La commission a procédé à l’audition de M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, sur la situation d’Électricité de France (EDF).
Mme la présidente Frédérique Massat. Monsieur le ministre Emmanuel Macron, je vous remercie de la réactivité avec laquelle vous avez accepté notre invitation. Votre audition répond à un souhait exprimé par les parlementaires de tous les bancs de cette commission, qui souhaitent faire un point sur la situation d’EDF.
Nous avons également convié M. Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d’EDF, dont j’aurais souhaité qu’il réponde avec autant de rapidité que vous à notre sollicitation. Il répondra néanmoins d’ici à quelques semaines aux questions que se pose la représentation nationale après la démission de son directeur financier. C’est moins la capacité d’EDF à développer la filière nucléaire et à s’investir davantage dans les énergies renouvelables (EnR) qui nous préoccupe que les incidences qu’aura le projet d’Hinkley Point sur ses finances.
Vous avez évoqué récemment une recapitalisation d’EDF : qu’entendez-vous exactement par là ?
Par ailleurs, la Cour des comptes vient de rendre public un rapport dans lequel elle s’interroge sur le montage financier du dossier Hinkley Point. Nous aimerions donc savoir ce qu’il en est des partenariats avec les Chinois et de la garantie de l’État britannique : celle-ci est-elle acquise à EDF dès le démarrage du projet ou est-elle différée ?
Nous souhaiterions enfin faire le point avec vous sur les activités hydrauliques d’EDF.
M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Compte tenu de vos préoccupations, légitimes, et des différents sujets d’actualité, il me paraît en effet utile que je m’exprime à la fois sur la stratégie industrielle d’EDF et sur sa trajectoire financière.
EDF est le fer de lance de notre politique énergétique. C’est un acteur énergétique essentiel en même temps qu’un grand acteur industriel, dans un contexte qui évolue extrêmement rapidement.
Définir l’avenir d’EDF aujourd’hui, c’est d’abord définir ses missions, qui sont principalement au nombre de quatre.
La première est une mission, historique, de service public, puisque EDF est la tête de pont du secteur énergétique français. Grâce à elle, des millions de nos concitoyens ont aujourd’hui accès à l’électricité, nos entreprises peuvent produire et nos services publics fonctionner.
La deuxième consiste à garantir notre indépendance et notre souveraineté énergétiques, ce qui est plus que jamais nécessaire alors que se multiplient dans le monde les zones de conflit avec leur lot d’incertitudes et la volatilité du marché qui en découle. A contrario, nos voisins allemands, qui ont fait un autre choix, sont en train de subir de plein fouet tous les effets de la dépendance énergétique.
Troisièmement, EDF est également un acteur majeur de la transition énergétique.
Quatrièmement enfin, EDF est une entreprise industrielle qui emploie près de 105 000 personnes dans toute la France et génère de l’activité dans tous nos territoires, notamment parce que c’est la tête de pont de la filière nucléaire et dans toutes les filières qui en dépendent.
Néanmoins, EDF n’est plus aujourd’hui en situation de monopole pour remplir ces missions vitales, historiques ou nouvelles. Il est important d’y insister : en visite dans l’entreprise la semaine dernière, j’ai moi-même entendu des propos qui laissent à penser que cela n’était pas encore parfaitement assimilé.
Or, depuis 2004, la production et la fourniture d’électricité sont soumises à la concurrence ; EDF ne dessert plus des usagers, mais des clients. Sa part de marché dans la capacité installée en énergies renouvelables hors hydraulique est d’environ 8 %, ce qui signifie qu’une très large part des investissements dans les EnR est le fait d’acteurs tiers. Si EDF a vocation à accroître son emprise sur le secteur, la concurrence n’en demeure pas moins un gage d’efficacité et d’innovation, les acteurs du secteur étant amenés à se spécialiser qui dans la géothermie, qui dans la méthanisation, qui dans l’hydrolien.
Quant aux centrales au gaz et aux centrales hydroélectriques, certaines sont également exploitées par des concurrents, qu’il s’agisse de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), de Direct Énergie ou d’Uniper.
En matière de fourniture d’électricité, la concurrence est, enfin, ce qui a permis de protéger le pouvoir d’achat des consommateurs en garantissant des offres attractives, à travers le développement d’offres personnalisées et de nouveaux services, comme l’effacement ou la rémunération de la flexibilité, à travers également la mise en œuvre de tarifs de marché, moins chers que les tarifs réglementés. Ces derniers ont été supprimés pour les entreprises sans que cela ne soulève de difficultés ; pour les particuliers, ils restent la référence mais sont désormais en concurrence avec des offres de marché.
L’idée que l’on puisse revenir à une situation de monopole ne me paraît donc pas sérieuse. Outre que ce serait sous-efficient sur le plan économique et industriel, c’est devenu une perspective impossible, compte tenu de la réalité du marché.
Dans ce contexte, EDF intervient dans deux domaines qui relèvent clairement du service public et ne sauraient faire l’objet de concessions à des acteurs privés.
Premièrement, EDF a la charge des réseaux, qui sont des monopoles de fait. C’est grâce à eux que chaque Français est en permanence alimenté en électricité ; ils sont détenus par la puissance publique car ils sont stratégiques. Cela ne signifie pas néanmoins que Réseau de transport d’électricité (RTE) doive être détenu à 100 % par EDF, ce qui est actuellement le cas mais ne correspond pas à une allocation optimale du capital pour l’entreprise.
Toute évolution en la matière devra procéder de la mise en œuvre par RTE d’un véritable projet industriel. C’est ce à quoi travaille son président – que votre commission connaît bien –, dans la perspective de justifier l’ouverture du capital à d’autres acteurs publics, voire, de façon très minoritaire, à des partenaires privés.
En second lieu, EDF, premier exploitant au niveau mondial, joue un rôle primordial dans la production nucléaire. Il y va de notre souveraineté en même temps que cela procure un avantage comparatif considérable à notre économie. Confier l’exploitation de nos réacteurs à d’autres acteurs n’aurait aucun sens.
Aujourd’hui donc, les missions d’EDF sont claires, la stratégie de l’entreprise a été refondée ces dernières années par la direction générale, dans un dialogue constant avec l’État, la ministre de l’environnement et de l’énergie et moi-même. Dans le domaine du nucléaire, EDF doit rester l’exploitant du parc français et continuer à le développer et à l’entretenir dans le respect de la programmation pluriannuelle et de la loi relative à la transition énergétique, ce qui suppose l’arrêt de certaines centrales, la prolongation de certaines autres et la construction de nouveaux réacteurs.
EDF doit également porter l’offre nucléaire à l’international, car il y a pour cela un marché, qui représente un gisement d’emplois sur notre territoire. C’est dans cette perspective que nous avons entamé la rationalisation du paysage nucléaire et entrepris de regrouper au sein d’une société ad hoc, majoritairement détenue par EDF, toutes les activités ayant trait aux réacteurs.
EDF doit ensuite continuer à se diversifier afin de mitiger les risques auxquels est exposée l’entreprise. Cela passe par une plus grande implication dans le domaine des énergies renouvelables et par le développement du secteur des services énergétiques. Cela n’implique pas en revanche qu’elle détienne les réseaux dans leur totalité.
Enfin, EDF doit rester un fournisseur d’énergie, en concurrence équitable avec des fournisseurs alternatifs, afin de stimuler l’innovation et de développer les services personnalisés.
Tels sont les contours qui dessinent aujourd’hui la nouvelle stratégie d’EDF. Celle-ci implique, après 15 milliards d’euros d’investissements l’an dernier et un peu moins cette année, entre 11 et 15 milliards d’investissements par an dans les années à venir, sachant qu’une forte part de ces investissements doit, selon les injonctions de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), servir à l’entretien et à la modernisation du parc nucléaire historique, ce que l’on nomme également le « grand carénage ».
Ces perspectives s’inscrivent certes dans un contexte particulièrement difficile – d’où les problèmes rencontrés –, mais il s’agit de difficultés de court terme liées à l’état du marché, et elles ne doivent en rien peser sur nos choix à long terme. Les cycles nucléaires étant des cycles longs, nous assumons aujourd’hui les conséquences de choix historiques, bons ou mauvais, qui fondent notre souveraineté énergétique actuelle, et c’est avec le poids du passé qu’EDF doit préparer l’avenir, à un moment du cycle peu propice pour le groupe qui subit une sorte d’effet de ciseaux.
Cela étant, je le redis ici, EDF n’est pas en difficulté au plan industriel, et ses résultats de 2015 sont bons. Grâce à l’engagement et au savoir-faire des salariés français, les performances du parc nucléaire français sont bonnes ; l’EBIDTA (Earnings before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization) de la société a augmenté de 3,9 % en 2015, le résultat net courant s’élevant à 4,8 milliards d’euros. La diminution du résultat net quant à elle est liée à des causes exceptionnelles : la restitution de l’aide d’État exigée par la Commission européenne, la dépréciation d’actifs thermiques à l’étranger et la réévaluation du devis CIGÉO (Centre industriel de stockage géologique).
Mais ces bons résultats ne doivent pas masquer le fait que l’exposition d’EDF aux variations des prix de marché a fortement augmenté, en raison d’un mouvement d’ouverture qui a débuté au milieu des années 2000 et s’est accéléré en 2010 : en 2014, à peine 20 % du chiffre d’affaires étaient exposés à des prix de marché ; aujourd’hui ce sont plus de 60 % du chiffre d’affaires qui sont par définition soumis à la concurrence, concurrence qui touche également les 40 % restants, puisqu’il existe désormais des fournisseurs alternatifs. Il est impossible dans ces conditions de maintenir des prix artificiellement élevés, sous peine de voir les consommateurs – entreprises comme particuliers – se détourner d’EDF. Maintenir des prix régulés artificiellement hauts n’est donc pas une solution soutenable pour l’entreprise.
Dans le même temps, autrement dit en l’espace d’à peine deux ans et de manière non anticipée, le prix de marché s’est quasiment effondré : il a chuté de 40 % sur la seule année passée. Cela s’explique par le fait que le prix de marché de l’électricité en mégawattheure (MWh) est en fait directement lié au prix du charbon ; or celui-ci a fortement baissé du fait, d’une part, de la crise que traversent certains pays émergents – notamment la Chine – et, d’autre part, des surcapacités européennes.
Plus fortement exposée au prix de marché, à un moment où celui-ci connaît une forte baisse, EDF se retrouve donc dans une situation financière particulièrement difficile, ce qui n’a pas échappé aux agences de notation, qui ont placé l’entreprise sous surveillance négative et en tireront les conséquences dans les prochaines semaines.
On peut grossièrement traduire cela par les chiffres suivants : alors que le programme de moyen terme d’EDF a été construit sur la base d’un prix de l’électricité à 37 euros/MWh, ce prix est aujourd’hui tombé à 26 euros/MWh, tandis que le prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) est de 42 euros/MWh.
Face à cette situation, il n’existe pas de recette miracle immédiate ; il n’est pas envisageable de revenir au « tout régulé » ni même à l’augmentation des seuls tarifs régulés. Il faut donc construire un plan crédible qui permette de compenser le manque à gagner, sachant qu’EDF ou ENGIE ne sont pas les seules à rencontrer ces difficultés qui touchent l’ensemble des énergéticiens européens : E.ON, RWE, Enel, Gas Natural ou Iberdrola ont tous subi des dépréciations d’actifs massives liées à la baisse des prix de marché aussi bien en 2014 qu’en 2015.
J’insiste ici sur le fait que le compromis historique sur lequel a reposé la gestion de l’entreprise, quelle qu’ait été la majorité en place, n’est plus viable. Il s’agissait en effet d’un compromis relativement court-termiste qui reposait sur l’idée qu’EDF constituait pour l’État une rente perpétuelle, ce qui permettait à ce dernier de s’octroyer des dividendes élevés, trop élevés, puisqu’ils se montaient en moyenne, sur les dix dernières années, à 2 milliards d’euros par an. Les consommateurs, de leur côté, bénéficiaient des prix les plus bas d’Europe, et ce malgré l’augmentation de 2012, tandis que les salariés – et il ne s’agit pas ici de les stigmatiser, car ils sont la force de l’entreprise et ont permis son succès – profitaient d’un compromis social généreux et d’une progression salariale déconnectée de la productivité de l’entreprise : entre 2010 et 2015, la hausse moyenne des salaires a été de 3,5 % par an.
Pour assurer la soutenabilité de la trajectoire financière et garantir le succès de la stratégie industrielle de l’entreprise, des efforts partagés sont donc nécessaires, et cela indépendamment du projet Hinkley Point. D’ailleurs, si ce projet, porté par M. Henri Proglio d’abord, puis M. Jean-Bernard Lévy ensuite, assistés du même directeur financier, a été signé sans sourciller, c’est que l’environnement n’était pas celui d’aujourd’hui : le prix de l’électricité s’établissait alors autour de 32 euros/MWh.
Il revient donc en premier à l’État de faire des efforts et de réduire des dividendes trop élevés, qui correspondent pour l’entreprise à un taux de distribution de son résultat compris entre 55 et 60 %. Ce genre de prélèvement en cash est légitime pour tout actionnaire, mais lorsque la situation devient difficile, un actionnaire de long terme se doit d’aider l’entreprise à conduire les investissements nécessaires à sa stratégie. Depuis un an, l’État actionnaire a donc pris ses responsabilités en renonçant à percevoir en numéraire le dividende de l’exercice 2015, ce qui correspond à une augmentation du capital de l’entreprise de 1,8 milliard d’euros.
Nous n’excluons pas de reconduire une telle décision si cela s’avérait nécessaire pour le plan stratégique en cours d’élaboration, pas plus que nous n’excluons, avec toute la prudence requise, une recapitalisation qui ne doit pas être une solution de facilité. En effet, la problématique ne concerne pas tant le bilan et les quelque 60 milliards de dette – EDF est le premier émetteur obligataire –, que le compte de résultat, qu’une augmentation de capital ne permettra pas d’améliorer.
Pour ce qui concerne ensuite l’entreprise et les salariés, EDF s’est déjà engagée dans un plan de cession d’actifs et de réduction des charges de l’ordre de 500 millions d’euros entre 2015 et 2019, selon ce que prévoit le plan à moyen terme. Elle a également revu ses investissements, avec une baisse de 1,7 milliard d’euros des dépenses d’investissement de capital (CAPEX) entre 2015 et 2019. Pour la première fois, les effectifs vont décroître, et de manière parfaitement compatible avec la sûreté nucléaire. En effet, EDF a mené entre 2010 et 2015 une politique d’embauches supérieures aux besoins en emplois, afin d’anticiper l’évolution de la pyramide des âges et de préparer la relève des métiers. En conséquence de quoi, la suppression prévue de 4 500 emplois ne se traduira pas par des licenciements mais se fera par le non-renouvellement de postes.
J’ai également demandé à la direction de voir s’il existait des marges de manœuvre supplémentaires, s’il était possible notamment d’infléchir la dynamique salariale qui prévalait jusqu’à présent. Ainsi, les trajectoires inscrites dans le programme à moyen terme réévaluent déjà le taux de progression salariale pour mieux l’ajuster au taux de productivité et réduire les coûts de l’entreprise. Il s’agit là d’une mesure proportionnée et nécessaire, qui ne remettra nullement en cause les acquis statutaires des salariés.
Restent enfin les consommateurs, à qui, historiquement, ont toujours été garantis des prix très bas, jusqu’en 2012 où les tarifs ont augmenté de plus de 20 % TTC, soit 10 % imputables à la hausse du coût et 10 % à l’augmentation de la taxe qui finance la péréquation et les EnR. Ce mouvement de rattrapage survient après vingt ans de tarifs généreux, ce qui fait qu’aujourd’hui encore le prix de l’électricité payé par les consommateurs reste très bon marché, inférieur de 14 % à la moyenne européenne.
Cela étant, augmenter indéfiniment les tarifs n’est pas la solution, compte tenu de la dérégulation du marché de l’électricité actée par la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « NOME », de 2010, après plusieurs années de discussions avec la Commission européenne. Si une erreur a été commise ces dernières années, imputable à l’ensemble des dirigeants, c’est celle d’avoir instauré avec l’ARENH une sorte de prix plafond, ce qui a protégé le consommateur, mais privé EDF des bénéfices qu’elle aurait pu retirer de prix du marché à la hausse, tandis qu’en l’absence de prix plancher, l’entreprise est contrainte de supporter les effets d’une baisse des prix.
En marge des efforts qu’auront à accomplir l’État, l’entreprise et les consommateurs, le Gouvernement travaille sur des chantiers de régulation. Cela inclut les mécanismes de capacité, qui doivent permettre de sécuriser notre approvisionnement énergétique mais auront pour conséquence de créer un effet plancher, et par voie de conséquence de faire monter des prix de marché. Cela inclut également l’instauration d’un prix plancher pour le CO2, mesure portée par Mme Ségolène Royal dans le but de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. L’adoption d’une telle mesure serait décisive car, en augmentant le prix « spot » du charbon, elle créera de facto un prix plancher pour le mégawattheure d’électricité. Je tiens à signaler qu’elle s’accompagnerait évidemment de dispositifs visant à accompagner les électro-intensifs, qui seraient les premiers à subir les effets d’une telle hausse.
Il s’agit enfin de réguler le nouveau nucléaire et des investissements du grand carénage, à l’image de ce qu’ont fait les Britanniques avec Hinkley Point, qui ont réussi à négocier avec l’accord de la Commission européenne la fixation d’un prix garanti sur le très long terme, ce qui laisse ouvertes les perspectives d’investissement.
Tel est l’ensemble des éléments qui doivent nous permettre, dans les prochaines semaines, de construire une stratégie financière crédible, qui permette à l’entreprise de surmonter la situation dans laquelle elle se trouve.
Reste la décision finale qu’EDF doit prendre quant à Hinkley Point et qui suscite de nombreuses inquiétudes. Cette décision ne sera probablement pas officialisée le 30 mars mais, plus raisonnablement, début mai, c’est-à-dire avant la tenue de l’assemblée générale d’EDF et dans un délai qui permette à nos partenaires britanniques d’avoir, avant les échéances importantes auxquelles ils se préparent, toute la visibilité sur cet investissement critique. Il nous faut le temps de travailler à un ensemble de mesures qui vont au-delà du seul projet Hinkley Point.
Je rappelle qu’il s’agit d’un projet porté et soutenu par les deux dernières directions générales de l’entreprise, comme par le Gouvernement, en cohérence avec notre stratégie énergétique dans laquelle le nucléaire garde une part prépondérante et demeure voué, pour les dix à quinze prochaines années, à représenter autour de 50 % de notre production d’énergie.
Non seulement le nucléaire est la base de notre souveraineté énergétique mais il représente une filière qui offre pour nous d’importants débouchés à l’international, créateurs d’emplois et porteurs de retombées industrielles positives pour le pays. Or le principal projet nucléaire du monde développé aujourd’hui est Hinkley Point. Peut-on légitimement décider qu’y investir n’est pas un bon choix ? Pour ma part, je ne le pense pas. La cohérence entre notre stratégie énergétique, notre stratégie industrielle et la stratégie de l’entreprise impose de le faire, mais dans un cadre organisé, avec toute la visibilité requise sur la faisabilité financière du projet.
Hinkley Point représente 15 % des investissements prévus par EDF dans les prochaines années. Il doit prendre sa place à côté des investissements dans les énergies renouvelables, de ceux nécessaires au grand carénage, de l’acquisition d’Areva NP et de l’ensemble des projets qui vont nécessiter au total un investissement annuel de 11 à 15 milliards d’euros.
Les premiers décaissements effectifs n’auront pas lieu avant la fin de l’année 2018 ou le début de 2019. Dans cette perspective, le Gouvernement britannique s’est engagé auprès d’EDF et de l’État français à acquérir l’électricité produite à un prix garanti pendant trente-cinq ans. Cet engagement a été validé par la Commission européenne. Il permet de sécuriser la rentabilité du projet pendant soixante ans, à environ 9 % par an. Au-delà des difficultés financières de court terme, Hinkley Point représente donc pour EDF un bon investissement industriel et financier de long terme. Tous les énergéticiens sont à la recherche d’un tel projet…
Rappelons enfin qu’il s’appuie sur une technologie intégralement française, même si la totalité de la réalisation ne sera pas faite en France, puisque nous avons dans cette affaire des partenaires, comme les Chinois ou les Japonais. Ce sont, par exemple, ces derniers qui fabriqueront la cuve, point sensible s’il en est, laquelle n’aura donc pas les mêmes caractéristiques que celle de Flamanville.
M. Denis Baupin. Et c’est ce que vous appelez la souveraineté !
M. le ministre. Avant de prendre sa décision finale, EDF doit s’assurer que toutes les conditions de rentabilité, de maîtrise des risques sont réunies. L’État actionnaire y veillera tout particulièrement. Le coût de construction est estimé à 10,5 milliards d’euros par tranche.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Depuis 2010, à la suite de la décision du Gouvernement d’engager la mise en concurrence des concessions hydroélectriques arrivées à échéance, cette question, qui tient particulièrement à cœur à l’élue de montagne que je suis, reste d’actualité.
La ministre Delphine Batho s’était clairement positionnée contre cette solution et pour la recherche d’alternatives. La ministre Ségolène Royal, au travers de la loi relative à la transition énergétique, s’est, elle, engagée à mettre en place des outils permettant le renouvellement des concessions hydroélectriques dans le respect de ce patrimoine national auquel les Français sont très attachés, considérant également que l’hydroélectricité est un pilier majeur de la réussite de notre mix énergétique, au regard notamment du développement des énergies renouvelables (EnR) et de la baisse de l’énergie nucléaire dans laquelle nous nous sommes engagés, l’hydraulique constituant pour l’heure le seul outil de stockage pertinent permettant d’absorber les énergies intermittentes que sont les EnR.
Le rapport sur les solutions alternatives que mon collègue Eric Straumann et moi-même avons commis en 2013 montrait clairement les failles et les dangers de la mise en concurrence des barrages et, depuis trois ans, nous n’avons eu de cesse, avec plusieurs de mes collègues, de faire reconnaître la spécificité du modèle hydraulique français, qu’il s’agisse des missions de service public qu’il assume, de la sûreté du système électrique qu’il garantit, de la gestion des usages de l’eau, du soutien au parc nucléaire ou de son rôle dans l’aménagement du territoire.
La mise en demeure adressée à la France par la Commission européenne le 22 octobre 2015 vise à activer la mise en concurrence des ouvrages hydroélectriques, la direction générale de la concurrence de la Commission persistant dans la vision passéiste d’une EDF en situation de fort monopole, ce qui n’est plus le cas. En effet, depuis 2004, la production est soumise à la concurrence et plus les EnR se développeront, plus ce sera le cas.
La fin des tarifs réglementés contribue également à l’ouverture de la concurrence en aval, mais il semble que la Commission européenne considère que cette ouverture en aval ne peut se faire sans une ouverture en amont. Néanmoins à ce jour, il n’existe pas d’infraction constatée, et la Commission, d’après nos échanges récents, semble ouverte à la discussion avec l’entreprise et l’État pour envisager des dispositifs progressifs et raisonnables.
Monsieur le ministre, quelle est aujourd’hui la position de la France à Bruxelles pour défendre ce patrimoine et cette filière d’excellence génératrice d’investissements ?
M. Daniel Fasquelle. EDF vient de connaître deux alertes : sa sortie humiliante du CAC 40 et la démission fracassante de son directeur financier. Nous sommes donc inquiets.
Inquiets quant à la capacité d’EDF à faire face à ses dépenses d’investissement. Le grand carénage représente 40 % de ses investissements annuels – et encore la Cour des comptes estime-t-elle ce chiffre sous-estimé.
Inquiets quant à la capacité d’EDF à faire face à ses engagements dans le projet Hinkley Point, dont elle doit supporter les deux tiers. En est-elle capable ? L’État ne devra-t-il pas venir à son secours ?
Inquiets aussi quant à la capacité d’EDF à faire face à la baisse des prix et à la concurrence. Vous avez souligné les performances correctes de l’entreprise en 2015, mais il en sera tout autrement cette année, car la baisse des prix de gros va se répercuter sur les résultats 2016. Il est regrettable qu’EDF ne se soit donc pas mieux préparée à cette ouverture des marchés et qu’elle ait perdu 30 % de sa clientèle d’entreprises en quelques mois. Quelles mesures entend prendre la direction pour faire face à la concurrence ?
Inquiets enfin sur l’avenir d’EDF face à la transition énergétique, qui se traduira par la fermeture de dix-sept à vingt réacteurs pour parvenir à abaisser à 50 % la part du nucléaire dans notre production énergétique en 2025. Cet engagement sera-t-il tenu et quelles en seront les conséquences pour l’entreprise ? La position du Gouvernement sur cette question ne me semble pas très claire.
EDF est une entreprise mortelle comme les autres. On sait le sort qu’a connu Alstom Energie : quelques mois après son rachat, les engagements en termes d’emplois n’ont pas été tenus ; quant aux co-entreprises, on sait aussi qui les contrôle. Comme nous le dénonçons depuis des mois, Alstom Energie est bel et bien en train de disparaître ; espérons qu’EDF ne subira pas le même sort.
M. Denis Baupin. Si l’on s’apprête à solliciter le contribuable, c’est qu’EDF est en crise, voire en danger mortel. Nous pensons qu’il est encore temps de la sauver, à la condition toutefois de poser le bon diagnostic ; or celui que vous avez posé est plutôt conservateur. Selon nous, en effet, la crise que traverse EDF n’est pas une crise conjoncturelle mais bien une crise structurelle, semblable à celle qu’a traversée Kodak, incapable de s’adapter aux évolutions technologiques qu’a connues son secteur.
Vous n’avez pas mentionné l’incertitude que fait peser sur EDF la décision que prendra l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à propos de l’extension du fonctionnement des centrales au-delà des quarante ans, perspective qui s’approche à grande vitesse : notre parc a déjà une trentaine d’années …
Le mythe du nucléaire bon marché est aujourd’hui totalement dépassé. Alors que le coût des énergies renouvelables baisse de façon spectaculaire, les études de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ou de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) font apparaître que ce sont des EnR que viendra désormais la compétitivité énergétique. Il suffit pour s’en convaincre de constater qu’aujourd’hui, en France, le secteur nucléaire supprime des emplois quand l’éolien en crée massivement. Ne faudrait-il donc pas se poser la question des surcapacités nucléaires d’EDF et envisager un accord avec nos voisins allemands pour qu’ils ferment leurs vieilles centrales à charbon et que nous fermions nos vieilles centrales nucléaires ? Cela aurait en outre le mérite d’améliorer nos bilans écologiques.
Il faut réorienter les financements dans le sens de la transition énergétique. Compte tenu du coût astronomique du grand carénage que la Cour des comptes estime à 100 milliards d’euros, doit-on réellement prolonger la durée de vie de tous les réacteurs ? Les contribuables français doivent-ils financer un projet nucléaire pharaonique en Grande-Bretagne plutôt que de financer les EnR qui, à la différence d’un réacteur équipé d’une cuve fabriquée au Japon, pourront contribuer à notre souveraineté énergétique ?
M. Franck Reynier. L’UDI est attachée au développement harmonieux de notre mix énergétique. Nous sommes donc très sensibles au développement des énergies renouvelables inscrit dans la stratégie d’EDF. Il me semble néanmoins que nos réflexions doivent se concentrer sur la filière nucléaire, au sujet de laquelle nous avons deux raisons d’être inquiets : d’une part, le choix fait par la France d’abaisser à 50 % la part du nucléaire dans sa production énergétique ; d’autre part, la question du développement à l’international qui doit permettre à l’entreprise d’accroître ses marges de manœuvre. À cet égard, on ne peut que saluer, après les difficultés qu’a connues Areva, la constitution d’une « équipe de France » nucléaire.
À court terme, la stratégie d’EDF doit se concentrer sur le grand carénage et l’allongement de la durée de vie de nos centrales, sur tout le territoire ; ces investissements seront par ailleurs bienvenus, dans cette période difficile, pour des entreprises qui comptent souvent parmi nos fleurons industriels.
À long terme, si nous voulons acquérir des parts de marché à l’international, il faut que nous puissions démontrer à nos partenaires que la France est toujours un acteur majeur du nucléaire ; pour cela, nous devons aussi innover et investir sur le territoire national. Que pensez-vous de l’implantation sur le territoire national de nouveaux réacteurs, EPR nouveaux modèles ou ATMEA ?
Mme Jeanine Dubié. En ce qui concerne la construction des deux réacteurs EPR au Royaume-Uni, que répondez-vous aux syndicats qui affirment que vous imposez votre solution à marche forcée ? Pour quelle raison n’est-on pas parvenu à trouver d’autres co-investisseurs que le Chinois CGN ?
Le département des Hautes-Pyrénées où je suis élue est très concerné par la mise en concurrence des concessions hydroélectriques. Nous pensions le sujet réglé dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique, mais il semblerait que la Commission européenne ne l’ait pas entendu de cette oreille… Afin de rassurer les agents EDF concernés, pourriez-vous nous dire où en est la procédure de mise en demeure et quelles pourraient en être les conséquences ? Les centrales hydroélectriques contribuent au mix énergétique et sont donc stratégiques pour notre indépendance énergétique. Que pouvez-vous faire pour préserver ce modèle de production ?
Mme Delphine Batho. Je parlerai pour ma part de trois alertes : le droit d’alerte économique du comité d’entreprise d’EDF au mois de décembre, lequel révèle au sein de l’entreprise un climat social préoccupant que vos déclarations ne vont pas apaiser ; la démission du directeur financier d’EDF, dont j’aimerais savoir à quoi vous l’attribuez ; le rapport enfin que publie la Cour des comptes sur la stratégie internationale d’EDF, selon lequel, dans le dossier d’Hinkley Point, « la complexité même du montage évoqué et surtout la façon dont il pourrait impacter la responsabilité d’EDF suffisent à susciter de fortes interrogations ».
Vos arguments, monsieur le ministre, semblent partir du postulat qu’il existe une continuité entre les décisions de 2013 et celles d’aujourd’hui. Or le montage a substantiellement évolué du fait de l’absorption d’Areva par EDF : désormais, EDF finance le projet à 66 % et doit le consolider à 100 % dans ses comptes, pour un montant de 23 milliards d’euros, montant supérieur à la valeur de l’entreprise. Par ailleurs, la garantie du Trésor britannique fonctionnera à partir de l’entrée en service de Flamanville 3, mais qui sait quand celle-ci aura lieu ? Enfin, le réacteur est une tête de série, dont 60 % de la fabrication sera réalisée au Royaume-Uni, qui n’a pas construit de centrale nucléaire depuis vingt ans : tout porte donc à croire que les soixante-douze mois prévus pour sa construction seront dépassés.
Il y a là un risque industriel et financier évident, et intégralement supporté par EDF. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à rendre public le rapport de M. Yannick d’Escatha sur les risques du projet Hinkley Point ou, à tout le moins, à le communiquer plus confidentiellement aux députés, qui ne peuvent pas être mis devant le fait accompli sur une opération qui engage l’avenir d’EDF ?
Vous avez par ailleurs évoqué l’entrée d’actionnaires privés au capital de RTE : est-ce à dire que vous allez réviser la Constitution puisque, aux termes de l’alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946, les réseaux doivent être un bien collectif et public, ce que réitère la loi de 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ?
En ce qui concerne sa stratégie globale, EDF est confrontée à un mur d’investissements, résultat d’années de sous-investissement dû aux dividendes que s’est servis l’État. Vous estimez que la solution ne passe pas par un retour à la régulation ; je pense, au contraire, qu’il faut revenir à un système régulé et revoir le statut d’EDF, car ce n’est pas une entreprise soutenue par des capitaux privés qui nous permettra de conduire la politique énergétique de la France. Avec un statut de société anonyme, EDF n’aurait pas construit les centrales nucléaires. Nous avons aujourd’hui sur la table une proposition sérieuse, qui n’a rien à voir avec une renationalisation à l’ancienne mais suggère une sortie d’EDF de la Bourse et la transformation des actions privées en parts sociales qui seraient rachetées par les consommateurs et les salariés de l’entreprise. Que pensez-vous de cette proposition ?
M. Éric Straumann. Monsieur le ministre, lors d’une séance de questions au Gouvernement il y a trois semaines, vous m’avez indiqué qu’il n’était pas possible de donner aujourd’hui une date précise pour la fermeture de la centrale de Fessenheim. Cette centrale est autorisée au moins jusqu’en 2020. Une fermeture anticipée détruirait de la valeur, ce qui ne serait pas sans incidence sur les comptes d’EDF. À combien estimez-vous le coût annuel d’une fermeture anticipée de Fessenheim, hors coût du démantèlement de la centrale ?
Mme Marie-Hélène Fabre. EDF va devoir investir 24 milliards d’euros pour construire les deux réacteurs EPR au Royaume-Uni et quelque 100 milliards d’euros pour renforcer la sécurité du parc nucléaire français. Comment voyez-vous l’avenir de la fusion entre EDF et Areva ? Les différents engagements seront-ils tenus ?
M. Jean-Claude Mathis. Monsieur le ministre, c’est toujours un plaisir de vous écouter. Vous avez récemment visité le site de la centrale nucléaire de Civaux, dans la Vienne. Un comité d’accueil vous y attendait pour en découdre, échauffé par les propos que vous aviez prononcés quelques jours auparavant devant l’Assemblée : « Très longtemps, le compromis social sur EDF a été fait, aux dépens de tout le monde, pour l’intérêt uniquement des salariés. Ce n’est plus durable. » Devant les salariés de Civaux, vous avez expliqué que ces propos ne constituaient nullement une attaque, mais évoqué néanmoins « un compromis social trop généreux », « un dialogue social dans lequel on ne parle pas de stratégie mais d’un modèle d’après-guerre », enfin « une dynamique salariale déconnectée pendant vingt ans de l’évolution de la productivité et des protections statutaires supérieures pour l’agent EDF que pour le salarié de la PME sous-traitante qui travaille sur le site », avant d’ajouter : « Ce n’est plus durable ; l’injustice est là. »
En toute transparence, cette charge poursuivait-elle un objectif politique, à quelques mois d’une échéance électorale capitale, ou économique, comme je l’espère vivement, eu égard à la situation financière d’EDF ?
Mme Pascale Got. Areva, Vallourec, EDF : trois entreprises dans le collimateur… Est-ce une spécificité des entreprises qui interviennent sur le marché de l’énergie ou le début d’une série de difficultés pour l’État-actionnaire et le modèle des entreprises dans lesquelles il a des participations ?
M. Lionel Tardy. Confirmez-vous que la cession de 50 % de RTE est à l’étude et quelles suites sont prévues à cette cession si vous la confirmez ?
Pouvez-vous nous garantir que le consommateur n’aura pas à payer, par quelque taxe que ce soit, pour ce que vous qualifiez de vision court-termiste de l’État et de compromis social trop généreux, dans le cadre de la recapitalisation d’EDF par l’État ?
M. Frédéric Barbier. J’ai travaillé pendant trente-cinq ans dans cette belle entreprise qu’est EDF et je partage votre idée selon laquelle les gouvernements, de droite comme de gauche, ont toujours su se servir de confortables dividendes. EDF a beaucoup apporté à la France, y compris à ses finances !
La situation est aujourd’hui difficile. J’entends qu’il existe des marges de manœuvre, que ce soit sur les dividendes, les tarifs ou les investissements, mais j’aimerais vous entendre sur la recherche et développement (R&D). J’ai toujours été surpris en effet que cette dernière ne soit pas plus importante eu égard à la surface économique de l’entreprise. En matière d’innovation, d’autres pays sont en train de prendre le pas sur nous – je pense à la Chine, voire aux États-Unis. Cela ne mérite-t-il pas que l’on y consacre plus de moyens ?
Par ailleurs, y aura-t-il dans le futur des partenariats, comme cela s’est produit avec GDF-Suez, sur les nouveaux services apportés par EDF à sa clientèle ?
M. Antoine Herth. Vous semblez partager, monsieur le ministre, le souci que l’État-actionnaire clarifie sa position. Dans cette optique, vous avez évoqué la possibilité que l’État procède cette année, comme en 2015, à une nouvelle recapitalisation d’EDF : cela signifie-t-il en clair que l’État va renoncer durablement à prélever un dividende sur le résultat de l’entreprise ? Est-ce au bout du compte une manière de diluer les 15 % de participations détenus par les autres actionnaires ?
Mme Béatrice Santais. Je reviens, en bonne Savoyarde, sur la question de l’hydroélectricité. Je veux vous dire à quel point nous tenons à cette belle énergie renouvelable : elle ne produit pas de CO2 ; elle est excellente pour l’équilibre de notre système électrique ; elle est très compétitive et touche très peu de subventions.
Quelle est votre réponse à la mise en demeure envoyée par la Commission européenne sur les concessions hydroélectriques d’EDF ?
M. Philippe Kemel. Ma question porte sur RTE, dont vous avez évoqué le projet industriel. Quelle est la situation de ce groupe, aujourd’hui en position de monopole ? Dégage-t-il des bénéfices, et le cas échéant sont-ils suffisants ? Que représente la part du transport dans le prix de l’électricité ?
Vous avez également évoqué une privatisation partielle, ainsi qu’un éventuel apport de capital : s’agit-il d’élargir les missions de RTE, dans la mesure où la production d’électricité étant de plus en plus décentralisée, il faut la transporter autrement ? Ne peut-on également mieux préserver les paysages ? Je pense à l’installation, dans ma circonscription, d’une ligne à très haute tension (THT) dont beaucoup souhaiteraient qu’elle soit enterrée.
Mme Corinne Erhel. EDF est en Europe l’un des acteurs majeurs dans le secteur des énergies renouvelables. Les difficultés actuelles sont-elles susceptibles de remettre en cause sa stratégie et ses investissements ? Je pense plus particulièrement aux filières innovantes, prometteuses mais qui n’ont pas encore atteint leur maturité technologique ou pas encore trouvé de modèle économique – c’est par exemple le cas des hydroliennes réalisées pour EDF par DCNS et sa filiale OpenHydro. Ce projet a fait l’objet d’une concertation exemplaire en amont, et a été accepté par l’ensemble des acteurs. Je suis donc très vigilante sur ce point : il y a là de l’innovation, de la R & D ; il faut préserver ce secteur.
M. Yves Daniel. Pour faire face aux difficultés que vous avez détaillées tout à l’heure, EDF a annoncé des suppressions d’emploi, et pris des décisions qui affecteront nécessairement les salariés. Ainsi, deux des tranches de la centrale thermique de Cordemais fermeront dès 2018, au lieu de 2023 : 600 emplois sont directement menacés. L’État compte-t-il intervenir ?
M. Jean-Luc Laurent. Je me réjouis de la présence du ministre, qui nous annonce une bonne nouvelle : il y a un chemin pour le nucléaire ! Et l’État est déterminé à jouer pleinement son rôle d’actionnaire, ce qui n’a pas toujours été le cas. Prélever des dividendes trop élevés a été une faute lourde des gouvernements successifs. Accepter la dérégulation et la fin des tarifs réglementés fut une autre faute lourde, qui a précipité les difficultés d’EDF – les prix de vente sont aujourd’hui inférieurs au coût de production : respectivement 30 euros et 50 euros le mégawattheure ! Ce à quoi sont venus s’ajouter des choix erronés à l’international.
Pour assurer l’avenir, monsieur le ministre, nous devons débattre des moyens et du chemin que vous nous proposez d’emprunter : pour ma part, je ne suis pas convaincu. Le retour à un contrôle public d’EDF est à mes yeux une nécessité absolue. Le grand carénage est aussi, je crois, un impératif industriel : il doit être préféré – s’il faut choisir – à la construction d’une nouvelle centrale en Grande-Bretagne. Il serait en tout cas bon que l’EPR de Flamanville fonctionne avant de prendre une décision.
Il serait également utile que soit dressé un bilan des conséquences financières, économiques et sociales des décisions qui nous ont été imposées par la Commission européenne.
M. Alain Fauré. Le directeur financier d’EDF, fleuron de notre industrie, a démissionné de ses fonctions parce qu’il estimait que prendre une décision définitive sur le projet britannique d’Hinkley Point, comme le souhaitait le président-directeur général d’EDF, faisait courir un risque trop fort à l’entreprise – nous parlons, je le rappelle, d’investissements qui s’élèvent à 23,5 milliards d’euros.
M. Thomas Piquemal est un professionnel reconnu, qui s’est beaucoup investi pour EDF pendant six ans. Je rappelle notamment les négociations qu’il a menées avec succès aux États-Unis sur le dossier Constellation, ou en Italie pour prendre le contrôle d’Edison. Ses capacités sont donc reconnues.
Les risques financiers de cet investissement sont avérés. En particulier, nous ne savons pas quel sera le sort réservé au recours formé par l’Autriche contre la clause de garantie des prix. Il serait judicieux d’attendre d’être fixés sur ce point avant de nous engager plus avant dans le dossier anglais. De plus, il existe des problèmes techniques à Flamanville, et il serait prudent d’attendre la mise en route de la centrale de Taishan, afin que nous soyons sûrs de la solidité de notre partenaire chinois, lui aussi partie prenante dans le projet anglais.
N’est-il pas dangereux, monsieur le ministre, de prendre une décision dès le mois de mai ?
Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Les deux questions que je souhaitais soulever l’ont déjà été : l’une, posée par Mme Marie-Hélène Fabre, concernait un éventuel retard de la mise en œuvre des accords de partenariat entre EDF et Areva ; l’autre, posée par Mme Corinne Erhel, concernait les projets hydroliens, puisque la Normandie et Cherbourg sont également concernés par le partenariat EDF-DCNS.
M. Patrick Lebreton. Député de La Réunion, je m’alarme des conséquences financières des nouvelles orientations d’EDF, notamment pour les territoires insulaires, qui requièrent des investissements lourds et spécifiques. Nos territoires sont souvent frappés par des coupures et des délestages, et nous nous attendons, au cours des quinze années à venir, à une croissance démographique de 15 %. Des investissements importants sont donc indispensables pour assurer un approvisionnement satisfaisant, donc pour améliorer les conditions de vie des Réunionnais mais aussi pour conforter le développement économique. Lors de sa récente visite, le président-directeur général d’EDF a pu mesurer ces attentes.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, appeler votre attention sur la nécessité pour EDF, en dépit de ses difficultés sévères, de maintenir son niveau d’engagement outre-mer.
M. le ministre. Je vous remercie de ces nombreuses questions.
Les concessions hydroélectriques, sur lesquelles portait la première question, constituent un élément important de notre modèle productif. Elles comptent beaucoup pour les territoires, comme pour la production d’électricité à bas coût. Ces concessions ont été constamment défendues par les pouvoirs publics, et la loi relative à la transition énergétique a pris des mesures concrètes sur ce sujet, notamment en prévoyant un contrôle public des concessions grâce à des sociétés d’économie mixte – je ne reviens pas sur ce débat qui vous est familier.
À la fin du mois d’octobre dernier, malgré toutes les actions menées tant par l’État que par EDF, par les partenaires sociaux ou encore par certains d’entre vous, la Commission européenne a adressé à la France une mise en demeure. Nous devions réagir, mais sans répéter ce qui a été fait : de manière évidente, la Commission européenne a considéré que nous ne répondions pas à ses préoccupations. Elle juge que les autorités françaises ont mis EDF en position d’abuser de sa position dominante en lui accordant de gré à gré la majeure partie des concessions hydroélectriques et en ne renouvelant pas les concessions récemment arrivées à échéance.
Nous avons contesté l’infraction. La ministre chargée de l’énergie a fait parvenir à la Commission une réponse écrite en fin d’année dernière, défendant le modèle français. Nous nous sommes rendus à plusieurs reprises à Bruxelles, et j’ai moi-même rencontré à deux reprises, sur ce sujet précis, Mme la commissaire Margrethe Vestager, pour expliquer les caractéristiques du modèle français. Je sais que plusieurs d’entre vous ont également effectué des démarches en ce sens. Par ailleurs, je l’ai dit, de nombreuses décisions récentes de régulation ont changé la donne sur le modèle d’EDF dans son ensemble.
Or un changement est intervenu au cours des dernières semaines : nos échanges récents avec la Commission européenne nous laissent bon espoir d’arriver à un compromis qui permettrait le retrait de la procédure d’infraction. Dans cette perspective, nous sommes depuis la semaine dernière dans une phase de discussions : c’est une procédure assez rare, qui montre l’utilité de toutes les démarches engagées, comme le souhait constant de la commissaire Vestager de préférer le dialogue constructif aux procédures contentieuses.
En lien avec l’entreprise, nous allons dans les prochaines semaines chercher les voies et moyens de construire ce compromis avec la Commission européenne. Ce qui ne signifie pas, à moins que nous ne réussissions à convertir entièrement les esprits, qu’il reprendra l’intégralité de la position française… Mais le contexte économique comme les éléments objectifs que j’ai rappelés ont été pris en considération et permettent d’imaginer une solution alternative.
Monsieur Daniel Fasquelle, il ne faut pas surinterpréter la sortie du CAC 40. Tout d’abord, ces mouvements ne sont jamais irrémédiables – on l’a vu avec PSA. Ensuite, différents facteurs sont pris en compte pour inclure ou exclure une valeur de l’indice : des éléments de valorisation, mais aussi d’échange du titre. Or EDF a, c’est vrai, été affecté – plus que d’autres, pour les raisons que j’ai énoncées tout à l’heure – par un mouvement de marché, qui a touché tout le secteur de l’énergie. Mais à cela s’ajoute le fait qu’il y a très peu de flottant : si la place au sein du CAC 40 était jugée déterminante, il aurait suffi de vendre 5 % du capital sur le marché pour y rester ! Il était plutôt remarquable qu’EDF fasse partie du CAC 40 avec un capital si peu ouvert, face à des groupes dont le flottant peut dépasser 90 %.
Plusieurs d’entre vous ont rappelé la démission du directeur financier, M. Thomas Piquemal. C’est une décision personnelle, sur laquelle il n’a fait strictement aucun commentaire officiel. EDF étant une société cotée, il est d’autant plus important de ne pas faire dire à son ancien directeur financier ce que d’aucuns lui ont fait dire.
C’est M. Piquemal qui a pris, avec deux présidents-directeurs généraux successifs, les décisions financières qui ont engagé, puis accompagné le projet d’Hinkley Point – dans d’autres conditions de marché, certes.
Mme Delphine Batho. Et avec un autre schéma de participation !
M. le ministre. Je vais y revenir.
Le contexte économique et financier est la cause principale de la fragilité d’EDF ; c’est la vérité des chiffres, que j’ai rappelée, même si certains persistent à la nier. Ce n’est pas Hinkley Point qui en est la cause, puisque ce projet représente, je le redis, moins de 15 % des investissements totaux portés par EDF. Ce qui détermine sa notation financière, c’est l’alliance des prix de marché que j’ai rappelés, des investissements à faire et de son exposition. Hinkley Point n’a rien à faire là-dedans ; bien sûr, ce projet ne fait qu’alourdir le poids des investissements nécessaires, mais il ne représente, en totalité, même pas les investissements d’une année.
Il faut donc remettre les choses à leur juste proportion. Hinkley Point n’est pas la source des problèmes rencontrés aujourd’hui par EDF. Plusieurs d’entre vous ont appelé de leurs vœux un projet industriel de long terme : devons-nous décider d’un projet à soixante ans en fonction des difficultés financières d’aujourd’hui ?
C’est aussi pour cela que je n’ai exclu aucune solution. La facilité serait de se tourner vers l’État, et c’est pourquoi j’ai insisté sur le fait que la solution doit reposer d’abord sur les différents acteurs. Mais notre responsabilité collective est de prendre les bonnes décisions à long terme, même si elles sont difficiles : gardons à l’esprit que les difficultés à court terme de l’entreprise sont dues au contexte de marché.
Hinkley Point est un investissement supplémentaire, mais à très forte rentabilité : je vous mets au défi de trouver des projets – dans le secteur nucléaire ou ailleurs – dont la rentabilité est de 9 %, avec des prix garantis.
À l’évidence, ce dossier ne contribue pas à l’apaisement du contexte social ni du contexte de marché. Mais il faut le remettre en perspective, et essayer lucidement de trouver des solutions. Nous ne sommes pas, me semble-t-il, dans une impasse, et nous ne devons pas collectivement refuser l’obstacle.
Vous m’interrogez également, Monsieur Daniel Fasquelle, sur la perte de clients par EDF. Les chiffres que vous donnez ne sont pas étonnants s’agissant d’une entreprise qui sort d’une situation de monopole ! D’autres entreprises dans d’autres secteurs – pensons à France Télécom hier – ont connu ce même phénomène : quand les marchés s’ouvrent, des concurrents apparaissent. C’est ainsi qu’EDF a perdu 30 % de clients ; ce qui signifie a contrario qu’elle a préservé 70 % de sa clientèle, et dans un contexte qui n’est pas facile. Cela montre qu’il s’agit d’une entreprise compétitive sur le plan industriel et commercial ; cela montre aussi la qualité et l’engagement de ses salariés.
L’entreprise elle-même est lucide sur le fait que les tarifs régulés ne sont pas une solution pour pallier cette perte de clientèle, bien au contraire : à chaque fois que l’on a essayé de tirer cet argument, on a plutôt perdu des clients. Je ne veux pas crier victoire, mais je ne vois pas là de motif d’inquiétude.
S’agissant de Fessenheim, Monsieur Éric Straumann, sa fermeture s’inscrit dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique et s’articulera avec l’ouverture du nouveau réacteur de Flamanville. Au cours de cette année, EDF proposera formellement le nom du ou des réacteurs qu’elle souhaite fermer lors de la mise en service de Flamanville 3 : M. Jean-Bernard Lévy a laissé entendre que la centrale de Fessenheim serait concernée. C’est sur cette base que le Gouvernement prendra le décret qui entérinera la fermeture d’un ou de plusieurs réacteurs au moment de la mise en service du nouveau réacteur de Flamanville.
Nous nous conformerons ainsi au plafonnement de la puissance nucléaire à son niveau actuel de 63,2 gigawatts, indépendamment de la substitution prévue entre énergies renouvelables et nucléaire.
M. Jean-Luc Laurent. Hélas, hélas, hélas !
M. le ministre. S’agissant enfin d’Alstom, rien de ce qui a été annoncé ces derniers mois ne contrevient aux engagements pris. Une clarification publique a même été faite, à notre demande. General Electric (GE) a annoncé 6 500 suppressions de postes en Europe, dont 765 en France. Ces licenciements sont dus au rapprochement des centres de décisions d’Alstom et de GE : ils étaient prévisibles, et objectivement légitimes. Ils touchent d’ailleurs notamment des centres de décision parisiens.
Ils seront surcompensés : GE s’est engagé, dans le cadre du rapprochement, à créer 1 000 emplois au cours des trois années à venir ; ils créeront de surcroît autant d’emplois qu’ils en ont supprimés sur le territoire français. Autrement dit, les engagements seront tenus.
Monsieur Denis Baupin, EDF a bien mis en place une stratégie en matière d’énergies renouvelables, avec des investissements bruts de 2,3 milliards d’euros par an, auxquels s’ajoutent 450 millions d’euros par an pour l’hydroélectricité sur la période 2016-2019, et 300 millions d’euros pour l’éolien offshore. Cela inclut tous les grands projets qui ont été évoqués – l’hydrolien, par exemple, en partenariat avec DCNS.
Tous ces projets sont maintenus, et même considérés comme essentiels à la diversification d’EDF.
Reste que l’idée que les énergies renouvelables puissent, à court terme, se substituer à l’énergie nucléaire, ne résiste pas à l’épreuve des faits. Certes, le prix de certaines énergies renouvelables devient compatible avec un modèle économique : l’hydroélectricité en est un bon exemple, et il est vrai que les coûts de production de l’éolien onshore et du solaire ont beaucoup diminué. Mais les EnR ont bénéficié, pour assurer leur démarrage, de prix d’achat garantis : 80 euros le mégawatt pendant quinze ans pour l’éolien, 100 à 250 euros le mégawatt pendant vingt ans pour le solaire, 220 euros le mégawatt pendant vingt ans pour l’éolien en mer. Ces filières sont subventionnées – de façon tout à fait légitime, et pour des raisons stratégiques. Mais il faut comparer ce qui est comparable. Au total, ces subventions absorbent chaque année pour plus de 4 milliards d’euros des montants issus de la contribution au service public de l’électricité (CSPE), et peut-être 6 à 7 milliards d’euros en 2025. Ces énergies produiront alors environ un tiers de l’électricité consommée.
C’est un investissement nécessaire pour la diversification de notre modèle, comme pour construire de nouvelles filières industrielles. Mais on ne peut pas comparer des prix aidés avec le prix actuel du nucléaire. Ajoutons qu’il s’agit d’énergies intermittentes, qui ne peuvent, par définition, pas représenter toute notre production. La force, la robustesse du modèle d’EDF, c’est de combiner les EnR et l’énergie nucléaire – celle-ci, plus souple, pouvant être mobilisée lorsque les EnR ne sont pas suffisantes. C’est là-dessus que nous devons continuer à travailler pour parvenir au modèle le plus pertinent, le plus efficace et le plus sécurisant.
C’est pour cette raison qu’EDF a parallèlement décidé d’investir massivement dans les interconnexions, élément essentiel pour créer un vrai marché européen de l’énergie et développer les EnR partout, mais aussi dans le stockage d’électricité, indispensable pour utiliser au mieux des énergies intermittentes. Nous développons des initiatives européennes sur ces deux sujets ; nous utilisons le fonds Juncker, et nous soutenons les projets de la Nouvelle France industrielle. Cette stratégie nous permettra une montée en gamme.
En ce qui concerne l’Autorité de sûreté nucléaire, tous les investissements du grand carénage ont été décidés après Fukushima ; si les coûts de l’EPR ont augmenté, c’est aussi à cause des exigences accrues, et parfaitement légitimes, de l’ASN.
Notre modèle nucléaire est aujourd’hui, grâce à la vigilance de l’ASN, l’un des plus sûrs, sinon le plus sûr. Cela conduit à des surcoûts et à des investissements massifs. Mais nous n’avons pas d’autre voie à suivre : si nous savons mener à bien ce travail, nous pourrons, j’en suis convaincu, continuer de disposer d’une filière d’excellence, malgré toutes les difficultés à court terme. Aucune des filières existantes ou en train de se constituer, en Chine ou en Russie, n’est encore à ce niveau de sûreté nucléaire. La montée en gamme de notre parc nucléaire est donc essentielle.
Il y aura bien, Monsieur Franck Reynier, de nouveaux réacteurs. La nouvelle génération d’EPR ne sera sans doute pas encore au point pour le projet anglais ; elle se développera en France, comme l’a rappelé le PDG d’EDF : de nouvelles centrales seront construites sur notre territoire. Notre réseau nous permet de soutenir la charge d’une centrale de 1 800 mégawatts, à l’image de l’EPR. C’est d’ailleurs l’une des difficultés commerciales que posent ces réacteurs : tous les réseaux, notamment dans les pays en voie de développement, ne peuvent pas supporter une production aussi importante. L’AP1000 ou l’ATMEA, qui sont des modèles plus petits, de 1 000 mégawatts, sont alors plus adaptés.
Nous continuons à travailler sur une quatrième génération. C’est un projet essentiel, et EDF doit continuer d’avoir un rôle moteur.
Enfin, l’ATMEA demeure important. Des inquiétudes, je le sais, se sont fait jour, notamment chez nos partenaires japonais. Mais ce produit franco-japonais fait partie de l’offre nucléaire française, très pertinente, je l’ai dit, sur le marché des 1 000 mégawatts. Il doit continuer d’être développé par la filière française.
S’agissant d’Hinkley Point, les syndicats se sont en effet élevés contre ce qu’ils estiment être une solution imposée. Mais la solution adoptée n’a pas été imposée par l’État ! Elle a été mise au point par l’entreprise. Il est exact que le schéma a changé. Mais – vous en demanderez la confirmation au dirigeant d’EDF lorsque vous le recevrez – une consolidation était nécessaire, compte tenu du risque opérationnel porté par EDF.
En effet, dans le schéma déconsolidant initialement envisagé, Areva, avec d’autres, était à 15 %, les Chinois à 40 %, EDF à 45 %. Mais le rôle opérationnel d’EDF dès le début du projet, et d’autre part la consolidation de la filière à laquelle la situation d’Areva nous a contraints à procéder, et donc la prise de contrôle par EDF d’Areva NP, conduisaient de toute façon à rendre ce schéma consolidant de facto.
Évitons tout malentendu : le schéma n’aurait pu qu’être requalifié par les commissaires aux comptes, et ne pouvait être considéré que comme consolidant.
J’entends les doutes des syndicats, qui sont parfaitement légitimes. Je souligne toutefois qu’ils sont en train de revoir leur jugement, l’entreprise menant son travail d’explication : plusieurs syndicats ne sont plus opposés à ce projet. Je les ai rencontrés la semaine dernière et je peux vous assurer, madame Delphine Batho, que je ne mens pas.
Mme Delphine Batho. Je les ai vus ce matin, et je n’ai pas du tout eu cette impression !
M. le ministre. Je reverrai l’intersyndicale… Ils souhaitent parfois des clarifications, des reports, mais je vous assure que tous les syndicats ne sont pas opposés au projet lui-même.
Soyons lucides : il y a chez EDF une tradition d’opposition à l’EPR – c’est d’ailleurs ce qui a détruit une bonne partie de l’attractivité de la filière. Dans de nombreux cas, EDF n’a pas défendu l’EPR à l’étranger, sous le seul prétexte que c’était un produit d’Areva ! C’est la réalité, et c’est d’ailleurs ce qui explique que nous ayons perdu des marchés.
On ne dirige pas une entreprise, et l’on ne joue pas son rôle d’actionnaire, en écoutant les états d’âme. En revanche, il faut écouter les préoccupations légitimes et documentées, et il faut expliquer. J’entends donc ce que disent les salariés, et je suis à leurs côtés. Mais les guerres de position historiques ne m’intéressent pas.
S’agissant du montage financier, nous nous inscrivons dans un processus défini par l’entreprise, et qui a conduit à la signature d’une série d’accords, et en particulier du Contract for Difference (CfD) qui engage le gouvernement britannique et offre les garanties de prix que j’ai rappelées. Ces accords ont été réitérés au niveau politique, de gouvernement à gouvernement, à l’occasion des différents sommets.
Certains craignent, je le sais, une annulation unilatérale du CfD par le gouvernement britannique. EDF, sur ce point, a été conseillé par un cabinet d’avocats qui a également conseillé le gouvernement espagnol lorsque celui-ci a remis en cause les CfD mis en place pour les EnR en Espagne : en cas d’annulation par le tribunal de l’Union européenne, notre analyse est que nous sommes couverts. Nous avons d’ailleurs demandé au gouvernement britannique de doubler cet accord d’une lettre de confort, afin de mettre en place un dispositif de substitution – ce que le gouvernement britannique fait.
Quant à la garantie financière du Trésor britannique, elle ne se justifiait que dans le cas d’un schéma déconsolidant, si un véhicule ad hoc avait pu être créé pour porter l’investissement, et dont EDF aurait été l’un des investisseurs. Mais EDF porte aujourd’hui 60 milliards de dette – c’est le plus gros émetteur de dette hybride en Europe : dans un schéma consolidant, il n’a pas besoin d’une garantie. EDF, détenu à plus de 85 % par l’État, dispose d’une garantie implicite, prise en considération par les agences de notation.
Le partage des investissements est une piste qui doit être examinée. Je n’y suis nullement fermé, y compris sur le projet Hinkley Point. Des investisseurs chinois sont associés à ce projet depuis ses débuts ; à mesure que les chantiers avancent, quand Taishan, Flamanville, Olkiluoto 3 entreront en service, nous pourrons faire appel à d’autres encore. À ce stade, nous pouvons progresser en nous fondant sur le schéma actuel.
S’agissant du rapport de la Cour des comptes, Madame Delphine Batho, la Cour a constaté que « l’endettement d’EDF, conjugué à la persistance, depuis 2010, d’un flux de trésorerie disponible négatif, [limitait] les capacités de développement du groupe à l’étranger ». Elle estimait le schéma déconsolidant complexe, et surtout contradictoire avec la réalité des responsabilités d’EDF. Les conséquences de ces observations ont été tirées : c’est donc bien un schéma consolidant qui a été retenu. Cela nous conduit à prendre des risques financiers et opérationnels dont je ne minore absolument pas l’importance ; c’est un choix maîtrisé.
S’agissant du rapport de M. Yannick d’Escatha, je vous demande de me laisser un peu de temps. Ma première réaction est qu’il ne me semble pas possible de le porter à votre connaissance : il s’agit d’un rapport portant sur une société cotée ; si j’étais actionnaire minoritaire, je ne souhaiterais sans doute pas que ce rapport soit communiqué à la Représentation nationale. Je ne prends d’engagements devant vous que lorsque je sais pouvoir les tenir : je vais donc apprécier les risques juridiques. Je vous ferai donc savoir si le « rapport d’Escatha » peut vous être transmis, et le cas échéant selon quelles modalités.
En ce qui concerne RTE, il faudrait en effet modifier, sinon la Constitution, au moins la loi si nous voulions vendre une majorité du capital de RTE. Mais nous pouvons faire entrer dans le capital d’autres investisseurs – Caisse des dépôts ou partenaires financiers privés – sans perdre le contrôle financier. Pour l’heure, aucun schéma financier n’est retenu. Nous travaillons sur un schéma industriel destiné à développer RTE, puisqu’il n’y a plus de synergie entre EDF et RTE, en raison des barrières qui existent aujourd’hui entre les deux groupes sur le plan opérationnel, sur le plan des ressources humaines ou sur le plan des investissements. EDF est actionnaire à 100 % de RTE : c’est une bonne chose en termes de remontée de résultat, et cela n’a pas de conséquences sur l’EBITDA. Mais vendre une partie des actions de RTE permettrait d’utiliser plus efficacement le capital d’EDF.
Comprenez-moi bien : le choix d’ouvrir le capital à des partenaires privés n’est absolument pas fait aujourd’hui. Toutes les clarifications juridiques seront faites en temps utile. Notre travail porte en premier lieu sur un projet industriel, mené par RTE et son président, en lien avec le PDG d’EDF. Les décisions seront prises par l’actionnaire, en lien avec son propre actionnaire majoritaire, l’État.
Quant à la régulation du prix du nucléaire, je ne l’exclus pas : c’est une voie intéressante pour le nouveau nucléaire ; c’est d’ailleurs celle qu’empruntent les Britanniques. Mais elle est difficile à envisager pour le parc historique, en raison des dérégulations qui nous ont été imposées.
La solution d’une sortie d’EDF de la Bourse n’est pas privilégiée aujourd’hui. Je suis prêt à en examiner le principe, mais j’appelle votre attention sur le fait qu’elle n’aurait de sens que pour la partie « nucléaire France », et pas pour le reste d’EDF : elle impliquerait donc un démantèlement du groupe, dont je vous invite à débattre avec les partenaires sociaux, la direction générale et les autres partenaires. Le statut d’objet coté du nucléaire français n’est pas satisfaisant, je l’ai déjà dit, je suis d’accord avec vous sur ce point – c’est une décision qui a été prise par une autre majorité, je le dis sans esprit polémique, car cela a aussi permis à l’entreprise de se moderniser. Mais autant le statut de société cotée est une solution pertinente pour se diversifier ou pour développer le nucléaire à l’international, autant il ne me semble pas optimal pour ce qui concerne le nucléaire en France, compte tenu des contraintes de production, du parc installé, de la régulation, de la fixation des tarifs par l’État et les liens incestueux entre l’État actionnaire, l’État régulateur et l’entreprise.
Il serait extrêmement difficile, toutefois, de sortir de ce statut d’entreprise cotée. Il faudrait soit trouver énormément d’argent pour racheter toutes les actions – car il faudrait indemniser les actionnaires, et les règles boursières sont très strictes – soit rompre le lien entre les activités dans le domaine du nucléaire en France et le reste du groupe. Je suis prêt à écouter vos propositions sur ce sujet, mais je pense qu’il existe dans l’entreprise, chez les salariés et les dirigeants, une volonté forte de maintenir l’intégrité du groupe.
Monsieur Éric Straumann, la demande de fermeture de Fessenheim, si elle est faite par EDF, sera accompagnée d’une demande d’indemnisation. Nous aurons alors des échanges contradictoires, et nous pourrons évaluer le coût d’une fermeture anticipée par rapport à l’amortissement qu’il était possible d’escompter au regard des analyses de l’ASN. C’est l’entreprise qui révélera ce coût à son actionnaire.
Quant au calendrier de la reprise d’Areva NP par EDF, Madame Marie-Hélène Fabre, il est maintenu. Les entreprises construisent aujourd’hui leur plan d’affaires, nous sommes en discussion avec des investisseurs, et nous avançons sur les risques résiduels. D’une part, une discussion est en cours avec l’ASN sur la sûreté nucléaire à Flamanville. Nous attendons des clarifications pour la fin de l’année. D’autre part, j’espère que nous pourrons trouver pour le début du mois d’avril un accord avec la partie finlandaise à propos du réacteur OL 3 à Olkiluoto : nous espérons un règlement de tous les conflits passés, qui préservera les intérêts d’Areva comme ceux du contribuable. Ensuite, bien sûr, il restera des risques à terminaison.
Monsieur Jean-Claude Mathis, mes déclarations à la centrale de Civaux et les explications que j’ai voulu apporter avaient pour but d’accompagner – comme je le fais aujourd’hui devant vous – la transformation de l’entreprise. Il faut absolument arriver à un alignement parfait des salariés, des dirigeants et de l’actionnaire ; or, historiquement, lorsqu’il y a eu de mauvaises passes, on a vu les dirigeants jouer le jeu de l’entreprise contre l’État : « l’État paiera, nous n’avons pas à faire d’efforts », ou bien l’État jouer le jeu des salariés contre les dirigeants : « il faut les protéger à tout prix, les dirigeants ne doivent pas demander d’efforts ».
Seule la théorie des efforts partagés permettra d’adopter une pratique juste. Elle seule nous fera sortir des difficultés que nous connaissons. Le rôle de l’État actionnaire est d’accompagner les dirigeants dans cette tâche complexe qui consiste à demander des efforts à tous. Je reverrai l’intersyndicale au début du mois d’avril.
Madame Pascale Got, vous rapprochez EDF, Areva et Vallourec. Il y a des logiques sectorielles : EDF et Areva subissent la crise du nucléaire de l’après-Fukushima, mais aussi plus largement du secteur de l’énergie avec le rôle des gaz de schiste et l’effondrement de la demande et des prix. Engie a passé des provisions pour plus de 15 milliards d’euros ; quand à E.ON et RWE, nos compétiteurs allemands de ce secteur, en quasi-faillite, ils ont dû se résoudre à scinder leurs groupes. À ces profondes transformations sectorielles se sont ajoutées, dans le cas d’Areva, des erreurs managériales lourdes. L’État actionnaire a aussi commis des erreurs stratégiques majeures en laissant s’installer un inutile désaccord entre les partenaires de la filière. Nous avons donc aggravé par de mauvais choix une situation déjà délicate.
Vallourec subit le retournement du marché pétrolier et parapétrolier : la baisse brutale des prix du pétrole a beaucoup d’avantages, mais aussi beaucoup d’inconvénients. Les investissements dans le secteur pétrolier et parapétrolier se sont effondrés. C’est ce qui provoque de grandes difficultés pour CGG, Technip ou Vallourec dont 66 % du chiffre d’affaires est lié au secteur parapétrolier. À cela s’ajoute la crise de la sidérurgie, avec un effondrement des cours lié au dumping chinois contre lequel nous luttons. Des mesures provisoires ont déjà été prises ; je me rendrai à nouveau à Strasbourg lundi prochain pour pousser la Commission européenne à aller plus loin.
Je ne veux donc pas voir dans ces trois situations les seules conséquences des erreurs de l’État actionnaire ; je connais les doutes qui s’expriment, et je continuerai à apporter toutes les clarifications nécessaires. L’État est légitime en tant qu’actionnaire, il faut encore et toujours le redire : son principal devoir est d’être présent pour aiguillonner, mais aussi pour valider et accompagner à long terme les stratégies d’entreprise. L’État doit agir, à la différence d’autres actionnaires, sur le long terme.
Monsieur Lionel Tardy, la recapitalisation n’est en rien automatique ; elle ne sert pas à couvrir quelque compromis que ce soit. Elle permettra éventuellement de faire face à des difficultés financières, dans le cadre d’une stratégie clarifiée.
Monsieur Frédéric Barbier, j’ai déjà évoqué une partie des actions menées par EDF en matière de nucléaire et d’EnR. EDF a été pionnier pour proposer des offres de tarifs variables. Elle doit continuer à se positionner sur les services d’efficacité énergétique ; Dalkia y contribue, et c’est là un levier d’innovation majeur. EDF doit aussi se positionner sur des projets complexes, par exemple dans le domaine de l’éolien offshore, avec trois champs attribués, et de l’hydrolien – le partenariat avec DCNS est essentiel. Ce sont des projets qui reçoivent l’aide de la Nouvelle France industrielle, et qui sont au cœur de la recherche et développement d’EDF.
En revanche, EDF – à part le cas d’Areva NP – ne développe pas d’équipements propres : il ne conçoit pas d’éoliennes, par exemple. Or c’est principalement à ce niveau qu’intervient la R & D.
La filière nucléaire va également continuer à innover, je l’ai dit : je pense entre autres au projet ASTRID (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration).
Monsieur Antoine Herth, vous m’interrogez sur une renonciation durable de l’État à recevoir des dividendes. Comme pour l’augmentation de capital, je ne veux pas m’engager sur ce point. Nous avons renoncé à 1,8 milliard d’euros au titre de l’exercice 2015, et préféré le versement d’actions ; nous n’excluons nullement de prendre à nouveau une telle décision, mais elle s’inscrira dans un plan d’ensemble, qui devra être finalisé.
Monsieur Yves Daniel, certains emplois ne seront pas renouvelés ; mais cela compense les créations d’emploi de la période 2010-2015. Le parc thermique est aujourd’hui moins sollicité ; c’est particulièrement vrai pour les tranches au fioul qui ne tournent plus qu’environ quarante heures par tranche et par an, pour des essais. Il y a là des pertes d’exploitation importantes, et de fortes surcapacités. Il a donc été décidé d’arrêter les six tranches fioul encore en service : deux à Porcheville en 2017, puis deux à Cordemais et encore deux à Porcheville en 2018. Je rappelle que les autres tranches ont été fermées en 2014 et 2015. Les salariés concernés par ces fermetures seront redéployés au sein du groupe, et les prestataires accompagnés.
Monsieur Jean-Luc Laurent, le retour aux tarifs régulés une fois que l’offre a été ouverte n’est pas, je le redis, une solution : EDF risquerait de sortir du marché, tout simplement. La bataille que vous proposez impliquerait non seulement des tarifs régulés, mais aussi la reconstitution d’un monopole, ce que le droit nous interdit de faire aujourd’hui. Le Royaume-Uni est dans une situation différente, et nous pouvons, je le répète, nous orienter vers une solution de ce genre pour la nouvelle production – qui représente une capacité supplémentaire, sur laquelle il n’y a pas de concurrence, et qui peut disposer d’un prix garanti. Mais les risques à terme, lorsque le marché sera ouvert, seront les mêmes : le prix de marché peut être inférieur au prix qui a été garanti. C’est en tout cas un débat complexe.
Je reviens un instant à Hinkley Point pour évoquer la question d’un éventuel report. À l’évidence, ce serait la solution intellectuellement et techniquement la plus confortable : attendre que nous ayons ouvert Flamanville, voire OL 3, ce serait être sûr de disposer toutes les garanties nécessaires. Le problème, c’est que nous avons un client… Il nous faut donc discuter avec le gouvernement britannique. Demander un report, ce serait prendre le risque – fort – de perdre le contrat.
Mme Delphine Batho. Pas nécessairement.
M. le ministre. Madame la députée, si vous avez les réponses à toutes les questions que vous posez, je vous invite à mener votre propre politique. Je vous écoute avec respect, et je vous demande de faire au moins la même chose lorsque j’essaye de leur apporter une réponse.
Je dis simplement que nous sommes en compétition avec d’autres. Nous avons perdu beaucoup de marchés au cours des dernières années, en Arabie saoudite ou en République tchèque. Le marché se développe en Russie et en Chine, et il y a des acteurs locaux. Les Chinois sont très présents au Royaume-Uni. Ne soyons pas naïfs ; nous ne négocions pas avec nous-mêmes !
Nous devons examiner la question des délais avec notre partenaire. Nous les avons déjà négociés : le document financier final devait être signé en début d’année, puis le 30 mars ; j’ai finalement obtenu de George Osborne, chancelier de l’Échiquier, qu’il soit décalé.
En tout cas, si nous proposions à une contrepartie commerciale des réponses claires pour 2019 seulement – car c’est bien de cela qu’il s’agit –, nous nous exposerions à ne pas être retenus. J’invite toutes celles et tous ceux qui font cette proposition à en mesurer les conséquences pour l’activité, pour l’emploi, pour l’investissement et pour la crédibilité de la filière nucléaire française. Tout me porte à croire qu’elles ne seraient pas bonnes.
Au cours des prochaines semaines, au-delà du travail sur la stratégie industrielle et financière d’EDF que j’ai déjà longuement évoqué, nous devons nous efforcer de contenir les risques et de prévoir des mécanismes de garantie qui permettront d’éviter que les incertitudes résiduelles ne pèsent de manière excessive sur l’entreprise.
Je suis tout à fait prêt à venir vous rendre compte à nouveau de notre action dans quelques semaines. Mais je ne pense pas que le report soit une bonne idée : il serait véritablement perçu par nos interlocuteurs comme une renonciation.
Le projet Hinkley Point permettra à plusieurs entreprises françaises et joint-ventures franco-britanniques d’obtenir des contrats : la joint-venture entre Bouygues TP et Laing O’Rourke, pour le génie civil, à hauteur de 3 milliards de livres, Areva, pour la chaudière, à hauteur de 2,8 milliards de livres, EDF, pour l’ingénierie-conception, à hauteur de 1,7 milliard de livres, et Alstom-GE, pour les turbines et générateurs, à hauteur de 1,4 milliard de livres. Je rappelle que 35 % des coûts du projet reviendront à des entreprises françaises, ainsi que 55 % des équipements ; 40 des 64 entreprises de la chaîne de sous-traitance du projet sont françaises, comme 32 entreprises d’équipement parmi les 44 retenues. Cela représente 2 000 emplois pour Areva, plus de 200 pour Alstom, plus de 500 pour Boccard, sans compter les sous-traitants. Il y a donc une réalité du retour d’emplois industriels. Et il s’agit d’une technologie 100 % française, même lorsqu’elle est développée via des partenariats japonais et chinois.
Enfin, s’agissant de votre question sur La Réunion, Monsieur Patrick Lebreton, je n’ai pas aujourd’hui la réponse à votre question : nous prendrons contact avec vous très rapidement pour vous apporter les éléments nécessaires.
Mme la présidente Frédérique Massat. Nous vous remercions, monsieur le ministre. Vous serez amené, je n’en doute pas, à revenir devant nous faire le point sur ce dossier.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 22 mars 2016 à 16 h 15
Présents. – M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Jean-Claude Bouchet, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, M. Daniel Goldberg, M. Philippe Kemel, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois, M. Frédéric Roig, M. Éric Straumann
Excusés. – Mme Josette Pons, Mme Catherine Troallic
Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Louis Bricout, M. Guillaume Chevrollier, M. Dominique Potier