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Commission des affaires économiques

Mercredi 28 janvier 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 29

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition de M. Thierry Repentin, président de la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier (présentation du rapport annuel)

– Informations relatives à la commission

La commission a auditionné M. Thierry Repentin, président de la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier (présentation du rapport annuel).

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, je vous informe que la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis, à ma demande, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit « NOTRe », qu’elle examinera mardi prochain. La saisine porte sur les articles 1er à 4, 6, 17 decies, 17 septdecies, 21 ter, 23, 27, 27 bis, 28, 28 bis et 28 ter ; un courrier a été adressé au responsable de chaque groupe. Je vous propose de désigner M. Germinal Peiro rapporteur pour avis de ce projet de loi.

Par ailleurs, je profite de la présence de M. Michel Piron, qui n’est pas membre de notre Commission, mais qui est toujours le bienvenu à ses réunions, pour lui indiquer que le groupe de travail sur les Aides personnelles au logement (APL) s’est constitué et qu’il sera prochainement invité à venir débattre de cette question.

Nous avons le plaisir d’accueillir ce matin M. Thierry Repentin, président de la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier, organisme que nous avons créé par la loi du 18 janvier 2013. On peut dire de lui qu’il est l’un des pères fondateurs de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), tant il a veillé, avec Louis Besson, qui siégeait alors au banc du Gouvernement, à conserver toute leur portée aux dispositions de cette loi, notamment à son article 55. Il aura ainsi consacré une grande partie de sa vie politique à la question du logement, et singulièrement au logement social, même si ses fonctions ministérielles l’ont parfois conduit vers d’autres rives.

Je dois excuser l’absence de Mme Audrey Linkenheld, qui, avec M. Jean-Marie Tetart, avait présenté devant notre Commission un rapport d’information sur la mise en application de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, soit le même sujet que celui dont vous allez nous entretenir, M. Repentin. Il ressortait du bilan dressé dans ce rapport très intéressant qu’à l’époque, seulement huit opérations de cession avec décote avaient été conclues, ce qui nous avait paru peu. Les choses ont-elles évolué depuis et sur quels leviers peut-on agir pour favoriser cette évolution ? C’est tout l’objet des échanges que nous aurons ce matin au sein de notre Commission, devant laquelle vous serez du reste amené à revenir. Vos suggestions sont d’autant plus attendues que nous examinons actuellement un texte assez fourni, la « loi Macron », dans lequel certaines mesures utiles pourraient trouver leur place.

M. Thierry Repentin, président de la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier (CNAUF). Je vous remercie, monsieur le président, pour votre accueil chaleureux. Si j’interviens devant votre Commission aujourd’hui, c’est en effet grâce à vous, mesdames, messieurs les députés, puisque vous avez créé, par la loi du 18 janvier 2013, la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier à laquelle vous avez notamment confié la mission d’établir, en se fondant sur des bilans établis par les préfets de région, un rapport annuel sur la mobilisation du foncier public en faveur du logement, rapport qui doit être remis au Parlement et présenté devant les commissions des affaires économiques du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Je rappelle que la CNAUF a pour mission de suivre le dispositif de mobilisation du foncier public en faveur du logement et de s’assurer que la stratégie adoptée par l’État et les établissements publics concernés est de nature à favoriser la cession de biens appartenant à leur domaine privé. Cette commission se réunit une fois par mois depuis sa création, laquelle est récente puisque la CNAUF n’a été installée que l’été dernier et n’est opérationnelle que depuis le mois de septembre. Son premier rapport, que je vais vous présenter, ne porte donc que sur un bilan de moins de six mois.

Ce rapport comporte quatre parties : l’analyse des évolutions législatives comprises dans la loi du 18 janvier 2013, l’état des lieux de la mise en œuvre de la loi, un premier bilan qualitatif de son application et un bilan quantitatif de la mobilisation du foncier public pour les années 2012 et 2013.

La loi du 18 janvier 2013 a largement remanié les procédures qui s’appliquaient à la vente de biens d’État à des fins de logement, en vue d’accroître l’effort financier de ce dernier dans ce domaine. Ainsi, le taux de décote, qui, auparavant, ne pouvait excéder 25 % – 35 % dans les zones très tendues – est désormais compris entre 35 % et 100 %, la cession pouvant être gratuite dans les zones A, dites tendues. Plus le programme de logements est social, plus le taux de la décote sera important. La loi étend, en outre, le champ d’application de la décote aux biens bâtis et aux équipements publics. En effet, si le programme de logements qui sera édifié sur le terrain vendu nécessite la construction d’équipements publics – crèches, écoles, établissements pour personnes âgées –, il sera tenu compte du coût de leur édification dans le calcul du taux de la décote consentie.

Bien entendu, cet effort conséquent de l’État comporte des contreparties.

Tout d’abord, le programme de construction doit être réalisé dans un délai de cinq ans à compter de l’acte de cession. En effet, la loi n’a pas pour objectif de favoriser la rétention foncière ou la spéculation, elle vise à accélérer le processus de vente. Des exceptions ont néanmoins été prévues dans la loi ALUR, qui permet de déroger à ce délai, sur proposition de la CNAUF et avec l’accord des ministres du budget et du logement, lorsque le programme de construction ne peut être entièrement réalisé dans le temps imparti. Par exemple, une vente a été conclue, il y a quelques semaines, à Nantes : 1 700 logements doivent être édifiés sur l’emprise d’une ancienne caserne située en centre-ville. Or, cette opération nécessite la création d’une Zone d’aménagement concertée (ZAC), pour laquelle il faut compter presque deux ans, et la démolition des bâtiments existants. Il a donc été précisé par convention que le délai de cinq ans pouvait être dépassé.

Ensuite, un ensemble de clauses anti-spéculatives ont été introduites afin d’éviter les effets d’aubaine. Il s’agit d’empêcher un éventuel dévoiement du programme qui, d’opération de locatif social ou d’accession à la propriété, deviendrait un programme libre, pour lequel le foncier n’aurait pas été vendu au même prix. Un rapport est donc établi chaque année par les préfets pour s’assurer du contrôle de l’application du programme.

Par ailleurs, la gouvernance a été recentrée sur le préfet de région, qui établit la liste des biens à vendre, signe la convention liant l’État au preneur, assure le contrôle de la réalisation des programmes de construction et en dresse le bilan. Toutefois, les maires et les présidents d’EPCI concernés sont consultés en amont de l’inscription d’un bien sur la liste des biens à vendre ; le Comité régional de l’habitat et de l’hébergement est, quant à lui, consulté sur cette liste et sur l’élaboration du bilan régional.

Le dispositif est désormais pleinement opérationnel.

Il a nécessité la publication de trois décrets. Le premier, daté du 15 avril 2013, concerne les biens de l’État. Le deuxième, du 18 octobre 2013, étend le dispositif à quatre établissements publics : la SNCF, RFF, la RATP et VNF. Le troisième, daté du 30 décembre 2014, l’étend aux établissements publics de santé, dont l’AP-HP. Il convient de préciser que la décote est plafonnée à 30 % jusqu’au 1er janvier 2017 pour RFF, afin de tenir compte de la situation financière de cet établissement, et qu’elle peut être soumise à un plafonnement identique pour les établissements publics de santé en fonction de l’endettement de l’établissement concerné.

L’accompagnement des services territoriaux de l’État a été renforcé, qu’il s’agisse de la publication de circulaires et d’instructions, de la formation du personnel ou de la participation à des journées de rencontre. Cet aspect a été souligné par Mme Audrey Linkenheld et M. Jean-Marie Tetart dans leur rapport – dont les conclusions sont du reste assez proches des nôtres quant à l’application de loi. Lorsqu’une réforme structurelle est adoptée, il convient en effet de se préoccuper du « service après-vote », en s’assurant que toutes celles et ceux qui vont être amenés à appliquer la loi sont pleinement informés de son contenu technique et de son esprit. Cette démarche pédagogique est d’autant plus importante en l’espèce que les services de l’État doivent changer de paradigme, puisqu’il s’agit désormais de vendre non pas le plus cher possible mais à un prix qui permette la réalisation d’une opération qui ne pourrait voir le jour sans l’application d’une décote.

Par ailleurs, les listes des biens cessibles pour la production de logements ont été publiées. Pour les biens du domaine privé de l’État, vingt-deux listes régionales ont été établies, qui regroupent 264 propriétés ; pour les biens du domaine privé des établissements publics, une charte d’engagement des opérateurs ferroviaires a été signée en juin 2014, qui identifie 69 biens. Au total, plus de 700 hectares sont ainsi disponibles pour la production de logements, répartis dans l’ensemble des régions de France. À l’automne dernier, nous avons réuni, sous l’autorité du Président de la République, l’ensemble des préfets de région. Ces derniers ont identifié un vivier de 111 terrains prioritaires – 98 terrains d’État et 13 terrains appartenant à RFF et à la SNCF –, qui ont vocation à être cédés d’ici à la fin de l’année.

Un premier bilan de la mise en œuvre de la loi permet de dessiner plusieurs axes d’amélioration.

Tout d’abord, il convient de poursuivre la formation des services territoriaux de l’État et de renforcer la pédagogie auprès des élus et de leurs services, ainsi que des opérateurs de logements sociaux. Je m’aperçois en effet que la loi n’est pas toujours connue, y compris d’élus de collectivités sur le territoire desquelles un certain nombre de propriétés pourraient être valorisées pour y construire des logements.

Ensuite, la pertinence de quelques évolutions législatives du dispositif – auxquelles la loi Macron ou la loi NOTRe peuvent en effet, Monsieurle président, fournir un support adapté – pourrait être évaluée. Premièrement, nous proposons d’étendre le champ de la décote, qui s’applique actuellement aux constructions sur terrain libre ainsi qu’aux constructions après démolition ou restructuration profonde de bâtiments existants, aux biens bâtis à rénover. Certains anciens logements de fonction destinés, par exemple, à des douaniers ou à des gendarmes pourraient en effet intéresser des collectivités territoriales, mais ils nécessiteraient une importante réhabilitation justifiant une décote. Or, celle-ci ne peut être appliquée car, aux termes du code de la construction et de l’habitation, la réhabilitation est distincte de la restructuration. Si le Parlement décidait d’étendre la décote à ce type d’opérations, nous pourrions céder rapidement une dizaine de sites, notamment dans les régions frontalières de l’Est et du Sud-Est de la France – je pense en particulier au Bas-Rhin, au Haut-Rhin et à la Haute-Savoie.

Deuxièmement, nous nous interrogeons sur l’éligibilité du logement intermédiaire au dispositif de la décote. En effet, ce type de logement n’est reconnu dans notre législation que depuis une ordonnance de 2014, postérieure donc à la loi du 18 janvier 2013, et la question est soulevée par les élus dans le cadre de leurs négociations avec l’État. Mon rôle n’est pas de trancher, mais de vous soumettre cette question ; la réponse appartient évidemment au législateur.

Troisièmement, il convient de renforcer l’accompagnement des services territoriaux de l’État dans l’instruction des dossiers, notamment par une capitalisation de l’expérience acquise et, le cas échéant, par un recours aux professionnels de l’aménagement. Les services de l’État ne disposent pas toujours, en effet, des capacités professionnelles nécessaires à l’instruction de dossiers d’aménagement. À ce propos, vous observerez que nous avons souhaité faire œuvre de pédagogie en indiquant, en annexe de notre rapport, la manière dont France Domaine procède à l’évaluation de la valeur vénale des terrains et dont la décote est calculée. Nous mentionnons également quelques astuces que nous avons découvertes chemin faisant et dont nous avons usé pour débloquer certains dossiers.

Quatrièmement, le pilotage du dispositif pourrait être renforcé en identifiant des équipes de projet au sein des préfectures de région et la stratégie de vente améliorée en ordonnançant les terrains dans les listes et en définissant des actions prioritaires.

J’en viens maintenant aux cessions réalisées au titre de la loi du 18 janvier 2013. Vous avez indiqué, Monsieur le président, que Mme Audrey Linkenheld et M. Jean-Marie Tetart en avaient identifié huit dans leur rapport. Au moment de la mise en place de la CNAUF, à la fin du mois de juillet dernier, cinq cessions définitives avaient été réalisées. Depuis cette date, c’est-à-dire au cours des six derniers mois, huit autres cessions de biens d’État sont intervenues, auxquelles il convient d’ajouter celle d’un bien appartenant à RFF. Toutes ont bénéficié de taux de décotes importants, compris entre 26 % et 84 %, et supérieurs à ceux qui étaient appliqués auparavant. Onze cessions se sont vu appliquer des taux de décote supérieurs à 35 %, dont dix sont supérieurs à 50 %.

Ces cessions représentent un effort financier important de la part de l’État, puisque le montant des décotes consenties, 32,7 millions d’euros, est supérieur à celui des recettes, qui s’élève à 29,6 millions. Quant au volume estimé, il est de 3 000 logements potentiels, dont 2 000 logements sociaux et 1 000 logements privés.

Certes, ce bilan peut paraître modeste, mais les réformes de structure prennent du temps et, si nous nous revoyons dans un an, pour la présentation du deuxième rapport, ce volume sera entièrement différent. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, la réforme a dû être assimilée par l’ensemble des ministères propriétaires de biens susceptibles d’être vendus : la défense, l’éducation nationale, l’équipement… Il a fallu, en outre, que France Domaine tienne compte de la nouvelle orientation de l’État en matière de vente de terrains et fixe des prix permettant d’équilibrer des opérations de logement social – ce qui a nécessité de faire un peu de pédagogie au plus haut niveau de cet organisme. Par ailleurs, il ne vous a pas échappé que la loi avait été votée au cours de l’année précédant les élections municipales. Or on sait que les périodes pré et post-électorales ne sont pas particulièrement propices à la programmation d’opérations de logement social. J’ajoute que la construction de logements s’inscrit dans une programmation pluriannuelle à l’échelle des intercommunalités ; elle relève de Programmes locaux de l’habitat (PLH) dont beaucoup ont été élaborés sans intégrer cette nouvelle possibilité offerte par la loi et doivent donc être modifiés.

Enfin, nous avons détaillé, à la fin du document qui vous a été distribué, trois exemples de cession relevant de situations sensiblement différentes. Le projet concernant le talus de l’A3 a connu des difficultés, l’évaluation du terrain ayant fait l’objet d’incompréhensions entre France Domaine et la commune de Romainville ; celle-ci comptant déjà de nombreux logements sociaux, ce programme ne comportera que 20 % de logements de ce type. Le projet de la caserne Mellinet à Nantes porte, quant à lui, sur un terrain d’une superficie de 13,5 hectares devant accueillir 1 700 logements à terme, dont 35 % de logements locatifs sociaux, 35 % d’accession à la propriété et 30 % de libre. Enfin, le projet de la Ferme Champagne à Savigny-sur-Orge est entièrement destiné à la construction de logements sociaux.

M. le président François Brottes. J’ai pris bonne note, monsieur le président, de votre suggestion d’étendre le dispositif de la décote aux opérations de réhabilitation. Le projet de loi NOTRe pourrait être le véhicule législatif adapté, mais je ne suis pas certain que l’article 40 permette aux parlementaires de prendre une telle initiative. Dans ce cas, il faudra que le Gouvernement s’y attelle.

M. Jean-Marie Tetart. La mobilisation du foncier public n’est pas récente ; en réalité, les conditions de sa cession se sont progressivement améliorées, avec un renforcement de l’obligation de produire des logements sociaux.

Dans les régions, la loi a conduit les différentes administrations à travailler dans le cadre d’une coordination inédite qui est très positive. Néanmoins, la mobilisation politique qu’elle a suscitée s’est peut-être traduite par l’affectation d’un trop grand nombre de personnels à cette tâche, au détriment des autres aspects du logement social. Mais ce phénomène s’atténuera certainement une fois que les habitudes de travail seront prises.

Par ailleurs, je ne suis pas certain que le dispositif de cession avec décote nous permette de rattraper le déficit de constructions que nous constatons depuis trois ans, puisqu’il nous manque environ 180 000 logements par an. Pourrez-vous nous préciser, monsieur le président de la CNAUF, le nombre de logements que les terrains à céder, dont la liste exhaustive est désormais établie, permettront de construire ? Au demeurant, la principale vertu de cette mobilisation résidera sans doute moins dans le nombre de logements qui pourront être construits que dans l’amélioration de la qualité des projets grâce à une étude plus approfondie de la morphologie des terrains, de l’équilibre financier des opérations et de leur insertion dans le tissu de la ville.

J’ajoute que l’impossibilité de prendre en compte la rénovation conduit parfois certains opérateurs à élaborer des projets présentant une mixité artificielle pour pouvoir bénéficier de la décote. C’est pourquoi je suis résolument favorable à l’extension du dispositif, d’une part, aux opérations de rénovation et, d’autre part, au logement intermédiaire, qui peut favoriser la mixité en évitant le tout ou rien – logement social ou logement privé – et répondre à une nécessité dans les centres-villes.

Enfin, une fois que les terrains qui figurent sur la liste seront mobilisables, que fera-t-on des autres ? Plus le temps passe, plus la situation risque d’être complexe, car les terrains restants ne seront plus valorisables.

M. Daniel Goldberg. La CNAUF, organisme indépendant des services de l’État destiné à juger de la pertinence du dispositif et de son organisation, a accompli un travail précieux et complémentaire du rapport de Mme Audrey Linkenheld et de M. Jean-Marie Tetart. Et puisque l’on a parfois tendance à jeter le bébé avec l’eau du bain, je me permets de souligner l’utilité de la loi du 18 janvier 2013 dont on voit les premières applications.

S’agissant de la mobilisation des services de l’État, le changement de paradigme que vous avez évoqué, M. Thierry Repentin, n’empêche pas la persistance d’injonctions contradictoires. Ainsi, on recommande au ministère de la défense à la fois de vendre ses terrains le plus cher possible pour maintenir l’effort de défense et de les céder avec décote pour favoriser la construction de logements sociaux – et je pourrais multiplier les exemples. Peut-être la généralisation de l’intéressement des administrations aux éventuels bénéfices de l’opération permettrait-elle d’en finir avec ces injonctions contradictoires. Cette hypothèse a-t-elle été étudiée par la CNAUF, monsieur le président ?

Par ailleurs, le dispositif, organisé à l’échelle régionale, pourrait être utilement complété par la mobilisation des services déconcentrés départementaux, qui ont une connaissance plus fine des territoires, et par la création d’un droit d’alerte des maires, des bailleurs sociaux, des promoteurs, voire des propriétaires de terrains.

En ce qui concerne la décote, je suis tout à fait favorable à ce qu’elle soit étendue aux biens bâtis à rénover. Quant à son extension au logement intermédiaire, je crains qu’à force de calquer les procédures applicables au logement intermédiaire sur les règles relatives au logement social – comme c’est le cas actuellement dans le projet de loi sur la croissance et l’activité –, certains n’aient un jour l’idée de mettre tout le logement intermédiaire dans le logement social, notamment dans le cadre de l’article 55 de la loi SRU. Cependant, le fait qu’une opération bénéficiant d’une décote comprenne du logement intermédiaire ne pose pas de problèmes particuliers, pas davantage en tout cas que si elle comprenait du logement locatif privé ou de l’accession à la propriété. La question est celle du taux de décote qui est appliqué à ce type d’opérations.

À cet égard, j’observe que dans les trois exemples d’opérations cités, la décote est de 60 % pour 20 % de logement locatif social à Romainville, de 67 % pour 35 % de logement locatif social à Nantes et de 45 % pour 100 % de logement locatif social à Savigny-sur-Orge. Pourriez-vous nous détailler le mécanisme de calcul de cette décote, car il me semble que, dans l’esprit du législateur, son taux devait être peu ou prou lié à la proportion de logements locatifs sociaux ?

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président de la CNAUF, les pistes que vous évoquez afin d’améliorer les cessions de biens publics recoupent celles de nos collègues, Mme Audrey Linkenheld et M. Jean-Marie Tetart. Mes questions porteront sur le rôle des élus dans l’application de ce dispositif, dont la réussite, avez-vous dit, dépend de son appropriation par les acteurs locaux. Quelles démarches opérationnelles allez-vous mettre en œuvre pour inciter les élus et leurs services à présenter des projets de cession et à les intégrer dans leurs programmes locaux de l’habitat, et dans quels délais ?

Par ailleurs, il me semble qu’une circulaire relative à la gouvernance est en cours de rédaction afin de rappeler aux préfets que l’identification de nouveaux terrains publics reste d’actualité. Pouvez-vous nous dire où en est cette rédaction et nous apporter des précisions sur la constitution des équipes destinées à promouvoir cette politique au sein des préfectures ?

Enfin, Mme Sylvia Pinel a déclaré qu’en 2015, l’un de ses objectifs était de développer une approche davantage territorialisée de la politique du logement. La question de l’échelon territorial pertinent est donc posée : ne faut-il pas, comme le suggérait M. Daniel Goldberg, descendre jusqu’au niveau départemental ?

M. Michel Piron. Monsieur le président de la CNAUF, je salue votre travail méticuleux et précis. Comme l’a indiqué M. Jean-Marie Tetart, la question n’est pas nouvelle : la plupart des ministres du logement, y compris sous la législature précédente, ont tenté d’exercer des pressions sur les grandes administrations détentrices de foncier, en vain. Certes, vous avez vaincu quelques résistances, mais celles-ci n’étaient peut-être pas les plus fortes. À ce propos, plutôt que d’injonction paradoxale, je parlerai d’injonction contradictoire. Lorsque RFF doit investir davantage et gager ses emprunts sur ses propres actifs, il est évident qu’il n’a aucun intérêt à céder ces derniers à un prix minoré. Or, entre les directives de Bercy et les souhaits du ministère du logement, on sait bien quel sera l’arbitrage. C’est pourquoi j’avais demandé, lors de l’examen du projet de loi ALUR, que l’on utilise davantage le bail emphytéotique, qui présente l’intérêt de permettre aux grands ministères de conserver la propriété du foncier tout en le mettant à disposition pour un prix dérisoire, voire nul. Cet outil ne serait-il pas plus efficace en matière de mise à disposition du foncier public ?

Par ailleurs, j’approuve tout à fait les dérogations au délai de cinq ans prévu par la loi, car seuls de doux rêveurs peuvent imaginer qu’une politique du logement peut être efficiente dans un tel délai.

Vous avez également évoqué, avec une certaine pudeur, la question de l’ingénierie publique au sein des services de l’État. De fait, celle-ci s’est développée au plan réglementaire, mais elle s’est considérablement appauvrie au plan opérationnel. Or, j’ai compris que vous encouragiez une nouvelle approche des problèmes. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce point ?

Enfin, si l’on traduit les 700 hectares que vous avez évoqués en nombre de logements, ne risque-t-on pas de s’apercevoir que l’offre actuellement mise à disposition est insuffisante ? Le problème ne relève-t-il pas, plus largement, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire ? Je pense aux invraisemblables surfaces de bureaux que l’on continue de construire dans des zones tendues.

Mme Michèle Bonneton. Je suis admirative du difficile travail accompli par la CNAUF. Même s’il répond à une question ancienne, ce dispositif de mobilisation du foncier public est tout à fait innovant et nécessaire en raison de la demande de logement non satisfaite ; je rappelle que notre pays compte plus d’un million de demandeurs de logement social. La mobilisation des acteurs locaux – préfets, maires, présidents d’EPCI – est bien réelle et elle est indispensable à la réussite du dispositif.

Comme M. Daniel Goldberg, j’ai observé que le taux de la décote ne dépendait pas de la proportion de logements sociaux programmés. Quels sont les critères qui s’appliquent à la définition de ce taux ? Quant au logement intermédiaire, il profite déjà d’avantages fiscaux certains, qu’il s’agisse de la réduction de la TVA ou de la taxe foncière. En outre, il est prévu, dans le projet de loi sur la croissance et l’activité que nous en sommes en train d’examiner, qu’il bénéficie d’un droit à construction supplémentaire de 30 %. Dès lors, si la décote devait être étendue au logement intermédiaire, elle devrait être extrêmement limitée afin de ne pas nuire à la construction de logements sociaux, dont, je le rappelle, 70 % des Français peuvent prétendre à bénéficier.

Par ailleurs, pourriez-vous nous indiquer précisément les évolutions législatives et réglementaires auxquelles vous avez fait allusion tout à l’heure ? Enfin, envisagez-vous d’améliorer l’accompagnement des élus locaux ?

M. André Chassaigne. Tout d’abord, il convient de se féliciter que nous ayons exprimé la volonté, à travers la création de la CNAUF, de voir appliquer une loi que nous avons votée. Ce faisant, l’Assemblée nationale exerce son pouvoir de contrôle, dont elle ne peut pas toujours user, faute de temps. À cet égard, ce premier rapport d’étape est une bonne chose.

J’en viens à mes questions. Premièrement, avez-vous des informations sur le portage : qui achète les biens cédés pour y construire ? Deuxièmement, avez-vous constaté des difficultés – qui peuvent être celles que connaît actuellement le logement social – dans l’application de la loi et, si oui, avez-vous pu les identifier ? Enfin, constate-t-on, dans les communes réticentes à atteindre le taux réglementaire de logements sociaux, des offres de biens qui ne sont pas suivies d’acquisitions ?

M. Jean-Claude Mathis. Je souhaite insister sur deux points : d’une part, l’extension de la décote au logement intermédiaire et, d’autre part, les mesures qu’il conviendrait de prendre pour combattre les réticences des administrations mais aussi des élus locaux qui ne sont pas forcément désireux de construire des HLM dans leur commune. Par ailleurs, vous avez rappelé que seulement treize biens d’État ont été cédés depuis l’entrée en vigueur de la loi, qui était pourtant un projet phare de Cécile Duflot lorsqu’elle était ministre. Ce résultat est certainement insuffisant pour redresser le secteur du logement.

Mme Jacqueline Maquet. Je tiens à féliciter M. le président de la CNAUF pour son rapport très précis, qui témoigne de son expérience dans le secteur du logement social. Ce rapport permet d’évaluer l’application du texte, il dresse un état des lieux de la mobilisation du foncier et apporte des précisions d’ordre quantitatif. Les outils et les méthodes indispensables sont là, mais on voit bien les limites et les délais de la mise à disposition du foncier public. Le foncier est le nerf de la guerre en matière de construction de logement. Or la crise est profonde. Que doit-on faire aujourd’hui pour mobiliser le foncier, public comme privé, afin de relancer la construction de logements ?

M. Dino Cinieri. Monsieur le président de la CNAUF, je souhaiterais vous interroger sur le bilan quantitatif et qualitatif de l’application de la loi. À l’automne dernier, le ministère du logement et de l’égalité des territoires annonçait que 74 terrains avaient d’ores et déjà été recensés par plus de la moitié des préfets, lesquels accompagneront de manière opérationnelle les collectivités territoriales. À ce jour, combien de logements celles-ci ont-elles créé ? Par ailleurs, si l’idée de gratuité, qui prévalait pourtant lors de l’élaboration de la loi, est depuis longtemps abandonnée, la question du montant de la décote devient de plus en plus prégnante. Compte tenu de la crise, les ministères et les opérateurs de l’État acceptent de moins en moins l’idée d’une décote sur la valorisation de leur patrimoine. Comment agissez-vous pour que cela ne freine pas le rythme des cessions ?

M. le président François Brottes. Je précise que le rapport de Mme Audrey Linkenheld et de M. Jean-Marie Tetart a été envoyé à l’ensemble des préfets.

M. Joël Giraud. Ma question porte sur le groupe SNCF, dont on sait qu’il est l’un des plus gros propriétaires fonciers de France. Dans les territoires ruraux, son patrimoine est souvent la première source de foncier mobilisable pour la réhabilitation de logements. Les réserves foncières sont souvent situées au cœur des villages et elles sont, de surcroît, les seules parcelles à ne pas être concernées par les plans de prévention des risques naturels. Pourtant, compte tenu des récentes déclarations du groupe, notamment de Mme Sophie Boissard, on peut s’interroger sur sa volonté de procéder à la décote proposée, dès lors que son but clairement affiché est de valoriser les activités immobilières et de doubler le volume de cash-flow. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur l’engagement du groupe SNCF dans ce domaine ?

Par ailleurs, l’opérateur use de pratiques qui me paraissent particulièrement douteuses. À Veynes, par exemple, une commune des Hautes-Alpes qui compte de très nombreux tènements appartenant à la SNCF, un important programme de logements sociaux et intermédiaires ainsi qu’un écoquartier sont prévus. Le foncier est vendu à vil prix, mais l’on impose des travaux à des coûts exorbitants : 800 000 euros pour enlever des aiguillages désaffectés, par exemple. Il arrive même que l’on vous impose le cabinet chargé de l’étude de la dépollution du site. Je m’aperçois donc que l’on a beaucoup de difficultés avec le groupe SNCF, non seulement au niveau national mais aussi au niveau local. Comment voulez-vous libérer du foncier si les élus doivent payer l’intégralité des frais afférents au nettoyage du site ?

Mme Frédérique Massat. Monsieur le président de la CNAUF, votre rapport fait écho au travail mené au sein de notre Commission par Mme Audrey Linkenheld et
M. Jean-Marie Tetart sur l’application de la loi du 18 janvier 2013. Je pense notamment à vos propositions concernant la gouvernance. En effet, la politique du logement souffre aujourd’hui d’éparpillement, si bien que l’on peut se demander si la création d’une délégation interministérielle au logement ne permettrait pas d’accélérer la réforme au plan national et local. À ce propos, ne faudrait-il pas désigner des correspondants locaux qui, à l’instar des commissaires au redressement productif, assureraient le pilotage local de cette politique ? On peut également s’interroger sur la multiplicité des acteurs concernés : État, communes, intercommunalités, départements et même régions, qui financent désormais le logement social. Là encore, l’éparpillement est tel que les responsabilités sont diluées. Ne pourrait-on pas saisir l’opportunité offerte par l’examen du projet de loi NOTRe pour définir une compétence plus marquée, qui pourrait être partagée entre plusieurs collectivités, pourvu que chacun ait un rôle bien déterminé ?

Mme Béatrice Santais. Monsieur le président de la CNAUF, vous connaissez le cas de la commune de Modane où, suite au redéploiement de l’emploi ferroviaire à partir de 1993, de très nombreux logements appartenant à la SNCF ont été laissés à l’abandon et posent un véritable problème d’urbanisme au centre de la ville. L’extension du dispositif de la décote aux opérations de réhabilitation lourde permettrait à des communes de ce type, qui certes ne connaissent pas de pression foncière, d’enclencher une nouvelle dynamique. Par ailleurs, les listes régionales n’ont pas toutes été publiées. Je souhaiterais donc savoir si une décote est envisageable pour des terrains, appartenant notamment à RFF et à la SNCF, qui présentent un intérêt pour la construction de logements mais qui n’ont pas été recensés. Enfin, le taux de décote peut-il varier en fonction de l’opération elle-même ? Je pense à des programmes qui, pour des raisons de mixité sociale, intégreraient d’autres types de logements que le logement social et assureraient ainsi leur équilibre global.

Mme Marie-Lou Marcel. On observe que les cessions se sont accélérées depuis la mise en place de la CNAUF, mais vous avez évoqué, M. Thierry Repentin, un processus de longue haleine. Aussi proposez-vous cinq mesures destinées à améliorer le dispositif, dont l’une concerne l’éligibilité du logement intermédiaire. Quel serait, selon vous, le montant de la décote à instaurer pour ce type de logement et quels moyens législatifs ou réglementaires pourraient être utilisés pour que les terrains prioritaires puissent faire l’objet d’une cession à court terme ?

M. Hervé Pellois. Monsieur le président de la CNAUF, vous indiquez dans votre rapport que d’autres décrets pourraient être publiés afin de compléter la liste des établissements publics participant à la mobilisation du foncier public. Ainsi les établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche pourraient rejoindre ceux de transport et de santé. Combien de terrains potentiellement cessibles cela pourrait-il représenter ? Par ailleurs, nous sommes passés de 930 terrains identifiés en 2012 à 264 en 2014. Comment expliquer un tel écart ? Enfin, je souhaiterais, comme M. Daniel Goldberg, que vous nous apportiez des précisions sur la détermination du prix des terrains.

M. Philippe Kemel. Monsieur le président de la CNAUF, ma question porte sur la diversification des types de logements construits sur les terrains cédés. Dans certaines situations, il est nécessaire de construire du logement social mais, dans d’autres, il faut y adjoindre du logement libre. C’est notamment le cas dans l’ancien bassin minier du
Nord-Pas-de-Calais, où le logement social est déjà très dense. Or, le zonage établi par la loi Duflot-Pinel exclut ces zones de la défiscalisation, ce qui handicape des projets qui, in fine, auraient une vocation sociale et ne favorise pas la diversité de la population.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Ce premier bilan d’application de la loi du 18 janvier 2013 est modeste, certes, mais vous semblez optimiste et confiant dans les résultats que peut produire ce puissant outil en faveur du logement. Ma question concerne les territoires de montagne : pensez-vous que le dispositif de mobilisation du foncier public pourrait être adapté au tourisme social et au logement des travailleurs saisonniers ?

M. Jean-Claude Mathis. Si vous le permettez, monsieur le président, je souhaiterais donner lecture de la question de M. Lionel Tardy, qui a dû s’absenter : « Lors de l’examen du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, j’avais estimé que la présentation obligatoire du rapport de votre Commission devant le Parlement était intenable, compte tenu du calendrier parlementaire. J’ai eu tort, je l’admets, et je suis heureux que vous veniez nous présenter ce premier rapport, en espérant que cette pratique se poursuive au-delà de la première année. En revanche, j’avais émis une autre suggestion : publier les données qui vous sont transmises par les régions et qui concernent notamment la liste des terrains disponibles et les terrains cédés au cours de l’année écoulée. Je souhaiterais savoir si vous comptez donner suite à cette proposition à destination des citoyens, qui me paraît compléter la présentation de votre rapport. »

M. Jean-Pierre Le Roch. Monsieur le président de la CNAUF, je tiens à vous féliciter pour l’efficacité avec laquelle vous avez su mobiliser le foncier public en faveur du logement. Enfin ! serais-je tenté de dire, car j’ai moi-même été confronté à des difficultés telles que je ne suis jamais parvenu à conclure un accord avec RFF sur l’aménagement d’une zone voisine d’une gare. Désormais, c’est France Domaine qui évalue les terrains, alors que jusqu’ici, RFF recourait à un office foncier. La décote est liée à la proportion de logements sociaux comprise dans le programme de construction, mais qu’en est-il de la dépollution des terrains ? Par ailleurs, quelles solutions peuvent exister pour des communes plus petites où la mixité sociale est difficile à assurer dans des programmes complets puisqu’elles sont exclues du zonage Pinel-Duflot ? Enfin, depuis la construction d’un pôle hospitalier public, une friche hospitalière est disponible qui relève d’un Plan de prévention du risque inondation (PPRI), mais il est très difficile de négocier avec le centre hospitalier, très endetté. Ne serait-il pas souhaitable qu’à terme, certains terrains soient cédés à titre gratuit afin de rentabiliser les projets ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Je m’interroge également sur le calcul de la décote en cas de dépollution d’un site. Par ailleurs, peut-on avoir une évaluation des sites recensés en milieu rural ?

M. Yves Daniel. Je salue à mon tour la volonté de prendre en compte la problématique du logement dans notre pays. Parmi les membres de la CNAUF, deux sont nommés au titre des associations œuvrant en faveur du logement des personnes défavorisées. Les deux associations retenues, la Fondation Abbé Pierre et ATD-Quart Monde, font également partie du collectif national ALERTE qui a récemment publié un rapport sur les deux premières années de mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. En ce qui concerne le logement, ce collectif estime que la situation est très préoccupante et qu’un des problèmes majeurs réside dans la forte baisse des aides à la pierre, qui vient compromettre la production de logements à bas loyer. De votre côté, monsieur le président de la CNAUF, vous avez déclaré que la décote était une aide à la pierre supplémentaire. Comment peut-on, rapprocher ces deux analyses ?

M. Alain Suguenot. Je souhaite apporter un témoignage sur la situation ubuesque qui prévalait à l’origine, puisque je me souviens qu’étaient recensées, parmi les 930 terrains « Duflot », les voies de chemin de fer de la ligne PLM… Je me réjouis donc que ces terrains soient désormais sélectionnés par les préfets de région. Par ailleurs, il me semble que le délai de cinq ans est beaucoup trop bref. Dans de petites villes comme la mienne, nous sommes prêts à jouer le jeu, pourvu qu’il soit possible de réaliser les programmes dans les délais.

M. le président François Brottes. Cher Thierry Repentin, ces vingt-deux questions traduisent la mobilisation de mes collègues députés sur ce sujet.

M. le président de la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier (CNAUF). Mesdames, messieurs les députés, l’ensemble de ces questions couvrent en effet un champ très vaste, qui excède parfois la mission dévolue au président de la CNAUF ; je pense notamment au problème du zonage, qui relève davantage de la compétence de la ministre du logement.

La proposition d’étendre la décote aux biens bâtis nécessitant une rénovation a été évoquée à plusieurs reprises et me semble faire l’objet d’un accueil plutôt favorable de votre part. Je vous rappelle qu’une telle extension du dispositif nécessite une modification législative. Au reste, j’ai cru comprendre, lorsque j’ai présenté mon rapport à Mme la ministre du logement, qu’elle-même y était également favorable. S’agissant de l’extension de la décote au logement intermédiaire, je me suis contenté d’indiquer que des maires, actuellement en négociation avec l’État, avaient émis cette hypothèse ; je devais m’en faire l’écho. J’ai conscience que si la décote devait être étendue à ce type d’opérations, son taux devrait être forcément inférieur à celui qui est appliqué à une opération de logement social, car celle-ci est indéniablement plus difficile à équilibrer. En outre, cette extension devrait être strictement limitée aux zones très tendues, c’est-à-dire aux zones A – au-delà, des expertises financières sont nécessaires, dont je ne dispose pas encore. Tel est en tout cas mon sentiment.

Beaucoup d’entre vous, notamment M. Daniel Goldberg, m’ont interrogé sur la décote. Quand la CNAUF a été installée, l’établissement du prix de vente était, sinon opaque, du moins difficile à comprendre. C’est pourquoi, lors de notre première réunion, j’ai demandé à France Domaine d’expliquer la manière dont les choses se passeraient sur le terrain. Quelle est la règle du jeu ? La Constitution interdit à l’État de vendre ses biens à vil prix. Seule une loi peut donc autoriser une décote sur le prix de cession d’un bien relevant de la propriété privée de l’État. Tel est l’objet de la loi du 18 janvier 2013. Compte tenu de ce principe constitutionnel, France Domaine établit le prix de vente d’un terrain à partir du prix du marché libre. Puis nous évaluons toutes les dépenses que va engager la collectivité locale intéressée pour construire sur ce terrain une opération de logements. Ces dépenses incluent donc notamment le coût de la dépollution éventuelle du site, dont l’évaluation exacte prend parfois un peu de temps, surtout lorsque l’État souhaite étudier le plan de masse du programme. Prenons en effet l’exemple de la vente d’une caserne : les sols ne seront pas dépollués sur une profondeur identique selon qu’ils accueilleront des bâtiments, de la voirie ou des équipements sportifs. En tout état de cause, toutes les dépenses seront déduites du prix de marché pour établir le taux de décote ; le coût de la dépollution sera donc défalqué du prix de vente.

Par ailleurs, le prix du marché libre étant variable, le taux de la décote pourra être différent d’une zone à l’autre, y compris pour un même programme de logement social. Toutefois, on peut dire de manière générale que plus le programme comprendra de logements sociaux et plus ces logements seront sociaux, plus ce taux sera important. Il peut même atteindre 100 %. Ce cas de figure ne s’est pas encore présenté, car jusqu’à présent l’équilibre financier des opérations a pu être atteint avec un taux de décote inférieur. Mais une opération doit être réalisée prochainement dans le Nord, dont les coûts imposent que l’État cède gratuitement son foncier. Il est arrivé que, face à certains blocages, je propose moi-même à une collectivité locale de faire évoluer son programme en lui suggérant de prévoir davantage de PLAI afin d’obtenir une décote plus importante. Un dialogue s’instaure donc entre les élus et les services déconcentrés de l’État pour aboutir à un prix acceptable.

Je précise cependant qu’il est erroné de croire que ce dispositif ne concerne que le logement social. Il est en effet très rare qu’un programme comprenne exclusivement des logements sociaux : par souci de favoriser la mixité sociale, nous cédons des biens pour la réalisation de programmes relativement équilibrés comportant à la fois locatif social, accession sociale à la propriété et investissement libre. Du reste, les promoteurs sont intéressés par ce type d’opérations, car les collectivités demandent souvent à l’investisseur privé de prendre en charge le déficit de la charge foncière lié au logement locatif social. Or, dans ce type d’opérations, c’est l’État qui prend en charge ce déficit foncier. Il est donc plus facile pour les promoteurs d’équilibrer leurs opérations lorsqu’elles sont réalisées sur un terrain vendu avec une décote par l’État. À ce propos, j’inviterais le législateur à s’assurer, dans deux ou trois ans, qu’il a été tenu compte de cet effort de l’État dans la fixation du prix du mètre carré libre. J’espère que la décote contribuera ainsi à freiner les prix du privé sur ces terrains.

En ce qui concerne la SNCF et RFF, ces deux opérateurs ont signé, en juin dernier, une charte dans laquelle ils prévoient de céder, sur la période comprise entre 2014 et 2018, 230 hectares sur 150 sites, permettant la construction de 15 000 à 20 000 logements. Les directions immobilières des deux opérateurs vont fusionner et seront placées sous la responsabilité de Mme Boissard, que j’ai rencontrée la semaine dernière et qui viendra rendre compte devant la CNAUF et les services de l’État des mesures prises pour assurer l’application effective de cette charte. Il est vrai, s’agissant des terrains de ces deux opérateurs, que l’on rencontre souvent des difficultés liées à leur pollution et, parfois, à l’évaluation de la reconstitution des réseaux. C’est pourquoi je souhaite disposer, afin que la CNAUF soit réellement indépendante, d’un petit budget qui me permette de missionner un cabinet d’études privé pour déterminer si les demandes du vendeur sont bien justifiées. Dans un domaine technique comme celui-ci, il est en effet important que nous puissions recourir à une ingénierie qui fait actuellement défaut aux services de l’État afin d’opposer, le cas échéant, une étude indépendante à l’évaluation réalisée par la collectivité locale qui sera tentée de présenter des devis excédant le coût réel des travaux.

J’en viens à la question des listes. Je le dis comme je le pense, la publication de la première liste a été une erreur majeure, qui a influé sur la perception de la loi et son résultat. Cette liste a sans doute été dressée un peu rapidement, sans que le bien-fondé de la cessibilité potentielle d’un certain nombre de terrains – dont certains étaient d’ailleurs déjà vendus – ait été vérifié. La liste actuelle a été établie de manière plus rigoureuse ; elle compte 264 biens de l’État et 69 biens appartenant à des établissements publics. Combien d’entre eux seront vendus et quel est le nombre de logements qui pourront être construits ? Je ne peux pas répondre précisément à cette question aujourd’hui, car nous dialoguons avec les collectivités locales ; chaque programme fait l’objet d’une discussion. Néanmoins, 111 terrains sont classés prioritaires pour 2015, et mon rôle est de m’assurer que le plus grand nombre possible d’entre eux sera vendu. Si je devais donner un chiffre, je dirais, en me fondant sur les opérations déjà réalisées, que le nombre des logements sera compris, pour la seule année 2015, entre 25 000 et 35 000, soit 10 % de la production de logements en 2014. Ce dispositif ne se substituera certes pas à la politique du logement, mais il apporte des solutions dans certains territoires en permettant la construction de logements sociaux et privés.

Par ailleurs – et je réponds ici à Mme Béatrice Santais –, ces listes constituent un vivier, mais elles ne sont pas exclusives. Si vous avez connaissance de terrains appartenant à l’État qui ne font pas partie des biens recensés mais vous semblent adaptés à la construction d’un programme de logements – une ancienne subdivision de l’équipement abandonnée, une Direction départementale de la jeunesse et des sports (DDJS) fermée, un délaissé de voirie –, faites-le savoir. Car si la loi dispose que la décote est de droit sur les terrains figurant sur la liste annexée à la loi, elle n’exclut pas que d’autres terrains puissent en bénéficier. Nous avons ainsi trouvé un accord sur des terrains que les services déconcentrés avaient omis, volontairement ou non, d’inscrire sur la liste mais dont l’existence avait été portée à notre connaissance par des préfets.

Nous touchons là au problème des injonctions contradictoires. Vous avez en effet voté une loi qui définit une orientation politique qu’il m’appartient de faire appliquer au sein de différents ministères, que l’on enjoint par ailleurs de vendre au plus offrant. C’est l’objet d’un dialogue avec ces administrations. J’ai ainsi rencontré plusieurs fois le secrétaire d’État au budget et France Domaine, pour rappeler qu’un ministre s’inscrivait dans l’action gouvernementale, laquelle obéit à certaines priorités. Jusqu’à présent, les propositions faites par la CNAUF de décotes supérieures à celles suggérées par France Domaine ont toujours été acceptées. Elles continueront de l’être, en dépit des discussions et des difficultés, s’il existe une véritable volonté politique d’appliquer la loi du 18 janvier 2013. Ainsi, vous constaterez bientôt, je l’espère, qu’à Paris, qui est la ville où il est le plus difficile de faire du logement social en raison des prix de marché, de grosses opérations seront programmées dans les semaines qui viennent, avec des taux de décote importants, l’État consentant un effort de plusieurs dizaines millions d’euros.

Les territoires de montagne peuvent également être concernés, dès lors qu’il s’agit de zones tendues, telles que les départements frontaliers alpins. Je précise cependant que la loi ne permet pas que des opérations de ce type interviennent dans le domaine du tourisme social. En revanche, elles peuvent concerner le logement saisonnier, qui est considéré comme du logement social s’il s’agit de PLS, de PLAI ou de PLUS. Encore faut-il trouver des terrains libres appartenant à l’État ou à des établissements publics.

M. Joël Giraud. Et un aménageur !

M. le président de la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier (CNAUF). J’ai demandé que les listes soient publiques. Je précise à l’attention de M. Lionel Tardy que celle des terrains vendus est annexée au rapport, et le sera chaque année, et que celle des terrains prioritaires est consultable sur les sites des Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL).

Ce dispositif peut-il favoriser la mixité sociale ? Cette préoccupation est présente à notre esprit. Nous discutons le contenu du programme, et de cette discussion dépend la décote ; c’est un élément qui n’est pas négligeable pour les élus locaux. La loi permet à l’État de solliciter, en l’absence d’appétit des collectivités locales, d’autres outils publics pour l’édification de logements sociaux. Du reste, certains d’entre vous m’ont demandé qui achetait les terrains ; il s’agit souvent d’établissements publics fonciers, de sociétés publiques locales, de sociétés d’économie mixte ou d’aménageurs publics. Ainsi, en
Provence-Alpes-Côte d’Azur, des cessions importantes interviendront dans les prochains mois. Elles permettront de construire plusieurs centaines de logements sociaux dans des territoires qui en sont totalement dépourvus. À cet égard – et le législateur pourrait intervenir utilement en la matière –, il me semble que la question des recours abusifs n’a pas été entièrement réglée : plusieurs dizaines d’opérations sont en suspens en raison de recours abusifs contre des permis de construire ou des cessions. Ainsi, certaines collectivités locales sont prêtes à acheter des terrains appartenant à l’État ou à RFF, mais elles ne signeront qu’à l’expiration des délais de recours ; c’est notamment le cas à Villefranche-sur-Mer. La loi pourrait être, me semble-t-il, plus sévère à l’égard de ceux qui, par égoïsme – associations et investisseurs privés – refusent le logement social.

La création d’une délégation interministérielle au logement, évoquée par Mme Frédérique Massat, permettrait de développer l’approche transversale de l’urbanisme, du foncier et du logement que M. Michel Piron a appelée de ses vœux. C’est une des propositions les plus pertinentes du rapport de Mme Audrey Linkenheld et M. Jean-Marie Tetart. Il est en effet sans doute nécessaire, ne serait-ce que pour remédier aux injonctions contradictoires que j’évoquais tout à l’heure ou à la segmentation des textes, qu’une autorité s’exerce sur les services centraux des différents ministères concernés par les questions d’urbanisme, y compris parfois le ministère du budget. Si une telle proposition était reprise, je crois qu’elle serait un facteur de progrès.

Enfin, soyons pragmatiques ! Je ne peux être saisi que par les préfets de région ou par les ministres, mais je ne m’interdis pas de répondre aux courriers de parlementaires ou d’élus locaux qui s’étonneraient de certains blocages. Je n’hésiterais pas à me déplacer, comme je l’ai fait à Montpellier, à Nantes et à Romainville – je me rends dans l’Isère, à La Tronche, la semaine prochaine –, où les cessions sont désormais signées. Une loi technique comme celle du 18 janvier 2013, qui comporte d’importants enjeux financiers, sociaux et humains, nécessite une implication particulière des élus, qu’il s’agisse de faire évoluer les textes ou de les faire appliquer.

En conclusion, je vous remercie de l’intérêt que vous portez à cette question et j’espère que vous serez aussi nombreux l’an prochain, car j’ai la conviction que le bilan de l’année 2015 sera substantiellement différent de celui de 2014.

M. le président François Brottes. Les services de l’État qui sont chargés de contrôler le respect du taux de 25 % de logements sociaux dans les communes ont une approche fine et pragmatique et ils tiennent compte, me semble-t-il, de la volonté politique manifestée par les élus. À ce propos, est-il arrivé que l’État fasse remarquer à un maire que celui-ci pourrait en faire davantage dans ce domaine, d’autant qu’il pourrait mettre des terrains à sa disposition ?

M. le président de la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier (CNAUF). Vous avez raison, monsieur le président. Le bilan triennal de l’application de l’article 55 de la loi SRU sera d’ailleurs bientôt dressé. Nous avons les moyens de permettre à certaines communes de rattraper le retard important qu’elles ont pris dans ce domaine. Dans un tel cas, l’opération peut comprendre une part de logements sociaux plus importante qu’ailleurs.

Je voudrais faire une dernière remarque, en réponse à une question de M. Daniel Goldberg, à propos des injonctions contradictoires. J’ai demandé aux services de l’État qu’ils calculent le coût de la non-vente d’un terrain. On s’est ainsi aperçu qu’à Rennes, par exemple, un ministère refusait de vendre un terrain au prix de 600 000 euros, alors que le coût du gardiennage est de 400 000 euros par an… J’ajoute qu’outre la création d’emplois, la vente d’un terrain de l’État génère des recettes de TVA, de foncier bâti et de taxe d’habitation. À un moment où les collectivités locales ne voient pas leurs dotations progresser, la construction de logements reste un apport dynamique.

——fpfp——

Informations relatives à la commission

La commission des affaires économiques a nommé M. Germinal Peiro comme rapporteur pour avis sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (n° 2529).

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 28 janvier 2015 à 9 h 30

Présents. - M. Damien Abad, Mme Laurence Abeille, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, M. Philippe Kemel, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Denis Baupin, M. Christophe Borgel, M. Jean-Claude Bouchet, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Serge Letchimy, Mme Audrey Linkenheld, M. Kléber Mesquida, M. Germinal Peiro, Mme Josette Pons, M. Bernard Reynès, M. Frédéric Roig, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Clotilde Valter, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. - Mme Pascale Got, M. Paul Molac, M. Michel Piron