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Commission des affaires économiques

Mercredi 26 novembre 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 18

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Knoche, directeur général délégué d’Areva

– Présentation, ouverte à la presse, du rapport sur la mise en application de la loi n° 2013 61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social (Mme Audrey Linkenheld et M. Jean-Marie Tetart, rapporteurs)

La commission a auditionné M. Philippe Knoche, directeur général délégué d’Areva.

M. le président François Brottes. Nous accueillons aujourd’hui M. Philippe Knoche, qui assure l’intérim de la direction d’Areva depuis le départ de M. Luc Oursel. Je le remercie d’avoir finalement accepté notre invitation pour laquelle il avait manifesté de prime abord peu d’enthousiasme. Face à une actualité qui inquiète et qui interroge, il était néanmoins impensable de ne pas vous auditionner.

Alors que nous avons déjà eu l’occasion de vous entendre, notamment devant la commission d’enquête sur les coûts de la filière nucléaire, nous avons été ébahis par vos annonces récentes : nous étions loin de soupçonner des pertes à hauteur d’un milliard d’euros. Nous avons donc envie de comprendre.

Nous sommes conscients que vous ne pourrez pas répondre à toutes nos questions. Toutefois, dans un souci de transparence et dans l’intérêt de l’entreprise, une explication de texte serait bienvenue, autant que faire se peut.

M. Philippe Knoche, directeur général délégué d’Areva. Je confirme en effet les limites de l’exercice d’aujourd’hui – auquel je me prête néanmoins avec plaisir –, qui tiennent à la situation particulière d’Areva au regard de la gouvernance et à la phase d’analyse dans laquelle nous nous trouvons. Je tâcherai de vous livrer des éléments d’information sur les travaux en cours et je m’engage à revenir vers vous lorsque ceux-ci seront achevés.

Le directoire et moi-même avons décidé le 18 novembre de suspendre les perspectives financières. En d’autres termes, nous considérions que les informations données aux marchés sur les anticipations de résultat n’étaient plus valables.

Comme nous l’avions indiqué dès la publication de notre plan de redressement en 2011, le groupe est confronté aux conséquences, d’une part, de l’accident de Fukushima qui a conduit à arrêter les centrales nucléaires au Japon et en Allemagne et, d’autre part, de la crise économique qui a pour effet de diminuer la demande électrique.

À ce contexte, s’ajoutent des éléments internes à l’entreprise. Le niveau de la dette d’Areva est lié à deux facteurs : les investissements dans les capacités, afin de remplacer dans toute la chaîne du cycle combustible les usines des années soixante et soixante-dix, et les grands projets que vous connaissez et qui occasionnent des pertes.

Les incertitudes de l’année 2014 se sont révélées négatives pour le groupe. Dès l’été, nous avons revu nos objectifs pour 2015 et 2016. Depuis, la situation s’est détériorée, en raison du décalage de la signature de contrats pour les réacteurs mais aussi de mauvais résultats dans l’aval du cycle ou dans les énergies renouvelables qui ont fortement affecté notre premier semestre.

Par souci de transparence et par respect pour les salariés, les actionnaires, l’État ainsi que les prêteurs, nous avons souhaité faire connaître la situation.

Areva n’est pas confronté à un problème de trésorerie à court terme. Le groupe dispose d’un peu plus de 2 milliards d’euros de trésorerie en banque, à mettre en regard des 7 milliards de dette brute. En revanche, pour le moyen terme, nous devons dès aujourd’hui nous mettre au travail pour sortir du cercle vicieux du surendettement.

Le travail accompli ces dernières années a permis d’abaisser la pression de la dette. La réduction des coûts a permis d’économiser un milliard d’euros tandis que les dépenses pour les investissements très lourds, qui entrent dans une seconde phase, diminuent, passant de 2 milliards d’euros par an à 1 milliard.

Mais le plan de redressement ne suffit plus. Nous devons travailler sur trois axes et établir un plan complet de moyen terme d’ici la fin du mois de février.

Premier axe, développer des partenariats en Asie et dans les pays en croissance car la demande y est forte dans le nucléaire et le renouvelable ; deuxième axe, gagner en compétitivité et en flexibilité. Plus de la moitié des effectifs d’Areva se trouvent en France, où le groupe réalise un tiers de son chiffre d’affaires. C’est une fierté. Mais, en France comme à l’international, nous sommes soumis à une concurrence forte sur des marchés dégradés ; troisième axe, passer en revue les grands projets, qu’il s’agisse de la Finlande ou de Flamanville, avec EDF et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

La nouvelle gouvernance du groupe doit s’atteler à la révision des perspectives stratégiques et au renforcement du plan de performance opérationnelle.

La France a la chance de disposer avec Areva d’équipes compétentes et motivées ainsi que de technologies qui sont des références dans le domaine du nucléaire, particulièrement en matière de sûreté. Ces atouts doivent être mis à profit pour conquérir des marchés. L’Agence internationale de l’énergie estime que les capacités nucléaires augmenteront de 50 % d’ici 2030.

L’exercice de révision et de planification commence. Jusqu’à son terme, mes réponses seront prudentes. Les travaux porteront sur les trois axes que j’ai évoqués mais aussi sur la structure financière du groupe. Nous devons dans ce cadre tirer les leçons des premières têtes de série de l’EPR sans remettre en cause l’essentiel. À cet égard, Philippe Varin a affirmé que l’EPR était un atout pour la France.

Pour terminer, je rappelle les propos de M. Emmanuel Macron : « Notre volonté, c’est la consolidation de l’entreprise et sa continuité ».

Mme Frédérique Massat. Nous entendons votre justification sur les limites de l’exercice, mais les interrogations sont lourdes sur le présent, le passé et l’avenir d’Areva.

L’accident de Fukushima est-il le seul responsable de la situation actuelle d’Areva ?

Pouvez-vous, sans vous prononcer en faveur de l’une ou l’autre, présenter les avantages et les inconvénients des différentes pistes envisagées, à savoir la recapitalisation d’Areva, l’adossement à EDF et la création d’une structure de défaisance ?

Quels enseignements tirez-vous des retours d’expérience des investissements à l’étranger, notamment de Taishan ?

Quels rôles jouent dans les difficultés actuelles les rapports compliqués qu’Areva a entretenus par le passé avec EDF ?

Mme Laure de La Raudière. À vous écouter, je suis encore plus inquiète qu’à la lecture de la presse.

Vous mettez en avant les conséquences économiques de l’accident de Fukushima, et la perte consécutive des grands clients que sont le Japon et l’Allemagne, la forte concurrence dans les pays en croissance ainsi que la baisse de la part du nucléaire dans la production d’électricité en France.

Je suis inquiète pour ce fleuron industriel français qu’est Areva, pour vos salariés dont la compétence est reconnue dans le monde entier, mais aussi pour l’ensemble de la filière nucléaire, notamment pour les PME sous-traitantes d’Areva installées en France.

Au-delà de la restructuration financière, l’EPR est-il la seule porte de sortie pour Areva ou pouvez-vous compter sur d’autres projets ou innovations ? Quelles pistes stratégiques pouvez-vous esquisser afin de rassurer la représentation nationale sur l’avenir de la filière nucléaire en France ?

M. Joël Giraud. La presse s’est fait l’écho des difficultés que traverse l’entreprise et qui mettent à mal son avenir à court et moyen terme. Le retard dans la construction de l’EPR finlandais, la reprise reportée, voir hypothétique, des réacteurs japonais, le retard annoncé dans la livraison de l’EPR de Flamanville ainsi que la stagnation des commandes de réacteurs nucléaires dans le monde sont autant d’éléments qui ont conduit à la chute de 22 % du titre Areva en bourse le 19 novembre dernier après la suspension des perspectives financières. Il faut faire la part des choses entre une succession de mauvaises nouvelles et une accumulation d’exagérations. Mais, face à de réels maux, quels remèdes envisagez-vous ?

Pouvez-vous faire le point des autres chantiers d’EPR dans le monde, ceux de Taishan et d’Hinkley Point ?

L’arrivée de Philippe Varin, qui est en même temps administrateur d’EDF, annonce-t-elle un rapprochement futur ? N’y aurait-il pas là une solution à certains problèmes ?

La nouvelle gouvernance va-t-elle se traduire par une révision de la politique sociale de l’entreprise ? Quelles en seront les conséquences sur les effectifs ?

Face aux difficultés financières, la recapitalisation de l’entreprise semble inévitable. Entendez-vous solliciter l’État, qui possède 87 % du capital ? Selon nos calculs, deux milliards d’euros seraient nécessaires pour compenser les pertes.

Quels bénéfices espérez-vous retirer de la transition énergétique, à laquelle Areva s’est déclaré favorable ? Le groupe peut-il y puiser de nouveaux axes de développement durable ?

M. Denis Baupin. Après vous avoir écouté, je reste quelque peu sur ma faim. Pour autant, je ne suis pas complètement surpris par la situation que vous décrivez. Je me souviens que M. Oursel, lors de son audition par la commission d’enquête sur les coûts de la filière nucléaire, avait évoqué l’érosion de la rentabilité économique dans le domaine du nucléaire, nécessairement pénalisante pour une entreprise comme la vôtre.

La part du nucléaire dans la production d’électricité mondiale est passée en quelques années de 18 à 11 %. Il faut y ajouter les conséquences de l’accident de Fukushima – 60 % des réacteurs ne redémarreront pas compte tenu des exigences nouvelles en matière de sûreté – et les choix énergétiques de l’Allemagne.

Cette réalité ne peut que connaître une traduction difficile pour une entreprise presque exclusivement concentrée sur le nucléaire. C’est pourquoi je plaide, depuis longtemps, pour une diversification d’Areva, qui, pour l’heure, a été très prudemment initiée.

Dans ces conditions, est-il pertinent de continuer l’EPR ? La presse s’est fait l’écho de ce questionnement. Les coûts du projet de Flamanville ont été multipliés par trois, comme pour l’EPR finlandais, et les difficultés s’accumulent. L’argument de la tête de série est régulièrement avancé pour justifier ce dépassement exceptionnel.

À Flamanville, la date officielle de mise en service a été fixée à 2017 mais le problème du contrôle commande n’est toujours pas réglé. Ce système étant différent en Finlande, peut-on vraiment espérer un effet tête de série ?

Jean-Bernard Lévy a dit hier sa préférence pour la mise au point de nouveaux réacteurs de 1 000 mégawatts. On peut donc s’interroger sur la lisibilité de la stratégie EPR.

S’agissant de Hinkley Point, Areva est supposé être actionnaire à hauteur de 10 % du projet. Si l’entreprise n’a plus la capacité financière requise, quelles en seront les conséquences pour le tour de table financier ? Cela ne sera pas sans effet sur l’endettement de deux entreprises – EDF et Areva – qui sont toutes deux adossées à l’État.

Enfin, Areva n’échappe pas au survol par des drones, en l’espèce des piscines de la Hague. Dès lors que la possibilité d’une agression extérieure est sérieusement envisagée, la question de la sécurité des piscines est posée. Je rappelle que ces piscines contiennent l’équivalent en combustible de cent réacteurs nucléaires. Quel serait l’impact d’une agression extérieure ? La bunkérisation des piscines, évoquée aussi bien par Francis Rol-Tanguy que par Pierre-Franck Chevet, est-elle à l’ordre du jour ?

M. le président François Brottes. Vous avez évoqué le questionnement de la presse sur l’EPR. Mais la presse n’a pas questionné ; elle a prêté à M. Varin un propos favorable à l’arrêt de la filière EPR. Or, il me semble que celui-ci ne s’est jamais exprimé en ce sens. Au contraire, M. Knoche a rappelé ses propos récents. La source de l’information n’est parfois pas vérifiée…

M. Denis Baupin. C’est la raison pour laquelle je pose la question à M. Knoche.

M. André Chassaigne. Notre objectif est de comprendre les pistes avancées pour sortir Areva de ses difficultés.

Il me semble que, pour la première fois, M. Varin est en même temps président du conseil de surveillance d’Areva et administrateur d’EDF. Cette évolution de la gouvernance a-t-elle pour objectif d’améliorer les relations entre les deux entreprises, de préparer un rapprochement ou de faciliter la mise en œuvre de la nouvelle stratégie d’Areva ?

Quant à la structure financière du groupe, la dramatisation des difficultés actuelles ne sert-elle pas à justifier un éventuel appel au secteur privé en lieu et place de la coopération actuelle avec le public, CEA et État en tête ? J’ai cru déceler dans vos propos l’éventualité d’une ouverture à des capitaux flottants.

La première réponse à apporter aux difficultés actuelles réside dans la stratégie industrielle. Les errements stratégiques et la brouille avec EDF doivent cesser dans l’intérêt général.

Les cessions qui ont été opérées ces dernières années s’inscrivaient-elles dans une stratégie industrielle ou relevaient-elles du coup par coup ? Ainsi, la cession d’Eramet s’appuie-t-elle sur une réalité industrielle ?

Enfin, dans les accords signés récemment sur l’exploitation des mines d’uranium au Niger, quelles sont les perspectives pour Areva en termes de délai et de sécurisation des approvisionnements ? Quelles sont les contreparties apportées en matière de responsabilité sociale et environnementale à l’égard du peuple du Niger ?

M. Kléber Mesquida. Vous avez souligné la fragilité financière de l’entreprise, grevée par une dette brute de 7 milliards d’euros et la baisse de 10 % de son chiffre d’affaires, malgré les efforts entrepris depuis 2011.

Vous envisagez un plan de relance pour renforcer la compétitivité de l’entreprise. Or, ce plan pourrait se traduire par des suppressions d’emplois parmi les 45 000 salariés d’Areva. Quelle sera la contribution des effectifs aux efforts de redressement ?

M. Jean-Claude Mathis. Votre filière nucléaire est en quasi-faillite, avec un taux d’endettement qui atteint 4,7 milliards d’euros pour 4 milliards de fonds propres, en dépit de la cession de 7 milliards d’actifs. Vous avez confirmé la baisse de 10 % de votre chiffre d’affaires ainsi que votre incapacité à atteindre les perspectives financières, à cause d’une demande insuffisante, de la réalisation retardée de certains projets et d’une incertitude accrue sur les paiements liés au réacteur EPR finlandais.

Comment est-il possible de redresser une telle situation ? Avec quels moyens ?

M. le président François Brottes. Je prolonge la question : pouvez-vous faire la part des causes structurelles et conjoncturelles ?

Mme Michèle Bonneton. Quelles sont les conséquences de l’atonie du marché de la maintenance sur les activités d’Areva et sur la sûreté des installations ?

Pour une entreprise très dépendante du secteur du nucléaire et dotée d’un personnel de très haut niveau comme la vôtre, une refonte de la filière énergétique en France et en Europe est-elle souhaitable ? Quel regard portez-vous sur la diversification de vos activités dans les énergies renouvelables que vous avez entreprise ?

Estimez-vous qu’un rapprochement avec EDF peut être bénéfique ? Comment concevez-vous le rôle de l’État, simple financeur ou stratège industriel ?

M. Dino Cinieri. Quelles mesures comptez-vous prendre pour redresser l’entreprise ? Quel soutien attendez-vous de l’État ?

Le secteur minier pèse très lourd dans votre bilan. Le rachat de la société canadienne Uramin pour 1,8 milliard d’euros s’est révélé désastreux, les gisements étant moins riches qu’escomptés. Une enquête a été ouverte au printemps 2014. Pouvez-vous préciser les conditions de ce rachat ? Avez-vous l’intention de le remettre en cause ?

Mme Marie-Lou Marcel. Au premier semestre, Areva a enregistré de lourdes pertes, entraînant des mesures d’économie et des cessions d’actifs. Le 18 novembre, les perspectives financières ont été suspendues.

Vous avez souligné les difficultés actuelles et évoqué trois axes pour sortir du cercle vicieux de la dette.

Pouvez-vous préciser les pistes pour l’élaboration du nouveau plan stratégique, en lien avec l’État actionnaire ? Envisagez-vous la création d’une structure de cantonnement des actifs compromis d’Areva afin de libérer l’entreprise du poids du passé ? Comment voyez-vous l’articulation avec EDF ?

M. Jean-Pierre Le Roch. En mai dernier, un accord a été signé avec le Niger renouvelant les conditions d’exploitation des mines d’uranium. Le chantier du gisement d’Imouraren a été suspendu en raison de sa situation dans une zone à risque terroriste. Considérée comme la plus importante mine à ciel ouvert d’Afrique de l’ouest et la deuxième au monde, cette mine, dont l’ouverture était initialement prévue en 2015, doit permettre au Niger de doubler sa production actuelle. Le Premier ministre espère une exploitation du gisement avant la fin de la décennie. Pensez-vous cet objectif tenable ? Quelles sont les garanties en matière d’approvisionnement en uranium si l’exploitation est de nouveau reportée ?

De 1956 à 1984, quarante-deux gisements uranifères granitiques ont été exploités en Bretagne. La responsabilité d’Areva est engagée sur certains d’entre eux. À l’occasion du comité interdépartemental de suivi des anciennes mines d’uranium, Areva a annoncé avoir identifié onze sites nécessitant des travaux de réhabilitation. Les difficultés actuelles du groupe sont-elles de nature à remettre en cause ses obligations environnementales en Bretagne et ailleurs ?

M. Hervé Pellois. Nous évoquons les difficultés mais nous passons sous silence les points positifs parmi lesquels la progression de 13 % des activités amont sur les neuf derniers mois. Ces activités recouvrent les services de conversion et d’enrichissement de l’uranium ainsi que la fabrication des assemblages de combustibles destinés aux réacteurs nucléaires. La montée en puissance de la production de l’usine Georges Besse II dans la Drôme et la progression des ventes en France et aux États-Unis sont encourageantes.

Quelle proportion ces activités représentent-elles dans le chiffre d’affaires d’Areva ? Cette filière demeurera-t-elle porteuse à l’avenir ?

L’implantation en Asie passe souvent par des transferts de technologie. Ne craignez-vous pas un renforcement de la concurrence sur les marchés extérieurs ?

Mme Jacqueline Maquet. Quelles mesures prévoyez-vous pour renforcer la sécurité de vos sites survolés par des drones ?

Dans votre plan à moyen terme, comment comptez-vous développer les énergies renouvelables pour compenser la baisse de la part du nucléaire dans le mix énergétique ? Comment nous situons-nous par rapport à nos partenaires européens ?

M. Philippe Kemel. Quelles sont les orientations envisagées pour faire évoluer le modèle économique d’Areva afin de surmonter les difficultés qui sont liées aux circonstances géopolitiques et à la transition énergétique ?

À partir des contrôles des réacteurs que vous effectuez, pouvez-vous nous renseigner sur l’état en termes de sûreté des centrales nucléaires de par le monde ?

Mme Marie-Hélène Fabre. L’usine de Malvési a fait l’objet d’importants investissements avec la construction de Comurhex II. Ce site travaille en complémentarité avec celui de Pierrelatte pour lequel vous avez sollicité un délai supplémentaire auprès de l’ASN afin de poursuivre la production jusqu’au 31 décembre 2017. Pour autant, des inquiétudes se font jour sur la pérennité à moyen terme du site de Malvési.

Dans les relations avec EDF, pouvez-vous espérer des conditions d’achat de combustible à des tarifs acceptables pour Areva ?

Mme Delphine Batho. Dans un paysage mondial de l’énergie qui bouge vite, il n’y a pas d’autre avenir pour Areva que de développer une offre compétitive sur le nucléaire et de se diversifier dans les énergies renouvelables.

L’EPR ne correspond pas aux segments de marché à l’international. Avez-vous un projet de réacteur de 1 000 mégawatts, avec quel calendrier ?

Comment envisagez-vous le développement de votre stratégie industrielle dans les énergies renouvelables, qui privilégie jusqu’à présent le gros renouvelable ?

Quel serait l’impact pour Areva du programme « grand carénage » d’EDF ?

Quelles sont les perspectives pour la filière MOx au regard de l’avenir du parc nucléaire en France ? La filière ne risque-t-elle pas de se trouver dans une impasse à moyen terme, puisque seuls les réacteurs les plus anciens utilisent du MOx ?

M. Patrice Prat. Je souhaite vous interroger sur les conséquences de la réorientation de la stratégie d’Areva sur l’emploi local. Le site de Marcoule joue un rôle important dans l’économie régionale : salariés comme élus s’inquiètent de l’évolution de la masse salariale.

Pouvez-vous confirmer votre volonté de convergence avec EDF afin de faire renaître des coopérations ou, à tout le moins, un nouvel état d’esprit ?

Pouvez-vous préciser les perspectives de marché pour Areva ? Les propos rassurants tardent à se concrétiser.

Enfin, quelles seront les conséquences du redressement financier pour la filière MOx et l’installation de Melox sur le site de Marcoule ?

M. Jean-Luc Laurent. Dans la majorité, je fais partie de ceux qui voient dans le nucléaire une filière d’avenir.

Face au doute qui s’est installé et à l’inquiétude grandissante, vous avez beaucoup de recul et d’expérience sur les difficultés qui se sont accumulées.

Le savoir-faire d’Areva est incontestable. Quelles décisions comptez-vous prendre en 2015 pour rétablir à court terme le groupe et lui assurer un avenir à moyen terme ?

La réorganisation en cours concerne la structure et les hommes. L’échec dans les énergies renouvelables est une cause majeure des mauvais résultats d’Areva. Quelles leçons en tirez-vous ? Cette filière ne serait-elle pas un miroir aux alouettes qui mérite d’être repensé entièrement ?

À mes yeux, Fukushima n’a pas scellé le sort du nucléaire, n’en déplaise à ses détracteurs. La géopolitique de l’énergie laisse entrevoir des perspectives de développement en Asie et au Moyen-Orient. Quelles sont vos ambitions à l’international ? N’est-ce pas un levier pour le redressement du groupe ?

M. le président François Brottes. Les travaux dits « post Fukushima » réalisés sur vos installations pèsent-ils dans les comptes ou représentent-ils un coût marginal ?

Pouvez-vous rassurer les sous-traitants qui s’inquiètent pour le paiement de leurs factures ?

M. Philippe Knoche. Vos interventions témoignent d’une très bonne connaissance du groupe et d’une grande compréhension du contexte.

Les travaux « post Fukushima » sur les installations atteindront un montant de 300 millions d’euros. Ces derniers ne sont pas la cause principale des difficultés d’Areva. Ils sont toutefois à mettre en regard des investissements réalisés en France au cours de la décennie passée, qui ont permis de limiter le coût des adaptations nécessaires. Nous avons investi sur le seul site du Tricastin plus de 5 milliards d’euros en installations nouvelles, et au total plus de 10 milliards en France. C’est précisément grâce à ces importants investissements que les usines nouvelles – Georges Besse II et Comurhex II ont été évoquées – sont très robustes aux exigences post Fukushima.

La trésorerie dont dispose Areva lui permet de régler les factures des sous-traitants.

Les causes structurelles renvoient à la compétitivité de nos activités après les investissements réalisés. J’ai confiance dans les compétences et les technologies d’Areva. Dans l’exercice de révision des activités que nous allons entreprendre, la compétitivité sera un critère essentiel. L’investissement des dernières années a été dicté par notre conviction quant au potentiel des activités : nous devons aujourd’hui le réexaminer au vu des conditions de marché.

Quant à l’adossement à EDF, l’objectif de compétitivité vaut quel que soit l’actionnaire. Nous réalisons plus de 70 % de notre activité à l’international.

Nous devons également tirer les leçons des retours d’expérience sur les grands projets. Il est important de traiter, conjointement avec EDF qui est impliqué dans la plupart d’entre eux, la spécificité stratégique de cette activité, spécificité de par les risques et les opportunités qu’elle comporte.

Parmi les causes conjoncturelles, sont identifiés le retard dans le démarrage des grands projets mais aussi le décalage d’opérations de maintenance de la base installée qui est lié au contexte économique global, à savoir la faible demande en électricité dans les pays développés.

Quant au redémarrage des centrales japonaises, la procédure d’autorisation a bien avancé pour les deux premières. Pour les vingt autres, le processus de réexamen est en cours. Le redémarrage de vingt réacteurs dans les deux à trois ans qui viennent doit nous permettre de nous extraire des difficultés conjoncturelles. Nous encourageons, en outre, certains clients dont les centrales sont arrêtées à reprendre leur activité.

Nous devons également nous adapter au rythme des grands carénages en France et ailleurs. À cet égard, EDF a manqué de transparence sur son intention d’adapter le rythme du grand carénage.

S’agissant de l’état des réacteurs nucléaires, nous intervenons sur plus de 300 d’entre eux dans le monde mais nous ne sommes pas le contrôleur réglementaire. C’est l’exploitant qui est en premier lieu responsable. L’autorité de sûreté apprécie le niveau de sûreté et a tous pouvoirs pour arrêter toute installation nucléaire dont la sûreté n’est pas conforme aux exigences.

Dans la relation avec EDF, Areva s’inscrit toujours dans la même logique de compétitivité de la filière et de capacité à exporter pour lesquelles il est peut-être souhaitable d’aller plus loin dans certains partenariats et certaines actions. Ce travail sera mené avec Jean-Bernard Lévy et Philippe Varin.

M. le président François Brottes. Si EDF accélère son programme « grand carénage », cela arrangerait certainement les affaires d’Areva s’il en était le principal prestataire ?

M. Philippe Knoche. Les activités au profit d’EDF sont toujours une contribution positive pour Areva qui se traduit en emplois puisqu’elles sont faiblement capitalistiques.

Je le répète, Philippe Varin a déclaré que l’EPR était un atout pour la France. Nous continuerons à tirer les leçons des retours d’expérience et à travailler avec EDF sur la conception du réacteur, qui n’est pas mise en cause. Nous pouvons rendre ce dernier plus compétitif et améliorer ses conditions de réalisation et de construction pour réduire les risques auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Ceci n’exclut pas de développer d’autres produits. Nous travaillons ainsi sur des technologies communes à l’EPR et aux réacteurs de la gamme 1 200 mégawatts. Areva et MHI – Mitsubishi Heavy industries – commercialisent aujourd’hui le réacteur Atmea. Nous avons noué des partenariats avec divers clients pour développer des technologies. Nous poursuivrons dans cette voie en donnant un coup d’accélérateur à notre collaboration avec EDF dans le cadre de la nouvelle gouvernance. Il me semble naturel d’approfondir cette piste.

Quant aux énergies renouvelables, nous sommes confrontés à des difficultés de deux ordres. La première tient à l’évolution des marchés : en matière d’énergie solaire, la baisse du prix du photovoltaïque et l’importation de panneaux photovoltaïques ont marginalisé le solaire à concentration, ce qui nous a conduits à arrêter cette activité ; la seconde difficulté à laquelle nous nous heurtons tient à la baisse du nombre de programmes en matière d’éolien offshore autorisés dans le principal pays qu’est l’Allemagne. Nous avons installé jusqu’à présent 600 mégawatts au large des côtes allemandes dont la mise en service est en cours malgré des difficultés de raccordement au réseau.

En 2012-2013, la politique énergétique allemande a donc affecté l’activité d’Areva non seulement dans le nucléaire mais également dans le renouvelable. Nous nous adaptons. Nous sommes à disposition pour aider ceux qui ont remporté les derniers appels d’offres en France sur l’installation de champs d’éoliennes offshore.

Au chapitre social, j’ai évidemment rencontré dès la semaine dernière les représentants des organisations syndicales du groupe. Les chantiers à ouvrir sont connus de ces dernières. Nous poursuivrons les discussions dans la tradition du dialogue social qui est celle d’Areva, faite de transparence et de respect. Elles auront lieu pour chaque activité, dans un état d’esprit analogue, je n’en doute pas.

Quant aux inquiétudes dans certains bassins d’emploi, sachez que l’usine Melox a obtenu le prix japonais de la meilleure usine étrangère pour ses outils de gestion de la production. C’est dire la reconnaissance de l’excellence d’Areva, y compris en matière industrielle, domaine dans lequel les maîtres sont japonais. Nos usines sont aussi reconnues par les clients et les autorités en matière de gestion aux États-Unis et en Europe.

La fierté des salariés d’Areva doit absolument être un ressort pour surmonter les difficultés.

Certaines activités doivent évoluer à l’extérieur du groupe. C’est le cas de la filiale informatique Euriware qui a été cédée à Cap Gemini, avec des accords sociaux, afin de disposer d’un service adapté aux technologies. Mais le groupe réfléchit également parfois à internaliser certaines activités. Ces évolutions correspondent à une respiration normale dans les métiers d’exploitation et de projet.

Sur les grands sites du groupe, une personne sur deux est salariée des entreprises partenaires. Nous avons conscience de nos responsabilités.

Si les activités de construction ralentissent, les travaux d’allongement de la durée de vie et de démantèlement, notamment à La Hague, montent en puissance. Cette vie industrielle est normale mais elle doit évidemment s’inscrire dans le dialogue social.

S’agissant de la responsabilité sociale et environnementale, les accords signés au Niger comportent plusieurs investissements qui viennent s’ajouter à ceux qui ont déjà été réalisés. Il est ainsi prévu de consacrer 17 millions d’euros au soutien au développement agricole et de financer des infrastructures – la route Tahoua-Arlitt et la construction d’un bâtiment à Niamey. Nous sommes pleinement conscients de nos responsabilités sur le terrain au Niger.

S’agissant de la Bretagne, Areva n’est pas l’exploitant historique de tous les sites miniers en France mais nous exerçons une mission de service public, en bonne partie à nos frais, sur certains sites orphelins. Nous sommes présents sur le terrain pour assurer la continuité dans la gestion des sites miniers.

Quant au MOx, les réacteurs 900 mégawatts ne sont pas les seuls à admettre du MOx. Nous devons trouver comment, dans la gestion de la transition énergétique et du renouvellement du parc, continuer à recycler les matières, principe très vertueux selon moi.

Quant aux solutions à l’équation financière, ma réponse sera prudente : il ne faut s’interdire d’examiner aucune solution. Aucune solution n’est évidente car chacune présente des avantages et des inconvénients. Nous reviendrons vers la représentation nationale et le Gouvernement dès que l’analyse et l’élaboration des solutions seront plus avancées.

Areva a beaucoup investi en France. Je rappelle aussi que depuis sa création l’entreprise a versé plus de trois milliards d’euros de dividendes à l’État. Ces éléments devront être pris en compte aussi.

Enfin, sur les drones, une audition spécifique de l’OPECST à laquelle Areva a participé a été consacrée à cette question. Les usines de La Hague sont conçues pour résister à la chute d’un avion de tourisme. Je ne peux pas m’étendre sur les scénarios d’une agression de nature terroriste sur lesquels nous travaillons avec les autorités.

M. le président François Brottes. Les survols à proximité des centrales nucléaires ont donné lieu à plus de 60 interventions ou interpellations. Ces chiffres témoignent de l’attention qui est portée à ces affaires.

M. Philippe Knoche. Je souhaiterais corriger mes propos antérieurs. EDF a annoncé par le passé un montant de 50 milliards d’euros pour le programme « grand carénage » dont il a toujours été clair que le calendrier dépendrait de plusieurs facteurs, notamment des avis de l’ASN.

M. Denis Baupin. Vous n’avez pas répondu à la question sur Hinkley Point. Quelle sera la participation d’Areva ?

M. Philippe Knoche. Le projet avance puisque ses schémas financiers ont été approuvés par la Commission européenne. EDF UK travaille avec l’ensemble des parties prenantes pour être en mesure de le lancer au cours de l’année 2015. Quant au tour de table, EDF mène des discussions avec un certain nombre d’investisseurs potentiels.

C’est EDF qui a sollicité Areva. Nous verrons comment ce dossier évolue. Toutefois, la participation d’Areva n’est pas une condition nécessaire pour la réalisation d’Hinkley Point.

M. Denis Baupin. La presse s’est fait l’écho de ce qu’Areva songeait à utiliser les provisions faites pour les charges futures du nucléaire – pour le démantèlement et la gestion des déchets – pour adosser son financement à Hinkley Point. Est-ce une rumeur ou un sujet de réflexion, ce qui me paraîtrait totalement contradictoire avec l’esprit de la loi ?

M. Philippe Knoche. Le bilan d’Areva comporte 6 milliards d’euros pour faire face à ses obligations de démantèlement. Mais cette somme représente aussi de l’épargne au travers d’un fonds de démantèlement en actions, en obligations et en différents placements. Areva est responsable de ces 6 milliards d’une manière globale.

S’agissant d’Hinkley Point, compte tenu des règles applicables, le montant éventuellement investi ne pourrait être que très marginal par rapport à ces 6 milliards. Nous en reparlerons le jour où nous connaîtrons le tour de table financier d’Hinkley Point.

M. le président François Brottes. Cette question peut faire débat. Les fonds réservés aux déchets et au démantèlement peuvent soit s’amenuiser, s’ils sont laissés en sommeil, soit produire des compléments de fonds grâce à des placements, dans la mesure où ceux-ci sont sans risque.

M. Denis Baupin. Sauf que le législateur, dans sa grande sagesse, a prévu que ces placements ne puissent pas intervenir dans le domaine du nucléaire pour éviter, en cas d’effondrement du marché, une remise en cause de la capacité à assurer les charges futures. Ce serait pour le moins contradictoire qu’une partie des placements porte sur des installations nucléaires. La loi l’exclut.

M. Philippe Knoche. De mémoire, la loi n’est pas aussi précise que ce que vous mentionnez. Le débat est sur la table.

M. Georges Ginesta. Qu’en est-il pour Uramin ?

M. Philippe Knoche. Vous savez que l’acquisition d’Uramin fait l’objet d’une enquête en cours. Vous comprendrez donc que je ne puisse pas faire de commentaires sur ce sujet. En revanche, les actifs qui sont aujourd’hui dans le bilan d’Areva seront évalués et gérés comme tout autre actif de notre portefeuille.

M. le président François Brottes. Je vous remercie une nouvelle fois d’avoir accepté notre invitation. Ce sujet intéresse et passionne. Je vous demande d’ores et déjà de revenir devant la commission lorsque vous serez à même de présenter des propositions pour sortir de cette mauvaise passe.

*

* *

Puis la commission a examiné le rapport sur la mise en application de la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social dont Mme Audrey Linkenheld et M. Jean-Marie Tetart sont les rapporteurs.

M. le président François Brottes. Chers collègues, nous sommes réunis, pour la première fois depuis le début de cette mandature, afin d’examiner un rapport d’application de la loi. Il s’agit d’un rendez-vous important nous permettant d’évaluer l’impact de la législation que nous avons élaborée. J’espère ainsi que Mme Audrey Linkenheld, qui fut rapporteure de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, et M. Jean-Marie Tetart, co-rapporteur représentant l’opposition, ne nous diront pas que nous avons légiféré pour rien !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Nous procéderons à une présentation à deux voix de ce rapport d’application de la loi dite « Duflot », réalisé dans le cadre défini par l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale. Comme vous pouvez le constater, nous avons attendu plus de six mois après la promulgation de la loi, c’est-à-dire le délai prévu par notre Règlement, afin de ne pas nous contenter de contrôler la prise des décrets d’application, mais de tenter de procéder à une première évaluation de cette législation. Par ailleurs, il nous semblait important d’attendre la fin du débat sur la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) afin d’échanger plus sereinement avec les acteurs du secteur du logement. Nous avons auditionné une dizaine d’interlocuteurs et mené plusieurs déplacements, dans le Nord, en Île-de-France, à Caen, Bordeaux et Marseille.

Malgré un certain retard, notamment s’agissant du volet relatif à la mobilisation du foncier public, et l’installation très tardive de la commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier (CNAUF), créée par le législateur, nous avons constaté que l’ensemble des services de l’État est fortement mobilisé pour appliquer cette loi.

Je me concentrerai sur le premier volet de cette loi – la mobilisation du foncier public – tandis que M. Tetart évoquera le second volet – la refonte de l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) ayant trait aux obligations de production de logement social.

S’agissant donc de la mobilisation du foncier public, tous les outils réglementaires nécessaires à l’application des dispositifs législatifs sont en place. Les trois décrets d’application prévus ont été publiés assez rapidement et sont fidèles à l’esprit de la loi. Le premier d’entre eux, le décret n° 2013-315 relatif aux conditions d'aliénation des terrains du domaine privé de l'État a été publié le 15 avril 2013. Le deuxième, le décret n° 2013-936 relatif aux conditions d'aliénation des terrains du domaine privé des établissements publics de l'État, a été publié le 18 octobre 2013. Le troisième, publié le même jour, établit la liste des établissements publics concernés, c’est-à-dire les acteurs ferroviaires – la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), Réseau ferré de France (RFF) et la Régie autonome des transports parisiens (RATP) – et Voies navigables de France (VNF). Les décrets du mois d’octobre, publiés six mois après le premier, auraient pu être pris plus tôt puisque leur rédaction est quasiment identique à celle du premier décret. Notons néanmoins que s’agissant des établissements publics, le taux de décote est plafonné à 30 % de la valeur vénale du terrain pour RFF, ce qui n’avait jamais été évoqué dans le débat parlementaire et n’est pas le cas pour les terrains de l’État.

Concernant la part de logements nécessaire à l’obtention de la décote, le législateur avait simplement indiqué son caractère essentiel, ce que le pouvoir réglementaire a traduit par un taux de 75 % de logements. Ceci nous paraît cohérent. Le décret fixe neuf fourchettes de taux de décote selon la zone géographique concernée : C, B2, A et B1. De même, le taux de décote varie selon la nature du logement social concerné, conformément à la volonté du législateur. Ainsi, en zone très tendue, et dans le cas d’un programme de logements très sociaux (PLAI), le taux de décote est tel qu’il pourrait permettre la cession du terrain à titre gratuit. Par ailleurs, le décret prend en compte les conditions locales, le législateur ayant souhaité que soient prises en compte la capacité de financement de l’acquéreur et la situation financière de la commune. De plus, le décret prévoit aussi que le taux de décote puisse s’appliquer sur les équipements publics. En l’espèce, le pouvoir réglementaire s’est montré assez généreux puisque la liste des équipements concernés est plus large que ce qui avait été envisagé lors du débat parlementaire. Sont ainsi concernés les équipements nécessaires à la petite enfance, notamment les crèches et les garderies, les équipements nécessaires à l'enseignement scolaire et les équipements à caractère social, sportif ou culturel. Néanmoins, le décret est plus restrictif que le souhait du législateur s’agissant de la partie de l’équipement à laquelle s’applique la décote, ce que nous regrettons.

Le pouvoir réglementaire a également défini quatre étapes nécessaires à l’identification d’un terrain et à sa cession. Première étape, la prospection et l’établissement des listes régionales – la procédure est relativement conforme à ce que nous avions envisagé. Deuxième étape, la programmation – cette étape correspond à la volonté du législateur de mener les discussions en amont mais nous avons constaté quelques difficultés sur le terrain ; certaines questions se posent notamment sur la manière dont la vente doit être réalisée : l’État doit-il vendre directement à un bailleur, auquel cas il doit recourir à un appel d’offres susceptible de rallonger les délais, ou doit-il vendre à une collectivité qui elle-même procédera par la suite à une seconde vente, l’enchaînement des ventes conduisant également à rallonger les délais ? Il s’agit là de questions très concrètes que nous avons constatés sur le terrain et que devra gérer la CNAUF, présidée par M. Repentin et malheureusement créée un an et demi après la promulgation de la loi. Troisième étape, le calcul de la décote – nous avons identifié un certain nombre de blocage : le calcul de la décote fait en effet intervenir le préfet de région, le préfet de département, la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), la direction départementale des finances publiques (DDFIP). La multiplication des acteurs, l’absence de pouvoir hiérarchique entre eux et la relative autonomie de France Domaine, que les élus locaux connaissent bien, ne permet pas toujours une pleine efficacité. Certes, la loi a permis de réunir tous ces acteurs autour d’une même table – et ils nous remercient de cette transversalité – mais nous regrettons que les blocages que nous avons identifiés n’aient pu être levés. En effet, dès les auditions que j’avais menées en tant que rapporteure, j’avais pu constater que telles difficultés de dialogue existaient depuis les premières tentatives de mobilisation du foncier public, lancées par M. Benoît Apparu sous la précédente législature. L’un des objectifs de l’amendement ayant créé la CNAUF était justement de répondre à ces difficultés. Si la création de la CNAUF permet de résoudre en partie ces problèmes, force est de constater que nous avons perdu dix-huit mois. Nous espérons que le pouvoir exécutif dotera la CNAUF des moyens nécessaires à la réalisation de ses missions. Quatrième étape, la procédure de cession, qui nécessite une convention d’acquisition et un acte d’aliénation – sur ce point, des attitudes plus pragmatiques de certains acteurs seraient d’ailleurs utiles.

J’ai déjà évoqué la situation particulière des terrains des établissements publics, pour lesquels le taux de décote est fixé à 30 %, mais n’ai pas mentionné l’absence de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP). Au cours des débats parlementaires, il avait été établi que l’AP-HP serait concernée par cette réglementation. Ce n’est pour l’heure pas le cas même si l’on nous a promis la publication imminente d’un décret.

Malgré mes propos parfois nuancés, je tiens à souligner que la mobilisation des services de l’État a été relativement rapide, le Premier ministre ayant pris une circulaire dès le 2 avril 2013, ce qui a permis de rassembler les administrations et les préfets autour de cet objectif. La plupart des préfets ont, dès 2013, publiés par arrêté des listes de terrains pouvant donner lieu à des décotes de droit. Si les listes ont été prises rapidement, leur contenu est quelque peu décevant : sur les vingt-deux listes publiées, on compte 264 terrains appartenant à l’État, pour un total de 5 millions de mètres carrés, soit 500 hectares. L’Île-de-France, avec 61 terrains, le Nord Pas-de-Calais avec 26 terrains, Midi-Pyrénées avec 20 terrains et Provence-Alpes-Côte d’Azur avec 19 terrains sont les quatre régions ayant recensé le plus grand nombre de terrains. Ces chiffres sont plutôt satisfaisants puisque, pour rappel, l’objectif était de se concentrer sur les zones tendues où les besoins sont les plus importants. Néanmoins, même si des arrêtés préfectoraux ont été publiés, il y a eu peu de concertation avec les acteurs du logement ni, parfois, avec les collectivités territoriales, que ce soit en amont ou en aval. On regrette également un manque de publicité autour de ces listes. Or, l’intérêt du dispositif ne consiste pas en la publication de listes mais en la construction de logements. Pour ce faire, il est nécessaire d’associer davantage les acteurs du logement et nous pensons qu’il existe sur ce point de fortes marges de progression. À mes yeux, la création tardive de la CNAUF explique aussi l’absence de concertation, les services administratifs ayant été quelque peu laissés à eux-mêmes.

Par ailleurs, ces listes doivent être vivantes, c’est-à-dire évoluer au fil des années, comme en témoigne d’ailleurs l’inscription de terrains dits ferroviaires en 2014. De plus, on regrette que les acteurs se soient concentrés sur la décote de droit, alors qu’il est tout à fait envisageable de prévoir une décote sur n’importe quel terrain public dès lors que l’acquéreur et le vendeur s’entendent sur le prix et le programme. De même, la décote n’est pas obligatoire et si les deux parties s’accordent, il n’est nul besoin de recourir à la procédure exposée précédemment. Nous avons été confrontés à un cas emblématique à Marseille : l’État, la ville de Marseille ainsi que la communauté urbaine étaient parvenues à un accord sur un programme de construction de logement mais tout le processus a été stoppé afin de se conformer à cette nouvelle procédure ! Il est donc nécessaire de poursuivre l’information et de partager davantage les bonnes pratiques, de sorte que toutes les régions travaillent efficacement.

Par ailleurs, il a fallu attendre longtemps – c’est-à-dire octobre 2014 - pour comprendre la méthode de calcul de France Domaine. Il s’agit de la méthode dite du « compte à rebours » qui comporte des inconvénients mais a le mérite d’être claire. Elle fonctionne car elle permet de tenir compte des « circonstances locales » pour le calcul en recettes et en dépenses, selon les dispositions de la loi et du décret. L’approche est pragmatique et pourra aboutir à un arbitrage de la CNAUF si nécessaire.

Quelques autres difficultés ont été relevées et renvoient aux efforts nécessaires pour une meilleure gouvernance et davantage d’échanges de bonnes pratiques. Tout d’abord, certains ministères sont plus réticents que d’autres. Par exemple, le ministère de la défense est pris en étau entre son obligation de céder des terrains et sa nécessité de récupérer les produits de ces cessions pour renflouer son propre budget. Ce n’est pas nouveau, nous l’avions pressenti lors de l’élaboration de la loi. Des arbitrages, notamment à la CNAUF, seront donc nécessaires au plus haut niveau. Des curiosités existent aussi : à certains endroits, la décote vient se substituer à d’autres aides publiques. Or ce n’est pas l’objectif. Il ne s’agit pas de compenser la diminution des aides à la pierre par exemple. Le dispositif a été mis en place pour débloquer des opérations et accélérer les cessions. Dans cet esprit, un prix de cession moindre ne doit pas se substituer à d’autres aides. Or à Caen, il a été indiqué que la décote ne pouvait pas s’additionner avec les subventions de l’ANRU.

De la même manière, aujourd’hui des opérations sont bloquées car des casernes, qui sont des logements et qui n’ont plus d’utilité, et dont la réhabilitation suffirait à les transformer en logements sociaux, ne peuvent pas bénéficier de la décote. En effet, comme la loi s’applique à « des opérations de démolition ou de restructuration », certains considèrent qu’elle ne peut pas s’appliquer à une simple réhabilitation. Ce serait dommage de devoir légiférer à nouveau pour préciser que la réhabilitation fait partie de la restructuration, alors qu’il y a plutôt consensus sur cette question.

Tout cela explique un bilan quantitatif assez inégal et limité. Il faudra attendre 2015 pour que le dispositif connaisse son rythme de croisière sur les terrains que nous sommes en train d’identifier. Aujourd’hui, 8 cessions ont été conclues avec décote : 7 terrains de l’État et un de RFF représentant près de 1000 logements dont la moitié environ de logements sociaux, avec des décotes allant de 15 % à 84 %. 8 autres cessions sont à venir très prochainement.

On peut citer deux exemples de réussites. À Caen, le prix de cession initial de 5M€ est passé à 3,2M€ grâce à la loi, ce qui a permis une augmentation des logements sociaux dans le projet et l’intégration d’une crèche non prévue à l’origine. À Bordeaux, le prix de la cession fut de 12M€ contre 18M€ à l’origine et la part des logements sociaux est passée de 35 % à 45 %.

En conclusion sur la partie dédiée à la mobilisation du foncier public, voici quelques recommandations :

– conforter le rôle des préfets dans la gouvernance, améliorer la coordination entre les préfets à l’échelle nationale et entre les ministères, et renforcer les arbitrages de la CNAUF ;

– rappeler que la mobilisation du foncier public n’est qu’un outil au sein d’une politique d’ensemble du logement et pas une solution miracle. Il faut que les administrations centrales regardent la quantité globale de logements produits in fine sur un territoire donné ;

– encourager encore les échanges de bonnes pratiques : produire des documents types, éviter les excès de formalisme et mieux communiquer avec les élus locaux, éviter le phénomène de stop and go et rappeler toutes les possibilités de la loi. Le bail emphytéotique est par exemple une solution dans certains cas et la décote peut s’appliquer sur la redevance.

La mobilisation du foncier ferroviaire doit être encouragée sachant qu’une charte entre l’État, RFF et la SNCF vient d’être signée en juin 2014. Elle concerne 150 sites potentiels. Mais ces engagements doivent désormais être concrétisés en 2015. Enfin, les services de France Domaine font en ce moment une enquête qualitative très intéressante sur l’ensemble de l’inventaire physique de l’État. Ces services doivent être encouragés à poursuivre cette analyse précise des biens de l’État qui peut permettre, à terme, d’élargir les listes régionales de terrains cessibles et favoriser la production de logements.

M. le président François Brottes. Cet exposé est fort intéressant. Nous transmettrons le rapport d’application au Gouvernement avec une liste des 4 ou 5 points importants afin d’obtenir des réponses complémentaires rapides.

M. Jean-Marie Tetart, rapporteur. Je remercie ma collègue pour ses propos objectifs dont nous partageons le constat. Je vais en ce qui me concerne vous faire part de mon impression. La commande politique a été forte et les services fortement mobilisés pour mettre en œuvre le dispositif, avec parfois des excès au détriment d’autres volets de la politique du logement. Les résultats quantitatifs attendus sont assez proches de ceux des années 2000 : depuis 2000, le foncier public a en effet permis de créer 42 000 logements et l’objectif de la loi votée en 2013 est de construire 30 000 nouveaux logements d’ici cinq ans. En revanche, la meilleure communication entre les services est positive, de même que la méthode d’évaluation différente du prix des terrains lorsque l’on a un programme de logements. Cette petite révolution va rendre service aux aménageurs. En conclusion, l’accélération de la cession du foncier public consiste surtout en l’amélioration qualitative des projets plus qu’en la quantité. Pour l’instant, les logements ont été construits sur les terrains les plus faciles ou directement cessibles. Il faut donc s’attendre à une décroissance à l’avenir.

M. André Chassaigne. Les blocages réglementaires que vous avez évoqués exigent-ils une évolution de la loi ou peuvent-ils être levés facilement ? Par exemple, le bénéfice de la décote ne peut pas se cumuler avec des aides comme les subventions de l’ANRU. Pourquoi ?

Pour la SNCF, pouvez-vous me préciser ce qu’est le principe de reconstitution ferroviaire du décret du 5 mai 1997 qui renchérit le coût des opérations de construction de logements sur le foncier ferroviaire ? Ensuite, les baux emphytéotiques sont peu pris en compte alors qu’ils permettent de régler un certain nombre de problèmes. Le bail à construction est-il pris en compte ? Enfin, y a-t-il une vraie réticence des élus ou est-ce lié à d’autres difficultés des offices HLM pour financer leurs opérations ?

M. Daniel Goldberg. L’objectif et l’intérêt de la loi est qualitatif : mener une politique publique d’ensemble sur les constructions et faire œuvre de pédagogie afin de mobiliser l’ensemble des acteurs pour construire plus, plus vite et moins cher. L’État, RFF, la SNCF, ou l’AP-HP ont mené une démarche active pour libérer du foncier. C’est aussi un signe envers les propriétaires privés de foncier, comme les grandes entreprises, qui auraient du foncier non utilisé et qui pourraient le libérer pour la construction de logements. Cet aspect est important tout comme le PLF pour 2014 puis pour 2105 qui mettent en place des incitations fortes pour des terrains constructibles non bâtis avec des contributions financières importantes demandées aux propriétaires de ces terrains. On a besoin de construire dans certaines zones du pays pour à la fois répondre à la crise du logement, soutenir la filière du bâtiment et renforcer la compétitivité de la France.

Mme Brigitte Allain. Je souhaite tout d’abord féliciter les services de l’État pour la publication rapide des décrets d’application. La part minimale de 75 % des constructions dédiées au logement répondait vraiment à une préoccupation. Pouvez-vous préciser les raisons des blocages et du peu d’opérations effectives aujourd’hui ? Le dispositif est parfois inefficace. En région PACA par exemple, le préfet a lancé une dynamique. Existe-t-il des régions dans lesquelles aucune opération n’est menée et pourquoi ? Par ailleurs, l’objectif SRU de 25 % de logement social donne une vraie motivation mais a du mal à se mettre en œuvre. Pouvez-vous apporter des précisions à ce sujet ?

M. Hervé Pellois. Nous avons en effet tous éprouvé des difficultés à comprendre l’analyse de France Domaine, qui semble parfois à géométrie variable. Selon vous, les établissements publics fonciers peuvent-ils aider à accélérer les procédures ? De plus, s’agissant des terrains de RFF, il me semble qu’il avait été question de faciliter la remise en état des terrains, parfois onéreuse. Savez-vous qui doit remettre en état ces terrains et les dépolluer, RFF ou l’acquéreur ? Enfin, cette loi ayant surtout pour objet d’améliorer la situation dans la région parisienne, pourriez-vous nous donner quelques exemples de terrains cédés sur cette zone ?

Mme Frédérique Massat. S’agissant de RFF et de la SNCF, amenés à se réunir, vous pointez le décalage entre la volonté exprimée au niveau national et les réticences de certains correspondants locaux. Les terrains étant gérés de manière locale, comment surmonter ces obstacles ? La décision relative à la cession est-elle prise au niveau national ou local ? Vous avez également évoqué la nécessité de partager davantage les bonnes pratiques recensées sur le territoire, pensez-vous qu’il serait utile d’élaborer un guide des bonnes pratiques, en concertation avec les associations de collectivités territoriales ? Enfin, puisque nous avons mis en place des commissaires au redressement productif, ne faudrait-il pas confier la mission de mobilisation du foncier à des interlocuteurs spécifiques, plutôt que de solliciter encore une fois les préfets de région, déjà fortement occupés ?

M. le président François Brottes. Madame la rapporteure, je vous remercie par avance de vos réponses, succinctes et précises, et me permets de compléter les questions formulées par nos collègues. S’agissant de RFF premièrement, ne pensez-vous pas qu’il faille adopter une approche régionale plutôt qu’une approche locale ? Au moment de l’élaboration du décret, j’avais indiqué à Mme la ministre, partisane de tout confier aux préfets de régions, qu’il serait nécessaire d’aboutir à des accords régionaux en faisant avancer les dossiers pas à pas. Pensez-vous que les choses se jouent au niveau local ou au niveau régional ?

Deuxièmement, pensez-vous qu’il soit possible, au regard des règles d’urbanisme, de débuter un projet sur un terrain, par exemple en construisant des logements, en comptant sur la cession future d’un terrain limitrophe appartenant à l’État ou à un établissement public, susceptible d’accueillir des espaces de stationnement ou des espaces verts par exemple ? En effet, il serait regrettable de décaler le lancement d’un programme dans l’attente de la libération d’un terrain public, au regard de la longueur de la procédure. Autant gagner du temps.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Permettez-moi d’abord de vous remercier d’avoir épousé les thèses qui sont les nôtres. Alors que le législateur a parfois tendance à se concentrer sur l’élaboration de loi, sans se préoccuper de la manière dont elle vit par la suite, nous avons souhaité formuler un certain nombre de recommandations qui permettront, je l’espère, d’améliorer la situation du logement en France. Elles dépassent d’ailleurs le cadre de la mobilisation du foncier public ou de la modernisation de la loi SRU car la résolution de la crise du logement passe par des solutions plus larges. Comme Mme Frédérique Massat et le président Brottes l’ont d’ailleurs souligné, la résolution de la crise du logement passe surtout par la manière dont la question du logement est gérée sur nos territoires. Je rejoins d’ailleurs Mme Massat sur la création d’un interlocuteur spécifique. En ce qui me concerne, j’avais envisagé la création de « super-préfets » dédiés à ce sujet, au moins dans les zones tendues, et d’un délégué interministériel au logement chargé de la coordination de leurs actions. La transversalité et l’approche pragmatique sont souvent le meilleur moyen de parvenir à des solutions efficaces. Je précise à ce stade que la plupart des questions qui nous ont été posées trouveraient des réponses faciles et concrètes si elles étaient adressées à des élus locaux chargés de l’habitat ou de l’urbanisme, ce qui n’est pas garanti lorsque l’on s’adresse à un administrateur civil du ministère ou un fonctionnaire de la préfecture…Ceux-ci ont tendance à apporter des réponses réglementaires pas toujours pragmatiques, alors même que la loi permet une telle approche. À mon sens, même les préfets les plus mobilisés n’ont pas intégré toute la dimension du rôle qui leur est confié. Les préfets ont un rôle de conseil et d’arbitrage, ainsi que d’animation de la concertation entre l’État, les collectivités territoriales et les acteurs du logement. Ces échanges sont nécessaires pour le pilotage efficace de l’ensemble de la politique du logement sur nos territoires, au-delà même des questions de mobilisation du foncier public et des obligations de la loi SRU. Or, dans les faits, on constate que si les collectivités ont des échanges séparés avec l’État et avec les bailleurs, il est rare que l’État et les bailleurs se rencontrent et encore plus que les trois se réunissent.

Nous suggérons que la CNAUF puisse donner un certain nombre de réponses, notamment s’agissant de l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques ou des modalités de libération des terrains appartenant à RFF – en théorie la décision est prise au niveau local mais les choses peuvent évoluer et la charte tripartite qui vient d’être publiée va dans le bon sens. À mon sens, c’est aussi à la CNAUF de s’attaquer aux blocages réglementaires liés à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). À titre d’exemple, la CNAUF s’est récemment prononcé sur un cas à Caen, en indiquant qu’il n’y avait aucune incompatibilité avec les programmes de l’ANRU. S’agissant de la réhabilitation des casernes, il me semble qu’il n’est pas utile de légiférer à nouveau mais le sujet mérite d’être posé. Concernant la reconstitution ferroviaire, qui existe depuis la moitié du siècle dernier, elle a souvent du sens mais peut également se heurter au bon sens le plus élémentaire. Je pense en particulier à un cas rencontré dans les Yvelines : le bâtiment concerné accueille les locaux de la maison des syndicats dont le déplacement pose question, et bloque la finalisation de l’opération entre RFF et l’acquéreur. Même s’il est nécessaire de maintenir le principe la reconstitution ferroviaire, il me semble important d’adopter, dans ce cas, une position pragmatique.

Je dois reconnaître, madame Allain, que nous ne sommes pas en mesure de vous présenter un bilan exhaustif de la situation, n’ayant pas été en mesure de nous rendre dans les vingt-deux régions. Néanmoins, la CNAUF est chargé de l’élaboration d’une synthèse des bilans régionaux, qui fera d’ici quelques jours l’objet d’un rapport établi sous la responsabilité de M. Thierry Repentin. Comme vous pourrez le constater, nous avons longuement échangé et nous dressons des constats assez similaires. Les services du ministère sont fortement mobilisés et il a ainsi été demandé aux régions d’identifier cinq terrains prioritaires.

En réponse à M. Pellois, les établissements publics fonciers jouent bien un rôle important – ce fut notamment le cas à Caen. S’agissant des coûts de dépollution et de remise en état des terrains, ils sont intégrés dans le coût global de l’opération – notamment grâce à la méthode dite du « compte à rebours » - mais la question est moins celle de l’identité de celui qui dépollue que de l’intégration des coûts dans le prix de l’opération. Un seul terrain fait l’objet d’une opération en Île-de-France mais, pour être honnête, la situation est plutôt satisfaisante et les retards s’expliquent plutôt par la taille de la région, la multiplicité des départements et donc des acteurs concernés.

M. le président François Brottes. Merci de ces explications. Je vous propose d’en venir à la seconde partie de cette présentation, consacrée aux obligations de construction de logement social.

M. Jean-Marie Tetart, rapporteur. Cette seconde partie est donc consacrée au renforcement des obligations de construction de logement social. Comme chacun le sait, ce sujet a éclos en 2000 avec l’adoption de la loi SRU, qui fixait un taux de 20 % de logement social. La loi SRU a été complétée par la loi du 5 mars 2007 instaurant le droit au logement opposable, dite DALO, qui étendait cette obligation à l’échelle des EPCI au lieu des seules aires urbaines. La loi « Duflot » augmente le taux de logement social de 20 % à 25 % et ouvre la possibilité d’un quintuplement des pénalités lorsque les obligations ne sont pas respectées. Les deux décrets prévus par la loi ont été publiés le 24 juillet 2013, soit sept mois après la promulgation de la loi, ce dont nous pouvons nous satisfaire. Ils ont été complétés par une instruction du Gouvernement à destination des préfets de département en date du 27 mars 2014. Ce qu’il importe de souligner est que, dès l’été 2013, la cartographie des communes se voyant appliquer un objectif de 20 ou 25 % de logements sociaux a été définie, ce qui permettait aux préfets d’agir. Cette cartographie fixait également la liste des communes dans lesquelles le taux de 20 % était maintenu car la tension était moins forte. Par ailleurs, la loi avait également élargi le champ d’application de ce taux de 20 % aux communes « isolées » de plus de 15 000 habitants, ne faisant pas partie d’une agglomération ou d’un EPCI de plus de 50 000 habitants, mais connaissant une forte croissance démographique. Ces communes « isolées » sont au nombre de cinq. Mécaniquement, cette cartographie a conduit à l’augmentation de 10 % du nombre de communes soumises à ces obligations, soit 1 129 communes en 2014 contre 1 022 en 2012. Sur ce total, 759 communes sont soumises à un objectif à 25 %, plutôt en zone A et A bis, et 370 communes ont un objectif à 20 %, dont 5 communes isolées. Par ailleurs, la loi a eu pour effet d’appliquer les obligations de la loi SRU à des communes au seul motif qu’elles faisaient partie d’un EPCI, ce qui n’a pas été sans causer quelques difficultés. Ainsi certaines communes très rurales se trouvent brutalement soumises à des obligations fortes en termes de logement social, le taux de 20 % ou de 25 % s’appliquant selon leur situation géographique. À ce titre, la combinaison de la date de 2025 pour le rattrapage et du relèvement du taux légal à 25 % a pour conséquence de fixer des niveaux de production de logements sociaux beaucoup plus élevés que précédemment, et complexes à atteindre pour ces petites communes. Dans la vallée de la Seine, par exemple, un certain nombre de communes maraîchères avec un foncier en lamelles, chacun voit de quoi il s’agit, sont confrontées à de sérieuses difficultés pour mener à bien les opérations de remembrement. À mon sens, le Gouvernement devra veiller à accompagner ces communes ou adapter notre droit. De même, des inégalités de traitement au sein d’un même EPCI ont pu être constatées du fait d’un problème d’articulation entre les notions d’aire urbaine et d’EPCI. Des communes peuvent, en effet, faire à la fois partie d’une unité urbaine au sens de l’INSEE et d’un EPCI, qui n’ont pas les mêmes caractéristiques et donc pas les mêmes objectifs de production de logements sociaux. C’est le cas notamment dans l’agglomération de Saint-Nazaire, où La Baule et Saint-Nazaire n’ont pas les mêmes obligations car l’une de ces communes fait partie de l’aire urbaine et pas l’autre. Nous proposons donc de clarifier ce point, afin notamment de permettre aux maires de s’y retrouver et aux préfets d’être en mesure d’expliquer la loi. De manière générale, on constate néanmoins que les services de l’État ont été fortement mobilisés sur la question et ont, la plupart du temps, adopté une approche pragmatique qu’il faut saluer.

Nous pouvons indiquer aujourd’hui que les objectifs de rattrapage avant 2025 vont être très élevés, nécessités par des situations de tension de logements. Pour l’Île de France par exemple, l’augmentation des objectifs de rattrapage se mesure à 180 % et en Gironde à 85 %. Ceci est l’effet mécanique de la combinaison d’une date à 2025 et d’une augmentation du pourcentage. De plus, la loi a requis que 30 % des logements sociaux soient en PLAI, ce qui est une contrainte supplémentaire.

D’une manière générale, les communes se sont mises en mouvement, y compris avant la promulgation de la loi. Il y avait déjà environ 60 % des communes qui étaient en situation de satisfaire leurs objectifs ou de ne plus être en situation de carence. La menace du quintuplement a un effet sur de nombreuses communes, mais ne fait pas d’effet sur les communes très résistantes notamment en région PACA, où certaines communes ont toujours peu de logements sociaux et annoncent qu’elles préfèrent payer le quintuplement malgré la baisse de la dotation de fonctionnement. Ce dispositif aura toutefois un effet dissuasif in fine.

La majoration du prélèvement est applicable dès 2015. Cela a été un choc et a été compris comme une menace. Pour l’instant, les préfets ont appliqué avec pragmatisme et sagesse leur possibilité d’appliquer ce coefficient 5. Il faut aussi noter que les préfets de région ont tenu à harmoniser les prises de position des préfets de département par la tenue de conférences de coordination.

Ce relèvement conduit à une augmentation mécanique des recettes constatées puisque nous sommes passés de 31 millions d’euros en 2013 à 50 millions d’euros de prélèvements en 2014. Dans ces 50 millions, il y a 11 millions d’euros de majoration des communes carencées. Si nous prenons l’exemple de la région PACA, il y a 88 communes carencées dont les prélèvements peuvent être majorés. 15 d’entre elles ont vu leur prélèvement majoré être multipliés 5. En Ile-de-France nous sommes à 40 communes carencées en 2014 dont 2 ont vu leur prélèvement majoré être multiplié par 4.

Ces procédures de carence ont été rapidement mises en œuvre, avec fermeté et pragmatisme, au cours de l’été et de l’automne 2014. La majoration n’a été utilisée dans la plupart des cas que pour les communes qui n’ont montré aucun effort dans le dernier triennal. C’est une position qui est recevable et qui a valeur de menace pour l’avenir.

Qu’avons-nous fait de ces recettes ? Nous posons un vrai problème. Le Fonds national pour le développement d’une offre de logements locatifs très sociaux (FNDOLLTS) est le collecteur du prélèvement majoré et non du prélèvement de base, qui relève des EPCI délégataires des aides à la pierre et des établissements publics fonciers (EPF). L’affectation de cette recette aux EPCI et aux EPF pour permettre un équilibre des opérations produit un effet très positif. Par contre, nous pouvons être beaucoup plus partagés sur l’utilisation du Fonds national. Il y a eu un appel à projets pour lequel le fonds n’a pas pu attribuer toutes les subventions. Sur les 6 millions d’euros de crédits disponibles à l’époque, il en a dépensé seulement 4 millions. Nous proposons dans ce rapport que ce fonds soit complètement affecté, non plus à des appels à projets qui se révèlent inefficaces, mais à des enveloppes régionales d’aides à la pierre consacrées aux logements les plus sociaux, c’est-à-dire aux PLAI.

Enfin, la loi a ouvert aux préfets la possibilité d’utiliser le droit de préemption au bénéfice de l’État et de pouvoir instruire les permis de construire à la place des maires là où il y aurait une carence. Pour l’instant, le droit de préemption est utilisé, encore une fois, avec beaucoup de bon sens. Par contre, la substitution de l’octroi des permis de construire n’a pas encore été utilisée.

Pour résumer, les principales conclusions du rapport sur l’application de la loi sont : une application rapide qui a permis d’avancer rapidement avec une cartographie réalisée dès l’été 2013 ; des préfets qui se sont mobilisés ; des effets mécaniques de la loi qui posent des problèmes dans les petites communes et des incohérences entre les intercommunalités et les aires urbaines ; des prélèvements au taux quintuplé que dans un nombre de cas restreints ; et ce défaut principal que nous observons sur l’affectation du prélèvement majoré au fonds national qu’il faudrait réorienter sur l’aide à la pierre local.

M. le président François Brottes. Merci Monsieur le rapporteur pour la clarté de vos conclusions. Je passe la parole à vos collègues.

M. Daniel Goldberg. J’ai bien noté les termes employés par notre collègue Jean-Marie Tetart et que je partage : la loi oblige à une forme de rattrapage pour un certain nombre de communes et permet aux préfets d’agir avec fermeté et pragmatisme. Il fallait en finir, et cette loi le permet, avec un certain nombre d’élus locaux qui se faisaient élire suite à des campagnes électorales disant « votez pour moi, je ne construirai pas de logements sociaux dans la commune ».

Deuxième point, construire du logement social voulait dire beaucoup de choses jusqu’à présent. Nous nous satisfaisions parfois de l’article 55 de la loi SRU originale en construisant uniquement des logements étudiants et pas du tout de logements familiaux. Or cela ne signifie pas la même chose de construire du logement étudiant à vocation sociale et de construire des logements pour des familles qui sont en difficulté pour se loger.

Troisième point, le quintuplement des pénalités signifie une chose : c’est que l’égoïsme a un coût. Le rapport montre bien que nous ne sommes pas dans une stratégie d’aumône. Nous sommes en difficulté sur les zones les plus tendues de notre territoire, notamment l’Île de France. Ce n’est pas seulement une difficulté pour les familles les moins aisées. C’est une difficulté y compris potentiellement pour les employeurs, pour la mobilité professionnelle et pour l’homogénéité et la robustesse de toute l’aire urbaine.

Sur les préconisations qui sont faites, je partage ce qui a été dit sur l’utilisation du FNDOLLTS. Nous serons tous très vigilants sur le fait que ce fonds ne tombe pas dans l’escarcelle du budget de l’État.

Je partage ce qui a été dit tout à l’heure par Frédérique Massat. Dans un certain nombre de régions où il est nécessaire de centraliser l’action de l’État, la mise en place d’un commissaire à la construction de logements me parait une excellente proposition.

Mme Brigitte Allain. Merci pour ce rapport qui, comme le précédent, nous éclaire bien sur la situation et ce peu de temps après que les décrets aient été publiés.

Je voudrais préciser que ma collègue, Cécile Duflot, n’a pas pu être là ce matin du fait d’autres obligations mais que nous avons pu échanger sur le sujet.

Je voudrais revenir sur la question des EPCI et sur les obligations nouvelles reposant sur un certain nombre de petites communes. Ce questionnement concerne le foncier agricole. Il faut être très vigilant sur tout changement d’affectation. Je rappelle que la loi ALUR consacre une partie sur la réhabilitation des logements en centre bourg. Ces observations sont aussi valables pour les petites communes. Nous voyons partout, en milieu rural ou urbain, des petites communes où il y a encore beaucoup de logements vides et fermés alors que nous voyons fleurir des maisons neuves un peu partout autour, rognant sur le foncier agricole.

Concernant la question des logements très sociaux, vous proposez de réaffecter les fonds du FNDOLLTS en disant que les enveloppes ne sont pas consommées. Mais ce n’est pas parce qu’il n’y a pas eu de réponses à l’appel à projets, qu’il n’y a pas de besoins. La réaffectation est une partie de la solution. Mais s’il n’y a pas de projets locaux, il faudrait plutôt aller vers une injonction.

Enfin, concernant la loi Macron à venir qui pose quelques questions par rapport aux logements intermédiaires, ne crée-t-elle pas quelques incertitudes et de l’attentisme qui pourrait retarder des décisions ?

M. le président François Brottes. Je voudrais rappeler qu’on parle là des lois votées.

M. Hervé Pellois. Concernant les nouvelles communes qui ont des obligations à hauteur de 20 %, une de leurs difficultés est que souvent celles-ci ont des opérations d’ensemble à réaliser. Le fait qu’elles n’aient pas bénéficié d’appui pour le logement privé en zone B2, par exemple, a fait que les opérations sociales associées –opération groupée avec 30 à 35 % de logements sociaux – n’ont pas toutes été réalisées. Il faut qu’il y ait une cohérence entre le logement social et l’attribution de ces aides.

M. le président François Brottes. Je fais une remarque concernant le débat sur le commissaire ou le délégué régional au logement. S’il est créé un agent spécifique, je crains que les services préfectoraux ne se sentent démobilisés ce qui serait dommage tant ils ont su développer une approche créative. J’observe que dans les départements, ruraux ou urbains, les préfets ont « pris le taureau par les cornes » pour faire remonter les injonctions nécessaires pour que chacun respecte les obligations imposées par la loi. Cette dissuasion fait réagir, parfois avec dramatisation, à tel point qu’un maire, dans mon département de l’Isère, s’est mis en grève de la faim. Je veux rendre hommage aux services de l’État qui agissent avec pragmatisme et apportent des réponses pour adapter les sanctions aux situations locales en fonction de la nature du foncier, des risques naturels ou industriels... Ils notent la volonté réelle des collectivités locales de s’inscrire dans la démarche et ne relèvent pas simplement des chiffres. La loi permet justement cette souplesse dans l’interprétation. Les fonctionnaires de l’État ne se positionnent pas comme des exécutants mais ont un rôle de conseil, d’expertise auprès des mairies. J’ai trouvé des fonctionnaires extrêmement motivés et prenant du plaisir dans le métier qu’ils font. C’est la raison pour laquelle je souhaite que ce rapport soit envoyé à tous les préfets pour que leurs services puissent voir ce que les parlementaires pensent de leur travail. Un tel encouragement pourrait être intéressant comme vous l’avez très justement évoqué tout à l’heure M. le rapporteur.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Sur ce volet, nous sommes également en phase avec le rapporteur Jean-Marie Tetart. Nous avons constaté au cours de nos travaux qu’à la différence de la mobilisation du foncier public, la première loi SRU en est désormais à 15 ans d’application et que cela se ressent sur le terrain. Les pratiques ont donc largement eu le temps de se diffuser et de s’améliorer. Le futur délégué local ou national, je le vois comme un chef de projet pour faire vivre encore plus la créativité, la transversalité et certainement pas pour l’étouffer. Les principes de la loi SRU, malgré sa réforme par la loi de 2013, continuent d’exister, en particulier son interprétation souple faisant qu’il y a les chiffres d’un côté mais également les circonstances locales de l’autre. Ainsi, si la fourchette des prélèvements va de zéro à cinq, c’est bien pour que les acteurs s’inscrivent dans cette fourchette et tiennent compte des cas particuliers. Les préfets jouent bien leur rôle même si des pratiques parfois inégales ont pu être constatées. Les bonnes pratiques doivent être échangées en particulier dans le cadre de la commission nationale SRU pour faire gagner du temps. Pour poursuivre sur l’effort de pédagogie, il ne faudrait pas que les améliorations apportées par la loi de 2013 aux dispositions SRU percutent le consensus établi. Il existe, et existera toujours, des maires récalcitrants mais d’autres sont désormais sur la bonne voie. Il y a une nécessité de leur réexpliquer que les prélèvements ne viennent pas uniquement sanctionner les mauvaises pratiques mais sont là pour compenser le fait que certains aient des logements sociaux sur leur territoire mais pas d’autres. Pour reprendre l’exemple de Mme Allain, il convient d’avoir un raisonnement à la fois communal et intercommunal. Il est tout à fait possible de considérer qu’une commune ne respectera jamais son quota en raison des caractéristiques de son foncier. Mais cette situation ne doit pas l’empêcher de mettre au pot commun à travers ces fameux prélèvements qui viennent se verser à l’EPCI qui a la charge de la politique du logement. Les EPCI peuvent alors se servir de ces prélèvements pour réhabiliter les centre-bourgs anciens et faire en sorte que les logements vacants anciens soient occupés. C’est l’esprit de cette loi, qu’il faut rappeler parce que ça n’est pas encore tout à fait compris, ce qui implique un effort de pédagogie de la part du Gouvernement et de ses représentants locaux.

M. le président François Brottes. Je suis inquiet au sujet de l’avenir des Conseil de l’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement. Ils sont pris en otage par le fait que les taxes ne rentrent pas toujours et que certains départements n’aient toujours pas accepté qu’ils soient autonomes. Or les CAUE incarnent l’intelligence collective que vous évoquez pour faire des projets globaux. Je m’interroge pour savoir si l’argent qui reste ne pourrait pas être fléché pour les aider et leur redonner de l’oxygène. Il n’existe pas beaucoup de structures en France qui sont en capacité d’avoir une vision globale et transversale. Ils dépendent du ministère de la culture mais ne sont pas malheureusement au cœur de ses préoccupations.

M. Jean-Marie Tetart, rapporteur. Une remarque sur les petites communes. En Ile-de-France, 45 nouvelles communes sont entrées dans le dispositif SRU par le fait des EPCI dont 15 comptent à peine plus de 1 500 habitants. Je comprends que ces dernières puissent être soumises à cette obligation mais je constate la difficulté de passer de l’absence d’obligation de solidarité à des obligations à remplir avant 2025. Ces obligations s’inscrivent en plus dans un contexte tendu pour les finances locales. On créé un problème difficile. Par exemple, une commune de 2 000 habitants doit engager la construction ou la réhabilitation de 525 logements sociaux avant 2025. La première période triennale peut s’avérer difficile car la création de ces logements sociaux nécessite de modifier le PLU, d’acheter les terrains etc. La première période triennale devrait être une période de préparation et d’adaptation. Il faut laisser le temps aux communes de trouver un bailleur social qui accepte de faire des opérations de seulement dix lots. Dans mon agglomération, j’ai dû faire appel à un bailleur social en lui demandant de réaliser 250 logements sur dix ou trente opérations en lui proposant de toutes les réaliser. Il faut laisser le temps de s’organiser. Pour répondre à Mme Allain, je n’ai aucune difficulté sur la question de la restauration du patrimoine avec des baux à rénovation mais j’insiste sur la difficulté à réaliser le montage d’un bail à construction ou à rénovation. Cette opération peut prendre trois ans. Il y a donc nécessité de donner aux petites communes un triennal de préparation.

Pour répondre à la question des logements réhabilités, s’ils sont conventionnés en PLAI, on peut trouver dans le stock existant des logements après les avoir changés d’affectation et leur faire bénéficier de baux de réhabilitation. Ils comptent dans la catégorie des nouveaux logements sociaux. Sur la question du FNDOLLTS, nous avons proposé tout à l’heure que les 11 millions d’euros soient réaffectés à l’aide aux logements les plus sociaux. Ne faut-il pas garder une petite partie pour l’expérimentation dans le cadre d’un appel à projet plus restreint ? Pourquoi pas mais pour répondre à votre inquiétude, nous n’avons pas essayé de désaffecter le prélèvement majoré du logement très social. C’est simplement sur le mode opératoire que l’on s’interrogeait. Sur le zonage des aides au logement, c’est aux préfets de décider car c’est eux qui voient les besoins et s’il y a besoin d’équilibrer une opération. Il est difficile de régler cette question au niveau national.

M. Hervé Pellois. Le ministère a son mot à dire tout de même.

M. le président François Brottes. Je tiens une nouvelle fois à féliciter nos rapporteurs, qui sont allés sur le terrain, pour leur travail. C’est ainsi que je conçois la fonction de contrôle du Parlement. Je regrette parfois que nos collègues qui votent les lois ne s’intéressent pas autant à leur application. Nous sommes élus pour montrer que notre travail sert aussi à quelque chose. Merci pour votre travail dont le Gouvernement et les préfectures vont être informées. La séance est levée.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 26 novembre 2014 à 9 h 30

Présents. - M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, M. Yves Daniel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Marcel Bonnot, Mme Jeanine Dubié, Mme Pascale Got, M. Thierry Lazaro, M. Serge Letchimy, M. François Pupponi, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. - M. Yves Foulon, M. François Vannson