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Commission des affaires économiques

Mardi 26 avril 2016

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 70

Présidence de Mme Frédérique Massat, Présidente

–  Présentation du rapport de la mission d’information relative aux enjeux et aux impacts de l’effacement électrique diffus (Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure)

– Informations relatives à la commission

La commission procède d’abord à un hommage à la mémoire de Mme Anne Grommerch.

Mme la présidente Frédérique Massat. Mes chers collègues, je souhaite rendre hommage à la mémoire de notre collègue Anne Grommerch, décédée le 15 avril.

Nous la savions malade, mais nous ne pouvions imaginer que cette jeune femme de quarante-cinq ans perdrait son combat contre le cancer, tant son courage et sa combativité constituaient pour nous tous une évidence. Elle avait d’ailleurs fait de ce combat personnel un engagement public, en devenant vice-présidente du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur cette maladie.

Lorraine de naissance et de cœur, Anne Gommerch débuta sa carrière politique en devenant conseillère municipale de Roussy-le-Village, petite commune de Moselle. Puis, en 2010, elle fut élue conseillère régionale et, en 2014, elle devint maire de Thionville, sa ville natale. Son profond enracinement local lui avait enfin permis de prendre la tête, en février dernier, de la communauté d’agglomération Portes de France-Thionville.

Le destin, ses capacités et ses fortes convictions lui avaient aussi ouvert les portes d’une carrière nationale. Devenue députée en 2008, en tant que suppléante, elle fut réélue en 2012. À compter de 2011, Anne prit place auprès de nous, au sein de la commission des affaires économiques. Cette fille d’artisan boucher, qui avait mené une carrière de cadre commerciale au sein d’une multinationale, eut alors l’occasion de mettre à profit ses diverses expériences, en particulier en étant rapporteure pour avis du programme « Entreprises » lors de l’examen des projets de loi de finances.

Aux membres de son groupe, Les Républicains, je fais part de notre sympathie attristée.

Au nom de tous les membres et de tous les anciens présidents de notre Commission des affaires économiques, j’adresse nos condoléances à son époux et à leurs trois enfants, Thomas, Charlotte et Guillaume.

Je vous propose de respecter une minute de silence en la mémoire d’Anne Grommerch.

(Mmes et MM. les commissaires observent une minute de silence.)

La Commission entend ensuite une annonce de Mme la présidente de la commission.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je vous informe qu’il a été décidé, au cours de la réunion du bureau de la commission du 6 avril 2016, qu’en ce qui concerne les auditions organisées par notre commission, le premier orateur de chaque groupe dispose désormais d’un temps de parole d’une durée de trois minutes, au lieu de deux minutes.

S’agissant de la discussion des textes législatifs, l’organisation des débats demeure, en revanche, inchangée : les orateurs de chacun des groupes disposent de cinq minutes de temps de parole et les autres orateurs d’une à deux minutes, selon le temps dont on dispose.

La commission en vient à la présentation du rapport d’information relatif aux enjeux et aux impacts de l’effacement électrique diffus (Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure).

Mme la présidente Frédérique Massat. Je vous rappelle que la mission d’information a été créée à la suite du rejet en commission des affaires économiques, le 18 novembre 2015, de la proposition de loi de M. Yves Jégo tendant à favoriser la baisse de la production de CO2 par le développement de l’effacement électrique diffus, par ailleurs rejetée en séance publique le 26 novembre 2015.

Cette mission d’information se compose de M. Yves Jégo, président, Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure, MM. Frédéric Barbier, Christophe Borgel, Mme Béatrice Santais et MM. André Chassaigne, Jean-Claude Mathis, Michel Sordi et Denis Baupin.

Je tiens à les féliciter pour ce rapport très complet, qui nous permet d’avoir une bonne vision de ce que peut être l’effacement électrique diffus, notamment pour les particuliers, les industriels et les acteurs qui œuvrent aujourd’hui dans ce domaine. Si ce rapport est parfois un peu technique, c’est parce que le sujet n’est pas simple.

La question qui sous-tend ce rapport est triple. Elle est d’abord environnementale : dans quelle mesure l’effacement diffus est-il une solution prometteuse pour l’environnement ? Elle est ensuite économique : comment le marché de l’énergie peut-il permettre une bonne intégration des nouveaux acteurs qui réalisent les opérations d’effacement et comment faut-il distribuer les gains financiers induits par l’effacement ? Enfin, elle est technologique : que peut apporter le progrès technique aux effacements électriques diffus ? Quel rôle doit jouer la puissance publique dans ce domaine ?

Ce rapport comporte un certain nombre de propositions qui nous permettent de voir comment peuvent évoluer les mesures que nous avons adoptées dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Madame la présidente, mes chers collègues, la mission a été créée à la suite de l’avis négatif, donné en commission des affaires économiques, le 18 novembre 2015, à la proposition de loi de M. Yves Jégo tendant à favoriser la baisse de la production de C02 par le développement de l’effacement électrique diffus. La commission a considéré que l’adoption de cette proposition reviendrait à légiférer dans la précipitation. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, votée en août dernier, contient en effet de nombreuses dispositions sur l’effacement électrique diffus, qui, pour la plupart, ne sont pas encore entrées en vigueur.

Ne souhaitant toutefois pas couper court au débat, la commission a créé cette mission d’information dans une démarche constructive avec les groupes minoritaires et d’opposition, pour entendre tous les acteurs concernés par l’effacement diffus – opérateurs d’effacement, fournisseurs d’électricité, gestionnaires de réseaux, autorités de régulation et consommateurs –, évaluer précisément les charges qui pèsent sur eux et estimer la nécessité de légiférer ou non dès maintenant pour modifier les dispositions de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Depuis le mois de décembre, la mission a auditionné soixante-cinq personnes. Elle a effectué un déplacement à Capbreton, près de Biarritz, au siège de Smart Grid Energy, entreprise d’effacement industriel développant un modèle innovant d’effacement électrique diffus.

L’effacement électrique diffus n’est pas un sujet connu du grand public, contrairement à l’effacement industriel. Le présent rapport se veut être à la fois un exercice pédagogique présentant l’effacement électrique diffus, une évaluation de ses atouts et de ses faiblesses actuels, une réflexion sur la nécessité de modifier le cadre législatif et réglementaire relatif à l’effacement diffus ainsi qu’un travail prospectif sur ce que pourrait être l’effacement diffus dans les années à venir.

Un effacement de consommation consiste en une réduction temporaire du niveau de consommation électrique d’un site. Il existe différents types d’effacement. L’effacement industriel repose sur la réduction de consommation des sites industriels. L’effacement électrique diffus fait, lui, appel à l’agrégation de microcoupures chez les particuliers. Il s’agit, par exemple, d’interrompre brièvement, mais de façon synchronisée, l’alimentation de radiateurs, de chauffe-eau, ou de climatiseurs situés dans des logements pour réduire la consommation d’électricité d’une région ou d’un pays. Contrairement à l’effacement industriel qui a déjà fait ses preuves et montré son efficacité, l’effacement diffus fait face à de nombreuses difficultés pour se développer. C’est pourquoi notre mission s’est concentrée sur ce type d’effacement.

L’opérateur d’effacement peut être soit le consommateur lui-même, soit un tiers qui joue un rôle d’intermédiaire et de courtier. Il existe différentes catégories d’opérateurs d’effacement jouant ce rôle d’intermédiaire : opérateurs d’effacement indépendants – ce sont des entreprises dont l’effacement est l’activité principale – et opérateurs d’effacement également fournisseurs et/ou producteurs. L’articulation de l’action de l’opérateur d’effacement avec celle des autres acteurs du marché de l’électricité ainsi que la répartition du bénéfice tiré de l’opération d’effacement entre les acteurs sont au cœur des enjeux liés à 1’effacement électrique.

La France a développé l’effacement et créé un cadre pour les opérateurs d’effacement indépendants afin de répondre à une problématique spécifique qu’est la pointe électrique. Historiquement, la pointe est le problème majeur du système électrique français. Elle génère des émissions de C02 et suscite des coûts importants. Chacun ici se souvient de la pointe hivernale de 2012… L’effacement électrique diffus, en diminuant le recours à des moyens de production thermique à combustible fossile en France et à l’étranger, contribue à répondre au défi important de gestion de la pointe et par là même à diminuer les émissions de C02 et à réduire les contraintes d’acheminement sur les réseaux.

Pour développer l’effacement, la France a placé l’effacement, qu’il soit industriel ou diffus, sur le même plan que les moyens de production. Permettez-moi de rappeler brièvement le contexte législatif.

En 2013 est votée la loi, dite « Brottes », visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre. Cette loi définit, pour la première fois, un cadre pour les effacements explicites, c’est-à-dire permettant la valorisation de l’énergie effacée sur les marchés de l’énergie. Le principe d’une rémunération des fournisseurs par les opérateurs d’effacement est posé, ainsi que celui du versement d’une prime aux opérateurs d’effacement, alimentée par la contribution au service public de l’électricité (CSPE), au titre de leur contribution aux objectifs de la politique énergétique.

En juillet dernier, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte en a tiré les enseignements et a modifié la loi Brottes. La prime aux opérateurs a été remplacée par un système d’appels d’offres rémunérant les effacements de consommation du candidat retenu et dont les modalités sont fixées par arrêté des ministres chargés de l’énergie et de l’économie. Le système d’appel d’offres a l’avantage, à l’inverse de la prime, de mieux maîtriser les charges du soutien public, et donc l’impact sur la facture du consommateur, et de piloter le déploiement de la filière en volume. La loi a introduit également un régime dérogatoire qui permet de diminuer le versement des opérateurs d’effacement aux fournisseurs effacés en cas d’économie d’énergies significatives, ce régime n’étant pas cumulable avec les nouveaux appels d’offres.

L’effacement diffus peut donc être valorisé sur le marché de gros de l’électricité, sur le marché de l’ajustement, les services système et les appels d’offres capacitaires de Réseau de transport d’électricité (RTE). Il le sera bientôt sur le mécanisme de capacité, dans le cadre des nouveaux appels d’offres et du régime dérogatoire.

Le rapport dresse trois grandes conclusions.

La première conclusion est que l’effacement électrique diffus fait face aujourd’hui à de très grandes difficultés pour se développer.

Le modèle économique existant souffre de faiblesses structurelles importantes. Ce modèle repose sur l’existence d’un tiers, opérateur d’effacement qui installe chez les particuliers volontaires un boîtier. Ce boîtier est posé sans coût pour les consommateurs et est piloté à distance par l’opérateur d’effacement. Il permet à la fois de mesurer la consommation et de couper les installations électriques pendant dix à trente minutes. L’opérateur d’effacement agrège ensuite les microcoupures et les valorise sur différents mécanismes et marchés, dont le marché de gros de l’électricité. Les économies réalisées ne sont pas toujours vérifiées. Le consommateur n’est pas rémunéré directement par l’opérateur d’effacement à la suite de cette valorisation. Ce modèle avec installation d’un boîtier dédié à l’effacement diffus n’est pas rentable : les coûts sont très importants et dépassent fortement les bénéfices qu’il est possible de tirer de l’effacement électrique diffus. De plus, la quasi-totalité des acteurs auditionnés par la mission est d’accord sur ce point : le modèle économique actuel n’est pas assez centré sur les gains pour les consommateurs. Certains vont jusqu’à dire que les consommateurs peuvent subir des pertes de confort s’ils se font effacer, ainsi que des pénalités financières s’ils disposent d’un boîtier d’effacement mais refusent trop souvent de se faire effacer.

Le contexte actuel renforce les difficultés auxquelles fait face l’effacement électrique diffus. Les prix de marché de l’électricité ont tellement chuté que les offres d’effacement ne trouvent pas de valorisation suffisante, même en y ajoutant les diverses subventions.

Toutefois, et c’est la deuxième grande conclusion du rapport, ces difficultés ne doivent pas conduire la puissance publique à tuer dans l’œuf une filière qui pourrait s’avérer utile à l’avenir. Le contexte du système électrique va nécessairement évoluer et pourrait recréer des espaces économiques de valorisation.

Le besoin d’effacements diffus pourrait augmenter en raison des nécessités d’intégration des énergies renouvelables sur le réseau. En effet, la variabilité de la production d’énergie renouvelable, du moins pour les filières éolienne et photovoltaïque, va imposer un pilotage accru des autres moyens – moyens de production, interconnexions, effacements ou stockage – pour assurer l’équilibre à tout instant de l’offre et de la demande résiduelle, c’est-à-dire de la consommation française diminuée de la production intermittente. Plus cette consommation résiduelle sera variable, plus la flexibilité du système devra s’accroître. Le besoin de flexibilité entraîne des possibilités de rémunération sans subvention pour les effacements via des mécanismes dédiés à la flexibilité ou sur le marché de l’énergie qui connaîtra des occurrences importantes de pics de prix. Le rapport de RTE sur la valorisation socio-économique des réseaux électriques intelligents a mis en évidence la rentabilité de l’effacement dans un contexte de transition énergétique ambitieuse, conforme à celui défini par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et à un horizon 2030.

Grâce au progrès technique, il est possible d’envisager des modèles d’effacement diffus innovants qui permettent d’effacer d’autres appareils que les chauffages électriques à toute période de l’année, qui soient rentables économiquement, plus faciles à mesurer et à valoriser, et qui permettent au consommateur final de récupérer une partie des gains engendrés par l’opération d’effacement. Des entreprises innovantes développent des dispositifs de home management qui pourraient remplir un service d’effacement pour le système électrique. Lors de son déplacement, la mission a ainsi observé une expérimentation d’effacement diffus innovant reposant sur des puces intégrées dans des appareils électroménagers, en l’occurrence un réfrigérateur. Ces nouveaux modèles sont à encourager. Il serait, par exemple, envisageable de cibler les appels d’offres effacement diffus sur les dispositifs innovants de home management, notamment sur ceux permettant un couplage effacement - production locale - stockage.

La troisième conclusion à laquelle est arrivée la mission d’information concerne le rôle que peut jouer la puissance publique.

La première tâche de la puissance publique consiste à rappeler que la rémunération que verse l’opérateur d’effacement au fournisseur effacé est légitime. Le versement est la contrepartie du fait que le fournisseur injecte de l’électricité dans le réseau pour laquelle il n’est pas rémunéré puisque cette dernière n’est pas consommée. La baisse ou la suppression du versement que certains acteurs appellent de leurs vœux serait une subvention cachée aux opérateurs d’effacement.

Il est ensuite nécessaire d’attendre d’avoir certains retours d’expérience avant de modifier en profondeur le cadre mis en place par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Il faut d’abord attendre quelques années afin d’évaluer les dispositifs de la loi – nouveau mécanisme d’appels d’offres et régime dérogatoire – qui ne sont pas encore entrés en vigueur.

En plus du rapport de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) prévu par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, d’autres retours d’expérience seront disponibles d’ici à 2018 : les compteurs Linky et le marché de capacité. L’utilité de Linky pour le développement des effacements diffus sera mieux connue. Les compteurs Linky ne permettront pas directement de faire des effacements diffus mais seraient à même de les faciliter. Les opérateurs d’effacement pourraient, grâce au plugin de Linky, y brancher un appareil qui ne comporterait plus que la fonction effacement, la fonction paramétrage - mesure - comptage étant déjà assurée par le compteur lui-même. La valeur de la valorisation des effacements électriques diffus sur le marché de capacité sera aussi mieux connue dans quelques années. Rien ne sert de se précipiter dans un domaine où règne encore l’incertitude.

Le rapport demandé à RTE et à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) sur le déploiement des réseaux électriques intelligents permettra également d’affiner les éléments sur la rentabilité des solutions d’effacement de consommation. Afin, à la fois de gérer la pointe, de renforcer la flexibilité du système électrique et de faire des économies d’énergie, d’autres techniques que l’effacement électrique diffus dont la pertinence est avérée peuvent être également développées. L’efficacité énergétique est un moyen relativement simple de réduire nos consommations d’énergie et nos émissions de gaz à effet de serre. Cela passe notamment par une meilleure isolation des bâtiments. Les incitations tarifaires sont également extrêmement prometteuses pour la gestion de la pointe et la maîtrise de la demande d’énergie. Il faut faire en sorte d’avoir davantage recours aux effacements tarifaires. Le rapport propose donc de favoriser le développement de ces solutions et de veiller à ce que les aides à l’effacement diffus ne pèsent, à court terme, de manière trop importante sur les consommateurs. Il serait bon ainsi de faire en sorte que le montant de la prime aux opérateurs d’effacement dans les appels d’offres ne pèse pas plus fortement sur la CSPE que l’ancienne prime dite « prime Brottes ».

Force est de constater que la France a fait émerger un modèle novateur fortement concurrentiel où des tiers, opérateurs d’effacement, ont toute leur place à côté d’acteurs plus anciens dans le secteur de l’électricité. La France est en avance par rapport à tous les autres pays européens sur l’ouverture de son marché aux différents types d’effacement. Un tel modèle est à mettre en valeur sur la scène de la politique européenne de l’énergie alors que notre pays est souvent critiqué, à tort, sur son manque d’ouverture. Le cadre réglementaire et législatif français peut encore être complété pour encourager un plus grand nombre d’acteurs à créer des modèles d’effacement diffus innovants, en renforçant dès aujourd’hui la visibilité des acteurs du secteur quant à la mesure et à la valorisation des effacements.

Le rapport propose ainsi : d’améliorer la visibilité quant à la mesure des effacements en poursuivant les travaux engagés par RTE pour tester, agréer, contrôler et vérifier l’efficacité des méthodes de contrôle du réalisé et de mesure des effacements de consommation qui ne sont pas encore totalement calées ; de renforcer la visibilité des acteurs quant à la rémunération des effacements. Il serait bon de mettre en place, dans les appels d’offres créés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, un prix plancher pour accroître la visibilité des entrepreneurs et des investisseurs. Il est également nécessaire, quand le marché de capacité français sera validé par la Commission européenne, de rechercher un consensus sur la façon dont les valeurs capacitaires pourront influer sur le résultat des appels d’offres d’effacement et, bien sûr, d’encourager l’efficacité énergétique et la réhabilitation thermique.

En conclusion, vous aurez compris que l’effacement diffus est un sujet extrêmement complexe et qu’il n’est pas le seul levier pour gérer la pointe. Les modes de soutien qui ont été prévus par la loi avaient été conçus sur la base d’un diagnostic du système électrique qui a évolué très rapidement depuis. Cela ne les disqualifie pas en tant que tels mais il faut ouvrir la porte aux solutions et recommandations mises en valeur dans le rapport. Il est nécessaire sur le sujet d’assurer une veille constante et de réactualiser la conclusion proposée dès que l’on aura plus de visibilité sur les évolutions pressenties.

M. Jean Grellier. Madame la présidente, je voudrais m’associer, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, à l’hommage que vous avez rendu à Mme Anne Grommerch dont j’avais pu apprécier l’engagement lors de la commission d’enquête sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie, compte tenu de son implication territoriale.

Madame la rapporteure, je tiens à vous féliciter pour votre maîtrise sur un sujet très technique. Comme vous l’avez dit, il convient d’agir sur plusieurs leviers, dont certains ont été inscrits dans les différents textes qui ont été examinés par notre Assemblée. Il faut intégrer cette capacité nouvelle d’effacement diffus qui a fait ses preuves dans le secteur industriel, notamment pour les électro-intensifs, puisque c’est un argument de compétitivité relativement important, mais qui est techniquement beaucoup plus complexe à mettre en place pour l’ensemble des consommateurs.

Vous faites des propositions qui pourraient être intégrées aujourd’hui dans cette démarche, tout en indiquant qu’il faut analyser les mesures qui ont été prises, notamment dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, afin de connaître précisément quelles en sont les conséquences pour la consommation de l’ensemble de nos concitoyens.

Les éléments financiers du gagnant-gagnant sont également importants à prendre en compte, tant pour le producteur-distributeur d’électricité que pour l’ensemble des acteurs qui contribueront à mettre en place cet effacement diffus.

Que peut apporter l’effacement diffus par rapport aux tarifs qui sont incitatifs à certains moments de consommation ? Quelles sont les capacités d’innovation pour maîtriser cette nouvelle approche ? Le compteur Linky, qui est remis en cause dans certains territoires, peut-il être un élément important pour contrôler l’effacement et ses conséquences ?

Les démarches entreprises en termes de recherche sur le stockage peuvent-elles contribuer à modifier l’intérêt de cet effacement ?

Je suis d’accord avec vous, il faut peut-être donner du temps au temps. Cela dit, je vous remercie pour les pistes que trace ce rapport dans la perspective d’un effacement diffus.

Mme Laure de la Raudière. Madame la présidente, je tiens à dire, au nom du groupe Les Républicains, que le décès de notre collègue Anne Grommerch nous a tous laissés terriblement tristes. Nous avions, comme vous tous ici, beaucoup d’estime et d’amitié pour Anne, qui était une femme engagée et dont l’énergie de vie était tout à fait remarquable. C’était un modèle de courage, de persévérance, d’engagement politique. Notre commission et mon groupe politique se sentent un peu orphelins aujourd’hui. Nous aurions aimé qu’elle soit l’exemple de quelqu’un qui gagne face au cancer car, malgré de nombreuses rechutes, elle n’a jamais baissé les bras dans aucune partie de sa vie, en tant que femme, en tant que mère, et en tant que femme politique.

M. Antoine Herth. Madame la rapporteure, nous étions habitués depuis plusieurs années à l’expertise de M. François Brottes sur ce sujet. Vous avez repris le flambeau avec brio et je tiens à vous féliciter pour ce travail très technique.

Je vous poserai trois questions.

Premièrement, combien de compteurs intelligents faut-il pour que l’effacement diffus devienne un élément significatif pour la gestion des réseaux ? On a bien compris en effet que pour peser sur une pointe il faut qu’il y ait beaucoup de monde.

Ma deuxième question concerne l’importance de l’intégration des énergies renouvelables. On sait bien que c’est l’un des facteurs de difficulté de gestion du réseau. Quel est l’intérêt pour le consommateur dans le cadre d’un marché surabondant avec des prix extrêmement bas ? Comment lui garantir une attractivité dans ce contexte ? Nous voyons, au fil des auditions que nous menons sur la situation d’EDF, que le marché s’est totalement retourné, et que ce qui était un sujet important dans un marché de prix plus élevés l’est peut-être aujourd’hui beaucoup moins. N’y a-t-il pas un prix plancher en deçà duquel rien ne change qu’il y ait ou non un compteur Linky ?

Ma troisième question porte sur la responsabilité des acteurs historiques - producteurs, transporteurs, distributeurs. On le sait, la France a besoin de renforcer considérablement les lignes de transport électrique. C’est vrai dans les territoires excentrés - je pense à la Bretagne - mais aussi en cas de fermeture d’une centrale nucléaire - je pense à l’Alsace. N’est-ce pas une manière de déplacer le débat vers le consommateur et de déresponsabiliser ceux qui ont la responsabilité de renforcer les réseaux de distribution et de les mettre à niveau ?

M. Philippe Armand Martin. Madame la rapporteure, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention, et je vous félicite pour le travail que vous avez accompli.

Vous nous avez parlé du principe de l’effacement diffus qui est assez simple : en cas de pic de consommation, l’opérateur peut, grâce à un boîtier, réduire la consommation du particulier en coupant l’alimentation de certains appareils pendant une durée de quinze à vingt minutes, et ainsi limiter la consommation totale sur l’ensemble du territoire à ce moment précis.

La Commission de régulation de l’énergie, saisie du contentieux entre l’agrégateur Voltalis et EDF, a considéré que l’économie réalisée sur la consommation d’électricité pouvait être revendue à un réseau de transport d’électricité comme de l’électricité non produite. Pouvez-vous nous indiquer ce que représente le coût de rachat de l’effacement diffus en 2015 ?

Concernant les particuliers, il s’avère que l’effacement diffus n’est en fait qu’un décalage ou un report de consommation d’électricité. Dès lors, comment quantifier la réduction de la consommation d’énergie électrique ? Dispose-t-on d’éléments chiffrés qui permettent de constater une vraie réduction de la consommation d’énergie électrique ?

Mme la présidente Frédérique Massat. Madame la rapporteure, comme vous l’avez dit, l’effacement électrique diffus est un sujet complexe. Vous avez fait une évaluation de la situation et présenté un certain nombre de propositions. En tout état de cause, c’est un dossier que notre commission suivra avec attention.

Mme la rapporteure. Monsieur Jean Grellier, je partage les propos que vous avez tenus et les questions que vous vous posez encore. Les multiples informations que nous avons eues lors de nos auditions nous ont conduits à chaque fois à nous interroger un peu plus. Si Monsieur Philippe Armand Martin considère que le principe de l’effacement diffus est assez simple puisqu’il suffit d’appuyer sur un bouton, les choses se compliquent quand il s’agit de mesurer son incidence sur le réseau et de savoir comment capter cette ressource et la valoriser.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, des entreprises innovantes développent des dispositifs de home management. Demain, on pourra, grâce à une application, arrêter son chauffage quand on part en vacances et le rallumer à distance avant d’arriver chez soi pour optimiser les économies d’énergie. Cela se traduira par des économies sur la facture d’électricité, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui avec le modèle actuel d’effacement. Les personnes que nous avons auditionnées nous ont dit en effet que le système actuel engendrait assez peu d’économies d’énergie. Il faut traiter la question du report de consommation lorsque l’on a effacé. Comment mesurer ce report ? Doit-on reporter la totalité à un instant t + 2 heures ou t + 24 heures ? Le rebond ne neutralise-t-il pas l’économie réalisée ? On entend par rebond la surconsommation engendrée par exemple par un radiateur que l’on rallume après avoir été éteint pendant trente minutes. Aujourd’hui, on n’a pas l’assurance d’avoir une vraie réponse à ces questions puisque les méthodes de calcul sont encore en cours. C’est pourquoi nous préconisons de ne pas se précipiter dans des dispositifs dont les effets ne sont pas encore clairement connus aujourd’hui. En matière de stockage, les progrès sont très rapides et peuvent contribuer assez rapidement à compléter ce bouquet d’outils dont nous disposons – efficacité énergétique, économies d’énergie, innovation et effacement tarifaire.

J’en viens au compteur Linky qui est contesté sur un autre plan. Ce compteur permet actuellement de proposer des offres tarifaires intéressantes, donc de l’effacement tarifaire. Il indique au consommateur que de telle heure à telle heure on est en période de pointe, donc que l’électricité coûte très cher à ce moment-là. C’est un peu le même esprit que l’option tarifaire « Effacement jour de pointe » (EJP) dont certains d’entre vous se souviennent certainement. Pourquoi ne pas imaginer demain que le consommateur devienne acteur de sa consommation en la réduisant quand le compteur Linky lui indiquera qu’à tel moment le courant va lui coûter cher ? Ainsi, l’effacement se ferait de manière opérationnelle par le consommateur. Mais on n’en est pas encore là. Le déploiement qui est en cours permettra de relever les compteurs à distance, d’équilibrer le réseau, etc. mais pas d’effacer. Il faudra qu’il y ait un opérateur d’effacement qui branche ce compteur pour pouvoir le faire.

Monsieur Antoine Herth, combien de compteurs intelligents faut-il pour que l’effacement diffus devienne un élément significatif pour la gestion des réseaux ? Je ne peux pas vous répondre précisément. Il en faut beaucoup car l’effacement diffus ne sera efficace que s’il est de masse. Ce n’est pas encore pour tout de suite...

Avec un prix de marché de 23, 24 ou 25 euros, effacer n’est pas du tout rentable. Aussi, on peut se demander s’il faut inciter massivement aujourd’hui des dispositifs qui ne sont pas viables économiquement. Voilà pourquoi nous préconisons de ne pas se presser, d’attendre que des progrès soient faits et que les appels d’offres et les dispositifs qui ont été introduits dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte montrent leurs effets avant de progresser. Cela dit, il ne faut pas tuer cette filière parce que, même si elle n’est pas viable aujourd’hui d’un point de vue économique, elle peut être utile demain pour intégrer les énergies intermittentes qui vont arriver sur les réseaux de manière massive, comme le prévoit cette loi. Pour gérer ces arrivées, peut-être faudra-t-il parallèlement utiliser les effacements à la fois tarifaires et diffus qui auront alors un vrai rôle à jouer sur le marché.

Bien évidemment, nous travaillons pour que l’effacement diffus soit bénéfique pour le consommateur. Toutefois, cet effet n’est pas encore réellement prouvé. Si l’effacement tarifaire constitue un vrai bénéfice pour le consommateur, c’est moins évident pour l’effacement diffus, surtout en raison des prix de marché actuels.

Monsieur Philippe Armand Martin m’a interrogé sur le conflit entre Voltalis et EDF et m’a demandé ce que représente le coût de rachat de l’effacement diffus en 2015. Il est ridicule, voire nul, parce que le système ne fonctionne pas avec les anciens outils. Et nous ne connaissons pas encore les effets des nouveaux dispositifs qui ont été introduits dans la loi. Les appels à projet n’ont en effet pas encore montré leurs effets positifs ou négatifs. Aussi, je ne saurais vous répondre. Mais si vous le souhaitez, nous enquêterons plus précisément et je vous donnerai personnellement une réponse.

Madame la présidente, j’espère avoir répondu à l’ensemble des orateurs.

Mme la présidente Frédérique Massat. C’est un sujet sur lequel nous devrons revenir. Comme vous le savez, nous auditionnerons prochainement le président de RTE sur la situation d’EDF, ce qui ne nous empêchera pas, le cas échéant, de l’interroger sur l’effacement électrique diffus.

La commission autorise la publication du rapport d’information.

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Informations relatives à la commission

La commission a nommé Mme Marie-Hélène Fabre comme rapporteure sur la proposition de résolution européenne relative au maintien de la réglementation viticole (n° 3671).

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 26 avril 2016 à 17 h 15

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Jean-Claude Bouchet, M. Yves Daniel, Mme Sophie Errante, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Laurent Furst, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, Mme Laure de La Raudière, M. Thierry Lazaro, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais

Excusés. – M. Damien Abad, Mme Jeanine Dubié, M. Georges Ginesta, Mme Marie-Lou Marcel, M. Bernard Reynès, Mme Catherine Troallic

Assistait également à la réunion. – M. Guillaume Chevrollier