Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires économiques > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires économiques

Mercredi 5 octobre 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 1

Présidence de Mme Frédérique Massat, Présidente

– Communication de M. Henri Jibrayel, sur les « reclassés » de La Poste

– Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements restant en discussion sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation et simplifiant le dispositif de mise en œuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services (n° 3814) (Mme Audrey Linkenheld, rapporteure).

La commission a entendu M. Henri Jibrayel sur les « reclassés » de La Poste.

Mme la présidente Frédérique Massat. Mes chers collègues, nous allons entendre une communication de notre collègue Henri Jibrayel, que nous avons chargé dès 2015 d’animer un groupe de travail sur les « reclassés » de La Poste. Il nous avait déjà présenté un rapport d’étape, à la suite des auditions auxquelles le groupe de travail avait procédé ; quelques solutions envisageables avaient notamment été évoquées.

Je vous rappelle que nous auditionnons cet après-midi M. Christophe Sirugue, secrétaire d’État chargé de l’industrie. Le dossier Alstom sera bien sûr le thème principal de notre rencontre mais nous pourrons l’interroger sur tous les sujets qui entrent dans son champ de compétences, y compris La Poste.

M. Henri Jibrayel. Merci, Madame la présidente, d’avoir accepté, en 2015, la création de ce groupe de travail informel sur la situation des reclassés de La Poste, objet d’un vif débat depuis 1993. Je remercie également M. André Chassaigne, toujours présent aux réunions de ce groupe, mais aussi Mmes Marie-Hélène Fabre, Catherine Troallic et tous les collègues qui ont participé aux différentes rencontres avec le groupe La Poste et la plateforme inter-syndicale. Cette communication est pour moi l’occasion d’exprimer une véritable déception, qui est à la fois celle des reclassés, qui constatent que rien n’a changé depuis deux ans, et du groupe de travail, qui n’est pas parvenu à convaincre le groupe La Poste de prendre le sujet au sérieux.

J’articulerai cette communication en trois temps. Je brosserai tout d’abord un historique de la question des reclassés. Puis je rappellerai les pistes constructives sur lesquelles j’avais insisté lors de ma précédente communication. Enfin, je dirai quelle est aujourd’hui la situation, à l’heure où le groupe de travail conclut ses travaux.

Faisons donc, tout d’abord, l’historique de la question. Les reclassés sont les fonctionnaires de La Poste et de France Télécom qui ont refusé les nouveaux statuts dits « Quilès » entre 1993 et 1994. Si les « reclassifiés » ont bénéficié d’une carrière normale, les « reclassés » n’ont pas été prévenus que leur carrière serait bloquée pendant des années, sans les mêmes perspectives de promotion interne. Aujourd’hui, plus de 3 000 reclassés sont encore en activité – je ne compte pas ceux, à la retraite, qui n’ont jamais pu obtenir réparation de leur préjudice pendant leur carrière. Après l’intervention des syndicats de La Poste, et une décision du Conseil d’État, la promotion des reclassés a été relancée tardivement, par le décret du 14 décembre 2009.

Demeurent toutefois le problème des nombreuses années pendant lesquelles les reclassés ont vu leur carrière bloquée, sans compensation, et celui de l’évolution de carrière à venir, celle des reclassés étant systématiquement moins favorable que celle des reclassifiés, tant en matière de promotion aux grades supérieurs qu’en matière de rémunération à des postes pourtant identiques.

Je cite un agent reclassé que nous avons pu rencontrer : « J’étais préposé (uniquement de la distribution, niveau I.2), j’ai été promu CDTX (conducteur de travaux) qui est de niveau II.2 / II.3 mais donc les fonctions décrites dans le poste correspondent à des fonctions d’encadrement (niveau III.1) pour les reclassifiés, mieux rémunérées, et donnant une meilleure perspective de carrière future. » Cet exemple, parmi tant d’autres, l’illustre : l’injustice que subissent les reclassés n’est pas un sujet du passé, elle perdure. On nomme un préposé au grade de conducteur de travaux, sans lui confier le rôle d’encadrement ni lui accorder la rémunération qui devraient être les siens. En ne lui accordant qu’un titre purement symbolique, on commet une injustice en même temps qu’une forme de discrimination par rapport à un reclassifié qui, lui, obtiendra le grade dans la fonction et le salaire correspondant.

J’en viens aux pistes proposées par le groupe de travail et aux suites qui leur ont été données.

À la fin de l’année 2015, au moment de ma dernière communication devant notre commission, le groupe de travail était parvenu à la conclusion qu’il fallait trouver une solution de compromis, qui ne se substitue pas au dialogue social du groupe. Après avoir rencontré les représentants tant de la plateforme inter-syndicale que de la direction des ressources humaines du groupe La Poste, la bonne méthode était en effet de privilégier, sans interventionnisme, une solution interne au groupe, par la voie de négociations spécifiquement consacrées à la question des reclassés. Nous estimions effectivement qu’il ne nous incombait pas d’interférer dans les affaires du groupe La Poste pour essayer de faire avancer les choses. Le ministre de l’époque, M. Emmanuel Macron, considérait lui aussi que la question devait être l’objet d’une négociation interne, sans interférence ni ingérence ; c’était tout à fait normal. Nous avons donc laissé la direction des ressources humaines de La Poste négocier avec les centrales syndicales représentatives.

Mais, tant sur la méthode que sur le fond, La Poste a déçu les attentes des reclassés, comme celles du groupe de travail.

En ce qui concerne la méthode, c’est une fin de non-recevoir que La Poste nous a opposée. Se sont tenues non des négociations consacrées spécifiquement à la question des reclassés mais des négociations globales, sur tous les problèmes. La Poste prétendait que la question des reclassés était un objet de la négociation, mais à aucun moment elle n’a pris ce problème à bras-le-corps. Elle l’a laissé pourrir, tout en nous répétant que des négociations étaient en cours. En fait, seul un petit paragraphe, pas plus, de l’accord négocié concernait les reclassés. Le sujet a été noyé dans des négociations portant sur des sujets plus généraux, comme la revalorisation des grilles indiciaires et les contrats de génération, pour donner l’illusion, une fois le texte signé, que les syndicats avaient obtenu satisfaction. Ce n’est pourtant pas le cas.

Sur le fond, en effet, la position de La Poste n’a pas varié d’un centimètre en faveur des reclassés. Le groupe s’en tient à la réouverture du droit d’option pour accéder aux grades des reclassifiés, sans aucune forme de réparation du préjudice subi ni garantie que le blocage de la carrière des intéressés sera compensé par une promotion. La Poste considère que les agents qui n’ont pas accepté de prendre le reclassement en 1993 et 1994 pouvaient, dès 2009, exercer un droit d’option pour rejoindre les reclassifiés, mais la plateforme inter-syndicale demandait, dès l’exercice du droit d’option, une petite promotion dans un grade supérieur et un rattrapage financier – la revendication d’un rattrapage financier a été abandonnée, non le principe d’une promotion dès que le droit d’option était exercé. La Poste a refusé et n’a jamais voulu négocier la possibilité d’un droit d’option avec une promotion immédiate, ou même en fin de carrière. Ces agents, tous grades confondus, ont pourtant subi un préjudice à la fois financier et en termes de promotion à des grades supérieurs. Nonobstant l’évocation de négociations par La Poste, la seule avancée accordée aux reclassés est donc le droit d’option. De mon point de vue, ce n’est absolument pas favorable aux agents, qui, s’ils entrent dans la reclassification refusée depuis vingt ans, ne bénéficient d’aucune promotion ni d’aucun rattrapage de salaire.

M. Philippe Wahl, président-directeur général de La Poste, s’était pourtant engagé devant la commission des affaires économiques. Il avait annoncé des avancements d’échelon en fin de carrière et n’avait pas fermé la porte à des incitations financières. Le groupe de travail, s’en tenant à son rôle de médiateur, attendait donc, pour le début de l’année 2016, une solution interne, fruit des négociations au sein du groupe. Rien n’est arrivé !

Dans la foulée, le groupe de travail a reçu deux fois, aux mois de février et de juin, la plateforme inter-syndicale, laquelle réunit la CGT, FO, la CFTC et Sud, à l’exclusion de la CFDT. La directrice des ressources humaines du groupe La Poste, Mme Sylvie François, a également été auditionnée, le 28 juin.

Les efforts du groupe de travail auraient pu faire avancer les choses mais la position, radicale, du groupe La Poste est la suivante : les reclassés sont un non-sujet – voyez un peu l’humiliation ! Les positions prises par le président-directeur général de La Poste devant les députés membres de la commission des affaires économiques étaient en fait des postures ; c’est vraiment décevant. Le sentiment, légitime, des reclassés est qu’aujourd’hui encore ils sont punis d’avoir choisi de conserver leur statut et que le groupe La Poste entretient cette injustice plutôt que d’essayer de la réparer. C’est là une véritable ségrégation, tout simplement insupportable. M. Philippe Wahl avait pourtant promis que la situation des intéressés – au nombre d’environ 3 000 – serait examinée au cas par cas et que des solutions seraient trouvées. En outre, je rappelle que le ministre de l’économie avait annoncé que Bercy accompagnerait le groupe à l’aide de mesures réglementaires si une solution de compromis était trouvée. Tel n’est pas le cas, et l’injustice, la ségrégation, le désarroi perdurent.

Beaucoup d’entre vous, chers collègues, m’ont écrit ou téléphoné. Vous recevez dans vos permanences tous ces agents qui plaçaient beaucoup d’espoir en notre groupe de travail. Voilà pourquoi j’ai dit que cette communication était l’occasion pour moi d’exprimer une vive déception – pour moi-même, en tant que président de ce groupe de travail, mais surtout pour les agents concernés, qui n’ont pas obtenu gain de cause. La Poste s’est moquée de nous, et elle maltraite ces agents ; ce n’est pas son rôle.

Madame la présidente, en tant que représentants de la Nation, nous ne sommes pas démunis face à cette situation. Nous devons de nouveau auditionner M. Philippe Wahl, sur la question spécifique des reclassés, pour qu’il rende des comptes sur la politique menée par son groupe. Et, si les promesses de La Poste ne peuvent être tenues, nous devrons trouver une solution politique. En effet, lorsque les partenaires sociaux sont ignorés, lorsque même le droit de négocier leur est dénié, c’est à nous d’intervenir.

Madame la présidente, mes chers collègues, dans ce dossier, nous n’avons pas avancé, nous avons fait du surplace. Depuis plusieurs années, La Poste tourne le dos à la véritable négociation. Elle estime qu’en 1993 et 1994 les agents ont pris leur décision en leur âme et conscience et que réparer les préjudices qu’ils ont subis serait commettre une injustice à l’égard de ceux qui ont, à l’époque, accepté la reclassification. Je considère que c’est faux. À l’époque, on a menti à ces agents. On ne leur avait pas dit que leur situation serait gelée pendant des décennies. La Poste porte donc une responsabilité. Invitons le président de La Poste à venir s’expliquer devant la Représentation nationale et dire ce qu’il compte faire ou non pour régler cette question récurrente, et réparer ce qui est à la fois un préjudice et une injustice.

Mme la présidente Frédérique Massat. Le groupe de travail a-t-il déjà auditionné M. Philippe Wahl, cher collègue ?

M. Henri Jibrayel. Non, puisqu’il a délégué sa directrice des ressources humaines, laquelle est en relation et en négociation permanente avec les centrales syndicales membres du conseil d’administration de La Poste.

Mme la présidente Frédérique Massat. Chers collègues, vous avez la parole.

Mme Catherine Troallic. C’est en effet une situation ubuesque que vivent depuis plus de vingt ans les fonctionnaires dits « reclassés » de La Poste et de France Télécom / Orange. Les agents qui, en 1993, lors de la mise en œuvre de la loi dite « Quilès », n’avaient pas accepté la reclassification sont aujourd’hui victimes d’une réelle injustice. Ils ont été totalement privés de droits à l’avancement, pendant douze ans chez Orange, pendant dix-sept ans à La Poste.

Au mois d’octobre 2015, les différents acteurs ont été auditionnés par notre groupe de travail – souvent à plusieurs reprises –, sauf, effectivement, M. Philippe Wahl, qui a délégué sa directrice des ressources humaines. Je salue encore le travail de M. Henri Jibrayel, dont l’objectif a été de favoriser le dialogue entre les parties et de faciliter la recherche d’une solution équilibrée. Une plateforme syndicale a été créée, qui montre la volonté des quatre syndicats qui en sont membres d’avancer vers une conciliation, mais, malgré les engagements pris par M. Philippe Wahl, le dossier des reclassés n’a été l’objet d’une aucune négociation spécifique avec les syndicats.

Mon sentiment est le même qu’il y a quelques mois : La Poste mène une guerre d’usure. Elle reste sourde à nos courriers et à notre volonté de médiation, et ce n’est pas le droit d’option rajouté à la va-vite dans l’accord sur l’insertion des jeunes et l’emploi des seniors qui permettra de faciliter le dialogue, puisque le gain financier sera nul pour une grande partie des agents, notamment compte tenu de la pyramide des âges. Nous sommes donc collectivement déçus par le comportement de La Poste sur ce dossier, tant sur la forme que sur le fond, et j’approuve vos conclusions, cher collègue Henri Jibrayel : il est grand temps de trouver une solution politique.

M. Philippe Armand Martin. M. Henri Jibrayel a en partie répondu à la question que je voulais poser. Il est évident que, même sans mesures rétroactives, les reclassés peuvent être promus, bénéficier d’un avancement, passer les concours internes. Bien sûr, il y a des inégalités entre eux et ceux qui ont choisi le nouveau statut dès 1993. Par manque de possibilités de promotion, les reclassés n’ont pas eu non plus la possibilité de faire évoluer leur carrière pendant plusieurs années. Je crois, Monsieur le rapporteur, qu’il est important de revoir où en sont les négociations actuelles et quelles sont les revendications des syndicats sur ce sujet, car, aujourd’hui, il y a vraiment une inégalité flagrante.

M. André Chassaigne. Je voudrais d’abord saluer le travail de notre collègue Henri Jibrayel, qui a animé notre petite équipe, organisé de nombreux échanges et de nombreuses rencontres, avec la volonté d’aboutir. Ce refus de bouger de La Poste, cette absence de mesures actées sont pour nous une déception.

Il y a là une injustice terrible. Nous devons auditionner M. Philippe Wahl, comme M. Henri Jibrayel le propose, et l’interroger en allant au fond des choses, sans nous contenter de réponses données, comme ce fut le cas lors d’une audition à l’objet beaucoup plus large, pour gagner du temps.

Nous pourrions, le cas échéant, en profiter pour l’interroger sur l’utilisation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) par La Poste, qui avait quand même des objectifs en termes d’emploi, d’accompagnement social. Nous assistons aujourd’hui à d’importantes suppressions d’emplois à La Poste et des coups parfois assez brutaux sont portés contre la présence postale dans les territoires, notamment en milieu rural. Une audition de M. Philippe Wahl pourrait donc être l’occasion de faire le point sur plusieurs questions qui intéressent La Poste et notre pays, même si celle des reclassés est prioritaire.

Mme Jeanine Dubié. Tout d’abord, je voudrais saluer le travail réalisé par notre collègue Henri Jibrayel, le féliciter de sa pugnacité et de son engagement sur ce dossier. Ce problème, qui se pose depuis 1993, concerne 3 000 personnes ; ce n’est pas neutre. Au travers de son travail, nous prenons acte du fait que les négociations entre La Poste et les syndicats n’ont pas abouti, malgré toutes les relances faites par les uns et les autres, notamment par les parlementaires – le sujet suscite d’ailleurs de nombreuses questions écrites.

Monsieur le rapporteur, j’ai compris, au travers de votre présentation, que le problème n’était pas seulement financier, mais que le ministère de l’économie et des finances s’était apparemment engagé à accompagner la solution qui serait trouvée. Pourquoi La Poste s’oppose-t-elle donc à une solution ? Est-ce un problème de principe ou y a-t-il des raisons objectives ?

Au-delà de cette question, le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP) approuve la proposition de M. Henri Jibrayel. Auditionnons M. le président-directeur général de La Poste, M. Philippe Wahl. Et, si nous constatons que la négociation au sein de l’entreprise ne pourra aboutir, trouvons une solution par voie législative.

Mme Marie-Hélène Fabre. Je vous félicite, Monsieur Henri Jibrayel, pour le travail que vous avez effectué et les auditions que vous avez conduites. Aujourd’hui, effectivement, nous pouvons faire un constat d’échec : rien n’a avancé du côté de la direction de La Poste, et nous ne constatons nulle volonté politique de trouver une solution.

Lors des différentes auditions, j’en avais pourtant proposé une, sur laquelle je me propose d’interroger le secrétaire d’État chargé de l’industrie, M. Christophe Sirugue, lors de son audition par notre commission cet après-midi. Chaque fois qu’un agent poursuit La Poste en justice, il obtient gain de cause et perçoit un dédommagement financier. Selon les informations qui m’ont été données, la somme est payée non par La Poste mais par l’État. Les montants sont importants, car, depuis de nombreuses années, des salariés attaquent La Poste devant les tribunaux. Compte tenu du fait que 3 000 agents sont encore concernés, nous avons là une masse financière dont le montant global peut certainement être évalué. Dès lors, pourquoi attendre le jugement des tribunaux ? Pourquoi ne pas constituer une enveloppe de ce montant pour régler financièrement le problème des reclassés ?

M. François Pupponi. Je veux d’abord saluer le travail de notre collègue Henri Jibrayel.

Bien sûr, nous pouvons de nouveau demander au président-directeur général de La Poste de venir, mais il y a des limites. Peut-être faut-il donc passer par la voie législative le plus vite possible, dans le cadre du train législatif approprié. Le problème, connu, dure depuis trop longtemps, et nous avons des solutions. Si le président-directeur général de La Poste n’a pas souhaité être auditionné par ce groupe de travail parlementaire, tant pis pour lui ! Cela ne me paraît cependant pas très respectueux. Il faudrait, plutôt que de l’inviter, lui écrire pour lui expliquer un certain nombre de règles de préséance. Et puis légiférons. Il faut passer aux actes : les agents concernés attendent depuis trop longtemps. Si nous connaissons la solution du problème, autant la mettre en œuvre, dans la mesure du possible.

M. Jean-Claude Mathis. Cher collègue Henri Jibrayel, vous nous avez expliqué toute la complexité du dossier, et cette absence d’avancées. Aujourd’hui, dans quelle mesure pouvons-nous espérer une évolution favorable au plus grand nombre des intéressés ? Où en sommes-nous ?

Par ailleurs, même si nous auditionnons le président du groupe, c’est plutôt sa direction des ressources humaines qui gère ce dossier.

M. Frédéric Roig. Je salue à mon tour la pugnacité et l’engagement de M. Henri Jibrayel. Pour avoir reçu, comme vous, chers collègues, certains de ces agents à ma permanence, je peux aussi témoigner de leur incompréhension et de leur frustration. Ils ressentent d’autant plus vivement l’inégalité dont ils sont victimes que leurs situations familiales et sociales peuvent être très compliquées.

M’étant moi-même rendu compte de la complexité de la question, qui tient aux périodes concernées, à l’âge, aux statuts, aux contentieux engagés par certains, je crois qu’il faut effectivement, passer par la voie législative pour essayer, dès lors que des solutions existent, de régler ce problème. Dans la mesure où des propositions sont formulées de part et d’autre, il ne paraît pas admissible que La Poste ne trouve pas une solution qui règle définitivement le problème.

M. Laurent Furst. Je vous avoue, chers collègues, avoir été un peu surpris des propos génériques tenus sur le groupe La Poste. Face à un marché qui, de même que son métier, a considérablement évolué, le groupe a su s’adapter. Rendons hommage à toutes celles et tous ceux qui, dans l’entreprise, ont fait en sorte que cette évolution soit possible.

Deuxième réflexion, le problème social peut être traité par certaines voies juridiques, je n’ai pas entendu d’analyses qui me permettent de bien appréhender cette problématique.

Troisième réflexion, très politique, il ne me semble pas sérieux d’annoncer ainsi que nous allons tout simplement passer par la voie législative. Qui est actionnaire de la Poste ? Qui nomme le patron de La Poste ? S’il y a une volonté dans la majorité, il n’est pas nécessaire d’adopter une loi. S’il n’y a pas de volonté, eh bien, disons-le clairement. En tout cas, passer par la voie législative me paraît parfaitement ridicule.

M. Christophe Borgel. À mon tour, je salue le travail de M. Henri Jibrayel, pas simplement parce qu’il a été pugnace sur un dossier que nous connaissons tous sur le terrain, mais parce qu’il s’est attaché à chercher une solution, une voie de passage, alors que les différents acteurs se renvoient la balle et que nos rencontres, dans nos permanences, avec les agents concernés nous donnent le sentiment d’une situation inextricable.

Si une solution peut être prise par voie législative, ce que suggérait notre collègue François Pupponi, il faut la prendre. Ce n’est pas là témoigner quelque mépris au groupe La Poste, c’est vouloir régler une situation totalement insupportable et injuste – tous les acteurs le reconnaissent. Il est fréquent, dans notre débat public, que ceux qui appellent à régler un problème s’empressent de critiquer les solutions proposées – nous l’avons encore vu ces derniers jours –, mais, en l’occurrence, il semble bien que nous ayons une solution. Si le Parlement peut régler le problème par voie législative, il s’honorerait de le faire.

M. Henri Jibrayel. Chers collègues, je répondrai à quelques-unes de vos nombreuses interrogations.

Sur le plan juridique, le Conseil d’État considère qu’il est impossible de régler collectivement un problème de reconstitution de carrière. Les agents reclassés peuvent entreprendre des actions juridictionnelles sur leur cas personnel, mais le problème ne peut être réglé d’une manière collective ; le Conseil d’État s’y refuse.

Messieurs François Pupponi et Christophe Borgel proposent de légiférer. Ce peut être une solution, mais nous n’avons plus beaucoup de temps pour le faire – peut-être quatre ou cinq mois. Examinons la question avec la présidente de notre commission.

Par ailleurs, une solution législative pourrait paraître arbitraire. Notre volonté est de favoriser une négociation et une solution à l’intérieur du groupe. Mme la directrice des ressources humaines du groupe La Poste nous dit qu’il y a des négociations, mais ce sont des négociations en trompe-l’œil, qui incluent tous les problèmes généraux des agents de La Poste. On ne négocie jamais sur le problème des reclassés ! Nous voudrions pour notre part que cette négociation spécifique se tienne vraiment, que La Poste propose un jour de réunir les centrales syndicales représentatives pour examiner la question. Les discussions aboutiraient ou non, mais ce ne serait pas une négociation générale sur les grilles indiciaires, la situation de La Poste, etc., au cours de laquelle un petit moment est consacré aux reclassés. Tout cela n’est que posture et caricature, comme vous le rappellent, chers collègues, les agents rencontrés dans vos permanences.

Dernièrement, la directrice des ressources humaines de La Poste m’a même dit que ce n’est pas à nous qu’elle révélerait le contenu d’une négociation ! Nous n’avons pas à faire d’ingérence, mais nous voulions quand même savoir si la question des reclassés était effectivement à l’ordre du jour des négociations.

La situation est donc vraiment bloquée, et, en l’absence d’une volonté du groupe La Poste, je crains que la perspective d’une évolution de la carrière de ces agents ne soit repoussée aux calendes grecques.

Chère Marie-Hélène Fabre, il est effectivement possible de former des recours juridictionnels individuels mais non de régler ce problème d’une manière collective, comme l’indique le Conseil d’État. Cela répondrait pourtant aux attentes légitimes des agents, qui ont perdu des années de salaire, des années d’avancement de grade. Ils partiront à la retraite avec des grades inférieurs à ceux des collègues qui avaient accepté la reclassification. Nous pouvons donc bel et bien parler d’une ségrégation et d’une volonté de La Poste de ne pas avancer.

Je demande à Mme la présidente de voir s’il est donc possible d’agir sur le plan législatif. Sur quelque banc que nous siégions, nous sommes tous d’accord pour avancer, et une solution législative, si elle était possible, recueillerait l’assentiment d’une majorité d’entre nous.

M. André Chassaigne le disait tout à l’heure : le président-directeur général de La Poste doit être invité à s’exprimer devant notre commission à propos du problème spécifique des reclassés. Rappelons que le prédécesseur de M. le secrétaire d’État Christophe Sirugue avait indiqué que Bercy accompagnerait sur le plan réglementaire la solution à laquelle La Poste et les organisations syndicales parviendraient ! Il nous avait certes également indiqué son refus de toute ingérence, et peut-être M. Christophe Sirugue tiendra-t-il les mêmes propos, mais nous risquons d’être confrontés à un nouveau blocage. Le préjudice subi par les agents concernés est important, et leur désarroi est grand. Regardez la pyramide des âges : il s’agit essentiellement d’agents qui voudraient partir à la retraite dans des conditions dignes, après une carrière de service public. J’ai l’impression qu’ils sont punis pour ne pas avoir, à l’époque, accepté le principe de la reclassification. Mais on ne leur avait pas dit qu’ils seraient, hors l’exercice de quelque droit d’option ou le passage de concours internes, bloqués à vie ! La grande majorité d’entre eux sont donc aujourd’hui défavorisés et ont subi un préjudice.

Cela n’avance pas. Une réunion se tient aujourd’hui ou demain entre le groupe et les organisations syndicales, mais le pessimisme a gagné celles-ci, qui attendaient beaucoup de la Représentation nationale. J’ai été pugnace – merci, chers collègues, de l’avoir dit – mais La Poste n’a pas voulu dévier d’un centimètre de sa position.

Aujourd’hui, son président-directeur général nous doit des comptes. Lors de sa première audition, à l’occasion de sa nomination, il avait pris devant nous l’engagement d’étudier la question au cas par cas. Las ! Il n’a examiné aucun cas, j’en suis navré, mais les membres de cette commission sont pugnaces. Je vous propose donc, Madame la présidente, d’inviter le président de La Poste à venir nous expliquer clairement ce qu’il compte faire.

La proposition de MM. Christophe Borgel et François Pupponi doit par ailleurs être étudiée de manière approfondie. Si des agents sont laissés sur le bord de la route, effectivement, pourquoi ne pas passer par la loi ?

Dernier point, La Poste considère que si elle rend justice à ces agents reclassés c’est au détriment des autres, qui ont été disciplinés et ont accepté la reclassification, mais cette conception est erronée.

Mme Jeanine Dubié. C’est une position de principe !

M. Henri Jibrayel. En effet, pour La Poste, c’est une question de principe.

J’aurais aimé, chers collègues, vous présenter des solutions. Hélas, nous n’en avons pas. Nous sommes vraiment déçus, car nous pensions réellement que La Poste ferait un geste. Si encore il fallait gérer 30 000 cas ! En plus, Bercy est à l’écoute et pourrait l’aider.

M. André Chassaigne a évoqué tout à l’heure le CICE. Celui-ci, qui visait à favoriser la création d’emplois, représente un montant d’environ 300 millions d’euros par an pour La Poste. Et celle-ci supprime des emplois et refuse d’avancer sur ce dossier !

Mme la présidente Frédérique Massat. Ceci fait déjà l’unanimité, chers collègues : il faut inviter le président-directeur général de La Poste à venir faire le point sur ce dossier précis. Je m’engage à faire cette démarche.

Si je ne peux garantir qu’il est possible de régler ce problème par voie législative, je m’engage en revanche à soumettre la question à l’expertise des services de notre commission. Je comprends la déception exprimée par notre collègue Henri Jibrayel, partagée par tous ceux d’entre nous qui ont travaillé sur le sujet. Bien sûr, le groupe de travail était un groupe de médiation. Nous n’avions évidemment pas la prétention d’imposer quoi que ce soit au Gouvernement ou à La Poste, mais nous n’en espérions pas moins rapprocher les uns et les autres dans le cadre d’une instance de dialogue, puisque ledit dialogue semblait bloqué. Cela n’a pas été possible.

L’échec n’est cependant pas total. Nous avons quand même pu entendre des propositions et notre travail n’est pas complètement terminé. Nous allons entendre le président-directeur général de La Poste et examiner la possibilité d’utiliser un autre outil – je vous invite également, chers collègues, à vous rapprocher, au-delà de l’audition prévue cet après-midi, du secrétaire d’État chargé de l’industrie, M. Christophe Sirugue.

Je m’engage sur ces deux points : entendons le président-directeur général et, pour ne pas donner de faux espoirs, voyons dans quelle mesure il serait possible de régler la question par voie législative. Il ne faut pas oublier, à cet égard, que l’Assemblée ne siège que jusqu’à la fin du mois de février. Une éventuelle proposition de loi devrait donc faire l’objet d’un examen vraiment très accéléré.

M. André Chassaigne. Une occasion de légiférer sur la question s’était présentée en 2009, lors du changement de statut de La Poste. Un amendement avait été adopté au Sénat, mais la disposition en question avait été retoquée à l’Assemblée nationale.

Maintenant, effectivement, c’est compliqué. Il faut vraiment mettre la pression sur La Poste et sur le Gouvernement, qui a une démarche très offensive. Avec la navette, il sera assez compliqué de régler cela par un texte législatif. Il faut donc qu’une réponse soit apportée par la Poste.

M. François Pupponi. Peut-être serait-il du moins de bonne stratégie de déposer une proposition de loi, qui serait examinée dans le cadre de l’une ou l’autre des niches parlementaires. Le Conseil d’État dit qu’en l’état du droit le problème ne peut être réglé collectivement, mais cette possibilité pourrait être ouverte par une modification du droit applicable.

Mme la présidente Frédérique Massat. Comme je vous l’ai dit, je m’engage à examiner la question avec les services de l’Assemblée nationale. Il est cependant difficile de vous répondre dès aujourd’hui. Le cas échéant, le groupe de travail pourra rédiger un texte, mais, surtout, évitons les opérations de pur affichage, qui ne seraient d’ailleurs pas conformes à l’esprit dans lequel vous abordez la question, chers collègues.

M. Laurent Furst. Je veux dire ma surprise. Je donne acte à tous ceux qui se sont exprimés de la sincérité de leur engagement et de leurs propos. C’est un sujet que je ne connaissais pas, je n’ai donc pas de leçons à donner. La situation décrite semble injuste pour nombre d’agents, mais, si le problème vous tient à cœur, nous savons quel est le propriétaire de La Poste ! Il suffit qu’une volonté claire s’affirme au niveau du Gouvernement pour qu’un processus s’enclenche. La vraie question est la suivante : a-t-on saisi le Gouvernement ? Le cas échéant, a-t-il répondu ?

Mme la présidente Frédérique Massat. Ne relançons pas le débat, mais La Poste a un statut de droit privé. Elle a un président-directeur général.

M. Laurent Furst. Mais qui est actionnaire, Madame la présidente ? Et qui a nommé le patron ?

M. Jean-Luc Laurent. Il serait intéressant d’examiner la manière dont d’autres entités, comme Pôle emploi, ont évolué. Cet exemple peut donner des éléments de réflexion, et nous n’y constatons pas les mêmes problèmes qu’à La Poste.

M. Henri Jibrayel. Vous faites beaucoup de propositions, mes chers collègues. Madame la présidente vient de le dire : nous allons étudier toutes les possibilités. Nous sommes allés jusqu’au bout de notre travail de médiation. À nous de trouver aujourd’hui les outils nécessaires à une résolution rapide du problème, en envisageant la possibilité d’un texte législatif qui permette un règlement collectif du problème.

Voilà où nous en sommes. Je le répète : La Poste n’a pas joué le jeu. Elle nous a menti, invoquant des négociations au cœur desquelles la question des reclassés n’était pas posée. Nous aurions, pour notre part, souhaité que La Poste prenne ce problème à
bras-le-corps. Au bout de presque deux ans de travaux, nous n’avons abouti à rien, nous avons fait du surplace.

Vous avez fait, Madame la présidente, chers collègues, des propositions. Nous allons continuer de travailler pour essayer de trouver une solution, mais ne laissons pas les agents reclassés croire que la Représentation nationale dispose d’une baguette magique pour régler le problème. La suggestion de M. Jean-Luc Laurent est intéressante : voyons si dans d’autres entreprises, comme Pôle emploi, le même problème se pose – sans perdre de vue le fait que, pour leur part, La Poste et France Télécom comptaient à l’époque 500 000 agents.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je vous remercie, mes chers collègues.

*

* *

La commission a examiné, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements restant en discussion sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation et simplifiant le dispositif de mise en œuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services (n° 3814) (Mme Audrey Linkenheld, rapporteure).

Mme la présidente Frédérique Massat. Deux amendements ont été déposés par le Gouvernement en séance sur ce projet de loi.

La rapporteure, Mme Audrey Linkenheld, propose de donner un avis favorable sur ces deux amendements déposés par le Gouvernement.

La commission a accepté les amendements n° 1 et n° 2.

M. Jean-Luc Laurent. Je souhaiterais savoir si les amendements du Gouvernement ont un lien avec la discussion que nous avions eue lors de l’examen du texte en commission à l’initiative de notre collègue M. Jean-Marie Tétart.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Il n’y a pas de lien : le premier amendement est la correction d’un oubli lors de la recodification ; le second tire la conséquence d’un amendement adopté par la commission relatif à la définition du non-professionnel. Concernant la question soulevée par M. Jean-Marie Tétart, j’ai organisé la semaine dernière, comme je m’y étais engagée, une réunion de travail avec le Gouvernement qui a apporté des réponses aux questions soulevées par notre collègue, rendant son amendement sans objet.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 5 octobre 2016 à 9 h 30

Présents. – M. Damien Abad, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, Mme Karine Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Laurent Furst, Mme Annie Genevard, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic

Excusés. – M. Bruno Nestor Azerot, M. Denis Baupin, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean Grellier, Mme Laure de La Raudière, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Serge Letchimy, M. Kléber Mesquida, M. Philippe Naillet, M. Dominique Potier, M. Bernard Reynès, M. Thierry Robert, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin