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Commission des affaires économiques

Mardi 29 septembre 2015

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 78

Présidence de Mme Frédérique Massat, vice-présidente, de Mme Elisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères, et de Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes

– Audition, ouverte à la presse et conjointe avec la commission des affaires étrangères et la commission des affaires européennes, de M. Matthias Fekl, secrétaire d’État au Commerce extérieur, à la promotion du tourisme et aux Français de l’étranger.

La commission a procédé à l’audition, ouverte à la presse, conjointe avec la commission des affaires étrangères et la commission des affaires européennes, de M. Matthias Fekl, secrétaire d’État au Commerce extérieur, à la promotion du tourisme et aux Français de l’étranger.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Mes chers collègues, depuis le début de la négociation sur le Partenariat transatlantique, nos trois commissions se sont investies dans le suivi de ce processus dont les enjeux sont considérables. Sur le rapport de Seybah Dagoma, la commission des affaires étrangères avait adopté, en mai 2013, une résolution au moment de la définition du mandat de négociation de la Commission européenne, qui insistait sur les lignes rouges à ne pas dépasser et sur la nécessité de la transparence. Nous avons également auditionné régulièrement Matthias Fekl pour qu’il nous rende compte des négociations, dans cette optique de transparence qui doit en particulier concerner les parlements nationaux.

Depuis deux ans que dure cette négociation, on a le sentiment que les choses avancent peu. Certes, quelques pas ont été faits cet été, avec le vote par le Congrès américain de l’autorisation dite du Fast Track et avec l’adoption de la résolution du Parlement européen pour endosser les négociations.

Par ailleurs, votre action vigoureuse, M. le Ministre, a permis des avancées importantes sur la question très sensible du règlement des différends entre investisseurs et États, dite ISDS selon l’acronyme anglais. Avec votre proposition d’établir une cour permanente d’arbitrage, reprise par la Commission européenne, c’est un véritable changement de cadre qui est envisagé. En outre, un article de la proposition de la Commission dispose clairement que le droit de réglementer à des fins de politique publique est pleinement préservé et que les accords de protection des investissements ne doivent pas être interprétés comme des engagements des gouvernements de ne pas modifier leur cadre juridique, même si ces modifications ont des répercussions négatives sur les profits des investisseurs. Il reste à savoir si nous parviendrons à convaincre l’ensemble de nos partenaires, puis la partie américaine, de sa pertinence.

Car, s’agissant des négociations elles-mêmes, il semble que les offres des deux parties restent très éloignées, ce qui vous a tout récemment amené à vous interroger publiquement sur la poursuite des discussions. Quels ont été les résultats du 10ème round de négociations tenu en juillet à Bruxelles ?

De plus, nous avons constaté un recul des quelques mesures de transparence que nous avions obtenues, à savoir la transmission des procès-verbaux des négociations aux commissions compétentes. À la suite de fuites commises par des administrations nationales, cette transmission a été suspendue. On en arrive à une situation où le seul moyen de s’informer pour les parlements nationaux de l’Union, voire les gouvernements, serait d’aller consulter les documents à l’ambassade américaine locale, ce qui est évidemment inacceptable ! Allons-nous enfin pouvoir obtenir l’information exhaustive qui est la moindre des exigences sur une négociation si importante pour notre avenir ?

Naturellement, votre audition est aussi l’occasion de faire le point sur les enjeux de la 10ème conférence ministérielle de l’OMC qui se tiendra à Nairobi en décembre 2015. Vous nous direz comment la France aborde ces négociations qui sont un peu celles de la dernière chance pour le multilatéralisme commercial.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Je vous remercie aussi d’avoir répondu favorablement à l’invitation conjointe de nos commissions.

Les déclarations importantes que vous avez faites ce week-end dans la presse à propos du processus de négociations en cours avec les États-Unis mettent en cause fortement l’intérêt même de ces négociations et leur bon déroulement. Sur le fond, vous avez déploré le manque de réciprocité de ces négociations, estimant que les Américains n’avaient fait aucune offre sérieuse, ni pour l’accès aux marchés publics, ni pour l’accès aux marchés agricoles et agroalimentaires. Sur la forme, vous avez en vivement critiqué le manque de transparence et notamment le fait que les parlementaires, de ce côté de l’Atlantique, n’aient pas accès aux informations dans des conditions satisfaisantes.

Dans ce contexte je serai brève et m’en tiendrai à trois questions.

La première fait suite à la publication le 16 septembre des propositions de la Commission européenne sur le mécanisme de règlement des différends État-investisseur (ISDS). Les propositions que vous avez faites vous-même à ce sujet ont fortement contribué à faire avancer les choses. Les propositions de la Commission prévoient que les différends ne seront plus réglés par des tribunaux d’arbitrage privés, comme actuellement, mais dans le cadre d’un système juridictionnel bilatéral comportant un tribunal de première instance et un organe d’appel. Tous les deux seront composés de juges nommés par les États-Unis et l’Union européenne. Vous avez salué ces propositions, en vous réjouissant que la France et l’Allemagne aient réussi à ce propos à faire bouger les lignes, tout en soulignant qu’il y avait encore des points importants restant à préciser.

Ce système est conforme à la résolution adoptée le 8 juillet dernier par le Parlement européen. Néanmoins, je dois dire que je ne suis pas franchement convaincue. Le système proposé ressemble encore trop à une justice à deux vitesses, dont les États et les contribuables risquent de faire les frais. Quelles sont les véritables garanties que l’on peut espérer pour les droits humains et le respect des règles environnementales et sociales ?

Quelle est la position de la France sur ces propositions ? Quelles sont les chances de les voir acceptées par les Américains ?

Ma deuxième question concerne la transparence des négociations du traité transatlantique. La Commission européenne établit, après chaque round de négociation, un compte-rendu confidentiel transmis aux gouvernements des États-membres qui, à leur tour, le mettent à disposition de leur Parlement, dans des conditions très sécurisées. Or, ces comptes rendus et d’autres documents ont fuité en Allemagne cet été. D’après mes informations, la Commission aurait de ce fait décidé de suspendre la transmission de ces comptes rendus aux États-membres et de les remplacer par une consultation dans une salle de lecture sécurisée à Bruxelles, voire un simple briefing oral.

Monsieur le ministre, confirmez-vous ces informations et si oui, comment les Parlements nationaux, à commencer par l’Assemblée nationale, auront-ils désormais accès au contenu des négociations ?

Enfin, les négociations du cycle de Doha de l’OMC ont connu un nouvel échec cet été puisque les États n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un programme de travail s’agissant des dossiers encore non-réglés, en particulier l’agriculture. L’échéance de Nairobi en décembre pour conclure enfin des négociations débutées en 2001 vous semble-t-elle réaliste ?

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Je m’associe aux remarques et aux questions de mes collègues, mais je voudrais aborder quelques autres sujets en lien avec les compétences de la commission des affaires économiques, notamment les questions agricoles et le numérique.

Que pouvez-vous nous dire sur la protection des indications géographiques, qui suscite des inquiétudes ?

Le plan de soutien à l’élevage comporte un volet sur l’exportation ; où en est-on ? En Afrique du Sud, la levée de l’embargo a été obtenue sur la viande désossée, bravo ! Mais quelles sont les perspectives pour la viande non désossée ? Alors que vous venez d’y effectuer une visite, quelles sont les opportunités en Iran ? Concernant la Russie, où le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, va se rendre, que peut-on espérer s’agissant de l’embargo ?

Enfin, pouvez-vous nous détailler l’évolution des postes de l’excédent agro-alimentaire ?

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Je vous remercie d’avoir souhaité m’auditionner devant les trois commissions réunies. J’ai pour ma part toujours souhaité vous associer le plus étroitement possible à l’action du gouvernement dans ce domaine.

Concernant la préparation de la conférence de Nairobi, l’enjeu est important. C’est la conférence de la dernière chance, et il est essentiel de conclure enfin le cycle de Doha. Le point de vue de la France est que la négociation doit progresser sur l’ensemble des quatre piliers comme sur chaque sujet à l’intérieur de chaque pilier, sans compromis. L’Union européenne a fait des efforts importants qui doivent être pris en compte. Je pense en particulier aux réformes de la politique agricole commune depuis plusieurs années.

J’irai moi-même plusieurs jours à Nairobi avec des principes directeurs et la conviction que nous pouvons conclure ce cycle de façon cohérente. L’éclatement des discussions commerciales n’est pas une bonne chose.

Concernant le TTIP, le premier point que je souhaite évoquer concerne la question de la transparence. La première chose que j’ai faite lorsque j’ai été nommé à ce poste a consisté à demander la transparence des négociations et du mandat. Cela a créé un précédent et il faut que la transparence devienne la règle et non l’exception.

La décision du conseil de rendre public le mandat, par ailleurs disponible sur Internet, a été une première victoire, mais un véritable changement culturel est nécessaire.

Vous, députés, aviez accès aux comptes rendus de chaque session de négociation TTIP par procédure sécurisée, mais à la suite d’une « fuite », la Commission a suspendu la transmission de ces documents par voie électronique. Désormais, seule leur consultation en salle sécurisé par l’administration est possible. La France, avec les 27 autres États membres, a vivement protesté contre cette décision. La commissaire chargée du commerce a par conséquent annoncé que les comptes rendus de chaque session seraient traduits et rendus publics. Il reste à espérer qu’ils ne seront pas vidés de leur substance, ce qui serait inacceptable.

Concernant le comité de suivi des négociations, il est important qu’y soit associés aussi bien les parlementaires que la société civile.

Le deuxième point est la question du fameux ISDS, c’est-à-dire de la procédure d’arbitrage. C’est un sujet que j’ai d’abord évoqué presque seul. Les objections que l’on m’a faites alors étaient souvent sarcastiques. Mais il s’est passé beaucoup de choses depuis quelques années, avec notamment des attaques frontales de grandes entreprises contre des politiques publiques. Cela n’est pas acceptable.

Ainsi, une stratégie a été bâtie peu à peu, et nous avons finalement proposé la création d’une cour commerciale internationale. Cette proposition française, qui a d’abord reçu peu de soutien, a été adressée à la Commission européenne au mois de juillet, et a finalement été reprise dans ses grandes lignes.

Il manque cependant à la proposition européenne deux choses qui figuraient dans la proposition française :

– le principe de quarantaine, qui empêcherait un arbitre membre de la cour de devenir ou redevenir avocat avant un certain délai, ce afin d’éviter les conflits d’intérêt ;

– le principe d’une amende pour plaintes abusives qui viserait à dissuader une grande entreprise de contester de façon frivole une politique publique.

Toutefois, la proposition européenne va dans le bon sens. Il faut que cette cour soit mise en place dans des délais raisonnables.

Concernant le fond des négociations, la commission européenne a fait des propositions offensives, mais les États-Unis n’ont rien proposé de sérieux ou de volontariste. Il en va ainsi en matière de services, d’accès aux marchés publics et de transparence. Les choses ne sont pas acceptables en l’état. Les négociations ne sont pas actuellement à la hauteur de cet enjeu majeur.

Actuellement, deux scénarios sont possibles : l’enlisement ou une accélération qui pour l’instant n’a pas lieu. La France s’est exprimée clairement : les négociations n’ont de sens que si elles sont un levier permettant à l’Europe de mettre en avant son projet politique.

Concernant la diplomatie des terroirs, la question posée est celle de l’accès aux marchés. Des progrès ont été faits avec le Vietnam, l’Afrique du Sud, Singapour, et nous avons l’espoir d’en réaliser également avec la Chine. L’agriculture française est une agriculture d’exportation, ouverte au monde. Il faut bien comprendre que la fermeture des frontières serait particulièrement néfaste pour elle.

Je souhaite enfin dire un mot sur l’Iran. Ma visite à Téhéran a été la première visite d’un ministre français chargé du commerce extérieur dans ce pays depuis douze ans. Il s’agissait d’une délégation de plus de 130 entreprises. Nous avons eu de très bons échanges, toujours en présence des entreprises. Tous les secteurs ont été représentés.

Nous avons fait établir un tableau de la levée des sanctions. Celles-ci se répartissent en trois catégories :

– les sanctions de l’ONU ;

– celles de l’Union européenne ;

– enfin, les sanctions américaines avec effet extraterritorial.

Des échanges ont lieu avec les États-Unis afin d’obtenir des clarifications sur ce dernier point.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Nous vous remercions, Monsieur le Ministre, pour la précision de vos propos et pour votre fermeté, que j’approuve car c’est bien, à mon sens, la position à adopter dans ce type de négociations. Il conviendra de juger si le résultat final est conforme à nos intérêts.

J’ai accompagné le ministre des Affaires étrangères et du développement international en Iran le 28 juillet dernier. Les potentialités sont en effet immenses, par exemple dans le domaine des transports, mais la question des circuits de financements est majeure pour nos entreprises. Notre commission s’est d’ailleurs saisie de cette question de l’extraterritorialité, et je m’en suis entretenue avec l’actuelle ambassadrice des États-Unis à Paris, Mme Jane Hartley, tout comme avec son prédécesseur, M. Charles Rivkin, qui est aujourd’hui le secrétaire d’État adjoint aux affaires économiques et commerciales.

M. Jean-Pierre Dufau. Par vos propos forts clairs, vous avez répondu, monsieur le ministre, à l’essentiel de nos préoccupations.

Vous avez présenté les quatre axes majeurs qui guident l’action de la France pour cette rencontre de la « dernière chance »  à Nairobi. Je voudrais pour ma part insister sur celui du développement, car c’est un levier majeur pour mieux traiter de la question des migrations. Or le développement a été jusqu’à présent insuffisamment pris en compte dans les négociations commerciales, et nous payons le prix aujourd’hui de cette déconnexion entre le politique et l’économique.

Vous avez fait allusion au rôle de la France et de l’Allemagne dans les négociations du traité transatlantique. L’Allemagne partage-t-elle la position de fermeté de la France et faut-il en attendre un effet d’entraînement sur les positions de nos partenaires européens ?

Enfin, vous avez présenté les différentes hypothèses quant à l’issue de cette négociation. Aucune n’est privilégiée, mais aucune n’est exclue, également ?

Mme Michèle Bonneton. Le groupe écologiste considère que votre action va dans le bon sens, l’évolution récente répondant en effet aux critiques que nous avions formulées au printemps dernier sur les questions de transparence, de mécanismes de règlement des différends entre les Etats et les investisseurs  (ISDS), etc.

Quelle est l’acceptabilité par les États-Unis de la proposition relative aux mécanismes ISDS ? Je note à ce propos que si le mécanisme porte un nouveau nom, les entreprises conservent le monopole des plaintes. Ces nouvelles modalités de règlement des différends seront-t-elles étendues à l’accord signé avec le Canada ?

Pouvez-vous faire un point sur l’état de la prise en compte, dans la négociation, de la défense des PME, des normes environnementales et du changement climatique, des cas particuliers des marchés de l’énergie et des services publics, ainsi que des indications géographiques protégées, essentielles pour notre agriculture ?

Enfin, je m’interroge sur le fonctionnement futur du mécanisme de coopération réglementaire, qui me semble de nature à favoriser les entreprises susceptibles de mener des actions de lobbying, c’est-à-dire les plus importantes d’entre elles.

M. Dino Cinieri. Je souhaite appeler votre attention sur le cas d’une entreprise importante de ma circonscription, Cousin-SMS, en litige commercial depuis 2010 avec la Société nouvelle des phosphates du Togo (SNPT).

Cette entreprise d’État togolaise, qui refuse depuis 2009 de s’acquitter de son dû, a de surcroit assigné Cousin-SMS devant la justice togolaise en 2012 pour non-conformité des équipements livrés, ce que, preuves à l’appui, Cousin-SMS réfute absolument. Le jugement rendu par la chambre commerciale du tribunal de première instance, qui condamne très lourdement la société Cousin, me semble entaché d’un biais favorable à la SNPT, compte tenu du statut d’entreprise d’État de cette dernière. La société Cousin a bien évidemment fait appel. Dans le contexte économique actuel, ce jugement, s’il devait être exécuté, mettrait sérieusement en péril la pérennité même de cette entreprise qui emploie 50 personnes. Une intervention du Gouvernement et de notre représentation diplomatique au Togo me semble indispensable pour rétablir l’équilibre des parties.

Mme Isabelle Bruneau. Vous avez souvent rappelé la position de la France : favoriser les échanges économiques, oui, mais pas au prix de notre modèle économique, social, culturel, ni de la protection de notre patrimoine. C’est d’ailleurs le sens de l’Acte de Genève que vous avez signé avec le ministre de l’Agriculture, M. Stéphane Le Foll, le 20 mai dernier, qui étend le système international de protection et d’enregistrement des appellations d’origine contrôlée aux indications géographiques. Le rapport de Mme Virginie Rozière, députée européenne, propose même d’étendre cette protection aux produits artisanaux.

Or la position des États-Unis en matière de protection des marques commerciales me semble de nature à entrainer une forte diminution des prix, et donc de déstabiliser nos filières et produits de qualité. Quelle est à ce sujet la position de la commissaire européenne en charge des négociations ? Nos partenaires européens partagent-ils nos inquiétudes et nos orientations ? Les États-Unis maintiennent-ils leur opposition à la protection des indications géographiques agro-alimentaires ?

M. Thierry Mariani. Je veux saluer vos efforts en matière de transparence sur les négociations relatives au traité transatlantique. Mais qu’en sera-t-il lors de son adoption ? Pouvez-vous vous engager à ce que le Parlement français soit consulté et vote sur ce traité, majeur pour notre avenir ?

Je veux également saluer votre action pour développer le volontariat international en entreprises (VIE), vecteur remarquable d’intégration et d’appui pour nos entreprises. Nous en attendons d’ailleurs un VIE pour la Mongolie…

Mais, en matière de sanctions et de leur impact sur les produits agricoles, nous sommes à la remorque de ce que font les États-Unis. C’est le cas en Iran, on le voit bien avec la séquence de levée de ces dernières, qu’en est-il pour la Russie ? Car le résultat de ce « protectionnisme malgré eux » imposé à la Russie, c’est que l’on trouve aujourd’hui à Moscou du camembert et du roquefort fabriqués localement, certes de moins bonne qualité, en dépit de l’aide de techniciens français d’ailleurs. Si nous restons calés sur le calendrier américain pour la levée de ces sanctions, rien ne se passera avant les prochaines élections dans ce pays. Or ces sanctions sont à double tranchant, comme le montre l’exemple de l’embargo sur le porc. A-t-on chiffré le coût global de ces sanctions envers la Russie, qui pourtant n’ont pas d’effet sur la situation en Ukraine?

M. Jean-Louis Roumegas. L’Europe et les États-Unis ont une approche différente pour ce qui concerne les normes sanitaires et environnementales et nous avons vu, lors de l’adoption de la stratégie européenne sur les perturbateurs endocriniens par exemple, que l’approche américaine, moins exigeante, pouvait influencer négativement les choix européens par le biais des négociations en cours du traité transatlantique. Comment alors concilier la volonté d’harmoniser la réglementation, pour favoriser la fluidité des échanges, et le maintien d’un haut niveau de protection, qui est le choix des Européens, là où les Américains acceptent les OGM, le bœuf aux hormones ou les poulets chlorés ? Le droit du commerce ne risque-t-il pas de primer sur la volonté des États ?

M. Kader Arif. À mon tour de saluer votre action pour accroitre la transparence de ces négociations, mais, et je vous parle d’expérience, cela ne suffira pas si, en parallèle, les moyens donnés aux parlementaires ne sont pas renforcés. Lorsque j’étais porte-parole et coordinateur au Parlement européen, là où la direction de la concurrence disposait de 500 fonctionnaires de très haut niveau, j’avais mes deux assistants et deux autres personnes mises à disposition ! Il faut que nous parlementaires puissions peser, en amont, sur la définition du mandat et la participation aux négociations et, en aval, par un vote des Parlements nationaux, comme le fait le Congrès américain.

Sur le multilatéralisme, les États-Unis ont théorisé l’idée du « bol de nouilles » : la multiplication des accords bilatéraux fait multilatéralisme. Cette idée continue à progresser, au détriment des plus faibles. Quel est votre sentiment sur cette question ?

Quels sont les intérêts offensifs et défensifs de l’Europe et de la France ? Il me semble qu’ils sont souvent différents. La position que porte l’Union, c’est la résultante des forces en présence dans l’Union, et donc le résultat de « combats », dont nous ne sortons pas toujours vainqueurs. Je note ainsi que l’éducation ne fait pas partie des domaines exclus des négociations, et que les efforts pour défendre l’industrie française ne sont pas équivalents à ceux déployés pour défendre l’agriculture française.

Quid, enfin, de la future politique d’investissement de l’Union européenne, question que j’avais abordée dans un rapport qui avait fait grand bruit à l’époque ?

M. Jacques Myard. Je voudrais aborder plusieurs points dans nos relations avec les Etats-Unis notamment au regard de l’Iran.

En ce qui concerne l’extraterritorialité, le dollar ne fonde pas la compétence des juridictions américaines. J’avais interpellé le ministre des affaires étrangères sur la nécessité d’amener les États-Unis à l’arbitrage international.

Ensuite, concernant les États fédérés américains, sans traité ces derniers ne seront pas liés pas un quelconque accord commercial. Il faut donc qu’intervienne une autorisation du Sénat américain, à la majorité qualifiée des 2/3, pour que le Président puisse ratifier le traité. Dans ce cas, le Traité s’imposera aux États fédérés.

Enfin, sur la question de la transparence, je m’étonne que nos hauts fonctionnaires doivent aller à l’ambassade américaine pour consulter les documents de négociation. Pouvez-vous m’éclaircir sur ce point ?

Une fois le tribunal permanent institué, il appliquera le droit du traité, c’est un autre problème.

Autre question, s’agissant de l’exécution des décisions, un jugement d’exequatur sera-t-il nécessaire ou bien l’exécution du jugement sera-t-elle directe ? L’arbitrage n’est plus vraiment la solution aujourd’hui. Une fois la décision arbitrale obtenue, le risque est d’attendre des années son exécution.

Mme Delphine Batho. Je voulais moi aussi revenir sur l’ISDS, rebaptisé ICS. Beaucoup d’observateurs auxquels je m’associe considèrent qu’il ne s’agit que d’un changement de dénomination. En somme, on reste dans un système de contournement des juridictions nationales destiné à mieux attaquer nos législations nationales. Je souhaiterais préciser trois points :

– vous avez parlez de la proposition de la France d’une Cour publique de justice commerciale internationale. Ce ne sont pas les termes retenus par la Commission. Les juges ne seront pas publics selon elle ;

– concernant la procédure d’appel, aura-t-on un appel sur le fond ou sur la procédure ?

– enfin la proposition de la France sur le respect des garanties démocratiques, à savoir le droit, pour un État, d’adopter des législations et d’en changer, n’a pas été retenu par la Commission. Il s’agit là d’un point nécessitant éclaircissement.

J’aurais également souhaité vous interroger sur « l’exception numérique ». Comme vous le savez, l’avocat général de la CJUE vient de rendre un avis important sur la question du transfert automatique des données personnelles, qu’il apparente à une surveillance de masse, dangereuse pour la protection des libertés fondamentales des citoyens. Cette question touche également à la protection de la souveraineté de l’Europe. Je souhaiterais savoir quel regard vous portez sur cette procédure et son incidence sur les négociations en cours.

Enfin, vous avez évoqué, dans Sud-Ouest, la possibilité d’un arrêt des négociations comme étant une option possible. Je voulais vous interrogez sur cette déclaration qui est importante et qui est très bien accueillie. Est-ce qu’il s’agit d’un élément de pression ou bien est-ce que cela présage une décision imminente sur le terrain des négociations ?

M. Arnaud Leroy. Je rejoins Delphine Batho sur les conclusions et notamment sur le sujet du respect des décisions démocratiques des États.

Je souhaiterais apporter des précisions sur la question de la compétitivité énergétique. Les Américains sont assis sur des réserves de gaz et de pétrole non-conventionnel immense ; on estime ces dernières à 150 ans de consommation. À l’orée de la COP 21, il ne faudrait pas qu’au motif que les énergies sont moins chères aux États-Unis, l’on favorise des mouvements de délocalisation d’une partie de nos émissions de gaz à effet de serre et de certaines industries lourdes (activités électro- intensives, pétrochimie) sous prétexte que l’énergie coûte 40 % moins cher de l’autre côté de l’Atlantique.

En tant que député des Français à l’étranger, je m’associe à Thierry Mariani pour vous inviter à vous appuyer sur la communauté des entrepreneurs français à l’étranger. Il s’agit là d’un des éléments de sortie de crise.

M. Hervé Pellois. Merci monsieur le ministre pour votre transparence. Les défenseurs des traités mettent en avant leurs effets positifs sur la croissance. Au niveau agricole, l’accès au marché américain est souhaité par les européens mais difficile du fait des droits de douane élevés et des normes très divergentes.

Les américains qui ont perdu 700 000 emplois à cause des accords ALENA ; ont-ils envie de favoriser les échanges agroalimentaires ? Je m’interroge sur l’échec de ces négociations et leurs conséquences commerciales et diplomatiques.

M. Christophe Caresche. Je veux saluer votre engagement, monsieur le ministre. En quelques mois vous avez réussi à faire bouger les choses de manière significative à la fois sur la question de l’arbitrage et sur la transparence. Beaucoup de pays se sont ralliés à la position de la France et la commission a bougé. Ma question porte sur l’engagement des États-Unis sur d’autres négociations, notamment avec les pays du Pacifique : comment voyez-vous la conclusion éventuelle du partenariat transpacifique et ses répercussions en Europe ? Comment décryptez-vous les stratégies américaines parallèles avec le Pacifique et les Européens : n’y a-t-il pas des éléments d’explication de la position américaine ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je voulais faire part de mes craintes sur l’issue pratique du traité en faisant un parallèle avec les accords issus des conférences de Bâle. Les américains ne les respectent pas, alors que notre finance, notre banque sont ficelées par ces accords. Les conséquences sur les petites et moyennes entreprises se font ressentir. Les américains vont-ils laisser la liberté de circulation des produits ? Verra-t-on un jour plus d’Airbus que de Boeing aux États-Unis ? Est-ce que des policiers américains rouleront en Peugeot ? Ils négocient des deux côtés mais j’ai de vrais doutes.

Mme Pascale Got. Comment progressent les mesures de simplification pour aider nos entreprises à exporter ? Quels sont les freins à lever ? Comment vous y employez-vous ?

Comment aidez-vous les Caraïbes à se positionner sur le commerce extérieur ?

M. Michel Destot. On parle beaucoup des échanges transatlantiques, très importants mais la Chine, l’Afrique, l’Amérique latine méritent notre intérêt. Imagine-t-on avoir des échanges sur ces questions ?

Jean-Pierre Dufau évoquait l’intérêt des politiques de développement, en appui des politiques de commerce extérieur : c’est l’occasion d’aller au-delà des problèmes de financement. Quel « plus » pour le commerce extérieur avec l’adossement de l’Agence française de développement sur la Caisse des dépôts ?

Dernier point, vous avez parlé de l’Iran. Je peux vous citer le cas d’une entreprise de ma circonscription qui n’arrive pas à trouver une banque pour garantir les contrats en cours avec l’Iran ; de façon plus générale, il faudrait que nous ayons un agenda et une capacité de pouvoir suggérer à nos entreprises (notamment aux petites et moyennes industries et entreprises) les opportunités. Ne pourriez-vous pas être cet organisateur du rapport entre le terrain et le commerce extérieur ?

Mme Jeanine Dubié. Je formule un double merci au ministre pour l’éclairage apporté et le respect de la parole donnée. Je salue votre intervention dans le journal Sud-Ouest. Elle fait échos aux inquiétudes de nombreux citoyens qui nous sollicitent sur le terrain. On nous renvoie aussi l’image d’opacité de ces négociations. En tant qu’élus nationaux nous avons le devoir et le pouvoir d’informer nos compatriotes dans les négociations et votre interview y participe.

Ma première question concerne la nature du traité. Est-ce que vous pouvez nous dire quel sera le rôle de la représentation nationale si les négociations aboutissent à un texte commun ? Les Parlements nationaux seront-ils consultés ? Vous aviez évoqué la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne, a-t-elle tranché ? L’accord sera-t-il mixte ou non ?

Sur les appellations d’origine, dans quelle mesure les agriculteurs français auront-ils accès au marché américain ? Qu’a apporté le dixième round de négociation sur la protection des appellations d’origine et des indications géographiques protégées ?

À la suite de la proposition de la Commission de remplacement des mécanismes d’arbitrage privés, la question se pose de son application à l’accord avec le Canada. La négociation de celui-ci est terminée. Pourra-t-on la rouvrir pour y intégrer ce mécanisme ?

M. Jean-Pierre Le Roch. Le Gouvernement a annoncé le 22 juillet dernier vingt-quatre mesures d’urgence et de long terme pour les 200 000 éleveurs français. Les mesures structurelles visent à stimuler les exportations sur le marché communautaire et international afin de diversifier les revenus des éleveurs. Quelles sont-elles ? Quels sont les points de blocage et les perspectives ?

L’ouverture du marché iranien offrira des opportunités aux entreprises françaises ? Le calendrier de la levée des sanctions nationales américaines bloque les investissements étrangers. Pouvez-vous préciser l’état d’avancement des négociations avec les États-Unis ?

M. Matthias Fekl. Je vous remercie pour la qualité de cet échange.

Monsieur Dufau, je partage votre appréciation. Les négociations sont importantes à beaucoup de points de vue. Concernant le traité transatlantique, la France et l’Allemagne jouent ensemble un rôle important. Nous ne sommes pas d’accord sur chaque point, mais l’important est de l’être sur les principes. Si ce n’est pas le cas, il faut en parler. Concernant les différents scénarios indiqués, tous sont sur la table. Ce que j’ai dit hier l’a été en connaissance de cause.

Madame Bonneton, concernant l’acceptabilité du mécanisme de règlement des différends qui serait proposé par les États-Unis, je ne peux me prononcer car je ne connais pas encore leurs propositions. La proposition de l’Union européenne est en tout cas sérieuse, ce n’est pas une proposition de diversion.

Concernant l’accord avec le Canada, il y a eu des améliorations mais nous sommes toujours dans un mécanisme d’arbitrage privé. Le chapitre 33 doit changer de façon substantielle. C’est un problème de fond.

En ce qui concerne la coopération réglementaire, le principe d’une coopération technique ne nous pose pas de problème. Ce qui en poserait, ce serait d’une part d’être lié par cette coopération, d’autre part que le principe de réciprocité ne soit pas appliqué.

Monsieur Cinieri, l’entreprise dont vous nous avez parlé fait l’objet d’un suivi attentif de la part de notre poste. L’ambassade s’est adressée au plus haut niveau du gouvernement togolais.

Madame Bruneau, la diplomatie des terroirs, qui est une question essentielle, est active. Le Canada a reconnu 173 indications géographiques. Autre résultat récent de cette diplomatie, l’acte de Genève modifiant l’arrangement de Lisbonne reconnaît les indications géographiques, ce qui aura des conséquences concrètes. La Chine a également reconnu de nombreuses indications géographiques.

Monsieur Mariani, concernant la question d’un vote du parlement, la position de la France et de tous les États membres de l’Union européenne est qu’il s’agit d’un accord mixte, ce qui implique un vote du parlement de chaque État membre ainsi que du Parlement européen. Cette position est parfaitement claire. La Commission européenne n’a en revanche pas donné son avis à ce jour, mais ce serait un véritable coup d’État démocratique si les parlements n’étaient pas consultés sur un accord aussi important.

Pour ce qui est des sanctions contre l’Iran, les étapes de la levée sont connues.

En ce qui concerne la Russie, la position de la France et de l’Allemagne ne consiste pas à condamner la Russie en général, mais sur un point particulier. Les sanctions ont des conséquences connues. Les exportations françaises de produits sous embargo vers la Russie, c’est 220 millions d’euros, soit 33 % de nos exportations agricoles vers la Russie, notamment 80 % des exportations de viande et 41 % des exportations de produits laitiers. Au niveau macroéconomique, les exportations du secteur agro-alimentaire français vers la Russie comptent pour 0,64 % du total des exportations du secteur agro-alimentaire français depuis que les sanctions sont en place ; c’était 1,26 % avant qu’elles ne le soient.

Monsieur Roumegas, le débat relatif aux normes sanitaires et environnementales est crucial. Deux exemples illustrent la pleine mobilisation de la France sur ce sujet : d’une part, la mobilisation de notre diplomatie pour parvenir à un accord contraignant sur le climat dans le cadre de la COP21, d’autre part, le soutien que nous apportons à la négociation, menée par l’Union européenne, d’un accord visant à faciliter le commerce des biens concourant à la défense de l’environnement. Cela se traduirait par exemple, par la levée des barrières tarifaires appliquées aux énergies renouvelables.

Monsieur Arif, les députés ont effectivement besoin de moyens supplémentaires pour assurer efficacement leur mission de contrôle de l’action de l’exécutif. Les services administratifs de l’Assemblée nationale sont performants, mais hélas trop peu nombreux. Nous pourrions par exemple envisager la création d’un grand pôle d’évaluation des politiques publiques, en rapprochant du Parlement un certain nombre d’instances de réflexion.

Sur la question du multilatéralisme, la multiplication des accords bilatéraux pose en effet une réelle difficulté. Un récent rapport du Fonds monétaire international pointait à ce sujet les risques de fragmentation de l’espace commercial international.

Concernant les intérêts offensifs de la France, je rappelle que nos entreprises doivent accéder davantage aux marchés publics américains. La réciprocité en la matière n’est pas encore respectée dans la mesure où plus de 90 % des marchés publics européens sont ouverts à la concurrence internationale, alors que moins de la moitié des marchés publics américains le sont.

Par ailleurs, nous souhaitons négocier avec nos partenaires américains la suppression de doubles contrôles qui nuisent à la vitalité de nos petites et moyennes entreprises ainsi que la baisse de droits de douanes encore trop élevés.

Quant à nos intérêts défensifs, ils comprennent, entre autres, le respect du principe de diversité culturelle porté par la France, la défense de nos services publics, ainsi que la reconnaissance de nos indications géographiques.

Monsieur Myard, sur l’extraterritorialité il existe un problème de respect du droit international et de souveraineté. Or il n’existe pas de dispositifs pour y mettre un terme, il conviendrait d’entreprendre un travail au niveau multilatéral sur ce sujet.

S’agissant des engagements des entités fédérées, l’accord de libre-échange signé avec le Canada comprend des engagements forts de tous les échelons de l’administration publique canadienne. Nous souhaitons obtenir un niveau équivalent de garanties de la part des américains afin d’éviter les problèmes contentieux relatifs à l’application du traité au sein des États fédérés.

Concernant l’accès aux documents de négociation, ces derniers sont mis à la disposition des hauts-fonctionnaires français à l’ambassade des États-Unis à Paris. La démarche à suivre pour un membre du gouvernement est en théorie équivalente. Je n’ai jamais eu à procéder de la sorte, je vous relate seulement l’état du droit. J’ai fait part des difficultés que cela engendrait à nos homologues américains.

Madame Batho, la question de l’ISDS ne tient pas seulement à un simple changement d’appellation, cela recouvre aussi des avancées importantes. La proposition soumise par la Commission européenne comprend à cet égard de nombreux points défendus par la France, comme le droit pour les États de réguler et de faire respecter leur législation.

Les propos tenus hier dans mon entretien accordé au journal Sud-Ouest représentent la position officielle de la France. Si dans un avenir raisonnable les choses n’ont pas changé, les négociations prendront fin de façon naturelle.

En ce qui concerne les questions numériques, elles sont au programme de plusieurs négociations (le TTIP, le TISA) et l’Union européenne est engagée sur le sujet car il y a des intérêts offensifs évidents. Les règles sur le numérique en matière de commerce et de sécurité datent de 1994. À l’évidence ces règles ne sont plus adaptées à l’avancée des outils et des techniques.

Cependant, un nombre de questions doivent être exclues du cadre des négociations commerciales ; j’en cite deux : le régime des données personnelles et la fiscalité. Ces questions appellent des réponses, mais dans le cadre des organisations internationales appropriées.

Sur le reste, il faut bâtir une doctrine européenne que l’on pourra porter au niveau international, en défendant notamment des valeurs de diversité qui sont chères à la France. Le Gouvernement reste, bien entendu, attentif à ces questions.

Monsieur Leroy, je vous remercie pour votre analyse de fond, sur laquelle je vous rejoins. Sur les questions énergétiques, l’Union européenne souhaite l’introduction d’un chapitre sur l’énergie dans les négociations. L’objectif est de diversifier nos sources d’approvisionnement et de réduire notre dépendance énergétique. Les États-Unis aujourd’hui imposent des restrictions à l’exportation de leur production qu’il est nécessaire de lever. Nous souhaitons à la fois ces négociations là et le respect des choix énergétiques des uns et des autres.

Concernant les VIE, vous avez été entendu. Je travaille beaucoup avec ceux qui font vivre l’économie française à l’international ; nous avons 2,5 millions de Français à l’étranger : c’est une chance pour la mobilité internationale et le signe du rayonnement d’un pays.

Monsieur Pellois, sur les effets des accords de libre-échange sur la croissance et l’emploi, je considère qu’aujourd’hui il n’y a pas d’études fiables. On a besoin de plus d’études, plus de débats contradictoires, en y associant toutes les écoles de pensée économique. Là aussi, nous avons besoin d’expertises à tous les niveaux, national, européen et international.

Monsieur Caresche, vous avez raison de rappeler que les États-Unis sont engagés dans de nombreuses négociations commerciales. C’est d’ailleurs aussi le cas de l’Union européenne. Aujourd’hui les États-Unis veulent être au centre du commerce international en concluant d’abord le traité transpacifique avant le traité transatlantique. En ce qui nous concerne, nous ne souhaitons pas sacrifier le fond aux exigences du calendrier. Ce pivot est un des éléments clés qu’il faut avoir pour les négociations.

J’ajoute que la politique de la « chaise vide » n’a pas d’avenir, qu’elle ne constitue pas une ligne de conduite viable et qu’elle méconnaît complétement l’intérêt national.

Monsieur Taugourdeau, je vous rejoins sur la nécessité d’avoir accès aux marchés publics américains, c’est un point essentiel de la négociation.

Madame Got, merci pour vos propos. Il y a beaucoup de simplifications en cours sur les PME, depuis le forum des PME à l’international que j’ai organisé, au Quai d’Orsay, au mois de mars dernier. Depuis, il y en a dans toutes les régions et nous travaillons avec Business France, avec les chambres de commerce, la CGPME et d’autres organisations pour promouvoir ce sujet. Il faut, bien entendu, faciliter l’accès aux VIE pour les PME. Sur le volet du parcours à l’export, l’ensemble des acteurs du monde de l’export se sont mis d’accord afin que les PME sachent, à chaque stade de leur projet d’internationalisation, à qui s’adresser. Il y a enfin le guichet unique douanier, qui sera opérationnel à la fin de l’année, avec un engagement très fort de l’administration des douanes sur le sujet.

Concernant les Caraïbes, la France a salué l’accord de partenariat économique conclu entre l’Union européenne et les Caraïbes, et qui inclut l’Afrique de l’Ouest. Nous saluons également le paraphe du partenariat économique avec l’Afrique australe et de l’Est. C’est l’aboutissement de douze ans de négociations et il s’agit d’un nouveau cap dans la relation bilatérale entre l’Union européenne et ces régions. La France continuera de soutenir cette mise en œuvre, cela a été rappelé par le Président de la République lors du sommet de l’Élysée.

Monsieur Destot, je suis absolument d’accord, le commerce français ne concerne pas seulement les États-Unis. Le commerce extérieur se déploie sur d’autres continents. L’Union européenne d’ailleurs est au cœur de notre commerce, 2/3 de nos échanges sont intracommunautaires. Les problèmes de financement avec l’Iran sont une des clés pour la suite et là-dessus je partage entièrement votre propos.

Enfin, concernant le rapprochement entre la Caisse des dépôts et des consignations et de l’Agence française de développement, récemment annoncé par le Président de la République, l’objectif est effectivement d’augmenter les capacités financières, de renforcer l’aide au développement française en lien avec les entreprises et conformément aux règles mises en place par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Comme vous le savez, le principe d’aide liée a ainsi été abandonné depuis quelques années, ce qui n’interdit évidemment pas aux entreprises françaises disposant d’un réel savoir-faire d’être présentes sur le terrain dans le cadre d’opération d’aide au développement. Il convient donc de créer des synergies et M. Rémi Rioux, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères, est très engagé sur cette question, dont il est le préfigurateur, et bénéficie du plein soutien du Gouvernement pour exercer sa mission.

Concernant le lien avec le terrain à l’occasion des déplacements de membres du Gouvernement, toutes mes délégations sont ouvertes aux entreprises, y compris les petites et moyennes entreprises qui le souhaitent, via un système d’inscription sur internet systématique. Cette nouvelle méthodologie est favorable aux PME, qui éprouvent parfois plus de difficultés que les grands groupes à accéder à l’information. Évidemment, les délégations sont aussi ouvertes aux élus qui souhaitent m’accompagner dans le cadre de la diplomatie parlementaire.

En réponse à madame Dubié, j’aimerais insister à nouveau sur le rôle des parlements nationaux. La position de la France est très claire : il est évident que les parlements nationaux auront le dernier mot, toute autre solution étant impensable sur le plan des principes fondamentaux et de la démocratie. Cette position restera intangible jusqu’à la fin des négociations. Vous êtes impliqués sur l’ensemble des sujets du commerce extérieur et vos rapports montrent combien vous suivez cette question. Il me semble d’ailleurs qu’en tant que rapporteure budgétaire vous auditionnerez mon cabinet en fin de semaine. Ils sont sur des charbons ardents et c’est très bien ainsi !

Enfin, monsieur Le Roch, les succès remportés par la diplomatie des terroirs en matière d’exportations agricoles concernent essentiellement des levées d’embargo dans trois pays : le Vietnam, l’Afrique du sud, et Singapour. Bien évidemment, des progrès restent encore à faire et nous espérons d’ailleurs bientôt de bonnes nouvelles s’agissant de la Chine. Il est essentiel, en coopération avec nos ambassadeurs dans les pays concernés, de maintenir la pression. À ce sujet, M. Stéphane Le Foll et moi-même avons expliqué que la viande française disposait depuis mai dernier du meilleur statut de risque épidémiologique possible selon les critères de l’Organisation internationale de santé animale. Un vote unanime au sein de cette structure des Nations-Unies a décerné ce statut de « risque négligeable ». Il est impossible de faire mieux et nous pensons cohérent que ce vote se traduise par des levées d’embargo, d’une part, et des mesures d’accès aux marchés, d’autre part. A ce sujet, il est de notre responsabilité de mener un travail, très technique, afin d’obtenir les agréments de la part des organismes concernés. Par ailleurs, les différentes filières doivent travailler pour présenter à l’international des offres groupées et cohérentes. Ainsi, à la demande de M. Stéphane Le Foll, la plateforme « France viande export » est en cours de constitution afin de présenter l’offre française et de proposer des offres cohérentes et non dispersées. Les professionnels sont totalement mobilisés sur ce sujet et vous pouvez compter sur le ministre chargé de l’agriculture pour assurer le suivi nécessaire.

Je ne reviendrai pas sur la question des sanctions iraniennes, à laquelle j’ai déjà apporté des éléments de réponse.

J’espère avoir répondu à l’ensemble des interrogations formulées ce jour et vous assure de mon entière disponibilité pour répondre à vos questions à chaque fois que vous le souhaiterez.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Merci, monsieur le ministre, de votre disponibilité et de vos réponses précises.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 29 septembre 2015 à 18 heures

Présents. – Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Bies, Mme Michèle Bonneton, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, Mme Pascale Got, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Serge Letchimy, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Jean-Charles Taugourdeau

Excusés. – M. Damien Abad, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean-Michel Couve, M. Franck Gilard, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Antoine Herth, M. Thierry Lazaro, M. Philippe Armand Martin, M. Kléber Mesquida, M. Bernard Reynès

Assistaient également à la réunion. – M. Erwann Binet, Mme Catherine Coutelle, M. Yannick Moreau