Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires économiques > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires économiques

Mardi 15 juillet 2014

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 108

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, sur la politique de la ville.

La commission a auditionné Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, sur la politique de la ville.

M. le président François Brottes. Madame la ministre, la politique de la ville est désormais rattachée à votre ministère, qui comprend également les droits des femmes, la jeunesse et les sports. Elle se trouve ainsi dissociée du secteur du logement, ce qui est une nouveauté.

Vous avez hérité du travail effectué par François Lamy, qui a longuement présenté à notre commission son projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. La liste des quartiers prioritaires, réclamée à cor et à cri par l’opposition lors du débat en séance publique, est enfin arrêtée. Environ 300 communes sortent du dispositif et une centaine y entrent, sur des critères dont personne ne conteste la validité. Ces sorties peuvent être vécues de façon positive, comme un signe de la réussite des politiques menées. Nous entamons une nouvelle phase de concertation, au terme de laquelle seront précisés les périmètres concernés, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2015.

Outre ce sujet d’actualité, nous souhaiterions vous poser des questions sur différents sujets, notamment l’avenir des zones franches urbaines, auxquelles notre collègue Henri Jibrayel a consacré l’année dernière un rapport, et le sort réservé au fonds Action Logement : année après année se profilent des redistributions budgétaires peu favorables à la construction de logements.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, sur la politique de la ville. J’ai en effet hérité du travail considérable réalisé par François Lamy pour faire aboutir une réforme attendue depuis des décennies et souvent reportée. Grâce aux critères objectifs et transparents que vous avez retenus, nous pouvons aujourd’hui mieux concentrer nos moyens sur les territoires qui en ont le plus besoin.

Votre commission a beaucoup apporté à ce projet de loi, dont je salue tout particulièrement le rapporteur, François Pupponi. Adoptée à une large majorité, cette réforme n’est pas un énième « plan Marshall » pour les banlieues – formule dont on connaît l’inefficacité. En revanche, elle rendra notre politique de la ville beaucoup plus efficace. Elle entrait dans sa phase opérationnelle lorsque j’ai pris mes nouvelles fonctions. Les 1 300 quartiers prioritaires de métropole sont désormais identifiés, et la liste de ceux des départements et collectivités d’outre-mer sera publiée en septembre. Vous connaissez parfaitement la méthode de carroyage selon le niveau de revenu des habitants qui s’est appliquée.

À partir de cette carte, les élus locaux et les préfets ont engagé un travail de délimitation précise de ces nouveaux territoires, en tenant compte de la réalité fine du terrain. Nous espérons que cette phase s’achèvera en septembre.

Les quartiers qui ne répondent pas aux critères de concentration urbaine de pauvreté et sortent de la politique de la ville bénéficieront, comme vous l’avez prévu dans la loi, d’une veille active. Ils pourront ainsi profiter de l’ingénierie de la politique de la ville pour construire un contrat de ville. Nous nous attacherons tout particulièrement à mobiliser le droit commun en faveur de ces quartiers.

Concentrer les moyens ne signifie pas, en l’occurrence, faire des économies. À cet égard, je suis heureuse de confirmer que les 330 millions d’euros de crédits d’intervention de la politique de la ville seront préservés dans le prochain budget triennal. Ces crédits, je le rappelle, sont consacrés au monde associatif, au lien social, aux programmes de réussite éducative, aux adultes relais, etc. Nous pourrons donc redistribuer davantage aux territoires qui en ont le plus besoin.

Ces financements seront différenciés selon le potentiel financier des collectivités locales concernées. Cette nouvelle cartographie nous a en effet permis d’identifier des poches de pauvreté dans des territoires qui, par ailleurs, se portent bien et devront, de ce fait, apporter un accompagnement plus important.

Mais la politique de la ville consiste aussi à mobiliser le droit commun. Nous enregistrons de ce point de vue des progrès intéressants : les zones urbaines sensibles bénéficient aujourd’hui de 20 % des emplois d’avenir et de 40 % des créations de postes dans l’éducation nationale. Petit à petit, le droit commun se renforce dans les quartiers prioritaires et nous nous emploierons à amplifier ce mouvement. Le périmètre inédit de mon ministère constituera à cet égard un atout : qu’il s’agisse des équipements sportifs, de la vie associative, etc., les élus auront désormais un seul interlocuteur.

Parallèlement à la délimitation des quartiers prioritaires, nous préparons le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Dès le mois de septembre, le conseil d’administration de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) proposera aux territoires présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants 200 opérations d’intérêt national. J’ai néanmoins voulu laisser une marge de manœuvre aux élus locaux qui souhaiteraient mener des opérations d’intérêt local ou régional dans d’autres quartiers. Un milliard d’euros, soit 20 % de l’enveloppe de 5 milliards, seront réservés à ces projets qui seront inscrits dans les contrats de projets État-région. Ces choix s’effectueront entre septembre et décembre prochain.

S’agissant des 1 300 quartiers, la discussion des contrats de ville va s’engager. Nous souhaiterions qu’ils soient signés dès la fin de 2014 ou, au plus tard, dans les trois premiers mois de l’année 2015. Les partenaires du contrat – l’État, chacune des collectivités territoriales, différents services publics comme les bailleurs sociaux, Pôle emploi, la caisse d’allocations familiales, etc. – doivent se mettre d’accord sur le projet de territoire et les objectifs stratégiques avant la fin de l’année, quitte à se donner deux ou trois mois de plus pour signer définitivement les contrats et leurs conventions d’application. Les attentes des habitants sont fortes, nous devons aller vite.

Pour améliorer la participation des habitants, la réforme introduit également les conseils citoyens. Nous avons travaillé ces dernières semaines, en lien étroit avec l’Association des maires de France, l’association Ville & banlieue et la coordination citoyenne des associations de quartier, à la construction d’un cadre de référence à destination des collectivités locales. Ce document que nous diffusons actuellement laisse beaucoup de latitude. Il n’introduit aucune obligation nouvelle par rapport à ce que vous avez inscrit dans la loi. Il s’agit surtout de proposer des outils méthodologiques aux communes pour constituer ces conseils et former les habitants qui en feront partie.

Nous souhaitons aussi que la réforme soit l’occasion de préciser le rôle des bailleurs sociaux. Nous avons décidé de reconduire l’abattement de taxe foncière dont bénéficient les organismes HLM dans les quartiers prioritaires, mais en fixant une contrepartie, acceptée du reste par l’Union sociale pour l’habitat : la signature, au mois de septembre, d’une charte par laquelle les bailleurs sociaux prennent de vrais engagements quant à la qualité du service rendu aux usagers. Il existe en effet de réelles difficultés en termes de gestion urbaine de proximité.

Les nouveaux contrats de ville donneront une place privilégiée à l’activité économique et à l’emploi. Nous réservons une enveloppe de 600 millions d’euros pour soutenir l’investissement dans les quartiers. Ces crédits permettront de lever des investissements privés, de co-investir dans des projets structurants, des pépinières d’entreprises, des maisons de santé. Ils se répartissent en 400 millions venant de la Caisse des dépôts et consignations et 200 millions au titre du programme d’investissements d’avenir.

Pour ce qui est de l’avenir des zones franches urbaines (ZFU), j’ai pris connaissance avec beaucoup d’attention du rapport du député Henri Jibrayel. Depuis, un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) est venu le compléter.

Les ZFU représentent un coût important dans le budget du ministère : 360 millions d’euros, montant à comparer aux 330 millions de crédits d’intervention de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances. Il est indispensable de s’assurer que cette dépense publique est utile et produit les résultats souhaités.

Or tous les rapports montrent que les effets réels des ZFU sur l’emploi sont difficiles à apprécier et variables d’un territoire à l’autre, mais que, pour autant, les ZFU sont un atout là où les acteurs locaux ont su bien les gérer.

De mon point de vue, compte tenu du contexte économique et social que l’on connaît et de la faiblesse de l’activité dans les quartiers, il serait très compliqué de mettre un terme brutal à ce dispositif à la fin de l’année, comme l’avait prévu la majorité précédente. Mais on ne peut simplement proroger un système qui n’est pas entièrement satisfaisant : il faut le remettre à plat et rechercher un meilleur rapport coût-efficacité. Je propose à votre commission que nous y travaillions ensemble.

S’agissant des exonérations sociales, il est proposé d’y mettre fin comme cela était prévu, dans la mesure où elles sont rendues sans objet par les exonérations de droit commun que le Gouvernement a introduites par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et le pacte de responsabilité. Les mesures font doublon à 90 %.

S’agissant des dépenses fiscales, en revanche, deux options se présentent. La première serait de les proroger au-delà de 2014, mais en les optimisant – le CESE suggère ainsi de réduire la durée des exonérations et d’abaisser le plafond des bénéfices exonérés – et en les resserrant sur les quartiers prioritaires. La seconde serait d’y mettre fin, mais en conservant les moyens pour mettre en place un dispositif plus efficace de soutien aux commerces de proximité dans les quartiers prioritaires. Il s’agirait d’offrir un abattement de taxe foncière, à l’instar de celui dont bénéficient les bailleurs sociaux, à des boulangeries, épiceries, bars-tabacs, pharmacies, etc.

Mon opinion n’est pas faite entre ces deux pistes. Si vous le voulez bien, monsieur le président, nous pourrions constituer un groupe de travail réunissant des membres de votre commission, les services de mon ministère et ceux du budget, afin de co-construire un dispositif.

M. le président François Brottes. Nous sommes tout à fait ouverts à une telle coopération. La question des zones franches urbaines nous préoccupe depuis longtemps et parfois nous divise, car leurs effets peuvent se révéler très différents selon les territoires. En outre, le pacte de compétitivité modifie significativement la donne pour les entreprises.

M. François Pupponi. Les acteurs locaux attendaient avec impatience la mise en œuvre de cette loi de programmation. Elle est maintenant effective puisque la quasi-totalité des préfets a pris contact avec les collectivités locales concernées et que le travail est engagé. Beaucoup de craintes s’étaient exprimées sur les quartiers qui entraient dans le dispositif ou en sortaient. Elles se sont largement dissipées, étant donné le critère incontestable que nous avons retenu, celui de la pauvreté des populations concernées.

Vous souhaiteriez que les contrats soient signés avant la fin de l’année, madame la ministre, et je comprends votre impatience. Ce sera néanmoins très compliqué dans certains territoires. Il faudra parfois dépasser un peu ce délai pour élaborer un vrai contrat de territoire prenant en compte l’ensemble des besoins. Pour expérimenter actuellement la mise en œuvre des conseils citoyens, je pense qu’ils ne pourront être opérationnels que fin septembre au mieux, ou courant octobre, le temps de lancer un appel à candidatures, de faire le tirage au sort, de réunir les personnes.

S’il faut, comme il est probable, déborder un peu sur 2015, qu’adviendra-t-il du financement des associations en 2015 ?

L’autre grande attente est le financement de l’ANRU et le NPNRU. Quand l’Agence indiquera-t-elle quels sont les quartiers retenus parmi les 1 300 quartiers prioritaires ? On annonce une première vague en septembre, puis une seconde en décembre. Pour les quartiers qui ne seront choisis qu’en décembre, la signature du contrat de ville avant la fin de l’année semble difficile.

Nous nous demandons également si Action Logement finira par se mettre d’accord avec le Gouvernement et confirmera qu’il financera sa part du nouveau PNRU.

En matière de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), nous cherchons avec votre cabinet des solutions pour mieux associer les élus à la détermination des exonérations et à l’utilisation des fonds. Nous constatons avec regret que certains bailleurs ne réinvestissent dans le quartier prioritaire concerné que le montant de l’exonération. Ils s’inscrivent, malheureusement, dans une tendance observable depuis trente ans : dès lors qu’un territoire bénéficie de la politique de la ville, ils en excluent l’application du droit commun. Normalement, l’exonération de TFPB devait venir compléter le droit commun. Il arrive même que le réinvestissement soit inférieur au montant de cette exonération. En d’autres termes, le dispositif applicable aux territoires prioritaires a servi à des territoires non prioritaires.

C’est le drame de la politique de la ville depuis trente ans : là où elle s’applique, on transfère ailleurs l’application du droit commun. Vous avez justement rappelé les principes, madame la ministre : le droit commun s’applique partout, la politique de la ville arrive en plus. Il faut donc assurer un suivi très précis de l’exonération de TFPB.

S’agissant des 400 millions d’euros de la Caisse des dépôts et des 200 millions du programme d’investissements d’avenir, je répète qu’il faut faire pression sur la Caisse pour qu’elle nous donne enfin le mode d’emploi de ses financements. Sur le terrain, nous ne savons ni auprès de qui ni comment déposer les dossiers pour les obtenir. Dans le précédent plan, alors que la Caisse des dépôts devait investir plus de 400 millions d’euros, elle n’en a dépensé que 300 millions pour cette même raison.

Pour ce qui est de l’avenir des zones franches urbaines, des mesures en faveur des commerces de proximité seront les bienvenues, mais n’oublions pas les autres petites entreprises pourvoyeuses d’emploi, notamment pour les jeunes. Il est important de donner un coup de pouce fiscal pour aider les habitants à créer leur entreprise.

M. Daniel Fasquelle. Ne pourrait-on opérer une réelle simplification en matière de politique de la ville ? Je doute que les députés dans leur grande majorité, et encore moins les acteurs et chefs d’entreprise de ces quartiers, comprennent quoi que ce soit à cet ensemble confus où les sigles prolifèrent, et que certains journalistes qualifient d’usine à gaz. Comment rendre cette politique plus accessible à nos concitoyens ?

Du fait du resserrement que vous avez voulu, il y a forcément les heureux élus et les autres. À Étaples-sur-Mer, dans ma circonscription, les élus se plaignent du caractère désormais anecdotique de la politique de la ville alors que la commune souffre énormément, que son taux de chômage explose et qu’elle a besoin d’aide. Ce que vous faites au profit des uns, ne le faites-vous pas au détriment des autres ?

Comme vous n’avez pas la charge, au sein du nouveau gouvernement, de l’égalité des territoires, permettez-moi de vous mettre en garde contre la déstabilisation des territoires ruraux. Nous l’avons dit au sujet des critères d’attribution du fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) : si les budgets se restreignent, ce que l’on donnera pour la politique de la ville, c’est ce que l’on retirera aux territoires ruraux et aux territoires touristiques. Dans les zones de revitalisation rurale, les maisons familiales et rurales sont beaucoup moins aidées que par le passé et s’en trouvent très fragilisées.

Enfin, vous êtes-vous fixé des objectifs précis qui permettraient de mesurer l’efficacité de cette politique ? Le nombre de commerces ne cesse de diminuer, les petites entreprises ont beaucoup de mal à se maintenir dans les quartiers difficiles, et les habitants s’en plaignent. Chaque nouveau ministre annonce de nouvelles actions, mais on ne retrouve pas les résultats escomptés sur le terrain.

M. André Chassaigne. Comment se fera la prise en compte du potentiel financier de chaque collectivité ? Comptabilisera-t-on leur intervention en pourcentage ou en volume ?

Vous évoquez la mobilisation du droit commun, mais les 40 % de créations de postes d’enseignants dans des territoires concernés par la politique de la ville ne sont-ils pas purement fortuits ? Lorsque l’éducation nationale décide la fermeture d’une classe ou établit la dotation horaire globale d’un établissement, je doute qu’elle prenne spécifiquement en compte les quartiers en question.

Dans les localités ayant bénéficié d’une politique volontariste de rénovation urbaine, avec des résultats tangibles en matière de logement social, les leviers pour accompagner les propriétaires privés dans la rénovation de leur logement se révèlent insuffisants, si bien qu’on assiste à une forme de « ghettoïsation ».

Le soutien aux commerces de proximité se fera-t-il en lien avec le FISAC, sachant que ce fonds va désormais fixer annuellement des domaines d’intervention prioritaires, ou cette démarche est-elle déconnectée de la politique menée par le ministère chargé du commerce et de l’artisanat ?

Je veux aussi attirer votre attention sur la situation de certaines petites villes qui n’entrent pas dans la politique de la ville et dont l’habitat est à tel point dégradé que des maisons s’effondrent. Pour les municipalités, le coût de tels incidents représente deux à trois ans de budget d’investissement. Ne pourrait-on utiliser une partie des 20 % de l’enveloppe du NPNRU destinés à des opérations d’intérêt local pour aider ces localités ?

Mme Brigitte Allain. Dans la politique de la ville, l’école est le meilleur vecteur d’intégration socioprofessionnelle, à condition qu’elle offre des débouchés à tous en fonction de leurs potentialités. Or beaucoup de jeunes ayant obtenu un baccalauréat professionnel dans l’espoir d’accéder à des formations de niveau plus élevé ne sont pas admis en IUT (institut universitaire de technologie) ou en section de BTS (brevet de technicien supérieur). Les territoires ruraux éloignés des centres urbains sont particulièrement défavorisés de ce point de vue. Les centres de formation privés, quant à eux, proposent des formations standardisées qui ne sont pas adaptées aux évolutions du marché. Dans ma circonscription du Bergeracois, nombre d’entreprises ne trouvent pas à embaucher faute de jeunes suffisamment qualifiés.

Comme l’égalité entre les hommes et les femmes entre dans vos compétences, madame la ministre, je voudrais souligner que ce sujet est partie intégrante de la politique de la ville. Beaucoup de petites villes, en milieu rural notamment, ne proposent pas suffisamment de services d’accueil de la petite enfance. Ayant la charge des enfants, les femmes n’ont accès ni à l’emploi ni à la formation, et encore moins à la possibilité de créer leur entreprise comme vous voulez les y inciter. Disposer de crèches à proximité – mais aussi de services d’urgence, d’établissements de santé et d’instances judiciaires – est une condition de l’accès à l’emploi.

Mme la ministre. Le calendrier est en effet assez volontariste et ambitieux, monsieur Pupponi, mais il était important de déclencher une dynamique. Dans la plupart des territoires, cependant, il y aura très probablement deux temps : d’abord, à la fin de 2014, la définition des objectifs stratégiques du contrat de ville ; puis, dans les trois premiers mois de 2015, la signature de ces contrats par chacun des partenaires. Ces dispositifs seront d’autant plus efficaces que les partenaires seront plus nombreux. Nous sommes d’ailleurs convenus avec la Caisse des dépôts que le représentant de la Caisse sur le territoire concerné sera signataire du contrat de ville, ce qui devrait répondre à votre question concernant le « mode d’emploi ».

Quant aux conseils citoyens, il ne s’agit pas de plaquer sur un territoire un dispositif superficiel. Je suis agréablement surprise de la rapidité de leur mise en place dans votre circonscription. Peut-être cela prendra-t-il plus de temps dans d’autres quartiers. Mais, dans tous les cas, la continuité du financement des associations sur le terrain n’est nullement remise en question.

Par ailleurs, Sylvia Pinel, ministre du logement et de l’égalité des territoires, a indiqué cet après-midi que les discussions avec Action Logement avançaient de façon satisfaisante. Le montant de la contribution de l’organisme à l’ensemble des politiques nationales sera relevé à hauteur de 1 milliard d’euros en 2016, 900 millions en 2017 et 700 millions en 2018. Cette enveloppe financera le nouveau PNRU à hauteur de 850 millions sur les trois prochaines années, sachant qu’il faut également acquitter ce qui restait à payer du premier programme. Les discussions avec Action Logement devraient s’achever au mois de septembre.

Lors de la dernière réunion du conseil d’administration de l’ANRU, au mois de juin, nous avons engagé la modification du règlement intérieur de l’Agence afin de permettre de lancer des études dans le cadre du nouveau programme. La première liste des quartiers considérés comme les plus prioritaires sera proposée en septembre et les décisions prises au début de 2015. Les territoires qui auraient déjà signé leur contrat de ville ont la possibilité d’y adjoindre un protocole de préfiguration qui sera évidemment pris en compte.

S’agissant de l’exonération de TFPB, il est vrai que les bailleurs n’ont pas toujours joué le jeu et réinvesti les montants appropriés dans les quartiers prioritaires. Nous sommes d’ailleurs en train de travailler avec l’Union sociale pour l’habitat à une charte rassemblant les engagements que nous souhaitons lui voir prendre. Je vous invite bien volontiers à vous y associer. Il faudra organiser par la suite un suivi du respect de ces engagements.

La simplification des dispositifs est précisément un des objectifs de cette réforme, monsieur Fasquelle : nous avons désormais une cartographie unique, 1 300 quartiers, pas de sigles divers et variés, mais des crédits d’intervention de la politique de la ville et un renforcement de la mobilisation du droit commun dans les quartiers prioritaires.

Lorsque des communes sortent du dispositif, c’est soit qu’elles vont mieux – la vocation d’un territoire bénéficiant de la politique de la ville est d’en sortir à un moment ou à un autre –, soit qu’elles n’auraient jamais dû y entrer – nous en avons découvert quelques exemples –, soit qu’elles ne répondent pas au critère unique retenu, qui est, je le rappelle, un revenu des habitants inférieur de 60 % au revenu moyen en France. Cela étant, lorsqu’il existe un risque de fragilisation du fait de la sortie du dispositif, la veille active que nous prévoyons permettra de mobiliser davantage le droit commun à leur bénéfice et de les aider à mener à bien les contrats de ville. Nous avons reçu beaucoup d’élus depuis trois mois et nous continuerons de le faire pour examiner en détail la situation des territoires. Mais, si l’on veut faire cette réforme, il faut bien se plier à la règle adoptée.

Aujourd’hui, deux ministres s’occupent en réalité de l’égalité des territoires : Sylvia Pinel sous l’angle de l’aménagement du territoire, notamment en ce qui concerne les zones rurales, et moi-même sous l’angle de la politique de la ville. Ma collègue est en train de mettre en place un dispositif de contrats de centre bourg, destiné à donner un coup de pouce aux territoires ruraux en difficulté. Alors que, par le passé, les problèmes des zones rurales et ceux des quartiers urbains étaient traités de façon séparée, nous avons désormais une seule structure, le commissariat général à l’égalité des territoires, qui regroupe l’ancienne DATAR (délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale) et le SGCIV (secrétariat général du comité interministériel des villes).

L’objectif de la politique de la ville dans les 1 300 quartiers prioritaires repose sur trois piliers : un pilier urbain, un pilier économique et un pilier social.

En matière d’urbanisme, il s’agit de remplacer de l’habitat très dégradé et d’offrir une meilleure qualité de vie, ce qui inclut le bâti, mais aussi les transports, les commerces, etc.

Du point de vue économique, le taux d’emploi des habitants de ces quartiers est de 18 points inférieur à la moyenne nationale. Le chômage des jeunes ne cesse d’y augmenter, alors qu’il a plutôt régressé en France ces derniers mois. Notre objectif est de réduire cet écart de moitié en 2017, ce qui suppose que nous mettions le paquet sur le développement de l’activité économique : outre les 600 millions d’euros de soutien aux entreprises issus de la Caisse des dépôts et du programme d’investissements d’avenir, nous avons obtenu que la Banque publique d’investissement double ses prêts à la création d’entreprises dans ces quartiers et nous avons élargi les garanties de prêts bancaires.

Nous constatons aussi que le dispositif des emplois francs n’a pas fait ses preuves : alors qu’on escomptait annuellement 5 000 emplois, on en est à 130 cette année. Par pragmatisme et souci d’efficacité, nous avons décidé d’y mettre fin et de soutenir les « clubs ambition », dispositif de terrain qui a vu le jour en 2006 en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ces structures permettent d’accompagner, de « coacher » les jeunes en recherche d’emploi, avec trois mois de formation intensive pour qu’ils se mettent en phase avec le marché du travail. Les résultats sont probants : 58 % d’insertion en emploi à la fin des trois mois. Notre objectif est de mettre en place 500 à 700 de ces clubs dans les quartiers prioritaires d’ici à 2020.

En matière sociale, je vous renvoie à mes propos sur le soutien aux associations, la sanctuarisation des crédits d’intervention de la politique de la ville et le rôle des bailleurs sociaux dans la gestion urbaine de proximité. Nous accordons une attention particulière, madame Allain, à la précarisation, partout signalée, des familles monoparentales conduites par une femme. Nous avons demandé aux préfets de prévoir dans les contrats de ville une réponse spécifique à cette question, notamment en ce qui concerne les gardes d’enfants, l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle, et l’accès de ces femmes à des emplois associatifs.

Quant au FISAC, il est prévu d’affecter un tiers de ses ressources aux quartiers prioritaires. En outre, le jour même où nous signions avec la Caisse des dépôts la convention permettant de mobiliser 400 millions d’euros en soutien à l’investissement privé, l’établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) décidait d’affecter 75 millions d’euros à la revitalisation des espaces commerciaux et artisanaux des quartiers.

La mobilisation du droit commun, monsieur Chassaigne, est un des aspects de l’action de mon prédécesseur François Lamy, qui a passé avec douze ministères des conventions d’objectifs. Ce n’est pas un hasard si 40 % des postes créés depuis deux ans sont allés aux territoires prioritaires : c’est le résultat d’une volonté politique. Dans le cadre de la réforme de son réseau d’éducation prioritaire, l’éducation nationale va d’ailleurs s’appuyer sur les mêmes indicateurs de pauvreté et de niveau de revenu des familles que nous.

La nouvelle carte des quartiers prioritaires fait particulièrement ressortir la dégradation de l’habitat privé dont vous faites état. L’ANRU passera un partenariat avec l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) pour traiter ce problème.

Madame Allain, dans le cadre de la charte « Entreprises et quartiers », qui engage les grandes entreprises à mener des actions spécifiques dans les quartiers prioritaires, nous avons signé, il y a dix jours, une convention aux termes de laquelle cinquante grandes entreprises s’engagent à recruter davantage dans les quartiers. Elles chargeront leurs salariés d’y parrainer ou d’y accompagner des projets. Elles proposeront des apprentissages aux jeunes. Je vous donnerai, si vous le souhaitez, le détail de ces mesures.

M. Henri Jibrayel. Le gouvernement précédent ayant créé un million de chômeurs supplémentaires, on comprend que vous n’ayez pas cru bon de proroger le dispositif des zones franches urbaines. Vos propositions sont intéressantes. Le président Brottes mettra rapidement sur pied une commission pour nous permettre de les étudier, en liaison avec vos services, mais il apparaît d’ores et déjà que le dispositif ne peut se limiter aux commerces. M. Pupponi et M. Fasquelle ont souligné à juste titre la nécessité d’y intégrer des TPE ou des autoentrepreneurs.

Vous avez annoncé la fin des emplois francs, alors qu’on avait laissé croire aux présidents et aux entrepreneurs des zones franches urbaines qu’un système palliatif serait mis en place. Évitons de procéder avec brutalité. Aucun outil ne permet de mesurer le nombre d’emplois créés dans ces zones. Si le bilan est mitigé, le rapport que j’ai rédigé avec Michel Sordi a été conforté par l’analyse du CESE. Au cours des auditions, personne, même parmi les chefs d’entreprise, n’a su proposer un dispositif équivalent, dans la période de faible croissance que nous connaissons.

Quand des acteurs locaux et des collectivités y ont consacré des moyens, en termes de transports, de structures ou de crèches, les zones franches urbaines ont bien fonctionné. Celles de Nîmes, Mulhouse ou Marseille, en plein essor, ont créé de l’emploi, et méritent d’être confortées. On peut en revanche parler d’échec à Montfermeil, où les élus n’ont pas employé tous les moyens nécessaires.

Nous sommes convaincus de la nécessité de nous mettre autour d’une table, pour étudier le sujet, mais il faut aller vite, car le projet de loi de finances pour 2015 sera discuté dans peu de temps.

Mme Catherine Troallic. Il est plus facile pour un élu d’accepter de sortir du dispositif quand les revenus de ses habitants dépassent nettement le seuil de 11 400 euros par personne et par an, que lorsque ce n’est pas le cas, comme dans certains quartiers très populaires de ma circonscription. Vous avez annoncé que ceux-ci bénéficieraient d’une veille active. Je vous demande d’attacher une attention particulière aux territoires, qui risquent, si on les abandonne, de s’isoler et de se paupériser davantage.

Les élus comprennent fort bien que tout quartier inscrit en géographie prioritaire ait vocation, après que les investissements ont produit leurs effets, à sortir du dispositif. Mais, comme les habitants, ils s’inquiètent des conséquences financières de leur nouvelle situation, qui les éloignera de la dotation de solidarité urbaine (DSU) ou des crédits de la réussite éducative. Pouvez-vous les rassurer sur ce point ?

Enfin, j’ai eu l’occasion d’évoquer avec le ministre de l’éducation nationale la révision des zones d’éducation prioritaire. Si sa carte se confond avec la vôtre, certains quartiers seront exclus en même temps des deux dispositifs.

M. Fabrice Verdier. Dans mon département du Gard, et plus particulièrement dans le bassin de vie d’Alès La Grand-Combe, une commune entre dans le dispositif, alors que six autres en sortent. Bien que le choix d’une maille de 1 000 habitants exclue d’emblée les communes rurales, où l’habitat est diffus, je ne parviens pas à expliquer la décision aux élus, car la situation du bassin de vie s’est objectivement dégradée et le chômage y frappe 20 % de la population.

Je souhaite moi aussi que, à l’occasion d’une rencontre, nous puissions comprendre les critères d’exclusion, préciser le mécanisme de veille et peut-être revenir sur certaines décisions, d’autant que toutes les communes entrant dans le dispositif sont loin d’être pauvres. Un maire s’est étonné d’y être intégré, ce qui ne l’intéressait guère, en termes d’image. Il faut tenir compte du potentiel fiscal des communes, et utiliser une maille très fine, pour définir des soutiens appropriés. Peut-être est-ce aux préfets d’organiser une rencontre qui garantira la transparence des décisions. Au reste, je me félicite de ce recentrage, car certaines communes bénéficiaires n’avaient aucun titre à figurer dans le dispositif.

M. Daniel Goldberg. Madame la ministre, je me réjouis de la manière dont vous considérez la politique de la ville. Pour vous, il s’agit non d’une manifestation de solidarité des quartiers favorisés vers ceux qui le sont moins, mais d’un mécanisme d’ensemble. La faiblesse des quartiers populaires pèse sur le développement du pays. Les zones de fracture constituent un handicap pour toute la nation.

Avant de réfléchir sur le PNRU 2, auquel vous avez fait allusion, il faut déjà terminer le PNRU 1, qui n’a pas reçu de l’État les engagements financiers attendus. Nous l’avions dénoncé sans succès, monsieur Fasquelle, quand nous étions dans l’opposition. Achevons ce qui avait été engagé. Peut-être la ministre nous apportera-t-elle des précisions à cet égard.

Lors de l’examen de la loi sur la ville, au début de l’année, l’Assemblée a décidé à l’unanimité que le lieu de résidence serait le vingtième critère de discrimination sanctionné par la législation. On peut sans doute aller plus loin. Comment un citoyen victime d’une « discrimination à l’adresse » peut-il saisir la justice ? Existe-t-il, en la matière, des médiations, voire des opérations de testing ?

Mme Brigitte Allain. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui appelle cependant une réserve de ma part. Vous envisagez de proposer à des femmes en situation de précarité des emplois dans les écoles ou les services publics. Je suis choquée que les métiers tournés vers le périscolaire ou l’aide aux enseignants, comme ceux qu’exercent les animateurs de centre de loisirs ou les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), ne soient pas reconnus comme de vrais métiers, soumis au code du travail et rémunérés par de vrais salaires.

Mme Frédérique Massat. Quand nous avons voté la loi sur la ville, je ne me doutais pas qu’elle concernerait des communes du département montagneux de l’Ariège. Trois unités urbaines sont entrées dans le dispositif. Si elles ne refusent pas cette aide – au contraire ! –, elles s’étonnent d’y être éligibles, alors même que celle-ci est refusée à la commune de Lavelanet, victime de la désindustrialisation, qui connaît un taux de chômage de 20 %, et de 46 % pour les jeunes de quinze à vingt-quatre ans. Certes, avec ses 7 000 habitants, Lavelanet est assez loin du seuil de 10 000. La nouvelle n’en suscite pas moins une certaine incompréhension sur le territoire. Allez-vous mettre en place une opération de repêchage ?

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre volonté de faire émerger des territoires d’excellence ?

Ma dernière question a trait au football, et s’adresse à la ministre des sports. Combien de temps la Direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) empêchera-t-elle la commune de Luzenac, qui compte 650 habitants, de monter en ligue 2, ce qui crée chez nous une grande frustration ? Il faut croire que, dans ce sport, l’argent est vraiment roi !

M. Dominique Potier. Je formulerai trois propositions d’ouverture, pour éviter que la géographie prioritaire ne fragmente le territoire.

Le ministre de l’éducation nationale parle de créer des campus des métiers en lieu et place des lycées professionnels, ou des campus de formation, alliant lycées classiques et lycées professionnels. Ne peut-on pas articuler ce dossier avec celui de la géographie prioritaire, afin de créer des parcours de formation adaptés et d’assurer la mixité sociale qui, après le collège, fait tant défaut au système actuel ?

Les communautés de communes, agglomérations et territoires vont grandir, puisque les intercommunalités reprendront les compétences des départements et recevront des délégations des grandes régions et de l’État. Elles associeront des territoires urbains, périurbains et ruraux. Face aux attitudes défensives et aux logiques de rétrécissement qui se sont exprimées lors des dernières élections, une politique progressiste devrait imposer l’ouverture et la coopération. Savez-vous que certaines politiques de la ville ont suscité des coopérations culturelles, associatives ou environnementales entre le rural, l’urbain et le périurbain ? Est-ce un axe que vous pourriez encourager et financer ? De belles expériences menées sur nos territoires méritent d’être confortées. L’avenir des politiques publiques sera constitué non de frontières, mais de passerelles.

Ma dernière remarque est plus technique. En examinant la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) et le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, nous avons découvert que les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) ne peuvent pas préempter les biens en société, de plus en plus nombreux dans le foncier. On constate la même impasse juridique en ville : les établissements publics fonciers (EPF) ou les opérateurs publics ne peuvent pas préempter les biens en société. Dans les deux cas, la modernité ou la financiarisation de l’immobilier échappe au contrôle public. Pourquoi ne pas consacrer à ce problème une mission parlementaire dès 2015 ?

M. Jean-Luc Laurent. Le Conseil national des villes (CNV) est arrivé à échéance en août 2013. Quand le nouveau Conseil sera-t-il mis en place ? À l’occasion de son installation, une annonce positive peut-elle intervenir en ce qui concerne son secrétariat général, qui est autonome, et permet, indépendamment du ministère, d’accompagner le travail d’évaluation et de recherche du CNV ?

Le Président de la République a annoncé hier son intention de développer le service civique, ce qui me paraît nécessaire, compte tenu du besoin de République dans les quartiers populaires. Sachant qu’il existe déjà une convention entre l’État et l’Agence du service civique, comment intensifierez-vous les efforts de recrutement dans les quartiers prioritaires ? Lors du vote de la loi sur la ville, j’avais déposé un amendement en ce sens. L’idée semble faire son chemin. Qu’en est-il des actes ?

M. Razzy Hammadi. Je salue votre volonté de concentrer les aides, de mettre fin à l’éparpillement, d’assurer l’égalité entre les territoires et d’éviter l’empilement des sigles. Cela dit, le revenu ne me semble pas le seul critère à prendre en compte pour intégrer ou non une commune au dispositif. Il est des territoires où, du fait des zonages locaux ou européens, il n’existe plus de continuité urbaine ou territoriale permettant de mener des politiques économiques et sociales. Une évaluation est-elle prévue pour apprécier les effets de la réforme ? Je le répète : le critère financier est restrictif. Ce qu’il fera gagner en justice et en objectivité, il le fera perdre en efficacité.

Des mesures ont été votées dans la loi de finances pour 2013 et pour 2014. Des enveloppes ont été consacrées à la politique de la ville, en plus de l’action de la BPI. Quelle que soit notre sensibilité politique, nous avons intérêt à communiquer sur ces sujets. L’optimisme que ressentiront les quartiers populaires participera au redressement du pays, qui n’avancera pas sans la confiance des 8 millions de personnes vivant dans les anciennes zones urbaines sensibles. Il manque aussi une appréciation qualitative de l’entrepreneuriat et de l’investissement dans ces quartiers. Qu’y fait-on ? Pourquoi ? Comment ? Avec quels moyens et quelle formation ?

La semaine dernière, j’ai rencontré deux jeunes entrepreneurs de ces quartiers qui se sont lancés dans la production d’applications pour smartphones. Alors qu’ils disposaient d’un capital d’un peu plus de 100 000 euros, ils sont condamnés par les prud’hommes à indemniser, à hauteur de 30 000 euros une secrétaire, dont ils avaient mal rempli le dossier de licenciement. Il ne s’agit pas de remettre en cause le code du travail, mais on doit reconnaître qu’il est difficile d’appréhender certaines réalités.

Dans le même ordre d’idée, les contrats de partenariat public-privé ne doivent pas être cantonnés au XVe arrondissement de Paris. Ils s’étendront dans nos quartiers populaires, pour peu qu’on fasse évoluer, notamment dans le cadre législatif, leur pertinence et le contrôle démocratique dont ils doivent bénéficier.

M. Philippe Kemel. Aujourd’hui, grâce aux critères qui ont été introduits, la politique de la ville est devenue lisible. Comme mes collègues, j’insiste sur la veille qui doit accompagner les communes ou les quartiers qui sortent du dispositif. Dans ceux qui restent bénéficiaires, pourquoi ne pas mettre en place des mesures particulières, pendant une période transitoire de douze à dix-huit mois, à destination des personnes, qui sont sorties du monde du travail depuis des années – parfois dix ou quinze ans – ou qui n’y sont jamais entrées ? Ces mesures, qui ne concerneraient pas plus de dix à quinze personnes sur un millier, permettraient d’adresser un signe aux familles, de redonner confiance aux intéressés et de modifier l’ambiance de certains secteurs.

Dans les collèges situés à proximité des quartiers difficiles, on constate un décrochage, qui mène souvent à l’exclusion. Dans les collèges uniques, peut-être faut-il élaborer une carte de propositions qui prenne en compte de l’hétérogénéité des niveaux. Il faudrait aussi empêcher qu’on exclue les élèves des établissements.

Enfin, dans les villes pauvres, comment la DSU viendra-t-elle pondérer la dotation globale de fonctionnement, partout en diminution ?

M. le président François Brottes. J’ajoute une dernière question : la nouvelle politique territoriale modifiera-t-elle la gouvernance des contrats de ville ? Nous nous sommes demandé qui, de l’agglomération, de la métropole, de la commune, de l’intercommunalité ou du département, en piloterait les différents aspects. Qu’adviendra-t-il si ce qui plaît à un maire ne convient pas aux responsables de l’agglomération ?

Mme la ministre. Monsieur Jibrayel, je ne demande qu’à travailler avec vous sur les problèmes que vous soulevez. L’arrêt du dispositif des emplois francs appelle bien sûr un accompagnement. Les clubs ambition constituent le meilleur dispositif pour ramener vers l’emploi des jeunes qu’en éloigne un manque d’opportunités ou un blocage, une autocensure. Un coaching intensif de trois mois les aidera à lutter contre ces mécanismes psychologiques. Nous développerons 500 à 700 clubs dans les quartiers prioritaires.

Madame Troallic, je ne minimise pas le problème des communes qui sortiront en même temps du programme de réussite éducative et de la politique de la ville. Les élus locaux devront nous signaler les territoires qui méritent de bénéficier d’une veille active. Nous pérenniserons les dispositifs qui ont fait leur preuve – notamment la réussite éducative et les adultes-relais – en les finançant sur une autre enveloppe. Je les soutiendrai en tant que ministre chargée de la vie associative. Le travail se fera en lien avec les préfets, qui se tiennent à votre disposition pour vous recevoir et répondre à vos questions. Le contour exact des quartiers et la définition des territoires nécessitent toute notre vigilance.

Si la commune de Lavelanet, citée par Mme Massat, n’entre pas dans la politique de la ville, elle peut sans doute bénéficier des mesures en faveur des bourgs-centres, qui dépendent du ministère du logement et de l’égalité des territoires. Pour la mise en œuvre de la réforme, j’ai laissé une importante marge de manœuvre aux préfets et aux élus locaux. N’hésitez pas à en profiter.

Le montant des interventions de l’État ne peut être identique dans tous les territoires. Il sera d’autant plus élevé que le potentiel fiscal de l’agglomération est faible. C’est un des éléments que définira le contrat de ville. Sur ce point, nous lancerons rapidement la négociation.

Il est fréquent, monsieur Goldberg, qu’on constate une différence entre les mots et la réalité. Les sommes effectivement décaissées au titre du PNRU, qui a été prorogé jusqu’à fin 2015, sont inférieures de 6 milliards d’euros aux prévisions. Cela signifie que le gouvernement ajoutera cette somme aux 5 milliards qu’il apportera jusqu’à 2020 pour financer le nouveau PNRU.

Je vous remercie d’avoir introduit dans la loi sur la ville un amendement destiné à combattre les discriminations géographiques. Au cours de la grande conférence sociale des 7 et 8 juillet derniers, nous avons décidé, avec les partenaires sociaux, de nous attaquer enfin au problème, en traitant en priorité les modes de recrutement – qui pourront s’effectuer par simulation et sans curriculum vitae – et en définissant une action collective contre les discriminations au travail.

Un groupe de travail, en cours de formation, sera opérationnel en septembre. Si vous voulez y participer, vous êtes le bienvenu, mais, sans attendre ses conclusions, nous financerons des actions de testing, aux différentes étapes du parcours des jeunes, car la discrimination intervient aussi lors de l’apprentissage ou de la recherche d’un stage. En cas de dysfonctionnement, le testing pédagogique débouchera sur des actions de formation et de sensibilisation des recruteurs ou des intéressés.

Peut-être ai-je été un peu lapidaire en vous répondant, madame Allain. Je n’ai pas voulu dire qu’il ne fallait proposer aux femmes des quartiers que des emplois dans le secteur associatif ou les écoles. Récemment, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes m’a remis un rapport sur la situation des femmes dans les quartiers. Le taux d’emploi de celles-ci est très faible. Elles ne bénéficient de la clause d’insertion dans les marchés publics que dans 6 % des cas, ce qui est dérisoire, même si ces marchés concernent surtout le secteur du bâtiment. Il faut que les dispositifs en faveur de l’emploi profitent autant aux femmes qu’aux hommes. Cette dimension doit être prise en compte dans le soutien à l’entrepreneuriat.

Si les femmes sont sous-représentées dans l’entreprise, elles sont nombreuses à jouer le rôle d’adultes-relais, emplois de médiation que la politique de la ville soutient depuis des années. Avec le ministre du travail et la ministre des affaires sociales, nous réfléchissons au moyen de professionnaliser les métiers de médiation. De ce fait, ceux qui les occupent bénéficieraient d’une formation régulière et d’un avancement, et ils sortiraient du système des contrats aidés.

La politique de la ville, menée depuis trente ans, et la rénovation urbaine, commencée il y a dix ans, ont échoué à produire de la mixité sociale, seule manière de sortir les quartiers de leurs difficultés. Pour favoriser le mélange des populations, on pense désormais la rénovation en termes de performance supérieure. S’ils veulent attirer une population aisée qui ne viendrait pas s’y installer spontanément, les quartiers rénovés doivent offrir de meilleures prestations que les autres. C’est pourquoi nous avons travaillé avec l’ANRU sur la clause du quartier le plus favorisé. Les 200 quartiers qui bénéficieront de la rénovation urbaine, ou tous ceux qui feront l’objet d’une opération d’intérêt local ou régional disposeront d’une valeur ajoutée liée à la performance énergétique des bâtiments, à la connectivité ou à l’environnement. Ces critères permettront de mélanger des populations de différents niveaux sociaux.

Vous connaissez mon avis sur Luzenac, mais l’État – fort heureusement – n’a pas son mot à dire sur le sujet.

Monsieur Potier, je suis favorable aux campus de l’éducation, dont nous reparlerons ensemble. C’est un dispositif que nous pourrions soutenir davantage. De même, nous aimerions faire monter en puissance les écoles de la seconde chance.

Vous m’avez interrogée sur la collaboration du rural et de l’urbain. La réforme de la politique de la ville, celle de l’éducation prioritaire et les mesures relatives aux contrats de bourgs centres arrivant en même temps, il est facile de les synchroniser. Le dispositif mis en place par Sylvia Pinel s’inspire de la politique de la ville, puisqu’il vise à identifier une ingénierie et à nouer des partenariats.

Je vous répondrai par écrit sur la possibilité de préempter les biens en société.

Monsieur Laurent, un décret, en cours de rédaction, installera à l’automne la nouvelle version du Conseil national des villes. Celui-ci exercera des missions plus importantes, à commencer par l’évaluation des politiques. Je réponds ainsi à la question de M. Hammadi sur l’appréciation de la réforme en cours. Le CNV animera également les démarches participatives. Sa composition sera modifiée. Un collège réunissant des représentants des habitants et des associations de proximité siégera désormais à côté des élus.

Le Président de la République vient d’annoncer qu’un effort budgétaire permettrait que, en 2017, 100 000 jeunes bénéficient du service civique, qui constitue un excellent dispositif. Selon le bilan d’étape que m’a remis François Chérèque la semaine dernière, seuls 15 % des jeunes issus des quartiers prioritaires demandent à l’effectuer. Nous visons le taux de 25 %. Cela dit, il est important que le service civique offre, comme autrefois le service militaire, une occasion de se mélanger. Nous travaillons sur son financement. La somme qu’y consacre mon ministère augmentera de 100 millions. Pour compléter l’enveloppe, nous envisageons de signer des partenariats privés et de solliciter d’autres ministères, également concernés par ces missions.

Monsieur Hammadi, le critère du revenu, qui vous semble contraint, ne constitue qu’un point de départ. Nous travaillons avec les acteurs locaux pour définir des périmètres et comprendre une réalité que le carroyage ne permet pas toujours d’identifier. Je l’ai dit : nous disposons d’une marge de manœuvre importante, pourvu que la population des communes ne dépasse pas de 10 % le seuil que nous avons fixé.

La réalité, vous l’avez dit, se joue sur un territoire plus vaste que la ville. La réforme vise à faire des intercommunalités des acteurs de notre politique. En tant que Lyonnaise, j’ai constaté que les intercommunalités peuvent beaucoup quand elles se mobilisent. La politique de la ville appartient désormais à leurs compétences. En outre, elles possèdent une échelle qui permettra de favoriser la mixité sociale et d’assurer la fluidité des fonctions et des populations. La commune continuera à jouer son rôle, mais elle ne se retrouvera plus seule face au problème de la précarité.

Comme vous, monsieur Hammadi, je considère que, pour favoriser l’entrepreneuriat, il ne suffit pas d’accorder des aides à la création d’entreprise. Il faut offrir, dans un même bloc, de la formation à la création d’entreprise, du coaching, de l’accompagnement financier, du suivi à moyen et long terme. C’est pourquoi, avec la BPI, des écoles de commerce et des acteurs de l’accompagnement, nous construisons un nouveau modèle d’école de l’entrepreneuriat, que nous implanterons dans les quartiers prioritaires.

Pour éviter le décrochage scolaire, vous proposez, monsieur Kemel, d’interdire l’exclusion. Je vais à nouveau faire état de mon expérience d’élue locale. Certains centres sociaux – d’autres acteurs pourraient porter le même projet – veillent à ne jamais laisser un collégien exclu dans la rue, et le font accueillir par une autre structure. C’est le type même de projet que doivent soutenir la vie associative et l’éducation populaire. À Lyon, j’ai constaté le succès de solutions proposant, en cas d’échec scolaire, un projet alternatif à l’école. Sur ces sujets, nous devons travailler avec l’éducation nationale.

Je terminerai par votre question, monsieur le président. Pour éviter que la réforme territoriale, dont on ne connaît pas précisément les contours, ne freine la politique de la ville, j’ai reçu le président de l’Assemblée des départements de France (ADF) et celui de l’Association des régions de France (ARF). Nous avançons sur la base des compétences actuelles des collectivités, quitte à amender les contrats par la suite, car nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps.

M. le président François Brottes. J’ai déjà alerté Mme Fioraso sur un point que je veux porter à votre connaissance. En réponse aux demandes de stage, certains organismes interprofessionnels adressent aux candidats une lettre type indiquant que la loi est devenue si compliquée qu’ils n’accueillent plus de stagiaires. Le Gouvernement doit faire à cet égard un travail de pédagogie. Sans doute avons-nous communiqué en direction des jeunes plus que des entreprises, mais il serait regrettable qu’une certaine incompréhension entraîne une rupture du lien avec les chefs d’entreprise et une diminution du nombre de stages.

Mme la ministre. Lors de la grande conférence sociale, j’ai observé une levée de boucliers sur le sujet, notamment de la part de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). Il faut à la fois rassurer et expliquer.

M. Philippe Kemel. Ce week-end, j’ai été interpellé à ce sujet par une responsable de l’institut régional du travail social (IRTS) de Lille. Cet organisme n’accueille plus de stagiaires, ce qui empêche les étudiants de valider leur parcours, parce que la loi est mal comprise ou mal abordée. Peut-être devons-nous la revisiter.

M. le président François Brottes. Nous allons nous rapprocher de nos collègues de la commission des affaires sociales, pour essayer de régler le problème.

Madame la ministre, je vous remercie.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 15 juillet 2014 à 16 h 15

Présents. - Mme Brigitte Allain, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, M. Christophe Borgel, M. André Chassaigne, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Razzy Hammadi, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. François Pupponi, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Troallic, M. Fabrice Verdier

Excusés. - Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Joël Giraud

Assistaient également à la réunion. - Mme Kheira Bouziane, M. Guillaume Chevrollier, Mme Pascale Crozon, M. Yves Foulon