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Commission des affaires économiques

Mardi 17 juillet 2012

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 8

Présidence de M. François Brottes Président

– Examen de la proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire

– Audition de Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

– Information relative à la commission

– Amendements examinés par la commission

M. Daniel Fasquelle. L’audition de Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, est programmée ici la semaine prochaine au moment même où la proposition de loi dont nous allons débattre sera examinée dans l’hémicycle. Pourrions-nous obtenir un éclaircissement sur ce sujet ?

Par ailleurs, nous avions demandé de pouvoir procéder à l’audition du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt au sujet de la réforme de la politique agricole commune. Des amendements viennent en effet d’être déposés au Parlement européen et il est urgent d’entendre le ministre au moment où se joue l’avenir de la PAC.

M. le président François Brottes. Pendant que nous auditionnerons M. Cuvillier c’est un débat sur l’Afghanistan qui aura lieu dans l’hémicycle. Comme nous disposions de peu de dates pour cette session, nous avons choisi ce créneau horaire car, même si la question majeure de l’Afghanistan concerne l’ensemble des députés, elle ne touche pas directement aux matières traitées par cette commission. Nous pourrons donc, à la suite de l’audition du ministre, nous rendre en séance pour discuter de la proposition de loi que nous allons examiner maintenant.

Quant à l’audition de M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, elle aura lieu le 31 juillet prochain à 16h15.

——fpfp——

Puis la Commission examine, sur le rapport de M. Daniel Goldberg, la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire (n° 76).

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Le 6 mars dernier, l’Assemblée nationale a adopté le texte que cette proposition de loi vise à abroger dans des conditions pour le moins acrobatiques.

Ultime texte voté sous la précédente législature, la loi du 20 mars 2012 qui en a résulté instaure, sauf décision contraire de la collectivité locale concernée, une majoration de 30 % des règles de constructibilité pour l’agrandissement et la construction de bâtiments à usage d’habitation, sur les terrains couverts par un document d’urbanisme. Il s’agit d’un dispositif temporaire qui s’éteindra au 1er janvier 2016.

Je vous en rappelle brièvement le contenu.

Ce nouveau dispositif de majoration des droits à construire a vocation à s’appliquer sur la totalité du territoire, tout en laissant aux responsables locaux la maîtrise de la décision. Cependant, par rapport aux dispositifs existants, la charge de la preuve est inversée : la majoration est ainsi de droit neuf mois après l’entrée en vigueur de la loi. La collectivité - commune ou établissement public de coopération intercommunale (EPCI) - ne délibère que pour refuser l’application de la majoration ou pour en limiter l’application sur une partie de son territoire. Dans les six mois suivant la promulgation de la loi - soit le 20 septembre 2012 au plus tard -, l’autorité compétente pour élaborer un plan local d’urbanisme (PLU) met à disposition du public une note d’information présentant les conséquences de l’application de la majoration de 30 %. Le public dispose alors d’un mois pour formuler ses observations.

À l’issue de cette consultation, le président de l’EPCI ou le maire présente la synthèse de ces observations. La majoration forfaitaire des droits à construire est applicable huit jours après cette séance de présentation et, au plus tard, à l’expiration d’un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi - soit le 20 décembre 2012 -, sauf si l’organe délibérant de l’EPCI ou le conseil municipal décide, à l’issue de cette présentation, de ne pas appliquer la majoration sur tout ou partie de son territoire. Voilà pour le dispositif qui se caractérise par une certaine complexité.

J’en viens maintenant aux critiques que l’on peut adresser au système mis en place par la loi du 20 mars 2012. Elles sont largement partagées, comme en témoigne notamment la position adoptée, la semaine dernière, par le bureau de l’Association des maires de France.

Permettez-moi de vous rappeler, tout d’abord, que la loi du 20 mars 2012 a été adoptée dans une grande précipitation et sans réelle concertation avec les acteurs concernés. Elle a immédiatement été accueillie avec scepticisme par les milieux professionnels et les élus des collectivités locales. Scepticisme d’autant plus fort que, tant sur le fond que sur la méthode retenue, la majoration de 30 % des droits à construire constitue une réponse à la fois inadéquate et inadaptée aux défis que soulève aujourd’hui la crise du logement dans notre pays.

Sur la méthode, tout d’abord, le choix qui a été fait d’instaurer une mesure uniforme, de portée générale et à caractère automatique va à l’encontre des efforts engagés depuis plusieurs années pour promouvoir des règles d’urbanisme fondées sur la concertation, le respect des spécificités locales et la prise en compte des exigences de développement durable. Telle qu’elle a été conçue, la majoration de 30 % des droits à construire peut, en effet, s’appliquer sans délibération de l’autorité compétente en matière de PLU puisque le mécanisme institué repose sur une décision implicite. Comme vous pouvez l’imaginer, cette situation ne peut que mettre en danger les cohérences territoriales issues des documents d’urbanisme - PLU et SCOT - établis localement sur la base d’équilibres délicats construits après concertation. Et ce d’autant que la loi du 20 mars 2012 permet à une commune membre d’un EPCI compétent en matière d’élaboration du PLU d’aller à l’encontre de la décision prise par l’établissement ! Il s’agit là d’une direction totalement contre-productive qui vient compromettre les efforts engagés de longue date par de nombreuses collectivités pour promouvoir l’échelon intercommunal en matière d’urbanisme. J’ajoute qu’aucune disposition ne vient garantir l’articulation entre les différents documents d’urbanisme existants, en particulier le SCOT (schéma de cohérence territoriale), ce qui représente, au final, une véritable régression du droit de l’urbanisme.

Sur le fond, ensuite, l’objectif affiché de la loi du 20 mars 2012 était, je vous le rappelle, de stimuler l’offre de logements - objectif auquel nous pouvons tous, je le pense, souscrire - en favorisant, par des allégements réglementaires, la densification des constructions. Or le dispositif de majoration prévu par cette loi ne s’inscrit dans aucune stratégie globale d’optimisation de l’utilisation des surfaces alors même qu’il s’agit d’un enjeu majeur pour parvenir à surmonter la crise du logement. La majoration de 30 % s’inspire pourtant d’une technique de dépassement des règles de constructibilité qui est d’ores et déjà utilisée à trois reprises dans le code de l’urbanisme, sans que l’articulation entre les différents dispositifs existants et leur impact ne soient ni évalués ni pris en compte. Ces trois facultés de majoration visent, je vous le rappelle, à favoriser la production de logements sociaux - par la majoration du volume constructible de 50 % -, à promouvoir des constructions répondant à des critères de performance énergétique - grâce à une majoration de 30 % -, et à encourager l’agrandissement ou la construction de logements en zone urbaine - le pourcentage de majoration, initialement fixé à 20 %, ayant été porté à 30 % par la loi du 20 mars 2012. A cet égard, madame la ministre, je ne peux que souscrire au vœu, exprimé notamment par nos collègues sénateurs, de remettre à plat les majorations existantes afin de parvenir à un ensemble cohérent de règles favorisant effectivement l’utilisation optimale des surfaces.

Au-delà de ces aspects juridiques, j’ajouterai une dernière chose. Au cours des auditions que j’ai menées en qualité de rapporteur, tous mes interlocuteurs, sans exception, ont souligné le véritable effet d’aubaine que la majoration de 30 % des droits à construire représentait pour les propriétaires, dont la valeur des biens sera mécaniquement accrue. Et tous ont décrit des comportements de surenchère et d’attentisme qui ne manqueront pas d’accroître les tensions sur un marché foncier qui, nous le savons tous, n’en a vraiment pas besoin.

Dans ces conditions, mes chers collègues, je suis bien entendu favorable à l’initiative de nos collègues sénateurs dont je vais maintenant présenter, très brièvement, le contenu.

L’article 1er de la proposition de loi vise à abroger le nouvel article L. 123-1-11-1 du code de l’urbanisme, qui instaure la majoration de 30 % des droits à construire. De fait, il supprime également la possibilité de combiner cette majoration avec les autres facultés de dépassement que j’ai évoquées, pour la construction de logements sociaux par exemple. Enfin, cet article rétablit le seuil initial de dépassement des règles de constructibilité autorisé en zone urbaine, qui était de 20 % et que la loi du 20 mars 2012 avait porté à 30 %.

Le second article de la proposition de loi aménage un dispositif transitoire pour les communes - ou les EPCI - dans lesquelles la majoration de 30 % des droits à construire sera applicable au moment de la promulgation de la présente loi. Son premier alinéa a pour effet de maintenir l’application des majorations qui ont été souhaitées implicitement, en l’absence de délibération en sens contraire par le conseil municipal, au terme de la procédure de consultation du public dans les conditions prévues par la loi du 20 mars 2012. Dans ce cas de figure, la majoration de 30 % des droits à construire s’applique aux demandes de permis de construire et aux déclarations préalables déposées, au plus tard, le 31 décembre 2015. En revanche, cette majoration ne sera plus applicable sur le territoire des collectivités n’ayant pas engagé de procédure de consultation du public d’ici à la promulgation de la présente proposition de loi, sans que ces dernières n’aient à entreprendre la moindre démarche. Du fait du maintien de la majoration de 30 % pour les collectivités l’ayant adoptée implicitement, il convenait de prévoir, dans le même temps, la possibilité pour ces collectivités de sortir du dispositif, comme initialement prévu. Tel est l’objet du second alinéa qui prévoit que, dans les communes et EPCI sur le territoire desquels la majoration de 30 % sera applicable à la date de promulgation du présent texte, le dispositif restera en vigueur jusqu’au 31 décembre 2015 et les collectivités concernées conserveront la possibilité d’y mettre fin à tout moment.

Dans la mesure où ces dispositions transitoires permettent d’assurer la stabilité des droits applicables ainsi que le respect du principe, qui nous est cher à tous, de libre administration des collectivités locales, j’y suis favorable et vous recommande donc l’adoption de la présente proposition de loi.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Notre objectif est que cette proposition de loi soit adoptée par l’Assemblée nationale dans les mêmes termes qu’au Sénat.

Mme Laure de la Raudière. Nous pouvons partir alors !

M. Henri Jibrayel. Vous avez procédé de manière identique pendant cinq ans !

Mme la ministre. L’adoption de cette proposition de loi répond au souhait de l’ensemble des communes. Il m’a d’ailleurs été rapporté que la loi du 20 mars 2012 a été adoptée contre l’avis de bon nombre de parlementaires de l’ancienne majorité ; le vote de cette proposition de loi ne devrait donc pas soulever d’importantes polémiques. Je tiens à préciser que les dispositifs permettant la densification de construction de logements existent déjà et sont très peu utilisés. À ce jour, seule une commune aurait d’ailleurs mis en œuvre le dispositif de majoration de 30 % des droits à construire alors que beaucoup d’autres s’inquiètaient du montant des frais à engager pour mener la procédure de délibération qui devait avoir lieu avant le 20 septembre prochain.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement soutient avec beaucoup d’ardeur cette proposition de loi dont nous souhaitons une adoption conforme.

M. le président François Brottes. Merci, madame la ministre.

Il est vrai, madame de la Raudière, que le groupe majoritaire souhaite adopter un texte conforme à celui du Sénat. Ce n’est pas indécent ; cela est déjà arrivé ! Mais c’est toujours mieux de le dire avant et cela n’empêchera évidemment pas la discussion des amendements qui ont été déposés.

Mme Annick Lepetit. Tout d’abord, je tiens à rappeler que la loi du 20 mars 2012 est le fruit d’une grande improvisation, soulignée par de nombreux parlementaires. En effet, ce texte fut adopté deux mois seulement après une annonce faite à la télévision par l’ancien Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, soit le 6 mars 2012, après trois lectures en deux jours dans deux chambres différentes, et cela sans aucune concertation préalable avec les acteurs du secteur du logement.

Cette loi du 20 mars 2012 est très vite apparue comme inefficace puisque des dispositifs de nature similaire, peu utilisés, existaient déjà. Je pense notamment à celui, issu du Grenelle de l’environnement et utilisé par moins de 1 % des communes, qui concerne les logements énergétiquement sobres, et à deux autres dispositifs permettant de construire davantage de logements, que seulement 4 % des villes utilisent.

Par ailleurs, cette loi a de lourdes conséquences pour les collectivités territoriales et le bureau de l’Association des maires de France s’est récemment prononcé en faveur de son abrogation en la qualifiant de « systématique, inflationniste et source de contentieux ». Ses effets pervers ont d’ailleurs été identifiés : la rétention des terrains par les vendeurs qui attendent que la situation soit clarifiée et l’inflation du prix des terrains. Je souhaite donc que cette proposition de loi soit rapidement adoptée.

M. Lionel Tardy. Le Sénat a examiné concomitamment en première lecture plusieurs propositions de loi identiques visant à abroger la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire : celles de Thierry Repentin, Pierre Jarlier et Philippe Kaltenbach.

Adoptée au Sénat le 10 juillet 2012, la proposition de loi qui nous est soumise vise à abroger l’ensemble des dispositions de la loi du 20 mars 2012 et prévoit la mise en œuvre d’un dispositif transitoire pour les communes et les EPCI sur le territoire desquels le dispositif de majoration des droits à construire sera applicable à la date de la promulgation de la proposition de loi.

Quelle est la position du groupe UMP sur ce sujet ?

La loi du 20 mars 2012 est la concrétisation d’un engagement majeur de Nicolas Sarkozy visant à encourager le développement de l’offre de logement. Elle doit permettre la construction de 20 000 à 40 000 logements supplémentaires par an pendant trois ans. Elle a également pour objectif de favoriser la densification des constructions afin de prévenir l’étalement urbain conformément aux engagements pris lors du Grenelle de l’environnement.

Pour rappel, la politique que nous avons mise en œuvre sous la précédente législature a permis de construire 2 millions de logements et 600 000 logements sociaux, contre 1,7 million de logements et 265 000 logements sociaux entre 1997 et 2002. C’est tout le contraire que proposent les sénateurs socialistes avec cette proposition de loi. L’abrogation de la loi du 20 mars 2012 conduirait en effet à décourager le développement de l’offre de logements, pourtant indispensable pour répondre aux attentes de nos concitoyens en matière d’accès au logement.

De plus, le Gouvernement propose de supprimer la majoration des droits à construire sans prévoir aucune mesure permettant de développer l’offre de logements. Au contraire, les principales mesures qu’il prévoit risquent de conduire à un blocage du marché du logement et de porter atteinte à la maîtrise de nos dépenses publiques. Ainsi, la mise à disposition gratuite des terrains de l’État aux collectivités territoriales pour libérer du foncier conduirait à brader le patrimoine de l’État dont les recettes seraient considérablement réduites par la suppression de la vente de ces terrains, qui lui rapporte aujourd’hui 1,15 milliard d’euros par an. Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, cette charge reposerait in fine sur les contribuables.

Quant à l’encadrement administratif du prix des loyers par décret, il découragerait les propriétaires d’investir dans le logement locatif et conduirait donc à une réduction de l’offre et à une dégradation accélérée du parc de logements.

En outre, dans le cadre de la loi SRU, le relèvement de 20 % à 25 % du seuil de logements sociaux exigé conduirait à doubler le niveau d’un objectif que les communes ont déjà du mal à atteindre malgré d’importants efforts. Cette mesure pourrait également favoriser la construction de logements sociaux dans des zones non tendues. Elle pourrait, enfin, augmenter le poids des prélèvements supportés par les communes déficitaires, et ce d’autant plus qu’il est envisagé de multiplier par cinq les sanctions financières applicables aux communes qui ne rempliraient pas ces obligations.

Le doublement du plafond du livret A, porté de 15 300 euros à 30 600 euros, dans le but de financer les 150 000 logements très sociaux, ne devrait pas avoir l’effet escompté puisque seuls 10 % des livrets A atteignent aujourd’hui le plafond. D’ailleurs, le Gouvernement semble renoncer à cet engagement de doubler rapidement le plafond du livret A et ne pourrait finalement le relever que de manière progressive en le fixant à 20 000 euros à la rentrée. Selon les acteurs du secteur bancaire, un relèvement trop rapide induirait en effet des transferts importants d’épargne des livrets fiscalisés vers le livret A.

Pour conclure, nous souhaitons, quant à nous, créer un véritable choc d’offre de logements et relancer le parcours résidentiel pour permettre aux Français de se loger à des prix raisonnables. Dans cette optique, nous voulons libérer du foncier en prolongeant le plan de cession des terrains de l’État sur la période 2012-2016 avec pour objectif la construction de 130 000 logements supplémentaires. Nous proposons également de réduire de 50 % les droits de mutation afin d’alléger les frais d’acquisition d’un logement pour les propriétaires, de mobiliser les terrains disponibles grâce à une fiscalité adaptée permettant de lutter contre la rétention du foncier non bâti dans les zones tendues et, enfin, de simplifier les normes d’urbanisme en zone tendue pour densifier le tissu urbain et réduire les délais de construction.

Mme Michèle Bonneton. La majoration de 30 % des droits à construire constituait une menace pour l’action des collectivités locales en matière d’urbanisme. Les communes étaient les plus touchées par ce dispositif puisque ce sont elles qui déterminent le volume des droits à construire pouvant être accordés suivant les contraintes et les besoins locaux. Cette hausse brutale de 30 % anéantissait ainsi le travail effectué dans le cadre des PLU. En outre, ce dispositif comprenait une procédure contraignante et chronophage puisque les collectivités, même si leurs organes délibérants étaient opposés à cette mesure, devaient consulter leur population avant le 20 septembre 2012.

Telles sont, entre autres, les raisons pour lesquelles le groupe écologiste soutient cette proposition de loi.

M. François Sauvadet. Je voudrais d’abord soulever un problème de forme, monsieur le président : vous nous dites que le travail en commission doit être rapide et que la majorité est décidée à abroger cette mesure ; mais le travail en commission doit être un travail d’approfondissement ! Il est d’ailleurs paradoxal de vous entendre, d’entendre Mme la ministre et M. le rapporteur, reprocher sa précipitation à la majorité précédente, puis de n’avoir rien de plus pressé que d’agir avec la même précipitation. Vous avez même déclaré une procédure accélérée sur une proposition de loi : vous permettrez au parlementaire que je suis – sans plus d’expérience que chaque autre parlementaire –de s’interroger.

J’aurais préféré, monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que nous fassions un travail d’investigation et que nous puissions auditionner des acteurs du logement – vous l’avez fait, certes, monsieur le rapporteur, mais une réflexion partagée par l’ensemble de la commission est préférable pour nourrir le débat parlementaire ! Si la commission reproduit le travail de l’hémicycle en allant très vite, alors il faut revoir nos conditions de travail en commun.

J’aurais donc, vous l’avez compris, préféré un peu de concertation sur ces sujets. Je ne doute pas que vous allez avancer ; la frénésie de la suppression de textes qui vous tient lieu pour le moment de programme trouvera rapidement ses limites : il faudra bien, un jour ou l’autre, nous dire ce que vous voulez faire en matière de logement.

Sur le fond, vous ne pourrez pas tenir tous les langages : il y a des endroits où il faut absolument construire, alors que les possibilités foncières sont très limitées. Cette loi offrait la possibilité de construire plus. Vous nous dites que ce n’est pas la bonne réponse. J’attends de vous, madame la ministre, que vous nous disiez ce que vous voulez faire pour résoudre le problème de logement auquel nous sommes confrontés.

En tout cas, permettez-moi, au nom du groupe UDI, de regretter de n’avoir pas disposé de plus de temps pour travailler.

M. le président François Brottes. Je ne suis pas opposé à ce que nous passions les deux heures dont nous disposons sur ce texte ; je note d’ailleurs que nous n’étions pas obligés de demander à Mme la ministre de venir, puisqu’il s’agit d’une proposition de loi. J’ai cru vous être agréable en sollicitant sa présence, parce que je pensais que la question du logement vous intéressait et que la plupart d’entre vous souhaitaient un échange plus large avec Mme la ministre avant la clôture de cette session, mais si tel n’est pas le cas …

M. François Sauvadet. Je crains que vous n’ayez pas saisi mon propos, monsieur le président ! Peut-être me suis-je mal exprimé : nous aurions préféré un travail plus approfondi en commission pour trouver un consensus par le dialogue. J’ai simplement souligné que votre précipitation à abroger cette mesure n’avait d’égale que la précipitation pour l’adopter.

M. le président François Brottes. Vous oubliez le travail accompli par le rapporteur !

M. le rapporteur. Sur le calendrier, monsieur Sauvadet, nous avons essayé d’être aussi clairs et transparents que possible. Toutes les auditions étaient ouvertes, certes dans un temps restreint, j’en conviens ; mais nous avons prévenu tous les députés. Notre collègue de l’UMP Michel Sordi a d’ailleurs participé à certaines de ces auditions. Je note aussi que vous disposez du rapport, envoyé vendredi par voie électronique : vous avez donc pu prendre connaissance de nos arguments.

Pourquoi aller vite ? Eh bien parce qu’avant le 20 septembre, les collectivités étaient tenues d’avoir avancé leur travail. Si nous n’avions pas agi avant cette date, la loi se serait appliquée. Or, de nombreuses questions se posaient : en quoi devait consister la note d’information que les collectivités devaient remettre ? La majoration s’appliquait-elle au PLU existant ? Si les villes ou les EPCI étaient en phase de modification de leur PLU ou de leur SCOT, la majoration s’appliquait-elle au document en cours d’élaboration ?

L’actuelle majorité estimant que ce dispositif n’était pas bon, il était urgent de l’abroger et de permettre à l’écrasante majorité des communes ne souhaitant pas l’appliquer de s’en défaire. Et pour celles qui veulent utiliser le dispositif, l’article 2, ajouté par amendement au Sénat et auquel je suis favorable, met en place un dispositif transitoire.

M. Yannick Moreau. Comme de nombreux élus locaux, je me réjouis de l’abrogation de la majoration de 30 % des droits à construire : pour beaucoup, c’est un soulagement. À l’heure où ils achèvent des SCOT, des PLU et autres documents d’urbanisme concerté, cette disposition était inapplicable. Je me réjouis donc, sur ce point, que la majorité choisisse la voie du bon sens.

Comme d’autres, j’attends avec impatience les propositions du Gouvernement et de la majorité présidentielle pour améliorer et simplifier le droit de l’urbanisme en général, mais j’ai bien compris que c’était l’objet du débat qui doit suivre.

M. Michel Piron. La loi du 20 mars 2012 avait un objectif : accroître la densité en optimisant l’utilisation du foncier. Permettait-elle d’atteindre cet objectif ? Je voudrais faire état ici de ma perplexité. Cette loi s’est ajoutée à trois dispositifs existants, qui ont été extrêmement peu utilisés : le premier a été utilisé par 140 communes ; le deuxième, issu du Grenelle 2, par 160 communes, et le troisième, issu de la loi MOLLE – loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion – par 30 communes. Autant dire que le sujet est difficile ! Et ce quatrième texte inversait complètement le dispositif préalable : il n’était pas mis à disposition des collectivités souhaitant l’utiliser ; il obligeait les collectivités souhaitant y renoncer à se prononcer explicitement et, dans le cas inverse, il s’appliquait automatiquement sur la totalité du territoire, c’est-à-dire dans les 36 700 communes françaises dont les situations – entre la Seine-Saint-Denis, la Corrèze, j’en passe et des meilleures ! – sont pour le moins diverses.

Nous avions déjà eu, malheureusement, l’occasion de mesurer les conséquences de ce texte – il suffit d’interroger les principaux constructeurs nationaux. Pour la plupart de leurs opérations en zone tendue, les promoteurs achètent non pas des mètres carrés, mais des droits à construire. Or, quand les contrats n’étaient pas signés, la majoration de 30 % des droits à construire s’est traduite immédiatement, dans de nombreuses directions régionales, par l’exigence des propriétaires d’une hausse des prix du foncier de 30 %. On peut imaginer ce que cela peut donner en première couronne parisienne où le foncier représente 50 % du coût final d’un appartement ! D’où ma perplexité. Une telle loi avait donc incontestablement un effet inflationniste et suscitait probablement une rétention du foncier.

Par ailleurs, sur le plan strictement juridique, la question de l’articulation entre PLU et SCOT, comme celle des droits privés des joignants par rapport à cette modification des règles du jeu, est une source de contentieux qui auraient sans doute nourri certains cabinets d’avocats, ce qui n’est pas l’objectif recherché.

Certaines pistes ont déjà été proposées pour optimiser le foncier. Pour ma part, j’avais rédigé un amendement, que je déposerai à nouveau en commission des finances, pour inverser la fiscalité foncière en termes de rétention, c’est-à-dire pour mettre en place une fiscalité progressive. On est passé du dégressif au linéaire, c’est vrai, mais l’idée d’une fiscalité progressive – peut-être avec un choc foncier dans les deux ou trois premières années – me paraît intéressante.

Quant au foncier détenu par la puissance publique, notamment en région parisienne, le bail emphytéotique permettrait peut-être de faire céder les réticences des ministères vis-à-vis de ces opérations, puisque l’État serait assuré de récupérer l’éventuelle plus-value au terme de quelques dizaines d’années.

Au terme de ces quelques explications, vous comprendrez que je m’abstiendrai sur cette proposition de loi.

M. le rapporteur. Il me semble que M. Piron a répondu à M. Tardy !

Sur la fiscalité foncière et les baux emphytéotiques, monsieur Piron, nous pourrions nous rejoindre, mais nous devons surtout nous demander quelle régulation publique du foncier nous pouvons mettre en œuvre dans les prochaines années. En tant que rapporteur de ce texte, je n’irai pas plus loin, mais je souhaite que le message délivré par l’Assemblée nationale soit, comme au Sénat, un message de mobilisation foncière pour construire massivement des logements accessibles au plus grand nombre et équitablement répartis sur le territoire national.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er (articles L. 123-1-11, L.123-1-11-1 et L. 128-3 du code de l’urbanisme) : Abrogation de la majoration de 30 % des droits à construire

La Commission examine les amendements de suppression CE 1 de M. Philippe Armand Martin, CE 4 de M. Daniel Fasquelle et CE 6 de M. Bernard Gérard.

M. Philippe Armand Martin. Je propose de revenir sur l’abrogation de la loi du 20 mars 2012 qui aurait permis de mieux tenir compte des particularités du milieu rural. En effet, les jeunes désertent certains endroits où l’on ne trouve pas de foncier pour construire pour des raisons tenant à la géographie ou parce que les terrains sont trop chers. Ainsi, dans ma circonscription, bien qu’il y ait des emplois dans le domaine de la viticulture, les villages se vident, les écoles ferment. La majoration de 30 % des droits à construire nous aurait aidés et je crains que l’abrogation de cette mesure n’accentue encore la désertification de nos communes. Vous ne tenez pas suffisamment compte de l’aménagement du territoire. C’est pourquoi je m’abstiendrai sur cette proposition de loi.

M. le président François Brottes. Je suis aussi élu local, et je peux vous assurer qu’aujourd’hui, un PLU revisité permet de faire ce que vous souhaitez !

M. Daniel Fasquelle. Je constate qu’il y a aujourd’hui un sérieux décalage entre la crise économique que nous vivons et ce texte, le seul qui sera soumis cet été à la commission des affaires économiques. Nous examinons celui-ci alors que l’on débat en ce moment même dans l’hémicycle de la TVA anti-délocalisations et de sujets qui concernent directement nos entreprises. Je ne comprends d’ailleurs pas que notre commission n’ait pas été saisie, à un moment ou à un autre, du projet de loi de finances rectificative qui concerne directement la vie de nos entreprises, l’emploi et la compétitivité.

Le décalage n’est pas moins grand entre ce texte et la très grave crise du logement que nous traversons. Madame la ministre, vous êtes en poste depuis deux mois et la seule chose qui nous est proposée, c’est d’abroger un texte – voté par la précédente majorité – qui apportait une réponse, certes partielle, mais une première réponse à la crise du logement.

Mon amendement vise à supprimer l’article 1er de cette proposition de loi, car je ne vois pas l’intérêt qu’il y aurait à supprimer une liberté accordée aux municipalités. Vous dites qu’il y a urgence, mais les municipalités qui ne veulent pas de cette disposition peuvent parfaitement l’écarter si elles le souhaitent. Dans le cadre de la procédure parlementaire, nous avions d’ailleurs amélioré le texte pour permettre aux communes de n’appliquer la majoration des droits à construire que dans certaines parties de leur territoire. Je rejoins mon collègue Philippe Armand Martin, car je rencontre les mêmes problèmes : nous cherchons à densifier, et nous avons besoin d’augmenter les droits à construire dans certaines parties de nos communes pour garder nos jeunes, nos familles et donc nos écoles. Aujourd’hui, les familles s’en vont, parce que le prix du foncier augmente : pour diminuer la pression foncière, il faut augmenter la quantité de logements.

M. le rapporteur nous dit que la loi du 20 mars 2012 était compliquée. Dans ce cas, il fallait mettre à profit le temps dont vous disposiez pour nous proposer d’améliorer le dispositif, en réfléchissant à une meilleure articulation avec les autres textes, plutôt que de supprimer purement et simplement cette mesure. Nous aurions pu réaliser ce travail ici, au lieu de nous tenir le petit doigt sur la couture du pantalon. Même la majorité, on l’a bien compris, ne pourra pas amender ce texte. C’est un après-midi pour rien ; on sait bien comment les choses se termineront : le texte sera adopté, puisque tel est le vœu du Gouvernement.

M. Henri Jibrayel. Nous avons été à bonne école !

M. Daniel Fasquelle. Quand nous le faisions, vous le dénonciez : vous n’étiez pas obligés d’en faire autant !

M. le président François Brottes. J’ai bien noté, monsieur Fasquelle, vos immenses regrets sur le fait que l’ancienne majorité, à laquelle vous apparteniez, ait réservé l’exclusivité des dispositions fiscales à la commission des finances, privant ainsi la commission des affaires économiques de toute initiative en la matière.

Mme Laure de La Raudière. On enquiquine les Français avec des lois et des réglementations dont on accroît le nombre chaque année. Vouloir en supprimer une n’est donc pas, a priori, une mauvaise idée, mais pas celle-là ! J’espère que vous nous proposerez d’autres suppressions. Par exemple, le poids de la réglementation industrielle c’est 5,2 % du PIB en France, contre 3 % en moyenne dans les autres pays européens. Là, vous pourrez trouver de quoi améliorer la compétitivité. Mais ne supprimez pas cette loi, qui justement donnait de la liberté et de la souplesse aux municipalités et aux Français ! Voilà pourquoi je défends l’amendement CE 6.

M. le rapporteur. Je suis évidemment défavorable à ces amendements.

Monsieur Martin, justement, tenir compte des particularités, cela ne consiste pas à augmenter implicitement, de manière dirigiste, les droits à construire de 30 % dans toute la France, sans même que les collectivités aient à délibérer, comme le prévoyait la loi du 20 mars dernier. Nous n’abrogeons pas les trois dispositifs visant à permettre la construction de logements sociaux, de logements à haute qualité énergétique et de logements en zone urbaine déficitaire. Ces trois dispositifs existaient avant la loi du 20 mars 2012 et ils continueront à exister après le vote, le cas échéant, de cette proposition de loi. Le droit existant tenait donc déjà compte des particularités.

Monsieur Fasquelle, nous ne proposons pas plus de textes parce que nous ne sommes pas dans la précipitation. Le précédent ministre du logement, Benoist Apparu, avait d’ailleurs lancé une concertation intéressante sur « l’urbanisme de projet », mais rien n’en a découlé, si ce n’est cette loi du 20 mars 2012, votée dans la plus grande précipitation et qui ne tenait pas même compte des discussions qui s’étaient déroulées dans ce cadre. Les communes avaient déjà le droit d’augmenter les droits à construire, mais cette loi en faisait une obligation implicite, à moins de délibérer pour marquer leur opposition à une telle mesure.

Vous avez, vous, passé cinq ans avec le petit doigt sur la couture du pantalon et vous avez été aussi véhéments que zélés dans cette attitude. Ce n’est pas notre volonté, et je vous ferai remarquer que ce texte est d’origine parlementaire. Je remercie d’ailleurs nos collègues du Sénat de leur initiative ; sans eux, le dispositif aurait continué de s’appliquer.

Madame de La Raudière, je crois vous avoir déjà partiellement répondu. Non à la sur-réglementation, oui à la souplesse ! Avançons sur les règles d’urbanisme. Ce sera notre travail des prochaines semaines et des prochains mois.

Mme la ministre. Comme l’a très bien dit M. le rapporteur, il existait déjà des dispositifs permettant aux communes qui le souhaitaient d’accroître la densité. Mais la loi du 20 mars 2012 prévoyait la nécessité d’une délibération des collectivités locales au cas où elles n’auraient pas souhaité l’application du dispositif, après un travail d’analyse et d’information particulièrement coûteux pour les petites communes. Ce sont d’ailleurs surtout ces dernières qui se sont mobilisées pour demander l’abrogation la plus rapide possible de cette loi.

Et plutôt que lui substituer un nouveau dispositif que nous aurions choisi et qui n’aurait pu être débattu car il aurait dû être voté lors de cette session extraordinaire, nous avons fait le choix de poursuivre la concertation pour fusionner les trois dispositifs existants et travailler sur l’ensemble des règles d’urbanisme. Nous voulons simplifier et clarifier dans le cadre d’une grande concertation, car sur ces sujets les débats sont souvent transpartisans. Je peux comprendre votre opposition de principe, mais nous avons choisi la méthode la plus simple pour résoudre un problème rencontré par des milliers d’élus locaux.

La Commission rejette les amendements CE 1, CE 4 et CE 6.

Puis elle adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 : Aménagement d’un dispositif transitoire

Les amendements CE 2 et CE 7 sont retirés.

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Après l’article 2

La Commission examine les amendements CE 5 et CE 3 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Ce sont deux amendements d’appel, que je serais prêt à retirer en fonction des réponses de M. le rapporteur et de Mme la ministre.

Le premier concerne le délicat dossier de la société Icade, qui a vendu 35 000 logements en Île-de-France. Nous nous sommes aperçus que, malgré les promesses de du précédent gouvernement et notamment de M. Woerth, l’État ne compensera pas la perte de recettes fiscales pour les communes concernées. Cela représente des millions d’euros perdus, dans le cadre d’une opération immobilière de la Caisse des dépôts et consignations, et ce sont les communes les plus pauvres d’Île-de-France qui sont pénalisées. Nous avions déjà déposé un amendement similaire sur d’autres textes concernant le logement.

Le second amendement concerne une partie du nord de la région Île-de-France, où l’on ne peut pas construire de logements à cause du plan d’exposition au bruit de l’aéroport de Roissy. Autour d’Orly, on peut construire malgré l’existence d’un PEB ; ce n’est pas possible autour de Roissy, ce qui pénalise des territoires entiers de la région parisienne, où l’on ne peut pas construire le moindre logement alors que la demande est considérable. Faute de logements, les gens cohabitent, à plusieurs familles, dans les mêmes appartements. Cela crée une suroccupation et des conditions de vie insupportables pour ces familles.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Mme la ministre. Le sujet d’Icade est compliqué. Je pourrais vous expliquer de manière très précise pourquoi les collectivités se trouvent dans cette situation ; le rachat des logements d’Icade a d’ailleurs aussi été sollicité par les locataires, qui risquaient sinon de se trouver dans des situations difficiles. Nous sommes néanmoins sensibles à la question de la taxe foncière sur les propriétés bâties ; nous allons y travailler, en particulier avec les élus concernés. Pour l’instant, je ne peux pas vous apporter de réponse, mais nous sommes conscients de la difficulté, conscients qu’il est légitime que les collectivités locales concernées ne se satisfassent pas de la réponse institutionnelle apportée jusqu’à maintenant, même si elle est solide sur le plan juridique.

Quant à la question de la constructibilité en zone de bruit, elle est très sensible, et plus encore à Roissy où la demande d’un couvre-feu, comme cela existe à Orly, est très importante ; chaque fois que le nombre d’habitants augmente, cette demande – légitime – se renforce. Par ailleurs, une règle univoque sur le desserrement des habitations existantes – si j’ai bien compris, c’est le sens de votre amendement – ne pourrait pas s’exprimer en pourcentage, car rien ne pourrait garantir que ce pourcentage ne s’appliquerait qu’au desserrement des habitations existantes. Il est en effet impossible de construire une pièce supplémentaire dans des habitations situées en zone de bruit.

Je vous propose de débattre de cette question dans le cadre du travail que nous allons mener sur la simplification des règles d’urbanisme. Je ne vous dis pas qu’a priori nous sommes favorables à votre proposition, car l’augmentation de la population en zone de bruit est un sujet très délicat. L’exposition des populations à cette nuisance est un souci. En tout état de cause, on ne pourra résoudre ce problème avec un pourcentage s’appliquant de manière uniforme.

M. le président François Brottes. Je me permets, madame la ministre, de relayer la préoccupation de M. Pupponi. Cela fait très longtemps qu’il nous explique, au sein de cette commission, que la requalification de certaines villes passe par le desserrement d’un étau, sans qu’il faille nécessairement en faire un principe général. Nous avons bien entendu votre ouverture sur ces sujets.

M. François Pupponi. Si l’exposition au bruit d’un aéroport est dangereuse, il faut évacuer la population, mais si elle n’est pas dangereuse, alors on peut desserrer les contraintes en matière de construction de logements. On ne peut tenir un discours mi-figue, mi-raisin ! Et je ne comprends pas pourquoi on a le droit de construire autour d’Orly et pas autour de Roissy ! Cela dit, en attendant un débat plus complet sur un autre texte, je retire mes amendements.

Les amendements CE 5 et CE 3 sont retirés.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

——fpfp——

Audition de Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement.

M. le président François Brottes. Le logement étant, avec la santé, l’éducation et la sécurité, l’un des principaux sujets de préoccupation de nos concitoyens, la gestion de l’encadrement des loyers est une question majeure. Mais nous souhaitons aussi évoquer le financement du logement social avec le débat sur le relèvement du plafond du livret A dans un contexte où certaines banques nous expliquent qu’une épargne de court terme ne peut financer des investissements de long terme – je reste quant à moi partisan du relèvement du plafond du livret A –, la question de l’avenir du 1 % logement, le débat sur la réhabilitation thermique – l’économie d’énergie est une énergie à part entière qu’il faut pouvoir développer, ce qui passe par la réhabilitation du bâti – et la nouvelle politique foncière.

M. Germinal Peiro. C’est avec plaisir que nous vous entendrons, madame la ministre, sur les problèmes d’égalité territoriale et d’urbanisme. Vous avez manifesté votre souhait d’une simplification qui est très attendue. Les problèmes d’urbanisme sont extrêmement complexes, car les communes doivent avoir des terrains à construire pour accueillir de nouvelles familles tout en étant en mesure d’assurer la sécurité des populations – je pense aux zones inondables –, leur qualité de vie – problème de la proximité des aéroports – et de préserver les terrains agricoles et boisés. Il faut au minimum trois ans pour qu’une petite commune de 300 habitants réalise son PLU. C’est excessif ! Il faudrait faire un peu plus confiance aux élus.

Mais j’en viens au logement. Les besoins en la matière sont d’environ 500 000 par an et, au cours des trois dernières années, le nombre des logements neufs mis sur le marché n’a cessé de diminuer. En 2011, 324 000 logements ont été mis sur le marché, contre 345 000 en 2010 et 394 000 en 2009. Cette pénurie entraîne une augmentation excessive des loyers et la part du logement dans le budget des ménages a considérablement augmenté au cours des dernières décennies. Mes questions portent sur l’idée, avancée pendant la campagne présidentielle, d’un blocage des loyers dans les zones tendues, sur la mise en place de la caution solidaire notamment pour permettre aux jeunes d’accéder à un premier logement, la mise en œuvre du plan de mobilisation foncière, le plan de rénovation thermique et le relèvement du plafond du livret A qui permettrait de dégager des moyens importants pour une relance de la politique du logement.

M. Michel Piron. L’objectif affiché de 150 000 logements sociaux est extraordinairement ambitieux et il sera difficile à atteindre. Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner des précisions sur l’articulation entre l’ingénierie des bailleurs sociaux et celle des grands constructeurs privés, qui pourrait permettre la construction de ces logements sociaux indépendamment de la diversité des territoires ?

Quant à l’avenir du 1 %, il conditionne en partie celui du plan de rénovation urbaine qui est victime de son succès – à l’origine, 170 quartiers devaient être concernés, mais nous en sommes à 470 ! Les moyens n’étant pas extensibles, que pensez-vous faire dans ce domaine ?

Il me semble par ailleurs inapproprié de parler de « blocage » des loyers. L’encadrement des loyers n’a en effet rien à voir avec leur blocage – l’exemple allemand le prouve, même si la situation est différente dans la mesure où il y a suffisamment de logements en Allemagne. J’aimerais, madame la ministre, que vous nous éclairiez sur ce point.

S’agissant du droit de l’urbanisme, l’incroyable complexité des règlements tient probablement au fait que l’on tente en vain, dans ce pays de 36 700 communes, d’avoir une réglementation uniforme pour recouvrir des situations qui n’ont rien à voir. Comment échapper à cette uniformité issue d’un modèle jacobin sans tomber dans un excès de localisme relatif à l’émiettement des structures communales ? Beaucoup de travail reste à faire pour trouver une voie intermédiaire.

Enfin, peut-on séparer la difficile question du logement de celles du transport et des zones d’activité ? En d’autres termes, ne serait-il pas temps d’envisager de traiter la question du logement en même temps que celles de la ville et de l’aménagement du territoire ?

M. Joël Giraud. Je ferai deux brèves remarques. La première concerne la production de logements sociaux dans les zones rurales où, la plupart du temps, le seul opérateur en la matière est un office public départemental dont les moyens sont extrêmement limités. Dans ces zones, les communes souhaitant intensifier la production de logement social se heurtent à l’absence d’opérateurs. La situation prend parfois une tournure dramatique dans les zones rurales de montagne où ces difficultés se cumulent avec le prix du foncier qui est inaccessible. C’est un problème sur lequel il faut se pencher sérieusement.

Par ailleurs, les allocations de logement ont pour assiette le loyer. Or il arrive, dans les départements les plus froids et pour peu que les HLM soient anciens, donc mal isolés, que les charges atteignent 900 euros par mois pour un loyer de 100 euros. Dans certaines communes, un tiers de la population vivant dans des logements sociaux se retrouve donc en commission de surendettement pour non-paiement des charges. Il est temps de se pencher sur la situation de ces familles.

M. François Sauvadet. Nous avons surtout hâte d’entendre Mme la ministre nous exposer les grands axes de sa politique avant de lui poser des questions sur les conditions dans lesquelles elle va appliquer celle-ci.

Quel est, madame la ministre, l’avenir du plan de rénovation urbaine qui nécessitera des moyens ? Quelles sont vos ambitions pour les mois qui viennent ? Comment appréhendez-vous la question de la complexité du droit de l’urbanisme ? De nombreuses communes, y compris en milieu rural, n’ont pas de documents d’urbanisme, et sont donc soumises au droit commun. Comment voyez-vous les choses ? Privilégiez-vous plutôt la contrainte ou la pédagogie ?

Par ailleurs, certains conseils généraux de territoires ruraux se trouvent aujourd’hui désarmés. Ils auraient en effet besoin de logements sociaux locatifs, mais les aides à la pierre sont plutôt dirigées vers les zones urbaines. Quelle est votre approche de cette question qui est loin d’être anecdotique ?

Enfin, les maires sont complètement désemparés face à tous ces biens sans propriétaires clairement identifiés, qui sont en état de péril et présentent un risque relatif. Quelle réponse pouvez-vous apporter à ce problème, madame la ministre ?

Pour conclure, j’espère que nous aurons l’occasion de parler de l’équilibre des territoires, car je voudrais savoir comment vous voyez le développement de ces derniers compte tenu de l’abandon des perspectives de construction d’infrastructures. Je serais très intéressé d’entendre la voix du Gouvernement sur ces sujets.

M. le président François Brottes. J’indique au passage à Mme la ministre que nous la réinviterons et que si elle ne peut aujourd’hui répondre à toutes les questions, nous la pardonnerons pour cette fois !

Mme Laure de La Raudière. Mon intervention concerne l’égalité des territoires. La dotation globale de fonctionnement est quatre fois moins importante dans un territoire rural que dans une agglomération. Or, nos territoires ruraux doivent faire face à l’arrivée de personnes qui quittent les villes sous la pression du prix du logement, mais qui continuent à travailler dans les agglomérations. Il faut que les communes rurales disposent des moyens nécessaires pour financer les services dont ont besoin ces nouveaux habitants. C’est un problème auquel nous devons réfléchir.

Mme Annick Lepetit. Certains de nos collègues, soucieux de se mettre immédiatement au travail, ont trouvé curieux que nous commencions par abroger une loi. Je leur rappelle que, ces dix dernières années, nous avons voté huit lois, dont la plupart émanaient d’ailleurs du Gouvernement, et que nous traversons une crise du logement quasiment sans précédent.

Lors de l’examen de ces projets de loi ou à l’occasion des questions au Gouvernement, nous n’avons cessé de nous opposer sur les chiffres relatifs à la programmation et à la construction de logements, ce qui est extrêmement troublant pour nos concitoyens et nuit à leur information. Le Président de la République s’étant engagé à faire construire massivement des logements accessibles à tous, il faut que nous ayons les mêmes curseurs. Je souhaite donc, madame la ministre, que vous demandiez à vos services de nous fournir les chiffres relatifs aux écarts qui pourraient exister entre la programmation et la construction effective des logements sociaux. Ces outils ne doivent pas rester entre les mains d’experts. Ils doivent au contraire pouvoir être utilisés par les parlementaires et par tous les acteurs du logement.

M. Antoine Herth. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la façon dont vous comptez affirmer votre sensibilité environnementale dans vos fonctions ministérielles, et en particulier sur l’objectif de réduire la consommation de foncier au travers de la construction des différentes infrastructures que nous produisons depuis maintenant des décennies. C’est ainsi l’équivalent de la surface d’un département qui, tous les dix ans, disparaît sous le béton. Nous avons bien compris que la majorité parlementaire avait choisi de vous empêcher d’utiliser l’outil du coefficient d’occupation des sols. Si l’on ne peut jouer sur la hauteur pour produire plus de logements, c’est en largeur qu’il faudra trouver la solution. Comment comptez-vous atteindre ces objectifs qui semblent difficilement conciliables ?

Mme Frédérique Massat. Ne serait-il pas possible, madame la ministre, d’étendre aux petites villes de nos territoires ruraux le champ d’application de la taxe sur les logements vacants, actuellement réservée aux grandes agglomérations, et de « muscler » cette taxe pour la rendre plus dissuasive ?

Prévoyez-vous des dispositifs pour réduire la rétention foncière et éviter la spéculation ?

Vous avez récemment évoqué le dispositif législatif que vous souhaiteriez pour régir les ventes à la découpe, mais j’aimerais aussi avoir des précisions sur vos projets concernant l’habitat écologique.

M. Philippe Le Ray. En matière de logement, l’une de nos principales préoccupations est généralement de permettre à chacun de loger au plus près de son lieu de travail. Or, dans ma circonscription du Morbihan, qui connaît de réelles difficultés économiques, nous attendons depuis plusieurs années la mise en place d’un SCOT ; de surcroît, un seul PLU a été institué en cinq ans. Les raisons de ces blocages sont connues - la loi littoral, la proximité du rivage, Natura 2000, pour aller à l’essentiel – et les conséquences le sont également : l’envolée des prix du foncier et la « secondarisation » de certains secteurs. Jeunes et foyers modestes se replient vers les territoires rétro-littoraux, ce qui est lourd de conséquences pour les communes concernées.

La solution réside bien entendu dans la maîtrise foncière. Or, si les outils existent - beaucoup de communes ont de fait institué des zones d’aménagement concerté (ZAC) - le prix d’acquisition des terrains constitue souvent le principal obstacle. Comment aider les bailleurs sociaux – dont la situation financière est souvent fragile - à investir dans ces communes, elles aussi fréquemment impécunieuses ? Afin d’accroitre le niveau de fonds propres des communes et communautés de communes concernées, qui n’ont pas toujours anticipé l’explosion des prix qui a débuté il y a à peine dix ans, ne pourrait-on envisager de leur attribuer directement une part accrue de droits de mutation, sans faire intervenir la solidarité départementale ou nationale ?

Mme Clotilde Valter. Je reviendrai brièvement, madame la ministre, sur des questions ayant déjà été évoquées : quelles suites entendez-vous apporter au programme ANRU ? Quelle sera la répartition géographique des aides, étant rappelé qu’au cours de la période récente, des villes moyennes ont perdu la possibilité d’être aidées pour la réalisation de programmes de logements sociaux ? Il est frappant de constater que, dans les zones rurales - peu peuplées mais qui expriment des besoins importants en matière de logements sociaux -, il est parfois difficile de trouver des opérateurs.

M. Daniel Fasquelle. Madame Duflot, vous êtes ministre de l’égalité des territoires et du logement. S’agissant du premier volet de vos attributions, je suis en quête de votre soutien. En effet, M. Manuel Valls a évoqué la possibilité de supprimer des sous-préfectures, dont on connaît pourtant le rôle essentiel dans les territoires ruraux. La dotation globale de fonctionnement (DGF) étant insuffisante, de même que les ressources en ingénierie, les élus de ces territoires ont tendance à s’appuyer sur le sous-préfet, la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) et l’administration d’État. Il serait extrêmement dangereux de supprimer certaines sous-préfectures ou d’affaiblir l’administration d’État, en particulier lorsque la commune n’appartient pas à une communauté d’agglomération, une communauté urbaine ou une communauté de communes, et n’est, de ce fait, pas en mesure de collecter des fonds. Dans ma circonscription, un pôle d’excellence rurale a bâti deux dossiers grâce au concours du sous-préfet. C’est un sujet extrêmement important, qui dépasse les clivages partisans. Aussi souhaité-je tirer la sonnette d’alarme.

Par ailleurs, s’il est primordial de construire des logements sociaux, il faut également veiller à les utiliser à bon escient. Certaines personnes dotées de faibles revenus emménagent dans des logements sociaux puis y demeurent lorsque leurs revenus augmentent ; de même, des familles nombreuses obtiennent de grands appartements, puis, après quelques années, une ou deux personnes seulement continuent à les occuper tandis que d’autres familles en auraient besoin. Que peut-on faire pour accélérer le taux de rotation dans le parc locatif ?

Mme Audrey Linkenheld. Le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé la tenue, à l’automne prochain, d’une grande conférence sur l’exclusion et la pauvreté, avec un volet consacré au logement. En tant qu’élue de la deuxième circonscription du Nord, dont le territoire est en proie à des difficultés économiques notables, je me félicite non seulement de l’organisation de cette conférence mais également de la méthode proposée, qui est celle du dialogue et de la concertation. Madame la ministre, quelle sera l’articulation entre cette conférence, qui devrait se concentrer sur le logement des plus démunis, et les autres outils, déjà évoqués, permettant de faire face à la crise du logement, tels que le foncier, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), les aides financières, l’encadrement des loyers… ? Il faut insister sur le fait que cette crise, loin de toucher seulement les plus démunis d’entre nous, concerne l’ensemble des catégories sociales et des générations.

M. David Habib. Madame la ministre, votre objectif - bâtir 150 000 logements sociaux par an - est ambitieux et nécessaire, et ne sera atteint que si la Caisse des dépôts et consignations et ses opérateurs jouent le jeu, à commencer par le premier bailleur du pays, la Société nationale immobilière (SNI). À cet égard, je souhaite dénoncer un mécanisme vicieux, amoral et coûteux pour les finances publiques auquel recourt ou, du moins, a recouru pendant cinq ans, cet organisme. Voici de quoi il retourne : la Caisse des dépôts transfère d’une filiale à l’autre son patrimoine amorti, qui est racheté, après emprunt, par la seconde filiale, qui se tourne ensuite vers l’État et les collectivités locales pour mobiliser des crédits ANRU, dans le cas d’une démolition, ou des crédits ANAH, dans le cas d’une rénovation, pour couvrir le capital restant dû. Chez moi, la société ICADE dispose d’un patrimoine amorti, cède ce patrimoine à la SNI, puis contracte un emprunt, encaisse des loyers et se tourne après deux ou trois ans vers l’État et les collectivités locales, à hauteur du capital restant dû, pour réhabiliter ou déconstruire ledit patrimoine.

Ce mécanisme n’est pas anecdotique. Il n’est pas propre aux communes historiques de la Caisse, comme le sont ma ville, Mourenx, dans les Pyrénées-Atlantiques, ou Sarcelles, dans le Val-d’Oise. Pour m’être opposé à ce mécanisme, pour l’avoir dénoncé dans un bulletin municipal, j’ai été assigné à trois reprises devant le tribunal correctionnel de Pau, pour diffamation, par M. André Yché, président de la SNI. J’ai été relaxé le 10 mai dernier et la SNI a été condamnée. L’État et la délégation de l’ANRU s’étaient élevés, à l’époque pour dénoncer ce mécanisme. Je veux d’ailleurs rendre hommage à MM. Borloo et Le Bouillonnec qui se sont associés, à titre de témoins, à la dénonciation de cette anomalie – l’assignation d’un parlementaire, qui plus est, à l’époque, de l’opposition, devant le tribunal correctionnel, par un opérateur public.

Le président Yché a affirmé aux organisations syndicales qu’il vous avait demandé un rendez-vous, se faisant fort d’obtenir de votre part la même confiance que celle qu’il avait pu obtenir du Président de la République sortant. Je ne demande pas, madame la ministre, un changement à la tête de la SNI, mais à tout le moins une moralisation des pratiques de ce bailleur social, qui est, je le répète, le premier du pays. Je souhaite également que soit dressé un bilan de la rénovation urbaine au regard de ces pratiques de monopoly financier.

M. Alain Marc. Je souhaiterais évoquer la situation des communes rurales, qui disposent de plusieurs outils : les offices publics de l’habitat (OPH) et entreprises sociales pour l’habitat (ESH). Dans certains cas, les ESH ont un taux de vacance qui augmente malgré la qualité des appartements. En ma qualité de président bénévole d’une ESH, je puis vous dire que nous subissons des pénalités si nous ne produisons pas suffisamment de logements locatifs. Vous conviendrez de l’absurdité du système : nous payons des pénalités alors que le taux de vacance s’accroît.

Par ailleurs, je souhaiterais, non pas que l’on revoie la loi « montagne » proprement dite, mais ses modalités d’application, qui varient d’un endroit à l’autre en fonction de l’appréciation de chaque direction départementale des territoires (DDT). Prenons le cas d’un jeune agriculteur souhaitant reprendre à son compte une exploitation et bâtir une maison : la loi « montagne » ne précise pas la distance minimale à respecter entre cette maison et les bâtiments d’élevage, mais indique seulement que l’un et l’autre doivent être « liés ». Selon les territoires, cette distance est de 80, 100, 120 mètres… Certaines DDT, de manière quelque peu rigide, ont bâti leur propre doctrine. Mon inquiétude est renforcée par l’hypothèse qui a été évoquée de la suppression de certaines sous-préfectures : en effet, dans ma circonscription, le sous-préfet a toujours joué un rôle de médiateur et a permis de trouver des solutions intelligentes en faveur de l’emploi. Il faut mesurer la chance que constitue la reprise d’une exploitation, en particulier sur un territoire isolé, par un jeune agriculteur qui souhaite fonder une famille et éviter à tout prix de décourager ce type de projets !

M. le président François Brottes. Je rappelle qu’à l’époque le législateur n’avait pas souhaité que l’on inscrive le métrage dans la loi, puisque cela relevait plutôt de la décision départementale.

Mme Pascale Got. Un certain nombre de programmes immobiliers comprenant du logement social font l’objet de recours contentieux. Les délais de traitement de ces affaires devant les tribunaux sont longs et entravent la construction de logements sociaux pourtant indispensables. Ne pourrait-on pas envisager que ces dossiers puissent être jugés en priorité et que les condamnations pécuniaires liées aux recours abusifs soient relevées ?

Par ailleurs, les modifications des PLU sont désormais soumises à une délibération préalable et à une délibération de clôture, ce qui est source de difficultés pour les collectivités locales. Je rappelle que l’ancien texte ne prévoyait pas de délibération préalable. Que suggérez-vous, madame la ministre, pour faire face à cette difficulté ?

M. Frédéric Roig. Madame la ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur les difficultés rencontrées par les intercommunalités sur le plan de l’aménagement en matière économique, et sur la nécessité de lier, comme le réclament les chambres consulaires, les zones d’activité économique et le logement, singulièrement du point de vue de la mobilité. Trop peu d’opérations d’aménagement économique, en effet, prennent en compte la question du logement.

L’une des origines de ce problème tient à la complexité de mise en œuvre des SCOT, qui se heurte à des procédures telles Natura 2000 ou les zones importantes pour la conservation des oiseaux (ZICO). De fait, il est urgent d’alléger les procédures d’application des SCOT, afin de permettre aux intercommunalités de traiter les questions liées au logement et à l’économie ; cela permettra en particulier de faciliter le logement des jeunes, qui connaissent des difficultés en termes de mobilité. Madame la ministre, quels dispositifs envisagez-vous de mettre en place à cette fin à court et à moyen terme ?

M. Dino Cinieri. Madame la ministre, comment l’État peut-il faciliter l’accession à la propriété des locataires de logements sociaux ? J’ai été maire de Firminy, ville de 17 000 habitants qui, pour 47 % d’entre eux, habitent des logements sociaux. J’ai souvent entendu les locataires me dire : la somme des loyers versés depuis vingt ou trente ans devrait nous permettre d’être propriétaires de notre appartement. Il faut concilier le principe de mixité sociale et le bien-vivre ensemble : lorsque les habitants sont propriétaires de leur logement, le quartier s’en trouve grandement sécurisé.

M. Fabrice Verdier. Le problème de la rétention foncière a déjà été évoqué. Est-il envisagé d’adapter la fiscalité pour libérer davantage de terrains ? Je suis le maire d’une petite commune rurale où l’élaboration du plan local d’urbanisme a pris trois ans et j’ai pu m’apercevoir que les gens préféraient garder patiemment leurs terrains, de sorte que le PLU est sans effet. Pendant ce temps, des jeunes et des moins jeunes quittent la commune, faute de terrains disponibles.

M. le président François Brottes. Voilà une excellente question !

Mme Marie-Lou Marcel. Madame la ministre, vous avez évoqué un prochain projet de loi sur le logement, visant notamment à améliorer les rapports entre locataires et propriétaires. Nous avons déjà examiné l’an dernier un texte un peu « fourre-tout » sur le droit des consommateurs. Comment seront prises en compte, dans ce texte, les demandes abusives de certains bailleurs à l’égard des locataires ? Vous avez également évoqué une réflexion approfondie sur le recyclage des matériaux de construction à travers la filière « éco-matériaux », en particulier la filière bois, très importante dans le département de l’Aveyron. Quelle est votre approche en la matière ?

Mme Jacqueline Maquet. La précédente majorité avait fait le choix de taxer une série de secteurs économiques, quitte à pratiquer une politique socialement injuste, notamment en ce qui concerne le logement social. Alors que ce domaine est une prérogative de l’État, et que l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) devait être financée par la solidarité nationale, on a vu apparaître en 2011 un prélèvement sur le potentiel financier des bailleurs sociaux. Ce prélèvement consiste en une ponction sur les fonds propres de ces bailleurs correspondant à une taxe supplémentaire infligée en réalité, non pas seulement aux organismes du logement social, mais d’abord et surtout aux locataires de logements sociaux, qui ne sont pas parmi les plus nantis. Si la suppression pure et simple de ce dispositif n’est pas possible dans une période de ressources limitées, nous devons néanmoins faire des choix guidés par la justice sociale. Il serait donc souhaitable de revenir dès à présent sur le mode de calcul de ce prélèvement que je vous propose d’asseoir sur la moyenne de cinq années glissantes du chiffre d’affaires des organismes de logement social et dont le taux plafond serait identique pour tous et n’excéderait pas l’indice de référence des loyers (IRL) du troisième trimestre de l’année. Appliqué de manière équitable, le nouveau calcul permettrait de préserver le produit de la contribution pour les caisses de l’État, et de diminuer la pression sur les organismes publics qui contribuent le plus au développement du logement social dans notre pays. J’ajoute que nous pourrions prendre l’engagement de limiter dans le temps cette contribution, c’est-à-dire jusqu’à la fin du mandat de l’ANRU.

M. le président François Brottes. Avant de donner la parole à M. Serge Letchimy, je veux rappeler à nos nouveaux collègues qu’il nous a fait vivre ici-même, sous la précédente législature, un véritable moment de grâce, avec le vote à l’unanimité de sa proposition de loi sur le logement insalubre.

M. Serge Letchimy. Je voudrais attirer l’attention de la ministre sur deux problématiques d’ordre hexagonal-national, si je peux m’exprimer ainsi. D’une part, la question de la copropriété, sous l’angle de la transparence, de la gestion et de l’efficacité. C’est un vrai problème, tant en Outre-mer qu’en métropole. D’autre part, il y a la question de l’introduction des Comités interprofessionnels du logement (CIL) dans la gouvernance des sociétés HLM. Ce problème nous concerne tous mais il est particulièrement important dans les Outre-mer puisqu’on demande aux sociétés HLM qui ont des CIL de se regrouper avec des CIL situés à plus de sept mille kilomètres. Une dernière question : comptez-vous mettre en œuvre, en coordination avec le ministère des Outre-mer, un plan spécifique pour le logement et l’habitat dans les Outre-mer ?

M. Yves Blein. Je voudrais savoir si la piste un moment évoquée de différencier les durées d’amortissement du foncier par rapport aux durées d’amortissement du bâti sera creusée afin d’alléger la charge foncière par rapport aux réalisations immobilières.

M. Daniel Goldberg. J’évoquerai tout d’abord les possibilités de contrôle parlementaire sur les agences de l’État. Je pense notamment à l’ANRU, dont il a été question, et à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Si l’on peut avoir un point de vue positif sur le rôle de ces agences, le contrôle exercé par le Parlement est plutôt faible, qu’il s’agisse de l’utilisation des ressources mais aussi de la conduite des politiques publiques. Nous avions déjà fait ce constat sous la précédente législature. Une réflexion sur les moyens d’améliorer le contrôle pourrait être menée par le ministère, avec le concours des membres intéressés de notre commission.

Par ailleurs, au sujet de la décision que vous avez déjà prise, et que la nouvelle majorité soutient, de contrôle des loyers au moment de la relocation, je vous avais alerté sur le problème de la location des meublés. Le décret que vous avez annoncé s’appuie sur la loi de 1989 qui ne vise pas les logements de type « meublés ». Cette catégorie de logements ne pourra donc pas être intégrée dans le dispositif en préparation, ce qui fait courir le risque d’une transformation en meublés des logements mis sur le marché locatif.

M. Dominique Potier. Je voudrais attirer l’attention de la ministre sur deux freins en matière de gouvernance locale de la gestion de l’espace. D’une part, la persistance du fait communal alors même que l’ensemble des politiques et des compétences sont exercées à l’échelon intercommunal. Est-ce un tabou de remettre en cause la gestion de l’urbanisme à l’échelle communale ? Par ailleurs, au sujet des schémas de cohérence territoriale (SCOT), la dissociation des périmètres de planification et de gestion pose un vrai problème. Peut-on planifier l’espace sans partager les ressources et les charges ? En matière de financement, j’observe que des agglomérations sont à la peine et que des espaces ruraux de seconde couronne sont également en souffrance, tandis que dans les espaces périurbains, persistent des logiques de spéculation et de plus-value. N’y a-t-il pas des niches de fiscalité nouvelle à explorer, vertueuses pour la gestion du foncier, qui pourraient alimenter un fonds de maîtrise publique foncière et immobilière, de moyen et de long terme, et permettre ainsi de mener des politiques de rénovation urbaine et de dynamisation de la pierre pour les bailleurs sociaux sur l’ensemble du territoire ?

M. le président François Brottes. Je rappelle que rien n’empêche les intercommunalités de prendre la compétence de l’urbanisme si elles le souhaitent.

M. Jean-Luc Laurent. La construction de logements est en recul, les signes ne sont plus avant-coureurs mais bien réels. Dans ce domaine, nous savons que l’intervention publique est importante et que la matière première reste le foncier. De ce point de vue, j’ai entendu le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale, annoncer un plan de mobilisation du foncier, avec la mise à disposition gratuite de terrains de l’État. Pouvez-vous nous en dire davantage sur le calendrier de mise en œuvre de ce plan de mobilisation ? Des contreparties sont-elles envisagées ? Il me semble qu’elles sont nécessaires, en termes de logements sociaux bien entendu, mais également en termes de typologie, de sorte qu’on puisse agir sur les deux leviers de la mixité dans les villes. En écho à la proposition de loi que nous venons d’examiner, je considère que nous avons besoin d’une vraie loi foncière qui permette de sortir de la logique de la valeur future d’un bien dans la perspective d’une transaction immobilière, au profit de la valeur vénale ou valeur d’usage, au moment, voire avant la réalisation de la transaction. Quels dispositifs préconisez-vous donc pour libérer le foncier ?

M. François Pupponi. Pour revenir sur l’ANRU, nous avons besoin de savoir très vite comment terminer la rénovation qui a été engagée dans certains quartiers. On ne peut pas laisser, dans les villes emblématiques de la politique de la ville, une moitié rénovée et l’autre moitié à l’abandon, les habitants ne le comprendraient pas. Je rappelle la règle législative selon laquelle aucun financement de l’État ne peut intervenir dans les zones urbaines sensibles (ZUS) s’il ne passe pas par l’ANRU. En l’état, on ne peut donc pas réhabiliter une école située dans une ZUS avec des financements de l’État si l’ANRU ne finance pas le projet. Si l’ANRU n’est plus en mesure de financer, il n’y a donc pas d’autres financements disponibles. Nous nous devons donc de trouver une solution, à travers un nouveau plan de rénovation urbaine. Bien que nous ayons tous salué le travail réalisé par cette agence, je souhaite pointer trois effets pervers de l’ANRU, sous sa forme actuelle. Tout d’abord, les logements sociaux étant réhabilités, les maisons de ville des centres anciens sont livrées aux marchands de sommeil. Ensuite, l’Association Foncière Logement (AFL), en ne réalisant pas les logements promis dans le cadre de l’ANRU, bloque des terrains pour trois, quatre, cinq, dix ans ! Des terrains sont ainsi gelés au sein de quartiers par ailleurs rénovés, pour une durée non définie. Enfin, nous devons collectivement nous poser la question de l’attitude des bailleurs sociaux. Au-delà de ce qu’a dit notre collègue David Habib, que je soutiens totalement, l’ANRU a d’abord été pour certains bailleurs une machine à gagner de l’argent et à augmenter les loyers et les charges. Le comportement de certains bailleurs sociaux - je ne parle pas des organismes HLM - est tout simplement honteux, notamment en Île-de-France. En ce qui concerne la gestion urbaine de proximité, ces organismes ne répondent plus aux demandes des locataires.

M. le président François Brottes. M. Philippe Kemel conclura cette série de vingt-huit intervenants !

M. Philippe Kemel. Dans le prolongement de ce que notre collègue François Pupponi vient d’évoquer, mon intervention portera sur le logement indigne. Dans l’ensemble des villes, des logements sont découpés en appartements, sans déclaration d’urbanisme permettant d’assurer un certain suivi. En outre, lorsque les logements en question sont identifiés, la procédure de repérage est interrompue en cas de changement de locataire. La ville de Roubaix a mis en place un dispositif de déclaration obligatoire du bail dans ce type de logements, qu’il serait souhaitable d’évaluer et le cas échéant de généraliser à l’ensemble du territoire.

M. le président François Brottes. Avant qu’elle ne commence à aborder les très nombreuses questions qui lui ont été posées, je voudrais dire à madame la ministre qu’elle se sente à l’aise pour répondre dans la mesure où nous nous ferons de toute façon une joie de la réinviter à la rentrée…

Mme la ministre. À vos côtés, Monsieur le Président, je suis toujours parfaitement à l’aise ! Je veux d’abord tous vous remercier, au terme de cette audition impromptue, pour l’intérêt que vous portez aux sujets qui relèvent de mon ministère. Je formule le souhait que nous travaillions au cours des prochains mois dans la plus grande concertation. Mme Annick Lepetit a opportunément rappelé toutes ces lois votées parce qu’un ministre pensait avoir trouvé une solution magique et qui sont restées inappliquées, parce qu’elles étaient votées trop rapidement et s’avéraient en fait souvent inapplicables. La réglementation en matière d’urbanisme, y compris d’urbanisme commercial, mérite d’être débattue et discutée pour être opérationnelle.

Le dispositif que nous avons mis en place pour l’encadrement des loyers part du constat d’une véritable explosion des prix à la relocation, - plus de 40 % d’augmentation en cinq ans dans Paris et la proche couronne -, avec pour résultat aujourd’hui des montants insupportables. Nous avons poursuivi en cela la démarche entreprise par M. Benoist Apparu sous la précédente législature, visant à plafonner les loyers des petites surfaces à 40 euros le m², mesure à l’efficacité relative puisqu’elle a eu pour effet immédiat une fixation des loyers à 39,95 euros le m2... L’intervention de la puissance publique dans la régulation des loyers m’apparaît indispensable. Le décret en préparation constitue une mesure d’urgence qui s’appuie sur la loi du 6 juillet 1989, et sera valable pendant un an. Mais, comme l’a souligné M. Daniel Goldberg, ce décret ne pourra s’appliquer aux logements de type « meublés ». Peu de monde pensait que nous parviendrions à adopter un tel dispositif, applicable à compter du 1er août, mais nous l’avons fait ! Je ferai d’ailleurs une communication en conseil des ministres à ce sujet demain matin. D’ici mars-avril 2013, dans le cadre de la refonte de la loi de 1989, et en nous appuyant sur toutes les études qui ont déjà été menées pour pointer les comportements abusifs de certains bailleurs, nous mettrons en place un dispositif qui s’appliquera à l’ensemble des territoires ainsi qu’aux différents types de baux, y compris ceux applicables aux meublés. Nous n’entendons pas bloquer les loyers mais les réguler et donc freiner leur augmentation, à l’image de ce qui a été fait en Allemagne. À titre de comparaison, le prix moyen des loyers à Munich, qui est la ville la plus chère d’Allemagne, est de 9 euros, contre 23 euros à Paris… L’objectif est de faire en sorte que le dispositif permette même, dans certaines zones, une diminution du montant des loyers. Selon les éléments dont nous disposons, le taux de rentabilité des loyers perçus par certains propriétaires par rapport au remboursement du prêt pour l’acquisition du bien loué, est de plus de 70 %. Cette situation encourage l’explosion des prix, sans permettre d’enrayer la crise du logement, comme M. Jean-Luc Laurent l’a justement souligné. La fédération française du bâtiment évalue ainsi à 35 000 les pertes d’emplois dans le secteur, d’ici la fin de l’année, et s’inquiète des perspectives pour 2013. Notre réponse doit donc consister à stabiliser le secteur, tout en dégageant un périmètre d’intervention et des moyens de financement pour le logement social et le logement privé. C’est ainsi que nous rétablirons la confiance et inciterons les opérateurs à investir dans la construction de logements, tant dans le parc privé que dans le parc public.

Beaucoup d’entre vous ont évoqué la question du foncier, notamment M. Germinal Peiro. Je tiens à vous assurer de la très forte détermination du Gouvernement dans ce domaine. Des dispositifs fiscaux permettront de lutter contre la rétention foncière, notamment pour les terrains constructibles privés. Actuellement, l’intérêt des propriétaires est de garder ces terrains le plus longtemps possible, et il est nécessaire d’inverser cette logique. Dans le même temps, plusieurs outils seront mobilisés tels que les baux emphytéotiques ou un système de décote adapté pour le foncier public, en insistant sur la contractualisation. Nous devons également travailler à la construction de logements sociaux, y compris très sociaux, en établissant notamment une typologie de ces logements pour répondre aux besoins différenciés des territoires.

Ces orientations correspondent à la volonté affirmée par le Président de la République, reprise par le Premier ministre dans son discours de politique générale et elles seront mises en place. Plusieurs questions ont porté sur un sujet important, rendu public dans la presse, à savoir le rôle d’Action Logement et de l’actionnariat des entreprises sociales pour l'habitat (ESH). Il s’agit en effet d’une question pendante, pour l’heure non arbitrée, qui porte sur la budgétisation du 1 % logement. Je considère absolument indispensable que nous disposions des moyens nécessaires à la réalisation de l’objectif de 500 000 nouveaux logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Cela implique la mobilisation de tous les financements existants, dont les financements du 1 % qui permettent d’équilibrer les opérations, en particulier dans les zones tendues, et dont le montant est égal, voire supérieur, aux aides à la pierre de l’État et des collectivités locales.

Le doublement du plafond du livret A est un autre sujet en discussion. Je souhaite indiquer que, si une partie des possibilités de prêts de la Caisse des dépôts n’est pas aujourd’hui consommée par les opérateurs, c’est parce que les taux ou les types de financement proposés ne permettent souvent pas l’équilibre des opérations. L’augmentation des financements disponibles permettrait à la Caisse des dépôts de proposer aux collectivités locales des prêts plus intéressants. Je pense notamment à des « super » Prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) qui seraient adaptés en zones très denses avec, à la clef, des loyers d’un niveau inférieur à ceux des PLAI actuels qui ne sont pas supportables pour une partie de la population, par exemple en cas de sortie de logement insalubre dans certaines zones spécifiques. Outre le fait que les loyers PLAI s’avèrent inaccessibles pour certaines familles, il y a aujourd’hui 30 000 demandeurs de logement au titre de la loi DALO (droit au logement opposable) qui ne sont pas en situation de bénéficier d’un logement. Il y a par ailleurs plus d’un million de demandeurs de logement sociaux en attente sur l’ensemble du territoire français. On le voit, les situations sont en lien les unes avec les autres et tous les leviers doivent être mobilisés pour atteindre l’objectif fixé.

En matière de droit de l’urbanisme, mon objectif est de promouvoir clarification et simplification. L’idée de différencier les règles en fonction de la taille de la collectivité locale me parait difficile à appliquer car les initiatives en ce sens ont montré leurs limites, comme cela a été souligné pour l’application des dispositions de la loi « montagne ». Ce type de dispositif requiert, a minima, la possibilité d’un recours pour les collectivités concernées sur les différences d’application des dispositions réglementaires et la mise en place d’une instance de médiation. Mais, comme cela a été souligné pour le logement social en milieu rural, - c’est également le cas en outre-mer et nous travaillons étroitement avec le ministre M. Victorin Lurel -, il est nécessaire d’avoir une grande proximité entre les opérateurs et les lieux de construction.

En ce qui concerne d’une part la question du logement dégradé en zone rurale et d’autre part celle de la consommation de l’espace rural, je voudrais rappeler que la densité n’est pas réductible à la hauteur et insister sur la nécessité de travailler sur une forme de densité qui laisse subsister de l’espace pour satisfaire les demandes des citoyens. Ces derniers souhaitent en effet à la fois une appropriation personnelle du logement et l’accès à des services publics et aux commerces, il convient donc de lier ces différentes préoccupations, comme cela a d’ailleurs été fait chez certains de nos voisins.

S’agissant du montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et de l’équilibre entre zones rurales et zones urbaines, il s’agit d’une question à la fois récurrente et quelque peu insaisissable. À titre d’exemple, le Président des communautés urbaines m’a indiqué ce matin même qu’il existe une véritable iniquité, dans la mesure où les habitants des zones rurales sont plus favorisés que ceux des zones urbaines et que, in fine, la répartition de la DGF est plus favorable aux zones rurales. Il convient donc d’apporter des éléments objectifs pour éclairer ce débat, notamment en matière de péréquation horizontale et verticale.

La répartition des aides à la pierre et l’avenir du plan de rénovation urbaine sont des sujets liés puisqu’il y a débat sur les capacités financières de l’État à mener à bien ces deux projets. Il est tout d’abord nécessaire de mobiliser des aides à la pierre significatives du côté des collectivités locales mais surtout de l’État et il est indispensable de les flécher pour qu’elles répondent exactement aux besoins. En ce qui concerne l’ANRU, il manque environ 7 milliards d’euros pour mener à bien le premier projet de rénovation urbaine (PNRU1), mais la possibilité d’une nouvelle étape de la rénovation urbaine ne doit pas être négligée. Chacun est conscient de la nécessité de poursuivre ce projet et de ne pas laisser certains quartiers au milieu du gué mais aussi de la nécessité d’être plus sélectif dans les opérations de démolition-reconstruction, dont certaines ont été extrêmement consommatrices d’argent public pour une efficacité relative. Il y a une véritable réflexion à conduire autour des notions de rénovation, de démolition-reconstruction et d’intervention dans le parc social.

Je reprends à mon compte l’idée de « muscler » la taxe sur les logements vacants, dont le nombre varie entre 1 et 2 millions. Parallèlement à l’objectif de construction de nouveaux logements, la possibilité de récupérer même 5 % de ce parc de logements vacants représente une perspective importante. Cette taxe constitue un véritable sujet au regard notamment du phénomène des « dents creuses » en milieu rural, qui participe à la détérioration de l’habitat de centre-ville alors même que des opérations de lotissements sont mises en œuvre à proximité. On aboutit ainsi à la coexistence de constructions neuves, qui ne sont pas toujours de très grande qualité et d’un patrimoine ancien en centre-bourg qui se dégrade. Il est donc nécessaire de réfléchir au périmètre de la taxe sur les logements vacants ainsi qu’aux modalités d’attribution de ses ressources à la rénovation du parc de logements et à sa mise en location, dans le cadre de dispositifs du type « louer solidaire » ou « solibail » qui ont montré leur efficacité et qui permettent de créer du parc social dans les zones rurales qui en ont besoin. Par ailleurs, nous avons la ferme intention, d’ici la fin de l’année comme pour le dispositif sur le foncier public, de relever le seuil de logements sociaux imposé par la loi SRU de 20 % à 25 %, de quintupler les pénalités et de supprimer l’article 57, afin de ne plus donner la possibilité aux intercommunalités de réaffecter aux communes qui ont acquitté la contribution à la solidarité le fruit de cette même taxe, sans qu’il y ait de démarche de construction de logements sociaux. Je vais également faire étudier par les préfets la possibilité d’intervenir dans les communes qui ont des programmes de construction depuis plus de dix ans et qui n’ont pas répondu à leurs obligations découlant de la loi SRU. Ces situations vont bien au-delà du constat de carence et relèvent d’une volonté délibérée de ne pas répondre à l’obligation légale qui pèse sur l’ensemble des communes de plus de 3 500 habitants. L’association « ville et banlieue », dont les responsables sont de sensibilités politiques très diverses, a beaucoup insisté sur ce point, faisant part d’un profond sentiment d’injustice quant à l’application de cette loi.

La question foncière représente une réelle source de préoccupation et il est important de doter les établissements publics fonciers d’une vraie capacité à intervenir en amont, en préparation de projets locaux et communaux qui ont besoin de mûrir. La possibilité de faire bénéficier ces établissements du produit de l’amende pour non application de la loi SRU est une piste de réflexion.

Sur la cartographie des aides, la question du zonage est très importante au regard de la superposition de différents dispositifs qui rendent le paysage assez peu clair. Une des hypothèses sur laquelle nous travaillons, en collaboration avec mon collègue François Lamy, consiste à tendre vers un dispositif unifié dans les domaines aussi bien social qu’urbain afin d’offrir une meilleure lisibilité aux élus locaux.

En ce qui concerne les liens entre la conférence sur l’exclusion et la politique du logement, il se trouve que la question de l’hébergement fait partie du périmètre de mon ministère et que j’ai l’intention d’agir très vite dans ce domaine, sans attendre l’hiver prochain. J’ai confié une mission au préfet Alain Régnier, délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées, afin de proposer, en lien avec les différents intervenants associatifs, un dispositif pérenne qui dépasse la problématique de l’hébergement hivernal, qui va à l’encontre de l’obligation légale d’hébergement.

Je souhaite dire un mot en particulier sur la Société nationale immobilière (SNI). Il y a effectivement un souci avéré et identifié avec cet établissement et nous sommes dans une démarche volontariste visant à ce que ceux qui ont pu profiter, certes en toute légalité, de ce dispositif, soient placés devant un certain nombre de responsabilités. Il n’existait pas, sous l’ancienne majorité, de volonté de résoudre cette question. Cette volonté est désormais bien présente et je suis déterminée à aboutir, sans pour autant méconnaitre les difficultés du dossier. L’argent du logement doit toujours rester celui des locataires et en particulier celui des locataires du parc social. Dès lors, les opérations compliquées qui ont eu cours ne doivent pas se poursuivre et l’on peut s’interroger sur l’apport de la SNI à la politique globale du logement dans notre pays.

S’agissant du SCOT, cet outil, qui a mobilisé beaucoup d’intercommunalité et d’élus locaux autour d’un projet, doit être préservé dans le cadre de la réforme de l’urbanisme. Il s’agit d’un outil à la fois complexe et vulnérable tout au long de sa durée, contrairement au permis de construire ou à tout autre document d’urbanisme. Il convient donc de le doter d’une armature juridique plus solide. La question du périmètre des PLU, comme celle de la compétence en matière d’urbanisme, est également un sujet de débat avec des options très tranchées autour du choix de la bonne formule entre l’incitation, la pédagogie et la coercition.

Je pense que l’on va avoir une vraie difficulté avec les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), dans la mesure où, après la révision générale des politiques publiques (RGPP), les services territoriaux de l’État ne sont plus en mesure de fournir l’ingénierie qu’ils apportaient antérieurement aux communes rurales pour l’instruction des permis ou de projets de centre-bourg. De manière non assumée, les petites communes ont été incitées à s’engager dans des démarches d’intercommunalité, tout en étant privées du recours aux capacités d’ingénierie dont elles pouvaient disposer. Les communes concernées sont totalement désarmées en l’absence d’ingénierie partagée dans un cadre intercommunal souple. En qualité de ministre chargée de l’égalité des territoires, je constate qu’une fracture est en train de s’instaurer entre les collectivités qui sont insérées dans des agglomérations ou des dispositifs intercommunaux, intégrant une grande métropole et bénéficiant de ce fait de l’ingénierie collective, et celles qui sont complètement déconnectées de tout dispositif mutualisé. À travers ce sujet, la question centrale de l’accès au service public et de l’égalité territoriale est posée. Cette situation résulte d’une absence de volonté d’aller plus loin en matière de compétence d’urbanisme. Il s’agit d’un sujet épineux sur lequel j’aurai besoin de l’appui de la représentation nationale pour avancer. Mon ambition ne consiste pas à faire une énième réforme mais davantage à tenter de clarifier le dispositif existant en étroite concertation avec les collectivités locales et non à vouloir décider de tout, sans en avoir véritablement les moyens.

M. le président François Brottes. En commission les applaudissements sont rares et il faut donc les prendre au moment où ils passent. Compte tenu du nombre de projets qui relèvent de votre compétence nous serons amenés à vous auditionner à nouveau sur les réformes à venir.

Mme la ministre. Je n’ai pas évoqué devant vous le plan de rénovation thermique qui a vocation à être abordé lors de la conférence environnementale, il y a encore beaucoup d’autres sujets dont nous pourrons discuter à l’avenir.

◊ ◊

Information relative à la commission

La Commission a nommé :

– Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Joël Giraud et M. Martial Saddier pour siéger au Conseil national pour le développement, l’aménagement et la protection de la montagne, en application de l’article 6 de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.

– M. Razzy Hammadi pour siéger à la Commission d’examen des pratiques commerciales, en application de l’article L. 440-1 du code de commerce.

——fpfp——

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° CE 1 présenté par M. Philippe Armand Martin :

Article 1er

Supprimer cet article.

Amendement n° CE 2 présenté par M. Philippe Armand Martin :

Article 2

Supprimer cet article.

Amendement n° 3 présenté par M. François Pupponi :

Article additionnel après l’article 2

Insérer l’article suivant :

Après le 3ème alinéa du 1° de l’article L. 147-5 du Code de l’urbanisme, insérer l’alinéa suivant :

«  - dans la zone C, des constructions individuelles ou collectives dès lors qu’elles participent d’un desserrement des ménages dans le cadre du renouvellement urbain des communes concernées, dans la limite d'une augmentation du nombre de logements de 0,5 % par an du parc de logements existants. »

Amendement n° 4 présenté par MM. Daniel Fasquelle, Lionel Tardy, Dino Cinieri, Jean-Marie Tetart, Rémi Delatte, Bernard Gérard, Gérard Cherpion, Jean-Pierre Decool, Gérald Darmanin, Fernand Siré, Jérôme Chartier, Marc Le Fur et Alain Gest :

Article 1er

Supprimer cet article.

Amendement n° 5 présenté par M. François Pupponi :

Article additionnel après l’article 2

Insérer l’article suivant :

I. – Les articles L. 2335-3, L. 5214-23-2, L. 5215-35 et L. 5216-8-1 du code général des collectivités territoriales sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« À titre dérogatoire, dans le cadre du rachat groupé des logements de la société Icade, ancienne société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations, les pertes de recettes résultant des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties sont intégralement compensées, quel que soit le type de prêts aidés et de subventions accordés. »

II. – À compter du 1er janvier 2013, la perte de recettes pour les collectivités territoriales sera compensée à due concurrence par la majoration du prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Amendement n° 6 présenté par M. Bernard Gérard, Mme Laure de La Raudiere, MM. Jean-Pierre Decool et Daniel Fasquelle :

Article 1er

Supprimer cet article.

Amendement n° 7 présenté par M. Bernard Gérard, Mme Laure de La Raudiere et M. Jean-Pierre Decool

Article 2

Supprimer cet article.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 17 juillet 2012 à 16 h 15

Présents. - M. Bruno Nestor Azerot, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. Dino Cinieri, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. David Habib, M. Razzy Hammadi, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, Mme Annick Lepetit, M. Philippe Le Ray, M. Serge Letchimy, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Michel Piron, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, M. Frédéric Roig, M. Martial Saddier, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Jean-Michel Couve, M. Franck Reynier

Assistaient également à la réunion. - M. Christophe Caresche, M. Jean-Yves Le Bouillonnec