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Commission des affaires économiques

Mercredi 15 juillet 2015

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 74

Présidence de M. François Brottes, Président

– Audition, en application de l’article 13 de la Constitution, de M. Christian Dubreuil, dont la nomination en tant que directeur général de l’Office national des forêts (ONF) est envisagée par le Président de la République

– Vote sur la nomination

La commission des affaires économiques a auditionné, en application de l’article 13 de la Constitution, M. Christian Dubreuil, dont la nomination en tant que directeur général de l’Office national des forêts (ONF) est envisagée par le Président de la République.

M. le président François Brottes. Après le Sénat, nous procédons aujourd’hui à l’audition, en application de l’article 13 de la Constitution, de M. Christian Dubreuil dont la nomination en qualité de directeur général de l’Office national des forêts (ONF) est envisagée par le Président de la République.

La commission des affaires économiques doit rendre un avis préalable à une nomination envisagée par le Président de la République. Je le dis à l’impétrant, comme à ceux qui l’ont précédé, ce n’est pas une formalité. Sur les cinquante et une fonctions énumérées par la loi organique, treize doivent faire l’objet d’un avis de notre commission, ce qui la place au deuxième rang des commissions les plus sollicitées sur le fondement de l’article 13.

Conformément au dernier alinéa de celui-ci, « le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. » J’insiste sur la mention des suffrages exprimés…

M. Dubreuil va nous présenter son parcours et son projet pour l’Office. Alors qu’il n’est pas encore nommé, nombreux sont ceux qui s’expriment en son nom ou à son sujet dans la presse. Sa prise de fonctions est donc attendue. Peut-être avons-nous vécu une période intérimaire un peu longue. Dans un établissement public comptant plus de 9 000 salariés, cette attente prolongée n’est sans doute pas bénéfique.

Je rappelle quelques éléments de procédure : l’audition est publique. Le scrutin est secret ; il doit avoir lieu hors la présence de la personne auditionnée ; il ne peut donner lieu à délégation de vote ; il sera effectué par appel public ; des bulletins vous seront distribués à cet effet ; le dépouillement sera effectué par deux scrutateurs et aura lieu simultanément à l’Assemblée nationale et au Sénat, conformément à l’article 5 modifié de l’ordonnance du 17 novembre 1958 ; la commission des affaires économiques du Sénat ayant procédé ce matin à l’audition de M. Dubreuil, le dépouillement du scrutin aura lieu immédiatement après le vote. Il m’appartiendra ensuite de communiquer le résultat du vote à la présidence de l’Assemblée puis de vous en informer.

Christian Dubreuil n’est pas totalement étranger à l’activité agricole et forestière de ce pays. Quant à l’ONF, il est cher à nos cœurs parce qu’il est responsable d’un quart de la forêt dans ce pays ; il est surtout le plus gros opérateur de la filière forêt-bois. Né un peu avant la République, l’ONF se voit parfois réduite à son allure de vieille maison, à la gestion strictement patrimoniale, alors qu’il est soumis à des impératifs économiques majeurs : moins il y a d’argent public dans les caisses de l’Office, plus ce dernier est obligé de trouver par ses propres moyens une capacité à se développer, à conforter ses emplois et ses compétences, dans une relation toujours presque passionnelle avec les communes forestières. Le régime forestier concerne toute la forêt publique, qu’elle soit forêt domaniale ou forêt des collectivités territoriales. Nombreuses sont en effet les collectivités à être très impliquées mais, selon l’expression consacrée, ce n’est plus ce que c’était. Avant, la maire établissait son budget en fonction du bois vendu, qui représentait une source importante d’autofinancement. Aujourd’hui, le maire est content si les recettes sont là ; il n’est pas surpris si ce n’est pas le cas. Je caricature un peu…

Mme Laure de La Raudière. Il en va de même pour les acteurs privés.

M. le président François Brottes. Les petits acteurs privés, qui sont au nombre de 4 millions environ, n’ont pas d’approche économique du sujet. En revanche, cela est vrai pour les propriétaires plus importants.

Les acteurs de la forêt cultivée et jardinée qui se trouve plutôt à l’ouest ont toujours considéré que celle-ci ne relevait pas du régime forestier, ce qui est une erreur. On dit bien « relever » depuis un amendement que j’avais déposé en tant que rapporteur de la loi d’orientation sur la forêt, et qui a substitué ce terme à celui d’« être soumis » – la soumission n’est pas la plus attractive des formulations. Je constate que l’abus de langage demeure, les habitudes étant tenaces.

Le contrat d’objectifs et de performance entre l’État et l’ONF pour la période 2016-2020 constitue le gros morceau de la nouvelle direction.

Rares sont les députés dont la circonscription ne compte pas une part significative d’espaces forestiers. On l’oublie trop souvent : beaucoup d’entre nous sont élus par des grandes villes mais, sans les territoires alentour, souvent forestiers, peu d’entre nous le seraient vraiment.

M. Christian Dubreuil. C’est un honneur pour un serviteur de l’État et des collectivités locales depuis trente-huit ans d’être devant vous. C’est aussi un honneur pour le citoyen que je suis, impliqué dans la vie de la cité à titre professionnel et associatif. C’est enfin un honneur personnel : ni mon grand-père analphabète ni mon père titulaire du certificat d’études n’auraient pu être présents devant vous sans l’école de la République à laquelle je rends hommage.

Depuis trente-huit ans, j’ai été amené à travailler dans les services déconcentrés de l’État, en cabinet ministériel, auprès de Louis Le Pensec, et en tant que directeur d’administration centrale au ministère de l’agriculture, avec Louis Le Pensec, Jean Glavany et François Patriat ; j’ai dirigé ou co-dirigé deux établissements publics administratifs, l’un de l’État – l’Agence du médicament –, l’autre d’une collectivité locale – l’agence des espaces verts de la région Île-de-France.

J’apporterai à l’Office national des forêts, premier établissement public industriel et commercial que je serai amené à diriger, si vous en décidez ainsi, l’expérience de toute ma vie. Je suis un homme d’action et de décision. Comme l’a dit Al Gore, la volonté est une ressource renouvelable !

Je suis, depuis cinq ans, gestionnaire des forêts de la région Ile-de-France. Mais, avec l’ONF, l’échelle est tout autre. J’aborde donc cette tâche avec humilité.

L’Office est une belle maison, construite, vous l’avez rappelé, par des générations de forestiers, dont mes prédécesseurs auxquels je rends hommage, et par l’État. Il s’appuie sur des valeurs fortes et des personnels engagés qui gèrent de manière durable et multifonctionnelle les forêts publiques. Son prestige est immense, surtout au-delà de nos frontières, ce qui est une caractéristique bien française.

L’Office est le premier gestionnaire d’espaces naturels en France, plus de dix millions d’hectares en métropole et en outre-mer. Ses forêts accueillent 500 millions de visiteurs par an. Il met sur le marché 40 % du bois vendu en France au sein d’une filière forêt-bois qui emploie plus de 400 000 personnes, réalise un chiffre d’affaires de 60 milliards d’euros et représente 3 % du PIB.

Je me félicite de l’intention affichée du Gouvernement et du Parlement de maintenir pour les années à venir les règles fondamentales qui ont présidé à la création de l’Office : un régime forestier, un gestionnaire unique de la forêt publique, un établissement public industriel et commercial – chacun des quatre termes est important –, un établissement public dérogatoire dans lequel la présence de fonctionnaires est prévue, une forte présence sur tout le territoire à laquelle vous tenez beaucoup, grâce à un maillage de proximité qui doit absolument être préservé.

Vos rapports – notamment celui du président actuel de l’établissement, Jean-Yves Caullet – et la loi d’avenir sur la forêt confortent le rôle de l’institution dans les politiques publiques forestières. Le contrat d’objectifs et de performance que doivent signer cet automne l’Office, l’État et la Fédération nationale des communes forestières pour 2016-2020 ainsi que le projet de loi de finances pour 2016 que vous allez examiner, vont dans ce sens également.

Mais cette maison, vieille de cinq cents ans, doit se remettre en mouvement après les crispations internes, les réactions conservatrices et les difficultés de dialogue avec la filière ou les communes forestières qu’elle a connues. Elle doit donc évoluer pour répondre aux enjeux que vous avez identifiés dans une économie ouverte. Je veux libérer les énergies, favoriser l’innovation ainsi que la recherche forestière appliquée et donner la parole aux agents.

Notre cher et vieux pays est plutôt un pays de paysans, ce qui est tout à fait honorable, qu’un pays de forestiers ou de marins. La forêt n’est pas assez connue et reconnue, vous l’avez dit, pour son rôle économique, social et environnemental. L’Office doit donc renforcer ses liens avec nos concitoyens dans une société qui n’accepte plus comme par le passé le primat de l’expertise technique ou le respect dû aux agents de l’État, fussent-ils revêtus d’un uniforme. Il faut donc qu’il contribue à l’éducation à l’environnement des jeunes générations et explique la politique qu’il mène, en particulier en zone périurbaine, comme je l’ai constaté en Île-de-France.

L’Office doit participer au grand débat, international et national, qui se tient autour de la réunion de la COP21 que la France a la chance d’accueillir. Cette réunion et l’accord qui devrait en sortir souligneront la place fondamentale qu’occupe la forêt dans la lutte contre le réchauffement climatique. Notre pays, dont la surface est couverte de forêts à 31 % en métropole et presque intégralement en Guyane, peut donc parler haut et fort. Ce sera une occasion unique de rappeler le rôle de la forêt dans le stockage du carbone, dans le maintien de la qualité des eaux, dans la protection de la biodiversité et dans la production de biomasse renouvelable, afin de trouver des modes de vie viables dans notre civilisation devenue urbaine.

Le gestionnaire que je suis aimerait bien sûr que tous les services rendus par la forêt à la société, après avoir été reconnus et évalués, soient rémunérés. Nous n’en sommes pas là, mais il est indispensable que l’Union européenne travaille concrètement à la rémunération de ce que l’on appelle les « aménités positives » de la forêt pour ses trois fonctions – économique, sociale et environnementale.

En effet, si ces fonctions ne sont pas équilibrées et financées, la fonction marchande prendra le pas sur les autres. À court terme, la possibilité de mobilisation du fonds chaleur du ministère de l’écologie par l’Office en 2016 serait une première étape utile. Dans cette perspective, l’établissement doit renforcer sa collaboration avec le Conservatoire du littoral et l’Agence française pour la biodiversité qui doit être créée.

La fonction de production de la ressource bois est évidemment fondamentale puisque toute une filière industrielle en dépend. J’inscrirai mon action dans le cadre du contrat de filière bois, signé le 16 décembre 2014, qui fixe à tous les acteurs, dont l’Office, des objectifs de participation à la consolidation et au développement d’une industrie qui transforme une même ressource, renouvelable et recyclable.

Puisque les forêts publiques représentent 25 % de la surface forestière mais apportent 34 % de la récolte de bois, on peut dire qu’à ce stade, l’Office joue pleinement son rôle de producteur. Toutefois, familier depuis dix-huit ans du haut niveau d’organisation et d’intégration de la filière agricole et agroalimentaire française, je considère qu’il faut, au sein de la filière forêt-bois, surmonter les divisions, coopérer et probablement aller vers une seule interprofession de l’amont à l’aval, du plan national au plan régional. En tant que membre de Francîlbois au titre de l’agence régionale que je dirige depuis cinq ans et de France Bois Forêt au titre de l’Office, je m’engage à y contribuer car je sais l’importance de la coopération entre les entreprises et les institutions pour avancer.

L’ONF produit en 2015, et doit produire entre 2016 et 2020, un volume de bois fixé par le contrat d’objectifs et de performance à un niveau soutenu mais réaliste. Je constate que le chiffre d’affaires bois de l’Office a été divisé par deux entre la fin des années 1970 et aujourd’hui et qu’il n’a jamais retrouvé le niveau observé avant les tempêtes Lothar et Martin. La situation de l’établissement est donc plus fragile que par le passé. Si le cours du bois sur pied s’améliore depuis quelques années, il cède cette ressource rare à un prix lui aussi divisé par deux depuis les années 1970. Dans sa relation avec les industriels de l’aval, il doit développer la contractualisation, produire du bois façonné et développer les contrats d’approvisionnement. Il faut, bien sûr, se préoccuper des industriels qui traitent le chêne dont la situation est rendue très difficile par la rareté de la ressource et l’envolée des prix. Pour être viable, l’Office doit capter une part plus importante de la valeur ajoutée de la filière. J’envisage, en sus de la certification PEFC – programme européen des forêts certifiées –, d’expérimenter la certification de certaines forêts domaniales avec le label FSC – Forest Stewardship Council –, comme je l’ai fait à l’agence régionale que je dirige. Cette certification, souhaitée par les industriels, permettrait de mieux valoriser le bois et mobiliserait les personnels de l’établissement, qui démontreraient une fois de plus la qualité de leur gestion.

Je souhaite insister sur la relation de l’Office avec les communes forestières et sur son rôle de gestionnaire des forêts de collectivités. Le fait que la Fédération nationale des communes forestières ait signé le contrat d’objectifs et de performance 2012-2016 et s’apprête, je l’espère, à en faire de même pour le contrat 2016-2020 est une bonne chose.

Les communes forestières apportent une contribution financière significative à l’Office. Je regrette la crispation entre l’État et les collectivités dans le débat financier de 2014. Il faut désormais surmonter cette tension et s’accorder sur le contrat pour les cinq années à venir.

Le rapport de la mission interministérielle sur le coût du régime forestier, notamment dans les forêts des collectivités, rend le débat plus objectif. Mettons en œuvre ces principales recommandations et nous agirons ainsi dans le bon sens.

Pour que l’Office rende, à financement constant par l’État, le service attendu par les collectivités territoriales, il faut augmenter la surface de forêts couverte par des plans d’aménagement, inciter au regroupement des forêts des collectivités, envisager des programmes triennaux de coupe et de travaux, s’assurer de l’application du régime forestier sur toutes les surfaces qui en relèvent, et rationaliser la répartition entre forêts domaniales et forêts des collectivités en procédant à des cessions, acquisitions et échanges, comme je l’ai entrepris en Ile-de-France.

Je souhaite que vous puissiez user de votre influence, qui est grande, à Paris et sur le terrain, pour que l’Office, les communes, les départements et les régions retrouvent un haut degré de coopération. Cela permettrait à l’établissement de consolider son maillage territorial, fort de 300 unités territoriales que je m’engage à conserver sur la durée du contrat, et de réaliser les travaux que vous souhaitez dans des conditions économiques soutenables pour lui. Je suis conscient que les communes ne peuvent guère contribuer davantage au financement de l’Office compte tenu de leur contribution au redressement des comptes publics. Mais, parallèlement, l’établissement public doit pratiquer la vérité des prix et ne peut pas exercer son activité dans des conditions déficitaires.

L’État, heureusement, s’engage à stabiliser le montant du versement compensatoire et à poursuivre le financement intégral des missions d’intérêt général. L’Office a acquis une grande expertise dans ces missions, au profit de tous ; la restauration des terrains en montagne, la protection des forêts contre l’incendie, notamment en zone méditerranéenne, le maintien des dunes littorales, la défense de la biodiversité, l’action outre-mer sont fondamentales.

Nous savons que le changement climatique va augmenter les risques. Il faut s’y préparer, par exemple en prévoyant le renouvellement des peuplements forestiers en montagne. S’agissant de la rénovation des terrains en montagne, l’Office apporte aux préfets son expertise ainsi que sa maîtrise d’œuvre, et réalise les travaux décidés localement. Les objectifs fixés au plan national par l’État, à moyens constants – 105 postes – sont difficiles à concilier avec les attentes locales. Il faut poursuivre l’investissement dans ce domaine. Quant à la protection de la forêt méditerranéenne, nous ne devons pas baisser la garde en matière de prévention et de réparation car les succès d’aujourd’hui ne nous prémunissent pas tout à fait contre les grands feux de demain.

Je terminerai en soulignant que l’Office s’est déjà beaucoup réformé pour atteindre ses objectifs de politique publique. Il a connu treize ans de baisse continue de ses effectifs, ceux-ci passant de 12 000 à 9 000 entre 2002 et 2015, soit une diminution de 23 %, sans abandon des missions mais en restructurant son réseau. Il doit poursuivre de vigoureux efforts de réforme pour accroître ses recettes, rendre bénéficiaires les activités concurrentielles, réduire ses coûts, céder les actifs non stratégiques pour l’État et maintenir un haut niveau d’investissement en forêt publique, en particulier en forêt domaniale et réduire son endettement.

L’ONF peut le faire, j’en suis persuadé, avec un contrat d’objectifs et de performance 2016-2020 réaliste dont l’exécution est garantie par les trois signataires. Parallèlement à la stabilisation de ses effectifs – une novation –, il doit développer l’emploi de droit privé avec l’embauche de jeunes en contrat aidé pour modifier la pyramide des âges qui est, à mes yeux, l’un des principaux problèmes de l’Office. La majorité des agents, et c’est encore plus vrai des ouvriers, a plus de cinquante-cinq ans. Ce n’est pas un défaut, je le dis en connaissance de cause, mais il faut prévoir le renouvellement des générations et embaucher des jeunes.

L’Office doit développer une culture de gestion, en sus de sa culture technique, améliorer le dialogue social et mobiliser les agents autour du projet d’établissement que je souhaite conclure en mars 2016, après six mois de concertation et l’adoption du contrat d’objectifs et de performance.

Voilà mon analyse des principaux enjeux, ainsi que quelques perspectives susceptibles d’inspirer le mandat que vous voudrez bien, ou non, me confier.

Mme Marie-Hélène Fabre. Je m’exprime au nom de la Fédération nationale des communes forestières. Ces dernières sont très inquiètes après la rupture du contrat de plan 2012-2016 un an avant son terme. Elles redoutent d’être appelées à financer un certain nombre d’interventions de l’ONF alors que leur contribution est déjà importante. Parallèlement, elles se plaignent du manque d’agents de l’ONF sur le territoire pour assurer tant des missions de conseil qu’une présence dans les forêts.

Envisagez-vous de transférer la gestion des forêts aux communes ? Quelle devra être la part des collectivités dans le financement de la gestion de leur patrimoine forestier ? Quel doit être selon vous le périmètre de l’ONF, alors que la filière bois périclite dans un pays dont la forêt est l’une des premières d’Europe ?

Mme Laure de La Raudière. Je vous remercie, monsieur Dubreuil, pour votre présentation.

Vous avez longuement évoqué les relations et le dialogue avec les communes forestières. L’ONF joue un rôle vis-à-vis de l’ensemble de la filière puisqu’il gère 25 % des surfaces et 34 % de la production. Comment concevez-vous les relations de l’Office avec les acteurs de la forêt privée ? Vous avez dit vouloir une reconnaissance des aménités positives de la forêt : il me paraît important d’y associer l’ensemble des acteurs qui exploitent la forêt.

Les difficultés sociales au sein de l’établissement sont régulièrement soulignées ce qui ne manque pas de me surprendre. Je peine à comprendre comment ces tensions peuvent survenir alors que le travail au sein de l’ONF, parce qu’elles sont exercées plein air et dans une proximité avec la nature, paraît très équilibrant. Comment analysez-vous ces tensions sociales et quelles pistes envisagez-vous pour les apaiser ? Comment faire admettre, parmi les objectifs de l’Office, une plus grande productivité et rentabilité, qui sont aujourd’hui les exigences de l’État ?

Vous avez indiqué votre volonté de libérer les énergies et de favoriser l’innovation. Ce message que vous adressez à l’ONF vaut aussi pour notre pays. Avez-vous quelques idées concrètes en la matière ?

Enfin, la contractualisation n’est pas dans les habitudes de la filière forestière alors qu’elle est un moyen de limiter l’exportation de chêne, qui est à l’origine de la rareté de la ressource. Comment imaginez-vous mettre en place cette contractualisation ?

M. le président François Brottes. La filière y vient, notamment par les contrats pluriannuels de vente.

Mme Frédérique Massat. S’agissant des services départementaux de restauration des terrains en montagne (RTM), qui sont indispensables, notamment pour les petites communes, avez-vous des propositions à faire compte tenu des problèmes de personnel rencontrés ?

Les agents de l’ONF sont, de fait, confrontés à un malaise social. La situation est-elle en voie d’apaisement ? Quelles sont vos propositions pour y remédier ?

Quelles seront vos actions concrètes de restructuration des filiales de l’ONF, et vos priorités en matière de recherche et développement ?

Enfin, s’il est important d’avoir une vision européenne de la forêt, pourquoi ne pas en avoir aussi une vision mondiale ? Quelle peut être votre contribution à ce débat, qui s’ouvrira au travers de la COP21 et fait partie d’un des enjeux majeurs du changement climatique ?

M. François Pupponi. Que pensez-vous de la filière biomasse ? A-t-elle vraiment un avenir et, si oui, quelles seraient les conditions pour qu’elle se développe réellement ?

M. Christophe Premat. Le contrat d’objectifs et de performance 2012-2016 de l’ONF met l’accent sur la performance environnementale, la responsabilité sociale et l’efficacité économique. Si l’ONF a subi un certain nombre de restructurations, l’énergie consacrée au respect de ces objectifs n’a-t-elle pas contribué à masquer les priorités principales, notamment la protection de la biodiversité ?

Qu’en est-il des coopérations internationales de l’Office ? Comment concevez-vous cet aspect ?

Mme Marie-Lou Marcel. Comment envisagez-vous de renforcer les liens de l’ONF avec les territoires, ainsi que son action de préservation de l’environnement en associant les jeunes générations ?

Alors qu’un rapport de la Cour des comptes évoque les problèmes de gestion de l’Office entre 2009 et 2012 – notamment un doublement de l’endettement, une augmentation des emprunts, une maîtrise de la masse salariale non assurée et des effectifs qui ne sont plus en concordance avec celle-ci –, quelles seraient vos actions en matière de désendettement ?

Enfin, quelle politique de ressources humaines comptez-vous mettre en place ?

M. Christian Dubreuil. Les communes ont des exigences légitimes, et il est certain qu’elles ne peuvent guère contribuer davantage financièrement. Le contrat d’objectifs et de performance actuellement en discussion en tient compte, ce qui veut dire que, si l’État stabilise ses interventions et que les communes accroissent très légèrement les leurs, il faudra que l’Office trouve en lui-même les moyens de son développement.

Il faut aussi conserver le maillage territorial : je fais partie de ceux qui pensent que les meilleurs doivent être sur le terrain et que les sièges et les fonctions support peuvent faire l’objet d’économies. J’essaierai donc de faire en sorte qu’il en soit ainsi. La stabilisation des effectifs de l’Office permettra de maintenir, voire de conforter, sa présence sur le terrain.

L’Office est en amont de la filière forêt-bois, qui est très insuffisamment organisée. S’il a un rôle éminent, il ne la structure pas de l’amont à l’aval. Il faut, bien sûr, développer des coopérations : par exemple, dans la forêt privée, il convient d’augmenter la production de ressources en bois, car il y a un hiatus entre la forêt domaniale, qui est la plus productive, la forêt communale, qui l’est un peu moins, et la forêt privée qui, pour des raisons patrimoniales rappelées par le président Brottes, peine à produire. Il y a des instances de coopération, notamment avec les centres régionaux et nationaux de la production forestière. Comme je vous l’ai dit, je suis un homme de coopération.

S’agissant des difficultés sociales, il faut bien considérer que, pendant longtemps, le rôle régalien et technique des personnels de l’Office a été incontesté. Son modèle économique et social était alors simple : le bois payait l’essentiel et l’État apportait le reste. Or l’évolution depuis une douzaine d’années a été très difficile sur le plan des mentalités, du fait d’une moindre reconnaissance du rôle des personnels et de la baisse spectaculaire des effectifs. Certains avaient l’impression que le seul objectif était de supprimer leur poste ! Au-delà du contrat d’objectifs et de performance, qui est plus réaliste que le précédent, le projet d’établissement pourra mobiliser les organisations syndicales mais aussi tous les agents de terrain, en stabilisant l’organisation. À la suite de l’audit socio-organisationnel qui a fait suite aux drames que vous avez rappelés, une nouvelle organisation de l’agence a été mise en place il y a un an : je n’ai pas l’intention d’y toucher, sauf marginalement, afin d’apaiser le climat social.

Il serait souhaitable que cette stabilisation des effectifs passe par des recrutements sous contrat de droit privé et d’emplois aidés. Cet établissement de 9 000 personnes, qui a un maillage territorial extraordinaire, recourt en effet à 218 emplois aidés, apprentis ou emplois d’avenir, ce qui est dérisoire.

La restauration des terrains en montagne est une action très importante : les risques vont augmenter et il faut investir dans ce domaine. Les peuplements vieillissent, ce qui peut provoquer des « dents d’érosion », qui iraient à l’encontre de tout ce que l’on a fait. Le financement est ciblé : l’État a choisi de dire que, pour cette restauration, seraient consacrés tel nombre d’agents et tel montant. Il faut obtenir de la puissance publique que ces missions d’intérêt général s’amplifient proportionnellement aux risques. Le fait qu’on ait réduit le nombre de postes affectés au soutien des communes a mathématiquement produit ce que vous avez dit.

Sur les filiales et les activités concurrentielles, je rappelle que celles-ci ne doivent pas être déficitaires, mais bénéficiaires. Je souhaite donc conduire un travail pour qu’il en soit ainsi à court terme. Mais il n’y a pas lieu de se priver de ces activités, car le chiffre d’affaires de ces filiales est très important dans l’équilibre financier de l’Office et nous apporte une expertise technique reconnue par tous. Pour nuancer ce que préconise la Cour des comptes, je préférerais donc qu’on me donne pour mandat de rendre bénéficiaires les filiales et les activités concurrentielles au cours du contrat d’objectifs et de performance, plutôt que de couper tout cela ab initio.

Il en est de même de l’expertise mondiale. Il y a des filiales d’ONF International, notamment en Amérique du Sud. L’expertise forestière française est mondialement reconnue. Alors que nous hébergerons la COP21 en décembre, ce n’est pas le moment d’arrêter ces activités, même s’il faut examiner si elles se font dans des conditions économiques normales.

Monsieur Pupponi, il y a effectivement plusieurs usages du bois. On a souvent pensé en France au bois d’industrie et au bois d’œuvre. Maintenant, il y a la biomasse, le bois énergie, qui est à ses débuts et se développe par l’aval, c’est-à-dire par les usages des bénéficiaires. Il nous revient donc, en amont, de préparer la ressource en groupant les offres. Je suis persuadé que la forêt peut rendre tous ces services, dans la mesure où elle est un producteur considérable de biomasse.

Il est vrai que la performance économique a pu en partie primer sur les objectifs environnementaux et sociaux, notamment parce que les objectifs économiques ont été un peu surcalibrés, en particulier pour la forêt des collectivités. Je tiens beaucoup à ce que le contrat 2016-2020 repose sur les hypothèses économiques les plus robustes, afin qu’on soit sûr de le mener à bien.

Madame Marcel, je souhaite obtenir l’apport des jeunes générations, en accord avec le Président de la République, en stabilisant les effectifs, en développant l’emploi aidé et en rajeunissant la pyramide des âges.

Quant à l’endettement, le Premier ministre a clairement indiqué qu’il voulait le stabiliser puis le réduire. Tout le monde converge, dans le cadre du prochain contrat d’objectifs et de performance, vers l’objectif de ne pas dépasser 260 millions d’euros, soit un tiers de moins que le montant du contrat précédent.

Tout cela sert à ce que l’Office continue à investir dans la forêt publique. Il faudra maîtriser sa masse salariale, ce qui sera un exercice difficile. Je rappelle que si la pyramide des âges était équilibrée comme dans un établissement public classique, on économiserait 22 millions d’euros. Je pense donc qu’on peut restaurer durablement les comptes et mener une politique de ressources humaines et de développement social pertinente.

Il faudra à cet égard mettre en œuvre la cessation anticipée d’activité, pour permettre à des ouvriers âgés de quitter dans des conditions dignes le métier auquel ils ont consacré leur vie.

M. le président François Brottes. Avant de clore notre échange, je donne la parole à notre collègue Jean-Yves Caullet, président de l’Office national des forêts.

M. Jean-Yves Caullet. Je vous remercie, monsieur le président, de m’accueillir dans votre commission, et vous remercie également pour l’intérêt porté au pilotage de ce bel établissement public qu’est l’ONF. C’est un outil remarquable, mais qui ne doit pas s’endormir sur ses lauriers. Il doit continuer à progresser dans une forme de stabilité de ses moyens et de ses missions pour répondre aux défis à venir. Il s’agit d’un travail considérable : il nous faut parvenir à mobiliser pour cela l’ensemble des expériences et des compétences déjà présentes dans l’établissement. Avec 450 000 emplois dans la filière, l’enjeu économique est patent. La forêt française peut fournir du bois et la meilleure façon de lutter contre la surexploitation des forêts tropicales est d’exploiter rationnellement les forêts tempérées. C’est ce que fait l’Office, et que nous devons continuer à faire. Je rappelle que la forêt publique représente 40 % de l’approvisionnement de la filière. Les enjeux écologiques et sociaux sont également très présents.

*

Les résultats du scrutin auquel il a été procédé sont les suivants :

Nombre de votants

13

Bulletins blancs ou nuls

0

Suffrages exprimés

12

Pour

12

Contre

0

Abstention

1

La Commission a émis un avis favorable à la nomination de M. Christian Dubreuil en qualité de directeur général de l’Office national des forêts (ONF).

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 15 juillet 2015 à 14 heures

Présents. – Mme Delphine Batho, M. François Brottes, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Jean Grellier, M. Henri Jibrayel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Hervé Pellois, M. François Pupponi, Mme Catherine Troallic

Excusés. – M. Dino Cinieri, Mme Jeanine Dubié, M. Joël Giraud, Mme Annick Le Loch, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Dominique Potier, M. Bernard Reynès, M. Fabrice Verdier

Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Yves Caullet, M. Christophe Premat