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Commission des affaires économiques

Mercredi 21 janvier 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 26

Présidence de M. François Brottes Président

– Présentation du rapport de la mission d’information sur les signes d’identification de l’origine et de la qualité (Mme Marie-Lou Marcel et M. Dino Cinieri, rapporteurs).

La commission a examiné le rapport de la mission d’information sur les signes d’identification de l’origine et de la qualité sur le rapport de Mme Marie-Lou Marcel et M. Dino Cinieri.

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, la démarche de qualité est portée à l’échelle d’un grand nombre de pays européens. En Italie, par exemple, une multitude de produits sont labellisés.

Des accords sur les grandes productions agricoles sont en discussion avec le Canada et les États-Unis. Dans le domaine des produits transformés, nous devons être vigilants et offensifs pour donner des perspectives économiques solides à notre agriculture.

M. Dino Cinieri, rapporteur. La gastronomie, c’est l’émotion et la convivialité autour de l’alimentation. Cette tradition si française a d’ailleurs été reconnue par l’UNESCO qui a récemment inscrit le repas français à son patrimoine mondial. Vos rapporteurs s'en félicitent car de nombreuses composantes de ce repas gastronomique sont évidemment des produits sous signe de qualité. D'une manière générale, vos rapporteurs veulent souligner la bonne qualité générale de l'alimentation proposée aux Français. Hors de toute politique de la qualité, qui est l'objet du présent rapport, les produits alimentaires vendus en France sont propres à la consommation et d'une qualité générique satisfaisante.

Les signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine – SIQO – permettent de créer de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne alimentaire. Ils encouragent la variété et la diversification de la production. Ils protègent les bassins de production traditionnels, valorisent le savoir-faire des entreprises, et permettent aux producteurs de commercialiser des produits différenciés ayant des caractéristiques clairement identifiables. Ils constituent un excellent instrument favorisant l'accès au marché, notamment pour les entreprises de taille modeste.

La politique publique en faveur des SIQO permet de maintenir la diversité des productions agricoles et, de ce fait, la biodiversité, la variété des paysages et les ressources naturelles. Elle crée de l'emploi et maintient le dynamisme des territoires ruraux, notamment en rassemblant les acteurs locaux sur des projets communs.

Il existe une grande variété de SIQO.

L'appellation d’origine contrôlée (AOC) et l'appellation d’origine protégée (AOP), (appellation européenne) désignent un produit dont toutes les étapes de fabrication – production, transformation, élaboration – sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même zone géographique, qui donne ses caractéristiques au produit. On peut citer les fromages Saint-Nectaire, Roquefort, Fourme de Montbrison ou Comté, et les vins, comme le Bordeaux, le Bourgogne, etc.

Le label rouge, signe français, désigne des produits qui, par leurs conditions particulières de production ou de fabrication, ont un niveau de qualité supérieure par rapport aux autres produits courants similaires.

L'indication géographique protégée (IGP) désigne un produit dont les caractéristiques sont liées au lieu géographique dans lequel se déroule au moins sa production ou sa transformation selon des conditions bien déterminées. C'est un signe européen créé en 1992 qui protège le nom du produit dans toute l'Union européenne. On peut donner des exemples célèbres dans l'agroalimentaire : jambon de Bayonne, riz de Camargue, pruneau d'Agen, Côtes de Gascogne, sel de Guérande, Saint-Marcellin.

Méconnue du grand public, la spécialité traditionnelle garantie (STG) est un signe de qualité européen créé en 1992 qui protège une recette traditionnelle. Sa qualité est liée à une pratique traditionnelle d'un mode de production, de transformation, ou à l'utilisation de matières premières ou ingrédients traditionnellement utilisés dans l'élaboration d'une denrée alimentaire. La France s'est très peu saisie de l'outil STG, mais on peut donner comme exemples français les Moules de bouchot. Hors de France, les STG les plus célèbres sont probablement le jambon serrano et la mozzarella.

La logique de l'agriculture biologique est un peu différente. Il s'agit d’abord de certifier un processus de production respectueux de l'environnement et du bien-être animal, et non un produit.

Quelques chiffres permettent d'illustrer le poids des SIQO au sein de l'agriculture française et européenne.

Avec 215 produits enregistrés au niveau européen (hors vins et spiritueux) au 1er juin 2014, la France occupe la deuxième position en termes de nombre de dénominations enregistrées, après l'Italie (264 produits) et avant l'Espagne (178 produits).

Pour les vins, la France, avec 432 indications géographiques – 357 appellations d'origine contrôlée (AOC) et 75 indications d'origine protégée (IGP) –, se situe également en deuxième position après l'Italie.

En 2012, le chiffre d'affaires à la première mise en marché des produits SIQO – hors produits issus de l'agriculture biologique – s’élevait à environ 20 milliards d'euros, dont 16 milliards pour les vins et eaux-de-vie AOC. Parmi les SIQO non viticoles, les filières les plus importantes en termes de chiffres d'affaires sont les produits laitiers (1,86 milliard d'euros), les volailles (580 millions d'euros), puis les viandes (440 millions d'euros).

Les SIQO concernent 126 000 exploitations, soit une exploitation sur quatre, et plus de 1 000 produits.

En 2012, l'agriculture biologique représentait 4,7 % des exploitations agricoles françaises, et 11 % de la surface agricole en agriculture biologique européenne.

Tout au long de notre mission, nous avons réfléchi avec les personnes auditionnées sur les notions de qualité et d’origine.

Ces deux notions paraissent évidentes en France, où le bien-manger est
synonyme de gastronomie. Mais la qualité est conçue dans une grande partie du monde, en particulier anglo-saxon, comme un indicateur avant tout sanitaire. Ainsi, la France, et plus largement les pays du Sud de l'Europe, doivent défendre leur conception de la qualité au sein de toutes les instances internationales dès lors que celles-ci définissent les règles du commerce international.

Nous avons également constaté l’émergence de démarches de qualité principalement définies par le code postal, avec une multiplication des bannières des collectivités territoriales aux cahiers des charges très divers.

Dans le contexte de crises sanitaires – ESB – et alimentaires – je pense aux lasagnes à la viande de cheval –, il existe une demande toujours plus forte du consommateur d'une information claire et sûre sur les produits qu'il consomme. Face au foisonnement de démarches privées utilisant le terme « qualité », l'implication de l'État apporte une garantie au consommateur. Mais le sens même de cette garantie de l'État peut être remis en cause si le consommateur n'associe pas un label à un contenu. Or, la profusion des SIQO, mais aussi l'émergence de nouveaux signes de qualité plus ou moins officiels et plus ou moins connus – bannières régionales et locales, mentions valorisantes – et de marques jouant sur l'image de qualité de leurs produits, entraînent une certaine confusion et la méfiance du consommateur.

Les questions que nous avons été amenés à nous poser sont les suivantes. Quand la profusion de signes de qualité entraîne-t-elle la confusion ? Faut-il de nombreux SIQO sur de petites zones très typiques, ou quelques grands signes structurants plus clairs pour le consommateur ? Dans un contexte de traditions fortes et de grande diversité des modes de production, comment articuler efficacement des SIQO dans un ensemble cohérent sans tomber dans le nivellement ?

Pour répondre à ces questions, nous avons auditionné plus de 150 personnes : agriculteurs et leurs représentants, spécialistes de l'analyse des comportements des consommateurs, associations de protection de l'environnement, associations d'élus, ministères, INAO, DGCCRF, représentants du commerce équitable, UBIFRANCE, etc.

Nous avons également souhaité inscrire notre action sur le terrain, avec deux déplacements qui nous ont permis de rencontrer une trentaine d’acteurs : dans l’Aveyron, grâce à une rencontre avec des producteurs du veau du Ségala et la visite d'un abattoir d'agneaux ; dans la Loire, avec la visite d'une fromagerie fabriquant l’AOC Rigotte de Condrieu, et une table ronde avec les viticulteurs rhodaniens qui produisent les AOP Saint-Joseph, Condrieu, Côte-Rôtie, Château-Grillet.

Enfin, nous nous sommes déplacés à Bruxelles en raison des enjeux européens d'une telle mission. Cela nous a permis d’avoir des échanges très intéressants avec des membres de la Commission européenne, la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne et le Conseil économique et social européen, sur le cadre réglementaire régissant les SIQO, la négociation des politiques commerciales qui peuvent avoir un impact sur les SIQO et le traitement des reconnaissances des signes européens. Ces échanges nous ont permis de faire des comparaisons européennes très éclairantes.

Mme Marie-Lou Marcel, rapporteure. Je ne reviendrai pas sur le contexte et les enjeux de la mission, présentés par mon collègue Dino Cinieri, mission que nous avons eu le plaisir de conduire conjointement. Il a fait l'inventaire des signes de qualité, qu'ils soient officiels ou non officiels.

Les SIQO présentent un intérêt indéniable à plusieurs titres. Intérêt pour notre pays, grande nation agricole, réputée pour sa gastronomie et la qualité alimentaire de ses produits. Ces instruments de compétitivité et d'aménagement du territoire créent de la valeur ajoutée et valorisent les savoir-faire. Ils sont facteurs de création d'emplois et de dynamisme pour les territoires ruraux et de montagne. Intérêt aussi pour notre économie, avec 20 milliards de chiffre d’affaires générés en 2012, dont 16 milliards pour les vins et spiritueux. Intérêt enfin pour l'agriculture, avec 126 000 exploitations engagées dans une démarche qualité, soit le quart de nos exploitations. Midi-Pyrénées est la deuxième région, après l'Aquitaine, où l'on trouve le plus grand nombre de produits sous SIQO, puisqu’ils sont plus de 120.

La démarche SIQO est une démarche valorisante. Elle engendre une valorisation du produit de 5 à 30 %. Les agriculteurs qui se lancent dans cette démarche sont, en moyenne, plus jeunes et mieux formés.

La crise a augmenté la sensibilisation des consommateurs à l'origine du produit qui induit, pour lui, une notion de développement durable. Mais je souhaite insister sur un point : pour le consommateur, le facteur prix reste un critère essentiel dans le choix du produit, et le surcoût qu'il se dit prêt à payer pour un produit de qualité ne doit pas dépasser une fourchette de 5 à 10 %.

Comme l’a souligné Dino Cinieri, la profusion de labels et la méconnaissance, pour certains, de leur contenu par les consommateurs conduisent à une situation où clarification et pédagogie s'imposent.

Les constats que nous avons dressés à l'issue de cette mission menée pendant plus de six mois nous amènent à faire des propositions pour les court, moyen et long termes, tant sur le plan national, que sur les plans européen et international.

Il est tout d'abord nécessaire de renforcer la communication sur les SIQO.

Nous nous trouvons devant une profusion de signes dont le contenu n'est pas toujours identifiable par le consommateur. En effet, aux SIQO s'ajoutent les marques privées, marques de distributeurs, mentions et bannières de collectivités, qui génèrent de la confusion. À titre d’exemple, une marque comme « élu saveur de l'année » n'est en rien un SIQO : c’est un signe apposé par une société privée qui procède à des enquêtes qualitatives auprès des consommateurs. Cette société a d'ailleurs été condamnée en 2003 par le tribunal de grande instance de Versailles pour avoir utilisé le mot « label » dans un slogan, l’usage de ce mot étant strictement limité aux sigles officiels dans le domaine agroalimentaire.

Cette profusion de signes en tout genre n'aide en rien la compréhension des consommateurs. Comme nous l’a indiqué l'un des intervenants, « trop de labels tuent le label ».

Aujourd'hui, le label rouge est celui qui est le mieux identifié par le consommateur. C'est un label qualitatif : il est visible, facilement mémorisable, et est un gage de qualité gustative. Le « bio » est également un label reconnu par les consommateurs. Une IGP désigne un produit dont les caractéristiques sont liées à un lieu géographique dans lequel se déroule au moins sa production ou sa transformation. Comme l’ont montré nos auditions, beaucoup de consommateurs pensent que, pour une IGP, comme pour une AOC ou une AOP, tous les produits viennent d’une zone géographique déterminée et y sont transformés.

C'est pourquoi l'État, en apportant sa garantie aux SIQO, doit être moteur de la communication officielle de ces signes. Le logo doit être mieux mis en avant, avec une pédagogie claire sur son contenu. Car mieux communiquer, c'est assurer une meilleure connaissance du consommateur et, par là même, lui donner ou lui redonner confiance, et lui éviter de croire qu'il a été trompé.

Deuxième proposition : la simplification de la procédure de reconnaissance des SIQO.

Certains de nos interlocuteurs nous ont fait part de leur souhait de voir raccourcis les délais de la procédure de reconnaissance d'un produit sous SIQO. En effet, cette procédure, menée par les services de l'Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), prend plusieurs années – souvent sept à dix ans pour une AOC. Comme l’a dit l'un des acteurs auditionnés, « le temps de l'INAO n'est pas le temps économique ». Néanmoins, la majorité des professionnels auditionnés est attachée à la procédure existante, la jugeant protectrice. De plus, l'organisation de la filière requiert du temps dans le cadre d'une démarche qualité.

Cette procédure de reconnaissance pourrait être simplifiée en prévoyant une homologation par arrêté, qui permettrait de raccourcir les délais d'instruction au niveau européen.

Certains acteurs ont regretté l'intervention du ministère de l'agriculture dans la procédure d'obtention des SIQO européens car elle rallonge, parfois de façon conséquente, la procédure.

L'INAO a adopté un schéma de modernisation qui devrait réduire les délais d'examen des demandes de six mois. Le ministère s'est aussi engagé dans une voie d'optimisation des procédures, afin qu'elles soient plus rapidement menées.

Nous restons persuadés que des marges de manœuvre pourraient être dégagées pour une amélioration de la procédure de reconnaissance et pour sa simplification. Simplifier la réglementation des SIQO constitue aussi l'un des axes de la politique menée par le nouveau commissaire européen, dans la mesure où il existe plusieurs règlements régissant les SIQO, avec des exigences qui peuvent varier sur un même signe selon le produit ou la catégorie de produits concernés. Il est donc envisagé de fusionner différents règlements.

Mais toute simplification ne peut se faire que dans l'intérêt des acteurs. En effet, lors de nos déplacements, les producteurs du Veau de l'Aveyron et du Ségala ont attiré notre attention sur les conséquences de certaines simplifications. Il existait une dérogation pour l'appellation « veau de l'Aveyron et du Ségala », mais au regard de l'évolution de la réglementation, cette dérogation a été mise en cause au nom de la seule simplification.

Les moyens de l'INAO et de la DGCCRF pour mener leurs actions doivent être renforcés et mieux ciblés. La loi relative à la consommation a renforcé le pouvoir des agents de la DGCCRF. Toutefois, les auditions ont montré que certains de leurs contrôles étaient mal vécus, car s'attardant au superficiel tel que l'emplacement ou la taille des logos, plutôt qu'à la lutte contre la contrefaçon. Ces contrôles doivent être réorientés sur les problèmes de concurrence déloyale.

Quatrième proposition : l'intégration de critères sanitaires et environnementaux.

Intégrer ces critères dans les cahiers des charges fait partie intégrante de la réflexion et de l'engagement sur l'agro-écologie. Nombre d'acteurs professionnels estiment que la présence d'intrants dans des produits sous SIQO témoigne d'une moindre authenticité.

Certains acteurs de la grande distribution regrettent le manque de souplesse dans la communication sur les SIQO. Ils auraient souhaité, par exemple lors de la crise de la vache folle, pouvoir communiquer sur l'absence de farines animales dans l'alimentation des animaux label rouge.

Cinquièmement, nous proposons de développer l'éducation à la gastronomie.

Il faut affirmer davantage les politiques publiques en matière d'éducation au goût, donner de meilleures habitudes alimentaires à nos enfants et les développer. La Semaine du goût est une bonne chose, mais il en faudrait beaucoup plus dans l'année !

Cette préconisation va dans le sens de l'avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) du 28 janvier 2014, intitulé « Favoriser l'accès pour tous à une alimentation de qualité, saine et équilibrée ». Le professeur Hercberg va dans le même sens, en recommandant que 15 à 30 % des activités périscolaires soient consacrés à des activités alimentaires.

Il faut donc, et c’est notre sixième proposition, susciter l'engagement de la restauration collective.

Les collectivités territoriales, qui ont en charge les écoles, collèges et lycées, doivent se saisir de cette question. Si la question sanitaire prévaut dans la restauration collective, rien n'interdit de faire preuve d'imagination.

Des collectivités se sont engagées dans des démarches innovantes. En Aveyron, six communes, dont les cuisines centrales sont en régie directe, ont créé une association, Soli'terre, afin de mutualiser la recherche de produits bio et produits de qualité pour les cantines. Trois critères ont prévalu : la diététique, le prix et le critère environnemental. Au total, quelque 700 000 repas sont concernés chaque année. La région Midi-Pyrénées s'est engagée depuis 2010 dans une démarche qualité pour la restauration dans les lycées. Tous les lycéens bénéficient ainsi, une fois par semaine, d'un repas cuisiné à partir de produits régionaux bio ou sous SIQO.

Outre la valorisation de la production régionale de qualité, l'objectif est de sensibiliser les élèves au « bien se nourrir », au plaisir d'une consommation de saison et de région, permettant de rapprocher producteurs et jeunes consommateurs.

Septièmement, nous préconisons une meilleure coordination entre les politiques nationales et les politiques locales pour les démarches qualité.

L'ambition de promouvoir les SIQO, de contribuer à leur visibilité et à leur compréhension, doit être développée aux niveaux national et local. Certaines régions prennent en charge une partie des coûts d'entrée dans une démarche de labellisation, et majorent certaines des aides aux agriculteurs qui se sont engagés dans une démarche de production sous SIQO. Il y a là une complémentarité entre politique locale et politique nationale en matière de SIQO.

Comment ne pas évoquer les bannières développées par les collectivités territoriales ? Tout en étant un moteur à l'export pour de nombreuses PME, ces marques territoriales peuvent être génératrices de confusion en regroupant sous une même bannière des produits sous SIQO et des produits sans SIQO. Une démarche qualité ne saurait se réduire à une démarche code postal.

Huitièmement, il est nécessaire de mener une réflexion sur les IGP.

L'indication géographique protégée, créée en 1992, est un signe d'identification de l'Union européenne qui désigne un produit dont les caractéristiques sont liées au lieu géographique où se déroule au moins sa production ou sa transformation. Comme le concept qui l’a inspiré, celui des « vins de pays », il est utilisé pour des productions plus régionales que très localisées, avec parfois des zones géographiques de production relativement étendues pour un même produit, comme le jambon de Bayonne.

Un lien plus clair devrait être réintroduit au niveau européen entre zone d'approvisionnement et zone de transformation pour l'IGP. Cela amènerait à rapprocher certaines IGP des AOP et d'autres des STG. Certains pays européens ont souvent une approche moins « localiste » que la nôtre.

Le logo « AB » a la même signification que le logo Eurofeuille, mais les deux sont présents sur les produits. Ils attestent que les produits sont conformes à une réglementation et à un mode de production et d’élevage. Nous proposons de ne garder qu’un logo.

Neuvièmement, il faut promouvoir la création de politiques de la qualité à l'étranger par la conclusion d'accords bilatéraux et de coopération.

Au niveau international, les SIQO français sont peu ou pas reconnus. On achète la « marque France », mais avec l'idée que la seule provenance française serait suffisante pour garantir un produit de qualité. C'est pourquoi il est nécessaire de valoriser les SIQO à l'international à l’exception notable, c’est vrai, des vins et spiritueux.

Les négociations en cours sur le TAFTA (Transatlantic Free Trade Area), devraient être l'occasion de mieux faire reconnaître le système des indications géographiques. Aujourd'hui, aux États-Unis, la protection n'est possible que grâce à des marques de certification collectives enregistrées auprès de l'office des marques américaines. Le déposant doit mener seul les actions juridiques nécessaires en cas d'usurpation. Pour ces négociations, il ne faut donc pas ignorer la très forte hostilité de certaines organisations professionnelles américaines à l'inclusion des indications géographiques dans cet accord. Cela sera un enjeu majeur auquel nous devrons être particulièrement vigilants.

Des accords bilatéraux ont été conclus entre l'Union européenne et des pays extérieurs à l'UE. Ils se sont avérés positifs, puisqu'ils ont inclus la protection pour des listes d'indication géographique.

La consommation de produits sous SIQO en France obéit à des logiques régionales ou locales. Les professionnels sous SIQO ne se positionnent pas ou peu à l'export en raison de rendements trop faibles.

La communication à l'export des produits SIQO se fait à partir de crédits nationaux dans le cadre d'une délégation de service public (DSP). Des aides communautaires permettent d'accompagner une promotion dans le cadre européen et dans les pays émergents. Des efforts restent à faire en ce domaine.

Pour finir, je voudrais évoquer l’étiquetage des produits à l’aide de codes couleur, dont la création pourrait figurer dans la future la loi de santé publique. Nous avons été alertés à ce sujet, car ces codes, très réducteurs, jetteraient l’opprobre sur nos produits sous SIQO.

Voilà, mes chers collègues, résumés cette mission et ses préconisations.

M. le président François Brottes. En effet, trop de labels tuent le label. Pour donner un prolongement à cet excellent rapport, qui montre bien le manque de lisibilité en la matière, je vous propose d’organiser une audition réunissant le directeur de l’INAO et ses homologues espagnol, italien et irlandais, dont les pays sont engagés dans des démarches de qualité.

M. Daniel Fasquelle. Merci, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, de ce rapport très complet.

La France est riche de ses paysages, de sa gastronomie, inscrite au Patrimoine de l’Humanité, et de ses produits. Tous ces atouts doivent être soutenus, et c’est pourquoi j’approuve totalement la première partie de votre rapport, qui souligne un certain nombre de préoccupations.

D’abord, la multiplication des signes est un facteur de complexité pour le consommateur français. Elle est aussi un handicap à l’export, notamment pour le vin qui est concurrencé par des pays dont la classification est beaucoup plus simple et efficace que la nôtre, ce qui explique le recul de la France sur certains marchés, notamment dans les pays anglo-saxons. Une simplification est donc nécessaire.

J’avais déposé une proposition de loi, reprise par le projet de loi sur la consommation défendue par le ministre Hamon, sur la protection des noms des communes et des produits artisanaux. En octobre dernier, le tribunal de première instance de l’Union européenne a donné raison aux producteurs de couteaux Laguiole, les seuls désormais à pouvoir utiliser cette dénomination. Vos auditions vous ont-elles permis de constater que cette loi a été concrétisée sur le terrain en protégeant les produits artisanaux et manufacturiers ?

S’agissant du traité transatlantique, nous partageons votre analyse. L’approche des États-Unis est fondamentalement différente de la nôtre, et il ne faudrait pas que ce qui fait notre force et notre spécificité soit remis en cause.

Enfin, l’Exposition universelle de Milan, dont le thème sera « Nourrir la planète, Énergie pour la vie », sera l’occasion pour la France de mettre en valeur ses terroirs et ses produits. Avez-vous eu des contacts avec les acteurs qui préparent cette exposition ?

Mme Jacqueline Maquet. Vous l’avez dit, les signes sont nombreux. Comment s’y retrouver entre AOC, AOP, labels agricoles, agriculture bio, etc. Comment les signes se positionnent-ils les uns par rapport aux autres ? Et de quelle manière pourrions-nous les rendre compréhensibles pour le consommateur ?

M. André Chassaigne. M. Fasquelle a mal lu le jugement européen. Le Laguiole est toujours un couteau dans le domaine public et peut être fabriqué sans limite – le jugement portait sur d’autres produits, dont la marque avait été déposée.

S’agissant du TAFTA, je vous trouve optimiste. Définir dans ce traité une forme de sécurisation des produits sous SIQO est très compliqué, car ce type de traité renvoie à des tribunaux d’arbitrage, dont certains reviennent sur des inscriptions, comme le montrent de très nombreux exemples dans le monde. Cela étant dit, je vous remercie d’avoir abordé cette question, car il existe un lobbying américain très agressif.

En matière de simplification de la procédure de reconnaissance, les choses ne sont pas si simples. En effet, certains territoires qui produisent depuis des générations des produits laitiers peuvent se retrouver en grande difficulté si un seul d’entre eux obtient une AOP. L’obtention d’une AOC pour un fromage, par exemple, a conduit des laiteries à ne plus avoir le droit de fabriquer ce produit. Je pense donc qu’il faut laisser du temps au temps.

Enfin, le rapport évoque la problématique des tentatives d’usurpation de signes officiels. Mais je tiens à souligner que certaines productions fermières traditionnelles sont exclues de la reconnaissance AOC ou AOP parce que celle-ci implique des critères très stricts.

Mme Brigitte Allain. Madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, votre rapport nous sera très utile dans le cadre de notre mission d’information sur les circuits courts et les filières agroalimentaires.

Les produits d’origine et de qualité, notamment les AOP et AOC, dont les fromages et les vins sont les pionniers, contribuent à valoriser notre patrimoine culinaire et nos savoir-faire locaux. Les signes d’origine et de qualité ont permis dans bien des endroits la préservation des abattoirs, entreprises de conditionnement ou de découpe, qui sont un préalable à la relocalisation des filières agroalimentaires. Ainsi, lors de l’accueil en chambres d'hôte, nous avons à cœur de faire connaître nos produits locaux.

Monsieur Chassaigne, ce sont surtout les IGP qui ont exclu les produits fermiers. En Dordogne, les IGP, souvent portées par les industriels, ne permettent pas aux producteurs de foie gras d’inscrire « foie gras du Périgord » sur leurs boîtes. C’est une grande préoccupation.

Chaque territoire a ses spécificités, et les produits sous signe de qualité ne peuvent être disponibles partout. Une réflexion sur leur consommation au-delà du niveau local s’impose. Avez-vous abordé cet aspect ?

Enfin, IGP et AOP restent des vecteurs de promotion des produits français à l’étranger et auprès des touristes. Ils sont créateurs d’emplois non délocalisables. Leur réussite économique passe par la continuelle recherche de qualité. Dans les territoires, ils sont un lien social entre les générations, mais aussi entre anciens et nouveaux résidents. Bien recevoir, c’est recevoir en offrant le meilleur, et, souvent, ce sont nos produits AOC qui sont sur la table, y compris pour les personnes qui viennent du bout du monde : je ne vais pas offrir un vin de France à Bergerac, je vais offrir un Bergerac, un Monbazillac ou un Pécharmant. Au bout du monde, madame la rapporteure, on connaît les AOC, c’est bien ce qui fait la spécificité française, et les touristes y sont fortement attachés.

M. le président François Brottes. Cette dernière remarque est vraie pour l'accueil, mais pas forcément pour l’exportation.

Mme Jeanine Dubié. À mon tour, je salue l’excellent travail réalisé par nos collègues. Ce rapport est particulièrement agréable à lire, car il nous permet de voyager dans toute la France et de mesurer à quel point notre pays est riche de son patrimoine gastronomique.

Le sujet que vous traitez nous tient à cœur. Les élus du monde rural, en particulier, connaissent le poids et le rôle de l’agriculture dans l’économie. Vous avez souligné combien les paysans contribuent activement au rayonnement de nos territoires et de notre gastronomie à travers le monde, et qu’il est essentiel de protéger le patrimoine.

Dans les Hautes-Pyrénées, ce sont plus de 20 signes officiels de qualité et d’origine qui sont produits. Je sais à quel point le porc noir de Bigorre, le mouton Barèges-Gavarnie, le haricot tarbais ou encore le Madiran participent au rayonnement touristique de ce département.

Vous soulignez la multitude de logos et autres labels, laquelle jette parfois un discrédit sur les signes officiels. Parmi vos préconisations, figurent des mesures de simplification pour la procédure de reconnaissance et d’homologation. Avez-vous interrogé l’INAO à ce sujet ?

Enfin, je pense important de développer des initiatives permettant de favoriser les circuits courts et de faire figurer des produits d’origine et de qualité dans les menus de la restauration collective. Le ministère de l’agriculture a diffusé en décembre dernier des guides pratiques intitulés « Favoriser l’approvisionnement local et de qualité en restauration collective ». Savez-vous si ces guides ont d’ores et déjà produit des effets ? Pensez-vous que le législateur pourrait à son tour se saisir de cette question, afin d’inciter la commande publique à privilégier l’achat de produits locaux et de qualité ?

M. Éric Straumann. Le rapport évoque les accords bilatéraux de libre-échange, notamment avec les États-Unis. Le signe d’identification lié à l’origine le plus emblématique en France est le Champagne. Dans les épiceries que j’ai visitées aux États-Unis, au moment des fêtes de Noël, j’ai vu des têtes de gondole pleines de mousseux américains de différentes couleurs et comportant un bandeau « Champagne ». Pourquoi la France accepte-t-elle cette situation de la part d’un pays développé censé respecter les règles de droit international ?

M. Frédéric Roig. Madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, je vous félicite de cet excellent rapport qui souligne l’ensemble des enjeux liés à lisibilité des signes d’identification de l’origine et de la qualité des produits, lesquels sont essentiels à une agriculture de qualité. Ces signes sous soumis à de fortes exigences – traçabilité et cahiers des charges – qui sont une garantie pour les consommateurs. À cet égard, le temps de gestion des dossiers traités par l’INAO est parfois un élément de garantie permettant aux labels de ne pas être galvaudés.

La restauration collective est un enjeu de santé publique. Les circuits courts et de distribution sont essentiels, et l’approvisionnement de proximité s’appuie sur ces signes de qualité. J’aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.

M. Antoine Herth. En tant qu’ancien producteur de poulet sous label, je trouve ce rapport très intéressant, car il nous permet de faire le point sur des sujets sensibles, comme la contrefaçon ou les accords internationaux.

Je trouve préoccupant le différentiel, de 5 % à 10 %, entre un produit sous signe de qualité et un produit standard, car le producteur ne touchera qu’une petite part de ce surcoût. Cela pose la question de la rémunération des producteurs, pour laquelle des progrès importants restent à faire.

Il est intéressant de noter, comme le montre votre rapport page 26, que l’essentiel des produits sous signes officiels de qualité s’adresse au marché local, et que les producteurs engagés dans une démarche de qualité sont plutôt dans une exploitation en forme sociétaire.

M. Hervé Pellois. Les acteurs de la diplomatie culturelle et économique, comme Business France et Sopexa, jouent-ils vraiment un rôle pour la promotion et la défense de nos labels à l'étranger ? Je pense que nous gagnerions à imaginer une stratégie de vente à l’étranger.

Comment le consommateur peut-il s’y retrouver dans tous ces signes officiels de qualité ? Je n’ai pas l’impression que l’on s’oriente vers une réduction de leur nombre…

M. Philippe Armand Martin. Madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, merci de ce très bon rapport.

Vous écrivez page 66 : « sur les produits transformés, si l’on impose que la matière première vienne de la zone, cela signifierait la fin de certaines IGP, en raison d’une absence de disponibilité des produits ou de surcoûts ». On peut comprendre cette manière de voir, mais elle présente un risque pour nos productions françaises, notamment celle des escargots de Bourgogne, car la mention « escargots de Bourgogne » est souvent utilisée alors même qu’ils ne proviennent pas de France. Qu’en pensez-vous ?

Vous écrivez page 71 : « que s’il est nécessaire que l’Union européenne continue de conclure des accords bilatéraux, il faut développer la coopération internationale sur les appellations d’origine car cela peut séduire de nombreux pays. L’INAO doit jouer un rôle plus important à cet égard ». Permettez-moi d’ajouter que le rôle de certaines instances françaises, tels que les comités interprofessionnels – je pense au comité interprofessionnel du vin de Champagne – doivent aussi être renforcées dans le cadre de la conclusion d’accords bilatéraux permettant de protéger une appellation d’origine contrôlée. Vous n’avez pas auditionné de responsables de grandes régions détentrices d’AOC, or je pense que cela aurait été intéressant. J’ai été rapporteur sur les accords bilatéraux entre l’UE et les États-Unis ; je pense que nous obtiendrons gain de cause avec ces derniers – comme nous l’avons obtenu avec l’Australie pour l’appellation « Champagne » grâce aux comités interprofessionnels. D’où la nécessité de renforcer ces derniers, car ils permettent de régler les problèmes plus rapidement.

Mme Frédérique Massat. Les élus de montagne ont beaucoup travaillé à ce sujet, en particulier au travers de la loi montagne de 1985 qui a créé l’appellation « provenance de montagne ». Dans nos territoires de montagne, il était en effet trop compliqué pour les producteurs d’être à l’origine de marques AOP ou de labels. Ce dispositif, qui n’a pas été vraiment efficace, a été modifié récemment par un règlement européen.

Je remercie les rapporteurs d’avoir accepté la contribution des élus de montagne à leurs travaux dont un certain nombre des propositions, je m’en réjouis, coïncident avec les nôtres.

Il s’agit d’abord du maintien d’un haut niveau d’exigence, pour que les productions de qualité rémunèrent les producteurs de façon suffisamment gratifiante.

Il s’agit ensuite de mettre un terme à l’inflation de signes, afin d’apporter une lisibilité à l’ensemble des consommateurs. Ce souci de rationalisation est essentiel, car trop de SIQO tuent le SIQO.

Nous pensons également nécessaire de supprimer les double-emplois entre réglementation européenne et réglementation nationale, en procédant à une harmonisation des textes. En effet, le millefeuille de réglementations est difficilement applicable.

Il convient en outre de réglementer plus sévèrement l’étiquetage, en interdisant toute autre mention que celles reconnues par une réglementation spécifique. Car l’empilement des étiquetages brouille le message.

Enfin, concernant la montagne, nous aimerions voir défendre l’adoption d’un logo, si possible européen, permettant d’identifier les produits de montagne.

M. le président François Brottes. Je ne sais pas s’il faut continuer à utiliser l’acronyme SIQO. En effet, taper cette consonance sur Internet ne renvoie pas aux produits dont nous parlons – chez moi, par exemple, c’est une entreprise chimique.

M. Jean-Claude Mathis. Nous sommes tous d’accord sur le fait que les signes d’identification de l’origine et de la qualité ont pour objectif de valoriser des productions de qualité, mais aussi d’informer, voire de rassurer les consommateurs. Que préconisez-vous pour mettre de l’ordre dans le maquis des labels ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Merci de ce rapport. Ce sujet concerne toutes les régions, et je remercie les rapporteurs d’avoir auditionné l’Association nationale des élus de montagne (ANEM). Bien entendu, je souscris entièrement à ce qui vient d’être dit par ma collègue Frédérique Massat.

Chaque région possède ses signes d’identification, qui valorisent le patrimoine gastronomique, culturel et paysager de ses territoires. Ces signes sont en effet très nombreux. Comment les rendre plus lisibles ? Quelle cohérence y a-t-il entre AOC, agriculture bio, produits de montagne, bannières régionales ? Le consommateur, au niveau national comme international, doit pouvoir s’y retrouver : c’est la condition première pour qu’il soit en confiance. Votre rapport va dans ce sens. Quelles pistes avez-vous identifiées pour commencer ce travail de clarification ? Comment rendre efficaces les contrôles a posteriori ?

Vous souhaitez que les collectivités aient un rôle à jouer pour mieux prendre en compte les spécificités des signes d’identification et étudier les moyens de les intégrer dans leur cahier des charges au regard des enjeux de santé publique. Plusieurs acteurs professionnels expriment leur regret de ne pouvoir être présents dans la restauration scolaire, alors qu’elle pourrait constituer un débouché intéressant pour des produits de qualité. Comment faire évoluer ces cahiers des charges, pour lesquels la première difficulté est souvent le principe de l’allotissement.

Mme Laurence Abeille. Une convention avait été signée entre le ministère de l’Éducation nationale et l’industrie sucrière, représentée par le Centre d’études et de documentation du sucre (CEDUS), contre la rédaction de laquelle je m’étais élevée car elle confiait à ce dernier la mission de délivrer aux enseignants et aux jeunes des informations nutritionnelles. Heureusement, cette convention a été largement modifiée depuis.

La Semaine du goût, elle-même initiée par l’industrie sucrière, a conduit à la création du label « approuvé par les enfants ». Ainsi, par le biais du haut patronage du ministère de l’Éducation nationale et du ministère de l’agriculture, ce sont des grands de l’agroalimentaire qui créent un label, ce qui est proprement scandaleux.

On le voit : les labels peuvent être un leurre pour les consommateurs. Mais le ministère de l’Éducation nationale m’a assuré qu’il allait retirer son haut patronage de la Semaine du goût, laquelle est moins une éducation au goût qu’une promotion de l’agroalimentaire. Quel est votre avis sur cette question ?

Mme Béatrice Santais. Je félicite les deux rapporteurs.

La défense des indications géographiques pose aussi la question de la gouvernance internationale de l'Internet et des noms de domaine. Or cette question n’a pas été suffisamment traitée. Si on laisse l’ICANN donner des noms de domaine de deuxième niveau, on risque de perdre beaucoup en matière de protection des appellations d’origine.

M. Jean-Charles Taugourdeau. En effet, trop de labels tuent le label. Cela conduit en outre à déresponsabiliser le producteur et le consommateur. En effet, l’indication de l’origine n’est pas un gage de qualité, car il y a toujours des mauvais faiseurs qui compliquent la vie des producteurs soucieux de la qualité et empêtrés dans une réglementation de plus en plus tatillonne. Il faudrait donc moins légiférer pour simplifier la relation client producteur.

À l’heure actuelle, un artisan charcutier qui produit dans son laboratoire n’a pas le droit de vendre son produit, même s’il est excellent, à plus de 80 kilomètres de son laboratoire. Le champion d’Europe du pied de cochon à Saumur, par exemple, ne peut pas vendre son produit dans les grands restaurants parisiens ! Il faudrait donc moins de réglementations, pour que le consommateur s’y retrouve.

M. Yves Daniel. Ce rapport est d’une grande qualité et très agréable à lire. Cela étant dit, en tant qu’agriculteur biologique, je trouve dommage que le bio y soit identifié à la certification d’un processus de production, et non à la qualité du produit.

Si l’on choisit d’être producteur bio, c’est d'abord pour améliorer la qualité des produits – sans pesticides ni antibiotiques –, car on est convaincu que la santé dépend de la qualité alimentaire. C’est ensuite parce que l’on croit à la possibilité de faire évoluer notre culture et notre alimentation. C’est enfin pour être en lien étroit avec la nature. Bref, on se lance une sorte de défi en utilisant la nature comme solution.

Les informations diffusées par UFC-Que choisir ou le Conseil national de l’alimentation sèment le doute dans l’esprit des consommateurs. J’y vois une forme d’accusation, surtout lorsque je lis que le bio n’est pas vraiment bio… Sans remettre en cause la nécessité d’une diversité de systèmes d’exploitation, l’agriculture biologique est à mes yeux le processus qui permet de tirer vers le haut la qualité alimentaire.

Mme Sophie Rohfritsch. Merci de cet excellent rapport.

Je voudrais insister sur la longueur des délais d’instruction concernant les demandes de protection de produits alimentaires. À titre d'exemple, on pense évidemment à la Knack  et à la choucroute d'Alsace qui attendent depuis plus de deux ans, la Knack d'Alsace venant seulement en fin d'année dernière d'obtenir sa protection. Je suppose que des circuits plus rapides sont possibles.

Les rapporteurs préconisent de donner la possibilité à l’INAO d’ester en justice pour que la protection vis-à-vis des pays tiers soit mieux respectée. Cela me semble une bonne idée.

La loi de mars 2014 prévoit une IGP pour les produits industriels et artisanaux. Quand le décret sera-t-il publié ?

M. Kléber Mesquida. Merci, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, de nous avoir éclairés sur le maquis des signes d’identification de l’origine et de la qualité. On se perd en effet entre les 530 références – appellations, labels, logos, sigles, acronymes... Comme vous, je pense que c’est sur le contenu de chacun des signes que le débat doit porter.

La lenteur de la durée d’instruction des dossiers pour la délivrance des labels conduit à s’interroger sur la crédibilité de cette démarche. Il est en effet impensable de mettre plusieurs années pour définir et accorder cette labellisation.

Vous écrivez, page 63 : « Il s’agit de crédibiliser cette signature de l’État auprès des consommateurs. Il lui revient de l’expliquer aux consommateurs ». Page 67, vous indiquez que, pour la procédure des SIQO, « le rôle du ministère doit être limité au maximum ». Vos préconisations ont-elles été soumises au ministre concerné ? Et si oui, quelles réponses vous ont été apportées ?

Mme Éricka Bareigts. Les territoires ultramarins recèlent, eux aussi, des produits de qualité exceptionnelle. Il y a d’abord les rhums qui, en ayant le goût de chacune de nos cannes à sucre et en reflétant l’histoire coloniale de nos territoires, font partie du patrimoine de la France. Ils sont une particularité française – les Allemands ne peuvent se targuer d’autant d’océans et de territoires que nous. Il y a également la vanille de l’île de La Réunion, issue elle aussi d’une histoire : la fécondation a été découverte par un esclave, Edmond Albius, qui a ensuite été libéré.

Bref, en vendant des produits, on vend des histoires, on vend la République, on vend la diversité !

M. le président François Brottes. Excellente intervention !

M. Alain Suguenot. Monsieur le président, l’acronyme SIQO me gêne également.

La qualité en France ne relève pas de la même démarche que dans les pays anglo-saxons. Chez nous, elle renvoie plutôt à l’identification, c’est-à-dire à l’origine, et moins à la démarche sanitaire. Il nous faut donc protéger l’origine, comme le souligne cet excellent rapport d’information, y compris en évitant le détournement par le code postal.

Notre pays tire sa force de sa diversité, de ces petites zones typiques qui le rendent unique au monde et qu’il faut valoriser. La banalisation est très dangereuse. Le drame est d’avoir trop labellisé. Ce n'est pas aux consommateurs de décider l’identification de l’origine et de la qualité, c’est à ceux qui ont la responsabilité de définir le produit.

M. François Sauvadet. Madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, votre rapport est très intéressant, mais qu’allez-vous en faire ? Quel en sera le prolongement ?

La profusion de signes d’identification de qualité aboutit à une absence de lisibilité pour le consommateur. D’ailleurs, gardons-nous de faire un raccourci hâtif entre bio et qualité et entre non bio et absence de qualité.

Sur les marchés internationaux, un certain nombre de grandes entreprises font passer les signes d’identification après la marque, ce qui est très dangereux pour les productions locales. Cela pose le problème de la délocalisation, car certains produits pourraient être transformés ailleurs et labellisés par la marque. Ainsi, il faut veiller à ce que les signes soient reconnus au plan international.

Enfin, le label France – le drapeau bleu blanc rouge apposé sur les produits – devrait être précisé car il est parfois détourné. Certains produits alimentaires, comme les escargots de Bourgogne, comportent en effet ce logo, alors qu’ils proviennent de Pologne !

Mme la rapporteure. Dans certains pays, les zones géographiques pour les IGP correspondent à de grandes régions, ce qui peut présenter un intérêt en termes de force de frappe à l’export. En France, nous n’avons cette approche : les IGP correspondent à un territoire beaucoup plus restreint.

M. le rapporteur. Monsieur Fasquelle, ceux qui vendent les fameux vins du Nouveau monde mettent souvent en avant les seuls cépages sur l’étiquette des bouteilles, ce qui offre l’avantage de la lisibilité et de la simplicité aux consommateurs non spécialistes.

Nous avons rencontré le PDG de la Forge de Laguiole : cette activité fonctionne bien, les couteaux portent ce nom.

Mme la rapporteure. Nous avons largement débattu des produits manufacturés dans le cadre de la loi consommation. À Laguiole, nous avons rencontré le maire et le PDG de la Forge de Laguiole, mais aussi les producteurs agricoles qui se sont engagés dans le cadre d’une démarche qualité avec la coopérative Jeune montagne.

Madame Maquet, la réduction du nombre de signes officiels de qualité pose la question du devenir de ceux qui ont mis de très longues années, parfois dix ans, pour obtenir cette labellisation. Des préconisations sont formulées sur les IGP, avec un rapprochement avec des AOP selon les cas. Surtout, il faut s’interroger sur la profusion de signes non officiels – marques de distributeurs et autres bannières régionales.

M. le rapporteur. Monsieur Chassaigne, la Commission a négocié de nombreux accords commerciaux bilatéraux qui ont permis de mieux protéger les indications géographiques. Elle négocie une liste de produits qui doivent être protégés. Cette liste recense les produits qui ont le plus de chance de faire l’objet d’une contrefaçon. En effet, beaucoup de SIQO ne sont de toute manière pas du tout présents hors de la France, voire de leur région.

En matière de simplification, plusieurs sujets importants sont devant nous, en particulier le lait cru, qui fait partie des éléments constitutifs de beaucoup de fromages sous SIQO.

Mme la rapporteure. Madame Allain, vous avez évoqué l’exclusion du foie gras du Périgord. Je fais un parallèle avec la bannière régionale « Sud-Ouest France », mise en place par les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, et dans laquelle des foies gras du Sud-Ouest sous SIQO se retrouvaient avec des foies gras sans SIQO. Des discussions ont été menées avec l’INAO afin que la dénomination « Sud-Ouest » soit réservée au foie gras auquel est attaché un signe officiel de qualité.

Sur la connaissance des produits de qualité, je ne partage pas votre analyse selon laquelle une AOC est davantage reconnue que la marque France, à l’exception notable des vins et spiritueux. À l'international, l’AOC est bien sûr porteuse, mais c’est la dénomination marque France qui l’est le plus. La confusion vient du fait que l’on peut attribuer à la marque France des caractéristiques de qualité qui ne sont pas forcément celles d’un produit sans SIQO.

M. le rapporteur. Madame Dubié, vous avez raison de dire que nos produits de qualité sont un atout pour le développement touristique, lui-même synonyme de développement économique.

Concernant l’INAO, plusieurs réformes ont été menées. Nous souhaitons une simplification.

Mme la rapporteure. Monsieur Straumann, les noms génériques sont un vrai sujet ; vous avez évoqué le Champagne, mais on pourrait citer également le Chablis. Plusieurs actions en justice sont en cours. Mais assurer une veille prend du temps et demande des moyens financiers que n’ont pas toujours ni les acteurs professionnels ni l’INAO.

M. le rapporteur. Madame Dubié, monsieur Roig, il est un peu tôt pour juger de l’efficacité du guide diffusé par le ministère. Mais nous resterons attentifs à cette question.

Mme la rapporteure. Monsieur Herth, le différentiel de 5 % à 10 % dont j’ai parlé en introduction correspond au différentiel que se déclare prêt à payer un consommateur pour acheter des produits sous SIQO. La valorisation pour un SIQO est de l’ordre de 10 % à 30 %. La rémunération varie en fonction des produits, de la valorisation, du mode de distribution.

Il y a une sorte de schizophrénie chez certains consommateurs qui exigent une production locale et de qualité, mais qui ne sont pas forcément prêts à payer beaucoup plus cher pour acheter un produit correspondant à ces caractéristiques.

M. le rapporteur. Monsieur Pellois, concernant l’export, de nombreuses actions sont menées par d’autres pays, par le biais de salons et de communications « B to B ». S’agissant des bannières régionales, pour prévenir les conflits et donner du sens aux cahiers des charges, nous proposons la contractualisation d’une charte entre l’INAO et les régions.

Mme la rapporteure. Monsieur Philippe Armand Martin, nous préconisons une fusion des IGP et des AOP AOC en cas de périmètres et de caractéristiques identiques, voire entre certaines IGP et les STG s’il s’avérait que le lien au territoire est vraiment trop faible. Reste une interrogation à propos de tous ceux qui se sont engagés dans ces démarches.

M. le rapporteur. Madame Massat, la contribution de l’ANEM nous a été très précieuse. Il faudrait relier la mention valorisante « montagne » avec les AOC, ce qui serait très pertinent en particulier pour les fromages. Par ailleurs, il faudrait supprimer les double-emplois, et rapprocher les logos AB et Eurofeuille.

Mme la rapporteure. Madame Massat, vous pointez la prolifération de logos et, dans le même temps, vous proposez la création d’un logo pour les produits de montagne. Mais je reconnais que ce dernier permettrait d’identifier ces produits.

Monsieur Mathis, nous préconisons une meilleure communication sur les signes de qualité. Nous proposons également l’harmonisation des cahiers des charges pour les bannières régionales, lesquels sont actuellement plus au moins exigeants suivant les régions.

M. le rapporteur. Sur les réponses aux appels d’offres des collectivités territoriales, madame Battistel, les producteurs ne sont pas forcément bien organisés pour répondre aux appels d’offres.

Mme la rapporteure. Madame Abeille, à l’heure où je vous parle, je n’ai pas d’information me permettant de répondre à votre question précise.

Madame Santais, la question de l’Internet est fondamentale. Aux États-Unis, la protection n’est possible qu’au travers des marques de certification collective, qui sont enregistrées auprès de l’office des marques américain. Dans leur ensemble, les membres de l’OMC bénéficient d’un accord minimal garanti pour les indications géographiques. Il n’y a pas d’accord sur les droits de propriété intellectuelle, dits ADPIC. On note actuellement des efforts de la Commission européenne. Nous pensons que la défense des indications géographiques doit également être intégrée dans la procédure des noms de domaine par l’ICANN, société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros de sites Internet. Un recours amiable, que nous soutenons, a été déposé par la Commission européenne.

M. le rapporteur. Monsieur Taugourdeau, vous avez raison de dire que trop de labels tuent le label. D’autant qu’il faut en moyenne onze ans pour obtenir une AOC viticole, quatre ans et demi pour une IGP agroalimentaire, un an et demi à trois ans pour un label rouge – ces délais variant de dix-huit mois à sept ans au niveau européen.

Par ailleurs, nous avons veillé à porter une grande attention tant aux consommateurs qu’aux professionnels, dans leur diversité.

Mme la rapporteure. Monsieur Daniel, notre rapport évoque l’agriculture biologique, et l’ensemble des acteurs que nous avons auditionnés ont fait une différence entre produit et mode de production. L’agriculture biologique fait partie intégrante des SIQO. Le logo AB est le deuxième signe, après le label rouge, le mieux identifié par les consommateurs.

M. le rapporteur. Madame Rohfritsch, nous n’avons pas connaissance de la publication d’un décret.

Mme la rapporteure. Monsieur Mesquida, l’information du consommateur est une priorité : il doit connaître le contenu exact du signe, faute de quoi il pourrait estimer avoir été trompé. Il est clair que les consommateurs ignorent le contenu exact des IGP. D’où la nécessité d’une communication claire sur les signes de qualité.

Nous allons remettre notre rapport à l’INAO et au ministère.

Madame Bareigts, je n’ai pas grand-chose à rajouter à votre excellente intervention. Comme d’autres produits, en effet, le rhum véhicule une histoire particulière. Je précise qu’il existe des mentions valorisantes, dont la mention « produits pays » réservée aux produits dont toutes les étapes sont réalisées dans un département d’outre-mer.

M. le rapporteur. Vous avez raison, Monsieur Suguenot : il faut refuser la banalisation, car nous sommes attachés à la protection des origines et de nos produits sous SIQO. Nous ne disons pas qu’il faut moins de diversité : nous mettons au contraire l’accent sur la diversité et la qualité de nos produits. Mais l’absence de lisibilité peut s’avérer néfaste à la consommation de produits, ce qui serait dommage vous en conviendrez.

Mme la rapporteure. Monsieur Sauvadet, notre rapport sera remis aux ministères et organismes concernés.

Les marques marchent à l’export, car elles sont parfois beaucoup plus lisibles pour un consommateur étranger qui ne connaît pas toutes les AOC. C’est un sujet de fond. Hors vins et spiritueux, c’est donc d’abord la marque France qui compte à l'étranger.

Pour finir, on peut comprendre les réticences sur les bannières régionales, mais la bannière « Sud-Ouest France », qui a démarré il y a dix-huit mois, représente 2 millions d’euros de chiffre d’affaires à l’export. Des quantités suffisantes réunies sous une même bannière permettent ainsi à petites entreprises de pouvoir exporter. Je tenais à le préciser car ce sont souvent les petites productions qui rencontrent des difficultés à l’exportation.

M. le président François Brottes. Je propose que l’audition envisagée avec le directeur de l’INAO et ses homologues étrangers soit suivie, le même jour, de celle d’une dizaine de représentants de success stories régionales, puis du ministre pour conclure le débat.

Je note que vous êtes tous favorables à la publication du rapport d’information.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 21 janvier 2015 à 9 h 45

Présents. – M. Damien Abad, Mme Laurence Abeille, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, M. Yves Daniel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, Mme Anne Grommerch, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Thierry Lazaro, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart

Excusés. – M. Bruno Nestor Azerot, Mme Delphine Batho, M. Denis Baupin, M. Jean-Pierre Decool, M. Joël Giraud, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Serge Letchimy, M. Bernard Reynès, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. – Mme Brigitte Allain, M. Mathieu Hanotin, Mme Sophie Rohfritsch, M. François Vannson