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Commission des affaires économiques

Mardi 24 juillet 2012

Séance de 16 heures 45

Compte rendu n° 11

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. François Houllier, dont la nomination en qualité de président de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), est envisagée par le Président de la République

– Vote sur la nomination de M. François Houllier

La commission a auditionné M. François Houllier, dont la nomination en qualité de président de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), est envisagée par le Président de la République.

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, notre Commission doit aujourd’hui rendre un avis préalable à la nomination envisagée par le Président de la République de M. François Houllier à la présidence de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Sur les cinquante et une personnalités figurant dans la liste dressée par la loi organique, treize doivent faire l’objet d’un avis de notre commission, ce qui la place au deuxième rang des commissions les plus sollicitées sur le fondement de l’article 13 de la Constitution.

Je vous rappelle que, conformément au dernier alinéa de ce même article, « le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions » compétentes, celle de l’Assemblée nationale et celle du Sénat. Certes, il est arrivé par le passé qu’un candidat à la présidence du Haut conseil des biotechnologies rassemble contre lui la majorité, et même la totalité des voix… mais je ne pense pas que cela puisse être le cas aujourd’hui.

L’audition est publique et donc ouverte à la presse.

Le scrutin, en revanche, est secret et doit avoir lieu sans la présence de la personne auditionnée. Il ne peut donner lieu à délégation et sera effectué par appel public ; des bulletins vous seront distribués à cet effet. Son dépouillement sera assuré par deux scrutateurs, simultanément à l’Assemblée nationale et au Sénat, conformément à l’article 5 modifié de l’ordonnance du 17 novembre 1958, la commission des affaires économiques du Sénat ayant déjà procédé à l’audition de M. Houllier et au vote à bulletin secret le mardi 17 juillet.

Il m’appartiendra ensuite de communiquer le résultat du vote à la présidence de l’Assemblée nationale, puis de vous en informer lors de la prochaine réunion de notre commission.

L’INRA a été fondé en 1946 pour répondre à une exigence sociale qui demeure d’actualité : nourrir la France. Depuis 1984, il est un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la double tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Nous sommes tous très attachés à cet acteur majeur de la recherche française.

L’établissement emploie près de 8 500 agents titulaires, dont 1 837 scientifiques et 2 590 ingénieurs. Il occupe une des premières places mondiales et la première place européenne par ses productions scientifiques dans le domaine de l’agronomie.

L’INRA, ce sont aussi 262 brevets de base déposés en France, 193 logiciels et bases de données, 475 certificats d’obtention végétale actifs, 35 nouvelles licences d’exploitation concédées en 2010 par Agri Obtentions, sa filiale chargée de la valorisation des innovations végétales.

C’est aussi un maillage territorial qui participe à l’aménagement du territoire avec 19 centres en région engagés dans 21 pôles thématiques prioritaires.

L’INRA est par ailleurs engagé dans plusieurs types de partenariats : socio-économiques, académiques, internationaux.

Ses missions sont de trois ordres : produire et diffuser des connaissances scientifiques et des innovations ; contribuer à la formation et à la culture scientifique et technique ; éclairer, par son expertise, les décisions des acteurs publics et privés – mission ô combien importante s’agissant des OGM.

Le budget de l’INRA, en diminution nette en 2012, s’élève à près de 845 millions d’euros, dont 70 % sont consacrés aux charges salariales.

Les ressources de l’Institut proviennent pour 79 % de subventions pour charges de service public, pour 15 % de subventions et soutiens finalisés à l’activité de recherche, et pour 6 % de produits valorisés de l’activité de recherche et prestations de service. Les ressources propres sont en forte croissance. Sur l’exercice 2011, elles proviennent à 65 % des contrats et conventions de recherche.

Monsieur Houllier, quelle stratégie souhaitez-vous pour l’INRA au cours des prochaines années ? Sur quelles priorités thématiques désirez-vous que l’établissement se concentre ?

En 2008, l’INRA a créé INRA-Transfert, filiale qui s’est notamment associée à des acteurs privés pour financer des programmes. Selon vous, cette expérience est-elle concluante ? N’est-elle pas source de conflits d’intérêts ? Nous avons, à de nombreuses reprises, débattu de la mainmise d’un certain nombre de grands opérateurs sur la production de semences. Des conflits d’intérêt de cette nature à l’INRA seraient extrêmement préjudiciables à la recherche française tout comme à l’ensemble du secteur agroalimentaire.

D’autre part, comment fonctionne l’évaluation scientifique à l’INRA ? Quelles conséquences a entraîné la publication, en 2011, par la CGT INRA de l’analyse statistique des premières primes d’excellence scientifique, qui suscitent beaucoup de débats ?

Les députés attendent vos réponses sur ces deux épineuses questions des conflits d’intérêt et des primes d’excellence.

Enfin, quelle part l’INRA compte-t-il prendre à l’avenir dans le processus de réforme de la politique agricole commune (PAC), largement engagé ?

M. François Houllier, candidat à la présidence de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Mesdames, messieurs, je suis très honoré que le Premier ministre envisage de proposer ma nomination au président de la République, et que la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et celui de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt aient préalablement proposé mon nom. Je suis donc très heureux de m’exprimer aujourd’hui devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Ce moment est d’autant plus important que c’est la première fois que cette procédure s’applique pour la nomination du président de l’INRA.

C’est comme scientifique et administrateur de la recherche que je me présente au poste de président de l’Institut national de la recherche agronomique.

J’ai pleinement conscience qu’il s’agit d’un poste à haute responsabilité, tant la recherche et l'innovation ont un rôle déterminant à jouer dans une société de la connaissance. J’ai également conscience que les activités de l'INRA concernent un secteur majeur de l'économie française et, plus généralement, des domaines essentiels pour l'avenir : l’alimentation, l’agriculture et l’environnement.

Je vous rappellerai d’abord mon parcours, puis vous présenterai ma vision de la recherche agronomique au sein du système national de recherche et d’innovation, avant de vous exposer les grandes lignes de l’action que je mènerai si vous m’accordez votre confiance.

J’ai découvert, de l’extérieur puis de l’intérieur, les différentes facettes de l’INRA et la diversité de ses personnels, de ses activités et de ses partenaires, en tant que doctorant, puis comme partenaire extérieur, directeur d'une unité mixte de recherche, chef de département, directeur scientifique et, enfin, directeur général délégué.

Mes activités m’ont conduit à exercer différents métiers – ingénieur, enseignant-chercheur, chercheur, gestionnaire de la recherche – en France et à l'étranger, aux ministères de l'agriculture et des affaires étrangères, dans et avec des universités, des écoles d'ingénieurs et des organismes de recherche – l’INRA, mais aussi le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’Institut de recherche pour le développement (IRD).

J'ai ainsi travaillé avec de nombreux opérateurs français, européens ou internationaux de la sphère académique publique, comme avec des acteurs socio-économiques ou des porteurs d’enjeux publics et privés.

Mes activités ont porté sur la production et la biodiversité des forêts tempérées et tropicales, ainsi que sur la modélisation des plantes. Elles se sont élargies à d'autres domaines : en Inde, où j'ai eu la chance de diriger l'Institut français de Pondichéry, un institut pluridisciplinaire alliant écologie, géomatique, sciences humaines et sociales ; dans un cadre paneuropéen, lorsque j'ai présidé l'Institut forestier européen ; à l'INRA, comme directeur scientifique en charge du secteur des productions végétales, puis comme directeur général délégué supervisant son dispositif scientifique.

Dans ces dernières fonctions, j’ai porté une grande attention à la cohérence entre les orientations scientifiques nationales de l’Institut et leur inscription territoriale. J'ai mis en place des dispositifs qui associent l’ensemble des acteurs publics et privés concernés – car j’y vois une manière d’éviter les conflits d’intérêt. Je pense au groupement d'intérêt scientifique (GIS) Biotechnologies vertes, qui implique cinq organismes publics de recherche, à côté d’instituts techniques, de trois pôles de compétitivité et d’une douzaine d’entreprises du secteur semencier et de l'aval des filières végétales. J'ai aussi développé la fonction de programmation de l'INRA pour mieux traiter de grands enjeux : l'adaptation de l'agriculture et de la forêt au changement climatique, la gestion intégrée et durable de la santé animale et de la santé des cultures.

À cinquante-trois ans, je me présente donc à vous fort de cette expérience et de quelques convictions : j'ai le goût de la collaboration – même si elle n’est pas toujours aisée – entre disciplines, et entre partenaires ayant des missions et fonctions différentes, mais des ambitions et des objectifs communs. J'ai aussi le goût des allers et retours entre l'approfondissement des connaissances, leur synthèse et leur transmission, leur assemblage et leur transformation en innovations et en applications concrètes. Je suis convaincu que les objets réels et la société posent de belles questions de recherche et méritent que les scientifiques s’y intéressent. De plus, je porte un grand intérêt à la coopération internationale, parce que l'exercice individuel de la recherche est par essence international, mais aussi parce que les défis adressés à la recherche agronomique sont globaux.

Si j’obtiens votre confiance, je mettrai cette expérience, ces compétences et ces convictions au service de l'INRA, à un moment où l'effort partagé et la solidarité nationale sont nécessaires, à un moment aussi où l’on attend de la science qu’elle s’inscrive définitivement dans la société, de la recherche qu'elle irrigue la formation et l'innovation, et de la recherche agronomique en particulier qu'elle contribue aux transitions écologiques et énergétiques.

Au xxie siècle, nos sociétés doivent relever trois défis dont l’interdépendance et la conjonction renforcent l’acuité : assurer à l’horizon 2050 la sécurité alimentaire pour neuf milliards d'êtres humains, devenus majoritairement urbains ; préserver les ressources naturelles – l’eau, les sols, la biodiversité – dans un contexte de changement climatique ; pallier la raréfaction et le renchérissement des ressources fossiles, notamment du carbone fossile. Ces trois défis interpellent l'agriculture. Ils sont au cœur des enjeux du développement durable et de l’émergence d’une bioéconomie fondée sur les usages du carbone renouvelable, sur la connaissance des régulations écologiques et sur la conception de nouveaux systèmes agricoles et alimentaires adaptés aux futures conditions climatiques.

Le domaine stratégique de la recherche agronomique est constitué par un tripode : l'alimentation, condition première du bien-être et de la santé des populations humaines et qui met en jeu un tissu d'industries agroalimentaires ; l'agriculture, qui recouvre un ensemble d'activités humaines, techniques et économiques principalement dédiées à cette finalité alimentaire ; l'environnement, dont les ressources vivantes et les milieux sont indispensables à l'agriculture et façonnés par elle, et qu’il convient de préserver pour les générations futures. Aujourd’hui, ce tripode se caractérise par des interactions croissantes avec d'autres domaines : le climat, l'énergie, la chimie, la santé humaine, le développement urbain.

C'est cette vision de la recherche que j'entends promouvoir : une recherche agronomique centrée sur ce tripode, mais ouverte aux grands enjeux connexes. Une recherche agronomique ancrée dans les développements les plus récents des sciences du vivant et mobilisant les sciences de l’environnement et de l’ingénieur comme les sciences économiques et sociales ou les sciences numériques. Enfin, une recherche agronomique développant les approches systémiques requises par la complexité des questions posées. Bref, une recherche qui soit à la fois excellente, pertinente et efficiente.

Vous le savez, l’agronomie est un domaine de recherche essentiel pour la société française. Le secteur agricole et agroalimentaire a un poids important dans l'économie et l'emploi – il est le premier secteur excédentaire dans la balance commerciale nationale en 2011, à hauteur de 11 milliards d’euros –, mais il est aussi un secteur qui se doit d’être compétitif. L'agriculture et la sylviculture rendent également des services écologiques, s'inscrivent dans les paysages et les territoires et ont une forte empreinte environnementale.

Au moment où le développement d’agricultures diversifiées durables et performantes est un enjeu majeur pour la France et l’Europe, j’impliquerai l’INRA, si vous m’accordez votre confiance, dans l’élaboration de nouveaux modèles agricoles et de nouveaux systèmes alimentaires. Pour cela, je mobiliserai ses capacités de recherche, d’innovation et d’expertise, ses liens à la formation et ses partenariats dans toute leur diversité.

Par sa production scientifique, l'INRA est la deuxième institution mondiale de recherche en agronomie, la première en Europe. Depuis l’an 2000, l'Institut a accru le nombre de ses publications – plus de 3 800 en 2011, soit une hausse de 60 % –, ainsi que leur impact académique. Il est pionnier dans l'étude des flores digestives, par les approches les plus récentes de métagénomique. En Europe, il participe à plus de 200 projets, et coordonne l'initiative de la programmation conjointe dédiée à l’« agriculture, la sécurité alimentaire et le changement climatique ». Alors que l'on assiste au niveau mondial à un regain d'intérêt pour l’agriculture et pour la recherche agronomique et qu'émergent de nouveaux grands acteurs – en Chine, au Brésil ou en Turquie –, l’une de mes priorités sera de maintenir ce leadership.

Organisme public de recherche finalisée, l'INRA est partie prenante du système national de recherche et d'innovation. La recherche finalisée se situe à la confluence entre deux grandes dynamiques, celle qui résulte des grands enjeux sociétaux et celle qui provient du mouvement propre de la science et de la technologie. L’Institut se doit d’assumer la diversité des missions qui découlent de ce positionnement exigeant. Il doit à la fois produire des connaissances nouvelles et au meilleur niveau, contribuer à l’innovation et à l’émergence de nouvelles ingénieries, éclairer les politiques publiques par la synthèse des connaissances, la prospective, la contribution à l’expertise, participer à la formation et à la diffusion des connaissances, et enfin s’engager dans les débats sociétaux.

Si vous m’accordez votre confiance, je veillerai à la qualité et à l’impact des productions attachées à chacune de ces missions et à la reconnaissance de celles-ci dans les procédures d’évaluation. Au cours des dernières années, nous avons eu un dialogue intense, notamment avec l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, pour que l’ensemble de ces missions soit effectivement évalué.

Aux côtés d’autres organismes, établissements et agences dont les missions sont complémentaires, l’INRA est un des opérateurs majeurs du système national de recherche et d’innovation. Vous l’avez indiqué : il dispose d’un budget de l’ordre de 850 millions d’euros et d’environ 8 500 agents titulaires. Vous avez évoqué sur son ancrage territorial, j’insisterai pour ma part sur son patrimoine expérimental et sur ses infrastructures scientifiques, sur ses 200 unités de recherche, dont plus des deux tiers sont mixtes, associant des universités, des écoles, des organismes ou des instituts techniques. J’ajoute que l'INRA accueille 1 800 étudiants et chercheurs étrangers, soit autant que de chercheurs permanents. Il est au cœur d’une communauté scientifique et technique qui implique aussi plus de 1 000 agents d'autres établissements.

Je m’attacherai à faire vivre missions nationales de l'Institut et ancrage territorial, ouverture et entretien à long terme de son patrimoine.

Depuis 2004, l’INRA est dirigée par un président-directeur général qui en assure à la fois le pilotage interne, la présidence du conseil d'administration et les relations avec les pouvoirs publics et la société. Ses priorités ont été fixées dans le contrat d'objectifs 2012-2016 et le document d'orientation 2010-2020 dont je souhaite défendre deux lignes d’action.

La première concernera l'ingénierie de la production scientifique. Je souhaite améliorer la qualité et l'impact des productions de l'Institut, qu'elles soient académiques ou tournées vers les usagers de la recherche. C’est la clé du leadership de l’Institut, du respect dont il bénéficie aujourd'hui dans le monde et de sa légitimité dans la société.

Si j’obtiens votre confiance, je m’engagerai donc sur trois points essentiels qui permettent à un organisme public national de recherche finalisée de remplir ses missions : compétences, programmation et infrastructures de recherche.

Je garantirai les compétences de l'INRA, sa capacité à explorer de nouveaux fronts de science et à maîtriser les trajectoires d’impact qui vont de la découverte ou de l’invention jusqu'aux applications et aux innovations. Dans un contexte budgétaire contraint, je veillerai notamment à son attractivité vis-à-vis des jeunes talents et à l’équilibre de la palette des métiers nécessaires à cette intégration le long des trajectoires d’impact.

Je développerai la capacité de programmation de l’Institut sur les grands enjeux et les grands tournants scientifiques, technologiques, économiques, sociaux ou environnementaux. À cet égard, je prolongerai le mouvement engagé avec le lancement des grands programmes.

Je continuerai à promouvoir la capacité de prospective et d’expertise de l’Institut, car elle s’inscrit dans ce cadre de programmation, comme dans l’appui aux politiques publiques ou dans les débats sociétaux.

Enfin, je consoliderai et optimiserai les infrastructures scientifiques collectives de l'Institut, qui fondent son originalité, son efficacité et son attractivité. Je veillerai notamment à la mise en place, à l’ouverture et au rayonnement des deux démonstrateurs préindustriels et des infrastructures nationales sélectionnées dans le cadre du programme d’investissements d'avenir.

Ma deuxième ligne d'action consistera à promouvoir la recherche agronomique dans différents écosystèmes. Un organisme public de recherche finalisée se définit aussi par ses partenariats – vous les avez évoqués, monsieur le président. Accroître l'efficacité et le rayonnement de la recherche agronomique dans les écosystèmes de recherche et d'innovation, aux échelles régionale, nationale, européenne et internationale, constitue un enjeu majeur dans un contexte caractérisé par l’émergence de nouveaux acteurs mondiaux, par le renforcement des limites territoriales et par des attentes accrues en matière d’innovation.

Si vous m’accordez votre confiance, je poursuivrai l’internationalisation de l’Institut, je consoliderai ses partenariats avec les autres opérateurs français de recherche et d’enseignement supérieur, et j’approfondirai ces interactions avec l’ensemble des acteurs concernés par l’alimentation, l’agriculture et l’environnement.

Tout en maintenant son engagement en Europe, que je considère comme déterminant, je poursuivrai l'internationalisation de l'INRA en prenant appui sur les grands programmes – comme l’adaptation de l’agriculture et de la forêt au changement climatique – et sur la montée en puissance d'Agreenium, consortium de recherche et de formation agronomique et vétérinaire tourné vers l'international ; en privilégiant les collaborations avec les grands opérateurs homologues de l'Institut et dans certaines régions du monde, notamment la Méditerranée ; en amplifiant l'implication de l'INRA dans des initiatives de grande portée, à l'image de ce qui a déjà été fait dans le cadre de la Wheat Initiative, initiative du G20 sur l’agronomie et l’amélioration génétique du blé, coordonnée par l'Institut en lien avec notre homologue britannique et un centre agronomique international, le CIMMYT.

Dans le respect du statut d’organisme national et en complément de la participation dans Agreenium, j'impliquerai aussi l'INRA dans les dynamiques nationale et territoriale de structuration du système français de recherche et d'innovation, dynamiques dont je n’ignore pas qu’elles peuvent parfois générer quelques tensions. D’une part, l’INRA participera activement aux alliances nationales de recherche, tout particulièrement à l’Alliance nationale de recherche pour l’environnement (AllEnvi), dédiée à la recherche environnementale et aux enjeux relatifs à l’alimentation, à l’eau, à la biodiversité, au climat et aux territoires. D’autre part, il continuera à développer une politique territoriale, élaborée avec ses partenaires – écoles, universités, autres organismes de recherche, acteurs socioprofessionnels, collectivités –, déclinée dans le cadre d’espaces collaboratifs de projets et respectueuse des missions des uns et des autres.

Enfin, et ce point est essentiel, je veillerai aux interactions de l’Institut avec l’ensemble des forces vives de notre société pour qu’il continue à jouer son double rôle de pionnier et de garde-fou. Je pense aux acteurs des filières, des territoires et du développement agricole – instituts techniques, coopératives, chambres d'agriculture, entreprises. Pour ces partenaires, et alors que les constantes de temps de l’innovation se raccourcissent, la collaboration avec l’INRA doit être effectivement un facteur de compétitivité. Ces partenariats prendront appui sur des instruments existants – unités mixtes technologiques, pôles de compétitivité, groupements d’intérêt scientifique –, sur des dispositifs collaboratifs aussi ouverts que possible et qui associent des acteurs européens ayant une base recherche forte en France, sur les trois instituts Carnot récemment créés – qualité des aliments, filière du carbone renouvelable, santé animale –, sur le consortium de valorisation thématique d'AllEnvi, ainsi que sur une organisation renouvelée de notre dispositif dédié à la valorisation et au transfert.

La recherche est aussi partie prenante de la société : je pense donc également au citoyen qui souhaite mieux connaître nos recherches, notamment à ceux qui sont engagés dans les secteurs associatifs de la consommation et de la protection de l’environnement. En effet, que ce soient les aliments, les sols, l’eau, la biodiversité, les plantes, les animaux et leurs maladies, les abeilles, les paysages ou les forêts, tous nos objets d’étude « parlent » à nos concitoyens. Avec eux, je souhaite explorer de nouvelles modalités d’engagement en les impliquant davantage et en développant des sciences participatives.

Je souhaite aussi développer la dimension digitale de notre communication et mieux expliquer nos recherches pour donner envie aux Français de s’intéresser à nos défis scientifiques.

Enfin, je favoriserai les approches éthiques parce qu’elles permettent de questionner les choix d’orientation scientifique et de partenariat.

Mesdames et messieurs les députés, j’ai conscience que la mise en œuvre de ces orientations demandera des efforts et que l’histoire, la taille et la diversité des missions et des partenariats de l’INRA nécessitent une organisation robuste et efficace. La méthode de travail que je propose est celle que j’ai suivie dans mes précédentes fonctions : contact direct, respect mutuel, concertation, dialogue et solidarité collective dans la mise en œuvre des choix et des décisions.

Je serai notamment attentif à favoriser des formes collégiales de gouvernance – Michel Eddi, directeur général délégué, chargé de l’appui à la recherche à l’INRA, pourra témoigner de l’importance que j’y attache –, à tirer parti des idées et initiatives individuelles et de toutes les comparaisons internes ou externes pertinentes, et enfin à simplifier l’organisation de l’Institut par une compréhension partagée des fonctions et des rôles des différentes structures.

Cette méthode permettra de garantir la cohérence et la mobilisation de notre communauté de travail dans un contexte exigeant où la cohésion sera un facteur de réussite, et où la modernisation de notre gestion supposera de faire évoluer notre modèle économique de telle sorte que les ressources contractuelles contribuent à financer les dimensions collectives de nos activités.

Enfin, à la tête de l’INRA, j’aimerais que la science soit belle, créative et utile. Qu’elle donne envie aux Français de la comprendre, à ses partenaires l’envie de collaborer et d’en tirer des résultats concrets, et aux techniciens, ingénieurs et chercheurs l’envie de travailler à l’Institut.

Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la vision de la recherche agronomique, des missions et de la place de l'INRA que je me propose de porter dans le cadre des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, et tels sont mes engagements si je suis nommé président de cet institut.

Je suis maintenant disposé à répondre à toutes vos questions.

M. Antoine Herth. Monsieur Houllier, force est de reconnaître que l’opinion publique éprouve de plus en plus de difficultés à comprendre les tenants et les aboutissants de la recherche. Qu’entendez-vous par science participative ?

Se pose également la question des conflits d’intérêts potentiels entre la recherche publique et les indispensables partenariats avec des acteurs privés, qui constituent selon moi le seul moyen d’ancrer les établissements de recherche dans les réalités des marchés en leur permettant de répondre aux attentes d’une clientèle, mais qui les exposent parfois à des critiques. Comment allez-vous gérer cette dualité ?

L’âge de l’INRA – soixante-six ans – en fait un institut vénérable, mais il évoque aussi éventuellement un risque de sclérose. On peut également redouter une certaine atomisation en raison des différentes sites et départements qui se retrouvent dans cet institut et qui ont beaucoup de mal à travailler ensemble. Quelle est votre réaction à ces craintes ? Certes, l’Institut a augmenté de 60 % ses publications, mais les agriculteurs en ont souvent l’image de gens en blouse blanche de moins en moins présents sur le terrain. Quelle est son efficacité concrète ?

Votre parcours vous a amené à travailler au CIRAD. Envisagez-vous pour l’INRA des collaborations avec les autres instituts de recherche publique, comme l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) ?

Le plan Ecophyto 2018 n’aurait probablement pas vu le jour sans la contribution de l’INRA qui en a posé les bases scientifiques. La nouvelle majorité se pose beaucoup de questions quant à son devenir. Pour ma part, je pense que l’occasion rêvée se présente à vous de montrer que vous êtes capable de tenir toutes vos promesses, c’est-à-dire de mener à la fois un travail scientifique fondamental et de parvenir à une synthèse de ces recherches.

Sitôt nommé à la tête de l’INRA, ce dont je ne doute pas, vous disposerez d’une double légitimité : celle de votre parcours scientifique et celle de la confiance que vous aura accordée le Parlement. Quand reviendrez-vous devant nous pour nous parler de l’INRA, en dehors des rares occasions où nous en discutons dans le cadre de l’examen des budgets ?

M. le président François Brottes. Nous ne manquerons pas d’inviter M. Houllier chaque fois que nous le jugerons nécessaire.

M. Germinal Peiro. Au cours des soixante dernières années, la France est passée d’une agriculture quasiment autarcique à une agriculture de production. La recherche a largement contribué à cette évolution, en permettant à notre pays d’augmenter considérablement ses rendements. Cependant, elle n’a pas permis de maîtriser l’épuisement des sols et de la ressource en eau, ni de changer la qualité des produits, qui contiennent encore beaucoup de traces de pesticides.

À l’heure où l’agriculture française doit augmenter sa compétitivité, comment comptez-vous assurer la transition – écologique, agronomique et énergétique – indispensable, et lutter contre la raréfaction des ressources naturelles ?

Il s’agit là de sujets de société. Les Français souhaitent avoir accès à une alimentation saine, pour laquelle beaucoup de progrès restent à faire, et voir leur environnement préservé, objectif poursuivi par le Grenelle. Comment envisagez-vous la contribution de l’INRA à toutes ces améliorations ?

Enfin, même si le groupe socialiste est opposé aux cultures OGM en plein champ, j’ai déploré, tout comme mon collègue Antoine Herth, l’arrachage des vignes génétiquement modifiées à Colmar où l’INRA menait un essai de recherche visant à lutter contre le court-noué, maladie de la vigne. Quel est votre avis personnel sur les biotechnologies en général et sur les OGM en particulier ?

M. André Chassaigne. Vous souhaitez favoriser l’adaptation de notre agriculture aux changements climatiques, mais se limiter à cela, n’est-ce pas s’engager dans une bataille perdue d’avance ? Ne pensez-vous pas utile d’essayer aussi de limiter ces changements ?

J’ai moi aussi regretté l’arrachage des vignes OGM à Colmar, les modalités de cet essai ayant fait l’objet d’une concertation sans précédent, mais n’estimez-vous pas possible d’évaluer scientifiquement les risques environnementaux, économiques et sanitaires des OGM sans les cultiver en plein champ ? Et s’il doit y avoir des essais en plein champ, est-on en mesure d’évaluer les risques de dissémination ?

Certes, les nombreuses publications de l’INRA sont particulièrement intéressantes et le travail réalisé par ses chercheurs tout à fait remarquable. Mais, sur le terrain, nous restons sur notre faim pour ce qui est de la diffusion des connaissances et de l’information sur les applications, sur les partenariats ou sur le développement d’un nouveau type d’agriculture créatrice d’emplois.

Le secteur privé prend une part croissante dans le financement de l’INRA : comment comptez-vous, dans ces conditions, bâtir un budget propre à répondre aux attentes de notre société ? D’autre part, est-il normal que les chercheurs consacrent en moyenne 25 % de leur temps à monter leurs dossiers de financement ?

Enfin, puisque vous souhaitez une gouvernance collégiale, allez-vous y impliquer aussi les salariés et les organisations syndicales de l’INRA, comme cela me semble s’imposer dans un domaine tel que la recherche ?

Mme Michèle Bonneton. Dans quelle direction envisageriez-vous des études scientifiques visant à rendre l’agriculture plus respectueuse de l’environnement, de la biodiversité et des ressources naturelles ? En particulier, jugez-vous suffisante la recherche sur la production agricole biologique ? Prévoyez-vous des améliorations en ce domaine ? Que pensez-vous de l’« agriculture écologiquement intensive », vue par certains comme une source de grandes innovations ?

Enfin, avec quels pays souhaitez-vous développer des coopérations ? Notre agriculture n’aurait-elle pas à apprendre des agricultures paysannes des pays en voie de développement ?

M. le président François Brottes. Aux questions que j’ai posées initialement, j’en ajouterai une nouvelle : que pensez-vous des certificats d’obtention végétale qui excluaient les semences fermières du dispositif productif de notre pays ?

M. François Houllier. Je vois dans toutes ces questions les prémices de l’interaction que vous souhaitez voir se développer entre l’Institut et le Parlement !

Ce n’est pas du côté de nos filiales qu’on peut redouter des conflits d’intérêts. Elles sont au nombre de deux. Agri Obtentions, dédiée à la valorisation des innovations variétales, se comporte en acteur pour partie privé du secteur semencier ; elle mène des recherches sur ses fonds propres et valorise les variétés que nous produisons dans le cadre d’un accord de partenariat privilégié avec l’Institut. Elle s’est orientée vers le développement d’une agriculture durable, créant par exemple des variétés de blé rustiques, c’est-à-dire tolérantes aux maladies et nécessitant à ce titre moins d’intrants. L’autre filiale, INRA-Transfert, nous aide à organiser notre transfert de technologies et joue en particulier un rôle important dans le montage de projets nationaux ou européens et dans la coordination de leur exécution.

Quant au groupement d’intérêt scientifique (GIS) Biotechnologies vertes, il a été conçu pour associer l’ensemble de la recherche publique – INRA, CNRS, CEA, IRD, CIRAD – et l’ensemble des semenciers nationaux qui font de la recherche, y compris des entreprises de taille moyenne, ainsi que les acteurs des filières – les instituts techniques et même certaines entreprises de valorisation. C’est donc une plateforme collaborative extrêmement ouverte, travaillant en amont sur des projets compétitifs, et la formule est également propre selon nous à écarter le danger de conflits d’intérêts.

En 2011, monsieur Herth, l’INRA avait passé 270 contrats de recherche avec des entreprises pour un montant de 12,45 millions d’euros, soit 1,5 % de son budget. Même si ce montant a crû au cours des dernières années, il reste modeste tout en autorisant des interactions intéressantes, y compris encore avec des entreprises de taille moyenne. Notre objectif est à la fois de développer la recherche au sein de l’Institut et d’être utile à ces acteurs privés.

Nous tenons à ce que l’ensemble de nos activités soit évalué, en particulier par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. L’important pour nous est que ces activités, qu’elles concernent la production de connaissances, les transferts, la valorisation ou l’impact, aboutissent à des productions « avérées », c’est-à-dire évaluables et évaluées, qu’elles prennent la forme de partenariats avec des acteurs socio-professionnels ou avec une chambre d’agriculture ou un institut technique. Lorsque l’INRA a lui-même été évalué, en 2009-2010, nous avons mis l’accent sur l’impact de nos recherches et notre Document d’orientation 2010-2020 s’intitule d’ailleurs « Une science pour l’impact ». Cela nous conduit aujourd’hui à avoir un projet et à mener des recherches particulières sur ce qu’est l’impact des recherches agronomiques, sur la façon dont des travaux menés très en amont contribuent progressivement à ce que des innovations s’imposent – ce que j’ai appelé la « trajectoire d’impact ».

À cet égard, j’insisterai sur l’importance du « pas de temps ». Nos partenaires nous demandent souvent de publier nos recherches de façon plus visible et d’en transférer les résultats plus rapidement. Nous avons donc à la fois le devoir d’anticiper en lançant de nouveaux programmes de recherche puis, lorsque nous avons des résultats disponibles ou en passe de l’être, de le faire savoir et donc d’exposer notre agenda à court terme, et enfin de communiquer sur les résultats déjà obtenus. Ainsi nous avons développé récemment des outils dits de sélection génomique utilisés maintenant pour améliorer les races bovines, ce par des voies classiques mais exploitant les progrès technologiques : nous n’avons pu y parvenir que parce que nous avions investi il y a dix ou quinze ans dans des travaux de génétique animale, en relation avec des partenaires privés et avec des socioprofessionnels – par exemple les techniciens de l’insémination artificielle. C’était le prix à payer pour que la filière puisse aujourd’hui s’approprier ces techniques.

On peut présenter un exemple du même ordre s’agissant de réduire l’usage des pesticides pour préserver la biodiversité. Alors que la viticulture recourt encore beaucoup aux fongicides, nous disposerons dans deux ou trois ans de variétés de vignes durablement résistantes au mildiou et à l’oïdium, dans la mesure où elles combineront plusieurs gènes. Cela, nous l’aurons obtenu sans utiliser d’OGM uniquement parce que, il y a vingt ou trente ans, un chercheur aujourd’hui décédé, Alain Bouquet, avait lancé ce programme de recherche.

Nous avons donc à gérer dans la durée le lancement de nouveaux projets, la communication sur leur avancement et le transfert, aussi efficace que possible, des résultats.

Nous sommes, je le confirme, favorables au certificat d’obtention végétale, qui est à la génétique ce que le logiciel libre est à l’informatique : c’est une manière d’innover sans bloquer l’innovation chez les utilisateurs et ce dispositif européen offre donc une alternative efficace au brevet.

M. le président François Brottes. L’actuelle majorité s’était prononcée contre, en raison de la contribution volontaire obligatoire : nous y voyions un obstacle à la diffusion des semences fermières…

M. François Houllier. Nous n’ignorons pas le débat auquel cela donne lieu dans la profession, entre les tenants de l’un et l’autre système. Mais l’INRA travaille avec tous. Nous avons beaucoup de programmes de recherche avec les semenciers qui valorisent à travers le certificat d’obtention végétale (COV) et le GIS Biotechnologies vertes privilégie cette voie plutôt que celle du brevet. Nous avons aussi des projets de recherche avec des partenaires impliqués dans la sélection participative. Cela étant, l’arbitrage entre les deux systèmes n’est pas de la compétence des chercheurs.

Instituée par le précédent gouvernement, la prime d’excellence scientifique a en effet posé beaucoup de questions aux organismes de recherche mais ils ne pouvaient faire autrement que de la mettre en place ! Nous avons donc appliqué la mesure, d’autant que, dans le cas contraire, des chercheurs de l’Institut, désireux d’obtenir cette prime, n’auraient pas manqué de nous attaquer avec toutes les chances d’obtenir gain de cause. Mais nous avons consulté notre conseil scientifique qui a appelé notre attention sur certaines difficultés possibles et soumis des recommandations dont nous avons essayé de tenir compte. Ainsi, quand nous avons mis en place cette prime en 2008-2009, nous avons notamment retenu un critère de diversité des productions scientifiques : ne doivent pas seulement être prises en compte les productions académiques, mais l’ensemble des productions scientifiques, du moment qu’elles sont « avérées », ainsi que l’implication des candidats dans des projets collectifs.

En matière de communication, nous sommes en train de refondre notre système Internet avec l’objectif de nous doter d’un portail plus accessible aux utilisateurs, dans la mesure où il sera structuré, non par rubriques très techniques, mais en fonction des grandes questions que se posent nos concitoyens. D’autre part, j’aurai à cœur de développer des projets de science participative : je considère en effet que nous ne pourrons faire connaître nos activités et donner envie à nos concitoyens de s’en informer que si nous les associons d’une façon ou d’une autre à ces activités. Ainsi, dans mon ancienne unité de recherche, des collègues spécialistes de botanique mettent actuellement au point, avec l’INRIA, le CIRAD, le CNRS, l’IRD et l’association Tela Botanica, une application permettant d’identifier n’importe quelle plante à partir de sa photographie prise avec un téléphone portable. Les quelque 10 000 botanistes de Tela Botanica nous permettront de la sorte d’élargir nos bases de données : voilà un exemple de recherche qui peut être très utile, y compris au niveau international, par le mariage qu’elle réalise entre technologie et érudition. Il devrait pouvoir être transposé à d’autres domaines, tels que l’épidémiologie ou l’acquisition de références agronomiques.

L’INRA collabore déjà beaucoup avec le CIRAD et avec l’IRSTEA, monsieur Herth. Avec le premier et avec des écoles d’agronomie, nous avons formé le consortium Agreenium qui nous permet de constituer une offre de recherche et d’enseignement au niveau international. Certes, nos métiers sont différents, de même que nos partenariats – le CIRAD est principalement tourné vers les pays en développement, l’INRA se consacrant plutôt à la France, à l’Europe, aux pays de l’OCDE et aux grands pays émergents. Il reste que se posent à nous des problèmes communs au Sud et au Nord : le changement climatique, les transitions énergétiques… Nous essayons donc de travailler en synergie, tout en gardant des structures distinctes.

Nous sommes partie prenante du programme Écophyto 2018, sur trois ou quatre de ses neuf axes. Nous sommes en particulier fortement impliqués dans la gestion des références acquises dans les fermes expérimentales – encore un exemple de l’approche participative !

L’INRA étant organisé en 14 départements et 19 centres implantés sur cent sites, comment ne pas être conscient d’un risque d’atomisation ou de dispersion des recherches ? Un effort de coordination s’imposait donc et, dans le Document d’orientation 2010-2020, nous avons défini à cet effet de grands programmes. J’en ai déjà évoqué trois. Un porte sur l’adaptation de l’agriculture et de la forêt au changement climatique – l’adaptation plutôt que l’atténuation du changement climatique ou la lutte contre ce changement, car nous avions déjà mené beaucoup de recherches sur ces sujets, par exemple sur le stockage du carbone dans les sols. Dans ce domaine où l’Institut avait été pionnier, notamment pour ce qui concerne la forêt, il nous est en effet apparu important de mieux coordonner nos travaux.

Deux autres de ces grands programmes visent à une « gestion intégrée » de la santé des plantes et de la santé animale, ce qui peut contribuer à réduire l’usage des pesticides, dans le premier cas, et des antibiotiques, dans le second. S’agissant de limiter les risques phytosanitaires par exemple, nous essayons d’agir sur toutes sortes de leviers : lutte mécanique et, dans une moindre mesure, chimique ; surtout, approches agronomiques systémiques telles qu’une plus grande variation des assolements et des rotations de cultures plus fréquentes, et amélioration de la résistance génétique des plantes, par des voies conventionnelles. Accessoirement, le résultat est aussi de restaurer la biodiversité et de préserver les ressources naturelles.

Je citerai encore les programmes portant sur les déterminants et effets des comportements alimentaires et sur la métagénomique des écosystèmes microbiens, mais deux s’ajouteront bientôt à la liste : sur la sécurité alimentaire et sur les services des écosystèmes.

L’arrachage de l’essai de porte-greffe transgénique de Colmar nous a d’autant plus choqués qu’il s’agissait d’un essai de recherche publique, précédé d’une très large consultation, dûment autorisé et, de plus, quasiment confiné puisque nous avions « décaissé » 35 mètres cubes de terre, posé une bâche textile et éliminé toutes les inflorescences. Plus largement, la politique scientifique de l’Institut en matière d’organismes et de plantes génétiquement modifiés a été définie par notre conseil d’administration en juin 2007, après consultation du comité d’éthique et du conseil scientifique. Cet avis insiste sur la nécessité pour un organisme de recherche tel que l’INRA d’acquérir des compétences dans ce domaine, alors que plus de 10 % des cultures mondiales sont génétiquement modifiées, mais pose certaines conditions : la pertinence dans le choix des objectifs, qui devront être d’intérêt public ; le caractère subsidiaire et complémentaire des recherches sur la transgenèse et sur les OGM au regard d’innovations alternatives, obtenues par les voies conventionnelles ; l’engagement de n’effectuer de tels essais qu’avec parcimonie, dans la transparence et la clarté.

Certes, le bilan écologique et économique de certaines variétés d’OGM qui ont été massivement cultivées, par exemple en Amérique du Nord des variétés tolérant les herbicides, est loin d’être positif. En revanche, certaines recherches sont incontestablement d’intérêt public, telles celles qui visent à obtenir des variétés de céréales susceptibles de fixer grâce à des bactéries symbiotiques l’azote, intrant indispensable pour améliorer les rendements, mais coûteux et gourmand en énergie. Conduire des travaux sur un tel sujet est une question qui, selon moi, mériterait au moins examen car les résultats pourraient être utiles aussi bien aux pays tempérés qu’aux pays tropicaux.

Oui, monsieur Chassaigne, nous menons des recherches, non seulement sur l’adaptation des systèmes de production au changement climatique, mais aussi sur les moyens d’atténuer ce dernier. Nous étudions notamment la possibilité de stocker du carbone, soit dans la biomasse forestière, soit dans les sols.

Ces dernières années, nous avons veillé au transfert de nos innovations aussi scrupuleusement qu’à nos performances académiques. Nos travaux en matière de sélection bovine ou de variétés de vigne en sont un exemple.

La concertation avec les personnels est effective au sein d’instances telles que le comité technique, les conseils scientifiques et les conseils de gestion des départements et des centres. D’où l’importance de maintenir ces instances vivantes et actives. Les assises de l’enseignement supérieur et de la recherche constitueront un exercice intéressant de ce point de vue. Nous souhaitons en effet que la contribution de l’INRA à ces assises ne se limite pas à une déclaration de la direction générale, mais que les différentes instances où siègent des élus du personnel s’expriment collectivement, indépendamment de la direction générale.

Quelle est notre contribution à la préservation des ressources naturelles ? Je ne prendrai qu’un exemple, celui d’un sujet sur lequel on nous reproche parfois de travailler insuffisamment : nous avons publié l’an passé, après cinq ans d’études, un inventaire exhaustif de la biologie des sols, qui nous permet de dresser un état, non seulement de la physico-chimie des sols, mais encore des micro-organismes qui y vivent. C’était une première en France et même, je pense, en Europe.

Quant à l’agriculture biologique, cela fait une dizaine d’années qu’elle fait l’objet d’un programme dédié de l’INRA, AgriBio ; nous participons en outre à un programme européen ANR-Era-Net. Cela étant, sans être spécifiquement conçues à cette fin, toute une partie de nos recherches trouve des applications en agriculture biologique autant qu’en agriculture conventionnelle ou raisonnée : ainsi en est-il de notre programme de gestion intégrée de la santé des plantes ou de notre action en faveur d’une diversification des paysages agricoles, qui contribuent à réduire l’usage des pesticides.

Sur des sujets aussi importants que l’adaptation au changement climatique ou encore lorsqu’il s’agit de travailler sur des systèmes de cultures sous couvert, nous collaborons avec des organismes de recherche publique d’autres pays, essentiellement européens, mais aussi d’Amérique du Nord ou des grands pays émergents. En revanche, nos collaborations avec les pays en voie de développement sont en nombre restreint, celles-ci relevant plutôt du CIRAD. Cependant, dans l’avenir, nous nous sommes donné pour priorité de développer notre coopération avec les pays du pourtour méditerranéen.

Mme Frédérique Massat. L’INRA a consenti depuis 2006 beaucoup d’efforts pour faire avancer en son sein la cause de l’égalité entre hommes et femmes, mais le taux de féminisation de la fonction de directeur n’est que de 26 %, celui de la fonction de directeur adjoint de 34 %, et celui de la fonction de chef de département de 28 %. Que comptez-vous faire pour améliorer ces résultats ?

Un paragraphe de votre rapport d’activité pour 2011 est intitulé « Circuits courts : innovations et performances ». Élue d’un territoire fortement rural qui manque d’outils pour développer ces circuits, j’aimerais que vous nous présentiez vos axes de réflexion sur ce sujet.

M. Daniel Fasquelle. Je me félicite d’autant plus de cette audition, monsieur Houllier, qu’elle fait apparaître que beaucoup de mesures votées par la majorité précédente vous conviennent. Elle montre aussi que vous maîtrisez parfaitement votre sujet et que vous ferez un excellent président-directeur général !

Que pensez-vous du cadre juridique qui protège vos recherches, qu’il soit national ou européen ? Quelles évolutions souhaitez-vous dans ce domaine ?

Enfin, quelle aide pouvez-vous apporter à ceux qui développent des variétés de produits du terroir, si importants pour l’économie touristique, et en quoi vos recherches peuvent-elles bénéficier à la transformation et à la conservation des produits de la pêche ?

M. Dominique Potier. Que pensez-vous de l’évolution du droit de propriété sur le vivant au niveau international ? D’autre part, n’y a-t-il pas une carence de l’ingénierie d’évaluation de la performance des systèmes d’entreprises ou des systèmes territoriaux, voire de la performance globale des filières agroalimentaires ? Comment enfin instaurer une véritable pluralité des systèmes agricoles, seul moyen selon Mme Marion Guillou, l’actuelle présidente-directrice générale de l’INRA, de relever le défi consistant à nourrir neuf milliards d’humains en 2050 ? Un tel objectif n’impose-t-il pas un rééquilibrage des moyens, en premier lieu à l’échelle de la PAC ?

M. Éric Straumann. Comptez-vous relancer le programme de recherche qui a été saccagé à Colmar ? Plus généralement, quelle est votre vision de l’avenir de ce centre de recherche ?

M. Hervé Pellois. Le pôle alimentation-environnment de l’Institut prend une importance croissante mais vos recherches dans le domaine de la santé humaine vous conduisent à utiliser l’animal à des fins expérimentales. Comment dans ces conditions avoir une argumentation construite à propos de la législation européenne en matière de bien-être animal, sujet sur lequel l’INRA est peu intervenu ?

M. Lionel Tardy. L’agriculture doit se tourner vers l’innovation et la recherche de la valeur ajoutée pour relever les défis majeurs auxquels elle est aujourd’hui confrontée. Cela suppose des investissements en recherche-développement, cohérents, coordonnés et équilibrés entre recherche fondamentale, recherche finalisée et recherche appliquée. Quelle place comptez-vous donner à la recherche appliquée au sein de l’INRA ? Quelles coopérations comptez-vous mener avec les acteurs extérieurs ? Souhaitez-vous renforcer votre collaboration avec l’ACTA, le réseau des instituts des filières animales et végétales, auquel vous lie une convention-cadre signée en octobre 2011 ? Les problèmes de partage de financement ont-ils été résolus ? Si tel n’est pas le cas, une solution est-elle envisagée ?

Mme Marie-Lou Marcel. L’affaire de Colmar ne révèle-t-elle pas un défaut de communication entre des chercheurs animés par le souci du progrès scientifique et des militants soucieux du respect des patrimoines génétiques ? Quels outils de communication pourraient être mis à la disposition des professionnels, notamment des agriculteurs, pour éviter de tels incidents ? Comment comptez-vous réconcilier les associations de citoyens avec le monde de la recherche ?

Les cultures intermédiaires, dont une étude de l’INRA vient de démontrer l’utilité comme pièges à nitrates et l’effet bénéfique sur l’écosystème, vous semblent-elles prometteuses ?

M. François Houllier. S’agissant de la place des femmes dans l’Institut, madame Massat, vos chiffres sont incontestables et l’on ne saurait se satisfaire d’une telle situation. Les choses évoluent cependant. Ainsi le nombre de femmes directrices de recherche augmente de 1 à 2 % par an, ce qui peut effectivement sembler peu si l’on ne tient pas compte des effets de démographie. Déjà, 52 % de nos chargés de recherche sont des femmes et, certaines années, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à être reçues à nos concours de recrutement. Par ailleurs, 49 % des lauriers de l’INRA ont récompensé des femmes. Enfin, tous nos collègues en situation de responsabilité s’attachent à promouvoir des femmes au sein des instances de recrutement ou d’avancement.

Notre département « Sciences pour l’action et le développement » a lancé toute une série de projets de recherche sur les circuits courts, mais ce sujet relève davantage de la recherche socio-économique que de l’agronomie en tant que telle.

Si nous sommes attachés au COV, monsieur Fasquelle, nous ne nous interdisons pas de recourir au brevet si cela nous permet de préserver notre autonomie de recherche. En revanche, nous craignons que certaines initiatives actuelles tendant à la création d’un brevet unique européen n’aboutissent à remettre en cause le dispositif du COV.

Nous avons une longue tradition de recherche dans le domaine des produits du terroir. La difficulté pour nous est de mener des recherches qui intéressent des territoires particuliers en évitant une atomisation et une dispersion de nos travaux à la mesure de l’extrême diversité des terroirs français ! Nous nous demandons par exemple si nous devons continuer nos travaux sur les vins AOC du Val-de-Loire sans essayer d’en tirer des outils utiles pour l’ensemble des viticulteurs sous AOC.

Parmi nos travaux utiles à la pêche, je citerai ceux que nous menons dans notre station du lac Léman, dans notre pôle de Saint-Pée-sur-Nivelle ou sur les fleuves côtiers de Bretagne, sur des populations de poissons d’eau douce, mais d’autres portent sur l’aquaculture, en collaboration avec l’IFREMER, ainsi que sur l’écotoxicologie dans les bassins versants.

Nous veillons avec un soin tout particulier à disposer d’une vision intégrée de l’ensemble des filières agroalimentaires, de l’amont à l’aval. Il est possible d’ailleurs que l’intégration insuffisante de ces filières ne soit pas étrangère aux problèmes de compétitivité que rencontre l’agriculture française. D’autre part, nous faisons en sorte que nos études sur de nouveaux systèmes de production tiennent compte, à côté de leurs performances, de l’ensemble des impacts, tant écologiques qu’économiques. À cet égard, le maître mot me semble devoir être « diversité », tant je suis persuadé que toute homogénéisation massive de ces systèmes est source de problèmes sanitaires, comme l’est aussi toute réduction de la variété des espèces végétales et animales. La biologie confirme d’ailleurs l’avantage des formes plurielles et leur robustesse : ainsi la stagnation des rendements céréaliers en Europe depuis le milieu des années quatre-vingt-dix est liée, non seulement au changement climatique et à l’évolution des pratiques, mais aussi à la simplification des assolements et des rotations.

La relance du projet de Colmar est actuellement à l’étude : nous sommes en phase d’expertise, afin de dresser un bilan de l’essai de culture qui a été malheureusement et scandaleusement arraché, nous interdisant de répondre à toutes les questions qui nous étaient posées, notamment sur l’impact des PGM sur l’environnement. Si nous considérons que seuls des essais de culture en champ donneront ces réponses, nous redéposerons une demande d’autorisation.

En tout état de cause, le centre de Colmar reste, à côté de ceux de Montpellier et de Bordeaux, un des trois éléments de notre dispositif en faveur de la filière « vigne et vin ». C’est en effet là que sont conduites une très grande partie de nos recherches sur les maladies de la vigne et du vin ou sur l’amélioration variétale. Nous comptons en outre revitaliser depuis Colmar le réseau « Vigne et vin septentrionaux », le RVVS, qui permettait un dialogue vivant entre chercheurs, instituts techniques et interprofessions d’Alsace, de Bourgogne et de Champagne.

L’INRA consacre des moyens non négligeables aux recherches sur le bien-être animal, monsieur Pellois. Elles sont menées à Tours, à Jouy-en-Josas, à Rennes, à Clermont-Ferrand ou encore à Toulouse et ont donné lieu à une expertise collective il y a un an ou deux. D’autre part, si elles n’apparaissent pas au nombre des objectifs prioritaires des investissements d’avenir, un centre de ressources génétiques et biologiques sur l’animal dont la coordination a été confiée à l’INRA a été sélectionné à ce titre. En outre, nos travaux sur la nutrition humaine et sur la métagénomique du tube digestif peuvent être transposés aujourd’hui dans le domaine de l’alimentation animale.

L’accord signé avec l’ACTA nous amène à collaborer dans le cadre d’une vingtaine d’unités mixtes technologiques et de vingt-sept réseaux mixtes technologiques. Nous avons associé certains instituts techniques agricoles à des projets d’investissements d’avenir tels que les projets « Biotechnologies et bioressources » ou le projet de phénotypage végétal. Après avoir traversé une phase un peu délicate, notre coopération s’est renforcée et nous envisageons désormais de remplir une mission d’appui auprès de l’ACTA, en lui donnant accès à certaines de nos ressources.

L’expertise que nous avons conduite sur les cultures intermédiaires montre en effet que celles-ci constituent des pièges à nitrates à condition d’être utilisées dans certaines conditions environnementales, climatiques et pédologiques et en fonction des cultures qui y sont associées.

Quels que soient les efforts de communication consentis, madame Marcel, je pense qu’à un moment la pédagogie doit prendre le relais pour impliquer véritablement nos concitoyens dans certains de nos projets. C’est un moyen de répondre en partie à leurs interrogations sur ce que nous faisons. Songez que des lycéens ont été capables de résoudre sur Internet une question sur laquelle les chercheurs butaient, sur le repliement des protéines : au nom de quoi nous priverions-nous de telles approches participatives ?

M. Alain Marc. Les préjugés dont souffre la recherche agronomique trouvent leur origine dans l’ignorance, les chercheurs étant considérés par beaucoup comme des apprentis sorciers, et c’est ce qui rend la communication essentielle. De ce point de vue, il est important de faire participer les citoyens à la recherche, si on ne veut pas que des associations plus ou moins bien intentionnées prospèrent sur leur ignorance. On pourrait également faire progresser la culture scientifique à l’école primaire, où elle n’existe pratiquement pas. Comment comptez-vous faire connaître à nos concitoyens les objectifs du travail remarquable que vous accomplissez ?

M. Henri Jibrayel. La Catalogne est victime d’un grave incendie, qui a déjà ravagé une centaine d’hectares de forêts, mais le sud de la France est souvent touché par des catastrophes similaires. Certaines essences résistent-elles mieux que d’autres au feu ou certains modes de sylviculture sont-ils plus adaptés pour y faire face ?

M. Philippe Le Ray. L’Europe reste très dépendante des importations de protéines, notamment pour son élevage. L’état de la recherche permet-il de rêver à une agriculture n’utilisant aucun produit phytosanitaire ? Quel est votre avis sur la recherche relative à l’antibiorésistance, qui a des conséquences extrêmement graves pour l’économie de certaines filières d’élevage ? Quels garde-fous entourent la sélection génomique ? Que pensez-vous des OGM, du droit de propriété génétique, des « nutraliments », de la santé par l’alimentation, ou de la valeur nutritive des algues, des phytoplanctons et du zooplancton ?

M. le président François Brottes. Lorsqu’il a arrêté une nouvelle limitation de leur durée, le Bureau a également souhaité que les questions posées par chacun soient en nombre réduit…

Mme Brigitte Allain. L’agriculture paysanne semble un moyen important d’atteindre la souveraineté alimentaire, qui constituerait, de l’aveu de tous, un grand progrès social, environnemental et économique. Mais elle suppose une tout autre organisation de notre agriculture, notamment une relocalisation de la production à proximité des lieux de consommation. Ne faudrait-il pas lancer des projets participatifs pour mettre sur pied l’ingénierie nécessaire ?

Je me demande si on se donne les moyens de mettre en place une agriculture « intensivement biologique ». Quelle part précise de vos ressources consacrez-vous aux recherches relatives à l’agriculture biologique ?

M. Dino Cinieri. L’INRA vient d’annoncer l’ouverture d’une université virtuelle, visant à rapprocher l’agronomie et l’écologie : pouvez-vous nous en dire plus sur cette initiative ? Pour ma part, je puis vous assurer des efforts consentis par les agriculteurs de ma circonscription afin de réduire leur utilisation des produits phytosanitaires et d’économiser l’eau.

Comment assurer l’augmentation des rendements agricoles indispensable pour nourrir neuf milliards d’humains en 2050, sachant que la culture d’OGM sur de grandes surfaces n’est pas souhaitable pour des raisons environnementales et de sécurité alimentaire ?

Mme Pascale Got. Comment comptez-vous renforcer les liens entre la recherche appliquée et ses déclinaisons, notamment dans la viticulture ?

M. François Houllier. L’expérimentation du centre de Colmar avait été précédée de plus de deux cents réunions publiques ; une instance de concertation avait été mise en place. Il n’y a donc pas eu défaut de communication, mais il y a un moment où l’on se heurte aux partis pris de certains de nos concitoyens.

L’unité de l’INRA à Avignon compte en son sein une équipe de recherche dédiée à la prévention des incendies de forêts, qui collabore avec des équipes portugaises, espagnoles ou italiennes. Elle mène des travaux de modélisation physique du feu, nécessitant un grand nombre d’heures de calcul informatique ; elle étudie également l’écologie du feu de forêt, la reconstitution des boisements, ainsi que les modes de sylviculture et les essences à privilégier. Cette petite équipe très performante, qui a coordonné des projets européens, est capable aussi bien de publier dans des revues académiques que de former des pompiers !

Il est vrai, monsieur Le Ray, que la France importe toujours beaucoup de protéines pour l’alimentation animale, d’ailleurs parfois issues d’OGM. Nous avons, pour notre part, maintenu à Dijon une unité de recherche dédiée aux légumineuses et aux protéagineux, à un moment où ces cultures étaient considérées comme peu rentables. Nous sommes de ce fait l’organisme européen qui investit le plus dans ces recherches. Cependant, la mise en culture elle-même relève de la seule décision des agriculteurs. Mais l’ensemble de la filière semble désormais vouloir se remobiliser. C’est un sujet important, surtout si nous voulons diversifier à l’avenir nos systèmes de culture.

S’agissant de la part de l’agriculture biologique dans nos travaux, je ne peux pas vous donner un pourcentage précis, certaines de nos recherches génériques pouvant être utiles aux cultures biologiques – ainsi des vignes résistantes au mildiou et à l’oïdium peuvent servir en viticulture biologique autant qu’en viticulture conventionnelle. Cela étant, à strictement parler, nous y avons consacré depuis une dizaine d’années quarante projets de recherche pluridisciplinaires. Soixante-dix unités de recherche sur 200 sont mobilisées à un titre ou à un autre sur des sujets entrant dans ce champ, ainsi que 258 de nos agents.

Selon l’étude prospective que nous avons consacrée, en collaboration avec le CIRAD, aux systèmes agricoles mondiaux, on parviendra à nourrir neuf milliards d’êtres humains à quatre conditions : nous ne devons pas tous avoir le même régime alimentaire ; nous devrons réduire les pertes et les déchets tout au long de la filière alimentaire. Il faudra, en tout état de cause, améliorer les rendements ; enfin, il faudra développer le commerce, la relocalisation n’étant pas possible pour les régions où la production de nourriture est structurellement déficitaire.

M. le président François Brottes. Je vous remercie. Soyez assuré que, si vous êtes nommé, vous serez sous l’étroite surveillance du Parlement qui porte un intérêt sans limite aux travaux de l’INRA comme à ceux de tous les autres organismes de recherche.

Nous allons maintenant procéder, entre nous, au scrutin sur votre nomination puis, en même temps que le Sénat, à son dépouillement, avec l’aide de deux scrutateurs désignés par leur âge : Mme Catherine Troallic et M. Yannick Moreau.

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Puis la commission a procédé au vote sur la nomination de M. François Houllier en qualité de président de l’INRA.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 24 juillet 2012 à 16 h 45

Présents. - Mme Brigitte Allain, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, Mme Annick Lepetit, M. Philippe Le Ray, M. Alain Marc, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter

Excusé. - M. Thierry Lazaro