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Commission des affaires économiques

Mercredi 23 novembre 2016

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 26

Présidence de Mme Frédérique Massat, Présidente

– Audition de M. Philippe Varin, président du conseil d’administration d’Areva

La commission a procédé à l’audition de M. Philippe Varin, président du conseil d’administration d’Areva.

Mme la présidente Frédérique Massat. Mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour procéder à l’audition de M. Philippe Varin, président du conseil d’administration d’Areva, qui a répondu très rapidement à ma demande, motivée par l’actualité, de venir s’exprimer devant notre commission. Les annonces faites ce matin par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) au sujet du contrôle des réacteurs des centrales nucléaires et de l’indisponibilité d’un certain nombre d’entre eux pour une période estimée à un mois, voire un mois et demi, durant la période hivernale, ont suscité des inquiétudes et justifient encore davantage votre présence parmi nous.

La semaine dernière, nous avons entendu M. François Brottes, président du directoire de Réseau de transport d’électricité (RTE) et, hier, Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, que nous avons interrogés au sujet des éventuelles difficultés qui pourraient survenir cet hiver dans la fourniture d’électricité, et des mesures qui pourraient être prises pour y remédier.

Nous souhaitons également connaître votre position à ce sujet, et faire le point avec vous sur le processus de refondation de la filière nucléaire française, un dossier cher à la commission des affaires économiques, compétente en matière d’énergie. Au cours des derniers mois, nous avons entendu sur ce thème un grand nombre de responsables d’Areva et d’EDF, dont certains se sont parfois livrés entre eux – par auditions interposées, si j’ose dire – à des échanges un peu vifs.

Aujourd’hui, la situation est apaisée et nous souhaitons vous entendre au sujet de l’augmentation de capital de cinq milliards d’euros qui est prévue. Mme Ségolène Royal nous a indiqué hier que le Gouvernement était favorable à l’entrée dans le capital d’investissements étrangers. On parle d’investisseurs chinois, japonais et kazakhs, et certains montants sont évoqués. Ces nationalités et ces montants sont-ils actés ou toujours en discussion ? Un calendrier a-t-il été fixé ? Les éclaircissements que vous pourrez nous apporter sur tous ces points permettront de mettre fin à certaines rumeurs.

Areva et EDF ont signé le 15 novembre 2016 le contrat fixant les termes de la cession des actifs d’Areva NP, ce qui constitue une véritable révolution au sein de la filière nucléaire française. Pouvez-vous nous préciser comment s’organisera, à terme, la gouvernance avec EDF ?

Enfin, à la suite de la détection, fin 2014, d’une anomalie de la composition de l’acier de la cuve de l’EPR de Flamanville, l’ASN a demandé à Areva NP de procéder à une revue de la qualité de la fabrication de ses cuves et de ses générateurs de vapeur. Par ailleurs, des anomalies dans les dossiers de fabrication à l’usine Areva NP du Creusot ont été trouvées, ce qui a conduit l’ASN à procéder à des contrôles de plusieurs réacteurs. À ce jour, dix-huit réacteurs sont concernés par cette décision, six ont déjà été contrôlés et remis en fonctionnement, huit sont arrêtés pour cause de contrôle et quatre seront arrêtés pour contrôle dans les prochaines semaines. Cette situation a évidemment des conséquences sur l’approvisionnement en électricité : que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

M. Philippe Varin, président du conseil d’administration d’Areva. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je suis très heureux d’avoir la possibilité de m’exprimer à nouveau devant vous en cette période de restructuration de la filière nucléaire et du groupe Areva, que j’ai l’honneur de présider depuis janvier 2015.

La restructuration d’Areva, qui a débuté il y a un an et demi, entre désormais dans sa phase finale et doit aboutir à une décision de recapitalisation début 2017. Dans un premier temps, je vous exposerai les différents volets de la restructuration juridique et financière du groupe, et les étapes qui ont été récemment franchies. Dans un deuxième temps, j’évoquerai le plan de performance qui est mené au sein du groupe pour rendre possible cette restructuration. Dans un troisième temps, je vous donnerai quelques éléments sur les perspectives du New Areva, fruit de cette restructuration. Enfin, je me tiendrai à votre disposition pour répondre aux questions que vous souhaiterez me poser.

Pour ce qui est du premier volet, relatif à la restructuration de la filière, je commencerai par évoquer les objectifs de cette opération. En juin 2015, le Président de la République a pris la décision de réorganiser la filière nucléaire française. Nous nous sommes aussitôt mis en ordre de marche pour appliquer une feuille de route comportant trois aspects distincts.

Le premier est la constitution du nouvel Areva, couramment appelé NewCo, même si, d’un point de vue juridique, son nom exact est New Areva Holding. Cette entité est recentrée sur les activités du cycle du combustible, à savoir l’extraction minière, la chimie de l’uranium, le recyclage des combustibles usés et le démantèlement. Une assemblée générale extraordinaire d’Areva SA s’est tenue le 3 novembre, à la suite de laquelle le conseil d’administration d’Areva a acté, le 10 novembre, l’apport partiel d’actifs consenti par la société-mère, Areva SA, à la société-fille, New Areva Holding. Cette étape majeure a scellé la création de New Areva Holding.

Évidemment, il faut mettre quelque chose dans la corbeille de la mariée : nous avons donc prévu de lancer, début 2017 – si possible dès le mois de janvier – une augmentation de capital d’un montant total de trois milliards d’euros, souscrite par l’État et, nous l’espérons, par des investisseurs stratégiques. Nous sommes actuellement mobilisés pour parvenir dans les semaines à venir à une offre engageante de la part de partenaires stratégiques minoritaires, notamment les Chinois, avec la China National Nuclear Corporation (CNNC) et les Japonais, avec la société Mitsubishi Heavy Industries (MHI) et d’autres entreprises qui lui sont alliées.

Les discussions sont toujours en cours, et notre objectif est de trouver des partenaires qui ne soient pas uniquement nos alliés sur le plan financier, mais avec lesquels nous pourrions nouer un partenariat stratégique durable. C’est le cas de CNNC, avec qui nous avons entamé de longue date des discussions en vue de construire une usine de recyclage en Chine, qui serait l’équivalent de celle de La Hague en France. C’est également le cas de MHI : le Premier ministre japonais, M. Shinzō Abe, ayant décidé que la part de l’énergie nucléaire dans l’électricité consommée au Japon devait atteindre 22 %, il faut que le pays se dote d’infrastructures de recyclage similaires à celles de la France ; par le passé, nous avons d’ailleurs livré au Japon une usine de recyclage identique à celle de La Hague, à savoir celle de Rokkasho-Mura. Dans le cadre de cette relance de l’industrie nucléaire au Japon, MHI est l’un de nos partenaires potentiels.

Le fait que de grands groupes étrangers souhaitent devenir les partenaires du nouvel Areva est positif, car cela montre qu’ils croient en l’avenir de la société. Je précise que l’État français restera très largement majoritaire au sein de la nouvelle société : il continuera, en tout état de cause, à détenir plus des deux tiers du capital.

J’en viens au deuxième volet, relatif aux cessions d’actifs. Pour obtenir l’accord de Bruxelles, une société aidée doit céder un certain nombre d’actifs. Pour le moment, nous avons déjà cédé CANBERRA, entité spécialisée dans la fabrication de systèmes de mesure nucléaire. Prochainement – fin 2016 ou début 2017 –, nous allons céder Areva TA, la société qui porte la propulsion nucléaire et les réacteurs de recherche, à un consortium dont l’Agence des participations de l’État (APE) détiendra la majorité, aux côtés d’autres actionnaires que sont DCNS, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et EDF.

Enfin, nous allons céder à EDF les activités d’Areva NP – hors le contrat finlandais OL3 – filialisées dans une société appelée provisoirement New NP. Cette cession rapportera 2,5 milliards d’euros.

Je précise que nous avons également négocié une option de cession à Gamesa de notre participation de 50 % dans la société d’éolien offshore Adwen. La clôture (closing) de cette option est prévue pour début 2017.

En plus de la cession d’Areva NP, les autres cessions devraient nous rapporter 400 à 500 millions d’euros, ce qui représente un montant total de cessions avoisinant les trois milliards d’euros.

Pour ce qui est d’Areva NP, nous avons signé le 15 novembre dernier des accords engageants pour le rachat d’Areva NP par EDF. Cette étape est décisive pour la refondation de la filière et le recentrage d’Areva sur les activités du cycle. Ces accords offrent aussi à Areva NP une perspective de long terme avec un actionnariat stratégique propice à son développement. Ils donnent à EDF le contrôle exclusif de l’entité New NP, actuellement filiale à 100 % d’Areva NP, qui exerce les activités industrielles de conception, de fourniture de réacteurs nucléaires et d’équipements, d’assemblage de combustible, et assure les services à la base installée du groupe Areva. Les instances représentatives du personnel ont été consultées et la finalisation de la transaction est prévue pour le second semestre de 2017 : il va donc s’écouler un certain délai entre l’accord engageant du 15 novembre dernier et la conclusion de cette opération.

L’opération se fera sous réserve de trois conditions suspensives. La première est l’obtention des autorisations de la part des autorités de la concurrence, à Bruxelles. La deuxième est l’autorisation de l’Autorité de sûreté nucléaire, délivrée sur la base des essais relatifs au réacteur de Flamanville 3. Nous avons réalisé plus de 90 % des essais de métallurgie et de ténacité sur des pièces analogues et sommes confiants dans le fait que la cuve pourra être déclarée conforme aux exigences de l’ASN – étant précisé qu’il appartient, bien évidemment, à cette autorité de se prononcer le moment venu. La troisième condition suspensive réside dans la finalisation et la conclusion satisfaisante des audits qualité qui sont en cours dans les usines du Creusot. Comme vous le savez, nous avons engagé, en lien avec l’ASN, une opération sans précédent d’audit et de contrôle, que nous mènerons à terme en toute transparence.

Ces opérations comprennent deux volets, dont le premier concerne les anomalies liées à des pratiques, que nous considérons comme inacceptables, en matière de contrôle qualité, et qui nous conduisent maintenant à reprendre les dossiers de fabrication d’environ 10 000 pièces, dont 6 000 pour les dossiers nucléaires, sur les quarante dernières années. Ce volet a un impact sur le timing d’exécution de la transaction avec EDF, puisqu’il faut que nous ayons examiné un très grand nombre de dossiers avant de pouvoir fermer cette opération.

Le deuxième volet, bien distinct du premier – j’insiste sur ce point car la presse fait parfois l’amalgame entre les deux –, est celui des ségrégations de carbone. Nous avons en effet découvert que la teneur en carbone est plus élevée au cœur de certaines pièces qu’en leur périphérie : c’est notamment le cas pour le couvercle de la cuve de Flamanville, la pièce la plus emblématique, mais aussi pour les fonds de générateurs de vapeur. Si l’existence d’un tel phénomène est connue de longue date, l’ampleur des écarts actuellement constatés est source d’étonnement, c’est pourquoi l’ASN nous a demandé de procéder à des contrôles. Je précise que si les pièces incriminées ne sont pas conformes aux normes actuelles, elles étaient conformes aux normes en vigueur lors de leur livraison.

Le troisième volet de mon intervention concerne Areva SA, qui va porter le contrat finlandais – l’OL3 – ainsi qu’un certain nombre de garanties portant sur les questions de qualité. La holding va être recapitalisée à 100 % par l’État pour un montant de deux milliards d’euros en début d’année prochaine. Avec les trois milliards d’euros d’augmentation de capital de NewCo, on aboutit au total de cinq milliards d’euros récemment évoqué par l’État. L’ensemble de ces opérations est évidemment soumis à la validation des autorités de la concurrence européenne, dont nous espérons obtenir un avis favorable d’ici à la fin de l’année.

J’en viens au deuxième temps de mon intervention, consacré à la performance du groupe. Je tiens à souligner l’ampleur du travail effectué depuis plusieurs mois par des équipes très mobilisées. Face à la situation très grave dans laquelle j’ai trouvé le groupe à mon arrivée en 2015, j’avais demandé à M. Philippe Knoche, directeur général d’Areva, et à ses équipes, d’élaborer un plan de performance vigoureux afin d’ajuster nos ressources à la réalité du marché et de conduire à la maîtrise des grands projets du groupe.

L’économie visée s’élève à plus d’un milliard d’euros en base annuelle à l’horizon de 2018, au périmètre du groupe Areva tel qu’il était début 2015. Aujourd’hui, nous sommes dans les temps pour atteindre cet objectif : au 30 juin 2016, 500 millions d’euros d’économies avaient été réalisés. Au-delà des économies de coûts, il est également très important qu’un vrai système d’excellence opérationnelle soit en cours de déploiement au niveau de chaque entité du groupe.

Le plan de performance comporte un volet social, prévoyant la suppression de 5 000 à 6 000 postes d’ici à fin 2017. Nous pouvons considérer que cet objectif sera atteint puisque nous avons actuellement 5 300 départs, dont 2 800 sur le territoire français. Le plan de départs volontaires, qui représente une grande partie des départs, a été lancé en avril 2016 et a déjà atteint ses objectifs dans six sociétés du groupe. Si nous visons la réduction des coûts, nous tenons aussi à ce que la sûreté – notre priorité numéro un –, le maintien des compétences – un grand défi avec les départs volontaires – et un dialogue social exemplaire restent au premier plan. Je tiens à saluer les efforts du management et des salariés d’Areva, qui ont dû se résoudre à des renoncements difficiles.

Bien entendu, le plan de performance, c’est aussi la maîtrise des grands projets, notamment la Finlande, Flamanville et Taishan, en Chine. Il s’accompagne d’une « bascule organisationnelle » – une expression apparemment compliquée pour décrire un processus en réalité assez simple. Avec la création de New Areva et de New NP, il faut deux patrons supplémentaires : M. Philippe Knoche a pris la présidence de NewCo tout en restant directeur général d’Areva SA, tandis que M. Bernard Fontana est devenu directeur général d’Areva NP. Cette organisation simplifiée va permettre un fonctionnement plus agile et surtout plus focalisé sur la performance des opérations en termes de sûreté, sécurité, qualité et coût.

Pour ce qui est de la trajectoire financière, nos résultats au 30 juin 2016 montrent que nous avons déjà fait quelques pas, puisque le cash-flow net, qui est encore en déficit en raison des efforts de restructuration, est cependant meilleur que ce qui avait été anticipé. En effet, alors que nous avions donné au marché une guidance de - 1,5 milliard d’euros à - 2 milliards d’euros, nous allons terminer entre - 0,6 milliard d’euros et - 0,9 milliard d’euros – ce qui, je l’admets, est encore beaucoup.

J’en terminerai par les perspectives qui s’offrent à la nouvelle société New Areva. Celle-ci – qui, je l’ai dit, couvre l’ensemble du cycle du combustible – bénéficie, malgré les difficultés actuelles, d’un contexte prometteur et d’atouts indéniables.

Le contexte prometteur est l’énorme défi mondial que représente la réduction des émissions de CO2. Vous le savez, les émissions de gaz à effet de serre dans le monde doivent diminuer de 50 % d’ici à 2050 ; mais, dès 2030, la production mondiale d’électricité aura augmenté de 50 %. C’est un défi, mais aussi une opportunité considérable pour le nucléaire. La part du nucléaire dans l’énergie mondiale, qui s’élève actuellement à 11 %, devrait être d’environ 13 % en 2030 selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Cela signifie que la capacité installée, actuellement proche de 400 gigawatts – à rapporter aux 63 gigawatts français –, va augmenter de plus de 50 %, si l’on tient compte de la hausse prévisible de 50 % du marché électrique. Ce marché est porteur pour nous : plus il y aura de réacteurs, plus on aura besoin de matières du cycle. Le marché chinois va représenter à lui seul la moitié de la croissance du parc au cours des vingt prochaines années, sans compter le redémarrage du Japon. Bref, l’avenir du nucléaire se joue principalement en Asie. C’est ce qui explique nos partenariats stratégiques.

Cette situation assure une forme de résilience à notre modèle d’affaires. Nous nous appuierons tant sur l’amont que sur l’aval du cycle : en amont, nous bénéficierons de l’augmentation du nombre de réacteurs en exploitation ; quant à l’aval, il y a dans le monde 80 réacteurs en cours de démantèlement et l’on en prévoit 120 supplémentaires d’ici à 2030. C’est un nouveau marché sur lequel New Areva devra être présent, fort de son expérience française.

Dans ce contexte, nous avons aussi des atouts indéniables.

Premièrement, notre carnet de commandes, qui représentait 33 milliards d’euros fin juin, soit huit années de chiffre d’affaires, répartis entre nos trois grandes activités
– mines, chimie-enrichissement et recyclage.

Deuxièmement, notre base industrielle très solide, que certains d’entre vous connaissent de près, avec les usines – neuves – de Comurhex II pour la chimie et la conversion et de Georges Besse II pour l’enrichissement. Il s’agit d’atteindre le meilleur taux d’utilisation possible de ces équipements. Nous avons aussi un excellent portefeuille minier, au Niger, au Kazakhstan et au Canada.

Troisièmement, le leadership technologique que nous conservons dans l’ensemble des métiers du cycle : pour chacune de ces activités, Areva occupe l’un des trois premiers rangs mondiaux. Cette expertise est amenée à croître avec les partenariats engagés, notamment en Chine et au Japon dans le cycle fermé.

Je conclurai en rappelant que la restructuration de la filière est en marche, comme en attestent les jalons récemment franchis. Nous mettons tout en œuvre pour que le nouvel Areva puisse affirmer son leadership au niveau mondial. Nous avons pris plusieurs décisions fortes. La mobilisation des équipes est extrême, dans le cadre que j’ai évoqué : sûreté, dialogue social, suivi très rapproché des clients. Les premiers résultats sont encourageants, même si, dans l’actualité, on est aujourd’hui plus sensible au poids du passé, ce que nous comprenons tout à fait.

Les semaines à venir seront décisives pour l’exécution du plan, avec deux augmentations de capital à réaliser, l’entrée d’investisseurs tiers et la validation de Bruxelles, avant d’en venir l’année prochaine au closing de la cession d’Areva NP.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je m’exprimerai au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain.

Areva a engagé depuis 2014 une profonde restructuration de la filière nucléaire, qui touche aujourd’hui à sa fin ; elle inclut la vente de l’activité réacteurs à EDF, qui prend une part du risque. Aujourd’hui, la situation suscite de grandes interrogations et des inquiétudes. L’équation est particulièrement délicate, car les problèmes se cumulent les uns aux autres : des investissements industriels considérables à réaliser, des difficultés concernant les outils industriels d’Areva, l’arrêt de plusieurs réacteurs au moment où l’on s’interroge sur la fourniture d’électricité cet hiver. Ce dernier point occupe nombre de nos auditions.

L’ASN signale par ailleurs des anomalies affectant la forge du Creusot. Vous vous dites prêt à apporter des précisions sur ce point ; nous aimerions en effet savoir comment vous allez procéder.

La filière rencontre des problèmes techniques liés à la qualité des fabrications de plusieurs sites industriels. La question se pose donc du maintien des compétences clés. Dans ce contexte, comment garantir durablement l’excellence industrielle et la compétitivité de l’offre nucléaire française ? Comment rebondir alors même que le plan de performance en cours inclut d’importantes réductions des effectifs salariés, donc des pertes de compétences ?

En ce qui concerne la reconfiguration capitalistique, l’entrée au capital des Chinois, des Japonais et des Kazakhs était inimaginable il y a encore quelques mois. Vous nous dites que les discussions se poursuivent, mais vous semblez confiant dans l’aboutissement du processus de recapitalisation. Vous avez répondu par anticipation à mes questions sur le prix d’entrée et le calendrier. Mais j’aimerais en savoir plus sur la représentation des nouveaux investisseurs au conseil d’administration et sur l’influence qu’ils pourraient exercer sur les décisions stratégiques. Ils attendent naturellement des retours sur leur investissement. Vous avez également évoqué les perspectives sur le marché nucléaire, notamment asiatique, ouvertes par ce partenariat.

Le tournant auquel nous nous trouvons n’est-il pas suffisamment décisif pour tenter de formuler un diagnostic complet – industriel, technologique, économique et social – de l’état de la filière nucléaire ? D’autant que le comité stratégique de la filière nucléaire semble aujourd’hui en sommeil.

M. Alain Suguenot. Au nom du groupe Les Républicains, je note votre optimisme au sujet du plan de performance, et ses raisons.

J’aimerais revenir, moi aussi, sur la recapitalisation. Vous nous avez bien fait comprendre que l’entrée des Chinois était stratégique étant donné l’évolution du marché, comme celle des Japonais. Quant aux Kazakhs, on sait que c’est l’accès aux gisements d’uranium qui est en jeu. Ma collègue vient de le souligner, il n’était certainement pas évident de faire asseoir tout ce beau monde autour de la table. Vous dites que l’on est en bonne voie, mais pourriez-vous détailler le calendrier de cette entrée de capitaux ? Des offres fermes pourraient-elles être formulées ?

Des concessions ont certainement dû être faites en matière de gouvernance : je n’imagine pas que les nouveaux intervenants ne demandent pas à bénéficier, au sein de l’entreprise, d’une représentation proportionnée à leur investissement. Les pouvoirs publics étaient farouchement opposés à leur entrée au conseil d’administration ; où en est-on ? Un compromis a-t-il été trouvé lors des négociations ?

On nous dit que l’État planche sur le rachat des parts des actionnaires minoritaires actuels, qui représentent 13 % du capital. Qu’en est-il ? L’État est évidemment un partenaire important, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité. Cette opération conduira-t-elle, comme on peut l’entendre, à un retrait de la Bourse, où Areva est entré il y a cinq ans seulement ?

En ce qui concerne le Creusot, vous avez bien fait de parler d’événements graves ; on évoque même la falsification de certains dossiers. Dans le cadre de la refondation du nucléaire français – qui a pour but d’éviter à court terme à Areva des désagréments plus importants, malgré le plan de performance – EDF, désigné chef de file unique de la filière, a signé le 15 novembre une offre engageante en vue de reprendre les actifs de la division réacteurs d’Areva, dont la forge du Creusot. Jean-Bernard Lévy, président d’EDF, a notamment évoqué des difficultés techniques et la qualité des fabrications des acteurs français, mentionnant en particulier Le Creusot. « Si ces problèmes s’avèrent insurmontables », a-t-il précisé, « l’acquisition ne se fera pas ». Où en est-on ? Y a-t-il lieu de s’inquiéter ? Existe-t-il un lien entre ces difficultés et la ségrégation de carbone dont vous nous avez également parlé et qui pose problème à l’ASN ?

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, au nom du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, je vous remercie des éléments d’explication que vous nous avez apportés.

Nous étions sortis très préoccupés de votre audition du 15 juin 2015, au moment du sauvetage de votre entreprise ; la suite des événements a montré que nos inquiétudes étaient fondées.

Vous nous avez confirmé que le contrat avec EDF, qui fixe les termes de la cession des actifs d’Areva NP, était signé, que la transaction valorise la branche réacteurs Areva NP à hauteur de 2,5 milliards d’euros et qu’elle devra être bouclée en 2017, après approbation par la Commission européenne. Les négociations avec la Commission sont-elles déjà engagées ?

L’ASN a signalé des anomalies sur le site d’Areva au Creusot. Cette découverte tardive suscite de nouveaux doutes quant à la sûreté de la filière nucléaire française ; elle a même entraîné l’arrêt de plusieurs réacteurs, ce qui inquiète nos concitoyens et dont la presse se faisait l’écho ce matin encore.

M. François Brottes, président du directoire de Réseau de transport d’électricité (RTE), nous a rassurés s’agissant des conséquences de ces arrêts sur la fourniture d’électricité cet hiver. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Je souhaiterais enfin revenir sur les discussions relatives à l’augmentation du capital de New Areva. Vous avez évoqué l’entrée au capital de la Chine, du Kazakhstan et du Japon, que plusieurs sources annonçaient hier. Cela nous inquiète eu égard à la stratégie globale d’Areva. Il s’agit tout de même d’une entreprise publique, dont l’actionnaire majoritaire était jusqu’à présent résolument opposé à l’entrée d’autres États au capital. Quelles conclusions tirer de ce retournement de situation quant à la santé économique du groupe ? Quelles seront les conséquences d’un tel accord sur la gouvernance ? Il y va de l’indépendance énergétique de la France. Ces pays entreront-ils au conseil d’administration d’Areva, et avec quelle part ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Areva a publié jeudi un chiffre d’affaires en baisse de 6 % au troisième trimestre, mais a relevé son objectif de génération de trésorerie pour l’ensemble de l’année 2016 : alors que l’objectif précédent était de - 1,5 milliard d’euros cette année, vous tablez désormais sur un flux négatif inférieur à 1 milliard d’euros. Cela
signifie-t-il que votre entreprise se porte mieux ?

Comment évaluez-vous à ce jour les résultats du plan de performance que vous avez lancé pour faire face à la crise, au regard des objectifs que vous vous étiez initialement fixés ?

Je m’associe enfin aux questions posées par Mme Marie-Noëlle Battistel, notamment sur le plan social.

M. Lionel Tardy. L’entrée de partenaires potentiels au tour de table d’Areva dans le cadre de la recapitalisation du spécialiste public du nucléaire n’est pas actée, a déclaré mardi une source gouvernementale, précisant que l’objectif était de conclure les négociations en cours d’ici deux à trois semaines – vous avez parlé de début 2017.

On entend pourtant dire que le Chinois CNNC, le Japonais MHI et le Kazakh Kazatomprom injecteraient chacun environ 400 millions d’euros et que leur entrée au capital serait actée.

À cela, on nous répond que ces informations ne sont pas complètement vraies, que des discussions sont encore en cours, qu’aucun montant n’est prévu et que les questions de gouvernance sont elles aussi encore en négociation.

Vous l’avez dit, le plan de sauvetage d’Areva passe par deux augmentations de capital d’un montant global de cinq milliards d’euros, prévues début 2017, dont une de trois milliards réservée à NewCo, le « nouvel Areva » recentré sur le combustible nucléaire.

Areva est une entreprise hautement stratégique. Quelle part de la nouvelle structure – ou des nouvelles structures – l’État contrôlera-t-il, directement ou indirectement ? On parle de 67 %. Qu’en est-il exactement ? Pouvez-vous nous donner un chiffre ?

Mme Brigitte Allain. Vous nous avez présenté le plan de restructuration de la filière nucléaire et d’Areva, dans un contexte marqué par les doutes – pour dire le moins – exprimés par l’ASN. Selon vos propres termes et ce que nous avons pu en savoir au moins par la presse, les fabrications du Creusot présentent d’importantes anomalies à cause de contrôles de qualité non fiables et de pratiques que vous avez qualifiées d’« inacceptables ». Pourriez-vous préciser ce dont il est question ?

Comment pouvons-nous être sûrs que les mêmes problèmes ne se posent pas ailleurs ? Vous parlez de pratiques inacceptables après le constat de l’ASN, mais que faisiez-vous avant ?

Comment ne pas avoir de doutes sur les compétences internes ? Après les réductions de postes prévues, comment les compétences nécessaires pourront-elles être mobilisées et comment les futures usines pourront-elles fonctionner ?

Vous n’avez pas évoqué la sûreté de nos centrales eu égard au risque terroriste, qui fait pourtant partie de ce que nous devrions prévoir aujourd’hui.

Enfin, peut-on considérer que l’État contrôle vraiment l’entreprise quand on découvre quasiment au jour le jour des coûts non maîtrisés ?

Mme Delphine Batho. Merci, Madame la présidente, d’avoir organisé cette importante audition.

Je trouve, Monsieur le président – mais cela s’adresse moins à vous qu’au Gouvernement –, qu’il y a beaucoup de « si » dans l’opération qui nous est présentée. Lorsque, ministre chargée du nucléaire, j’avais exposé aux plus hautes autorités de l’État l’impasse stratégique dans laquelle se trouvait Areva, on m’avait répondu : « Tu as raison, mais cela ne se verra qu’en 2019 ». Mais les problèmes ont explosé beaucoup plus tôt à la figure du Gouvernement.

L’opération de démantèlement d’Areva est une sorte de rafistolage, de sauve-qui-peut sans vision industrielle et stratégique, une fuite en avant qui coûte des milliards alors que des révisions déchirantes sont aujourd’hui nécessaires pour l’avenir de la filière nucléaire française. Elles sont nécessaires parce que cette énergie est de moins en moins compétitive économiquement, et que tout ce qui pouvait fonder le discours sur l’excellence industrielle de la France s’effondre comme un château de cartes dès lors que l’on constate non seulement des défaillances, mais des falsifications, qui font même l’objet d’une procédure judiciaire.

De même que j’étais opposée à la vente de la branche énergie d’Alstom aux Américains au travers de General Electric, je suis opposée à la perte de souveraineté nationale que représente l’entrée d’investisseurs chinois, japonais ou kazakhs dans la filière nucléaire française.

Confirmez-vous que la participation de ces investisseurs étrangers sera de 33 % ?

Confirmez-vous les contreparties qui leur sont offertes en matière de gouvernance, en particulier de présence au conseil d’administration ? Une autre question qui me paraît importante est celle de la propriété intellectuelle.

Confirmez-vous que l’État aura moins de deux tiers des sièges au conseil d’administration du nouvel ensemble ?

M. Jean-Luc Laurent. Après vous avoir entendu, Monsieur le président, j’ai envie de dire avec un petit sourire : ça va mieux. Il y a quelques bonnes raisons à cela. Je salue notamment le contrat signé par Areva NP pour la fourniture d’équipements à la centrale américaine de Palo Verde. Aucune information chiffrée n’a pour l’instant été communiquée. Pourriez-vous nous donner des précisions sur l’activité que ce contrat va engendrer pour votre entreprise ?

Ensuite, j’aimerais vous interroger sur l’entrée de CNNC, de MHI et de Kazatomprom au capital d’Areva, à hauteur, semble-t-il, de 1,1 milliard d’euros, soit 4 % du capital pour chacune de ces entreprises. Compte tenu des difficultés rencontrées par Areva, il était urgent de trouver des investisseurs, d’autant que le prêt relais consenti par un groupement de banques arrive à échéance à la fin du mois de janvier 2017. Néanmoins, au vu des concessions réalisées en matière de gouvernance, il semble que le rapport de forces ait clairement joué en faveur des Chinois, des Japonais et des Kazakhs, situation que je déplore.

Si l’entrée de sociétés étrangères au capital d’Areva n’est pas une nouveauté, la possibilité donnée aux entreprises que j’ai citées de proposer des « administrateurs indépendants » m’inquiète, surtout s’agissant de CNNC, entreprise détenue à 100 % par l’État chinois, qui n’est pas connu pour être un mécène, comme chacun sait. D’une part, cela va conduire à une profonde asymétrie d’informations : le Gouvernement chinois aura toute latitude pour connaître la stratégie d’Areva tandis que le Gouvernement français ne disposera d’aucune visibilité sur celle de la Chine. D’autre part, on peut craindre qu’en offrant aux Chinois un accès à des informations sensibles d’Areva, vous ne leur donniez les moyens de nous doubler. La Chine est en effet le principal concurrent de la France sur le marché du nucléaire et constitue un investisseur actif sur le continent africain. Elle a ainsi fait du pied au Gouvernement nigérien pour récupérer le projet de la mine d’uranium d’Imouraren alors qu’Areva en retarde l’ouverture en raison de la faiblesse du cours de ce minerai.

Mme la présidente Frédérique Massat. Chers collègues, notre commission a auditionné hier soir, avec la commission du développement durable, Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer et j’estime regrettable que certaines questions posées à M. Philippe Varin ne lui aient pas été adressées à cette occasion.

M. Philippe Varin. De nombreuses questions, fort pertinentes, ont été posées. Je ne suis pas en mesure de répondre à toutes en tant que président du conseil d’administration d’Areva. Elles relèvent de quatre thématiques : les anomalies du Creusot ; les performances du groupe Areva – compétences-clefs, excellence industrielle – ; les augmentations de capital, depuis la nature des partenaires jusqu’à la gouvernance en passant par la validation de Bruxelles ; enfin, la compétitivité du nucléaire.

Les anomalies du Creusot recouvrent deux sujets différents : d’une part, l’audit qualité visant à comprendre les pratiques non conformes et à les traiter ; d’autre part, la ségrégation carbone, de nature plus technique, qui a un lien avec l’évolution de la réglementation.

L’audit qualité a été lancé à la fin de l’année 2015 par Areva NP à la suite de la détection d’écarts méthodologiques dans la réalisation d’essais de traction. Il a permis de mettre en évidence l’existence d’anomalies documentaires et de pratiques non conformes, dont j’ai dit qu’elles étaient inacceptables, au sein de de dossiers dits « barrés ». Quatre-vingt-huit irrégularités ont été relevées sur des réacteurs en exploitation en France. Après analyses, Areva NP a confirmé l’aptitude mécanique au service des pièces concernées, hormis deux sujets encore à l’étude. Il s’agit, à Fessenheim 2, du forgeage d’une virole basse d’un générateur de vapeur, et, à Gravelines 5, d’un essai de traction et de résistance à la traction sur un générateur de vapeur destiné à des remplacements. En outre, dix-neuf irrégularités ont été identifiées sur des équipements qui n’ont pas encore été installés dans le parc et auxquels des correctifs pourront être apportés en amont.

Aux dossiers dits « barrés », se sont ajoutés les dossiers non-barrés concernant d’autres anomalies, point évoqué par Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN, dans une interview publiée hier. Cela nous a conduits à examiner 10 000 dossiers, dont 6 000 ayant trait au nucléaire, sur une période de quarante ans.

S’agissant du volet judiciaire, puisque l’ASN a saisi le procureur de la République, nous avons indiqué que nous coopérions totalement avec la justice dans le même esprit de transparence que celui qui prévaut pour l’audit en cours.

Quant au deuxième type d’anomalies, la ségrégation carbone, il n’est lié ni aux anomalies documentaires, ni à des pratiques qualité non conformes. C’est l’évolution de la réglementation et de la connaissance métallurgique qui nécessite de procéder à de nouveaux contrôles. Quand prévalait l’ancienne réglementation, les contrôles étaient réalisés à des endroits précis de la pièce auxquels la concentration de carbone était susceptible de créer des problèmes. La nouvelle réglementation en vigueur depuis la publication du décret relatif aux équipements sous pression nucléaires (ESPN) impose désormais que les contrôles soient effectués en tous points, y compris au centre des pièces. L’examen des pièces déjà fabriquées, que ce soit sur la cuve du réacteur de Flamanville 3 ou sur les fonds de générateur de vapeur, a mis en évidence que quarante-six fonds de générateur de vapeur pourraient être concernés, dont une vingtaine provenant de Creusot Forge. La teneur en carbone est plutôt de 0,3 % au centre de la pièce quand, en périphérie, elle s’établit à 0,2 %, ce qui paraît acceptable, comme l’a souligné M. Pierre-Franck Chevet. Pour les générateurs de vapeur fabriqués par un fournisseur japonais, les concentrations de carbone sont, quant à elles, légèrement supérieures.

Cela a conduit à la situation suivante : sept réacteurs sont provisoirement fermés pour procéder à des mesures ; cinq autres le seront dans les semaines à venir. Les difficultés évoquées sont donc avant tout liées aux questions de ségrégation carbone.

Voilà ce que nous pouvons vous dire s’agissant des anomalies : vous le voyez, nous mettons toutes les données actuelles sur la table.

J’en viens au plan de performance et aux craintes légitimes que vous avez exprimées à propos des compétences-clefs à une période de réduction des effectifs. Il s’agit d’un sujet important, qui a été examiné par le conseil d’administration d’Areva. De manière très pratique, nous avons établi une liste de douze ou treize métiers-clefs, nommé des référents pour chacun d’entre eux, lesquels ont ensuite effectué une évaluation des compétences puis mis en œuvre des recommandations pour, à la fois, combler les trous, lorsqu’il y en a, et faire en sorte que, dans le cadre du plan de départs volontaires, les anciens puissent transmettre leurs compétences à ceux qui arrivent. Je dirai peut-être un mot tout à l’heure du rôle de la plateforme France Nucléaire, que nous avons créée avec EDF et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Lors de sa prochaine réunion, nous allons examiner cette question pour l’ensemble de la filière nucléaire.

Le troisième sujet renvoie aux augmentations de capital, j’emploie le pluriel puisqu’il y en a deux, même si l’essentiel des questions a porté sur l’augmentation de capital de NewCo.

L’indépendance énergétique française est un sujet critique. Les dispositions prises dans le cadre de la restructuration de la filière visent à la conforter. Toutefois, l’indépendance n’exclut pas la présence de partenaires tiers.

Dans ce contexte, la part de l’État dans le capital de NewCo sera au minimum de 66 %. Au moment où je vous parle, les discussions sont en cours, je ne peux donc préjuger de l’issue des négociations et vous préciser un pourcentage exact ; je peux seulement vous dire que l’État souhaite conserver une liberté de manœuvre complète et donc le plein contrôle d’Areva. J’infirme donc le taux de 33 % pour la part des partenaires tiers. J’ai eu l’occasion de dire que j’étais plutôt optimiste quant à leur intégration au capital mais toutes les possibilités ont été envisagées et il n’est pas du tout évident que nous puissions mener à terme ces négociations. Nous n’avons pas cherché des partenariats tous azimuts et avons préféré nous concentrer sur les partenariats stratégiques, d’où les mentions spécifiques que j’ai faites à la Chine et au Japon, pays qui représentent tous deux de gros enjeux.

Tant que les discussions n’ont pas abouti, il est prématuré d’évoquer les dispositions concernant la gouvernance. Si nous nouons un partenariat avec des sociétés qui sont nos concurrentes dans certaines zones, la gouvernance ne pourra impliquer l’accès à des informations commercialement sensibles. Ceci serait contraire à la réglementation européenne. Des dispositions devront donc être prises à cet égard. De la même façon, il est hors de question que des informations sensibles mettant en jeu la souveraineté de notre pays soient diffusées à des partenaires tiers.

Des limites sont donc clairement posées. Elles font partie de la proposition sur laquelle les partenaires doivent se déterminer, ce qui ne simplifie pas forcément les négociations, bien entendu.

Ce que nous demandons aux parties avec lesquelles les discussions sont engagées, c’est qu’elles nous fournissent, dans un horizon assez rapproché, des offres fermes, de manière que nous puissions nous déterminer.

Je précise que nous prenons déjà en compte les aspects liés à la propriété intellectuelle évoquée par Mme Delphine Batho. Lorsque nous transférons des technologies, notamment en Chine, les questions ayant trait à la propriété intellectuelle sont traitées commercialement. Dans le futur, il ne pourra y avoir de confusion entre le rôle de l’investisseur financier et le rôle du partenaire industriel, qui est déterminé en respectant les règles habituelles en matière de propriété intellectuelle. Soit nous faisons en sorte que les transferts soient rémunérés, soit nous prenons des précautions pour qu’il n’y en ait pas.

S’agissant toujours de l’augmentation de capital de la holding, l’un d’entre vous a évoqué les actionnaires minoritaires actuels d’Areva. Cette question, il faut d’abord la poser à l’État. Il veillera, sans aucun doute, au respect des droits de ces actionnaires, en application de la réglementation boursière que vous connaissez.

Pour le transfert d’Areva NP à EDF, il existe trois clauses suspensives. M. Jean-Bernard Levy, président d’EDF, a précisé qu’en cas de problèmes insurmontables, la transaction n’aurait pas lieu. Tout le travail mené en amont a visé à donner des garanties à EDF et à ses actionnaires pour leur éviter des surprises désagréables. Pour la clause suspensive concernant Flamanville, nous sommes optimistes sur l’issue du processus. Les questions de qualité de la forge du Creusot sont plus récentes mais le travail effectué devrait nous permettre de progresser pour réaliser le closing dans la deuxième partie de l’année 2017.

Quant aux instances européennes, c’est l’État français qui est en discussion avec elles. C’est à lui qu’il faut poser la question. Comme dans tout dossier d’aide à la restructuration, Bruxelles prend en compte le montant des aides d’État et demande des mesures propres à l’entreprise, à la fois en matière de performances et de desinvestissements, en posant certaines restrictions. Il s’agit d’une démarche habituelle. Nous espérons avoir un retour de la Commission d’ici à la fin de l’année, comme je vous l’ai indiqué.

Je termine par la question plus générale de la compétitivité du nucléaire soulevée par Mme Delphine Batho. Je suis globalement optimiste pour les perspectives du nucléaire dans le monde : il y a un besoin de recourir au nucléaire pour se conformer aux objectifs de réduction d’émissions de dioxyde de carbone. Le centre de gravité du développement se situera en Asie. Si les Chinois, qui sont très préoccupés par le coût de l’énergie, se sont lancés dans un important programme nucléaire, c’est qu’ils considèrent que celui-ci présente un intérêt en matière de compétitivité et de sécurité d’approvisionnement.

Des EPR sont en cours de construction, que ce soit à Taishan en Chine, à Flamanville en France, à Olkiluoto en Finlande ou à Hinkley Point au Royaume-Uni. Notre situation pourra être améliorée dans le futur et les équipes d’EDF comme d’Areva travaillent au coût du nucléaire. Lorsque le carbone aura un prix, le nucléaire pourra se développer ; tant qu’il est à six euros la tonne, les engagements de la COP21 et de la COP22 ne pourront être respectés.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je vous remercie, Monsieur le président. Je pense que je ne trahirai pas la pensée de mes collègues si je dis que nous sommes restés un peu sur notre faim, compte tenu des négociations en cours qui vous empêchent de dire certaines choses. Pouvez-vous tout de même nous donner des précisions s’agissant du calendrier ?

M. Philippe Varin. Nous espérons boucler l’opération d’augmentation de capital au début de l’année prochaine et nous avons demandé des offres engageantes à nos partenaires éventuels.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous continuerons, bien sûr, à suivre ce dossier. Nous envisageons d’auditionner M. Christophe Sirugue, secrétaire d’État chargé de l’industrie. Nous vous demanderons peut-être aussi de revenir devant nous.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 23 novembre 2016 à 11 heures

Présents. – M. Damien Abad, Mme Brigitte Allain, M. Frédéric Barbier, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Marcel Bonnot, M. Christophe Borgel,
M. Jean-Claude Bouchet, M. Alain Calmette, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, Mme Karine Daniel, M. Yves Daniel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Laurent Furst, M. Franck Gilard, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, M. Thierry Lazaro, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Philippe Naillet, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. François Pupponi, M. Bernard Reynès, M. Franck Reynier, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Fabrice Verdier

Excusés. – M. Bruno Nestor Azerot, M. Denis Baupin, M. André Chassaigne, Mme Laure de La Raudière, M. Serge Letchimy, Mme Jacqueline Maquet, M. Yannick Moreau, M. Thierry Robert, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tétart, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. – Mme Sophie Rohfritsch, M. François Vannson