de l’atmosphère, qui sont parmi les meilleurs du monde avec un maillage du territoire de plus en plus fin, soit 1,3 kilomètre en France métropolitaine, contre 30 il y a une vingtaine d’années ; le sens du service public, qui se traduit par le côté opérationnel 24 heures sur 24 de nos services à chaque événement critique, avec une mobilisation exceptionnelle des personnels pour anticiper et informer, ainsi que permettre à tous les services et collectivités de jouer leur rôle d’accompagnement auprès de nos concitoyens ; l’expertise métier, qui consiste à accompagner nos clients au plus près, au sein même de leur système institutionnel ; la volonté d’engagement : nos agents sont très mobilisés pour apporter plus que ce que les conventions demandent, comme pour les contributions aux rapports du GIEC, à la COP21, à la recherche de financements européens, à l’éducation, à la formation et au développement de systèmes à l’étranger, avec notamment la volonté de faire bénéficier aux pays les plus exposés au phénomène climatique de systèmes d’alerte.

Parmi les préoccupations, j’évoquerai d’abord les effets de la réorganisation territoriale engagée depuis 2012. Nous devons fermer 53 centres en métropole, sachant que 43 l’ont déjà été, 3 le seront d’ici la fin de l’année et 7 le seront en 2016. Cela exige plusieurs mesures d’accompagnement, les personnels devant par ailleurs se déplacer ou opter pour le télétravail. Cette réforme est longue, toujours mal vécue en interne et synonyme de perte de substance et de présence.

Deuxième préoccupation : les contraintes de ressources, qui diminuent tant en effectifs qu’en recettes publiques. Cela suppose des économies, qu’il est de plus en plus difficile de réaliser. Nous avons en effet été un gros contributeur à la réduction des dépenses publiques. Météo France a perdu 400 personnes en sept ans et ne remplace pas huit départs à la retraite sur dix. Les ressources budgétaires sont en baisse rapide, que ce soit en loi de finances initiale ou en cours de gestion. Résultat : les exercices 2014, 2015 et 2016 sont ou seront déficitaires et notre fonds de roulement atteint un niveau plancher préoccupant. Je rappelle que notre budget sert à faire fonctionner des radars, stations météo ou calculateurs, ce qui laisse peu de latitude pour faire des économies sur des dépenses de fonctionnement. Nous avons donc des inquiétudes pour l’avenir : nous ne savons pas comment par exemple remplacer en 2018-2019 notre supercalculateur, sans parler de la flotte de nos avions de recherche, qui devra être aussi renouvelée à la même époque.

Cela est d’autant plus difficile que l’on a un sentiment d’injustice, les médias parlant souvent de nous à bon compte, en énonçant un certain nombre de contre-vérités donnant une image non conforme aux réalités et aux efforts que nous faisons.

Troisième préoccupation : des évolutions exogènes non facilitantes. Le ciel unique a ainsi conduit à mettre en appel d’offres les soutiens à l’aéronautique au niveau européen, même si la Commission européenne a donné un peu de répit en laissant le choix aux États – la France a choisi de conserver Météo France comme fournisseur exclusif. De même, la politique d’ouverture des données publiques, dont j’accepte la légitimité, amène forcément à des baisses de recettes, qu’on évalue entre 3 et 5 millions d’euros par an, sachant qu’on risque d’avoir par ailleurs des coûts importants de mise à disposition auprès de nos clients, le volume de nos données impliquant des transmissions informatiques adaptées. Je ne souhaite donc pas que cette mise à disposition soit gratuite. D’autant que la concurrence, dont je ne nie pas non plus la légitimité, monte en puissance grâce à une meilleure accessibilité des données de base.

Quatrième préoccupation : nous sommes de plus en plus sollicités, notamment pour proposer de la descente d’échelle, ce qui nécessite des temps de calcul et d’étude de plus en plus importants. De même, après l’éruption d’un volcan en Islande il y a quelques années, il a fallu s’équiper de toute urgence d’outils permettant de mesurer la quantité de cendres dans l’atmosphère – pour lesquels on a dû investir et qu’il s’agit de faire fonctionner.

S’agissant des défis et ambitions, il y a à mes yeux deux impératifs : sortir de la régulation par les seules ressources, qui ne permet pas de donner le sens et la vision indispensables au corps social et aux attentes de l’État et des différents secteurs économiques ; dépasser le traumatisme de la restructuration territoriale avec un nouveau projet, en revoyant le contenu des métiers et leur organisation.

Nous avons organisé des séminaires, réaffirmé notre raison d’être et nos ambitions et identifié dix chantiers stratégiques, aujourd’hui à l’œuvre. L’un d’eux porte sur la vision à dix ans, qui doit nous offrir un chemin en tenant compte des évolutions autour de nous – comme le rôle de l’Europe, le développement des big data, des phénomènes extrêmes ou les progrès des observations satellitaires – ou bien au sein de l’établissement, comme les nombreux départs en retraite à venir.

Nous avons identifié plusieurs éléments structurants pour nos futures évolutions : continuer de miser sur l’excellence de la recherche ; continuer d’occuper la chaîne complète de la recherche jusqu’au commerce, comme les modèles anglais ou allemand ; poursuivre les changements organisationnels, la réforme territoriale ne permettant pas de nous assurer de faire face aux défis futurs – il faut croiser les thématiques de l’aéronautique, des routes, des médias, de l’énergie ou de l’eau avec les logiques territoriales, structurer nos développements et rendre plus efficaces certaines de nos organisations, y compris en regardant la question du temps de travail.

Dernier élément structurant : renforcer la politique des partenariats et de l’ouverture. Météo France ne doit pas être isolé dans une production propre aux services météorologiques ou climatiques, mais se connecter dans tous les domaines avec des partenaires industriels notamment, que ce soit pour l’observation, dans des produits innovants ou sur le climat, pour obtenir un mixage de plus en plus fort entre les intérêts des clients et les données météorologiques et climatiques.

L’ampleur des évolutions à conduire est considérable, avec un impact important sur les métiers et l’organisation, la culture même de l’établissement. Il nous faut du temps et le soutien de l’État, qui doit non seulement partager notre vision mais aussi accepter le rythme et les moyens devant accompagner ces changements. Météo France vaut bien qu’on ne la régule pas par les seules ressources. C’est une pépite scientifique : il ne faut pas gâcher ses fondamentaux, qui sont excellents.

M. Jean-Yves Caullet. Vous avez présenté de façon précise les enjeux, les difficultés, l’importance du système de Météo France et le rôle quasiment catalytique des moyens qui vous sont donnés par rapport aux impacts produits, dans l’agriculture, les transports ou les assurances notamment.

Comment envisagez-vous l’élasticité de vos ressources ? Vous permet-elle de surmonter la régulation par celles-ci ?

Quels sont les moyens de formation, de recrutement et de transmission des compétences ? Quels outils peut-on imaginer pour être sûr que ce qui a été construit hier continue à être performant en termes de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ?

Enfin, comment évoluent les demandes qui vous sont adressées ? Avez-vous des idées sur la manière d’y répondre ? Avez-vous une piste concernant la pérennité du modèle budgétaire ? Et avez-vous le sentiment que l’importance stratégique, nationale et européenne, de l’outil météo est suffisamment reconnue ? La défense nationale et le transport aérien en dépendent.

M. Martial Saddier. Au nom des députés du groupe Les Républicains, je rappelle notre attachement à Météo France, qui fait partie du patrimoine national et joue un rôle dans notre vie quotidienne.

Nous avons été sollicités par les représentants du personnel, qui n’ont pas caché leurs difficultés, les lourdes restructurations que vous avez réalisées, ni leurs inquiétudes sur le climat social de l’entreprise, auxquelles nous sommes très sensibles. Les sept fermetures de centres prévues en 2016 sont-elles indispensables compte tenu des efforts déjà demandés ? Quel dispositif avez-vous mis en place pour accompagner le personnel ?

Quels sont les orientations et principaux programmes de recherche ? Au-delà, quels progrès sont à attendre pour nos concitoyens : des prévisions plus longues, plus de précision dans celles-ci, de nouveaux programmes ?

Alors que le contrat d’objectifs et de performance 2012-2016 est essentiellement orienté vers la sécurité, n’arrive-t-on pas à la limite de l’exercice entre la baisse des moyens et le maintien de l’efficacité pour la couverture des risques ? La fermeture des centres nous inquiète beaucoup car l’établissement accompagne au quotidien les sous-préfets, les maires, les pompiers et les gendarmes dans la gestion de la prévention et des risques.

Enfin, nous sommes préoccupés par l’impasse budgétaire que vous annoncez à l’horizon 2018 pour le supercalculateur et la flotte aérienne et souhaiterions avoir des pistes nouvelles de financement à ce sujet. Nous serons aux côtés de Météo France et de vous-même pour alerter le Gouvernement sur la situation que vous avez décrite.

M. Jacques Krabal. Météo France est en effet une pépite, qu’il faut préserver.

La réduction des effectifs s’inscrit dans des contrats d’objectifs et de performance remontant à la période 2009-2011, puis 2012-2016. Quels ont été les effets des restructurations ? Comment ont évolué les personnels et les crédits de titre II qui leur sont consacrés ? Avons-nous atteint « l’os » sur ce point ? Nous avons été attentifs à cet égard aux courriers envoyés par les syndicats sur l’avenir de l’établissement.

Les perspectives envisagées en matière de recettes commerciales pourront-elles se concrétiser ? Quelles parts de marché pensez-vous pouvoir maintenir ? Comment Météo France peut-elle faire face à la baisse de ses recettes en provenance de l’État ?

Comment mettez-vous en œuvre une coopération européenne en termes météorologiques et de mutualisation ?

Par ailleurs, comment accompagnez-vous la COP21 ?

On ne voit pas comment Météo France pourrait ne pas répondre aux nombreuses sollicitations dont elle fait l’objet.

M. Yannick Favennec. Quels éléments de réponse pouvez-vous apporter sur le climat social difficile, sachant que des études pointent des risques psycho-sociaux et que le dialogue social ne fonctionne pas bien ?

M. Guillaume Chevrollier. La Cour des comptes a, à plusieurs reprises, souligné les nombreuses rigidités de Météo France, préjudiciables à l’établissement. Les réformes semblent s’imposer compte tenu de l’accroissement de la concurrence. Que comptez-vous faire pour soutenir celle-ci et comment pensez-vous augmenter vos recettes directes, qui représentent aujourd’hui une faible part de votre budget ?

Mme Martine Lignières-Cassou. Les services de Météo France apportent une aide précieuse lors des intempéries, notamment quand ils sont au plus près du terrain. En tant que maire de Pau, j’ai pu constater que la fiabilité des informations du centre de Pau, qui va pourtant fermer, était plus grande que celle des données venant de Bordeaux et Toulouse.

Votre statut d’établissement public administratif, qui comporte quatre filiales commerciales, est-il adapté à votre vision pour les années à venir ?

Mme Sylviane Alaux. Il y a un an, lors d’une interview, vous vous êtes félicité de la capacité de mobilisation de vos équipes. Or, comme vous le savez, les syndicats nous ont alertés sur l’avenir de l’établissement. Quels ont été les effets des réductions de moyens ? Le climat social difficile aura forcément un impact sur la motivation des personnels. Comment, dans ces conditions, allez-vous répondre aux attentes du public et de l’État concernant la COP21 et aux inquiétudes des personnels ?

M. Gérard Menuel. Je salue la qualité du service de Météo France même s’il est un peu cher. Je suis étonné que le commerce ne représente que 8 % des ressources.

Certains radars entrent en conflit avec l’installation de champs éoliens. L’ensemble des solutions techniques est-il envisagé pour chaque cas afin de faire cohabiter les deux ?

M. Jean-Louis Bricout. Merci, monsieur le président, pour votre exposé. Je salue aussi la qualité des services de Météo France.

Dans un contexte de plus en plus concurrentiel, comment vous positionnez-vous sur le marché et quelles sont vos parts de marché ?

On vous a demandé de séparer les lignes comptables liées aux missions de service public et celles liées aux activités commerciales : comment gérez-vous cette difficulté ?

Qu’en est-il des efforts à faire en termes de mise en image ?

Enfin, quel est votre sentiment sur le climat social ?

M. Michel Heinrich. Merci pour la qualité de votre présentation. Nous apprécions tous la qualité du service apporté par Météo France.

Consacrons-nous plus de moyens à la recherche par rapport aux pays comparables ? Envisagez-vous encore une nouvelle organisation territoriale à la suite de la fusion des régions ?

Mme Florence Delaunay. La COP21 replace les départements et territoires d’outre-mer en première ligne en tant que victimes des intempéries mais aussi en tant qu’acteurs. Or on a assisté à des désastres climatiques récemment dans des îles voisines comme Sainte-Lucie ou la Dominique : pouvez-vous conclure des contrats de coopération avec les territoires voisins pour l’échange d’informations de prévisions météorologiques ? Envisagez-vous une coopération régionale dans le cadre de la prévention des catastrophes naturelles ?

M. Jean-Pierre Vigier. Le contrat d’objectifs et de performance pour 2012-2016 renforce les orientations stratégiques de Météo France dans plusieurs domaines : prévention des risques naturels sanitaires et technologiques, gestion des changements climatiques, sécurité des transports maritimes et aéronautiques, accroissement de l’effort de recherche. Un des enjeux majeurs est la modernisation des infrastructures techniques et le renforcement de la place de la recherche et de l’innovation. Quel est votre bilan aujourd’hui sur ce contrat ? Par ailleurs, avec une telle réduction des effectifs, que va-t-il rester de Météo France ?

Mme Sophie Rohfritsch. Je vous remercie à mon tour, monsieur le président, pour la qualité de votre exposé.

Je vous ai senti réservé sur l’ouverture des données publiques. Or beaucoup d’observateurs considèrent que c’est une chance pour l’entreprise, qu’elle vous permet d’être opérateur et de créer un lien de confiance pour d’autres administrations. Ne vaudrait-il pas mieux être proactif dans ce domaine, cette ouverture étant inévitable ?

M. Yves Albarello. Les modèles anglais, allemand, portugais ou italien connaissent-ils les mêmes difficultés que le nôtre ?

En tant qu’utilisateur de la météo marine, je ne recours pas aux services de Météo France, qui sont très chers, mais à des systèmes gratuits très performants, comme Meteo Consult. Comment font ces services pour être gratuits alors que Météo France n’y arrive pas ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je rappelle que Météo France compte 3 158 agents, contre 2 300 en Allemagne et 1 800 au Royaume-Uni dans les structures équivalentes.

Comment allez-vous pouvoir renouveler le supercalculateur ? Quel investissement cela représente-t-il ?

Enfin, quelles indications pouvez-vous nous donner sur le montant des déficits estimés pour 2014 et 2015 ?

M. Jean-Marc Lacave. S’agissant de l’élasticité de nos ressources, sur les 30 millions d’euros liés au commerce, 20 relèvent de la concurrence pure, c’est-à-dire d’appels d’offre soumis par des collectivités publiques, des autoroutes, la SNCF, les médias ou les industriels, sachant que le marché français correspondant est d’environ 40 millions. Nous occupons donc une part de marché de 50 %, ce qui est un beau score, mais si nous gagnions quelques pourcentages, cela ne permettrait pas de faire basculer l’équation économique pour compenser l’évolution des autres ressources – les subventions publiques pouvant baisser de 4 à 5 millions par an. Les 10 autres millions sont composés de recettes publicitaires, pour 4 à 5 millions, par le biais de notre site, et de celles du kiosque – pour un montant comparable –, reposant sur le numéro téléphonique 3250, mais donnant lieu à de moins en moins d’appels – la recette était encore à plus de 12 millions il y a cinq ans.

Beaucoup d’efforts sont faits, en effet, par les équipes commerciales pour apporter le mieux possible les réponses à leurs clients. Nous nous réjouissons d’avoir gagné récemment plusieurs gros appels d’offre, avec la SNCF, les autoroutiers nationaux, ERDF ou d’autres grands opérateurs publics ou privés. La compétitivité de Météo France est donc réelle : elle ne se traduit pas seulement par son prix, mais aussi par la qualité intrinsèque de l’offre.

La recette de la redevance aéronautique est stable jusqu’à fin 2016. Nous avons à démontrer aux compagnies aériennes, par le biais de la direction générale de l’aviation civile, que nous leur apportons le meilleur service et faisons les meilleurs efforts de productivité. On a par exemple récemment installé à Nice un radar nouveau permettant de voir comment le vent peut s’inverser en altitude alors que le temps est beau.

S’agissant des subventions de l’État, nous devons prendre notre part à la réduction des déficits. Mais la façon de les réduire doit tenir compte des enjeux auxquels nous sommes confrontés, qu’il s’agisse de la sécurité publique, de la navigation aérienne ou maritime, ou de la défense nationale. Les Anglais ont publié une étude indiquant que, pour le Royaume-Uni, le bénéfice lié aux services de météorologie permet une économie nationale d’1 à 1,5 milliard de livres. On voit bien que le profit tiré de l’investissement dans ce domaine est réel ; l’OMM a d’ailleurs des chiffres tout à fait comparables. En transposant le cas anglais à la France, on pourrait avoir un rapport de 1 à 5 entre l’investissement consenti et le bénéfice obtenu. Je répète donc régulièrement qu’on ne peut pas indéfiniment baisser les recettes avec de tels bénéfices possibles alors que le coût de la maintenance et de l’amélioration de la performance est de plus en plus élevé.

L’élasticité de nos ressources n’est donc pas, hélas, très importante.

Nous avons une école de la météorologie en France qui est unique, car elle est intégrée aux services météorologiques, contrairement aux autres pays européens, qui se reposent principalement sur le système universitaire. C’est une grande chance dans la mesure où elle forme des techniciens et des ingénieurs immédiatement opérationnels. Il n’y a pas d’équivalent dans notre pays. Nos moyens de formation sont également à préserver pour que les jeunes générations puissent continuer d’en bénéficier.

Il est compréhensible que les représentants du personnel ne voient pas d’un bon œil la poursuite de la baisse des ressources et des effectifs – d’autant que celle-ci est plus importante que ce que notre ministère a intégré dans son champ de contrainte – et cherchent à faire entendre leur voix. De fait, le rythme qui nous est imposé est trop rapide par rapport aux réformes que nous pouvons produire, même si nous avons encore des efforts d’organisation à faire. Cela étant, je ne pense pas qu’on puisse se limiter à rapprocher les chiffres d’effectifs des Anglais et des Allemands pour en faire un objectif ultime pour la France, car les modèles sont différents, de même que le mode de présence ou le poids de la recherche ou des outils.

Le dialogue social n’est donc, dans ces conditions, pas toujours facile. Reste qu’il y a une forte conscience collective sur la nécessité de préserver Météo France et d’opérer une mutation, dans le prolongement de ce qui a été voulu en 2008 et lors de la réforme territoriale, dans un contexte où les outils se perfectionnent, où les satellites ont un rôle de plus en plus important et où on n’a plus besoin du même nombre d’observateurs et de stations au sol. De même, les modèles numériques donnent des résultats largement supérieurs à ceux d’il y a dix ans : on a coutume de dire qu’ils nous permettent de gagner un jour de fiabilité tous les dix ans – nous avons ainsi quatre ou cinq jours de très bonne fiabilité aujourd’hui. Cela permet de réaliser cette mutation de notre organisation, qui n’exige plus le même maillage fin sur le territoire. Certes, au regard des intempéries et de l’appui des autorités civiles, il est moins commode d’être plus éloigné de celles-ci, mais on s’organise pour que les préfets, les services de la sécurité civile et les collectivités territoriales puissent avoir les informations qui leur sont nécessaires, en recourant au besoin à des webconférences ou des extranets.

Monsieur Martial Saddier, je suis parti de l’idée que, si je commençais à remettre en cause le programme de réorganisation territoriale de 2008-2012, on aurait un grand flottement dans la structure et du mal à savoir où on devrait aller. D’ailleurs, Mme Royal a conforté ce choix dès qu’elle a pris ses fonctions. C’était, je crois, la seule façon de terminer correctement ce grand chantier.

Sur la COP21, nous sommes très présents et pourvoyeurs d’informations de base et de simulations. Nous avons essayé de mettre sur pied des conférences scientifiques, comme en juillet avec le CNRS, ou sur le climat urbain – volet très important de la recherche – et menons aussi beaucoup d’actions de formation et de vulgarisation. Ce matin, nous avons ainsi édité un nouveau site internet, appelé « climat HD », dans lequel on a par région administrative des éléments sur le climat passé et futur. On va aussi participer au « climat train », qui va partir de Paris pour rejoindre plusieurs autres villes françaises et alimenter les discussions et l’information.

La réforme du statut de Météo France ne me paraît pas la bonne porte d’entrée des évolutions qu’on a à conduire. La réforme territoriale a d’ailleurs un peu péché de ce côté-là. Avant de parler du statut, il faudra d’abord avoir largement redéfini le projet et la mission de l’établissement.

S’agissant de la cohabitation entre radars et éoliennes, comment arbitrer entre deux politiques publiques aussi légitimes l’une que l’autre ? Le radar est indispensable pour connaître la pluie et la prévoir, et l’éolienne, une énergie renouvelable à promouvoir. Il faut donc concilier la politique de sécurité publique qu’est la météorologie et la politique énergétique, ce qui n’est pas facile puisque les éoliennes polluent le signal des radars. De nouvelles règles ont été édictées depuis 2014, allant dans le sens d’une forme d’assouplissement dès lors qu’on arrive à démontrer que l’impact est bien cerné. J’espère qu’on trouvera partout des réponses appropriées, notamment s’agissant du cas que nous avons actuellement en Guadeloupe.

S’agissant des Antilles, nous sommes favorables à être acteur de coopérations locales dans des zones géographiques de ce type, sachant que la Guadeloupe comme la Martinique sont les îles les mieux pourvues en services météorologiques et en outils d’observation de l’ensemble de l’arc antillais. On a d’ailleurs déjà apporté des contributions à l’île de Cuba à la suite d’un tremblement de terre et nous sommes prêts, pour les alertes sur les phénomènes sévères, à jouer aussi un rôle de coopération. Nous le faisons savoir localement ; cela ne dépend pas que de nous, mais nous en avons les compétences et les moyens.

Quant à la fusion des régions, elle n’a a priori pas d’impact pour nous puisque nous n’avons que sept directions interrégionales, qui sont toutes, sauf erreur, dans les chefs-lieux des futures grandes régions.

Nous faisons la distinction des activités commerciales sous l’œil très attentif de l’Autorité de la concurrence, qui ne manque pas de regarder nos comptes analytiques de façon approfondie. Et depuis l’affaire du recours que nous avions eu de la part d’un de nos concurrents, nous n’avons jamais été inquiétés.

Par rapport aux modèles européens, les nôtres sont excellents, du fait notamment de notre tradition d’ingénierie dans la météo. On peut dire que le centre européen de prévision à moyen terme – au-delà de quatre à cinq jours – a un modèle, sinon meilleur, en tout cas de très bonne qualité, mais par rapport aux services anglais et allemand, qui sont les deux autres plus gros en Europe, nos modèles sont meilleurs.

Concernant les données publiques, nous acceptons bien sûr la politique d’ouverture. C’est une chance pour développer de la valeur et de la richesse. Mais la mise à disposition de ces données qui, pour certaines d’entre elles, était payante et va devenir gratuite constitue une perte de revenus immédiate. En même temps, l’afflux des demandes sur ces données nous oblige, comme je l’ai dit, à prévoir des infrastructures de transmission adaptées. Cela étant, si on nous laisse le temps nécessaire, nous n’avons pas peur de la concurrence. Nous devons apporter de la valeur ajoutée sur ces données aussi bien que n’importe quel service privé qui les utiliserait. Nous voulons, encore une fois, garder le contact avec le client final : si nous étions seulement un pourvoyeur de données, il y aurait beaucoup de souci à se faire sur ce qui resterait à Météo France.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Quel est le coût d’un supercalculateur ?

M. Jean-Marc Lacave. Notre supercalculateur actuel, mis en place en 1993-1994, nous coûte 7,2 millions d’euros par an, payés à Bull jusqu’en 2020. Mais il faut ajouter le coût de l’énergie électrique – qui est de près d’1 million d’euros – et celui du refroidissement. Au total, le calculateur coûte donc plus de 10 millions d’euros par an.

Pour le changer en 2020, il faut faire des appels d’offre en 2018, sachant que la phase suivante sera probablement plus onéreuse que l’actuelle, car, à côté du calcul proprement dit, il faut des éléments de stockage, qui accompagnent l’augmentation de la puissance de calcul.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie pour votre présentation et vos réponses. Vous le voyez : l’intérêt que les parlementaires portent à Météo France est immense.

*

Après le départ du candidat, il est procédé au vote sur la nomination par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs étant Mme Sophie Rohfritsch et M. Jean-Marc Fournel.

Les résultats du scrutin sont les suivants :


Nombre de votants


Bulletins blancs ou nuls


Abstention


Suffrages exprimés


Pour


Contre

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 29 septembre 2015 à 17 heures

Présents. - Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Guy Bailliart, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Florence Delaunay, M. Philippe Duron, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, Mme Geneviève Gaillard, M. Michel Heinrich, M. Jacques Krabal, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Gérard Menuel, M. Robert Olive, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - Mme Chantal Berthelot, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. David Douillet, M. Olivier Falorni, M. Christian Jacob, M. Napole Polutélé, Mme Catherine Quéré, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard