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Commission des affaires économiques

Mercredi 22 octobre 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 6

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Bruno Lafont, président-directeur général de Lafarge.

– Informations relatives à la commission

La commission a auditionné M. Bruno Lafont, président-directeur général de Lafarge.

M. le président François Brottes. Chers collègues, je vous informe que j’ai envoyé, en votre nom, une lettre de condoléances au groupe Total et à la famille de M. de Margerie, qui a été récemment l’un de nos invités.

Nous accueillons ce matin M. Bruno Lafont, président-directeur général de Lafarge. Avant de lui donner la parole, je vous propose la création d’un groupe de travail sur l’avenir des zones franches urbaines, autour de nos collègues Henri Jibrayel et Michel Sordi, qui ont commis il y a quelques mois un rapport sur la pertinence de maintenir un dispositif de soutien dans les zones franches urbaines. Ce rapport invitait à proroger tout ou partie des dispositifs existants. Je remercie François Pupponi d’avoir défendu, au nom de notre commission, des amendements devant la commission des finances. Cela n’a pas été sans mal. Désormais, le règlement sera appliqué et toute commission pourra, par l’intermédiaire de son rapporteur, présenter des amendements et les soumettre au vote en commission des finances. C’est une grande nouveauté !

M. François Pupponi. Grâce à vous, monsieur le président !

M. le président François Brottes. J’y ai pris ma part, mais vous aussi, cher collègue. Je signale d’ailleurs que six amendements de la commission des finances ont été adoptés, mais aussi deux de nos propres amendements, ce qui prouve qu’un travail ciblé, commencé très en amont, porte ses fruits, pour peu que le rapporteur soit tenace et constant comme vous l’avez été.

S’agissant des zones franches urbaines, la secrétaire d’État chargée de la ville souhaite rencontrer, dans le courant de la semaine prochaine, un groupe de membres de notre commission pour réfléchir aux modalités de mise en œuvre des actions en direction des zones franches urbaines. Je souhaite donc savoir rapidement quels sont ceux d’entre vous, chers collègues, qui souhaitent se joindre à MM. Jibrayel et Sordi.

M. Henri Jibrayel. Je vous remercie, monsieur le président, de relancer ce groupe de travail. Nous devons rester très vigilants quant à l’avenir des zones franches. Nous aurons une discussion avec les ministres concernés et parviendrons peut-être ainsi à obtenir le maintien de ces dispositifs ainsi que des réponses, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, à la question soulevée par notre amendement.

M. Antoine Herth. La semaine en cours aura été extrêmement agitée en ce qui concerne les entreprises françaises du secteur de l’énergie. Outre l’accident mortel de M. de Margerie en Russie, Areva et EDF vont connaître des changements à leur tête. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le président, à quel moment notre commission pourra auditionner les nouveaux dirigeants des trois groupes concernés ? Il est important que l’Assemblée nationale soit informée des projets dont ils seront porteurs pour l’avenir énergétique de la France.

M. le président François Brottes. J’ai transmis à M. Luc Oursel tous nos vœux de rétablissement ; dès que le nouveau patron d’Areva sera nommé, nous l’inviterons. Quant à M. Jean-Bernard Lévy, que le Président de la République souhaite nommer à la tête d’EDF, nous l’entendrons au titre de l’article 13 de la Constitution, sans doute le 22 novembre ou à une date proche. Nous recevrons également, bien entendu, le nouveau patron de Total.

Monsieur Lafont, le site de Lafarge indique que ce groupe est le numéro un du ciment au plan mondial, ce qui donne à votre audition un caractère majeur. J’ai souhaité que vous veniez nous parler de votre groupe, suite à l’annonce faite il y a plusieurs mois d’une fusion avec le groupe Holcim. Des questions se posent sur l’incidence sociale de cette fusion et sur son incidence sur le siège social, sur la gouvernance et sur la nécessité de se délester de certains sites. L’Autorité de la concurrence délibère en effet sur la nécessité de vous départir d’une partie de vos activités pour permettre à cette fusion d’avoir lieu.

Votre groupe produit 4 milliards de tonnes de ciment par an, soit un doublement du volume en quinze ans. Cela veut dire que la demande, notamment dans les pays émergents, compte tenu de leur expansion urbaine, est de plus en plus importante. La Chine absorbe 58 % de la demande mondiale. On assiste au développement de cimentiers chinois, mexicains, colombiens ou nigérians, qui concurrencent notamment Lafarge. Ce matin, nous voudrions avoir un point complet sur l’activité cimentière dans le monde et sur les perspectives de votre groupe, compte tenu de ses nouvelles alliances. Vous pourrez aussi nous parler de l’énergie, dans la mesure où votre activité en consomme beaucoup, et du carbone. Nous sommes en effet en plein débat sur la transition énergétique et, à chaque discussion sur les quotas, les cimentiers ne manquent pas de nous adjurer de ne rien faire qui risque de compromettre leur activité en France ou en Europe.

M. Bruno Lafont, président-directeur général de Lafarge. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie tout d’abord de m’avoir invité à exposer devant votre commission l’actualité de notre groupe, ainsi que tous les projets qui nous attendent dans les mois à venir.

Je suis très fier de diriger un groupe français dont l’histoire a commencé en Ardèche, au Teil, en 1833, à proximité de la grotte Chauvet. L’usine du Teil est toujours en activité, mais cette histoire a connu un prolongement international, à partir de la première moitié du XXe siècle et s’accélérant dans la seconde moitié, faisant de nous le premier groupe mondial de notre secteur d’activité.

Le groupe est établi dans une soixantaine de pays et compte environ 60 000 employés. Plus de la moitié du chiffre d’affaires est produit dans les pays émergents. Le groupe a consacré les dix dernières années à se recentrer sur ses métiers initiaux, à savoir le ciment, le granulat et le béton, et à déployer sa présence internationale.

L’ambition de Lafarge est de contribuer à construire des villes meilleures, en plus accueillantes, plus compactes, plus durables, mieux connectées et plus belles. Contrairement à ce que l’on pense, les sondages montrent que les gens sont très attachés à leurs villes. Les réalisations auxquelles nous participons sont le reflet de ces ambitions. Le MuCEM, à Marseille, est fait avec du béton Lafarge à très haute technologie. C’est le meilleur béton du monde, inventé voici une quinzaine d’années dans notre centre de recherches de L’Isle-d’Abeau. Tout récemment, la Fondation Louis-Vuitton a bénéficié de très belles pièces de ductal, qui est le béton high tech de Lafarge.

En nous recentrant sur notre cœur de métier, en adoptant une nouvelle organisation il y a deux ans et en suivant une stratégie résolument tournée vers l’innovation, nous avons réussi à traverser la période très difficile pour notre secteur qu’a été la crise financière. Une crise financière, en effet, touche d’abord l’investissement, et la construction, c’est de l’investissement. Quand il n’y a plus d’investissement, il n’y a plus de construction, et les économies développées ont beaucoup souffert de la crise.

Nos volumes de ciment ont baissé de plus de 50 % aux États-Unis entre le pic et le creux de la crise. Dans les pays d’Europe, on a observé une baisse de 25 % à 30 %, qui a atteint 80 % dans des pays comme l’Espagne. Cela étant, nous avons réussi à répondre à la croissance des nouveaux marchés. C’est donc l’équilibre de notre portefeuille entre pays développés et pays émergents, et notre effort d’innovation dans les pays développés, qui constituent la part principale de nos activités à venir.

L’histoire de notre groupe est riche. Elle connaît aujourd’hui l’un de ses prolongements les plus importants, avec l’annonce d’une fusion avec Holcim, groupe suisse d’une taille comparable au nôtre. Il est très rare que deux leaders mondiaux, c’est-à-dire le numéro un et le numéro deux d’un même secteur, qui font exactement la même chose, puissent s’unir. Il est surtout très rare que ces deux leaders soient aussi compatibles et aussi complémentaires que nous le sommes. C’est pour cette raison que leur union est possible.

C’est le pari d’une véritable fusion entre égaux que nous sommes en train de relever. Le nouveau groupe sera de très loin, non seulement le plus grand, mais aussi, je l’espère, le plus dynamique et le plus profitable des groupes mondiaux dans ce secteur. Il aura toutes ses racines, européennes – puisqu’il s’agit de deux groupes européens – et françaises, car cette fusion devrait aussi bénéficier à la France. Je rappelle que Zurich est à 80 kilomètres de la frontière française.

L’histoire que nous sommes en train d’écrire est celle des entreprises françaises qui grandissent et qui veulent gagner. Notre projet de fusion doit nous permettre d’atteindre une taille internationale critique pour anticiper les besoins des marchés de la construction et nous développer de manière accélérée en relevant les trois grands défis du XXIe siècle dans notre secteur, à savoir l’urbanisation, le changement climatique et l’innovation.

Le nouveau groupe sera capable d’y faire face parce qu’il aura un portefeuille géographique des plus développés. Nous serons présents dans tous les pays du monde qui comptent, et dans tous ceux où l’on construira plus d’un million et demi de logements par an. En France, nous ne dépassons pas les 400 000 logements dans les bonnes années, et les chiffres sont actuellement très inférieurs. Mais il y a, dans le monde, une quinzaine de pays qui vont construire plus d’un million et demi de logements par an, comme c’était le cas des États-Unis naguère. La Chine en construit 7 à 8 millions, et l’Inde va en construire 6 millions. De grands pays comme le Mexique, l’Indonésie, le Nigéria construisent des logements parce que la démographie augmente et qu’il y a un phénomène d’urbanisation, que la France a connu il y a cinquante ans et que les pays émergents commencent à connaître aujourd’hui.

En ce qui concerne le changement climatique, Lafarge et Holcim sont tous deux en pointe dans les actions menées pour réduire leurs émissions de CO2, réduire celles produites par les bâtiments, et répondre de manière positive aux réglementations, de plus en plus contraignantes en la matière. Nous sommes de gros émetteurs de CO2, car la fabrication du ciment produit une réaction chimique libératrice de CO2, émission que nous essayons de réduire sur nos sites. En outre, avec les bétons que nous fabriquons, nous offrons des solutions permettant de construire des bâtiments de plus en plus efficaces sur le plan énergétique.

Nous travaillons avec tous les pays du monde dans cette optique. Nous sommes favorables à un accord mondial sur le climat, d’abord parce que nous savons comment réduire nos émissions de CO2 – nous les avons diminuées de 26 % entre 1990 et 2013, ce qui est considérable – et ensuite parce que, si cet accord est bon pour la planète, il l’est également pour l’économie et pour le secteur du ciment : si tout le monde est soumis aux mêmes contraintes, nous serons plus compétitifs.

Cette fusion sera un formidable accélérateur d’innovation. Le centre de recherche du nouveau groupe sera en France, au même endroit que celui de Lafarge aujourd’hui, et nous avons, bien entendu, l’intention de le développer. C’est l’un des effets escomptés de la fusion : utiliser l’effet d’échelle pour être en pointe dans le domaine du développement durable. La recherche est donc étroitement liée à notre modèle économique.

Si le rapprochement des deux groupes est utile, nous avons de plus en plus le sentiment qu’il est, de surcroît, réaliste, car Lafarge et Holcim, qui sont deux groupes européens, partagent les mêmes valeurs, ont des objectifs semblables et sont complémentaires. Lorsque nous aurons fusionné, nous serons présents non plus dans soixante, mais dans quatre-vingt-dix pays, avec une couverture très équilibrée qui nous permettra de saisir la croissance là où elle sera, d’anticiper avec succès l’avenir de la construction dans le monde. Ce groupe sera à l’avant-garde de l’industrie des matériaux de construction, grâce à sa présence internationale, à sa capacité d’innovation et à son leadership concernant les questions de développement durable. Nous venons d’ailleurs d’obtenir la meilleure note au classement RSE (responsabilité sociale et environnementale) des entreprises du CAC 40, signe que nos efforts commencent à porter leurs fruits.

Le projet est en bonne voie. Nous avons commencé à travailler pour définir le périmètre du futur groupe, dessiner les contours de notre organisation et en établir les principes de fonctionnement. J’en serai le directeur général, et ferai également partie du conseil d’administration, qui sera composé de sept membres issus de Lafarge et de sept membres issus de Holcim. Nous avons décidé que les fonctions centrales, c’est-à-dire les fonctions dirigeantes du groupe, seraient réparties de manière équilibrée entre Paris et Zurich. Quant au centre de recherche de L’Isle-d’Abeau, près de Lyon, il a déjà été choisi pour être le futur centre de recherche du nouveau groupe, ce qui est une très bonne nouvelle pour la France.

Parallèlement à cette préparation commune et interne, nous répondons à toutes les autorités de la concurrence en matière de désinvestissement. Nous devons notifier les termes de notre fusion à dix-neuf juridictions différentes, l’Union européenne en constituant une à elle seule.

Nous avons déjà reçu six ou sept réponses positives, et avons choisi d’adopter une approche constructive, dynamique et simple. Simple, cela veut dire praticable à la fois pour les autorités de la concurrence, pour les organisations et pour les salariés. Nous privilégions la cession d’entités entières dans un même pays. Holcim et Lafarge, par exemple, sont présents en France. Nous n’avons pas cherché à optimiser, et nous avons décidé de vendre la quasi-totalité des actifs de Holcim pour anticiper les exigences de la Commission européenne.

En Allemagne, c’est l’inverse : Lafarge s’y défera de la totalité de ses actifs. Cela permet à la fois de maintenir l’intégrité des équipes et de montrer notre esprit constructif vis-à-vis des autorités de la concurrence, puisque la fusion ne crée pas de distorsion de concurrence. C’est une assurance de pérennité pour l’activité, pour les salariés et pour les clients ; c’est aussi une garantie de qualité pour les repreneurs. Nous avons dit dès le début que cette fusion n’avait pas pour objet de restructurer nos activités industrielles. La fusion n’entraîne aucune fermeture de site. Il faut seulement procéder à des désinvestissements, car, sur certains marchés, notre part deviendrait trop importante si l’on additionnait les actifs de Lafarge et ceux de Holcim.

En France, en raison de la spécificité de nos implantations et de notre longue histoire, nous allons conserver toutes les activités de Lafarge, ainsi que celles de Holcim dans le Haut-Rhin. Seules quelques petites implantations à La Réunion devront être cédées. Ce sont des actifs industriels performants, qui ne seront pas cédés pour être fermés, mais achetés par quelqu’un qui essaiera de s’implanter en Europe, notamment en France. L’impact sur l’emploi industriel sera donc extrêmement limité.

Nous avons déjà reçu beaucoup de marques d’intérêt d’un grand nombre d’acheteurs potentiels sérieux. Ce sont soit des acteurs industriels, soit des acteurs financiers, qui devront toutefois être agréés par les autorités compétentes.

Le nouveau groupe aura des racines fondamentalement européennes, avec une capacité de projection internationale et un savoir-faire inégalé, puisqu’il résultera de la fusion des deux meilleurs groupes du monde dans leur secteur.

Par nature comme par culture, nous sommes européens. Notre base est et demeurera en Europe : en Suisse et en France. Les années récentes ont été difficiles en Europe, et nous connaissons encore aujourd’hui une situation difficile. En France, nous nous efforçons d’améliorer notre compétitivité. Les activités de Lafarge sur le territoire national représentent plus de 10 % de son chiffre d’affaires, ce qui, pour un groupe présent dans soixante pays, est considérable. Ce n’est pas seulement une question de volume, c’est une question de valeur apportée à nos clients. La France est à la pointe de l’innovation et a la capacité de développer les meilleures solutions pour nos clients.

Nous continuons à investir en France. Nous avons récemment acheté une station de broyage dans le port de Saint-Nazaire. Certains facteurs de compétitivité dépendent de nous, d’autres moins. Pour préserver et améliorer tous ces facteurs, nous devons poursuivre nos efforts, mais aussi entretenir un dialogue plus fréquent et plus approfondi avec les pouvoirs publics. C’est ce que nous faisons aujourd’hui.

J’espère que vous partagez avec moi l’idée que l’industrie demeure une contribution essentielle à la croissance et l’emploi. Sans industrie et sans investissement, il y a moins de croissance, donc moins d’emploi. L’activité cimentière est particulièrement intéressante en ce qu’elle est, par nature, locale. Si nous pouvons être compétitifs localement, l’idéal est de produire le ciment le plus près possible des zones de consommation, car le coût du transport fait doubler celui du produit lui-même tous les 200 kilomètres. Le transport du ciment pose un problème écologique, sauf lorsqu’il s’effectue par voie d’eau, ce que nous faisons d’ailleurs entre Paris et Le Havre. Il y a des centrales à béton tout au long de la Seine, et tous les cailloux viennent de carrières situées au bord de l’eau. C’est là un mode de transport très écologique, mais ce n’est pas le cas partout.

J’en viens à trois sujets qui concernent directement notre activité en France.

Premièrement, l’énergie est un vrai enjeu de compétitivité en France, par rapport à des pays où l’énergie est moins chère et par rapport à nos concurrents européens. Aujourd’hui, le coût de l’électricité est, chez nous, nettement supérieur à ce qu’il est en Allemagne pour les entreprises, Nous sommes une industrie électro-intensive, et les hausses de tarifs qui s’annoncent seront extrêmement pénalisantes pour notre industrie.

Deuxièmement, il faut mettre l’accent sur l’innovation pour construire des bâtiments d’une plus grande efficacité énergétique et utiliser des matériaux plus « verts », tout en respectant certains équilibres. Il ne faut pas, cependant, avoir d’idées préconçues quant au matériau qu’on va employer : il faut plutôt rechercher la performance, car c’est elle qui pousse l’entreprise à innover. Si vous partez du principe qu’il faut utiliser du bois ou du béton, vous cantonnez l’innovation au matériau choisi. Aujourd’hui, certains avantages sont accordés à des matériaux comme le bois. C’est une rupture d’égalité, qui peut être lourde de conséquences. Je n’ai rien contre le bois,…

M. le président François Brottes. Vous n’avez rien pour non plus… (Sourires.)

M. Bruno Lafont. …mais mon rôle est de faire gagner le béton et les solutions en béton, en suivant, bien entendu, les règles de la concurrence.

J’en viens à un autre de mes sujets de préoccupation. Il y a aujourd’hui des projets de d’installation ou d’importation de ciment ou de clinker – le clinker est le produit qui sort du four – dans les ports français, en provenance de zones qui ne sont pas soumises aux mêmes réglementations. Les quantités, marginales pour les producteurs d’origine et importées à des prix très bas, peuvent mettre en péril nos activités. Cette situation est liée, entre autres, à l’organisation des ports au plan national. Quand des mesures ou des autorisations sont données, il faut en appréhender l’impact sur l’emploi et sur l’industrie. Nos cimenteries ont été construites pour cinquante ans, mais certaines existent depuis 150 ans, voire 180 ans pour la plus ancienne. Si nous voulons qu’elles durent, il faut comprendre que certaines décisions des autorités peuvent avoir des conséquences de nature à menacer leur pérennité.

Le cadre réglementaire et légal doit nous aider à nous développer et à nous inciter à investir. Il est donc très important d’entretenir un dialogue nourri avec les pouvoirs publics. C’est ce que nous faisons, en France et partout dans le monde, et c’est l’objet de notre rencontre d’aujourd’hui.

M. le président François Brottes. Je vous remercie, monsieur le président. Je signale, à toutes fins utiles, qu’il y a dans ma circonscription un remarquable monument historique en ciment moulé, la Casamaures, qui est bâtie sur plusieurs niveaux. Comme quoi même le ciment a ses monuments historiques ! Ce sont, je crois, les ciments Vicat qui avaient œuvré à l’époque.

M. Bruno Lafont. Le Conseil économique, social et environnemental, magnifique bâtiment qui date de 1937, a été construit en béton armé, qu’Auguste Perret fut le premier architecte à utiliser.

M. Jean Grellier. Je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation à un moment stratégique pour l’évolution de votre groupe. La fusion en cours exclura-t-elle vraiment toute restructuration et toute fermeture de sites ? Comment s’établira l’équilibre nouveau entre le développement international et l’emploi en France, même si le centre de recherche du nouveau groupe y demeure ? Quelles seront les conséquences en termes de qualification ?

Nous partageons vos objectifs de politique industrielle. Le gouvernement a mis en place depuis quelques années des comités stratégiques de filière : comment vous y impliquez-vous ? Quels effets positifs faut-il attendre de leurs travaux, en France et en Europe ? Dans les 34 plans de la Nouvelle France industrielle, comment peut-on intégrer par exemple les travaux de rénovation énergétique, l’emploi de nouveaux matériaux ou le recours au numérique dans la conception des bâtiments ? Êtes-vous partie prenante de ces plans ?

Enfin, quelles sont les retombées du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) sur la situation de Lafarge ? Possédant un centre de recherche important, l’entreprise ne bénéficie-t-elle pas également du crédit d’impôt recherche (CIR) ?

M. Daniel Fasquelle. L’histoire des entreprises donne des exemples de fusion amicale qui n’ont pas été des succès, voire ont été des échecs retentissants. Le rapprochement entre Publicis et Omnicom a dû être tout bonnement abandonné. Parfois, un groupe prend le dessus sur l’autre. Ainsi, dans le groupe Alcatel-Lucent, la partie américaine l’emporte finalement, tandis que, au sein du groupe Air France-KLM, c’est plutôt la partie française. Le risque existe donc que l’équilibre initial soit rompu. Quand il subsiste, les experts estiment qu’une structure de ce type peut constituer un frein réel à la prise de décision, et même une gêne pour la gestion de la rentabilité et le dynamisme de l’entreprise.

Quel est l’état d’avancement de votre dossier auprès des autorités européennes de la concurrence ? La Commission européenne a fait capoter d’autres projets de fusion, pour avoir apprécié leurs effets à l’échelle européenne uniquement, et non à l’échelle mondiale. Vous lui aviez annoncé, je crois, que vous vouliez une accélération de la procédure. Pour les actifs à céder, qui intéressent des groupes indien et brésilien, quelles sont les garanties d’un maintien de l’emploi ?

Je partage en effet l’inquiétude des salariés devant ce projet de fusion sur fond de marché atone, en France et en Europe. Ne peut-on craindre que vos centres de décision quittent en pratique la France ? Comment ne pas songer que la volonté de faire des économies d’échelle, y compris dans le secteur de la recherche, ne conduise à des redimensionnements et à des pertes d’emploi ?

Pour conclure sur une note plus optimiste, après le parallèle que vous avez tracé entre le bois et le béton, ne pensez-vous pas qu’il faudrait aussi s’interroger, pour le revêtement de la voirie, sur les mérites comparés des hydrocarbures, tel le bitume, et du béton fabriqué localement, qui peut servir aux mêmes fins ? Car l’importation massive d’hydrocarbures aggrave le déficit de notre balance commerciale.

M. Franck Reynier. Votre groupe a largement contribué au développement du territoire de Montélimar. La compétitivité et l’innovation constituent des impératifs pour votre entreprise, qui rayonne au niveau international, mais emploie aussi en France. Quelles sont les prévisions d’emploi en France pour votre groupe ? À ce stade de la fusion, des projets et des objectifs se dessinent sans doute déjà. La délocalisation n’est-elle pas parfois tentante, par exemple pour s’implanter sur les marchés émergents ?

Votre secteur fait partie des secteurs innovants qui font appel aux technologies de pointe, même s’il n’est pas toujours perçu comme tel. Vous œuvrez non seulement dans le domaine de la construction, mais aussi dans celui de la recherche, où il faudrait sans doute développer des projets de rénovation. Je m’inquiète quant à moi de la durabilité de vos équipements de recherche en France : travaillez-vous aujourd’hui en partenariat avec des organismes de recherches publics français ?

Quelle est la consommation d’électricité de votre entreprise, souvent classée parmi les industries électro-intensives ? Quelle est la part de la facture énergétique dans vos coûts de production ?

Quant à l’impact environnemental de votre activité, conduisez-vous des opérations spécifiques pour récupérer la chaleur, puisque vous en produisez beaucoup ? Un recyclage de vos produits est-il possible ? Le ciment peut-il avoir une nouvelle vie ?

Le marché du logement et de la construction tourne en France au ralenti. À mon sens, cela est dû en partie à la réglementation sur l’impact environnemental, qui devrait être européenne, sans y ajouter de norme française supplémentaire.

Enfin, vous citez le transport fluvial comme type de transport doux. Le choix de l’acheminement peut-il avoir un impact sur la localisation des unités de production ?

Mme Michèle Bonneton. Vous avez évoqué les ventes d’actifs auxquelles vous contraindrait la fusion. Dans quels secteurs auront-elles lieu et dans quelles régions du monde ? Quel sera leur impact sur l’emploi en France métropolitaine ? Outremer, vous devriez également vous séparer de certaines activités. J’imagine cependant qu’il n’est pas aisé de répondre de leur avenir si elles ne dépendent précisément plus de vous.

En parlant de votre groupe, vous avez récemment déclaré que « le développement durable, l’écologie, cela fait partie de notre ADN ; il ne s’agit pas juste de limiter notre empreinte environnementale, mais d’apporter des solutions pour relever ces défis ». Cette déclaration nous ravit, mais comment comptez-vous concrètement consommer moins d’électricité ? Puisqu’il s’agit principalement pour vous de chauffer, il est, je crois, possible de recourir à d’autres énergies.

En matière de transition énergétique, j’estime que l’isolation des bâtiments ne donne pas encore pleinement satisfaction. Imaginez-vous de nouveaux matériaux ? Quelles innovations phares pourriez-vous promouvoir dans le sens de la transition énergétique ?

Le crédit d’impôt recherche est apprécié des entreprises, mais ses retombées industrielles ne se font pas toujours sentir en France. La recherche financée en France aboutit ainsi à des investissements… ailleurs. Comment luttez-vous contre ce phénomène ? Je m’associe aux préoccupations de mon collègue Jean Grellier.

M. Joël Giraud. Je reviens sur votre projet de fusion avec le groupe suisse Holcim. Je me réjouis que vous adoptiez ainsi une stratégie offensive devant la concurrence de groupes chinois comme Anhui Conch ou mexicains comme Cemex.

Pour des raisons de coût, la fusion prend cependant la forme d’une offre publique d’échange de Holcim sur Lafarge, non l’inverse. Cela a pour effet de déplacer vers Zurich le centre du nouveau groupe, amenant sans doute de nouveaux Ardéchois dans la ville de Zwingli (Sourires), mais suscitant quelques inquiétudes. Même si le centre de recherche du nouveau groupe reste à L’Isle-d’Abeau, un fleuron de l’industrie française se délocalise néanmoins. Après le départ d’entreprises du CAC 40 telles que Gemalto ou Arcelor-Mittal, quelles seront les conséquences fiscales et économiques de votre fusion ?

Quant à l’emploi, les comités européens de salariés, suisse et français, ont annoncé le vendredi 17 octobre 2014 qu’ils veulent un contrat social pour en garantir les perspectives. Quelle réponse comptez-vous leur apporter, en particulier au sujet de la réorganisation des sites ?

Votre engagement en faveur du développement durable ne relève pas des déclarations de façade. Vous disposez aujourd’hui d’une flottille de poids lourds qui traversent le continent. L’écotaxe française vient d’être suspendue, au grand dam de nombreux parlementaires, dont je fais partie. Quel système recommanderiez-vous pour faire participer les poids lourds au financement de la voirie ? Devons-nous nous inspirer en France de la redevance helvétique, en rapprochant, dans ce domaine aussi, les points de vue suisse et français ? Je rappelle que notre pays demeure, avec l’Espagne, l’un de ceux où les poids lourds sont le moins mis à contribution.

M. Jean-Claude Mathis. La politique de l’urbanisation est devenue un défi majeur de développement du territoire, à mesure que l’étalement urbain grignote les terres agricoles. Les villes de l’avenir seront plus compactes, plus durables, mieux connectées, mais peut-être plus hautes aussi ? Que préconisez-vous en matière d’immeubles de grande hauteur ? De nouveaux matériaux sont-ils disponibles et quel pourcentage en utilise-t-on déjà ?

Mme Catherine Troallic. Depuis 2009, les volumes de ciment produit dans l’Union européenne se sont réduits de 25 % à 30 % et la concurrence ne cesse de s’attiser. Dans la région du Havre, où je suis élue, une cimenterie se prépare à s’installer et importerait à l’avenir du clinker de Turquie, tandis que votre groupe fait l’effort de réduire son empreinte carbone en produisant localement. Comment comptez-vous rassurer les salariés qui peuvent s’inquiéter de la fusion avec Holcim ?

M. Dino Cinieri. Grâce à la fusion Lafarge-Holcim, votre groupe renforce sa position de leader mondial. Mes collègues ont déjà abordé la question de la recherche, des technologies de pointe et de l’innovation. Mais que faites-vous pour l’emploi des jeunes ?

Mme Frédérique Massat. Quels sont les effectifs employés dans votre activité de recherche, qui restera en France, et quels sont les montants financiers qui y sont alloués ? Combien votre groupe reçoit-il au titre du CICE ? Le projet de loi relatif à la transition énergétique était examiné il y a quinze jours à l’Assemblée ; il fait désormais l’objet d’une lecture au Sénat. Que retenez-vous des mesures qui vous concernent ? Quelles sont les attentes du côté des entreprises ?

Par ailleurs, Comme administrateur d’EDF, quelle appréciation portez-vous sur l’évolution de l’entreprise ?

M. Éric Straumann. Quelles sont les raisons qui justifient le maintien de l’activité dans le Haut-Rhin ? Par ailleurs, quels sont les obstacles qui, dans l’organisation des ports, freineraient la circulation des matériaux ? C’est un sujet qui peut concerner le Rhin.

Mme Marie-Hélène Fabre. Le coût de l’énergie constitue un élément essentiel de votre compétitivité internationale. Bien que votre industrie ne soit pas considérée au sens strict du terme comme une industrie électro-intensive, quel est votre sentiment sur l’évolution des tarifs de l’électricité en France et sur la charge qu’ils représentent pour votre activité globale ? Car la contribution au service public de l’électricité (CSPE) sera bientôt déplafonnée, tandis que votre secteur d’activité pourrait ne plus bénéficier d’abattement au tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) en 2014 et 2015. Comment cela vous situe-t-il par rapport à vos concurrents européens, notamment allemands ou britanniques ?

M. Philippe Le Ray. J’aimerais connaître votre regard sur les choix politiques opérés depuis quelques années dans notre pays, en ce qui concerne notamment l’énergie nucléaire. Par ailleurs, quel est le potentiel d’emploi en matière de rénovation et faut-il attendre en ce domaine, dans les prochaines années, de nouveaux matériaux révolutionnaires ? Enfin, comment appréciez-vous les contraintes qui pèsent sur l’installation de vos outils de production en France ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. En Isère, votre concurrent Vicat me sollicite régulièrement au sujet de la hausse de la CSPE, du TURPE et du tarif d’accès au réseau de l’énergie nucléaire historique (ARENH). Il estime que ces coûts supplémentaires pèsent trois fois plus lourd que les gains tirés par lui du CICE. Qu’en est-il pour votre groupe ?

L’Assemblée nationale a formé une commission d’enquête sur les tarifs de l’électricité, dont notre collègue Clotilde Valter est rapporteure, tandis que le projet de loi relatif à la transition énergétique est en cours d’examen au Sénat. Qu’en attendez-vous ? Espérez-vous une reconnaissance du profil cyclique de votre consommation, de telle sorte que vous puissiez le valoriser ? Pratiquez-vous déjà l’effacement ponctuel sur le réseau ?

Enfin, quelles sont vos attentes quant à l’évolution de la CSPE ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Les normes de construction de logement sont-elles les mêmes partout en Europe ? Quelles sont celles qui gênent le plus la construction en France ? Vous évoquiez la construction de logements sociaux au Kenya. Combien coûtent-ils ? Quel est le prix au mètre carré par rapport au prix en France ?

Présidence de Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission

M. Philippe Kemel. Comment intégrez-vous le CICE et le CIR dans votre réflexion stratégique ? Vous produisez et vous conduisez des activités de recherche sur des lieux éclatés dans le monde, à travers un millier de sociétés, dont votre groupe détient en règle générale les 75 %. A qui allez-vous revendre ces parts ? Les sociétés dont vous perdrez le contrôle mèneront-elles dès lors leur vie propre ? Les élus ont besoin d’information pour mieux accompagner ces mutations.

Comme député d’une circonscription où passe le canal Seine-Nord, je voudrais également savoir si les possibilités qu’il ouvrira en matière de transport de vrac en grande quantité suscitent dans votre groupe un quelconque intérêt.

Mme Delphine Batho. Comme vous le savez, je suis passionnément engagée en faveur de l’économie circulaire. L’Allemagne est plus avancée que la France dans la substitution d’énergies fossiles par d’autres énergies. Quelles sont les perspectives en France selon vous ?

Devant la raréfaction des ressources, la hausse des coûts doit être anticipée. Les ressources issues des déchets minéraux des bâtiments pourront-elles un jour être réutilisées et se substituer aux matières premières aujourd’hui consommées par le secteur du bâtiment ?

Sur les nouveaux matériaux que vous développez, vous tournez-vous vers l’éco-conception, qui prévoit dès l’origine le recyclage et la réutilisation ? Quelle réglementation pourrait favoriser cette démarche ?

Si aucun accord mondial ambitieux n’est prochainement trouvé sur le carbone, êtes-vous favorable à une taxe carbone aux frontières, qui protège les produits issus d’une industrie écologiquement responsable contre la concurrence déloyale ?

M. Thierry Benoit. Au vu des réflexions en cours sur le changement climatique, sur l’empreinte carbone et sur la transition énergétique, quel est l’état de vos recherches sur les combustibles ? Avez-vous engagé en ce domaine un partenariat avec d’autres industriels en France ? Peut-on déjà concevoir aujourd’hui une « usine du futur » qui valoriserait les déchets ?

Présidence de M. François Brottes, président de la commission

M. Alain Suguenot. Vous avez réduit de près d’un quart l’endettement de votre groupe, qui s’établissait à 17 milliards d’euros, en vous séparant des secteurs plâtre et toiture. Le prix du ciment étant en baisse, vous aurez prochainement des coupes à opérer dans les dépenses. Une fusion de Holcim Maroc et de Lafarge Maroc pourra-t-elle améliorer les perspectives de rentabilité de votre groupe ?

M. Franck Gilard. Quelle est aujourd’hui la part de vos actionnaires qui sont français, et qu’en sera-t-il demain ? Si l’actionnariat est de moins en moins français, quelles raisons l’entreprise aura-t-elle de rester en France, compte tenu du dénigrement systématique des entreprises qui s’y est donné libre cours ces deux dernières années ?

Mme Marie-Lou Marcel. Alors que votre groupe est engagé dans le développement durable, quelle est la part des granulats et bétons recyclés dans votre chiffre d’affaires ?

M. Henri Jibrayel. Le Port autonome de Marseille veut implanter des conteneurs sur un site cimentier bien connu de vous, à La Nerthe. Je m’inscris en faux contre cette démarche, refusée par la population et par les élus locaux. Quelle est votre position ?

M. Bruno Lafont. Le CICE rapporte à l’entreprise 3 millions d’euros, tandis qu’elle bénéficie du CIR à hauteur de 5 millions. Mais la hausse des tarifs de l’électricité qu’elle subit est cinq fois supérieure au montant du CICE. Ce ratio est plus élevé que chez Vicat, car les coûts salariaux individuels de ce concurrent sont sans doute plus faibles que les nôtres.

Quant au principe d’une fusion entre égaux, il peut en effet être difficile à mettre en œuvre, mais présente des avantages, car il repose sur un échange s’opérant sans débourser d’actifs, mais en recherchant au contraire le meilleur de chaque entreprise. Les marchés financiers l’ont du reste bien compris, reconnaissant que la fusion apporterait une création de valeur grâce à des synergies non seulement de coût d’achat, mais aussi de croissance, car elle incite à de meilleures pratiques en termes d’innovation. À long terme, le groupe changera de catégorie, se plaçant parmi les 200 premières entreprises mondiales. Depuis six mois, date d’annonce de la fusion, les cours de notre entreprise tiennent bon. Cela n’arriverait pas si la justification économique de la fusion n’était pas comprise.

Non seulement les shareholders (actionnaires), mais encore les stakeholders (partenaires) y voient un avantage. Elle emporte donc l’adhésion, loin de toute comparaison avec les fusions qui ont été citées. Les choses avancent bien, sur tous les plans.

Nous avançons bien sûr dans les discussions avec Bruxelles. Le dialogue est constructif. Nos deux groupes ont chacun une capacité de production de 105 millions de tonnes de ciment par an. Au titre des désinvestissements, des « remèdes », il est normal qu’ils doivent en céder une partie, sans doute à hauteur de 25 millions de tonnes, pour permettre la fusion. Dans les pays où Holcim et Lafarge sont tous deux très présents, cela représente des cessions concernant 30 % à 40 % de l’activité de Holcim et de Lafarge. Mais nous avons de bonnes chances de réussir.

Quant aux conséquences de cette réorganisation sur l’emploi, je répète qu’il n’y aura pas d’impact sur les sites industriels. Le mouvement naturel de l’économie implique cependant de créer des emplois, mais aussi de rationaliser l’activité. C’est la vie permanente des entreprises. La fusion peut avoir des conséquences positives si la consommation reprend. Car cette dernière constitue, avec les efforts continus de productivité et d’efficacité, le principal déterminant du niveau de l’emploi. En France, nous nous efforçons de créer autant d’emplois que nous en supprimons, notamment en contribuant à des associations.

Les fonctions centrales de l’entité nouvelle seront équitablement réparties entre la France et la Suisse. Une consultation avec les partenaires sociaux en cours. Mais les conséquences sur l’emploi seront limitées et modérées.

Le centre de recherche de L’Isle-d’Abeau – qui emploie aujourd’hui deux cents chercheurs – devrait profiter de la fusion car le leader mondial a toujours intérêt à investir dans ce domaine. Notre taille nous empêche aujourd’hui d’explorer certaines pistes innovantes ; ensemble, nous pourrons avancer. Le groupe gardera ses racines françaises, le centre de recherche restant sur le sol national ; en cela, ce projet de fusion représente une chance pour notre pays. L’ensemble de nos dépenses de recherche et d’innovation représentent environ 120 millions d’euros par an et ont vocation à croître.

La loi interdisant de fusionner une entreprise française et une entreprise suisse, nous avons opté pour une offre publique d’échange. Il s’agit d’une véritable fusion d’égaux : en cas d’acquisition ou de prise de contrôle de Lafarge par Holcim, le conseil de la société suisse resterait ce qu’il est, alors que le nôtre disparaîtrait ; à la place, le conseil de la nouvelle société – qui sera suisse pour des raisons pratiques – sera composé de sept membres issus de Lafarge et de sept membres issus de Holcim, tous les actionnaires de Lafarge devenant potentiellement actionnaires de Lafarge-Holcim. Cet équilibre des fonctions centrales – confirmé par le choix des managements – contribue à limiter l’impact de la fusion sur l’emploi.

Rien ne devrait inciter les acquéreurs à diminuer les effectifs ; au contraire, récupérant des entreprises bien gérées, composées d’excellentes équipes, ils souhaiteront peut-être les augmenter. N’oublions pas que celui qui achètera tous nos désinvestissements recréera un groupe de la taille d’Italcementi. Les sociétés des pays émergents – qui manquent de cadres de qualité – sont particulièrement intéressées par nos ressources humaines. Cette opération peut donc également produire des effets positifs.

Son recentrage stratégique amène Lafarge à désinvestir certaines activités pour pouvoir investir davantage dans d’autres. En réalisant ce type d’opérations, nous faisons attention à l’emploi ; les personnels qui ont quitté Lafarge dans le cadre d’une vente s’en sortent en général très bien, d’abord parce que nous choisissons des acheteurs porteurs d’un vrai projet, ensuite parce que leur qualification leur assure un bel avenir. Les inquiétudes autour de l’emploi ne semblent donc pas réellement justifiées.

Les changements créent naturellement des appréhensions, mais ces dernières sont particulièrement renforcées par les délais entre l’annonce et la réalisation. Voilà quinze mois que nous attendons les autorisations concurrentielles, mobilisant la communication interne pour dissiper les craintes et préparer au mieux l’opération. En effet, l’anticipation est la clé de la réussite.

M. Daniel Fasquelle. Quand pensez-vous obtenir le feu vert de Bruxelles ?

M. Bruno Lafont. Aujourd’hui, après six ou sept mois d’échanges, l’équipe de la Commission européenne en charge du dossier dispose déjà d’informations très précises. Dès qu’elle recevra le document de notification, elle devra passer en revue les remèdes que nous proposons ; si nos solutions lui conviennent, les choses pourront aller très vite.

M. le président François Brottes. Comme l’ont montré les projets de fusion entre Schneider Electric et Legrand ou entre General Electric et Alstom, l’extrême lenteur des décisions pénalise les sociétés concernées ; anxiogène pour leurs salariés, elle s’avère également éprouvante pour leurs clients. Entre la Commission et les autorités de la concurrence, les formalités – dont vous n’êtes aucunement responsable – obligent à une grande patience.

M. Bruno Lafont. Nous voulons réussir et essayons de rendre le dialogue le plus productif possible, sans critiquer les fonctionnaires de la Commission européenne qui font un travail très professionnel.

Lafarge s’est depuis longtemps engagé en faveur du développement durable. C’est cette tradition que j’ai renouvelée en lançant les « Ambitions 2020 », qui ont trait aux émissions de CO2, à l’économie circulaire, à la responsabilité sociale et au développement économique des pays où nous sommes présents. Ce dernier axe comprend notamment la création d’emplois, une des missions de l’entreprise industrielle. J’ai également pris des engagements personnels : responsable du pôle « développement durable » du MEDEF et président du groupe de travail « énergie et climat » de la table ronde des industriels européens, je suis également membre du conseil mondial des entreprises pour le développement durable. Lafarge fait enfin partie des fondateurs de la Cement Sustainable Initiative ; dans le cadre de cette approche sectorielle – unique parmi les industriels –, plusieurs cimentiers se sont fédérés sous la tutelle d’un organisme garantissant la légalité de la démarche pour évaluer, planifier et réaliser une réduction d’émissions équivalente aux rejets d’un pays comme la Suisse. Il s’agit d’un exemple qu’il faut mettre en avant dans les négociations internationales.

Désormais, l’environnement ne représente plus une contrainte, mais une opportunité. Le changement climatique et l’urbanisation constitueront les deux défis du siècle, et les premiers à inventer les réponses gagneront davantage. Réduire son empreinte carbone impose un coût, mais vendre des solutions permet de réaliser des gains : si le ciment émet du CO2, le béton peut contribuer à le réduire. Lafarge est le seul cimentier au monde à avoir investi autant d’argent dans la recherche sur ce matériau qui a énormément progressé ces dernières années, et qui peut progresser encore. En dix ans, nous avons déposé 1 000 brevets correspondant à 150 inventions telles que les bétons isolants de structure. Nous espérons développer un jour un béton tellement isolant qu’il permettra de se passer de laine de verre. Les bétons à valeur ajoutée représentent aujourd’hui 50 % de nos volumes vendus en France ; les produits innovants de Lafarge, lancés il y a moins de cinq ans, pèsent 10 % à 15 % dans notre chiffre d’affaires. Cette dynamique d’innovation nous permettra de proposer des solutions surprenantes, qui conviendront tant à la rénovation – où l’on pourra par exemple utiliser les chapes autonivelantes actuellement développées – qu’à la construction neuve.

Nos recherches s’organisent autour de deux axes : la construction durable et la construction abordable. En effet, des variétés de béton – démoulées en deux heures ou lieu de douze – peuvent permettre de réduire les coûts de la construction. Nos programmes en matière d’innovation visent à trouver des solutions partout dans le monde pour le bas de la pyramide ; les personnes qui ne peuvent pas se payer un logement décent représentent pour nous un marché auquel on doit apporter une offre adaptée. Nous menons des actions dans les bidonvilles de Rio de Janeiro et de l’Inde ; en mélangeant du ciment avec de la terre végétale, nous développons des produits durables et bon marché pour construire des maisons en Afrique subsaharienne, à l’aide de petites machines à briques que nous fournissons. En France, l’expérience que nous conduisons à Bègles – qui allie construction durable et compacité des villes – permet de développer des logements abordables grâce à un système de plateaux en béton, organisés par lot, une famille pouvant construire de manière modulaire 25, puis 50, puis 75 m2, avec les matériaux de son choix. Le plateau fait six étages et peut donc être installé dans un centre-ville, à proximité des transports publics et des écoles. Dans le cadre de nos objectifs de développement durable, nous avons pris l’engagement d’offrir des logements abordables à 2 millions de personnes d’ici 2020.

Parmi nos ambitions en matière de développement durable, nous souhaitons qu’une partie de nos bétons contienne des matériaux recyclés – un défi difficile car peu de déchets s’y prêtent. On le fait d’ores et déjà sur les routes ; dans plusieurs parties du monde – notamment à Marseille ou à Montréal – on propose non seulement d’amener du béton sur un chantier, mais également de reprendre le béton démoli pour le retraiter dans une carrière et le réutiliser ailleurs.

Notre politique consiste à réduire nos consommations énergétiques et à faire évoluer notre mix de combustible. Une cimenterie utilisant à la fois de l’électricité et du fioul, nous essayons de développer des fiouls alternatifs issus des déchets végétaux – tels que les coques de café –, des plastiques ou des boues usées. Dans le mix énergétique du groupe, le fioul alternatif est passé de moins de 10 % à plus de 20 % ; notre objectif est d’atteindre 50 %, ce qui aura un impact sur la comptabilisation de nos émissions de CO2. Il y a cinq ans, nous progressions d’un point par an ; cette année, nous progresserons de trois points. Cette accélération est le fruit d’une politique déterminée menée dans le monde entier. Ainsi, en France, la part du fioul alternatif est passée de 30 % à 40 %, et doit à terme monter à 60 %. En Allemagne, elle représente d’ores et déjà 80 % : la directive européenne sur la mise en décharge des déchets y étant appliquée de manière plus stricte qu’en France, il y est plus avantageux d’amener certains déchets à la cimenterie que de les mettre en décharge. Cette disparité des pratiques retentit sur notre compétitivité face à l’Allemagne ; s’il faut préférer les transitions graduelles aux changements brutaux, on peut envisager des évolutions réglementaires.

Le rôle des gouvernements étant d’inciter les acteurs à emprunter la bonne direction, le principe de l’écotaxe me semble – à titre personnel – tout à fait acceptable. Mais l’efficacité ou le rejet du dispositif dépendent de la manière dont il est mis en œuvre. Pour réduire le CO2 produit en Europe, on peut soit développer la compétitivité de nos industries qui leur permettra de diminuer leurs émissions, soit remplacer nos productions par des importations non contrôlées et accompagnées de dumping. Dans ce cas pourtant, le volume de CO2 émis dans le processus de fabrication sera plus fort que si l’on continue à produire en Europe. Quant à l’écotaxe à l’importation – qui provoquerait des rétorsions sur les exportations –, elle a peu de chances d’être acceptée par les Allemands. Dès lors, seul un accord mondial peut régler le problème, mais, si chacun reconnaît la nécessité d’agir sur le climat, les solutions – telles que l’écotaxe – restent complexes. La Chine, confrontée à la pollution massive de l’air à Pékin, découvre les opportunités de réduction de ses émissions ; mais tous les pays émergents – qui abritent la plus grande partie de la population – ne semblent pas prêts à prendre de telles mesures. La possibilité d’un accord mondial apparaît donc incertaine.

M. Pascal Casanova, directeur général de Lafarge France. Les coûts de l’électricité constituent pour notre industrie un enjeu majeur. Alors que la loi sur la transition énergétique ne semble pas considérer les cimentiers comme une industrie électro-intensive, l’électricité représente plus de 20 % de nos coûts ; jadis facteur de compétitivité pour l’industrie française, elle est en train de devenir un frein. Ainsi, le tarif de l’ARENH s’élève à 42 euros par mégawattheure, contre 36 euros en Allemagne ; si l’on ajoute les coûts de transport et les taxes, on monte à 41 euros en Allemagne et à 54 euros en France. Les dispositions législatives en cours de discussion risquent d’augmenter encore ce coût pour le porter à 65 euros par mégawattheure, nous infligeant un déficit de compétitivité de 50 % par rapport à l’Allemagne. Aux termes de la loi actuellement débattue, le tarif de l’ARENH passerait de 42 à 44 ou 46 euros, les cimentiers n’auraient pas droit aux réductions du TURPE prévues pour les industries électro-intensives, et la CSPE serait déplafonnée, ce qui coûterait à Lafarge 12 millions d’euros. Au total, l’impact des mesures envisagées sur notre entreprise représente environ 15 millions d’euros ; il monte à 50 millions d’euros pour l’ensemble de notre industrie, pourtant en déficit de compétitivité par rapport à l’Allemagne qui aujourd’hui exporte du ciment en France.

M. Bruno Lafont. La décision de fusion n’a rien à voir avec des raisons fiscales. La fiscalité représente un sujet important pour toute entreprise, mais nous respectons les règles et ne comptons pas dépouiller la France de ce qui lui est dû. Les brevets détenus aujourd’hui par Lafarge – qui alimentent la holding via les redevances que Lafarge reçoit de tous les pays du monde – le seront encore demain ; seul leur transfert éventuel en Suisse – qui se ferait à la juste valeur – les assujettirait à l’impôt. Les profits réalisés en France seront toujours taxés en France ; au contraire, la holding de Lafarge ayant encore beaucoup de dettes, la fusion peut permettre de les réduire et d’en transférer une partie en Suisse.

Disposant de stations de broyage sur l’eau, Lafarge développe un plan de transport par la mer et par les rivières, plus écologique que le rail. Il faut continuer à progresser dans cette voie.

Très sensible à la question de l’emploi des jeunes, Lafarge participe au programme « Nos quartiers ont du talent », fait partie de l’association pour le droit à l’initiative économique et mène des opérations d’accompagnement professionnel de jeunes. Notre groupe s’est surtout donné pour objectif d’augmenter, dans son effectif français, la part des jeunes en apprentissage – passée de 1,5 % à 4 % depuis le début de la crise. Quelque 60 % à 70 % des jeunes qui passent par ce dispositif en sortent avec un emploi, au sein du groupe ou ailleurs ; les autres continuent leurs études. Nous tenons beaucoup à cette initiative et considérons que la France devrait renforcer le rôle de l’entreprise dans l’apprentissage.

Comme tout changement, la loi sur la transition énergétique aura des conséquences sur l’investissement, l’emploi et la croissance – positives si le changement est bien organisé, négatives s’il est mal conçu ou trop brutal. Sans mettre en question les objectifs en matière de mix énergétique, on peut interroger le rythme prévu de l’évolution. Aujourd’hui, des turbines à gaz chères à construire restent inutilisées ; ce gaspillage grève la compétitivité de l’industrie européenne. Il faut utiliser tous nos actifs, le plus longtemps possible, et trouver au problème énergétique des solutions de long terme. Il faut également faire très attention aux tarifs. Les subventions à l’énergie représentent 500 milliards d’euros par an au niveau mondial, dont 100 milliards en Europe. Certes, elles aident ceux ne peuvent pas payer pour l’électricité ; mais plus on donne des avantages, moins on réduit la consommation. Les subventions à l’énergie recèlent donc un potentiel de réemploi plus intelligent et pourraient être reconsidérées. Si l’on veut aller plus vite en matière d’efficacité énergétique, il faut rendre cet investissement rentable en levant tous les obstacles. Au total, le succès de la transition énergétique dépendra de la manière dont elle sera conduite ; en tout état de cause, il faut évaluer l’impact des mesures envisagées sur la compétitivité et la croissance à moyen et à long terme. Les degrés de flexibilité introduits dans la loi semblent prometteurs, mais exigent d’être bien pilotés.

M. le président François Brottes. Je vous remercie de rappeler que les industriels du monde entier sont subventionnés par les États pour leurs achats d’énergie – un élément majeur de compétitivité.

M. Pascal Casanova. Comme vous le savez, c’est le Port autonome de Marseille, et non Lafarge, qui propose l’implantation des conteneurs sur le site de La Nerthe. Notre métier consiste à faire des granulats et à recycler les matériaux de construction pour faire du béton ; nous ne soutenons donc pas ce projet.

M. Bruno Lafont. Les normes de construction entraînent évidemment une augmentation du coût des logements, que nous ne pouvons pas toujours compenser. Par ailleurs, la différence entre les coûts d’un logement social en France et au Kenya est bien entendu énorme…

Avant la fusion, Lafarge compte 25 % d’actionnaires français – dont 11 ou 12 % individuels et quelque 10 % institutionnels –, alors que leur part s’élevait à 40 % il y a sept ou huit ans. L’épargne française est donc de moins en moins orientée vers l’action. Or c’est l’actionnaire qui décide de la politique d’un groupe ; pour redevenir propriétaires de nos entreprises, nous devons rediriger notre épargne vers l’investissement productif, générateur de croissance.

Nos actionnaires individuels sont très préoccupés par les conséquences de la fusion sur leur accès au plan d’épargne en actions (PEA). Ils ne perdront pas les avantages acquis, mais s’ils veulent rester actionnaires de Lafarge-Holcim, ils ne pourront plus utiliser ce dispositif.

M. le président François Brottes. Une rumeur – sans doute colportée par les détracteurs de la fusion – affirme que votre partenaire suisse aurait des problèmes avec la justice en Espagne et en Italie. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet ?

M. Bruno Lafont. Non.

Quant aux inquiétudes des salariés du Havre devant l’installation de concurrents, ce n’est pas Lafarge qui prend la décision de donner à ceux-ci les autorisations nécessaires. Là encore, toute décision publique doit être examinée à la lumière de ses conséquences. Pour créer quelques emplois supplémentaires, combien en menace-t-on ?

M. le président François Brottes. Monsieur le président, je vous remercie d’avoir répondu à nos questions.

Informations relatives à la commission

La commission a créé un groupe de travail sur l’avenir des zones franches urbaines.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 22 octobre 2014 à 9 h 30

Présents. - M. Damien Abad, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, Mme Béatrice Santais, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter, Mme Catherine Vautrin, M. Fabrice Verdier

Excusés. - Mme Brigitte Allain, M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Denis Baupin, M. Marcel Bonnot, M. André Chassaigne, Mme Jeanine Dubié, M. Thierry Lazaro, M. Serge Letchimy, Mme Audrey Linkenheld, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Frédéric Roig, M. Jean-Marie Tetart, M. Jean-Paul Tuaiva