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Commission des affaires économiques

Mardi 18 octobre 2016

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 6

Présidence de Mme Frédérique Massat, Présidente

– Présentation, conjointe avec la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, du rapport de la mission d’information sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale (Mme Delphine Batho, rapporteure).

La commission a examiné, conjointement avec la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, le rapport de la mission d’information sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale, sur le rapport de Mme Delphine Batho.

Mme la présidente Frédérique Massat. M. Jean-Paul Chanteguet et moi-même avons souhaité que, après la présentation qui a en été faite la semaine dernière aux membres de la mission d’information sur l’offre automobile française, ceux de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable puissent à leur tour prendre connaissance de son volumineux rapport, qui contient 120 propositions, et échanger avec la rapporteure Mme Delphine Batho et la présidente de la mission d’information Mme Sophie Rohfritsch. En effet, la mission d’information a un caractère un peu particulier, ayant, au lendemain du scandale Volkswagen, été demandée en Conférence des présidents par nos deux commissions, ce qui n’est pas courant et témoigne de l’importance que le Parlement accorde au sujet.

Nous avons d’ailleurs souhaité, notamment avec la rapporteure, étendre le travail de réflexion aux perspectives de la filière automobile française, ce qui explique son intitulé : mission d’information sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale. Depuis un an, les membres de la mission ont approfondi le sujet, en menant de nombreuses auditions. Ce rapport peut constituer une véritable feuille de route pour la filière automobile française, qu’il n’est pas question ici de stigmatiser, bien au contraire. Les perspectives sont intéressantes et des pistes ont été dégagées, même si toutes ne pourront pas être suivies dans l’immédiat.

La commission des affaires économiques se fera le partenaire des avancées et des propositions développées dans ce rapport, car le secteur est stratégique, avec 541 000 salariés dans la production automobile, 635 000 emplois dans les activités de l’aval, 2,8 millions d’emplois indirects, soit 9 % de la population active.

Nous souhaitons bien, d’ici à la fin de la législature, sinon légiférer, du moins être force de proposition.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Comme Mme Frédérique Massat vient de le rappeler, le titre de cette mission d’information de la Conférence des présidents concerne « l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale ». J’ajouterai, pour ma part, « dans une approche écologique et environnementale ». Après une année de travail et de nombreuses auditions, le rapport qui nous est présenté fait honneur au Parlement et à son pôle de l’économie et de l’évaluation, qui regroupe l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), la commission des affaires économiques et la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Mme Sophie Rohfritsch, présidente de la mission d’information sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale. À la mi-septembre 2015, le scandale Volkswagen éclatait aux États-Unis. La révélation de l’installation, dans les véhicules diesel commercialisés par différentes marques du groupe, d’un logiciel de reconnaissance des situations de tests sur banc d’essai, a constitué un véritable séisme. Cette fraude sans équivalent par son ampleur et sa dimension internationale a ébranlé l’industrie automobile mondiale, même s’il n’a pu être question de suspecter a priori tous les constructeurs d’une même fraude.

Ce scandale a également ébranlé la confiance des consommateurs envers l’industrie automobile dans son ensemble. Mme la présidente Frédérique Massat et M. le président Jean-Paul Chanteguet ont rappelé que c’était à la suite de cette affaire qu’avait été créée, par la Conférence des présidents, cette mission d’information sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale. Ainsi son cadre de réflexion
dépasse-t-il le seul objet de la diésélisation du parc automobile français.

Un grand nombre d’acteurs de la filière, mais aussi des organisations non gouvernementales (ONG) et les organisations syndicales ont été entendus au long de quarante-deux auditions et vingt-quatre déplacements, notamment sur des sites industriels ou des sites de recherche et développement (R&D). La rapporteure, Mme Delphine Batho, a également multiplié les rencontres avec des représentants de constructeurs ou d’équipementiers.

Il faut rappeler le poids très important de la filière automobile dans notre industrie et dans notre économie : elle emploie 9 % de la population active, avec presque 3 millions d’emplois. Il convient également de souligner l’état d’esprit qui a présidé aux travaux de la mission d’information, permettant à tous les interlocuteurs de s’exprimer très librement et de nourrir le rapport qui vous a été remis.

Aujourd’hui, aucun expert, aucun dirigeant d’un groupe automobile ne peut prédire quels seront les caractéristiques et le rythme d’évolution du parc automobile du futur. Par ailleurs, s’il n’est pas prouvé que d’autres constructeurs ont, comme Volkswagen, organisé un système érigeant la tricherie en principe d’action, un doute s’est installé.

C’est la raison pour laquelle je voudrais revenir sur la commission technique dite « commission Royal » qui a testé 86 véhicules – sur les 100 prévus – de 24 marques différentes. De façon inquiétante, les travaux de cette commission n’ont pu aboutir et ont achevé de semer le doute dans l’esprit des consommateurs. Une des conclusions de son rapport, publié le 29 juillet dernier, précise : « La commission ne peut donc pas se prononcer définitivement sur la présence ou absence de logiciels “tricheurs” dans les véhicules testés ». On peut donc que s’interroger sur l’opportunité de la création de cette commission, comme sur sa méthode de travail. Il eût bien mieux valu attendre les conclusions de notre rapport, qui se fondent sur un véritable travail de fond, tout à fait exhaustif.

Il est acquis qu’aucun type de motorisation « propre » ou « zéro émission » n’est à même d’être généralisé à court ou moyen terme. Il n’est pourtant plus possible d’ignorer les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou d’autres institutions à vocation scientifique, qui mettent en évidence la croissance des maladies chroniques et la surmortalité dues à la pollution atmosphérique. La mission d’information a constaté que les constructeurs ont à présent pleinement conscience du défi qui leur est posé.

Parallèlement, il faut aussi rappeler qu’un grand nombre de Français n’ont pas la possibilité de choisir leurs modes de mobilité. Toutes les études révèlent que, pour leurs trajets quotidiens, notamment ceux du domicile au travail, une majorité d’habitants des zones suburbaines ou rurales est dans l’obligation d’utiliser un véhicule particulier. Prétendre éradiquer la circulation des véhicules considérés comme les plus polluants au travers d’une surtaxation ou, pis encore, d’une forme de pénalisation de leur usage, ignorerait la dimension sociale qui caractérise les impératifs de la mobilité. Le renouvellement complet du parc circulant ne se réalisera d’ailleurs que de façon très progressive, dans la mesure où l’âge moyen d’un acheteur de véhicule neuf – qui ne cesse d’augmenter – dépasse aujourd’hui cinquante-trois ans, le nombre de transactions annuelles étant trois fois plus important sur le marché de l’occasion que sur celui du neuf.

Par ses propositions, la mission d’information entend soutenir des pistes prenant en compte l’évolution des modèles d’usage de l’automobile. Ainsi le covoiturage, l’autopartage et la location ponctuelle sont-ils pris en compte dans le rapport, tout autant que le véhicule autonome.

Une refondation complète de la réglementation sur les tests d’homologation et les normes d’émissions des véhicules est impérative. Ce travail est d’ores et déjà engagé au sein de l’Union européenne. Une réorientation industrielle est inéluctable. Pour le grand public, les normes d’émissions et les tests d’homologation ne sont plus crédibles, pas plus que les données des constructeurs relatives à la consommation de chaque modèle.

La filière automobile se trouve confrontée à des défis majeurs d’évolution technologique, ainsi qu’à l’obligation de concevoir des véhicules en accord avec les nouveaux usages. Les échéances sont importantes. Nous devons travailler à un calendrier acceptable par la filière industrielle. Il convient de dépasser un cap, dont l’ampleur a permis de parcourir l’histoire d’une industrie toujours en mouvement. Les propositions de la mission visent ainsi à soutenir, dans le cadre d’une telle transition, tous ceux qui voudront ou pourront concourir à cette activité.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Je voudrais remercier la présidente Frédérique Massat et le président Jean-Paul Chanteguet d’avoir pris, il y a un an, l’initiative de demander à la Conférence des présidents d’engager ce travail.

Le rapport illustre ce qu’est le rôle du Parlement dans une démocratie : prendre du recul sur des problèmes épineux qui, parfois, n’ont pas été abordés depuis un certain nombre d’années – il n’y avait pas eu de travail parlementaire sur la filière automobile en France depuis dix ans, le dernier rapport, réalisé au Sénat, datant de 2007 ; porter une vision de long terme tout en proposant des réformes immédiates – le rapport va jusqu’à proposer au Gouvernement un projet de loi et des propositions de décret « clés en main » ; rechercher, au sein de la Représentation nationale, le consensus sur des sujets difficiles, lever des blocages existant depuis des années et faire prévaloir l’intérêt général de la Nation. Mme Sophie Rohfritsch l’a remarqué, nous avons travaillé en parfaite convivialité, tout en recherchant à nous rassembler.

Ce rapport est, pour l’instant, en Europe, le plus important travail parlementaire réalisé sur le sujet depuis qu’a éclaté l’affaire Volkswagen. Cela nous conduira d’ailleurs à être auditionnés, au mois de décembre, par la commission d’enquête du Parlement européen sur l’affaire Volkswagen.

Mme Frédérique Massat a rappelé l’importance stratégique de l’industrie automobile. La philosophie du rapport est de proposer, après l’affaire Volkswagen, des solutions et une vision. J’insisterai sur la proposition numéro 1 du rapport. Souvent, l’État est intervenu dans le secteur en période de difficultés. Il l’a fait de façon judicieuse, si j’en crois la façon dont PSA a été sauvé après 2012. Le secteur commence à se redresser, après l’effondrement de la production industrielle liée à l’automobile au cours des années 2000 et après la crise de 2008-2009 – 42 % de production en moins ; 70 000 emplois supprimés en dix ans chez les deux constructeurs français. Le rapport propose donc de refonder, autour de ce que j’ai appelé « l’alliance française écologie-automobile », une relation aux pouvoirs publics dans une stratégie offensive – et pas simplement défensive, comme par le passé – pour maintenir des bases industrielles en France.

La première partie du rapport porte évidemment sur la faillite du système qui a conduit à ce qu’un logiciel « truqueur » chez le premier constructeur européen soit découvert par une petite ONG américaine – et non pas par les autorités de régulation européennes. De fait, quand on dévide la pelote, on découvre la faillite du système de normes et de contrôle européens. À ce propos, je rappelle que l’affaire Volkswagen fait deux fois plus de victimes en France qu’aux États-Unis, et que l’inégalité de traitement est choquante.

Nous proposons de refonder le système autour de trois piliers. Le premier consiste à imposer une norme unique. La réglementation européenne repose sur deux « cerveaux » – d’un côté, les directives sur le climat et les normes sur le CO2 ; de l’autre, les directives sur la qualité de l’air et les normes relatives aux pollutions par les particules ou par les NOx – sans que l’on ait mis ces différents paramètres en cohérence. Or la puissance publique doit prendre en considération, dans les normes qu’elle édicte pour l’industrie automobile, aussi bien la pollution globale, c’est-à-dire le réchauffement planétaire, que la pollution locale qui est devenue la troisième cause de mortalité en France, avec plus de 48 000 morts par an.

Le deuxième pilier est ce que nous avons appelé « la règle des cinq ans ». Il est ressorti des échanges que nous avons pu avoir, notamment dans les usines, que la clarté et la prévisibilité des normes constituaient un véritable enjeu. Les normes doivent être annoncées cinq ans à l’avance pour pouvoir soutenir la R&D, permettre aux industriels de rechercher les meilleures technologies pour atteindre le résultat exigé par la puissance publique et de tenir compte des adaptations industrielles qui sont indispensables. Pour un constructeur automobile, un point de norme, c’est un investissement de 1,5 milliard d’euros – l’équivalent des marges annuelles de l’entreprise.

Le troisième pilier est la mise en place d’une surveillance de marché effective en Europe. Cela suppose, outre un dispositif de certification des véhicules à l’homologation au moment où ils sont mis sur le marché, un dispositif de contrôle a posteriori et aléatoire des véhicules en circulation, pour vérifier qu’ils sont conformes aux normes. Nous proposons donc la création d’une agence européenne et, ce qui peut se faire immédiatement, la création, en France, d’un bureau d’enquête et d’analyse sur la pollution des véhicules. C’est la raison pour laquelle le rapport intègre une rédaction pour un projet de loi et des propositions de décret « clés en main ».

Nous proposons de rendre les rappels obligatoires. Il est en effet curieux que les rappels sur les véhicules Volkswagen soient obligatoires en Allemagne, mais pas en France, alors que le logiciel « truqueur » rend ces véhicules non conformes à la norme Euro 5.

Nous proposons également que les informations sur les émissions polluantes fassent l’objet d’une clause contractuelle, ce qui est important pour les consommateurs qui souhaitent mener des actions en justice.

La deuxième partie, qui traite d’une proposition phare du rapport, porte sur une nouvelle doctrine : la neutralité technologique. Elle signifie que l’État impose une obligation de résultat, et non pas de moyens.

Nous héritons d’une longue histoire qui a conduit à la diésélisation massive du parc automobile français, puissamment encouragée par les pouvoirs publics au travers d’une fiscalité avantageuse. Il faut sortir de cette situation, mais pas au coup par coup, et en tirer des leçons pour l’avenir. Selon cette doctrine de la neutralité technologique, qui fait consensus chez tous les interlocuteurs que nous avons auditionnés – constructeurs automobiles, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), ONG, syndicats –, l’État prononce une obligation de résultat : la question des choix technologiques à faire pour atteindre ce résultat, en matière de motorisation thermique, relève des constructeurs automobiles.

Cela amène à favoriser une différenciation des choix de motorisation, qui doivent être adaptés aux usages des automobilistes. Voilà pourquoi nous proposons de délivrer au consommateur une information sur le coût d’usage kilométrique des véhicules, afin qu’il puisse choisir une motorisation correspondant à l’usage qu’il compte en faire – ce qui existe aujourd’hui pour les véhicules d’entreprise. L’association Diésélistes de France considère par exemple qu’il est aberrant d’acheter une Twingo diesel pour faire 5 kilomètres par jour en ville. En revanche, quand on parcourt plus de 20 000 kilomètres par an, le diesel reste un choix adapté. La neutralité technologique va donc dans l’intérêt du consommateur.

Elle implique aussi la fin des avantages fiscaux accordés au diesel. Nous proposons une sortie progressive en cinq ans, en appliquant « la règle des cinq ans » pour prendre en compte plusieurs contraintes. La première est une contrainte de pouvoir d’achat. Les pouvoirs publics ont tardé à mettre fin à l’avantage fiscal accordé au diesel, et ils ne peuvent pas changer d’attitude du jour au lendemain, car cela handicaperait ceux qui subissent la mobilité contrainte, notamment les habitants des territoires ruraux ou des banlieues qui sont encore dépendants du diesel. La deuxième contrainte est liée au marché de l’occasion. La troisième est liée à l’emploi industriel. À ce propos, nous avons été frappés de constater qu’aucune étude d’impact sur la filière industrielle diesel n’existe. Selon l’État, le nombre d’emplois liés au diesel serait de 10 000. Pour moi, il serait plutôt de 50 000. Nous devons donc prévoir des mesures d’accompagnement, en particulier pour les équipementiers de rang 2 et 3, qui joueront un rôle important dans le processus de convergence entre le diesel et l’essence.

Dans ce cadre, nous proposons d’étendre aux véhicules d’entreprise le bénéfice de la récupération de TVA sur l’essence, ce qui n’était jusqu’à présent possible que pour le diesel – et de le faire en appliquant la règle des cinq ans.

La neutralité technologique vaut pour les normes comme pour la fiscalité. Il est invraisemblable d’appliquer une norme différente pour les véhicules diesel et pour les véhicules à essence : les premiers peuvent émettre davantage de NOx que les seconds, auxquels il est permis d’émettre dix fois plus de particules fines que les premiers.

De la même façon, nous souhaitons que la neutralité technologique s’applique au bonus et au certificat de qualité de l’air. Il n’y pas de raison, par exemple, que la prime à la conversion accordée aux ménages non imposables en faveur de l’achat d’un véhicule d’occasion – que nous proposons par ailleurs de doubler – soit versée pour l’achat d’un véhicule d’occasion récent, satisfaisant à la norme Euro 5 ou Euro 6, exclusivement à essence, alors que ce type de véhicule n’est pas équipé de filtres à particules et émet dix fois plus de particules qu’un véhicule diesel. Nous demandons que tout repose sur des données objectives constatées, et non sur des a priori de choix technologiques qui peuvent apparaître discutables.

Si nous prolongeons pendant cinq ans le mouvement de convergence engagé en 2014 – plus 1 centime de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques sur le diesel, moins 1 centime sur l’essence –, nous en tirerons des recettes fiscales de 250 millions d’euros en début de période et de plus de 1 milliard d’euros en fin de période. Nous proposons qu’elles soient consacrées à l’accompagnement des ménages modestes qui subissent la mobilité contrainte, en doublant la prime à la conversion ; à l’accompagnement industriel des sites fragiles, pour les aider à se moderniser et à se diversifier dans la perspective de l’usine du futur ; à la création du bureau d’enquête et d’analyse pour le contrôle de la pollution des véhicules en circulation. À partir de 2018-2019, les recettes supplémentaires pourraient abonder le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour contribuer au report modal et aux infrastructures de transport.

Enfin, je prends position dans le rapport – tout en sachant que le point n’est pas consensuel – en faveur de l’accélération de la montée en puissance de la taxe carbone. Aujourd’hui, il ne s’agit pas tant de passer du diesel à l’essence que de passer des énergies fossiles aux véhicules « zéro émission ». La trajectoire de la taxe carbone doit se poursuivre et la question se pose, au regard du coût actuel des énergies fossiles, de l’accélération du mouvement.

La troisième priorité du rapport, c’est l’accélération du renouvellement du parc. J’ai déjà parlé de la prime à la conversion, outil très important qui n’est pas une nouvelle « prime à la casse », car elle répond à une logique très différente. Nous mettons l’accent sur le volet « pollution » du contrôle technique, et sur tous les leviers qui peuvent contribuer à l’accélération du renouvellement du parc. Le parc roulant en France pose en effet un problème écologique considérable : 61 % des véhicules diesel en circulation n’ont pas de filtre à particules. Le parc est de plus en plus vieux et la durée de détention de plus en plus longue. L’accélération de renouvellement du parc est un des leviers les plus puissants pour agir sur la pollution. AirParif a chiffré qu’un retrait de 2 % des véhicules les plus polluants permet de réduire de 5 % les émissions de particules, et de 4 % les émissions de NOx. Ainsi, la sortie des vieux véhicules du parc roulant a un effet démultiplicateur immédiat.

La quatrième priorité est le cœur de ce que j’ai appelé l’« alliance française écologie-automobile » : comment, pour revenir dans le « top 10 » de l’industrie automobile mondiale, la France doit-elle construire l’offre automobile du XXIsiècle ? Il faut refonder la relation avec la filière automobile, avec des constructeurs qui sont devenus entre-temps des acteurs mondiaux, dans un secteur qui connaît trois révolutions : la révolution des usages, avec le passage d’une logique de possession du véhicule à une logique d’usage ; la révolution du véhicule propre et ses enjeux écologiques ; et la révolution du véhicule autonome et connecté.

En ce qui concerne, premièrement, la révolution des usages et ce que nous avons appelé « la nouvelle ère de la mobilité globale », les constructeurs de demain – dont PSA, qui s’engage à fond dans cette mutation – seront aussi des fournisseurs de services de mobilité. Mais cela suppose des adaptations très importantes de la filière, qui reste très séparée entre les activités de production, avec 541 000 emplois, et les activités de l’aval et des services, avec plus de 600 000 emplois. Nous appelons donc la filière à se réformer et à supprimer cette dichotomie entre amont et aval, d’autant que la frontière entre les deux est de plus en plus mouvante.

Le deuxième enjeu est le véhicule « zéro émission ». Il convient d’appliquer l’accord de Paris sur le climat à l’industrie automobile : il n’est pas normal qu’il n’y ait pas de scénario de référence sur la façon dont l’État et la filière envisagent le déploiement des automobiles propres à l’horizon de 2050 – avec des étapes en 2025, en 2030. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ne répond pas à la question.

Nous pensons ensuite, compte tenu du bilan environnemental du véhicule électrique dans le cadre du mix énergétique français, que la France doit être la patrie de la voiture électrique. De ce point de vue, il y a deux mesures urgentes à prendre par rapport à ce qui est déjà fait : assurer l’interopérabilité des systèmes de bornes de recharge et mettre en place un schéma national d’infrastructures de recharge, faute de quoi les réseaux d’électricité connaîtront des problèmes importants.

Si nous plaidons pour un développement puissant du véhicule électrique – et les annonces de Renault sur le doublement de l’autonomie de la Zoé lèveront en partie les freins qui subsistent au déploiement du véhicule électrique –, nous considérons qu’il ne faut pas fermer la porte à l’hydrogène. La filière industrielle française s’est souvent montrée réticente à ce propos, alors que, paradoxalement, ce sont des entreprises françaises – notamment Air Liquide – qui, partout dans le monde, font la promotion de l’hydrogène. Il ne faut pas rester à l’écart de ce mouvement qui, dans la logique de différenciation des usages, pourra apporter une solution pour les trajets automobiles de longue distance.

Nous faisons donc des propositions sur l’hydrogène, comme sur le gaz naturel pour véhicules (GNV) et le bioGNV pour les poids lourds. Cette dernière technologie est d’ores et déjà mûre, vertueuse et compétitive économiquement, même s’il reste quelques points à régler pour que les petites et moyennes entreprises (PME) et les transporteurs puissent s’équiper de véhicules GNV, qui sont par ailleurs fabriqués en France – même si le constructeur n’est pas français –, et pour déployer des stations.

Nous affirmons également une ambition française et européenne en matière d’industrie des batteries. La diminution de la production de la motorisation diesel qui s’est engagée est irréversible. Si les motorisations du futur ne sont pas construites en France, et si les bases industrielles ne sont pas en France, nous pouvons avoir des craintes pour l’avenir. La batterie représente 50 % de la valeur ajoutée d’une voiture électrique. Si l’on finance avec des bonus de 10 000 euros l’achat d’un véhicule électrique et qu’une partie substantielle de la valeur industrielle du véhicule est produite ailleurs, cela veut dire que l’on subventionne les importations. Nous avons pourtant des entreprises compétentes dans ce domaine.

Nous avons donc absolument besoin de remédier à la situation qui s’est installée sur le plan de l’organisation mondiale de la production de batteries. Quand on fait des scénarios à 1 million ou à 3 millions de véhicules électriques, on ne peut pas laisser cette question de côté. Il s’agit d’une industrie lourde et les décisions prises aujourd’hui produiront leurs effets dans cinq ou dix ans. Il faut donc s’y prendre dès maintenant.

Enfin, dans le domaine des véhicules autonomes et connectés, un électrochoc serait utile. Le retard pris par la France en ce domaine n’est pas dû à nos constructeurs, mais à l’administration et au manque de soutiens publics. Le véhicule autonome révolutionne complètement l’objet automobile et le rapport sociétal à l’automobile. Il pose de nombreux problèmes en termes de sécurité routière, de responsabilité ou de modèles assurantiels. Ce sont autant de questions qui doivent être anticipées par les pouvoirs publics. Nous plaidons donc pour un plan « France véhicule autonome », pour un fonds de soutien spécial et pour un accompagnement puissant des expérimentations.

Au passage, je remarque que l’affaire du logiciel « truqueur » de Volkswagen, qui restera comme une des plus grandes fraudes de l’histoire industrielle, n’est qu’une blague à côté de l’impact qu’auront les logiciels sur le fonctionnement d’une automobile. Le déploiement du véhicule autonome nous oblige à prendre la décision d’homologuer ces logiciels. Aujourd’hui, les logiciels de l’automobile ne sont pas homologués, alors qu’ils le sont dans l’aviation. Imaginez qu’il y ait, demain, un accident de la circulation avec un véhicule piloté par un système d’intelligence artificielle : si les logiciels ne sont pas homologués, vous pouvez vous attendre à des débats de responsabilité sans fin.

J’en viens à la dernière partie du rapport, intitulée : « Oui, l’industrie automobile a un avenir en France ». Elle commence par des affirmations fortes sur l’emploi, notamment sur la nécessité que le redressement de nos constructeurs serve à diminuer l’intérim et à combattre les processus d’externalisation. Le rapport reprend les propositions faites par M. Frédéric Barbier dans des amendements au projet de loi « Travail » et visant à ce que le contexte de sortie de crise que nous connaissons bénéficie aussi aux salariés. La mise en œuvre de l’article 49-3 de la Constitution n’avait malheureusement pas permis de discuter de ces amendements.

Nous plaidons pour une réforme de gouvernance de la filière. Tout ce qui a été réalisé en 2008 et 2009, avec les états généraux de l’automobile ou la création de la plateforme automobile, a été bien fait. Nous en recueillons aujourd’hui les fruits, mais la filière doit aborder une nouvelle phase qui implique que l’on simplifie certains des schémas d’organisation, en ayant une vision offensive comme celle que nous défendons.

Dans cette partie, nous revenons sur la dégradation des relations entre les constructeurs et les équipementiers, plaidons pour le maintien durable des participations de l’État dans le secteur automobile, et pour bien d’autres choses, telle l’origine France garantie.

Enfin, nous appelons à l’émergence d’une industrie du cycle de vie du véhicule. La filière automobile est parmi les plus anciennes à avoir mis en place des circuits de recyclage, pour les pneus usagés, les huiles usagées ou les véhicules hors d’usage. Ces circuits sont aujourd’hui confrontés à de graves difficultés. Nous souhaiterions la mise en place d’une stratégie « matières premières ». En effet, lors de la crise de 2008-2009, le renchérissement des matières premières était l’un des facteurs qui avait pesé lourd dans les coûts de production. Nous faisons aussi des propositions sur l’ensemble de ces filières de recyclage, et en matière d’écoconception des véhicules.

M. Frédéric Barbier. Après une baisse de la production de 42 % en douze ans, la production automobile française connaît depuis trois ans une progression de ses ventes. Nos deux constructeurs nationaux ont su relever les défis, en complétant leur offre, en faisant de la montée en gamme et en gagnant de nouvelles parts de marché. L’État stratège a joué son rôle quand il a, dès 2012, participé au redressement du groupe PSA en rentrant au capital, en garantissant un prêt de 7 milliards d’euros à la banque PSA et en permettant le rapprochement avec un autre partenaire automobile.

Nos constructeurs nationaux ont su faire les transformations nécessaires pour regagner en compétitivité et développer les innovations qui les placent à nouveau dans le peloton de tête des constructeurs mondiaux.

On l’a dit, 9 % de la population française travaillent, directement ou indirectement, dans l’industrie automobile. Elle représente un des pans les plus importants de notre économie : 540 000 emplois directs, et au total 2,8 millions de Français travaillent de près ou de loin pour l’automobile. Cette industrie doit encore relever d’autres défis majeurs : les véhicules autonomes, les véhicules connectés, le moteur hybride, hybride rechargeable, électrique ou hydrogène.

Le 18 septembre 2015 éclate l’affaire Volkswagen. Un mois après, Madame Delphine Batho, vous êtes nommée rapporteure de cette mission d’information sur l’offre automobile française, dont l’objectif est de formuler des propositions pour concilier le maintien de l’emploi dans l’industrie automobile, la santé publique et l’environnement. Tout comme l’emploi, l’environnement est en effet au cœur des préoccupations de nos concitoyens et des politiques publiques. Nous devons accompagner ces transformations sans oublier que l’industrie est un bien fragile et que le levier de la fiscalité doit prendre en compte l’impérieuse nécessité de ne pas déstabiliser notre industrie alors qu’elle se redresse progressivement.

Après 128 auditions, 24 déplacements et un travail considérable, vous avez su, Madame la rapporteure, faire les bonnes propositions en matière de fiscalité. Comme vous et de nombreux collègues, je suis intimement convaincu que nous devons résorber, sur un délai long, les différences de fiscalité entre essence et diesel. Ce délai doit être au moins de cinq ans. Les constructeurs ont, par le passé, investi très lourdement pour rendre le moteur diesel performant. Il ne faudrait pas qu’un empressement incompréhensible à réduire les avantages du diesel sur l’essence déstabilise une nouvelle fois une industrie stratégique pour notre pays. Nous sommes plusieurs à avoir déposé des amendements au projet de loi de finances qui vont dans ce sens.

Derrière cette industrie, il y a des femmes et des hommes qui veulent vivre de leur savoir-faire, de leur travail. Nous devons les soutenir et leur garantir une amélioration de leur condition sociale. Ainsi, parmi les 120 propositions du rapport, figure la réduction de la trop grande précarité qui règne au sein de l’industrie automobile. Nos usines connaissent parfois jusqu’à 38 % d’emplois précaires dans la catégorie de production. Vous proposez également, et vous savez que j’y suis fortement attaché, un meilleur encadrement des externalisations qui touchent aujourd’hui violemment ceux qui ont permis le redressement de ce fleuron de l’économie qu’est l’industrie automobile française.

M. Gérard Menuel. Comme son titre l’indique, cette mission d’information sur l’automobile s’est développée en triptyque, avec une approche industrielle, une approche énergétique, une approche fiscale – sans oublier une approche environnementale. Son rapport est riche de 550 pages, mais surtout de son contenu qui relate bien les très nombreuses auditions qui ont été réalisées. Pour avoir participé autant que possible à cette mission, je peux dire que l’ensemble des travaux furent denses, intéressants, que tous les sujets touchant à l’automobile ont été évoqués avec des invités de qualité, et que les débats ont été bien menés.

Avec l’offre automobile, nous touchons à un secteur stratégique pour notre pays, avec deux constructeurs français qui représentent 20 % de la production européenne, sans oublier Toyota et toute la sous-traitance basée sur un réseau de PME, qui sont d’importants employeurs.

La première entrave à la stabilité et au développement de notre industrie automobile réside dans un manque de compétitivité face, notamment, à nos voisins européens et principaux concurrents – en raison du coût du travail, des normes et de la fiscalité.

Dans ce rapport, de nombreuses propositions sont faites, d’inégales importances en termes d’impact. Soyons prudents afin de ne pas casser la dynamique industrielle de nos constructeurs qui font des efforts et qui méritent un soutien plus affirmé dans la recherche et l’innovation, notamment de la part de l’État. En ce qui concerne la réduction de l’impact environnemental des automobiles et l'amélioration de la performance des moteurs, notamment le diesel, nos constructeurs nationaux ont déjà pris le bon chemin et nous avons déjà pu le constater au dernier Mondial de l’automobile. À nous de bien les accompagner.

Le rapport propose d’aller en cinq ans vers la convergence fiscale entre le diesel et l’essence. Cinq années, c’est bien le minimum. Si, pour des raisons diverses – j’ai entendu des bruits de couloirs –, le processus devait être accéléré, le risque serait grand de voir nos constructeurs mis en difficulté. Je pense en premier lieu à PSA.

Par ailleurs, le rapport ne doit pas se présenter comme anti-usage automobile. Dans un pays comme le nôtre, et pour nombre d’entre nous, la voiture est indispensable – par exemple en milieu rural, où l’offre de transports en commun est souvent absente.

Soyons modestes, aussi, en termes de réglementations nouvelles. Évitons ces excès de normes qui pénalisent financièrement les automobilistes : je pense au renforcement trop draconien des contrôles techniques.

Enfin, profitons de ce rapport pour définir une stratégie claire et ambitieuse pour la filière automobile. Sous les quelques réserves que j’ai formulées, ce rapport peut y contribuer.

Les députés du groupe Les Républicains membres de la mission pensent que l’approche industrielle nécessite d’accompagner les constructeurs sur le long terme, en leur donnant de la visibilité et les moyens d’être compétitifs face à nos voisins européens. L’approche énergétique nécessite d’innover sans cesse, afin de répondre aux nouveaux enjeux environnementaux et sanitaires. Quant à la fiscalité, elle doit à la fois ne pas être punitive dès lors que l’utilisateur n’a pas d’alternative, et tendre à la neutralité technologique. En tout état de cause, il faudra mesurer à l’avance, avec précision, les impacts qu’aurait un changement de fiscalité. C’est pourquoi toute nouvelle mesure ne devrait intervenir qu’après concertation avec les professionnels et les utilisateurs.

M. Gabriel Serville. J’interviens ici en mon nom personnel – et non pas au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – pour évoquer la situation dramatique que connaît la Guyane.

L’épaisseur du rapport est certainement proportionnelle à la qualité du travail qui a été fourni, comme aux enjeux qui sont liés à l’industrie automobile. Le précédent intervenant a soulevé diverses questions liées aux problèmes environnementaux et sanitaires. Il serait en effet intéressant de pouvoir nous appuyer sur ces deux problématiques qui touchent le territoire de la Guyane, où, à ce jour, on dénombre 15 000 à 30 000 véhicules hors d’usage (VHU) dont on ne sait pas quoi faire. Le taux de collecte est très inférieur à celui que l’on aurait pu espérer, malgré toutes les dynamiques qui ont été mises en place, malgré les promesses qu’a faites la ministre Ségolène Royal qui prétendait vouloir soutenir économiquement les filières de destruction des VHU, malgré les préconisations du rapport de M. Serge Letchimy en 2015. Or les VHU sont toujours très nombreux en Guyane, ce qui cause des problèmes environnementaux et sanitaires : ils enlaidissent notre environnement, et, surtout, sont des gîtes larvaires où les moustiques se développent à foison. Souvenons-nous des crises liées au chikungunya et au virus Zika.

Que pourrait-on envisager pour accompagner la chasse aux VHU en Guyane, qui pourrait du reste concerner les autres territoires d’outre-mer ?

M. Yannick Favennec. Ce rapport très approfondi, qui fait honneur aux travaux de notre assemblée, formule de nombreuses préconisations allant dans le bon sens : réforme totale des contrôles des émissions des véhicules, ambition de faire de la France la patrie de la voiture électrique, développement de la voiture autonome, soutien au covoiturage. Il insiste également sur un point qui nous paraît capital : la stabilité de la fiscalité applicable à la mobilité propre ou moins polluante. Ici, comme dans bien d’autres domaines, cette stabilité est en effet indispensable pour l’avenir des filières concernées.

Vous préconisez la convergence, en cinq ans, des fiscalités du diesel et de l’essence. C’est d’ailleurs l’objet d’un amendement au projet de loi de finances pour 2017 qu’a déposé M. Charles de Courson et que vous avez cosigné, Madame la rapporteure. Or la ministre de l’écologie vient de promettre que cet alignement ne prendrait que deux ans, ce qui serait sans doute trop rapide et risquerait de porter un coup fatal à notre industrie automobile. Que pensez-vous de cette position de la ministre ? Ne devrait-on pas viser, par ailleurs, la neutralité fiscale pour tous les types de carburant polluants ?

Vous préconisez également la création d’un nouvel organisme de contrôle des émissions. Ne serait-il pas préférable de restructurer l’organisme déjà existant ?

Enfin, il est essentiel de donner à la filière électrique de véritables perspectives, solides et durables. Pourriez-vous nous dire où en est le développement d’une filière française de la batterie pour les véhicules électriques ? S’organise-t-elle d’ores et déjà ? Comment ? Où en sommes-nous en ce qui concerne la valorisation des batteries usagées ?

Le développement de l’électrique passe par une véritable pédagogie auprès des usagers. Les conducteurs – notamment ceux des territoires ruraux – ont par exemple du mal à savoir de combien d’autonomie ils ont réellement besoin pour leurs usages quotidiens et ont tendance à penser qu’une voiture électrique ne répondra pas à leurs besoins, alors que leur autonomie est souvent largement suffisante. Avez-vous des indications à nous apporter à ce sujet ?

Mme Marie Le Vern. Je partage votre point de vue, Madame la rapporteure : l’automobile est un secteur clef pour le rebond industriel de notre économie, notamment à travers de nouveaux outils de mobilité, plus durables, plus innovants, plus adaptés aux modes de vie du XXIsiècle. Je le constate dans ma circonscription, avec la réouverture de l’usine Renault de Dieppe, qui fabriquera bientôt la nouvelle version de l’Alpine, voiture haut de gamme, et la Bluecar, c’est-à-dire l’Autolib, que les Parisiens connaissent bien. C’est un savoir-faire qui est redécouvert, un bassin d’emploi revivifié et un succès industriel annoncé.

Pour soutenir le déploiement de l’automobile électrique, vous préconisez d’accélérer le déploiement des bornes de recharge sur tous les territoires : cela implique l’interopérabilité des technologies et une cohérence géographique dans l’implantation des bornes. Pourquoi est-il si difficile de déployer ces équipements, alors que les technologies et les volontés sont là ?

M. Guillaume Chevrollier. À mon tour de saluer le travail de la mission d’information sur l’offre automobile française, dans une approche industrielle, énergétique et fiscale.

Ce secteur stratégique concerne 9 % de la population active, avec près de 3 millions d’emplois. L’automobile est l’unique moyen de transport de nos concitoyens des territoires ruraux où, souvent, il faut deux véhicules par famille.

Cette mission fait suite à la très dommageable affaire Volkswagen. Comment rétablir la confiance sur le respect des normes sans en créer de nouvelles, ce qui entraînerait une instabilité préjudiciable au respect de la loi ?

Certains ont vu dans ce « dieselgate » une aubaine pour attaquer le diesel. Ne craignez-vous pas de porter un coup à notre industrie, puisque, ces dernières années, PSA et Renault ont beaucoup investi pour le diesel propre ? Un véhicule diesel récent n’a rien à voir avec ses prédécesseurs. Les normes Euro 5 et Euro 6 sont quasiment aussi strictes que pour un moteur à essence. En outre, le diesel consomme moins… Ne pensez-vous pas qu’une inflation normative puisse avoir des effets pervers ?

L’Europe va débattre de ces questions. La France ne devrait-elle pas attendre avant de modifier ses normes, pour avoir une vision stable de l’environnement normatif en la matière, avec une stratégie industrielle qui fixe un cap clair ?

Mme Michèle Bonneton. Madame la rapporteure, vous mettez en lumière des problèmes importants, souvent cachés, comme celui des deux « cerveaux » guidant la réglementation européenne dont vous avez parlé. J’approuve toutes vos propositions, mais plus particulièrement votre engagement en faveur de la neutralité technologique et du développement de l’action de groupe.

N’est-il pas urgent de mettre en place l’économie circulaire pour recycler les matériaux employés dans la construction des véhicules ?

Dans les agglomérations, des véhicules conçus pour quatre ou cinq personnes ne sont souvent utilisés que pour en transporter une. Ne faudrait-il pas promouvoir des voitures plus petites, plus légères et donc moins consommatrices d’énergie ? Elles pourraient être aussi davantage électriques.

Vous avez évoqué le plan « France véhicule autonome ». Quels sont les fonds publics alloués au déploiement de cette technologie ? Qui en bénéficiera : les constructeurs, les bureaux d’étude indépendants, d’autres acteurs ? Comment se conjugue-t-il avec le crédit d’impôt recherche ? Quels sont les avantages et inconvénients des véhicules autonomes ? Pensez-vous que ce type de véhicules puisse se développer de manière rapide dans notre pays ? Seront-ils plus économes en carburant que ceux que nous connaissons ?

M. Michel Heinrich. La mission d’information a effectué un travail très dense, mais elle a produit un rapport à charge contre le moteur diesel. Celui-ci a pourtant amélioré ses performances en matière d’émission de particules, grâce à des efforts en recherche et développement. Un industriel des Vosges, fabricant de moteurs turbo, m’a dit son inquiétude au sujet de ce rapport. Il ne comprend pas cet acharnement.

Dans la cinquième partie de votre rapport, consacrée à l’avenir du secteur automobile en France, vous allez jusqu’à proposer un plafond d’emplois intérimaires. Je trouve cela assez choquant, dans la mesure où c’est une atteinte à la libre gestion des entreprises. Ces emplois intérimaires sont en pratique plus coûteux pour l’entreprise que des contrats à durée indéterminée, mais lui permettent de répondre à des pics de production ou d’organiser le lancement d’un modèle dont on ignore s’il rencontrera le succès. En accroissant la rigidité dans la gestion des ressources humaines, ne craignez-vous pas de nuire à la compétitivité du secteur ?

M. Lionel Tardy. J’ai lu dans la presse que votre rapport était modéré et constructif. Je suis d’accord avec ces adjectifs. Le Gouvernement a parfois défendu un point de vue très parisien et dogmatique. Or, dans le milieu rural, la voiture est indispensable et la neutralité technologique n’est pas une mauvaise idée.

Vous voulez créer un service à compétence nationale pour le contrôle des émissions polluantes, un bureau d’enquête et d’analyse sur la pollution des véhicules. N’est-ce pas anticiper l’échec de l’Union européenne ? Ne faudrait-il pas plutôt essayer de trouver des solutions au niveau européen ?

Vous voulez rendre la location de véhicules entre particuliers imposable au-delà de 2 500 euros de revenus annuels. Nous en reparlerons au cours du débat sur le projet de loi de finances. Ce seuil n’est-il pas trop bas et ne risque-t-il pas de décourager la location, qui est pourtant une façon de réduire les émissions polluantes ?

M. Christophe Bouillon. Votre rapport, très dense, articule des propositions fortes. Vous allez jusqu’à prévoir des dispositifs législatifs ou réglementaires. Pensez-vous qu’ils aboutiront ? Ne risquent-ils pas de finir dans un placard ?

Votre première proposition, relative à une alliance française en faveur de l’écologie automobile, induit des engagements pour l’État et pour les constructeurs. Vous proposez sa mise en place dès la fin de cette année. Mais avez-vous déjà approché l’État et les constructeurs ? Sont-ils prêts à s’engager ?

M. Éric Straumann. J’ai inauguré ce matin une nouvelle ligne de fabrication chez Constellium à Biesheim. Ce sont 180 millions d’euros qui ont ainsi été investis dans la production de plaques en aluminium, car l’entreprise est sous-traitante de l’industrie automobile. Il me semble que l’État devrait être plus attentif au sort des équipementiers automobiles, mais aussi à une filière d’avenir, celle du recyclage de l’aluminium, qui n’est pas encore bien organisée dans notre pays.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Votre proposition n° 7 porte sur la création d’une nouvelle norme européenne Euro 7. Comment serait-elle définie par rapport aux autres normes ?

Par ailleurs, lorsque vous appelez à une convergence fiscale entre l’essence et le diesel, pourquoi voulez-vous faire baisser d’un centime d’euro la taxe sur l’essence ?

Mme Delphine Batho, rapporteure. Vous avez relevé, Monsieur Frédéric Barbier, que la précarité touche 38 % des emplois dans l’industrie automobile. Je puise dans votre observation une réponse à notre collègue Michel Heinrich : il n’est pas acceptable que la précarité soit à ce point dominante dans le secteur. Il ne s’agit pas d’ajouter de la rigidité, pas plus qu’il ne saurait y avoir d’atteinte à la liberté d’entreprendre lorsque nous parlons d’entreprises dont l’État lui-même est actionnaire. Il en va d’une certaine conception du contrat social.

Monsieur Frédéric Barbier, quand vous nous appelez à ne pas déstabiliser l’industrie, je dirais qu’il faut pourtant savoir faire mouvement et changer d’approche dans un monde qui bouge très vite. Soyons offensifs alors que de nouveaux acteurs arrivent.

M. Gabriel Serville a parlé des véhicules hors d’usage. Il est vrai que les casses illégales représentent un problème économique et écologique. La loi relative à la transition énergétique entend favoriser l’utilisation de pièces de réemploi, et PSA travaille déjà à mettre en place des processus d’économie circulaire. Le rapport évoque par ailleurs les contrôles effectués par l’administration ; dans des situations comme celle que connaît la Guyane, l’engagement de l’État est lui aussi un enjeu.

Monsieur Yannick Favennec, nous ne prônons pas le statu quo fiscal, mais une convergence progressive en cinq ans entre le diesel et l’essence, en engageant avec l’industrie automobile une discussion sur la façon de négocier au mieux ce virage. Quand, en 2012, l’OMS a classé les particules rejetées par les véhicules diesel comme cancérigènes certains, la France aurait dû prendre des décisions pour aider les entreprises à anticiper le mouvement de décrue rapide des ventes de véhicules diesel. Les pouvoirs publics ne peuvent s’exonérer aujourd’hui de leur inertie passée, mais doivent au contraire se montrer responsables vis-à-vis tant de l’industrie que des automobilistes : n’oublions pas que 31 % des ménages ruraux consacrent plus de 5 % de leur budget à l’achat de carburant.

J’en viens à la récupération de TVA des véhicules d’entreprise. Les enjeux environnementaux de la question sont limités dans la mesure où il s’agit de véhicules neufs qui doivent se conformer à la norme européenne Euro 6, qu’ils roulent au diesel ou à l’essence. Mais il est anormal qu’une entreprise doive, du fait de la réglementation, acheter de préférence des véhicules de type diesel. Nous voulons que la TVA perçue sur l’achat de véhicules de type essence devienne en cinq ans totalement récupérable pour l’entreprise acquéreuse. Cette question de la récupération de la TVA était le principal point de crispation quand nos travaux ont commencé. Car ce sont aujourd’hui les entreprises qui achètent des véhicules neufs, les particuliers préférant les véhicules d’occasion. L’an dernier, le Gouvernement s’était prononcé contre un amendement qui tendait à approcher, en quatre ans, l’essence du diesel. Comment accepterait-il aujourd’hui de le faire en deux ans ? Pour ma part, je prône une convergence en cinq ans, ce qui est aussi la position de l’Observatoire du véhicule d’entreprise. Il serait bon, d’ailleurs, si nous sommes tous convaincus par la cohérence de cette position, que cette mesure soit adoptée à l’unanimité.

Au début de nos travaux, nous nous sommes beaucoup interrogés sur la réforme de l’UTAC, organisme central du contrôle technique des véhicules. Sans être partisane à tout crin du système américain, il me semble plus logique et vertueux d’opter pour le choix d’un autocontrôle a priori, assorti d’un vrai contrôle aléatoire a posteriori, tel qu’en conduit l’agence américaine de protection de l’environnement. L’UTAC manque de moyens et un problème de statut doit être réglé pour écarter tout soupçon de conflit d’intérêts, mais l’absence de surveillance de marché est encore plus grave. C’est l’office fédéral allemand du transport motorisé, la KBA (Kraftfahrt-Bundesamt), qui a découvert, chez Fiat, un logiciel qui coupe le système de réduction des émissions nocives au bout de vingt-deux minutes, les tests ne durant que vingt minutes. Les contrôles aléatoires sur les véhicules en circulation sont le dispositif le plus vertueux pour éviter les tricheries. S’agissant de l’homologation préalable, des organismes seraient certifiés, l’administration délivrerait un récépissé de circulation dans l’Union européenne, mais l’idée serait de faire confiance aux acteurs qui s’en occupent.

En ce qui concerne la filière des batteries, il est important qu’elles soient réutilisées dans une deuxième vie – c’est déjà le cas pour les batteries de Renault. Le groupe Bolloré a investi 3 milliards d’euros sur vingt ans pour développer la technologie de batterie utilisée en autopartage.

Les véhicules électriques feront la preuve qu’ils sont parfaitement adaptés aux usages dans les territoires ruraux. Dans les Deux-Sèvres, où les conducteurs roulent entre 50 et 60 kilomètres par jour, ils furent d’abord surpris de n’avoir pas à recharger chaque jour, mais seulement tous les quatre à cinq jours, ce qui correspond à une autonomie de 300 kilomètres.

Grâce au super bonus accordé par le Gouvernement, le marché particulier des véhicules électriques est en train de décoller. Ce sont les achats par les particuliers qui sont maintenant majoritaires : certes, on ne dépasse guère 1 % des véhicules en circulation et 1 % des véhicules neufs, mais un mouvement s’amorce.

Madame Marie Le Vern, s’agissant de l’interopérabilité des technologies, de nombreuses initiatives ont été prises pour déployer des bornes de recharge des véhicules électriques, mais aucun schéma directeur n’existe. En tout état de cause, la question de l’impact sur la production d’énergie nucléaire est moins importante que celle de l’impact sur l’équilibre du réseau électrique : l’ensemble des véhicules électriques représentent un besoin couvert par un quart de la production d’un réacteur nucléaire. La question première est donc celle de l’appel de puissance et de la courbe de charge. Il faudrait inventer un système de tarifications de type heures pleines/heures creuses.

Quant au rétablissement de la confiance dans le respect des normes, Monsieur Guillaume Chevrollier, notre axe d’analyse a bien été de trouver la manière de sortir par le haut de la crise actuelle. On ne peut être que perplexe quand on sait comment le système européen de normes a été construit et trafiqué, avec une kyrielle d’exceptions pour chaque article. On parle de la norme Euro 6, mais il existe en fait des normes Euros 6A, Euro 6B, Euro 6C, etc. Illisible, le système s’est développé dans une logique de moins-disant écologique. Car il y a, en ce domaine, un problème de l’influence de la France à Bruxelles. Il n’est pas normal que, dans certaines réunions, la France n’ait qu’un négociateur, tandis que l’Allemagne en envoie trois. Il n’est pas normal que les nouveaux protocoles prévoient des tests à 160 km/h, alors qu’en France la vitesse maximale est fixée à 130 km/h. Il n’est pas normal que la nouvelle directive sur le CO2 impose un système de calcul par constructeur qui désavantage les constructeurs français qui ont fait jusqu’ici le plus d’efforts, en leur imposant un niveau d’objectif plus ambitieux que celui que ne va pas atteindre l’industrie allemande. N’ayons pas une approche naïve des normes : elles recouvrent naturellement des enjeux industriels, et tout se joue dans les détails. Que les tests des émissions dans les conditions de conduite réelles (real driving emissions, RDE) soient conçus pour 30 km/h, et non pour 15 km/h, fait perdre de sa valeur à la technologie française du stop and start.

Je plaide donc pour une refonte du système. Alors que la Commission européenne préfère garder l’ensemble normatif existant et y ajouter de nouvelles strates, je suis en faveur d’une norme multicritères, prenant en compte à la fois le dioxyde de carbone et les particules, émises par un seul et même moteur. La puissance publique doit définir une norme pour chacun de ces paramètres et en assurer le contrôle effectif. La France a effectué un travail diplomatique remarquable en poussant l’Union européenne à faire entrer en vigueur dans les délais l’accord de Paris sur le climat, ce qui n’était pas acquis d’avance. Elle doit maintenant faire la même chose sur le contrôle des émissions nocives par les automobiles.

La proposition de règlement publiée par la Commission européenne à la suite de l’affaire Volkswagen ne règle rien. Elle ne fait même que semer la confusion sur le partage des compétences entre l’Union européenne et les États membres. Ainsi, les véhicules Mercedes Daimler équipés d’une climatisation fortement émettrice de gaz à effet de serre font l’objet d’un contentieux devant la Cour de justice de l’Union européenne qui n’a toujours pas été tranché au bout de quatre ans, mais la nouvelle réglementation ne réglerait rien, pas plus que dans l’affaire Fiat. Ce manque de crédibilité des normes européennes pose un problème de compétitivité au niveau mondial. Quel sera le système de référence mondial ? Une bataille est engagée sur cette question, où l’Europe a perdu beaucoup de points.

Par ailleurs, les prérogatives que la directive européenne a déjà reconnues aux États membres pour exercer une surveillance de marché ne sont pas utilisées dans notre pays. Alors que les rappels de véhicules sont obligatoires en Allemagne, ce n’est pas le cas en France. C’est tout de même curieux. Sans attendre la nécessaire révision du cadre européen, on peut prendre des décisions en France.

Madame Michèle Bonneton, en matière d’économie circulaire, Renault ou certains équipementiers font déjà beaucoup, notamment pour employer des matériaux biosourcés. Nous avons ainsi vu au Mondial de l’automobile des tableaux de bord en chanvre. Des innovations arrivent.

Quant à la recherche et développement, c’est la mère de toutes les batailles, car il en va des emplois de demain. Les grands équipementiers français sont redevenus prospères parce qu’ils ont su augmenter leurs dépenses en recherche et développement après la crise de 2008 et 2009. Nous devons aider les deux constructeurs nationaux à avoir les coudées plus franches en ce domaine. L’industrie automobile est la première de France pour les dépenses de recherche, pour les dépôts de brevets. Elle réalise 13,9 % de la dépense intérieure en matière de recherche, pour seulement 6 % du crédit impôt recherche. Nous devons donc créer un environnement facilitateur.

Les véhicules autonomes vont se développer et seront certainement électriques, car les révolutions se cumulent dans le même objet. Dans un premier temps, il s’agira sans doute de flottes spécifiques, et les voitures familiales accessibles à tous, cœur du marché français, ne seront pas concernées. Nous commencerons plutôt par des robots taxis.

Monsieur Michel Heinrich, nous n’avons pas rédigé un rapport à charge contre le diesel, mais un rapport objectif. Plus rien ne justifie l’avantage fiscal dont bénéficie le diesel. Il n’est pas normal que nous n’ayons pas tiré les conséquences de l’analyse de l’OMS de 2012, qui a alerté sur les effets cancérigènes du diesel. Cela dit, notre rapport reprend à son compte les déclarations de M. François Cuenot, de l’ONG Transport & environnement, la plus intransigeante, au niveau européen, en matière d’émissions polluantes, pour dire que le débat sur l’interdiction du diesel n’a pas lieu d’être. En effet, dans cinq à dix ans, nous serons sans doute tout aussi inquiets sur les nouvelles motorisations essence à injection directe, qui émettent des particules extrêmement fines et nocives pour la santé. En réalité, nous devons choisir entre deux inconvénients : le diesel qui a fait des efforts sur les NOx, mais pose un problème au regard du dioxyde d’azote qu’il rejette ; la motorisation essence récente, qui bénéficie d’une dérogation de trois ans pour l’installation de filtres à particules fines, ce qui révèle la faillite du système européen de normes.

Je n’opposerai pas un service à compétence nationale et une agence européenne qui, si elle se crée, trouvera dans le premier un bras armé. Il n’y a donc pas d’incohérence à avancer des propositions sur ces deux niveaux de compétence.

Monsieur Lionel Tardy, le seuil de revenus imposables pour l’économie collaborative que nous proposons est peut-être fixé trop bas, mais je suis ouverte à la discussion sur ce point. On doit néanmoins tracer une frontière entre les particuliers qui optent pour l’autopartage et la concurrence déloyale faite par les loueurs professionnels.

Monsieur Christophe Bouillon, ce rapport ne finira pas dans un placard. C’est d’ailleurs pour éviter cela que nous avons rédigé des propositions qui peuvent d’ores et déjà être adoptées en loi de finances. Va-t-on, en France, vers une alliance formalisée entre industriels de l’automobile et pouvoirs publics, comme cela se fait en Allemagne et au Japon ? Elle aurait le mérite de rendre les relations existantes plus fortes, plus claires et plus transparentes, dans une vision de long terme partagée. Aussi voulons-nous axer cette alliance sur la notion d’engagements réciproques. N’avons-nous pas su adopter un pacte automobile au moment des crises du secteur, comme en 2012 ? Nous devons pouvoir le faire aussi quand cela va mieux. Il ne s’agit certes pas de prôner le dirigisme d’un actionnaire unique qui serait l’État, mais plutôt de se proposer des objectifs partagés, pour favoriser les investissements en recherche et développement, en montrant quels sont les objectifs de la puissance publique.

J’ai reçu des réactions encourageantes du côté des pouvoirs publics. Mais l’industrie automobile doit dire aussi au Gouvernement qu’elle a besoin d’un cadre clair et d’une visibilité accrue si nous voulons une mobilisation nationale en faveur d’une industrie porteuse de progrès écologique.

S’agissant de la norme Euro 7, que nous proposons, vous savez que, à la norme Euro 6, ont succédé les normes Euro 6B, puis, bientôt, 6C, 6D, 6D-TEMP. S’y ajouteront deux autres niveaux de normes Euro 6, avec le facteur de conformité du nouveau protocole RDE. Jusqu’où irons-nous ? Nous devons discuter dès aujourd’hui d’un nouveau système, intégrant la directive sur le CO2 prévue pour 2020 ou 2021, pour anticiper la norme applicable dans cinq ans. Cette norme devra être la même pour le diesel et pour l’essence, intégrant les différents paramètres – non seulement le NOx, mais aussi le dioxyde d’azote (NO2) –, les particules fines et le CO2. Nous en finirons ainsi avec le système actuel, qui désavantage l’industrie française. Cela répondrait aussi au souci de lisibilité normative des entreprises toujours désireuses de passer à l’étape suivante. Sinon, ce sera comme pour les nouveaux protocoles d’émissions polluantes : discutés depuis 2007, ils n’entreront en vigueur qu’en 2017.

Enfin, s’agissant de la convergence fiscale du diesel et de l’essence, ma position a toujours été la même. Si je propose une baisse d’un centime d’euro sur l’essence, c’est pour que les Français sachent que nous poursuivons un objectif de qualité de l’air, non un objectif de rendement fiscal. Sinon, on nous accusera de matraquage fiscal, dont l’écologie ne serait que le prétexte. Telle est aussi la position des associations de consommateurs, notamment l’UFC-Que choisir, qui n’était même favorable qu’à la baisse sur l’essence, non à la hausse sur le diesel. Cela a déjà commencé depuis deux ans, dans deux lois de finances successives. Le rapport propose de poursuivre ce mouvement.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je vous remercie. Peut-être nos deux commissions pourront-elles organiser une table ronde avec les constructeurs pour discuter de leurs réactions à vos propositions.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 18 octobre 2016 à 17 h 15

Présents. – M. Frédéric Barbier, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Michèle Bonneton, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, M. Laurent Furst, M. Jean Grellier, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Frédérique Massat, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy

Excusés. – M. Bruno Nestor Azerot, M. Denis Baupin, M. Georges Ginesta, M. Thierry Lazaro, M. Serge Letchimy, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, M. Yannick Moreau, M. Philippe Naillet, M. Thierry Robert, M. Jean-Paul Tuaiva

Assistaient également à la réunion. – M. Xavier Breton, Mme Marie-Jo Zimmermann