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Commission des affaires économiques

Mardi 16 décembre 2014

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 20

Présidence de Mme Frédérique Massat Vice-Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement et Mme Claude Revel, déléguée interministérielle à l’intelligence économique

La commission a auditionné M. Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement et Mme Claude Revel, déléguée interministérielle à l’intelligence économique.

Mme Frédérique Massat, présidente. Je vous prie d’excuser le président de notre commission, François Brottes : il préside cet après-midi la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour la croissance et l’activité, qui procède à l’audition du ministre de l’économie, Emmanuel Macron.

Le commissaire général à l’investissement a acquis une place centrale dans la politique d’investissement de l’État. Il est responsable des 47 milliards d’euros dévolus aux investissements d’avenir qui doivent permettre à la France de rester à la pointe de l’innovation et des secteurs porteurs de croissance durable. L’audition de M. Louis Schweitzer est l’occasion, pour la Commission, de faire le point sur les choix d’investissement du Gouvernement dans un climat économique déflationniste où l’intervention de l’État est plus que jamais salutaire.

L’audition de Mme Claude Revel, déléguée interministérielle à l’intelligence économique, a pour objet de dresser un état des lieux en France. Nos entreprises et nos administrations sont-elles suffisamment sensibilisées à la nécessaire protection de leurs informations stratégiques ? L’acquisition des bons réflexes pour lutter contre l’espionnage économique devrait être une priorité du Gouvernement, mais la France semble accuser du retard par rapport à certains partenaires européens comme la Suède.

M. Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement. Le programme d’investissements d’avenir (PIA) est né, en 2009, d’une initiative de M. Sarkozy, que MM. Juppé et Rocard ont traduite en projet, la même année, dans un rapport qui se fondait sur deux idées : en période d’austérité budgétaire, il faut préserver l’investissement et l’avenir, alors que la tendance naturelle des responsables du budget est de sacrifier le futur au présent ; il faut sortir ce sujet du débat politique et assurer une cohésion entre la droite et la gauche, ce qui a été fait par le biais des nominations, MM. Juppé et Rocard étant toujours présidents du comité de surveillance du commissariat général à l’investissement.

Quelles sont les orientations du PIA ? Le maître mot est l’excellence, que ce soit dans la recherche, dans l’enseignement supérieur, dans la formation, dans le transfert entre recherche fondamentale et recherche appliquée, dans l’industrie, dans le numérique et dans le développement durable. Cette recherche d’excellence se traduit dans une double approche : nous finançons des projets après une procédure d’appel validée par des experts et nous refusons, par exemple, de venir au secours d’entreprises en difficulté ; nous cherchons à favoriser des réformes structurelles. Le projet de regroupement universitaire – la communauté d’universités et établissements (ComUE) a remplacé le pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) imaginé par la précédente majorité – bénéficie du soutien du PIA. De même, nous avons suscité la création d’instituts de recherche technologique pour que les universités et les entreprises s’investissent dans des projets de recherche communs.

Le Commissariat général à l’investissement est constitué d’une petite équipe d’une trentaine de personnes, rattachée au Premier ministre, qui passe des conventions avec des opérateurs tels que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), l’Agence nationale de la recherche, la Caisse des dépôts, la Banque publique d’investissement. Ces opérateurs gèrent les procédures en amont et en aval de la décision qui est prise soit par le commissaire général, soit par le Premier ministre, en fonction du montant concerné.

Les 47 milliards d’euros de crédits dévolus aux investissements d’avenir ont tous été ouverts en lois de finances : 35 milliards d’euros en mars 2010 et 12 milliards d’euros en décembre 2013. Certains crédits, comme les subventions et les avances remboursables, relèvent du déficit maastrichtien, contrairement aux dotations en capital et aux prêts. Crédits un peu particuliers destinés aux universités, les dotations non consommables restent dans les comptes du Trésor, mais les bénéficiaires en perçoivent les intérêts annuels pendant une période qui peut être illimitée. Nous cherchons toujours à attirer d’autres sources de financements, privées notamment, et à monter des cofinancements qui ont un effet multiplicateur sur les fonds publics.

Qu’en est-il de la consommation de ces crédits ? Un peu plus de 32 milliards d’euros ont été engagés et 9 milliards d’euros ont été payés, la différence tenant aux dotations non consommables pour lesquelles ne sont payés que les intérêts, soit, chaque année, 3,5 % de la somme. Il existe donc un gros écart entre les paiements – qui pèsent sur le déficit – et les engagements.

Le premier enjeu du PIA est la continuité de l’action du Commissariat général à l’investissement : troisième commissaire général, je m’inscris dans la ligne de René Ricol et Louis Gallois ; les domaines d’actions et les enveloppes n’ont pas varié depuis l’origine. Les circonstances qui ont motivé l’adoption du premier PIA en 2010 – préserver les investissements d’avenir en période de rigueur budgétaire – n’étaient pas différentes en 2013, ce qui a conduit le Gouvernement de l’époque à proposer un PIA 2. Elles ne me paraissent pas avoir évolué depuis 2013 et, à vrai dire, je pense qu’elles ne changeront pas dans les deux ou trois ans à venir. Par conséquent, je pense qu’il n’est pas déraisonnable de réfléchir à un PIA 3. En termes de procédure et de répartition des crédits, le PIA2 est entièrement fondé sur les réflexions de la commission Juppé-Rocard. En cas de PIA3, en 2015 ou 2016, il y aura lieu de s’assurer de la pertinence des secteurs et des modes d’intervention qui avaient été définis en 2009. Quoi qu’il en soit, sur le principe, l’idée me paraît légitime.

Deuxième enjeu majeur : l’évaluation. Il est nécessaire de mesurer l’efficacité du PIA, mécanisme spécifique s’inscrivant dans la durée. Les appels à projets que nous lançons suscitent-ils un nombre significatif de réponses de bonne qualité ? Autrement dit, savons-nous affecter les sommes dont nous disposons à des projets de qualité ? À un deuxième niveau, nous devons aussi évaluer la réussite et l’impact des projets que nous finançons. Les laboratoires que nous finançons réalisent-ils effectivement d’excellentes recherches ? Nos investissements sont-ils réellement porteurs d’avenir et d’efficacité ? Le coût de ces investissements est-il raisonnable ? Cette évaluation est conduite au rythme de l’exécution de la dépense, c’est-à-dire sur les 9 milliards d’euros qui ont été dépensés. Le troisième niveau d’évaluation – l’effet transformant de ces investissements – est plus important et plus complexe. L’un des projets du PIA vise à achever la couverture de tout le territoire français par l’internet à très haut débit en 2022. Il sera important de vérifier si cette couverture totale fait réellement tomber la barrière du numérique qui divise les groupes sociaux ou les territoires. À l’évidence, on ne peut le faire qu’à une plus grande échelle. De même, après avoir soutenu l’investissement des universités et la recherche d’excellence, il faudra s’intéresser à l’évolution du niveau général de la recherche française et à notre place dans les classements internationaux. En outre, le Commissariat général à l’investissement a reçu la mission de réaliser une contre-expertise de tous les investissements supérieurs à 100 millions d’euros et faisant appel à un financement de l’État ou de ses établissements publics, qu’ils soient universitaires, hospitaliers ou d’infrastructures de transport.

Continuité ne veut pas dire immobilité, et nous avons – c’est le troisième enjeu – des marges de progrès en termes de vitesse et de simplicité. Nous mesurons les délais qui séparent les différentes étapes d’un projet : appel à projets, dépôt des projets, instruction, décision du Premier ministre ou du commissaire général sur l’engagement de la dépense, signature d’un contrat entre les parties, exécution. Le processus peut prendre des mois, voire des années, ce qui pose un problème aux entreprises qui veulent développer un projet innovant. Nous avons l’ambition de réduire à trois mois maximum le délai qui sépare le dépôt du projet de la signature du contrat entre l’État et le bénéficiaire, sauf pour les projets de très grande envergure et très complexes. Nous avons réussi à respecter ce délai pour les 110 start-up que nous avons subventionnées au cours de l’année 2014 dans le cadre du concours mondial d’innovation. Dans notre domaine, l’accélération du délai est essentielle. D’ici à mi-2017, c’est-à-dire dans trente mois, nous voudrions avoir engagé et contractualisé la quasi-totalité des 47 milliards d’euros du PIA2. Cette accélération, qui ne doit pas conduire à sacrifier l’excellence et à bâcler les dossiers, passe par la simplification des systèmes, l’élimination des doubles expertises et des files d’attente. Il s’agit de rendre les procédures plus fluides.

Enfin, il faut éviter le risque de débudgétisation au profit d’un PIA qui se banaliserait, les crédits étant utilisés pour d’autres finalités que celles définies à l’origine. Il s’agit de financer des projets d’excellence et non pas des dépenses ordinaires qui relèvent de crédits budgétaires classiques. Le risque s’est matérialisé dès 2011 et il perdure.

Pour conclure, je voudrais dire que ce métier est passionnant. Je suis convaincu que le bilan du PIA, quand on le dressera, sera positif.

Mme Claude Revel, déléguée interministérielle à l’intelligence économique. Rattachée au Premier ministre depuis août 2013, la délégation interministérielle à l’intelligence économique (D2IE) remplit quatre missions : veille, anticipation, alerte, compréhension de l’environnement extérieur et analyse stratégique ; protection et sécurité économique ; présence influente dans tous les lieux de prise de décisions stratégiques pour la France en matière de normes internationales ; sensibilisation et formation des acteurs économiques aux questions d’intelligence économique, qui doivent devenir des réflexes de gouvernance.

Si la délégation est désormais rattachée au Premier ministre, elle est aussi organisée sur le plan territorial via les préfectures et les divers services régionaux des ministères. Avec les services déconcentrés de l’État et les élus, nous travaillons d’ailleurs à rendre ce système territorial plus simple et plus lisible, car, pour être efficace, l’intelligence économique doit être partagée. Nous devons conseiller l’État, mais aussi accompagner les entreprises, notamment les PME. Il existe en France un système qui favorise la naissance de nombreuses start-up, mais celles-ci rencontrent des difficultés de financement dès qu’elles veulent passer à la taille supérieure, exporter et s’équiper. Une meilleure intelligence économique permettrait d’anticiper et de traiter au moins la moitié des problèmes de ce type, puis de trouver des financements avec les régions, les directions régionales de Bpifrance, etc.

Nos entreprises et nos administrations sont-elles suffisamment sensibilisées à la nécessaire protection de leurs informations stratégiques ? Pour notre part, nous préférons parler de « sécurité économique active » plutôt que de « protection », un terme qui évoque l’immobilisme et de repli sur soi. La protection d’informations stratégiques s’exerce de diverses manières dans le cadre de dispositifs existants qui dépendent du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), de la protection du patrimoine scientifique et technique (PPST) ou de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Il existe des dispositifs d’exception comme les licences obligatoires et les réquisitions de brevet, et des textes légaux visant, par exemple, à lutter contre la contrefaçon.

Le président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, a déposé une proposition de loi relative à la protection du secret des affaires à laquelle nous avons largement contribué. Ce texte permettra de mieux protéger l’information stratégique en amont, avant qu’elle ne soit protégeable par les autres dispositifs.

Certains pays, comme la Suède et les États-Unis, ont pris des mesures depuis longtemps. Une loi, dite « de blocage », permet aux entreprises françaises de saisir l’État et la coopération judiciaire internationale quand on leur demande des informations par trop stratégiques dans le cadre de procédures judiciaires à l’étranger. On soupçonne souvent certains pays – que je ne nommerai pas – d’ingérence et d’espionnage, mais on oublie les captations légales : le fait d’identifier et de racheter de petites entreprises qui possèdent des pépites, futures sources d’emplois ; les procédures de discovery à l’américaine où, à l’occasion d’un procès, une partie peut demander la communication de documents confidentiels. Pour contrer ces méthodes intrusives, les entreprises françaises peuvent donc utiliser cette loi de blocage, adoptée en 1968 et modifiée en 1980, dont le renforcement est prévu dans la proposition de loi sur le secret des affaires qui, si j’ai bien compris, pourrait devenir un amendement à la loi Macron.

L’intelligence économique ne se décrète pas ; les acteurs économiques doivent se l’approprier. Nous travaillons à la rédaction d’un guide des meilleures pratiques pour les pôles de compétitivité, qui va bientôt sortir. Nous sommes en train de finaliser l’élaboration de principes directeurs pour les chercheurs en mobilité internationale. Nous rédigeons aussi un référentiel d’intelligence économique, afin de clarifier les concepts. Qu’est-ce que l’intelligence économique et comment l’utiliser ? Qu’est-ce que la veille en sources ouvertes, qui ne doit pas être confondue avec les – très utiles – services de renseignement ?

L’intelligence économique est un mode de management, une gouvernance que tout le monde doit pouvoir utiliser : c’est l’exploitation de l’information, qui se mue en valeur ajoutée et qui permet de prendre de meilleures décisions. Cela peut se faire sur sources ouvertes, de manière aussi légale qu’efficace, à condition d’avoir le réflexe permanent de regarder, d’analyser, de se comparer à son environnement extérieur, d’être présent dans les processus d’élaboration de normes. La standardisation et la création de nouvelles normes mondiales privées sont très importantes, notamment dans le domaine du numérique. L’État ne pouvant tout faire, nos entreprises doivent s’y intéresser. Pour certaines d’entre elles, ce n’est pas encore un réflexe. Pour notre part, nous avions commencé à travailler avec le Commissariat général à l’investissement pour utiliser les marchés publics comme vecteur de sensibilisation : les PME comme l’État doivent être conscients de la nécessité de protéger les informations qui sont échangées. Lors de mes déplacements, je constate que certaines PME de haute technologie hésitent à donner des informations très pointues, car elles ne sont pas sûres que celles-ci seront traitées avec la confidentialité nécessaire.

Pour conclure, je voudrais insister sur la nécessité d’influence. Nous devons être non seulement présents mais actifs, et apprendre la coopération opérationnelle en réseau pour défendre nos positions, ce que savent très bien faire les Américains et certains de nos concurrents européens. En 2015, il nous faudra poursuivre nos efforts en ce sens, en collaboration avec le secrétariat général des affaires européennes à Bruxelles et les acteurs compétents dans les organisations internationales. Nous devons exercer notre influence dans les nombreux dossiers qui se présentent : la directive sur le secret des affaires, la protection des données numériques, la recherche de règles internationales en matière de cybersécurité. Lors d’un déplacement à Washington, le mois dernier, j’ai pu constater que les Américains sont très intéressés par la création de règles de droit internationales dans le domaine de la cybersécurité.

Mme Marie-Hélène Fabre. Monsieur le commissaire général à l’investissement, au titre du PIA, le budget de l’action « Financement de l’économie sociale et solidaire » s’est élevé à 100 millions d’euros cette année. Plus de 70 millions d’euros ont été engagés au profit des entreprises de l’économie sociale et solidaire durant les trois premiers trimestres de 2014 pour renforcer leurs fonds propres, favoriser le développement innovant et la création d’activités. Plus de 350 projets ont été financés par l’action et 30 millions d’euros de plus seront engagés au cours du dernier trimestre de 2014 et durant l’année 2015. Cette enveloppe vous semble-t-elle suffisante pour mener toutes les actions nécessaires, au moins celles conduites au nom de l’État, du fait du nouveau périmètre de l’économie sociale et solidaire ? Quelle place faites-vous à l’innovation sociale dans cette perspective ? Par ailleurs, le Gouvernement a pris l’engagement de soumettre au moins la moitié du deuxième PIA à un critère d’éco-conditionnalité. Comment articulez-vous cette exigence avec celle de l’économie sociale et solidaire ?

M. Dino Cinieri. Nous avons bien compris que le travail de la délégation interministérielle à l’intelligence économique se déclinait en plusieurs axes et répondait à quatre missions : pédagogie, anticipation et accompagnement des évolutions, sécurité économique, influence. Combien d’entreprises ont fait appel à vos services ? Quel est le montant des investissements réalisés sur les plans national et international ? Quel est le nombre d’emplois créés ? Où en sont les programmes d’avenir créés par Nicolas Sarkozy ? Quel bilan en tirez-vous ? Pensez-vous que la loi Macron favorisera l’intelligence économique ?

Mme Brigitte Allain. Monsieur Schweitzer, nous avons apprécié votre présentation et les nouvelles orientations du Commissariat général à l’investissement : l’accélération de procédures d’instruction des dossiers, le travail plus resserré avec l’ADEME, et aussi les efforts environnementaux que vous n’avez pas mentionnés.

Pourriez-vous détailler l’éco-conditionnalité demandée aux projets industriels ? À votre avis, permet-elle de poser les jalons d’une transition vers une économie circulaire et sobre ? Quels sont les points de blocage que vous identifiez lors de l’examen des dossiers ?

Pourriez-vous nous parler des projets reçus et acceptés dans le domaine de l’environnement ? Quels sont la part et le montant des crédits qui leur sont consacrés ?

Les trente-quatre plans industriels lancés par Arnaud Montebourg sont maintenus, même si M. Macron a assuré la révision de certains d’entre eux. Quel financement apporteront les PIA ? Quel avenir a, dans ce cadre, la filière bois ?

Concernant le redéploiement annoncé des PIA, l’une des quatre opérations concernées retient plus particulièrement mon attention : le soutien aux projets agricoles et agroalimentaires d’avenir, pour une enveloppe de 120 millions d’euros. La convention signée le 12 décembre entre l’État et FranceAgriMer dispose que le PIA « permettra, grâce à son effet d’entraînement sur l’investissement privé, tant d’accélérer la mise au point d’innovations puis le développement d’une nouvelle offre alimentaire française, que d’accroître la compétitivité et d’accompagner les transformations nécessaires des filières agricoles et agroalimentaires, afin de développer les emplois de demain du premier secteur économique français, tout en réduisant son impact environnemental et en renforçant son ancrage territorial ». Quels types de projets innovants seront soutenus par ces financements ? Je crains que les projets multi-acteurs de structurations agroalimentaires localisées et de qualité ne soient exclus de ce dispositif au profit d’importants acteurs privés déjà largement subventionnés via la politique agricole commune. Pouvez-vous me rassurer sur ce point ?

Alors que les groupements d’intérêt économique et environnemental et les projets alimentaires territoriaux – qui se situent pourtant dans la droite ligne des actions gouvernementales sur l’agro-écologie, voie d’avenir pour la France – sont porteurs d’innovations sociale et environnementale, ils peinent à trouver des financements.

M. Philippe Le Ray. Pourriez-vous nous parler des clusters, notamment de ceux qui sont créés dans les domaines du nautisme et de l’agroalimentaire ? Pourriez-vous nous donner un peu plus d’informations sur la cybersécurité qui représente un enjeu majeur ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Monsieur le commissaire général, combien de projets ont été reçus et combien ont été retenus dans le cadre du PIA ? Certains sont-ils requalifiés à l’issue de l’étude ? Pensez-vous qu’il faille élargir les critères d’éligibilité ? À l’heure où Jean-Claude Juncker annonce un plan d’investissement de 315 milliards d’euros, quels sont vos rapports avec l’Union européenne ? Ne faudrait-il pas relier ce programme au PIA ? Comment permettre des financements croisés avec les critères européens ? Comment se feront les arbitrages ?

Vous militez pour un troisième plan d’investissements d’avenir. Vous semble-t-il nécessaire pour atteindre l’objectif de couverture numérique du territoire français à l’horizon de 2022 ? Les territoires ruraux, particulièrement ceux de montagne, ont besoin de financements plus importants. Pensez-vous qu’il faille élargir les critères d’accès pour ces territoires et, par exemple, les étendre à la réalisation d’infrastructures ?

M. Hervé Pellois. En tant qu’administrateur de FranceAgriMer, j’ai eu l’occasion, la semaine dernière, de voir les acteurs de la filière rejeter le budget. Ils se plaignent de manquer de précisions quant à l’utilisation des fonds. Comment envisagez-vous de répondre à leurs propositions ? Le ministre de l’agriculture leur avait demandé de se doter de projets d’investissement et d’une stratégie de filière d’ici à 2020. FranceAgriMer a rédigé un excellent rapport sur le sujet, mais les entreprises concernées sont des PME dont les demandes ne sont pas à la hauteur de celles que vous financez. Donnerez-vous un quitus global pour des actions qui intéresseront de multiples coopératives ou agriculteurs ? Comment pensez-vous intervenir dans ce type de dossiers ?

M. Jean-Pierre Le Roch. La compétition internationale n’est plus seulement commerciale et financière, elle porte aussi sur des éléments immatériels. Les entreprises ont besoin d’immobilier et de machines, mais elles doivent aussi investir de plus en plus dans ces biens immatériels. Le 10 décembre dernier, le Conseil national de l’industrie (CNI) a remis au Premier ministre un avis présentant ses dix recommandations sur le financement des entreprises industrielles. Il souligne notamment que les entreprises rencontrent fréquemment des difficultés pour obtenir des financements bancaires pour les investissements immatériels, « compte tenu de l’absence ou de la faible valeur de gage ». Le CNI recommande que « Bpifrance déploie nettement plus largement » ses outils financiers d’accompagnement des PME industrielles, tels que les prêts de développement, afin d’accompagner leurs projets de développement ou de recherche et d’innovation, y compris en acceptant de partager davantage la prise de risque inhérente à tout développement industriel. Que pensez-vous de cette recommandation ? Quelles autres mesures préconisez-vous pour favoriser les investissements immatériels ?

Mme Fanny Dombre Coste. La circonscription dont je suis élue, Montpellier, vient de recevoir le label French Tech et bénéficie du programme d’investissements d’avenir. Ce territoire dispose d’un maillage de pépinières d’entreprises innovantes, et de nombreuses start-up se développent régulièrement dans un environnement plutôt favorable, appuyées en cela par Bpifrance et la Caisse des dépôts.

Cependant, des difficultés demeurent pour les entreprises qui veulent prendre leur essor et passer du stade de start-up à celui de PME, puis d’ETI, notamment pour accéder aux marchés extérieurs. Certes, des dispositifs existent – et je salue l’action d’Ubifrance dans ce domaine –, mais la complexité et le coût des démarches découragent les petits entrepreneurs. Je pense notamment aux difficultés rencontrées à cause de la certification, trop souvent utilisée comme barrière protectionniste. Comment faire en sorte que nos PME innovantes et prometteuses soient davantage soutenues dans le développement à l’international ? Ne pourrait-on imaginer une sorte de parrainage des grandes entreprises françaises pour les accompagner et les soutenir dans cet accès au marché et développer une forme d’économie participative interentreprises qui serve de tremplin à nos jeunes pousses ?

M. Éric Straumann. Monsieur le commissaire général, j’aimerais connaître votre avis sur l’évolution générale de l’investissement dans le bâtiment et les travaux publics. Ces secteurs sont dans une situation très difficile. On sait que, lors des années où ont lieu des élections – ce sera le cas en 2015 – les investissements publics sont faibles. À cela, il faut ajouter la fusion des régions en 2016. Nous serons alors davantage occupés à organiser des territoires qu’à mettre en place des projets importants en matière de travaux publics.

Mme Frédérique Massat, présidente. Monsieur Schweitzer, quels pourraient être les domaines nouveaux d’un éventuel PIA 3 ?

Madame Revel, quelle est l’articulation entre l’action de la délégation interministérielle à l’intelligence économique et l’ANSSI qui lutte contre le cyberespionnage économique ? Pensez-vous que nos entreprises sont bien armées pour se protéger efficacement, notamment quand elles ont des informations stratégiques ?

M. Louis Schweitzer. Un crédit de 100 millions d’euros a été ouvert en faveur de l’économie sociale et solidaire. Nous avons déjà sélectionné quatre-vingt-dix-neuf projets et huit ont été abandonnés. Nous avons engagé 72 millions d’euros et 50 millions d’euros ont été contractualisés. Je suis convaincu que nous consommerons la totalité de cette enveloppe.

Le PIA 2 comprend une dotation de 10 millions d’euros en faveur de l’innovation sociale qui sera traitée dans le cadre du Fonds d’investissement dans l’innovation sociale (FISO) à partir de 2015. C’est un domaine dans lequel nous sommes donc actifs.

Le PIA offre la possibilité de redéployer les crédits avec l’autorisation du Parlement. Certains de ces redéploiements permettront de financer des opérations qui auraient pu relever du budget. Mais d’autres peuvent intervenir quand il nous apparaît que les crédits sont insuffisants dans les domaines où la demande est forte.

L’enveloppe allouée au développement durable représente 4,3 milliards d’euros. L’une des sept ambitions du concours mondial d’innovation concernait l’économie circulaire : elle a attiré moins de candidats que je ne l’aurais souhaité, les entreprises se tournant plus volontiers vers des domaines tels que l’économie numérique ou la silver économie.

Le développement durable est l’un des objectifs principaux du PIA. Plus de 50 % des investissements doivent comporter une clause d’éco-conditionnalité, dont les critères ont été définis en relation avec le ministère de l’écologie. Nos interventions en faveur de l’usine du futur – concernant le progrès technique des usines et la modernisation de l’appareil industriel – tiennent compte de cet objectif. Les investissements dans ce domaine permettent d’économiser de l’énergie et des ressources naturelles : il y a donc convergence entre l’intérêt industriel et la nécessité du développement durable.

Les trente-quatre plans ont certes été maintenus, mais ils vont être regroupés au printemps prochain, au terme de discussions avec le ministère de l’économie. Sans doute, ils représentaient trente-quatre voies possibles, mais peut-être ne faut-il pas toutes les suivre de la même manière. Le Commissariat général à l’investissement participe selon des modalités diverses aux trente-quatre plans actuels : certains relèvent de financements ordinaires, comme ceux de Bpifrance ou des banques, et nous n’avons pas à intervenir ; pour d’autres, nous intervenons par voie de subvention. Nous allons revoir notre participation, en liaison avec le ministère de l’économie. Je suis convaincu que la filière bois fera partie des plans qui seront poursuivis et mis en œuvre. Elle représente l’un des atouts de la France. Or, dans la compétition internationale, nous devons d’abord jouer nos atouts, ce qui est plus facile à faire que de compenser nos faiblesses.

Vous m’avez interrogé sur FranceAgriMer. Je dois aborder le sujet cette semaine avec le ministre de l’agriculture. Il est, en ce domaine, des projets qui relèvent à l’évidence de l’investissement d’avenir – par exemple la modernisation et l’innovation dans les abattoirs, les plates-formes mutualisées de test –, mais notre rôle n’est pas de nous substituer à des interventions traditionnelles qui relèvent du budget de l’agriculture.

Vous avez demandé si nous savions mettre en œuvre des stratégies de filières et aider les PME. On pense toujours que les PIA correspondent à de très grands projets, mais, en dehors des opérations de guichet – celles où une aide est accordée dès lors qu’une condition objective est remplie, comme pour la rénovation thermique d’un bâtiment –, nous avons aidé plusieurs milliers de projets. De façon générale, dans le cadre des trente-quatre plans, nous avons essayé d’encourager le rapprochement entre grandes entreprises et PME pour mener une action commune. Si cette approche par filière est systématique en Allemagne, elle l’est beaucoup moins en France, notamment à l’exportation. Toutefois, les choses sont en train de changer. Le secteur automobile est ainsi en train de créer une plate-forme qui permettra de rassembler tous les acteurs : constructeurs et équipementiers de premier rang, équipementiers de deuxième, troisième et quatrième rang. Les simplifications que nous voulons introduire dans les procédures sont particulièrement utiles aux PME, les grandes entreprises sachant toujours trouver les moyens d’accéder à la subvention ou à l’avantage fiscal.

Je ne suis pas en mesure de vous donner le nombre total de projets reçus. Celui des projets sélectionnés est de 1 634 hors guichet. En comptant les opérations de guichet, on dépasserait 120 000 projets.

Vous nous avez interrogés sur les relations entre le PIA et l’Union européenne. Nous nous assurons que nos aides sont conformes aux règles européennes. Ainsi, nous n’avons pas le droit d’aider Peugeot avant le 31 décembre 2015, cette société faisant l’objet d’une mesure de restriction de l’Union européenne. Le commissaire général adjoint a été chargé de coordonner l’approche du côté français pour préparer des dossiers destinés au plan de 315 milliards d’euros. Par ce biais, le PIA est associé étroitement au plan Juncker. Il ne s’agit pas de différer des projets du PIA pour attendre le plan Juncker, car il nous faut aller vite. En revanche, nous pouvons être l’avant-garde de l’Europe. Par exemple, nous avons investi pour développer de nouveaux projets d’éoliennes offshore ou d’hydroliennes. Le plan Juncker peut permettre de déployer à une autre échelle ce type d’investissement qui répond à d’évidentes priorités en termes d’indépendance énergétique et d’émission de gaz à effet de serre. De même, nous avons développé des technologies nouvelles pour l’amélioration technique des bâtiments. Le plan Juncker peut permettre d’élargir l’investissement dans ce domaine. Le PIA nous a donc mieux armés pour bénéficier du plan Juncker.

Non, la couverture du territoire n’implique pas un PIA 3, même si j’y suis plutôt favorable. Les mécanismes qui existent doivent permettre d’assurer cette couverture. Certes, vous l’avez noté, le PIA ne permet pas de financer de grandes infrastructures de transport, mais je ne suis pas sûr que ces projets soient à l’échelle du PIA. Par ailleurs, il peut se passer plusieurs années entre le moment où une nouvelle infrastructure de transport est décidée et celui où elle a un effet économique.

Cela m’amène à évoquer la question de l’investissement dans le BTP. Je ne suis pas très compétent dans ce domaine et vous prie de bien vouloir m’en excuser. Notre priorité, c’est le parfait entretien d’infrastructures existantes plutôt que l’annonce de grands projets d’infrastructures. Certes, sans doute doit-on en réaliser de nouvelles dans le cadre du Grand Paris, mais je ne suis pas convaincu que leur introduction dans le PIA 3 serait une très bonne idée, car on s’éloignerait du critère d’innovation pour se rapprocher d’un financement traditionnel.

Vous avez évoqué l’avis du CNI sur le financement des entreprises industrielles et les investissements immatériels. Ces domaines relèvent plus de l’activité normale de la Banque publique d’investissement et des banques que du PIA. Nous intervenons sur des projets qui font appel à des technologies nouvelles. La question que vous soulevez est un problème général de financement de l’industrie.

Vous m’avez demandé, madame la présidente, à quels domaines nouveaux pourrait s’intéresser le PIA 3. Il ne s’agit probablement pas, à ce stade, de développer des domaines radicalement nouveaux, car les principaux – le numérique et la santé – sont déjà concernés. C’est plutôt à des questions d’équilibrage que nous devrons veiller. Tout ce qui, en médecine, concerne la technologie et l’appareillage accomplit actuellement des progrès fulgurants, mais sans doute pouvons-nous faire encore davantage. Ainsi, nous avons créé les instituts hospitalo-universitaires, lieux de rencontre entre la recherche hospitalière, la recherche universitaire et l’industrie : celui de Marseille, que j’ai récemment visité et dont le patron est un professeur remarquable, va probablement devenir le premier centre mondial de recherche sur les maladies infectieuses. Si l’on réfléchit à un PIA 3, il faudra mener une réflexion préalable interne, puis la soumettre à des experts, car on ne décide pas en chambre de sujets aussi importants.

Mme Claude Revel. La D2IE ne travaille pas directement avec les entreprises, mais, en réfléchissant à la question de la compétitivité hors coûts, elle met en place un environnement qui leur est favorable.

En France, les expertises sur les sujets stratégiques ne manquent pas – par exemple sur le secret des affaires ou sur les investissements étrangers –, mais nous avons du mal à les mobiliser, chaque administration travaillant un peu en tuyau d’orgue. Nous veillons donc à ce que les engagements pris par des investisseurs étrangers soient mieux suivis, notamment en matière de création d’emplois, ou à mieux organiser en amont l’expertise par rapport à l’offre d’exportation. Il s’agit de mettre en place une chaîne vertueuse reliant les experts et les entreprises, pour faciliter l’accès aux marchés extérieurs. Enfin, nous essayons de sensibiliser les entreprises en amont pour qu’elles soient plus présentes lors de l’élaboration des standards qui les concernent.

Pour ma part, je me méfie beaucoup des approches quantitatives. On peut commettre beaucoup d’erreurs lorsque, ayant décidé d’aider 600 entreprises par an, on s’aperçoit, au mois de novembre, qu’on n’en a sélectionné que 400 et qu’il faut en trouver 200 de plus avant la fin de l’année.

Nous avons également un rôle interministériel à jouer. Les différents ministères ont parfois, sur d’importants dossiers, des avis divergents. Notre rôle est de parvenir à définir une position française compétitive.

Vous demandez en quoi la future loi Macron participera à l’intelligence économique. Elle aura un effet important en matière de publication des comptes des entreprises. Les obligations qui pèsent aujourd’hui sur elles – notamment les PME – sont trop contraignantes et offrent des avantages indus à leurs concurrents anglais ou allemands, qui se contentent de respecter la directive européenne fixant des conditions de publication de base. En organisant l’ouverture et le partage gratuit des données du registre national du commerce et des sociétés, le projet de loi devrait accélérer la réflexion en cours à la direction du Trésor sur la simplification de la publication des comptes des entreprises.

Le texte prévoit également d’autoriser certains hôpitaux à créer des filiales pour mieux valoriser leur expertise à l’international dans le champ de l’innovation. On est bien là au cœur de l’intelligence économique, puisqu’on lie l’expertise, c’est-à-dire l’amont, et la filiale, c’est-à-dire l’aval.

En matière de gouvernance des opérations sur le capital des sociétés à participation publique, la future loi Macron comporte un volet sur les mécanismes d’actions spécifiques – ou golden share –, avec un dispositif spécifique pour ce qui concerne la sécurité d’approvisionnement en énergie, la disponibilité du réseau de télécommunications et la défense. Plusieurs articles vont donc dans le sens d’une meilleure prise en compte des questions relatives à l’intelligence économique. Évidemment, il reste encore beaucoup à faire.

Vous nous avez interrogés sur le nombre d’investissements réalisés. Je pourrai vous communiquer dès demain les chiffres dont dispose l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII). Notre rôle est de travailler sur la mobilisation interministérielle afin de mieux traiter certains sujets concrets, comme les décisions à prendre sur des opérations actuelles, et de faire en sorte que les pôles de compétitivité soient mieux armés, par exemple pour protéger le secret des affaires. L’intelligence économique est une action de long terme, discrète, dont les effets ne se voient pas immédiatement, mais qui, pour autant, ne doit plus être négligée.

J’en viens maintenant à la cybersécurité. Si la D2IE n’est pas un organisme technique, mais de gouvernance et d’analyse stratégique, elle œuvre en étroite collaboration avec l’ANSSI et le SGDSN, qui publient des guides d’hygiène informatique et aident directement les grands opérateurs en cas de besoin. Pour notre part, nous avons travaillé à la vulgarisation de ces méthodes en élaborant vingt-deux fiches de sécurité économique disponibles sur notre site internet. Plusieurs d’entre elles, consacrées à la cybersécurité, sont très concrètes, expliquant comment protéger un ordinateur ou un téléphone portable. Nous sommes également en train de mettre en place, à la demande du Premier ministre, un cahier des charges – qui devrait être prêt à la fin du mois – et une opération test de formation à la cybersécurité pour les PME. Les outils mis à leur disposition ne doivent pas leur faire perdre de temps, mais les sensibiliser aux moyens qu’elles peuvent mettre en place à moindre coût. Par ailleurs, un « cyber-préfet » vient d’être nommé au ministère de l’intérieur. Son rôle sera de participer à une meilleure coordination des efforts entrepris en matière de cybersécurité.

Je n’ai peut-être pas assez insisté sur les investissements immatériels que sont le savoir-faire, les données, l’image, la réputation ou l’état de la recherche – tout ce qui n’est pas tangible, mais qui a beaucoup de valeur. Notre pays doit davantage prendre en considération ces aspects. Nous poursuivons chaque jour une œuvre de sensibilisation et proposons aux entreprises des outils pour se protéger. Il existe également une Agence du patrimoine immatériel de l’État, qui ne dispose peut-être pas de moyens suffisants.

Je crois beaucoup aux bonnes pratiques, aux guidelines, aux vade-mecum, qui sont très importants pour modifier les comportements. Les outils juridiques – comme les dispositifs sur le secret des affaires, les lois de blocage et la récente loi renforçant la lutte contre la contrefaçon – ne sont pas moins utiles. Il faut également agir au niveau européen pour que les impératifs de sécurité économique soient pris en compte. Nous devons répéter que la sécurité économique, ce n’est pas le protectionnisme, mais la promotion des échanges commerciaux parallèlement à la préservation de l’emploi dans notre pays.

Vous avez parlé des problèmes que rencontrent les start-up pour passer au stade de PME puis d’ETI, et vous avez évoqué les normes. Il existe deux types de normes, les bonnes et les mauvaises. Il faut essayer de se battre en amont pour les bonnes normes, qui ouvrent des marchés à nos entreprises tout en fermant les marchés aux concurrents. L’État peut aider les petites entreprises innovantes, et nous y travaillons avec le ministère de l’économie. Il est nécessaire qu’elles connaissent mieux les dispositifs qui leur permettent d’être aidées. Il faut aussi être présent dans les enceintes internationales pour empêcher que de mauvaises normes voient le jour. En effet, on ne peut pas se plaindre que des normes apparaissent si l’on n’a pas été présent pour les arrêter quand il était encore temps.

Vous faisiez allusion aux certifications à l’international. La plupart des droits de douane ont disparu, mais nous nous heurtons aujourd’hui aux barrières non tarifaires, c’est-à-dire à des normes indues. Il faut absolument travailler au niveau européen et participer à toutes les procédures de certification. Certes, ces dossiers peuvent paraître ennuyeux et très abstraits, mais ils sont stratégiques, car ils peuvent créer, à terme, de graves problèmes à nos PME. La certification qui peut être faite dans un pays européen n’est peut-être pas de même qualité que celle qui est faite dans d’autres États que je ne nommerai pas. Il existe aujourd’hui deux ou trois grands certificateurs dans le monde : nous avons la chance que l’un d’eux soit Français.

Il faut essayer de se positionner très en amont sur la gouvernance de la cybersécurité. D’ores et déjà, nous travaillons sur de bonnes pratiques avec les pays de l’OCDE. Peut-être faut-il aller plus loin. Contrairement à ce que l’on peut penser, les Chinois ne sont pas nécessairement hostiles à l’élaboration de standards communs, car ils commencent à être confortés à des problèmes de propriété intellectuelle, leurs propres marques étant copiées par des pays plus pauvres. C’est donc le moment de les inclure dans la formation de standards internationaux.

Vous m’avez interrogée sur le positionnement des petites entreprises par rapport aux grandes. Il y a beaucoup plus de PME sous-traitantes dans les grands secteurs industriels allemands que dans les français. Peut-être aussi y a-t-il eu moins de délocalisations. Mais la situation est en train d’évoluer en France, où il existe désormais des systèmes de parrainage. Les conseillers du commerce extérieur de la France, nommés par le Premier ministre et présents dans une centaine de pays, conseillent à titre bénévole les pouvoirs publics et les petites entreprises. Ce sont en général des responsables de grands groupes français à l’international. L’un de leurs rôles consiste à donner des informations aux missions économiques, mais aussi à ouvrir des réseaux aux PME qui voudraient entrer dans le pays. Peut-être faut-il profiter de la nomination récente d’un nouveau président qui, je crois, souhaite dynamiser ce réseau.

Dans le passé, de grandes entreprises ont parrainé des PME, mais cela n’a pas vraiment marché. En fait, on ne peut pas obliger une grande entreprise à le faire. Peut-être faut-il plutôt sensibiliser les grandes organisations professionnelles d’employeurs.

Enfin, sans enfreindre les règles de la concurrence, peut-être pourrait-on favoriser les toutes petites entreprises dans l’attribution de marchés avec les collectivités locales en ce qui concerne les nouveaux secteurs du numérique. En matière d’utilisation des données, on voit de grands opérateurs internationaux, tel Google, approcher les collectivités et les opérateurs français. Or il existe en France des petites entreprises qui ont ces compétences, mais qui n’ont pas la taille suffisante pour faire du marketing. Pourquoi ne pas s’inspirer du Small Business Act ou de la Small Business Administration ? Ce n’est pas parce que cela n’a jamais marché en Europe jusqu’à présent que cela ne réussira pas un jour. Je le répète, pour y parvenir, il faut réunir plusieurs administrations et des opérateurs.

Mme Frédérique Massat, présidente. Nous vous remercions d’avoir répondu à nos nombreuses questions.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 16 décembre 2014 à 17 h 30

Présents. - M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Dino Cinieri, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Éric Straumann, Mme Catherine Troallic

Excusés. - M. Jean-Claude Bouchet, Mme Jeanine Dubié, M. Philippe Kemel, Mme Audrey Linkenheld, M. Dominique Potier, M. Bernard Reynès, M. Lionel Tardy

Assistait également à la réunion. - M. Serge Bardy