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Commission des affaires économiques

Mercredi 13 janvier 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 38

Présidence Mme Frédérique Massat, Présidente

–  Audition, en application de l’article 13 de la Constitution, de M. Philippe Wahl, dont la nomination en tant que président du conseil d’administration de La Poste est envisagée par le Président de la République

En application de l’article 13 de la Constitution, la commission a auditionné M. Philippe Wahl, dont la nomination en tant que président du conseil d’administration de La Poste est envisagée par le Président de la République.

Mme la présidente Frédérique Massat. Mes chers collègues, la commission des affaires économiques doit rendre un avis préalable à une nomination envisagée par le Président de la République. Je vous signale que sur les quarante-sept personnalités listées par la loi organique, treize doivent faire l’objet d’un avis de notre commission, ce qui place la commission des affaires économiques au deuxième rang des commissions les plus sollicitées sur le fondement de l’article 13 de la Constitution. Je vous rappelle que, conformément au dernier aliéna de l’article 13 de la Constitution, le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l’Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

Nous auditionnons donc aujourd’hui M. Philippe Wahl, personnalité pressentie pour occuper les fonctions de président du conseil d’administration de La Poste. M. Wahl a déjà eu l’occasion de se présenter devant notre commission le 17 septembre 2013 pour une audition au titre de l’article 13 de la Constitution. À la suite du vote favorable des deux commissions compétentes, il avait alors été nommé à cette même fonction pour la durée restant à courir, c’est-à-dire jusqu’au renouvellement de la totalité du conseil d’administration de La Poste.

Voici quelques indications sur le déroulement de la procédure. L’audition est publique. Le scrutin est secret ; il doit avoir lieu hors de la présence de la personne auditionnée ; il ne peut donner lieu à délégation de vote ; il sera effectué par appel public et des bulletins vous seront distribués à cet effet. Le dépouillement du scrutin, effectué par deux scrutateurs, aura lieu simultanément à l’Assemblée nationale et au Sénat, conformément à l’article de 5 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, la commission des affaires économiques du Sénat devant procéder à l’audition de M. Wahl ce matin, à onze heures trente. Le dépouillement du scrutin aura donc lieu dans la foulée. Il m’appartiendra ensuite de communiquer le résultat du vote à la présidence de l’Assemblée nationale puis de vous en informer ultérieurement.

Avant de donner la parole à M. Philippe Wahl, je souhaiterais vous rappeler que le bureau de la commission a décidé qu'il n’y aurait pas d’orateur s’exprimant au nom des groupes lors d’une audition au titre de l’article 13 de la Constitution. Tous les parlementaires ici présents peuvent s’inscrire pour questionner M. Wahl pendant une durée maximale de deux minutes.

Permettez-moi aussi de tenir quelques propos introductifs. Tout d’abord, je salue la présence parmi nous de M. Michel Rigolet, le directeur du bureau de poste de l’Assemblée nationale, que je remercie pour le lourd travail effectué auprès des parlementaires. De même, je remercie tous les facteurs de France, des hommes et des femmes qui sont au contact de la population sur tous les territoires. La présence nombreuse des parlementaires ce matin prouve, s’il en était besoin, l’attachement des élus de la nation à La Poste, à ses métiers et aux personnes qui les exercent. La Poste compte 270 000 employés et son réseau s’étend sur l’ensemble du territoire.

Monsieur Wahl, c’est la septième fois que vous venez nous voir depuis 2012 et nous sommes très heureux de vous rencontrer à chaque fois. Comme nous vous connaissons un peu maintenant, vous pourrez passer directement à la présentation de votre stratégie, de vos objectifs et de vos projets concernant La Poste. Vos métiers ont d’ores et déjà beaucoup évolué et les changements vont certainement se poursuivre compte tenu de la baisse du volume du courrier et du développement d’autres usages liés à la transition numérique. Dans la salle voisine, la commission des lois est d’ailleurs en train d’examiner le projet de loi pour une République numérique.

Cette audition nous donne l’occasion de revenir sur la stratégie numérique que vous nous aviez présentée en octobre 2015, et de faire le point sur les nouvelles missions qui vous ont été attribuées, notamment deux d’entre elles : la création de maisons de services au public et la possibilité donnée à certains postiers de faire passer l’examen du code de la route.

Les maisons de services au public sont développées sur tout le territoire en liaison avec les services de l’État et les acteurs locaux. Avec Mme Sylvia Pinel, la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, vous avez présenté le 24 juin dernier le partenariat conclu entre La Poste et le ministère. Le but de cet important dispositif est de garantir à tous l’égalité d’accès aux services, d’amplifier les capacités de développement des territoires ruraux, d’assurer la mise en réseau des territoires.

La deuxième mission découle de la loi du 16 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui a créé un service universel du permis de conduire, suite à des amendements parlementaires. En vertu d’agréments en cours, les examinateurs supplémentaires pourraient être des postiers. Comment envisagez-vous la mise en œuvre de ce dispositif ?

Sans plus attendre, monsieur Wahl, je vous laisse la parole, non sans avoir rappelé l’attachement des parlementaires à La Poste, un acteur majeur de l’aménagement de notre territoire, dont nous voulons accompagner les évolutions nécessaires. La Poste assure une présence humaine et des services sur tous les territoires, qu’ils soient denses ou non, ce à quoi nous accordons une très grande importance.

M. Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je suis très honoré de présenter devant votre commission ma candidature à la présidence de La Poste. Je suis aussi très honoré, et les postières et postiers avec moi, de l’intérêt que vous manifestez par votre présence au développement et à l’avenir de notre grande entreprise qui en est à son sixième siècle de service public.

Avant de nous projeter dans l’avenir, je vais faire le point sur ce qui a été réalisé depuis septembre 2013, sachant que ma présentation personnelle est déjà faite : comme vous le disiez, madame la présidente, vous me connaissez un peu et, depuis deux ans et demi, je n’ai rien fait d’autre que de conduire La Poste dans sa transformation. Seul mon âge a changé : j’ai cinquante-neuf ans au lieu d’en avoir cinquante-sept.

En 2013, ma candidature et mon projet reposaient sur un diagnostic, une vision et des plans d’action. Je vais confronter chacun de ces éléments à la réalité des faits, à l’expérience qui s'est déroulée devant vous et entre nous depuis deux ans.

Commençons par le diagnostic qui est tout parce qu’il est à la source de l’action. Nous avions constaté la baisse très sensible du volume de courrier : elle était de 3 % par an avant 2008 et elle a atteint 5 % entre 2008 et 2011. En 2013, nous avions fait l’hypothèse d’une baisse de 6 %. Pour l’entreprise publique que nous sommes, cela signifie que chaque 1er janvier, à prix du timbre constant, nous perdons entre 600 et 700 millions d’euros de chiffres d’affaires. Aucune entreprise française n’est confrontée à un tel bouleversement économique. Ce diagnostic lucide, difficile mais indispensable, a été confirmé par les faits. En 2015, le volume du courrier aura reculé non pas de 6 % comme nous le prévoyions, mais de 6,5 %.

Ajoutons qu’entre 2004 et 2014, le phénomène a affecté les postes du monde entier, la baisse des volumes atteignant 60 % au Danemark, 50 % aux Pays-Bas, 30 % en France, et 20 % en Suisse, en Autriche et en Allemagne. Ce phénomène mondial est évidemment lié à la révolution numérique et au remplacement du courrier traditionnel par des messages numériques. Ce choc s’est accompagné d’autres vents contraires pour La Poste, notamment une baisse de la fréquentation des bureaux de poste, qui a atteint presque 6 % l’année dernière. En fait, La Poste subit une désaffection qui touche tous les commerces de centre-ville et tous les lieux de commerce physique. Un autre élément conjoncturel est très important pour notre entreprise, compte tenu de la place prise par La Banque Postale dans le fonctionnement du groupe : les taux d’intérêt sont au plus bas depuis soixante ans, ce qui n’est pas sans conséquence sur la seule banque « surliquide » du paysage bancaire français, c’est-à-dire dont les dépôts excèdent les montants de crédits. Lorsque je suis devenu président du directoire de La Banque Postale, en janvier 2011, ces excédents étaient replacés sur les marchés à un taux de 3,7 % ; au cours de l’année 2015, ils étaient rémunérés entre 0,7 % et 0,9 %. L’écart de revenus est absolument considérable.

Le diagnostic, qui décrivait donc une situation économique délicate et des vents contraires extrêmement forts, a été partagé avec la représentation nationale et le corps social. Nous y avons opposé une vision : cette entreprise a un savoir-faire et des responsabilités particulières. Son savoir-faire est sa capacité à offrir une proximité humaine au plus grand nombre. C’est cela La Poste. Nous avons évidemment travaillé dans ce sens en développant les services de proximité et en diversifiant les activités. GeoPost s’est internationalisé et La Banque Postale a été au rendez-vous des défis qui lui ont été lancés, y compris par les élus et les territoires. Alors que les crédits aux collectivités territoriales et au secteur public local de La Banque Postale étaient au niveau zéro en 2011, ils ont atteint 8,6 milliards d’euros en 2015, à la suite des engagements que nous avions pris devant vous. Passée au premier rang des prêteurs aux collectivités territoriales devant le groupe Banque populaire Caisses d'épargne (BPCE), La Banque Postale prête aux établissements publics locaux, c’est-à-dire aux sociétés d’économie mixtes (SEM) et au secteur du logement social. Nous avons donc relevé les défis lancés par les territoires et la conjoncture.

Comme je vous le disais en 2013, cette vision est fondée sur les responsabilités de service public que nous donne le législateur et auxquels les postiers sont tellement attachés. Nous avons gardé ces missions de service public en les modernisant. En 2013, il y avait trois formats de présence postale territoriale : le bureau de poste, l’agence postale communale, le relais poste commerçant. En 2016, quatre nouveaux formats ont fait leur apparition : la maison de services au public, le facteur-guichetier dont je vous avais parlé sous forme d’expérience, les relais postaux avec l’économie sociale et solidaire, et le relais poste urbain qui vise à transformer le réseau postal en ville.

En 2013, notre groupe était menacé par une baisse de son résultat d’exploitation et par de la consommation de cash, ce qui ne peut jamais durer très longtemps dans une entreprise. Nous avons donc bâti des plans d’action tendant au relèvement économique du groupe. Nos comptes semestriels montrent que nous avons été en avance sur la trajectoire promise à nos deux actionnaires, l’État et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), au cours des trois premiers semestres de 2014 et 2015. Au quatrième semestre, nous serons en avance également, même si je ne peux pas encore vous donner de résultats définitifs. Cela veut dire qu’à la fin de l’année 2015, La Poste a rétabli la situation : le résultat d’exploitation croît et le cash est positif.

Ce redressement n’a été possible que grâce à l’engagement des postiers, même s’ils sont souvent perturbés et angoissés par la transformation de l’entreprise. Nous les avons associés à la stratégie, nous avons engagé un dialogue social extrêmement soutenu qui s’est traduit par la signature, au début de 2015, de l’accord « Un avenir pour chaque postier », qui est le volet social de notre plan stratégique « La Poste 2020 : conquérir l’avenir ». Ce premier accord social stratégique majoritaire à l’intérieur de notre groupe représente un changement absolument majeur. Il est la preuve que nous avons associé les salariés, leurs organisations syndicales légitimes, compétentes et engagées à nos côtés.

Vous pouvez confronter ces réalisations aux propos que je vous avais tenus en 2013. Mais, il faut bien le reconnaître, les cinq années à venir seront radicalement différentes des deux années que nous venons de traverser. En effet, nos métiers vivent une accélération de la transformation économique. C’est pourquoi mon projet pour les cinq années à venir sera d’approfondir et d’accélérer la transformation, et de construire pour 2020 le premier groupe de services de proximité humaine de notre pays.

Premier point : approfondissement de la transformation. D’où vient ce besoin de transformation ? En 2015, le courrier traditionnel représente encore 43 % de notre chiffre d’affaires, ce qui est un élément de vulnérabilité stratégique considérable, alors que ce pourcentage n’est plus que de 17 % à la poste allemande, notre premier concurrent en Europe. L’épée de Damoclès économique nous menace donc plus que notre concurrent allemand. Ce constat guide nos choix : diversifier les métiers, transformer le modèle d’affaires et complètement changer non pas les valeurs mais le visage de La Poste dans les cinq ans à venir.

Nous avons déjà engagé ces mues notamment en ce qui concerne le courrier. Cette branche, enrichie par ColiPoste et par la transformation d’activités de service également ajoutées au courrier, s’appelle désormais Service-Courrier-Colis et son engagement stratégique est d’aller vers le monde des services. La Poste a déjà lancé de nombreux services tels que la veille au domicile ou le transport de courses, qui répondent au besoin de proximité et au vieillissement de la population. En partenariat avec les associations, elle deviendra un acteur important de la « silver économie ».

Quant à La Banque Postale, elle a une nouvelle frontière décrite par son nouveau patron : aller vers les professionnels et les petites entreprises à l’horizon de 2020.

L’internationalisation de GeoPost va se poursuivre, afin que cette filiale à 100 % dépasse DHL pour devenir le numéro un du transport de colis par voie routière. Depuis deux ans, nous avons comblé les deux tiers du retard que nous avions avec DHL : nous sommes actuellement numéro un en Espagne et en Pologne, et numéro deux au Royaume-Uni et en Allemagne. Je ne peux pas vous parler des opérations qui sont en préparation mais, avant le 1er juillet, il y aura deux nouveaux mouvements considérables d'internationalisation. C’est très important, y compris pour les emplois français, je voudrais y insister. Le colis et l’e-commerce sont des métiers de réseau. Plus votre réseau international est puissant et large, plus vous récoltez de flux d’import et d’export sur votre base. Ainsi, dans les plateformes de colis et d’express de France, entre 15 % et 20 % du chiffre d’affaires vient de l’import et de l’export. L’internationalisation est donc favorable à la croissance mais aussi à l’emploi du groupe.

Deuxième point : accélération de la transformation. Face à ce monde qui bouge, notre stratégie numérique, dévoilée en octobre dernier, montre bien que nous avons décidé de changer de dimension et de vitesse. Cette stratégie passe notamment par la mise en place de l’envoi ou du retour des colis par les boîtes aux lettres personnelles : il suffit d’affranchir en ligne et d’imprimer une étiquette – qui prévient le facteur sur son smartphone – et de déposer le colis dans sa boîte. C’est une révolution postale. La semaine dernière, lors du Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas, nous avons présenté le bouton Domino qui permet d’envoyer un message au facteur en tournée afin de lui demander de passer prendre un colis.

En matière de numérique, nous avons l’ambition de porter et de protéger les données et l’identité numérique de tous les Français, parce que nous sommes pérennes, neutres, et que nous bénéficions de leur confiance. Nous investissons dans le domaine. Peut-être ne l’avez-vous pas noté parce que la société est encore de petite taille, mais nous sommes devenus propriétaires de Resto-in, une plateforme internet de livraison de repas à domicile, qui est actuellement le numéro deux du secteur. Nous avons l’ambition d’en faire le numéro un, preuve que nous remontons dans la chaîne de valeurs.

Notre stratégie repose aussi sur l’innovation : La Banque Postale s’est alliée à Aegon et Malakoff Médéric ; GeoPost a lancé Chronofresh ; le Service-Courrier-Colis développe tous ces services que je viens de décrire.

Cette accélération de la transformation est impossible si l’on n’embarque pas la totalité des postières et des postiers. C’est la raison pour laquelle je faisais référence à notre accord social majoritaire « Un avenir pour chaque postier » qui comporte un effort de formation absolument inédit de notre personnel. Tous les facteurs sont équipés de smartphone, un outil de travail devenu quotidien. N’est-ce pas la meilleure façon de lutter contre la fracture numérique ? Ces 95 000 smartphones fonctionnent en réseau. Conscients de la difficulté de ces changements, nous avons engagé un plan de développement et de formation managériale considérable tout en poursuivant les négociations sociales sur les conditions de travail et l’avenir des métiers.

En résumé, il s’agit de construire la première entreprise de services de proximité humaine de notre pays à l’horizon de 2020, car nous savons faire ce qu’aucune autre entreprise de ce pays ne sait faire : proposer un échange, une relation humaine, un service de proximité tous les jours, à toute la population, soit des millions de personnes réparties sur tout le territoire. Tel est l’avenir de La Poste. La construction de cette très grande entreprise se fonde sur le service public et elle s’inscrit évidemment dans une logique de développement durable et d’économie d’énergie.

Avant la fin de l’année 2015, nous avons construit 110 maisons de services au public dans des bureaux de poste ; il y en aura 500 à la fin de 2016. En 2013, je vous parlais d’une expérience conduite dans l’Eure-et-Loir, celle du facteur-guichetier qui tient le bureau de poste maintenu le matin et qui fait la tournée l’après-midi. Il y avait un facteur-guichetier en 2013, ils étaient 265 à la fin de 2015 et ils seront plus de 1 000 à la fin de 2017. Nous répondons ainsi aux territoires qui ont besoin d’une présence humaine et pas seulement d’écrans tactiles. Tel est le projet de La Poste : construire la plus grande entreprise de services de proximité humaine, qui s’adapte au e-commerce, à la révolution numérique et qui montre que les postières et les postiers sont capables à la fois de changer leur entreprise et de participer à l’évolution de leurs clients, des territoires et de notre pays.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Vous avez évoqué la baisse constante du volume du courrier à distribuer, dont nous sommes tous conscients, mais la progression constante des achats en ligne entraîne forcément la croissance du nombre de colis. Dans quelle mesure ces deux mouvements se compensent-ils ?

Lors d’une précédente audition, vous vous étiez engagé à maintenir les 17 000 points de contact en France. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Comme vous l’avez indiqué, le groupe La Poste partage les orientations du rapport de notre collègue Jean Launay qui prône la multiplication des maisons de services au public, lieux uniques de multiples démarches administratives de la vie quotidienne. Où en est-on en ce qui concerne l’objectif d’en créer 1 000 ?

Ma dernière question porte sur la baisse de la fréquentation des bureaux de poste. Le contrat de présence postale territorial 2014-2016 indiquait que toute modification des horaires d’ouverture des bureaux de poste situés dans les zones prioritaires serait désormais précédée d’un dialogue et d’une information écrite au maire, et offrait une garantie de douze heures d’ouverture minimum par semaine. Cependant, des communes de montagne nous indiquent que des réductions d’horaires ont encore été décidées sans concertation préalable. Ces réductions consistent le plus souvent en fermetures du bureau de poste le samedi matin, c’est-à-dire au moment de plus grande affluence des usagers, notamment pour les services liés à La Banque Postale. Que pouvez-vous nous en dire ? Quelle est la stratégie du groupe concernant les bureaux de poste dont l’amplitude d’ouverture est inférieure à douze heures par semaine ?

Enfin, êtes-vous toujours favorable à la distribution six jours sur sept ?

M. Éric Straumann. Vous avez dirigé La Banque Postale qui s’est orientée vers le financement des collectivités territoriales, comme vous l’avez rappelé. En 2015, le montant de ses engagements s’élève à 8,6 milliards d’euros, ce qui est tout à fait remarquable. Que pensez-vous de la situation financière de nos collectivités territoriales, communes et départements, dont la capacité d’autofinancement et la capacité de remboursement d’emprunts s’effondrent. Votre banque ne commence-t-elle pas à s’exposer à un risque particulier dans ce domaine ?

Mme Jeanine Dubié. Avant d’en venir aux questions, je vous indique que je suis membre de l’Observatoire national de la présence postale (ONPP) et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques (CSSPPCE). Je voudrais louer les talents de pédagogue dont vous faites preuve à l’égard des parlementaires que nous sommes, quand il s’agit d’expliquer les transformations de La Poste, les enjeux auxquels vous êtes confronté, la manière dont vous abordez ces mutations avec vos équipes nationales, régionales ou départementales.

Comme Mme Marie-Noëlle Battistel, je regrette que des modifications d’horaires et des fermetures de bureau de poste les samedis matins aient encore lieu, parfois sans que les maires concernés ne soient prévenus. C’est une réalité. Cela étant, je reconnais que vous faites de gros efforts pour accompagner la mutation de La Poste en essayant de répondre aux besoins des territoires et d’être proche des élus. La tâche n’est pas facile.

Ma première question porte sur les maisons de services au public. Pourriez-vous faire un point sur les difficultés rencontrées lors de leur création ? D’autres opérateurs nationaux ont signé une convention avec vous afin de participer à la mise en œuvre de ces maisons, comme l’avait évoqué le Premier ministre. Or il semble que la déclinaison départementale ne soit pas toujours évidente et que les messages ne soient pas forcément clairs.

Ma deuxième question se rapporte à l’international où votre groupe a réalisé 18 % de son chiffre d’affaires en 2014. Pourriez-vous nous faire le point sur vos projets de développement en dehors de l’Europe ?

M. André Chassaigne. En deux minutes, je vous ferai une thèse et une antithèse, puisque chacun fera sa synthèse. En guise de thèse – c’est d’ailleurs le nom, en phonétique, du délégué régional de La Poste en Auvergne : François Thez –, je voulais souligner la qualité des relations sur le terrain à tous les niveaux : le bureau de poste de l’Assemblée nationale, les responsables sur les territoires, les directions départementales, la direction nationale. Les élus sont écoutés et respectés, et je tenais à le rappeler.

En antithèse, je souhaitais appeler votre attention sur deux points : la continuité de la qualité du service et les horaires d’ouverture. Dans votre intervention, vous avez parlé du savoir-faire, de la proximité humaine. Or nous sommes indéniablement confrontés à un problème de rotation des personnels, notamment dans les territoires les plus éloignés des agglomérations. Des agents en contrat à durée déterminée (CDD) ne restent que durant une courte période et ce renouvellement quasi-permanent ne favorise pas le lien avec l’usager, un terme que je préfère au mot client. Quant aux réductions horaires imposées, elles posent problème notamment aux actifs qui vivent en zone périurbaine. Je pense, par exemple, au cas d’une commune de près de 5 000 habitants, située au cœur d’un bassin de population de 20 000 habitants, où l’horaire de fermeture a été ramené de dix-huit heures à dix-sept heures. Il y a un manque de négociation sur ce point car la concertation n’est pas obligatoire avec les élus locaux.

M. Thierry Benoit. Vous êtes à la tête d’une institution multiséculaire qui façonne l’identité de notre pays. Je voudrais saluer votre action mais aussi la capacité d’adaptation de tous vos collaborateurs, quelle que soit la tâche qui leur est confiée. S’il est un groupe qui opère de réelles mutations depuis une vingtaine d’années, c’est bien le vôtre.

Vous avez évoqué la baisse de la fréquentation et la dématérialisation qui se traduisent par la disparition de bureaux dans certaines zones rurales. Je fais le même constat concernant un réseau privé qui a une mission de service public, celui des buralistes. Vous avez engagé des actions de coopération avec les buralistes, je pense au Compte-Nickel. Serait-il possible d’envisager un partenariat beaucoup plus puissant avec ce réseau qui compte 27 000 points de proximité à travers le territoire national ? Cela permettrait de conserver sur le terrain des acteurs qui vendent du tabac mais qui sont aussi des diffuseurs de presse et qui rendent de multiples services aux habitants.

Ma deuxième question porte sur la transition numérique. Votre groupe connaît mieux que tout autre les besoins et les usages en matière de numérique. Revenons à ces territoires périphériques et ruraux où les services publics sont en retrait depuis une quinzaine d’années, quels que soient les gouvernements. Ce sont ceux qui ont le plus besoin de la fibre optique et de l’accès au numérique. Que pouvez-vous faire pour sensibiliser les opérateurs, les régions et l’État sur l’urgence du déploiement de la fibre optique ?

M. Jean-Claude Bouchet. En préambule et en réaction à certains propos, je voudrais dire que tous les usagers ne sont peut-être pas aussi bien traités dans leur bureau de poste que les députés ne le sont dans celui de l’Assemblée nationale.

Vous voulez faire de La Poste la première entreprise de services de proximité humaine à l’horizon de 2020. Vous voulez améliorer ses performances grâce aux nouvelles technologies, notamment dans le domaine de l’acheminement des colis. Vous nous avez aussi rappelé vos contraintes – le chiffre d’affaires diminue de 600 millions d’euros, le volume de courrier se contracte de 6,5 % – et vos objectifs de baisse de coûts notamment par le biais de réductions d’horaires et de fermetures de bureaux de poste. Chacun dans sa circonscription – comme moi à Châteauneuf-de-Gadagne – peut constater des fermetures. Quand nous protestons, on nous répond qu’il y a d’autres bureaux de poste à trois ou cinq kilomètres. Dans ces conditions, quels services de proximité peut-on offrir, notamment aux personnes âgées ? Dans ma ville de Cavaillon, qui compte 26 000 habitants, vous pratiquez aussi l’optimisation. Il y a moins de contacts avec la population. À cela s’ajoutent les rotations de personnels, notamment des facteurs, évoquées par M. André Chassaigne. Votre objectif de réduction des coûts – que je comprends – s’accompagne donc parfois d’une baisse de la qualité des services. N’est-ce pas en contradiction avec votre ambition de faire de La Poste la première entreprise de services de proximité humaine du pays ?

Enfin, quels sont vos objectifs à moyen terme pour répondre à la concurrence que vous subissez dans les autres pays ?

Mme Marie-Lou Marcel. Certains agents, notamment dans ma circonscription et dans mon département, éprouvent des inquiétudes concernant les horaires d’ouverture de certains bureaux. Lors d’une réunion avec les responsables locaux, les organisations syndicales ont été informées de la réduction de l’amplitude des horaires d’ouverture de ces bureaux, sous prétexte de la baisse de fréquentation que vous avez évoquée.

Les horaires actuels permettent un accueil du public le matin et l’après-midi, conformément à la mission de service public de La Poste et à la continuité du service qu’elle doit assurer. Réduire ces horaires revient à restreindre la présence des services postaux et des services financiers auprès d’une population qui y est attachée et qui en ressent un grand besoin. En fait, la baisse de fréquentation mise en avant par la direction résulte souvent de la fermeture intempestive de certains bureaux, dont les élus ne sont d’ailleurs pas informés. À l’heure où les territoires ruraux se sentent quelque peu délaissés et parfois relégués au profit de métropoles, pourriez-vous nous indiquer la stratégie que vous entendez développer pour garder une présence effective dans ces territoires, et assurer ainsi un égal accès aux services, conformément à la mission de service public de La Poste ?

M. Jean-Claude Mathis. Monsieur le président, je vous remercie pour votre exposé liminaire qui prouve que vous avez vraiment de la suite dans les idées. Vous prônez un service de proximité et de qualité six jours sur sept, et vous affirmez aussi votre attachement au dialogue social comme moyen d’affronter l’avenir. Pour ma part, je voudrais vous interroger sur l’expérimentation de distribution de colis le dimanche que vous avez menée le 20 décembre dernier. Pouvez-vous revenir sur cette initiative et nous dire ce que vous pensez de l’attitude de la fédération CGT des télécommunications qui s’y est opposée ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Ma collègue Catherine Troallic s’associe à ma question qui porte sur les salariés reclassés. Lors de votre audition par notre commission, le 18 mars dernier, vous avez déclaré qu’un accord social sur la grille salariale, signé unanimement par les six syndicats le 5 février 2015, comprenait des mesures spécifiques pour les reclassés. Nous avions tout lieu de nous réjouir de cette annonce. Or les organisations syndicales nous ont de nouveau alertés car elles considèrent que cet accord ne leur apporte pas les réponses sollicitées. Un groupe de travail, constitué autour de M. Henri Jibrayel, nous a permis d’auditionner la direction des ressources humaines de La Poste, les membres du cabinet d’Emmanuel Macron ainsi que les organisations syndicales. Le rapport sera rendu prochainement. Notre objectif est d’aboutir à un accord qui pourrait clore, une fois pour toutes, ce dossier. Dans quelles dispositions se trouve le groupe à cet égard ?

M. Daniel Fasquelle. Je vous félicite, monsieur le président, d’avoir respecté votre feuille de route. Vous avez recherché de nouveaux relais de croissance et développé l’entreprise en Europe.

S’agissant de la présence de La Poste dans les territoires ruraux, on a l’impression que La Poste est toujours là. Mais, à y regarder de près, on note les menaces pesant sur certains bureaux, la réduction des horaires, la fermeture le samedi matin, le redéploiement du réseau et la présence dans les supermarchés plutôt que dans le cœur des villages. Pouvez-vous nous rassurer ? Comment se traduit concrètement l’idée de faire de La Poste l’hôte des services publics ?

Pouvez-vous préciser les nouvelles missions des facteurs, qui sont liées notamment à l’application de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ?

Dernière question en forme de provocation, estimez-vous normal que La Poste perçoive encore le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ?

M. Jean Launay. Je salue le souci de l’humain que vous manifestez tant dans l’entreprise, au travers de votre projet « un avenir pour chaque facteur », que pour le pays, avec votre volonté de faire de La Poste la première entreprise de services de proximité humaine.

Cette préoccupation a connu une traduction sur le territoire et dans la redéfinition de ce que j’appelle le service public à la française, un service public préservé et modernisé en alliant l’humain et le numérique, ainsi qu’en témoigne votre présence au CES – Consumer Electronic Show – de Las Vegas.

L’État reste actionnaire, directement ou indirectement, de la Poste. L’articulation avec les autres opérateurs exerçant des missions de service public est-elle satisfaisante ? Doit-on continuer à l’encourager pour qu’elle s’améliore ?

Je ne peux pas laisser de côté la question de la présence physique – mes collègues ont évoqué les horaires réduits et les samedis matins. Comment le groupe va-t-il utiliser le levier numérique tout en restant au service des territoires ?

M. Dino Cinieri. Face à la baisse du volume du courrier, représentant une perte pour le chiffre d’affaires de 600 ou 700 millions d’euros sur une année, La Poste peut s’appuyer sur son savoir-faire, les hommes et les femmes qui y travaillent. À cet égard, je vous félicite pour votre projet d’entreprise humaine.

La Poste occupe une place très importante dans les territoires ruraux. Comment comptez-vous maintenir les activités postales, y compris dans les zones très rurales ? La réduction des horaires, en particulier la fermeture le samedi, jour de marché, oblige nos concitoyens à se déplacer dans les communes voisines.

Face à la forte concurrence internationale et à la révolution numérique qui annoncent des difficultés pour l’entreprise, quel est votre projet de développement industriel et commercial ? Comment comptez-vous répondre au défi social que représentent vos 270 000 employés ?

Enfin, l’idée du ministre Emmanuel Macron de reconvertir les agents de La Poste en inspecteurs du permis de conduire est-elle crédible ?

M. Yves Blein. Les réseaux bancaires annoncent la diminution du nombre de leurs agences afin de réorienter leur activité vers la banque numérique. Comment analysez-vous cette évolution ? Je suppose qu’elle remet en cause le modèle de banque postale. Quelles seront les adaptations nécessaires dans les années à venir ?

Enfin, pouvez-vous développer vos propos sur les relations entre La Poste et l’économie sociale ?

M. Philippe Armand Martin. Vous savez que les Français tiennent beaucoup à La Poste, notamment en milieu rural.

Que sont devenues les voitures électriques que l’on ne voit plus circuler ?

À l’occasion de Noël, vous avez expérimenté la livraison de colis le dimanche. Entendez-vous renouveler cette opération ?

La Poste participe au maintien de services de proximité dans les zones rurales. Comptez-vous pérenniser et diversifier l’offre de services afin de répondre aux besoins des personnes isolées en milieu rural ?

M. Frédéric Roig. Vous avez évoqué les profondes mutations auxquels vous êtes confrontés, notamment la baisse du volume de courrier.

Je souhaite saluer les résultats sur le terrain ainsi que le travail des délégués régionaux au travers des commissions de présence postale, en lien avec tous les maires, pour trouver des solutions.

Les nouvelles formes d’organisation – les bureaux transformés en agence postale communale, les mutualisations – sont peut-être nécessaires mais elles inquiètent les populations. Je note vos efforts en faveur des véhicules électriques et sur les nouvelles technologies ou les smartphones. Je ne voudrais pas que le milieu rural soit une variable d’ajustement. Vous avez évoqué le développement à l’échelon européen et international mais cette dynamique doit contribuer à la préservation des équilibres dans les territoires ruraux et au maintien de La Poste. Le service public peut sans doute s’autoriser une part de déficit pour maintenir des services dans nos territoires. Il faut continuer à travailler collectivement en ce sens et sensibiliser nos populations : si on peut revendiquer de conserver son postier, il faut aussi aider l’entreprise en faisant travailler les bureaux postaux de proximité.

M. Michel Sordi. J’ai entre les mains un courrier que vous m’avez adressé il y a un mois et qui m’a fait mal au cœur.

Je suis maire d’une commune de 12 000 habitants en Alsace et depuis des années, nous souhaitons rapprocher le bureau de poste, installé près de la gare, du centre-ville. Nous avons eu des opportunités mais, comme souvent en France, il nous a fallu attendre l’épuisement de tous les recours.

Enfin, nous avons le terrain et le promoteur pour mener à bien ce projet structurant pour la commune. Dans votre courrier, vous vous souciez des clients mais vous oubliez la commune qui bien souvent vous accompagne dans les territoires.

Vous adressez une fin de non-recevoir purement financière alors que votre aide serait bienvenue pour renforcer ces cœurs de ville qui en ont bien besoin aujourd’hui. Est-il possible de faire appel de cette décision ?

M. Thierry Lazaro. Je ne conteste pas la baisse des volumes et la révolution numérique qui n’est pas toujours conciliable avec la notion de proximité. Votre vœu d’être la plus grande entreprise de proximité humaine est une nécessité absolue qui sera partagée par tous les bancs de cette commission.

Le facteur est un lien social impératif, personne n’en doute, dont la préservation n’est pas toujours compatible avec les exigences comptables, j’en conviens, mais il faut savoir ce que l’on veut.

J’ai l’impression, qu’à l’instar de la SNCF, on commence par réduire les services, puis, quand ça ne va plus du tout, on ferme complètement ou on transforme en agence postale.

Le bâtiment qui abrite le bureau de poste de ma commune comprend l’ancien logement de fonction de l’ancien receveur. Aujourd’hui, on décide de vendre le premier étage. Je ne suis pas persuadé que ce soit judicieux sur le long terme. Je m’interroge sur la gestion du patrimoine.

Je me pose aussi des questions sur une petite commune du Sud-Ouest qui me tient à cœur dans laquelle les élus ont construit un bâtiment de 200 mètres carrés, en accord avec La Poste, pour remplacer le bureau existant, enclavé dans la vieille ville, triste et qui nécessite beaucoup de travaux. Or, maintenant, vous mettez en avant la complexité des travaux d’aménagement et les problèmes de sécurité. Dans une ville de 1 500 habitants, le maire se sent souvent démuni. Travailler de concert avec les collectivités territoriales est une nécessité absolue mais les discussions doivent être gagnant-gagnant.

Enfin, je m’associe pleinement aux propos de mon collègue Thierry Benoit sur les buralistes qui souffrent particulièrement.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je ne vous poserai pas des questions chagrines sur le rôle de La Poste.

La Poste, c’est avant tout une entreprise, nationale, voire internationale, avec des concurrents. La France n’a plus aujourd’hui les moyens de ses ambitions. Ce sera tout l’enjeu de l’élection présidentielle de 2017 que de redonner ces moyens.

Chaque réforme territoriale, notamment celle sur les communes nouvelles qui s’est trouvée fort heureusement accélérée par la loi NOTRe, pose des problèmes de doublon d’adresse. Le souci premier de tous les maires des petits villages, c’est de préserver l’identité de la commune. La Poste, les parlementaires et l’Association des maires de France pourraient décider que les codes postaux resteront inchangés. La Poste a d’autres dépenses à engager aujourd’hui que d’effectuer tous les changements. En maintenant le code postal pour tous les villages de France, même si les villages appartiennent à une commune nouvelle, qui n’est après tout qu’une entité administrative, nous gagnerons en lisibilité et nous progresserons dans le nécessaire regroupement des communes en France.

M. François Sauvadet.  On parle beaucoup de la présence territoriale mais envisagez-vous des adaptations, pas seulement des réductions, des horaires pour tenir compte du mode de vie des habitants ? Beaucoup d’entre eux ne travaillent pas sur leurs lieux de vie et quand ils y reviennent, trouvent porte close au bureau de poste. Je pense notamment au retrait des colis. Il y a encore des perspectives en matière de qualité de service…

Vous êtes désormais la dernière entreprise française capable de distribuer des documents partout. Vous êtes en compétition dans la ville, un peu moins dans le monde rural. Je souhaiterais vraiment que vous apportiez des améliorations dans la qualité du service que vous rendez.

M. Philippe Wahl. S’agissant du permis de conduire, madame la présidente, nous sommes en train d’appliquer la loi que vous avez votée. Le permis de conduire se compose de deux examens, l’un pratique, l’autre théorique. Pour le premier, le ministère de l’intérieur souhaitait le renfort de personnels extérieurs à son administration : 50 postiers ont été agréés et ont suivi une formation pendant trois mois ; ils viendront en ce début d’année soutenir les examinateurs du permis de conduire pratique afin d’accélérer les procédures. Pour le second, le changement est encore plus radical. Lorsque l’Autorité de la concurrence et le ministère de l’intérieur auront pris les décisions et les décrets d’application nécessaires, nous permettrons aux jeunes de passer leur examen de code dans un bureau de poste ou dans un centre postal d’examen sur la totalité du territoire. Nous sommes prêts. Pour ce projet qui a été piloté par M. Jacques Savatier, nous sommes l’arme au pied ; nous attendons les décrets.

Cela va changer considérablement la vie des jeunes Français. Ils n’auront plus besoin d’attendre la prochaine session dans quinze jours à la préfecture ou à la sous-préfecture. Ils prennent rendez-vous dans leur bureau de poste pour passer l’examen. Les postiers contrôlent leur identité, comme ils le font déjà pour 900 000 personnes par jour, au guichet ou à domicile, pour remettre de l’argent, un recommandé ou un colis. Les jeunes Français pourront passer le code beaucoup plus rapidement et à un coût moindre.

Quant à la provocation de M. Daniel Fasquelle, si la Poste ne touche pas le CICE, quelle entreprise le touchera ? Le CICE a pour objectif d’aider à la transformation d’une entreprise confrontée à des problèmes de compétitivité, de formation et d’investissement.

Le CICE est fait pour nous puisque nous devons faire face à une transformation considérable de notre métier, avec la baisse de 30 % du volume du courrier depuis dix ans. On ne peut pas faire mine de s’étonner d’être le premier bénéficiaire alors que l’entreprise est celle qui emploie le plus de monde. Si le Parlement avait choisi une autre assiette d’allégement de charges, nous serions restés le premier bénéficiaire car nous sommes le premier employeur de salariés modestes. Il est donc tout à fait logique que nous touchions le CICE.

2014 a été une année difficile au cours de laquelle notre résultat d’exploitation a baissé sensiblement. Le CICE a représenté la moitié des résultats du groupe, donc la moitié de notre capacité d’investissement. Mon travail dans les cinq années à venir consiste à faire en sorte que le CICE compte le moins possible dans le développement du groupe. J’espère qu’en 2020, si notre résultat d’exploitation atteint 2 milliards et non plus 800 millions, le CICE ne représentera plus qu’un huitième de ce que nous aurons réalisé. Cela veut donc bien dire qu’il aura joué son rôle fiscal et stratégique pour La Poste.

Avant d’en venir à la présence postale territoriale, un point de méthode : nous ne pouvons pas changer les horaires ou modifier le statut d’un point de contact sans concertation avec les élus. C’est une règle absolue. Dans une immense organisation comme la nôtre, il peut y avoir des dysfonctionnements. Je vous invite à nous les signaler. C’est une question de discipline essentielle.

M. François Pupponi. Vous ne faites pas de la concertation mais de l’information.

M. Philippe Wahl. La concertation a pour but de trouver une solution.

J’en viens au problème que vous évoquez, qui pose en quelque sorte la question de la poule et de l’œuf. Nous réduisons les horaires parce que la fréquentation baisse. La Poste en souffre, comme tous les lieux de commerce physiques.

S’agissant du samedi matin, vous avez raison, la nouvelle patronne du réseau doit y remédier. Nous devons être ouverts en milieu rural plus souvent le samedi matin car les clients sont là.

Les maisons de services au public, qui trouvent leur origine dans le rapport de M. Jean Launay, reposent sur l’idée de la mutualisation. Nous sommes décidés à rester dans les territoires. Pendant les deux ans qui viennent de s’écouler, nous avons refusé la tentation malthusienne, comme dans tous les autres pays, de la fermeture et de la disparition des points de contact. Mais il faut désormais trouver des nouvelles formes, avec vous.

110 maisons de services au public au sein d’un bureau de poste ont été créées ; l’objectif est d’atteindre le chiffre de 500 à la fin de l’année 2016.

Nous tiendrons nos engagements. Nous ne pouvons pas conserver notre présence dans les territoires ruraux sans l’implication des collectivités et des élus locaux. Je cite deux exemples de cette collaboration : à Bagnac-sur-Célé dans le Lot, six partenaires sont réunis ; à Meilhan-sur-Garonne dans le Lot-et-Garonne, ils sont onze partenaires opérateurs.

Que pouvez-vous faire pour nous aider ? Stimuler tous les autres opérateurs publics pour qu’ils participent, qu’ils paient et qu’ils soient présents. Les maisons de services au public, en mutualisant les moyens, sont une manière de pérenniser les bureaux de poste. Un autre moyen d’assurer leur préservation, lorsque les horaires sont faibles, ce sont les facteurs-guichetiers. Depuis 2013, 265 postes ont été créés. Cette solution, qui permet d’éviter de transformer un petit bureau de poste en agence postale territoriale – une postière ou un postier ouvre le guichet le matin et à partir de 11h30 commence la distribution du courrier –, est plébiscitée par les syndicats mais aussi par les élus des petites villes qui conservent ainsi leur bureau de poste. Quarante ans après, c’est le retour du receveur-distributeur.

Nous dialoguons mais, je ne vais pas vous raconter d’histoire, je suis un chef d’entreprise : la fréquentation est le seul critère pour un lieu de vente ; ma position sur le samedi matin en est le reflet : puisqu’il y a un potentiel de fréquentation, les bureaux doivent être ouverts davantage. Nous sommes à votre disposition, avec M. Jacques Savatier, pour évoquer des situations particulières et trouver des solutions adaptées.

Concernant l’aménagement des bureaux de poste par les communes, déménager un bureau coûte beaucoup d’argent. La question est de savoir à qui. Si une commune s’engage à payer le transfert, nous examinons le dossier. Mais, même dans ce cas-là, cela peut poser un problème à la commune et à La Poste au regard de la concurrence avec les banques.

Quant à la présence dans les supermarchés, quand une ville importante compte de nombreux bureaux de poste, transformer l’un d’eux en relais poste urbain, c’est améliorer le service public. Ce n’est pas de la provocation. À partir de dix-neuf heures le soir, le supermarché de proximité est ouvert, de même que le samedi et le dimanche alors que nos bureaux sont fermés. Si on transformait les relais en réseau public urbain, ce serait une atteinte au service public mais, en complément d’un réseau postal dynamique, cela peut être positif.

Les buralistes entrent dans le format relais poste commerçant. Nous sommes tout à fait favorables à cette évolution qui fait l’objet de discussions avec les buralistes. Cela peut être notre intérêt.

Nous sommes décidés à rester dans les territoires et à faire de cette proximité humaine une force. Mais cette présence doit nécessairement s’accompagner d’une coopération avec les collectivités et d’une multiplication des formats. Nous devons tous faire des efforts pour sauvegarder ce réseau auquel vous tenez et qui fait partie de l’identité française – en Allemagne, il ne reste plus un seul bureau de poste.

L’activité internationale représente plus de 20 % de notre chiffre d’affaires, nos effectifs s’accroissent. Notre objectif est de devenir le numéro un du transport et de la livraison de courrier par mode routier ; aujourd’hui, nous sommes numéro deux derrière DHL.

La bonne nouvelle, c’est que nous comblons l’écart avec DHL, nous pourrons peut-être les rattraper en 2016. La mauvaise nouvelle, c’est que nous devons affronter un nouveau concurrent qui est notre premier client et qui s’appelle Amazon : Amazon vient en effet de prendre le contrôle de Colis privé, qui, une fois redressé, deviendra un concurrent de La Poste.

Les livraisons le dimanche 20 décembre ont été un succès, fondé sur le volontariat des facteurs. Cette expérience visait à mieux servir nos clients, à alléger la pression, très forte avant Noël, et à contrebalancer la détérioration du service – à cette période, l’entreprise est submergée par la vague tant les colis sont nombreux.

Cette opération ponctuelle deviendra-t-elle une politique ? Cela va dépendre du marché. Je l’ai dit aux syndicats que je rencontre régulièrement pour évoquer la stratégie de notre groupe. Si Amazon, à Paris, Lyon, Toulouse et Bordeaux, lance un service de livraison de colis de haute valeur pour une clientèle prête à payer le dimanche, La Poste sera au rendez-vous. Nous ne pouvons pas abandonner le meilleur marché à un concurrent. Si les besoins et la pratique se développent, l’entreprise publique que nous sommes y répondra et trouvera par la négociation sociale les moyens d’y répondre.

Nous aurons transporté en courrier français 13 milliards d’objets en 2015, peut-être 9 en 2020, contre 18 milliards en 2008. Dans le monde entier, Geopost transporte un milliard de colis. Il n’y a donc malheureusement pas de compensation en volume entre colis et courrier, même si j’ai pris la décision de rattacher ColiPoste au courrier. Les colis compensent une partie mais ils ne compenseront jamais la masse de plis que nous prenions en charge lorsque le courrier était le mode communication dominant de notre société.

La compensation ne viendra pas des colis. Elle viendra, c’est ma conviction, des nouveaux services de proximité et des nouveaux services du facteur.

L’évolution de notre société fait sourdre des besoins que j’appelle des besoins de poste : lutte contre la solitude, vieillissement, distance, aide à domicile, conseils financiers. C’est la raison pour laquelle notre entreprise doit valoriser son premier savoir-faire que sont les femmes et les hommes de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle notre objectif stratégique est d’être la première entreprise de services de proximité humaine. Certains services ont marché, d’autres pas. Le grand intérêt de ces expériences que j’avais assumées devant vous, même dans leur désordre créatif, est de nous donner les éléments pour décider d’arrêter ce qui ne marche pas et d’accélérer ce qui fonctionne. La « silver économie » est un gisement pour La Poste. Notre pays vieillissant, le besoin de proximité et de services va croître très rapidement. C’est une force pour La Poste.

Évidemment, nous utiliserons le numérique. On oublie toujours, parce que nous sommes d’abord une entreprise de service public et de main-d’œuvre, que nous sommes une fantastique entreprise numérique. Je vais vous en donner la preuve : nous suivons des milliards d’objets chaque année numériquement. Vous avez été plusieurs à évoquer les problèmes de qualité de service, je ne les nie pas, mais quand une lettre recommandée est perdue, nous sommes capables de la suivre. Cela ne repose que sur une chose, sur la puissance numérique de La Poste. C’est la raison pour laquelle, – je pense que la loi pour une République numérique que vous examinez nous en donnera les moyens –, nous sommes candidats à délivrer et à protéger l’identité numérique et les données numériques des Françaises et des Français.

Je ne crois pas que le terme de comptable soit celui qui correspond à la réalité, nous sommes une entreprise. Les profits que nous faisons vont à l’investissement, à l’intéressement des postières et des postiers et à la rémunération de deux actionnaires qui nous soutiennent dans cette transformation : l’État et la Caisse des dépôts et consignations. Je veux dire – ce n’est pas un passage obligé pour tout PDG – qu’ils ont accepté de limiter le dividende alors que nous sommes en pleine transformation. Nous devons faire plus de profits pour construire l’entreprise.

Sur la qualité de service, je ne veux pas répondre par des statistiques car elles nous sont toutes favorables – la qualité de service est mesurée chaque semaine par un institut de sondage indépendant. Mais cela ne suffit pas, vos remarques le montrent bien et je le sais. Je sais que dans les quinze derniers jours de l’année, la qualité de service s’est profondément dégradée. Il faut souligner l’augmentation du nombre de colis pour Noël, liée notamment en zone urbaine aux drames du mois de novembre en raison duquel les gens ont beaucoup plus commandé par internet : la troisième semaine de décembre, la hausse a été de 15 % par rapport à l’année dernière, qui elle-même avait connu une croissance de 8 % par rapport à l’année précédente. Il est vrai que la baisse des volumes nous pose des problèmes d’organisation puisque, pour maintenir un réseau de distribution, il faut des volumes. Cela explique ma décision d’injecter les colis dans le circuit et dans l’organisation du courrier. Pour les fêtes de fin d’année, Chronopost a par exemple injecté des colis dans le circuit de distribution par les facteurs.

Un mot de notre engagement en matière de transition énergétique : dans la continuité de mon prédécesseur, nous déployons, grâce à l’accord qu’il avait signé, les véhicules électriques. Avec plus de 6 000 véhicules, nous sommes la première flotte au monde. Nous nous efforçons de développer tout ce que nous pouvons pour devenir un groupe neutre en consommation de carbone.

S’agissant des reclassés, la situation est très simple : nous pouvons faire ce qui est juste et équitable et nous ne pouvons pas méconnaître le juge et la loi. Par leur choix personnel, volontaire, certains salariés – ils ne sont plus que 3 335 en activité sur 270 000 employés – ont choisi de ne pas prendre le statut dit « Quilès ». Aujourd’hui, ils ont deux possibilités de promotion : ils peuvent être promus en tant que reclassés ; ils ont le droit – nous venons de le rouvrir comme je vous l’avais promis – de rejoindre les reclassifiés.

Quant à l’accord dont les syndicats ont souligné devant vous l’insuffisance, je note qu’ils l’ont tous signé. Si ces derniers, après avoir signé, vont voir la représentation nationale pour lui dire que l’accord est insuffisant, je ne sais plus quoi signer.

Dans cet accord, nous avons ajouté des échelons terminaux à leur carrière – ce qui signifie plus d’argent pour eux et pour les retraités – et nous avons augmenté l’indice terminal pour le dernier grade des reclassés. Nous avons fait ce que je m’étais engagé à faire, c’est-à-dire trouver des solutions.

Est-ce que cela reconstitue des carrières, comme le demandent les reclassés ? Non, parce que le juge et la loi me l’interdisent. Les personnes, moins de 10 %, ont fait un choix personnel, c’est comme ça. 90 % des postiers ont choisi le statut Quilès.

Quant à la mission conduite par M. Henri Jibrayel, nous attendons ces préconisations mais nous sommes attachés au respect de la loi et de l’équité vis-à-vis des postiers. Les salariés étaient libres de leur choix. Nous sommes ouverts mais dans le cadre que je viens de rappeler.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je vous remercie, monsieur le président. Nous allons maintenant procéder au vote sur votre nomination.

*

Après le départ de M. Philippe Wahl, il est procédé au vote sur la nomination par appel à la tribune et à bulletins secrets.

Les résultats du scrutin sont les suivants :


Nombre de votants


Bulletins blancs ou nuls


Suffrages exprimés


Pour


Contre


Abstention

*

La commission a examiné ensuite, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements restant en discussion sur la proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation (n° 3280) (Mme Brigitte Allain, rapporteure).

Le tableau ci-dessous récapitule la décision de la commission :

Auteur

Groupe

Place

Alinéa

28

M. PELLOIS Hervé

SRC

PREMIER

2

29

M. PELLOIS Hervé

SRC

2

12

Mme ALLAIN Brigitte

Ecolo

2

30

M. PELLOIS Hervé

SRC

2

35

Mme Allain

 

2

17

Mme AUROI Danielle

Ecolo

2

31

M. PELLOIS Hervé

SRC

2

 

32

M. PELLOIS Hervé

SRC

6

33

M. PELLOIS Hervé

SRC

6

13

Mme ALLAIN Brigitte

Ecolo

3

5

16

Mme ALLAIN Brigitte

Ecolo

ap 8

18

Gouvernement

ap 3

 

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 13 janvier 2016 à 9 h 30

Présents. – M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, M. Christophe Borgel, M. Jean-Claude Bouchet, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Georges Ginesta, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Antoine Herth, M. Jean-Luc Laurent, M. Thierry Lazaro, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Serge Letchimy, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, Mme Catherine Troallic, M. Fabrice Verdier

Excusés. – M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Denis Baupin, M. Marcel Bonnot, M. Franck Gilard, Mme Pascale Got, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Thierry Robert, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. – M. Guillaume Chevrollier, M. Jean Launay, M. Michel Piron, M. Philippe Vigier