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Commission des affaires économiques

Mercredi 1er février 2017

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 44

Présidence de Mme Frédérique Massat, Présidente

– Table ronde sur la couverture mobile et numérique des zones non denses, avec la participation de M. Yves Legrand, directeur des opérations techniques de Bouygues Telecom, de M. Maxime Lombardini, directeur général d’Iliad-Free, de M. Pierre Louette, directeur général délégué d’Orange, de M. Régis Turrini, secrétaire général de SFR, et de M. Jean-Paul Rivière, président du groupe Altitude

La commission des affaires économiques a organisé une table ronde sur la couverture mobile et numérique des zones non denses, avec la participation de M. Yves Legrand, directeur des opérations techniques de Bouygues Telecom, de M. Maxime Lombardini, directeur général d’Iliad-Free, de M. Pierre Louette, directeur général délégué d’Orange, de M. Régis Turrini, secrétaire général de SFR, et de M. Jean-Paul Rivière, président du groupe Altitude.

Mme la présidente Frédérique Massat. Mes chers collègues, nos travaux du jour s’inscrivent dans la continuité de ceux que nous avons réalisés au cours de cette législature et, de manière très directe, de notre audition d’hier au cours de laquelle nous avons reçu M. Sébastien Soriano, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Nous accueillons aujourd’hui les opérateurs de télécommunications, que je remercie d’avoir accepté le principe d’une table ronde : M. Yves Legrand, directeur des opérations techniques de Bouygues Telecom ; M. Maxime Lombardini, directeur général d’Iliad-Free ; M. Pierre Louette, directeur général délégué d’Orange ; M. Régis Turrini, secrétaire général de SFR ; M. Jean-Paul Rivière, président du groupe Altitude.

La commission des affaires économiques étant compétente pour tout ce qui concerne les problématiques de téléphonie et de numérique sur nos territoires, je m’étais engagée à organiser cette rencontre où il sera plus particulièrement question des zones non denses, à savoir les territoires de montagne et les territoires ruraux mais aussi les territoires littoraux où les déploiements d’infrastructures peuvent se révéler encore plus difficiles.

Nous avons déjà eu l’occasion d’entendre certains d’entre vous à plusieurs reprises, les opérateurs ayant été conviés à des auditions individuelles ou à des tables rondes. Notre commission s’est penchée récemment sur trois textes dont au moins quelques articles portaient sur la téléphonie et le numérique : la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ; la loi pour une République numérique ; la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (dite « Montagne II »). Lors des débats très denses auxquels ce dernier texte a donné lieu, certains députés ont manifesté une volonté d’aller plus loin en termes de législation, en particulier en proposant la mutualisation des équipements.

L’État a lancé le plan France Très haut débit et un travail important a été mené avec vos sociétés. Nous souhaitons faire le point sur les engagements pris et leur traduction dans les territoires. Le président de l’ARCEP constatait hier que, malgré d’incontestables progrès, il y a encore des zones qui ne sont pas du tout couvertes, des populations en souffrance qui se sentent déclassées du fait d’un accès très inconfortable, voire inexistant, à la téléphonie mobile ou au numérique. Or, plus que jamais, cet accès est indispensable pour la vie quotidienne et l’activité économique.

Lors de l’audition du président de l’ARCEP, nous avons aussi évoqué la dégradation du réseau de téléphonie fixe malgré les efforts accomplis. Certaines populations subissent une double peine : elles n’ont pas accès à la téléphonie mobile pour diverses raisons et leur téléphone fixe ne fonctionne pas.

Vous allez maintenant prendre la parole à tour de rôle pour un exposé liminaire avant que nous passions aux questions. Je précise que vous devez répondre aux préoccupations des parlementaires – très nombreux ce matin et très actifs dans ce domaine – et non pas vous répondre les uns aux autres.

M. Pierre Louette, directeur général délégué d’Orange. Votre présence en nombre témoigne du très grand intérêt que vous portez, comme nos concitoyens, à ces questions d’accès à la communication et à internet. Pas moins de trois textes de loi ont traité récemment des sujets qui nous rassemblent aujourd’hui : la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ; la loi pour une République numérique ; la loi Montagne II. Les élus manifestent une forte exigence à l’endroit des opérateurs pour la rapidité et la profondeur des déploiements. Je comprends parfaitement cette exigence qui fait écho à celle de nos concitoyens. Au cours des cinq dernières années, l’impatience numérique n’a cessé de croître et les gens pensent désormais que l’accès à la communication est une nécessité absolue, voire un droit.

Chez Orange, nous sommes sensibles à cette évolution. Nous sommes aussi fascinés et guidés par l’explosion des usages. Nous parlerons naturellement beaucoup aujourd’hui de ceux qui éprouvent des difficultés d’accès, mais j’insiste sur le fait que nos concitoyens qui ont accès aux communications fixes ou mobiles consomment un volume de données de plus en plus important et passent de plus en plus de temps sur nos réseaux.

Un opérateur de télécommunications tend naturellement à couvrir le pays de réseaux aussi vite que possible puisqu’il en vit. Mon groupe vit des réseaux qu’il déploie, qu’il exploite et des services qu’il propose. Si nous le pouvions, nous serions immédiatement présents partout et auprès de tous puisque c’est dans notre intérêt commercial. En la matière, l’intérêt commercial rejoint l’intérêt général et il n’y a rien de plus fort. Chez Orange, nous voulons que nos clients vivent une expérience numérique incomparable – ce qui n’est pas le cas de tous. Cette volonté est en phase avec les préoccupations d’aménagement du territoire d’où émergent quatre priorités : accroître le nombre de maisons de service public et le nombre de maisons de santé ; améliorer la couverture du territoire en téléphonie fixe et mobile. Deux de ces enjeux majeurs en matière d’aménagement sont en partie confiés aux opérateurs privés que nous sommes.

Le groupe Orange s’est lancé de façon résolue dans un très grand chantier de déploiement d’infrastructures, y compris dans les zones rurales. La situation actuelle n’est pas encore à la hauteur des attentes mais il faut regarder la dynamique. En très haut débit fixe, nous avons déjà atteint notre objectif de raccorder 50 % de foyers aux services en technologie FTTH (fiber to the home – fibre jusqu’au domicile) et câble en 2017. Certes, ceux qui sont en attente – 50 % de foyers – regardent avec envie ceux qui sont déjà raccordés. En effet, avec le numérique et internet, on a une conscience très aiguë de ce qu’ont les autres – parfois dans la ville ou le village voisin – et que l’on n’a pas. La frustration est d’autant plus vive. Avant, on pouvait vivre dans une certaine ignorance de ce qui existait mais ce n’est plus le cas.

En 2016, Orange a raccordé 1 683 245 foyers à la fibre, dont 1 028 213 dans les zones moins denses qui profitent clairement de la dynamique de déploiement. On a largement dépassé le cadre des zones très denses des cœurs de ville et des zones rurbaines. Quelque 60 % de nos déploiements de la fibre, financés sur fonds propres, se font dans les zones moins denses à un moment où nous avons également commencé le déploiement dans le cadre des réseaux d’initiative publique (RIP) pour lesquels nous avons été choisis, en Auvergne et en Bretagne.

En 2016, 1 847 407 nouveaux foyers ont eu accès à notre offre de fournisseur d’accès à internet (FAI). Orange est présent pour la fibre au-delà de ses propres déploiements, notamment dans les RIP pour lesquels il n’est pas opérateur. C’est ainsi que nous avons, par exemple, ouvert nos services dans le réseau de l’Ain.

Quant au réseau mobile, il progresse partout. Quand on rappelle que 88 % de la population est couverte en 4G d’Orange, on rencontre un succès très limité, même pas d’estime. Quand on rappelle que l’on a cinq ans d’avance sur nos obligations de licence, on voit que cela n’intéresse plus grand monde car ces obligations ont été définies à un moment où la sociologie et les envies du pays étaient différentes. En internet mobile à haut débit, nous avons couvert seize autoroutes, les principaux axes ferroviaires – avec M. Guillaume Pepy, le président de la SNCF, j’ai récemment ouvert une couverture 4G pour les trains qui circulent entre Paris et Lyon – et quatre-vingt-quatre stations de ski. Nous allons de plus en plus loin, même si je reconnais que ce n’est jamais assez rapide.

Nous avons pris des engagements complémentaires au profit de la ruralité dans le cadre d’un programme baptisé « Orange territoires connectés ». Nous sommes aussi engagés aux côtés des autres opérateurs dans le cadre de programmes collectifs de résorption des zones blanches. J’entends souvent dire que ces programmes ne traitent qu’une partie du problème. C’est vrai : des hameaux entiers restent à l’écart, de même que des zones d’activité ou d’intérêt touristique. C’est pourquoi nous avons proposé une voie de contournement : le programme dit « du guichet ». Le nombre de sites que nous pouvons traiter est passé de 800 à 1 300. Au fond, j’ai essayé d’énumérer quatre ou cinq façons d’accélérer la couverture mobile du territoire et d’offrir un service à nos concitoyens soit sous l’impulsion de l’État, soit à l’initiative des opérateurs, qui peuvent parfois agir de manière mutualisée.

Chez Orange, nous cherchons à mesurer le ressenti du client, ce qui n’est pas dans notre tradition d’opérateur de télécommunications doté d’une forte culture d’ingénieur. Nous avions la définition de la couverture établie par l’ARCEP et des cartes ; nous voulons maintenant dessiner une carte du ressenti. Nous allons interroger des milliers de personnes sur la qualité du service qu’elles reçoivent pendant leurs déplacements, sur leur lieu de travail, à leur domicile. Nous leur demandons si le raccordement est bon en permanence, ou si elles doivent se mettre dans des conditions bizarres pour accéder au réseau mobile.

Je manquerais à tous mes devoirs si je ne terminais pas en plaidant pour une stabilité du cadre juridique. Nous savons que nous avons besoin d’accélérer et nous accélérons ; nous atteignons des taux d’investissement extrêmement élevés. Nous ressentons aussi le besoin d’avoir un cadre un peu stable et de ne pas être soumis, comme cela arrive parfois, à des injonctions très contradictoires.

Votre commission et d’autres, Madame la présidente, ont contribué à établir assez clairement l’ordre des priorités. À ce stade, ne mettez pas à notre charge une quantité d’objectifs complémentaires tels que financer la télévision publique – ce qui n’est peut-être pas une obligation aussi impérieuse que d’assurer la couverture téléphonique du territoire national – ou le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Soumis à des prélèvements spécifiques qui se sont multipliés au fil des ans, un opérateur de télécommunications paie un montant de taxes supérieur de 25 % à celui acquitté par n’importe quelle autre type d’entreprises. Je n’imagine pas que cet argent nous sera restitué un jour mais j’aimerais qu’il alimente des fonds destinés au déploiement en zones moins denses ou en zones rurales. Réorienter et faire des choix, c’est aussi votre ambition.

M. Maxime Lombardini, directeur général d’Iliad-Free. En bonne coordination entre les opérateurs et les pouvoirs publics, compris au sens large, nombre de choses positives ont été accomplies au cours des dernières années, même si certains points auraient pu être traités mieux et différemment. L’investissement dans les télécommunications est au plus haut en France, et cela se confirme année après année : c’est une succession d’années exceptionnelles. Le niveau très élevé de ces investissements est dû à l’émergence de technologies nouvelles – la 4G, la 5G, la fibre – et à la concurrence à laquelle se livrent les quatre opérateurs. Le déploiement rapide de la 4G et assez rapide de la fibre et du très haut débit tient au fait que les opérateurs cherchent à apporter le meilleur à leurs abonnés. Quand un concurrent avance, on n’a pas d’autre choix que de le suivre et même d’essayer d’aller plus vite que lui.

En ce qui concerne le mobile, les opérateurs respectent les obligations de leur licence voire sont en avance dans leurs obligations de couverture. Il me semble que le régulateur vous le disait hier. Pour avoir travaillé sur plusieurs marchés étrangers comme l’Italie ou la Grande-Bretagne, je crois que nos obligations de couverture sont très importantes.

Vous avez pris de nouvelles mesures, dont au moins trois sont positives : en premier lieu l’exonération de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) en zone de montagne. La réforme de la taxe professionnelle était supposée nous faire économiser de l’argent. Dans la pratique, les opérateurs de télécommunications se retrouvent collectivement à payer des sommes colossales au titre de l’IFER puisque les technologies comme la 4G et la 5G supposent une multiplication du nombre d’antennes : à chaque fois qu’on installe une antenne nouvelle, on paie une taxe.

Vous avez également imposé la création d’une base d’adresses normalisée pour l’ensemble du territoire. Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est quelque chose qui nous manque cruellement, notamment dans le déploiement de la fibre : nous avons beaucoup d’adresses incohérentes et qui nous posent des difficultés de raccordement, même quand il y a un réseau et que le client souhaite s’abonner.

Dans le cadre de la dernière loi Montagne, vous avez aussi intégré l’obligation de promouvoir un équivalent du groupement d’intérêt économique FTTH, c’est-à-dire un point d’entrée unique dans les RIP. De notre point de vue, c’est un élément essentiel pour rendre ces RIP attractifs et utilisables par les opérateurs.

S’agissant de Free, nous sommes au maximum de ce qu’il est possible de faire en matière d’investissement. Nous investissons dans les réseaux la totalité du cash que nous dégageons ; l’entreprise ne distribue pratiquement pas de dividendes. L’investissement représente ainsi de l’ordre de 30 % de notre chiffre d’affaires depuis plusieurs années, un niveau que vous trouverez difficilement dans une autre entreprise en France. Alors que la licence ne nous a été accordée qu’en 2010, nous avons déployé pratiquement 8 000 sites de téléphonie mobile. Nous participons aussi à l’effort collectif de résorption des zones blanches, et nous serons présents dans l’ensemble des sites de ce programme d’ici à la fin juin, en étant l’opérateur leader pour un peu moins de 300 d’entre eux.

Nous avons obtenu des fréquences sur la bande des 700 mégahertz (MHz), qui sont libérées progressivement, ce qui explique que nous soyons un peu moins présents que les trois autres opérateurs. Ceux-ci avaient obtenu des fréquences sur la bande des 800 MHz, qui sont très utiles pour porter la 4G dans les campagnes. Soyez certains que nous poursuivons notre effort en utilisant les fréquences octroyées. Avec la Freebox révolution, notre offre haut de gamme, nous proposons systématiquement à nos abonnés une femtocell qui permet d’avoir une couverture en intérieur (indoor) de très grande qualité, même quand le réseau mobile de l’un ou l’autre des opérateurs est absent ou faible.

S’agissant du téléphone fixe, nous avons poussé très loin le dégroupage puisque, malgré les évolutions technologiques, le cuivre est encore ce qui apporte internet à la plupart de nos concitoyens. Très tôt, nous avons mis en place le VDSL (Very high bit rate digital subscriber line). Nous participons de manière systématique aux opérations de montée en débit.

En ce qui concerne la fibre, il y a pratiquement dix ans que nous avons lancé le projet. Nous avons à peu près 4 millions de logements raccordables et nos objectifs sont ambitieux : nous voulons porter ce chiffre à 9 millions à la fin de 2018, puis à 20 millions à la fin de 2022. Nous participons de manière systématique aux co-investissements sur les zones dites « AMII » (zones d’appel à manifestations d’intentions d’investissement) avec Orange. D’autre part, nous serons naturellement clients des RIP, sachant que nous portons une grande attention aux interconnexions techniques, pour éviter d’avoir une multiplication d’architectures hétérogènes qui rendent la commercialisation complexe.

Malgré tous ces points positifs, je pense que vous me direz que la France vous paraît en retard et qu’il y a encore des attentes. D’ores et déjà, je veux vous apporter quelques éléments de réponse.

À lire le rapport de la Cour des comptes, publié hier, on a le sentiment d’être très en retard, notamment parce qu’on a fait le choix très luxueux de la technologie FTTH. Ce choix, auquel nous adhérons, entraîne un déploiement beaucoup plus lourd et compliqué ; il suppose d’entrer à nouveau chez l’abonné pour lui poser une nouvelle prise, ce qui prend du temps. Tous les grands pays voisins ont choisi de moderniser le cuivre ou le câble, ce qui demande beaucoup moins d’investissements et de temps et qui n’implique en général pas d’intervention chez l’abonné. Si les critères de comparaison étaient une connexion à 500 mégabits, la France serait pratiquement en tête, mais la mesure s’effectue sur la base de 30 ou de 100 mégabits, selon les statistiques. Dans ces conditions, le câble et le cuivre modernisé – option choisie en Angleterre, en Allemagne ou en Espagne – peuvent apporter beaucoup. À terme, la France aura un réseau plus moderne que la plupart de nos voisins, mais son déploiement prendra plus de temps.

Que faudrait-il faire pour aller plus vite, plus loin et faire en sorte que nos concitoyens aient plus de débit plus rapidement ? Nous pensons que la montée en débit est la seule solution pour apporter rapidement plus de débit à nos concitoyens dans des conditions raisonnables. C’est un élément également mis en avant dans le rapport de la Cour des comptes. Dans nombre de plans concernant les RIP, la réalisation de la couverture complète va jusqu’en 2030 ou à des échéances très lointaines. La montée en débit permet d’apporter une réponse plus rapide et de manière assez simple.

Sans vouloir engager un débat avec mes camarades, je dirai que nous avons le sentiment que la régulation doit évoluer un peu. Nous sommes notamment attachés à la non-discrimination : celui qui co-investit dans un réseau doit pouvoir accéder aux mêmes informations que celui qui le construit, lors de la phase de raccordement. Je répète que nous sommes très favorables à un groupement d’intérêt économique FTTH sur les RIP, au moins à une mécanique qui permette d’avoir une architecture technique et de système d’information très homogénéisée, afin que chacun puisse s’y raccorder simplement.

Passé un certain niveau de couverture des zones blanches, la mutualisation nous semble le seul moyen d’être efficace dans le domaine du mobile. Ce point, mis en avant dans la révision du cadre européen, suscite le débat avec mes concurrents. Si nous voulons couvrir efficacement les derniers pourcentages de la population qui n’ont pas accès au mobile, nous pensons que la mutualisation est la seule solution efficace.

Enfin, j’adhère totalement au commentaire de M. Pierre Louette : si vous voulez qu’on investisse, il ne faut pas nous surcharger. On voit toujours arriver les textes de loi au Parlement avec une certaine panique car on assiste toujours à des tentatives d’augmenter de quelques points les taxes existantes, de créer une nouvelle contribution ou de nous demander de prendre en charge de missions qui ne sont pas a priori les nôtres.

M. Yves Legrand, directeur des opérations techniques de Bouygues Telecom. Nous comprenons tout à fait que les territoires doivent accéder au numérique dont les usages sont permanents dans la vie personnelle ou professionnelle de chacun. Le monde a changé et l’équipement numérique du territoire est devenu une priorité. Chez Bouygues, nous en avons d’ailleurs fait un slogan – « nous aimons la technologie » – présent dans toutes les publicités parce que nous pensons que tous les citoyens français en ont absolument besoin.

De ce fait, nous comprenons bien vos commentaires quant à l’impatience – qui ne doit pas se muer en colère – des citoyens. D’où les nombreuses actions qui sont menées. Depuis quelques années, nous avons vraiment changé de braquet et beaucoup agi pour améliorer l’accès au numérique, même si on peut considérer que celui-ci est insuffisant tant qu’il reste une personne insatisfaite.

Les pouvoirs publics ont ainsi lancé des programmes de résorption des zones blanches. Le premier, visant les centres-bourgs, doit se terminer en juin 2017. Bouygues Telecom devait avoir réalisé 80 % de ce programme le 31 décembre 2016 ; nous en étions à 82 % à cette date. Les choses avancent bien et nous respecterons les délais. Nous sommes extrêmement favorables à France mobile qui prévoit la couverture de 1 300 sites complémentaires. Il est important que la convention qui permettra de le mettre en œuvre soit signée rapidement. Pour notre part, nous sommes prêts à le faire demain matin si toutes les parties prenantes sont d’accord. Les premières remontées de ce programme confirment son efficacité. Pour Bouygues Telecom, c’est un objectif prioritaire.

Au-delà de cette action initiée par les pouvoirs publics, nous investissons aussi de manière extrêmement importante dans l’amélioration de la couverture téléphonique. Dans le cadre de notre accord de mutualisation avec SFR, nous allons ajouter 50 % de sites radio dans les zones les moins denses. Ce programme avance bien et apporte progressivement une couverture bien meilleure. Il y a quelques jours, nous avons annoncé une couverture de 85 % de la population française en 4G. C’est bien mais très insuffisant. Nous continuons donc avec l’ambition d’atteindre le taux de 99 % à la fin de 2018. Nous sommes très en avance vis-à-vis de nos obligations de licence, comme cela a été souligné, mais il est clair qu’elles sont désormais dépassées compte tenu de l’attente de nos concitoyens.

On le sait moins mais Bouygues Telecom réalise actuellement la moitié de ses investissements dans le téléphone fixe, en utilisant la technologie du VDSL ou celle du FTTH. Nous avons démarré un peu plus tard que les autres. Par souci d’efficacité, nous sommes très attachés au co-investissement. En ce qui concerne les RIP, nous avons signé un premier accord en décembre dernier et plusieurs autres sont en cours de négociation. Nous voulons avoir 20 millions de foyers couverts en FTTH en 2022.

Nous sommes très conscients du fait que tous les citoyens français ne vont pas bénéficier de la technologie du FTTH demain matin. Nous avons donc lancé une nouvelle offre, 4G box, qui représente une solution transitoire permettant au client d’avoir du haut débit à son domicile, même si la fibre n’est pas encore arrivée. Cette offre ne ralentira pas, loin s’en faut, le développement de la fibre. Elle représente un premier moyen efficace d’accéder à internet dans des zones où la fibre arrivera plus tard. Ce programme a été lancé à la suite d’expérimentations qui avaient été poussées par l’Association nationale des élus de montagne (ANEM), il y a deux ou trois ans. Il est efficace et sa commercialisation a commencé.

M. Régis Turrini, secrétaire général de SFR. Je ne vais pas revenir sur les principes généraux énoncés par mes camarades et auxquels nous souscrivons. Cette table ronde me donne l’occasion de vous apporter des réponses sur SFR puisque, lors des débats sur les derniers textes de loi, certains parlementaires et membres du Gouvernement avaient douté de la capacité de notre groupe à réaliser ses ambitions.

SFR a connu une phase difficile après le rachat de Numericable, qui souffrait d’un manque d’investissements dans ses réseaux dû à la politique de l’actionnaire précédent, Vivendi. Les difficultés de SFR étaient liées à ce défaut d’investissements et à la réorganisation du nouvel ensemble. Tout cela est derrière nous, comme je vais essayer de vous le démontrer, au risque de vous abreuver de chiffres.

L’année 2016 a été celle des records d’investissements pour SFR : plus de 20 milliards d’euros, c’est-à-dire plus de 20 % du chiffre d’affaires, ce qui tend à être la norme de notre industrie en France. Près de 2 millions de prises pour très haut débit ont été installées afin de combler le retard, et les objectifs ont été dépassés en matière de déploiement de la 4G.

Actuellement, SFR est le leader du très haut débit fixe avec ses deux technologies, FTTH et FTTB (fibre to the building – fibre jusqu’au pied d’immeuble). Nous ouvrons en moyenne 2 millions de prises par an, soit plus de 6 000 par jour. C’est énorme, une véritable usine à produire de la prise fixe. Nous voulons arriver à 22 millions de prises en 2022. Fin 2016, nous en étions déjà à 9,3 millions de prises éligibles, y compris dans les zones rurales.

Nous ne sommes pas seulement en conquête dans les zones très denses, comme nos concurrents, nous sommes aussi le premier opérateur de RIP. Nous voulons présenter notre candidature à tous les appels d’offres qui sont en cours ou à venir –  ils sont très nombreux en 2017. Nous avons notamment gagné l’appel d’offres pour l’Isère qui porte sur 33 000 prises fermes dont les premières seront posées en 2017.

Nous sommes actuellement présents en très haut débit fixe dans plus de 1 300 communes en zones très denses, en zones d’appel à manifestations d’intentions d’investissement (AMII) et dans les RIP. Nous voulons faire plus, comme vous le savez à la suite des déclarations du président de l’ARCEP, M. Sébastien Soriano. Ayant seulement 2,3 millions de prises en zones moyennement denses, nous demandons un rééquilibrage du partage avec l’opérateur historique car nous pensons que nous irons plus vite à deux pour couvrir l’ensemble de la zone d’initiative privée. Ce n’est pas le lieu d’en débattre mais je voulais mentionner ce sujet qui a fait l’objet de nombreux échanges dans la presse.

En ce qui concerne le mobile, nous avions incontestablement accumulé du retard dans le déploiement de la 4G, mais c’est du passé. Actuellement, nous couvrons la plupart des stations de ski en zone de montagne, par exemple. Nous avons dépassé nos obligations de déploiement : l’installation de plus 5 000 antennes en 2016 nous a permis de faire progresser notre couverture en 4G de 64 % à 81 % de la population. Le rythme d’investissement va se maintenir et ce taux de couverture devrait passer à 90 % à la fin de 2017, puis à 99 % à la fin de 2018, comme prévu et annoncé.

Comme nous connaissons les attentes de la population et l’impatience en matière numérique, nous publions chaque mois un communiqué qui vous est systématiquement transmis. Il recense les nouveaux sites ouverts en 4G et en très haut débit fixe. SFR a dépassé les obligations prévues par sa licence pour la couverture des zones de déploiement prioritaire en milieu rural : nous avons atteint 50 % à la fin de 2016 au lieu des 40 % prévus. Nous aurons couvert la zone de déploiement prioritaire à la fin de 2018, avec sept ans d’avance par rapport aux obligations contenues dans les licences. Cela représente 4 000 sites à couvrir et 18 % de la population française.

Venons-en aux zones blanches et grises, un sujet qui nous a beaucoup occupés au cours des derniers mois. Avec les autres opérateurs, nous avons joué un rôle moteur dans la recherche d’un point d’accord avec l’État et les collectivités locales, dans le cadre de la loi pour une République numérique. Les déploiements sont en cours. Nous avons officiellement inauguré plusieurs sites avec la Fédération française des télécoms (FFT). D’autres ouvertures sont programmées au cours des six mois à venir et nous parviendrons à rattraper le retard global en matière de couverture des zones blanches. Des réponses très concrètes sont donc apportées malgré les contraintes réglementaires et fiscales dont mes camarades se sont fait l’écho et qui demeurent très fortes.

Dans le cadre commun, que nous avons défini ensemble avec l’État et la FFT, nous avons couvert 1 064 communes rurales en 2016 en 3G et en 4G, dont 430 communes de montagne. Le programme sera finalisé à la mi-juin 2017, comme prévu, en intégrant 958 nouvelles communes, dont 489 en zone de montagne.

Quant au programme France mobile, il permettra d’identifier des sites au-delà des zones blanches et du périmètre des centres-bourgs, de manière très large. Les communes pourront déposer une demande pour la couverture de 1 300 sites prioritaires dits « du guichet ». La convention est en cours de rédaction ; la plateforme est déjà disponible pour les collectivités locales ; nos équipes d’ingénierie et de déploiement sont à pied d’œuvre. Pour sa part, la FFT a mis en ligne sur son site un compteur accessible à tous, qui montrera l’évolution des travaux.

Pour aller dans le sens de M. Yves Legrand, je dirais que la mutualisation de nos réseaux avec Bouygues a permis d’accélérer la couverture des zones rurales et de montagne, en offrant de la concurrence à des territoires qui en étaient privés.

Mesdames et Messieurs les députés, ces chiffres démentent les doutes émis à l’automne dernier sur SFR et sa stratégie. Si j’osais, je dirais que SFR est en marche... En tout cas, notre ambition est forte. Nos réalisations de 2016 plaident pour nous. En 2017, nos résultats devraient une nouvelle fois dissiper les craintes. Nous allons déployer les réseaux qui véhiculeront nos ambitions en matière de contenu numérique, qui sont au cœur de notre stratégie.

M. Jean-Paul Rivière, président du groupe Altitude. Pour ma part, je représente un opérateur d’infrastructures dont le métier est de construire des partenariats public-privé (PPP) avec les collectivités territoriales. C’est un grand honneur de me retrouver à cette table à côté de mes quatre grands frères, auxquels Altitude fournit de la fibre. Je constate avec satisfaction qu’ils disent tous participer aux RIP, alors que ce n’était pas acquis il y a deux ans. Cela fait partie des progrès.

Altitude Infrastructure a passé des contrats avec les collectivités pour la fourniture de 1,2 million de prises. En 2016, l’Agence du numérique nous classait deuxième derrière Orange pour les partenariats dans les zones blanches où nous comptons installer 3 millions de prises et garder ainsi 30 % de parts de marché. Une collectivité qui passe un contrat avec nous conserve son indépendance et reste davantage propriétaire de son réseau puisque nous ne cherchons pas à développer une clientèle finale.

Dans cet exposé liminaire, je vous propose d’aborder successivement les questions de financement, de technologie et de marché.

En ce qui concerne le financement, le rapport de la Cour des comptes publié hier, qui mélange beaucoup de choses, ne me paraît pas exact. Prenons deux exemples, celui du Nord Pas-de-Calais et de l’Alsace. Le schéma directeur d’aménagement numérique (SDAN) du Nord Pas-de-Calais prévoyait un montant de financement de 195 millions d’euros et le groupe Bouygues, qui a obtenu le contrat, a demandé une participation de la collectivité de 70 millions d’euros, soit d’environ 40 % du montant initial. Pour notre part nous avons signé avec l’Alsace et nous avons demandé une participation de 140 millions d’euros, c’est-à-dire 45 % du montant de 310 millions d’euros prévu dans le SDAN.

Quand la Cour des comptes évoque un doublement, elle fait allusion aux demandes faites à l’État et à l’Union européenne dans le cadre de l’Agence du numérique. En réalité, les marchés sont actuellement réalisés avec moitié moins de subventions. Le rapport est alarmiste car la Cour des comptes n’a pas intégré les données de 2015 et 2016. L’Agence du numérique et l’ARCEP sont assez grandes pour se défendre mais, si vous le souhaitez, je pourrai vous donner plus de précisions sur ce sujet.

Ce rapport est un peu gênant car l’intervention de l’ARCEP est absolument fondamentale dans l’élaboration des RIP, qui suppose une régulation et des arbitrages – pour l’utilisation des fourreaux d’Orange, par exemple. Sans l’ARCEP, il n’y aurait pas de régulation et d’aménagement numérique du territoire.

En réalité, le financement se passe beaucoup mieux que prévu puisque les parts du privé sont plus importantes que ce qui avait été anticipé. Depuis deux ans, les opérateurs indépendants constatent en effet avec surprise que les fonds de pension leur courent après et que les banques leur prêtent facilement de l’argent. Tout cela est lié à la politique adoptée par le président de la Banque centrale européenne (BCE), M. Mario Draghi, à la faiblesse des taux d’intérêt et à la conversion naturelle des abonnés à la fibre. Cette conjonction d’éléments suscite l’engouement des financeurs privés. Contrairement aux auteurs du rapport de la Cour des comptes, je pense que le développement de la fibre en France nécessitera beaucoup moins d’argent public que prévu.

Dans l’approche technologique, il faut tenir compte des époques et distinguer la situation actuelle de celle qui prévaudra dans dix ans. Certains RIP ont été conçus de manière à amener du débit là où il n’y en avait pas. À Toulouse, nous avons utilisé la technologie LTE (long term evolution), proche de la 5G, qui permet d’amener plus de 20 megabits en fixe dans les maisons. C’est une très bonne solution dans l’immédiat mais cela n’a rien à voir avec la fibre qui arrive. De même, le satellite est une réponse à court terme mais je ne pense pas qu’il sera la solution de secours dans dix ans.

Je voudrais insister sur la montée en débit du VDSL, qui peut handicaper l’équilibre des RIP. D’une part, cette technologie augmente le débit là où il en a déjà, sans résoudre le problème des extrémités. D’autre part, elle va avoir comme conséquence de retarder le passage à la fibre, ce qui peut bouleverser l’économie des RIP.

Pour en venir aux chiffres, j’indique que l’Alsace représente un marché de 280 000 prises. Nous avons pris l’engagement de les installer d’ici à 2021. Quelque 2 000 prises ne sont pas financées et feront l’objet d’une négociation ultérieure. Seulement 500 de ces 280 000 prises seront faites pour le satellite. Actuellement, les plans fibre vont beaucoup plus loin que prévu et nous sommes loin du rapport 20-80.

Je ne pense pas que le satellite soit la solution. M. Maxime Lombardini a parlé de la Freebox révolution ; Bouygues a sorti une box fixe. Dans les zones dont nous parlons, il paraît évident que nous devons en arriver à un stade où le même pylône doit servir à la téléphonie mobile et fixe pour tout le monde. L’utilisation d’un même pylône pour le mobile de tous les opérateurs et pour le fixe de tous les gens qui n’ont pas d’ADSL et de fibre permet de faire des économies. En offre de gros, un même opérateur a ainsi tous les clients qui se partagent ensuite entre les opérateurs finaux. Comme Mme Frédérique Massat le sait déjà, nous avons utilisé le LTE autour de Toulouse, ce qui permet d’avoir du haut débit dans l’immédiat, sachant que cette technologie sera supplantée dans dix ans par la fibre.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous en venons aux interventions des députés, en commençant par les orateurs des groupes.

M. Fabrice Verdier. L’accès à une connexion internet rapide et à la téléphonie mobile représente le même enjeu que l’accès à l’eau et à l’électricité il y a cinquante ou soixante ans. À ce stade, on peut considérer que certains habitants de nos communes n’ont pas l’équivalent de l’eau et l’électricité en matière de haut débit et de couverture mobile. Cela représente une vraie fracture territoriale. Soyons lucides, la France a accumulé un retard certain et handicapant, ce qui a conduit le Gouvernement à prendre des mesures : le plan France Très haut débit ; le programme 800 sites stratégiques qui a été étendu à 1 300 sites en téléphonie internet mobile ; la plateforme France mobile.

Les élus locaux sont trop souvent sans solution face aux dysfonctionnements constatés par leurs administrés. La mise en place de la plateforme France mobile est donc particulièrement bienvenue. Malgré les chiffres que vous avez annoncés, le compte n’y est pas. Comme mes collègues, j’ai observé ma circonscription comme un laboratoire et je constate que trois communes n’auront pas la couverture en 3G d’ici à juin 2017, contrairement à ce qui était prévu : Laval-Saint-Roman, Issirac et Verfeuil. Je constate encore trop de coupures téléphoniques dans certaines communes. Faute de téléphone, nous n’avons pas d’internet. En outre, les opérateurs mettent trop de temps à réagir à ces problèmes de téléphonie filaire, de couverture mobile et d’internet. Les exemples fourmillent.

Ces constats de terrain démentent les chiffres que vous annoncez. Je me réjouis des évolutions et du choc de transparence qui permettra aux usagers de disposer de nouvelles cartes indiquant quatre niveaux de couverture et d’un comparateur de couverture entre opérateurs. C’est un progrès car il y a une vraie différence entre vos propositions commerciales et le ressenti des clients qui s’adressent à nous.

La Cour des comptes indique que le calendrier de mise en place du plan France Très haut débit ne sera pas respecté, et je partage son inquiétude. Elle souligne aussi l’insuffisance du co-investissement privé, une critique à laquelle l’un d’entre vous a apporté quelques réponses. L’État, les collectivités et la solidarité nationale sont au rendez-vous, en dépit d’un contexte budgétaire difficile. J’aimerais que vous soyez également au rendez-vous. J’entends vos arguments sur les taxes mais on pourrait vous rétorquer que vous pouvez utiliser le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) dont vous avez bénéficié, afin de réaliser certains investissements.

Qu’est-ce qui justifie que les opérateurs privés, accompagnés fortement par l’État et les collectivités pour réaliser des investissements qui augmenteront leurs profits à terme, ne respectent pas le calendrier prévu ? Dans notre pays, on dénombre plus de cartes SIM actives que d’habitants. Quel argument sérieux peut contredire la rentabilité de ces investissements ?

Si des obstacles existent, notamment pour acheminer la fibre optique partout, ce qui représente en effet des investissements lourds, n’est-il pas opportun de construire collectivement, rapidement et pragmatiquement un « mix technologique » moins coûteux et porteur de solutions rapides et durables ?

Alors que l’on parle d’investissement, de financement et de rentabilité, la solution ne consisterait-elle pas, comme le propose notre collègue Corinne Erhel, à instaurer une contribution de solidarité numérique entre zones urbaines et zones rurales, assise sur les abonnements en haut débit et très haut débit ?

S’il fallait résumer la situation, je dirais que nous avons un téléphone filaire qui reste parfois défaillant dans certaines communes rurales, une couverture en téléphonie mobile encore très incomplète – je peux vous inviter dans ma circonscription et vous pourrez le constater vous-mêmes en utilisant les réseaux des quatre opérateurs – et un haut débit qui a du mal à arriver dans nos territoires. Il est temps que tous les opérateurs, en concertation avec l’État et les collectivités, apportent des solutions simples, souples et pragmatiques qui permettent de relever le défi majeur que représente la révolution numérique, et d’offrir les mêmes services à tous les usagers, quel que soit l’endroit où ils vivent.

M. Lionel Tardy. La présence remarquée de la France à l’édition 2017 du Consumer Electronic Show (CES) de Las Vegas illustre un dynamisme porteur d’espoir en matière de numérique. Il en va de même de la boulimie des Français concernant l’usage numérique : nous sommes parmi les premiers en Europe en termes de dépenses de e-commerce par internaute acheteur, d’utilisation du co-voiturage ou d’accès des foyers à la vidéo à la demande (VOD).

La France reste néanmoins en retard dans de nombreux domaines tels que les usages du mobile : seulement 27 % des pages vues le sont sur mobile, contre 41 % au Royaume-Uni, par exemple. Les entreprises françaises sont aussi à la traîne en matière d’équipement et d’usage numérique. Au sein des services de l’État, seulement quatre-vingts personnes sont dédiées à la transformation numérique, alors que l’équipe chargée de la même tâche au Royaume-Uni compte plus de 500 personnes.

La France dispose d’une base solide pour devenir une puissance économique numérique, mais, au-delà de quelques initiatives à forte visibilité, elle n’a encore que peu engagé sa transformation. C’est aux parlementaires de faire jouer à l’État un rôle majeur dans ce domaine. Parmi les pistes de travail figurent l’éducation, la formation et l’acculturation de tous, des enfants de la maternelle jusqu’aux séniors. Rappelons que 11 % des Français n’ont jamais utilisé internet, comme le montre une étude récente. Les infrastructures jouent aussi un rôle important dans la montée en débit ou le très haut débit. Il faut se préoccuper de l’attractivité de la France pour les travailleurs, acheteurs et investisseurs étrangers, du rôle de l’État prescripteur et de celui du régulateur.

Le sujet est vaste mais je vais me contenter de quelques questions qui portent essentiellement sur la problématique du déploiement des réseaux. Nous ne pourrons pas promouvoir la transformation numérique de l’État – ce qui est notre rôle de parlementaires – tant que chaque Français ne sera pas connecté.

La plateforme France mobile doit permettre aux collectivités territoriales de faire remonter leurs problèmes de couverture, en dehors du programme concernant les zones blanches. L’objectif de 260 sites couverts tous les ans pourra-t-il être tenu en 2017, année de mise en place de la plateforme ?

La nouvelle loi Montagne a donné lieu à des discussions âpres que vous avez probablement suivies. En définitive, nous n’avons pas créé de nouvelles contraintes pour les opérateurs. En revanche, l’adoption de l’un de mes amendements a donné naissance à un nouvel alinéa de l’article 29, qui est programmatique. Il invite l’État et l’ARCEP à prendre en compte les zones de montagne, le cas échéant par le biais de conventions conclues avec les opérateurs de communications électroniques. Estimez-vous que l’accent n’avait pas été suffisamment mis sur les zones de montagne ? À cet égard, je constate avec satisfaction que la FFT a désormais un compteur spécifique pour la couverture des zones blanches de centre-bourg en zones de montagne.

Cette même loi Montagne prévoit une exonération de l’IFER pour les zones de montagne pendant quatre ans. Dans la loi de finances rectificative pour 2016, nous avons adopté un abattement de 75 % sur toutes les nouvelles stations radio-électriques. Quel sera, selon vous, l’impact de ces mesures sur le déploiement à venir ? À l’inverse, estimez-vous que la loi du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, dite « loi Abeille », a rendu ces déploiements plus difficiles ?

Mme Jeanine Dubié. Cette audition des représentants des opérateurs s’inscrit dans la continuité de celle du président de l’ARCEP. Merci, Messieurs, de votre présence. Merci à vous aussi, Madame la présidente, d’avoir tenu vos engagements. En tant qu’élue de la montagne, vous êtes très souvent sollicitée sur ces sujets, tout comme nous.

Oui, c’est tous les jours que nous sommes interpellés par des citoyens qui sont pénalisés dans leur vie professionnelle et personnelle par une couverture numérique et mobile insuffisante. Pas de chance : c’est toujours au même endroit : non seulement, ils n’ont pas de couverture fixe mais ils n’ont pas de couverture mobile non plus ! Vous en êtes conscients, car nous avons déjà eu l’occasion de vous le dire à l’ANEM et lors de rencontres à propos de la loi Montagne.

La Cour des comptes a confirmé nos inquiétudes, en rappelant que la fracture numérique se creuse au lieu de se résorber. Vous investissez, je ne le conteste pas, mais je crains que vous ne le fassiez que dans les endroits où un marché existe et où la concurrence peut s’exercer, c’est-à-dire dans les zones urbaines. La situation ne vous est pas totalement imputable et elle résulte aussi de choix effectués par les pouvoirs publics, il y a une trentaine d’années. Pour ma part, je fais partie des gens qui regrettent que la concurrence se soit portée sur les infrastructures plutôt que de se concentrer sur les services.

La Cour des comptes constate que le plan France Très haut débit, qui était estimé à 20 milliards d’euros, coûtera en réalité 35 milliards. Elle reproche à ce plan de s’être focalisé sur la construction d’infrastructures fixes communes à tous les publics, sans réflexion sur les usages. Elle estime qu’un débit de 10 mégabits par seconde – qu’elle qualifie de « bon haut débit » – serait suffisant pour répondre aux besoins du grand public, et elle propose de privilégier des alternatives technologiques moins coûteuses comme la montée en débit. Tout cela suppose que le réseau cuivre soit entretenu, réparé, voire remplacé si nécessaire. Quel est votre avis sur ce rapport et ses préconisations ?

Monsieur Pierre Louette, j’ai une question spécifique pour vous. Pourriez-vous nous dire quelle part des investissements d’Orange est consacrée à la rénovation du réseau cuivre ?

En ce qui concerne les zones peu denses, les zones rurales et de montagne, cessez de nous donner le pourcentage de la population ayant accès à la 3G ou à la 4G pour la téléphonie mobile et pour l’internet fixe en haut débit et en très haut débit ! Nous en avons assez d’entendre des chiffres qui ne prennent pas en compte les territoires. Il est temps de s’intéresser à ces zones peu denses, de donner des éléments qui les concernent et de faire des efforts pour résoudre leurs problèmes.

Dans le cadre de la loi montagne, nous avons demandé à l’ARCEP de publier des cartes numériques de couverture en montagne avec des indicateurs par génération de réseaux fixes et mobiles et par opérateur. Où en êtes-vous dans la mise à disposition de ces cartes ?

Que pensez-vous du choix de l’ARCEP d’accorder une place au très haut débit en hertzien ? J’ai bien entendu, monsieur Jean-Paul Rivière, votre plaidoyer en faveur de cette technologie. Mais je vous invite à m’accompagner dans certains endroits des Hautes-Pyrénées, où la technologie Wimax est utilisée, et les gens pourront vous dire ce qu’ils vivent au quotidien.

M. André Chassaigne. Après ces interventions, marquées les unes et les autres par la culture bolchevique, sur le constat des conséquences d’un système à la dérive, il me reste quelques propos à tenir.

Tout d’abord, je ferais une petite observation sémantique. Le mot « camarade » a été utilisé à deux reprises. « C’est un joli nom, camarade », mais je crois que vous auriez dû utiliser le mot « concurrent » car vous êtes bel et bien en concurrence les uns avec les autres, et cela ne va pas sans poser des problèmes dans nos territoires. Pour citer Jean Jaurès, la situation est celle du renard libre dans le poulailler libre. Cette approche très libérale entraîne des conséquences précises pour la qualité de vie de nos concitoyens et l’aménagement de nos territoires.

Monsieur Pierre Louette, vous avez fait état des exigences – réelles – des élus envers les opérateurs de télécommunications. Pour ma part, je peux vous dire que les élus subissent un harcèlement justifié de la part des acteurs économiques, des collectivités locales, des citoyens : pas une semaine ne passe sans que nous soyons interpellés, mis en cause sur des questions de desserte qui concernent la téléphonie fixe et internet, au point que nous sommes fatigués de cette situation. Nous allons devoir payer des collaborateurs parlementaires à s’occuper uniquement de ça, et vous savez qu’ils coûtent cher ! (Rires) C’est un peu le mythe de Sisyphe : quand on croit avoir réglé le problème, le rocher nous retombe dessus.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Prenons l’exemple le plus simple, celui du mobile et de l’itinérance. Comment comprendre que des pylônes en activité ne vont être utilisés que par un seul opérateur et qu’une partie des usagers ne sera pas desservie ? Ne peut-on pas mutualiser les infrastructures existantes ou les investissements nécessaires, dans le but d’assurer une meilleure couverture ? Pourquoi ne parvenez-vous pas à nouer des accords qui permettraient de mieux couvrir les territoires et répondre aux besoins des habitants ? En fait, je les connais vos blocages : ce sont ceux du renard libre dans le poulailler libre. Or ce service aux populations est une forme d’activité régalienne. L’absence de volontariat de votre part signifie-t-elle que vous souhaitez que l’on vous impose l’itinérance ?

Ma dernière question est liée à l’application de l’article 85 de la loi pour une République numérique, qui porte sur l’entretien des lignes téléphoniques. L’opérateur Orange a-t-il commencé à appliquer ce texte de loi par le biais de conventions signées avec les particuliers dont les propriétés sont traversées par des lignes téléphoniques ? Va-t-on enfin constater une amélioration de l’entretien des lignes téléphoniques ? Considérez-vous, au contraire, que ce texte de loi ne peut pas être appliqué ? J’attends des réponses précises à ces questions concrètes. Nous sommes tous très remontés et nous souhaitons que le renard sorte du poulailler.

Mme Corinne Erhel. Ma première question porte sur la plateforme France mobile qui doit permettre aux élus de faire remonter les problèmes de couverture et de les signaler aux opérateurs. Le rôle des élus me semble bien cadré. En tant qu’opérateurs, vous êtes déjà informés des problèmes rencontrés en zones peu denses. De votre point de vue, en quoi ce dispositif va-t-il favoriser le règlement des problèmes de déploiement ? Quel regard portez-vous sur son fonctionnement ?

S’agissant des problèmes de couverture en mobile et en fixe, on constate une dégradation de la qualité de service. Quelle appréciation en avez-vous ? L’attribuez-vous à un manque d’investissement ou à la structure du marché des télécoms en France ?

Ma dernière question est relative au rapport de la Cour des comptes, qui est assez incisif sur les investissements, que ce soit ceux de la puissance publique ou des opérateurs. Que pensez-vous de cette analyse et des recommandations qui sont faites notamment sur le marché à destination des entreprises ? Quelle est votre réponse à l’enjeu de sécurité et de résilience des réseaux ? Quel regard portez-vous sur les deux dispositions qui concernent la transparence des engagements des opérateurs en zone d’initiative privée ? Il est question de rendre publique la liste des opérateurs pilotes du déploiement dans les quarante-deux communes qui sont reclassées en zones moins denses. Quelle est votre appréciation globale sur ce rapport de la Cour des comptes ? Quelles réponses comptez-vous lui apporter en tant qu’opérateurs ?

M. Dino Cinieri. Député de la Loire, je suis, moi aussi, régulièrement interpellé par les citoyens et les élus de mon département sur les problèmes techniques qu’ils rencontrent. Ceux qui vivent dans les zones rurales de Loire Forez, des Monts du Pilat ou de la vallée de l’Ondaine n’ont aucun accès à l’ADSL ; ils disposent d’une vitesse maximale de 2 mégabits par seconde depuis 2005 ; personne ne leur propose une couverture en 3G ou 4G, ce qui prouve que les opérateurs ne se bousculent pas pour aller dans les zones rurales.

En février 2016, M. Emmanuel Macron avait convoqué les maires et les représentants des opérateurs de télécommunications pour discuter de la mise en œuvre du plan de couverture mobile, qui prévoit la couverture des zones blanches à l’échéance de 2020. Selon le journal Les Échos, M. François Hollande avait déjà créé la surprise un mois plus tôt, en annonçant la prise en charge par l’État de la fin de la couverture des centres-bourgs en 2G, programmée au 31 décembre 2016, qui était jusqu’alors assumée par les opérateurs de télécommunications et des collectivités locales. En fait, il reste encore 268 zones à couvrir et l’État souhaite que ces chantiers soient terminés, quitte à régler la facture d’un montant de 30 millions d’euros. L’État va ainsi assumer l’intégralité des coûts d’investissement pour construire les pylônes de téléphonie mobile que les opérateurs devront ensuite équiper. Selon le Gouvernement, les centres-bourgs pourraient ainsi s’équiper en 4G avant le milieu de l’année 2017.

Concernant la couverture des zones blanches, 800 zones situées au-delà des centres-bourgs doivent passer à la 3G entre 2016 et 2020, et les collectivités sont chargées de faire remonter leurs déclarations au cas par cas. Au départ, l’État n’était censé financer que 30 000 euros par site ; finalement, il prendra à sa charge 50 % du financement dans la limite de 50 000 euros par site, portée à 75 000 euros pour les pylônes. Le coût de cette opération pour l’État devrait passer de 24 à 40 millions d’euros. Messieurs les opérateurs, ce projet est-il réaliste ? Le calendrier peut-il, selon vous, être tenu ?

Mme Michèle Bonneton. Comparée aux autres pays européens, la France est en queue de liste dans le classement très officiel de l’équipement des pays en 4G ou en très haut débit. Notre pays accuse un sérieux retard que l’on ressent beaucoup dans certains points de ma circonscription.

Dans son rapport, la Cour des comptes estime que la couverture intégrale du territoire en très haut débit ne sera effective qu’en 2030 et non pas en 2020 comme initialement prévu ; elle prévoit aussi que l’investissement final s’élèvera à 35 milliards d’euros et non pas à 20 millions d’euros. De plus, l’État et les collectivités locales assureraient le financement dans les zones peu denses tandis que les opérateurs investiraient dans les zones denses plus rentables. Les opérateurs sont-ils prêts à mettre des moyens suffisants pour accélérer le mouvement ?

La France a choisi de déployer la fibre optique jusqu’à l’abonné. Cependant, notre ministre Axelle Lemaire a mis quelques bémols et déclaré tout récemment que, dans les RIP, l’objectif était plutôt 50 % que 80 % de fibre. Dans ces conditions, les opérateurs sont-ils prêts à envisager d’autres technologies pour les zones les moins denses, de façon à aboutir à un mix technologique moins coûteux et plus rapidement mis en place ? Pourriez-vous développer vos propos sur la 4G box dont vous avez parlé ? D’autres technologies alternatives sont-elles envisageables à brève échéance ?

En 4G, nous sommes loin d’une couverture complète du territoire. Il arrive même que la couverture en 2G et 3G ne soit pas toujours assurée ou que sa qualité laisse à désirer. En tant qu’opérateurs, quelles réponses pouvez-vous apporter ?

M. Joël Giraud. En tant que président de la commission permanente du Conseil national de la montagne (CNM), je voudrais intervenir sur deux points, le premier ayant trait à la qualité du service. Selon plusieurs orateurs, ce sont les usages et les services à la population qui doivent déterminer le reste, c’est-à-dire les infrastructures. Cette mentalité est peu présente en France où les opérateurs quels qu’ils soient, y compris ferroviaires, se préoccupent avant tout des infrastructures, quitte à ce que ces dernières ne correspondent pas aux services et aux usages. Pardonnez-moi d’être un peu germanique en la matière. Ce penchant pour les infrastructures engendre une relation à la qualité de service de plus en plus dramatique, comme le soulignait Mme Corinne Erhel.

J’habite dans une région où le fixe, le portable et internet peuvent être en panne pendant quinze jours ou trois semaines sans intervention des opérateurs. Durant les dernières vacances de Noël, c’était le cas dans des territoires entiers. Vous comprendrez que cela puisse poser quelques problèmes quand le territoire en question vit à 80 % du tourisme. La rapidité de la réparation dépend du niveau de classement du territoire, qui est en général très bas : on vous doit une réparation dans le mois à venir, c’est-à-dire quand les touristes seront partis – ils ne seront en fait même pas venus, faute d’avoir pu réserver ! En plus de cela, la qualité de service baisse dans les zones intermédiaires entre les zones 4G. Ceux qui avaient du 3G se retrouvent avec du edge (Enhanced Data Rates for GSM), c’est-à-dire avec un niveau de service déplorable.

En deuxième lieu, je voudrais revenir sur la mutualisation des infrastructures. Lors de nos débats, il a été question de demander à l’ARCEP d’enjoindre aux opérateurs de négocier un accord de mutualisation de leurs infrastructures lorsque des impératifs d’aménagement du territoire le justifiaient. À la suite de pressions à la limite de la déontologie, l’amendement n’est pas passé. Pourquoi avez-vous autant peur de la mutualisation ? Pourquoi avez-vous autant peur des autorités de régulation, ce qui est encore un mal français ?

M. Philippe Le Ray. Ça avance mais ça prend du temps ! Les habitants de notre pays sont divisés en trois catégories : ceux qui ont ; ceux qui vont avoir ; ceux qui peuvent attendre assez longtemps. Le déploiement du très haut débit et de la téléphonie mobile crée une profonde injustice alors que l’équité devrait être de mise car les efforts accomplis ont nécessité l’emploi de fonds publics, c’est-à-dire provenant de l’impôt de tous.

Comme les autres, je reçois des pétitions comportant des milliers de signatures. Les schémas adoptés sont rigides et les marchés publics signés sont très contraignants, ce qui conduit à des situations incompréhensibles dont je vais vous donner deux exemples. Premier cas : Mégalis Bretagne et Orange sont incapables de se mettre d’accord pour raccorder en fibre optique une zone d’activité d’Auray, le montant en jeu étant de 50 000 euros. On m’explique c’est que ce n’était pas prévu dans le marché initial signé en 2015. Deuxième cas : la ville de Quiberon devra attendre 2020 car elle ne fait pas partie du schéma régional.

Dans le rapport de la Cour des comptes, je lis que « le niveau de réalisation des engagements dans les zones des opérateurs privés suscite de grandes inquiétudes ». Quels sont vos plans de charge pour l’ensemble de ces zones ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. J’aimerais revenir sur les vifs débats que nous avons eus, dans le cadre de l’adoption de la loi Montagne, au sujet de la couverture numérique, de la définition des zones blanches et de la mutualisation des infrastructures de téléphonie mobile. Nombre d’orateurs avaient exprimé avec force leur volonté d’obliger les opérateurs à mutualiser leurs infrastructures. Mme la présidente a rappelé que les élus de la montagne, dont elle fait partie comme moi, ont fait le pari de démontrer collectivement avec vous tous que les déploiements vont s’accélérer en montagne. Dans le cas contraire, vous savez que la contrainte législative reviendra très vite à l’ordre du jour du Parlement.

Nous sommes face à une impatience pour ne pas dire une exaspération numérique sur les territoires. Au sein de l’ANEM, nous avons entamé un travail constructif avec la FFT et tous les opérateurs. Comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, 1 064 nouvelles communes rurales – dont 430 communes de montagne – ont été couvertes en 3G et en 4G durant l’année écoulée, et 958 autres communes – dont 489 communes de montagne – y auront accès en 2017. La moitié de ces communes se situe en montagne. Il y a urgence à mettre à niveau ces territoires où les habitants paient le même abonnement mensuel que les autres, pour une qualité de services moindre.

J’ose espérer que l’article 34 de la loi montagne, relatif à la non-imposition à l’IFER des pylônes pendant trois ans, vous incitera à accélérer les déploiements en montagne. Pouvez-vous me le confirmer ?

Si je me réjouis des opérations de mutualisation que vous réalisez actuellement de façon spontanée, j’aimerais avoir des précisions sur la faisabilité technique de mutualisation de la 4G pour ces dispositifs. Il semblerait que des difficultés techniques nous soient opposées, ce que l’ARCEP n’a pas l’air de comprendre.

Dans son rapport thématique, la Cour des comptes dresse un premier bilan des réseaux fixes de haut débit et de très haut débit. De manière globale, elle préconise de compléter et d’actualiser les objectifs du plan France Très haut débit, en introduisant un seuil minimal de débit montant et descendant et en augmentant le recours aux technologies alternatives à la fibre optique jusqu’à l’abonné. Qu’en pensez-vous ?

Les zones blanches de téléphonie mobile ne seront résorbées que lorsque le protocole de mesure de l’ARCEP, qui date de 2003, sera révisé. Pouvez-vous nous donner votre avis et nous préciser l’état des réflexions que vous menez avec l’ARCEP à ce sujet ?

M. Éric Straumann. Tout d’abord, je voulais remercier M. Pierre Louette et Orange pour les efforts accomplis à la suite de l’une de nos dernières auditions. À travers le programme connecté, Dessenheim, une commune de 1 300 abonnés, a eu son antenne, que M. Pierre Louette est venu inaugurer il y a quelques semaines.

L’extension de l’itinérance de Free de janvier 2017 à 2020 va se traduire par une perte de recettes de 700 millions d’euros pour Orange. Comment ce dernier opérateur va-t-il compenser financièrement cette perte ? Quelle sera l’incidence sur la qualité de services pour les clients de Free, puisqu’il y aura une baisse de débit progressive durant cette période ?

M. Patrick Lebreton. En matière de développement économique, comme dans bien d’autres domaines, les outre-mer ont la réputation d’être la cinquième roue du carrosse. J’ai compris ce matin qu’un carrosse pouvait porter six roues… On nous dit souvent que les outre-mer sont la France, pourtant les opérateurs les considèrent comme des pays étrangers. Les outre-mer sont à l’écart du déploiement et du développement ; ils sont surfacturés et sont quasiment en autofinancement pour les infrastructures nécessaires.

Dans le secteur de la téléphonie comme dans d’autres, les pratiques pourraient évoluer. En ce qui concerne la couverture numérique, la 4G arrive plus tard que dans la plupart des autres territoires. Quant à l’obligation qui vous est faite de cartographier la couverture, elle s’appliquera en outre-mer dix-huit mois plus tard que dans l’Hexagone.

Alors que nos pays connaissent des retards de développement économique structurels, qu’il n’y a pas ou très peu de matières premières, que le secteur industriel est modeste, la révolution numérique est pourtant une chance. Elle doit nous offrir de réelles opportunités de décollage, voire de rayonnement dans nos aires géographiques.

À La Réunion, par exemple, la population est jeune, dynamique et qualifiée, et le niveau de créations d’entreprise est élevé. Dans ce contexte, vous avez un rôle fondamental à jouer. Vos domaines d’activité sont le support de notre développement économique et social. S’engager à construire des infrastructures dans nos territoires, à des tarifs acceptables, c’est un véritable investissement pour l’avenir.

Est-il possible que votre engagement dans les outre-mer change, que soit dépassée la simple recherche de prise de position dans des marchés captifs, et que vous puissiez sincèrement tenir compte des potentialités réelles de nos territoires ?

M. Yves Daniel. En dépit de tout ce qui a été dit, je me réjouis de l’engagement de tous, Gouvernement et opérateurs, en faveur de ce plan France Très haut débit. Je m’en réjouis d’autant plus quand je pense aux besoins et aux évolutions à venir, notamment dans le domaine de la e-santé.

Confrontés au vécu et au ressenti de nos concitoyens, à leurs réclamations, nous devons réagir avec pragmatisme. Des choses toutes simples nous posent des problèmes au quotidien : ma commune est abonnée aux services d’Orange, pourtant je n’arrive pas à avoir un rendez-vous avec les représentants de cette société. Comment est-il possible de ne plus avoir de contact ?

On peut aussi se poser des questions sur la formation des agents qui viennent effectuer des mesures dans nos communes. Il leur arrive d’affirmer que les problèmes d’accès au réseau mobile depuis l’intérieur des maisons ne sont pas liés au fait que nous sommes en zone grise, sans fournir de réelle réponse.

Quadriller les territoires d’antennes relais permettrait d’apporter une solution, mais ces équipements ne sont pas toujours acceptés des populations qui se plaignent des nuisances liées aux ondes électromagnétiques. Les zones blanches posent aussi des problèmes de sécurité puisqu’elles rendent impossible tout appel téléphonique même lorsque la vie d’une personne est en jeu.

M. Jean-Claude Bouchet. En vous écoutant, Messieurs, je pensais à des entreprises performantes, capables d’aller sur la lune mais incapables de faire fonctionner ou de réparer une petite voiture sur la terre…

Revenons aux zones non denses qui se sentent abandonnées, à ces nombreux villages privés de couverture mobile et souvent de téléphone fixe. Je pense à Sivergues, un petit village du Vaucluse, qui n’a pas de téléphonie mobile et dont la ligne fixe, gérée par Orange, est très souvent coupée. J’interviens régulièrement, de même que la sous-préfète de l’arrondissement, pour la faire réparer. La semaine dernière, le village a encore subi quatre jours de coupure. La situation dure depuis des années et cela devient usant. Nous entendons de beaux discours qui ne dissipent pas le sentiment d’abandon et la crainte de ce qui pourrait arriver en cas d’urgence, d’accident. À partir de quel nombre d’habitants intervenez-vous ? À partir de quel seuil êtes-vous intéressés, sachant que ce petit village compte une cinquantaine d’habitants ?

M. Paul Molac. Comme mes collègues, je suis régulièrement interpellé au sujet de problèmes de couverture mobile ou de couverture ADSL. Je donnerai l’exemple d’un chef d’entreprise résidant à Molac, qui réalise 80 % de son chiffre d’affaires à l’export : il est obligé de sortir de ses locaux afin de pouvoir téléphoner, c’est un comble !

Quand aurez-vous achevé le dégroupage dans l’ensemble du territoire national ? La question est complexe puisque, lorsqu’un opérateur titulaire de la concession n’a pas réalisé les investissements nécessaires, les autres entreprises ne peuvent pas non plus proposer l’ADSL.

S’agissant du téléphone mobile, le problème tient moins aux zones blanches qu’aux zones grises. Des propositions sont faites pour remédier aux difficultés : pourriez-vous préciser les aspects techniques de la question ?

En ce qui concerne la fibre, il n’y a pas de renard dans le poulailler en Bretagne, puisque c’est la puissance publique qui intervient à travers le projet Mégalis, qui regroupe la région, les départements et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en un syndicat. Nous nous sommes entendus sur un certain nombre de travaux, qui permettront la couverture de l’ensemble du département, mais pas avant 2030.

Par ailleurs, lorsque l’on donne des données chiffrées sur la couverture, il conviendrait de se fonder sur la notion de territoire plutôt que sur celle de population. En effet, 90 % d’une population peut être servie mais seulement 50 % ou 40 % du territoire. Or, pour le député d’une circonscription rurale que je suis, l’aménagement du territoire doit concerner l’ensemble du territoire et non pas seulement une zone plus dense où l’on escompte plus de bénéfices.

En fait, la couverture numérique nationale nous rappelle l’électrification des campagnes et la mise à disposition du téléphone pour tous dans les années 1970…

M. Laurent Furst. Le monde de l’entreprise a été beaucoup critiqué aujourd’hui, pourtant, nous avons la chance de disposer dans le domaine des télécommunications de belles entreprises, qui contribuent à la prospérité de la Nation ainsi qu’à l’équipement de nos territoires.

Nous partageons tous l’idée que tous les territoires doivent avoir accès à un service de qualité, c’est essentiel pour le développement économique, le maintien de l’économie dans les territoires ruraux, la progression du télétravail, mais aussi la télémédecine ainsi que le maintien du système de santé dans les campagnes, sans lesquels la vie ne saurait y être maintenue.

En France, on veut souvent tout en même temps. Ainsi, nous avons construit un réseau autoroutier, un schéma de TGV et nous avons multiplié les plateformes aéroportuaires, mais sans faire émerger un mode de transport prioritaire et notre pays souffre aujourd’hui de carences, notamment dans les infrastructures de transport aérien. Dans le secteur des télécommunications, quatre opérateurs sont présents et nous voulons le meilleur pour la téléphonie fixe, la fibre et la téléphonie mobile ; cela aux tarifs les plus compétitifs et les plus bas. Tout cela vous semble-t-il compatible ?

Enfin, nous évoquons des politiques de moyen et long termes, alors que les sauts technologiques sont considérables et très rapides. Ainsi, nous savons que demain la 5G offrira de nombreux services supplémentaires. Je me demande donc si les choix que vous faites aujourd’hui et en faveur desquels vous investissez fortement seront opérants dans cinq ou dix ans.

M. Hervé Pellois. La Cour des comptes fait le constat d’une concurrence néfaste entre les réseaux développés par le secteur privé et les réseaux d’initiative publique de première génération. Malgré les investissements des collectivités, des territoires comme Valencienne, Caen, Le Grand Chalon et, pour ce qui me concerne, Vannes, ont connu l’installation d’infrastructures privées redondantes.

Il m’est revenu que cela était dû notamment au coût très élevé de la fibre offerte par les RIP, qui serait sans commune comparaison avec les tarifs proposés par l’opérateur historique dans ce cadre. Les prestations techniques ne semblent pas non plus convenir aux opérateurs privés. Ne faudrait-il pas réguler ce coût de location, et disposer d’un cahier des charges technique susceptible de donner satisfaction à l’ensemble des opérateurs ?

Mme Marie-Hélène Fabre. On a beaucoup parlé des zones de montagne et des zones rurales mais je veux pour ma part témoigner que la couverture mobile du littoral méditerranéen est également très loin d’être parfaite : certaines parties du territoire sont fort bien couvertes, mais d’autres sont carrément en zone blanche.

À ce problème s’ajoute celui de l’entretien des lignes de téléphonie fixe : lorsque certaines zones ne sont couvertes ni en fixe, ni en mobile, les handicaps se cumulent !

Quelles réponses entendez-vous apporter ?

M. Alain Suguenot. Mes propos traduiront hélas la même inquiétude que celle de mes collègues tant il est vrai qu’il y a aujourd’hui plusieurs France, notamment celle qui couvre 64 % du territoire national et qui regroupe 18 % de la population ainsi que l’essentiel des communes.

Les zones AMII, pour lesquelles des communes ont passé convention avec Orange, ont fait naître bien des espoirs. Las, de COPIL en COPIL (comité de pilotage), les délais s’allongent et l’on commence à se demander s’il est bien nécessaire de déployer la fibre partout ou s’il ne vaudrait pas mieux s’attacher à améliorer le débit.

Cette situation ne laisse pas d’inquiéter, car il semble difficile de faire comprendre aux collectivités que, alors qu’elles ont opté pour la fibre à l’échéance 2020 et que les conventions sont parfaites, certains opérateurs préconisent désormais l’augmentation du débit et qu’elles pourraient en rester au cuivre.

Mme Annick Le Loch. À l’instar de nombre de mes collègues, je suis régulièrement interpellée par mes administrés au sujet de la couverture téléphonique.

Aussi souhaiterais-je vous faire part d’un courriel reçu le 18 janvier dernier. Mon correspondant s’exprime dans les termes suivants :

« À la pointe d’Île-Tudy, rue des Glénans, je dois sortir de mon domicile pour établir une bonne réception du réseau Orange, la plupart du temps en 2G, ce qui ne correspond pas à mon abonnement.

« Cela n’est pas admissible, je pense qu’Orange a le devoir de fournir un égal accès au réseau à tous ses abonnés. Votre mandat de député vous permet sans aucun doute de peser sur Orange pour l’installation des relais nécessaires, celui de Combrit n’étant pas efficace. »

Que dois-je répondre, Messieurs, à cet administré qui m’interpelle, comme cela se produit souvent ?

Prenez-vous par ailleurs des mesures particulières propres à garantir la couverture téléphonique de zones atypiques comme les îles bretonnes ?

Mme Marie-Lou Marcel. Je souhaite parler à mon tour des zones peu denses, qui se vivent au quotidien comme les oubliées de la République, dans le domaine de la couverture mobile comme dans celui de la couverture numérique.

Élue de l’Aveyron, je partage tout ce qui vient d’être dit par mes collègues et je rappellerai simplement que ces territoires peu denses, qui ne comptent peut-être que 18 % de la population, n’en représentent pas moins 64 % du territoire national.

Le plan France Très haut débit vise à couvrir par la fibre l’ensemble du territoire en 2022. Son directeur, M. Antoine Darodes, a indiqué que 15 % des prises dans les zones peu denses seront connectées en technologie non filaire, qu’il s’agisse de la 4G ou du satellite. Il a d’ailleurs précisé que, bien que dans les zones rurales l’idéal soit la fibre jusqu’au domicile, seules 50 % des prises seront concernées et que, pour le reste, il faudra recourir à d’autres technologies à cause du coût du raccordement.

Je souhaiterais donc connaître votre avis quant à la faisabilité technique des engagements pris dans le cadre du plan France Très haut débit, ainsi que le détail de la politique que vous conduisez pour sa mise en œuvre.

M. Régis Turrini. Pour répondre, Madame la présidente, je coifferai un instant ma casquette de président de la Fédération française des télécoms (FFT), car nombre des questions sont d’ordre général ; je laisserai ensuite mes camarades – et néanmoins concurrents – s’exprimer sur des points plus précis.

J’entends une grande exaspération, et cette impatience nous la vivons au quotidien, notamment à travers les réclamations de nos abonnés. Nous sommes tous attentifs à ces sujets comme nous sommes préoccupés par l’aménagement numérique de l’ensemble du territoire.

Je ressens une forme de reproche et d’accusation, comme si la collectivité des télécommunications était défaillante ; or cela me paraît faux. Mais je crains de ne pas parvenir à vous convaincre dans les détails, car les chiffres globaux apportent des réponses globales, et ne s’adressent pas à des personnes vivant des situations difficiles. Il n’en est pas moins vrai que cette industrie fait énormément de choses. Il faut donc chercher à comprendre pourquoi, malgré les chiffres que je vais vous donner, cette insatisfaction s’exprime et trouver les moyens d’y mettre un terme et d’aller plus vite.

Je tiens tout d’abord à souligner que, collectivement, afin de répondre à la demande de très haut débit, qu’il soit fixe ou mobile, les opérateurs ont fortement augmenté leurs investissements. Ceci, la Représentation nationale doit en être consciente, en dépit de la baisse considérable des revenus des opérateurs. Or, il ne faut pas perdre de vue que nous sommes des entreprises privées et que l’argent ne vient pas de nulle part. Quelques chiffres : sur une base 100 en 2011, les revenus ont chuté à 83 en 2015, tandis que les investissements sont passés à 147. Un énorme effort d’investissements est donc fourni dans un contexte difficile. Ces investissements portent sur le fixe et le mobile, et représentent collectivement huit milliards d’euros, soit environ 20 % de notre chiffre d’affaires : rares sont les secteurs industriels qui investissent autant, pas même celui de l’énergie. On voit là le poids considérable et le rôle capital qui sont les nôtres dans l’économie, quand bien même notre chiffre d’affaires, mais aussi notre résultat d’exploitation baissent.

Qui plus est, nous réalisons ces investissements dans un contexte de forte fiscalité pesant sur nos entreprises. Ainsi, le montant de l’impôt forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) est considérable puisque ce ne sont pas moins d’1,2 milliard d’euros qui sont destinés ainsi non pas au réseau, mais aux collectivités territoriales, au budget de l’État et à France Télévisions. Je n’y insiste pas : vous connaissez tous la fiscalité applicable aux opérateurs de télécommunications, la taxe « Copé », le compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels (COSIP), etc. On ne saurait ignorer cette réalité de l’environnement dans lequel nous travaillons : depuis 2009, la pression fiscale n’a pas cessé de croître.

Pour en revenir aux investissements, ces 8 milliards d’euros par an ne représentent pas moins de 150 millions d’euros par semaine – 105  millions pour le fixe et 45 millions pour le mobile. Je ne dispose pas des montants exacts des investissements consacrés aux zones rurales et de montagne, mais la FFT pourra vous fournir les chiffres.

Dans le domaine de la téléphonie fixe, le très haut débit a décollé grâce à un effort de développement extraordinairement accéléré : quinze millions de foyers sont désormais desservis par les réseaux très haut débit et nous comptons cinq millions d’abonnés. Dans le secteur du mobile, le déploiement de la 4G est fulgurant et nous sommes en cours de déploiement : 128 nouveaux sites 4G sont mis en service chaque semaine ; 25 à 30 chaque jour.

Cela suscite une appétence considérable, et nous respecterons nos engagements ; le déploiement de la 4G se fera dans le respect des règles qui nous ont été imposées.

Voilà l’introduction générale que je souhaitais faire, avant d’en venir…

Mme la présidente, Frédérique Massat. Nous ne pouvons nous permettre de laisser chaque intervenant s’exprimer à nouveau pendant plus de dix minutes.

Je vous rappelle par ailleurs que la règle du jeu de nos auditions commande qu’après les exposés liminaires des personnes invitées, les parlementaires obtiennent des réponses à leurs questions.

M. Yves Legrand. Tous les intervenants ont insisté sur le ressenti des Français au regard de l’insuffisante couverture du territoire, ressenti que nous comprenons d’autant mieux que nous sommes présents sur les lieux.

Nous sommes très favorables à ce que les cartes de couverture soient améliorées et précisées en fonction des services utilisés ; à cet effet nous allons lancer des expérimentations avec l’ARCEP dans les prochaines semaines, dans l’objectif de donner aux Français les informations relatives aux services effectivement mis à leur disposition.

Un certain nombre d’entre vous avez considéré qu’exprimer les engagements de taux de couverture en retenant pour critère la population n’est pas pertinent, je rappelle, toutefois, que les obligations figurant dans nos licences sont fixées en ces termes et que l’on vérifie régulièrement où nous en sommes pour l’ensemble du territoire, mais aussi dans les zones prioritaires plus rurales, pour lesquelles nous avons indiqué que nous étions en avance sur nos engagements.

Il n’est par ailleurs pas inutile de rappeler que nous travaillons à des programmes de très long terme, que nos investissements sont planifiés sur une échéance de trois à cinq ans, et les retours sur investissement sont encore plus longs. C’est dire à quel point nous avons besoin d’un cadre stable.

Vous avez été plusieurs à évoquer le guichet France mobile et Mme Corinne Erhel nous a interrogés quant à son utilité dans l’amélioration de la couverture et quant aux renseignements qu’il était susceptible de nous apporter. L’intérêt principal du dispositif est de permettre de signaler de façon suffisamment précise les défaillances de couverture constatées afin que nous puissions les traiter. Il y a quelques années, lorsque j’étais responsable de la conception du réseau chez Bouygues Télécom, le pire était que l’on me dise que la connexion avait été coupée « à un moment » lors d’un trajet de vingt kilomètres, car c’est bien ce que nous avons le plus de mal à traiter. De ce point de vue, le guichet favorise une meilleure formalisation des problèmes rencontrés, qui nous permet de mieux intervenir. Nous avons donc bien l’intention de passer ce contrat, tout comme nous tiendrons l’engagement du déploiement de 260 sites par an pour la 3G et comme nous respecterons les délais requis.

Plusieurs questions ont porté sur le maintien de la qualité du service ainsi que sur sa pérennité. Je rappelle que nous investissons beaucoup dans les réseaux, car nous améliorons leur qualité de façon très significative en étendant la couverture – même si d’aucuns considèrent que nous le faisons trop lentement. Ces travaux entraînent ponctuellement quelques dégradations locales, à l’image de ce qui se produit lorsque l’on refait une route et que l’une des voies est rendue indisponible. Au demeurant, l’amélioration qui en résulte est très significative et les milliers d’indicateurs techniques de qualité dont nous disposons nous confirment la très nette amélioration du service rendu à nos clients.

Il faut conserver à l’esprit, qu’à mesure que la qualité de service s’améliore, l’attente des clients s’accroît, et nous livrons une course entre l’un et l’autre ; nous sommes déterminés à relever le défi grâce aux niveaux d’investissement que nous engageons. À cet égard, je confirme que ces investissements, par définition, s’inscrivent dans la durée, et ne manqueront pas d’être opérants dans cinq ou dix ans ; les matériels installés par les divers opérateurs il y a cinq, huit ou quinze ans sont toujours parfaitement opérationnels, et nous permettent aujourd’hui d’assurer le service.

Je rappelle par ailleurs que l’objet de la 4G box de Bouygues Telecom est de fournir une connexion haut débit à internet là où le DSL est aujourd’hui insuffisant, ce qui a été relevé par plusieurs d’entre vous, et le FTTH pas encore présent, sachant que son arrivée n’est pas pour demain...

Puisque vous avez tous appelé de vos vœux une amélioration de la situation, une phrase me vient à l’esprit : « il faut avoir une parfaite conscience de ses limites, surtout si on veut les élargir ».

M. Maxime Lombardini. La plateforme du guichet France mobile nous permet de progresser, mais il me semble toutefois que cela demeura insuffisant au regard de vos attentes. Aussi, au risque de nous démarquer de nos concurrents, considérons-nous que la mutualisation constitue la seule solution, que vous-même avez récemment failli réussir à introduire dans la loi, avant que de très fortes pressions empêchent son adoption. Pourtant, compte tenu de l’étendue des territoires concernés, à défaut d’une intervention publique forte et d’une coopération entre les opérateurs, la question des zones blanches se posera encore dans dix ans.

S’agissant toujours du téléphone mobile, j’ajouterai à ce qu’a dit M. Régis Turrini que l’État effectue des prélèvements colossaux, de plusieurs milliards d’euros, sur les fréquences : voilà encore de l’argent qui n’est pas affecté à la couverture des territoires !

J’en viens à la téléphonie fixe : on l’a dit, on a fait pour le FTTH des choix comparables à ceux qui ont été faits pour les lignes TGV, c’est-à-dire privilégier le très haut de gamme, très lourd et complexe à déployer. Le problème n’est pas seulement financier : si nous ne sommes pas plus rapides à raccorder nos abonnés, c’est que nous manquons de main-d’œuvre qualifiée. Qui plus est, certains clients ne sont pas disposés à prendre un rendez-vous pour la pose d’une prise.

Aussi, déployer le réseau FTTH dans une période très courte est tout simplement impossible, à tel point d’ailleurs que, alors que seulement quelques centaines de milliers de lignes sont concernées, les échéances de plusieurs RIP d’ores et déjà signés courent jusqu’en 2030 : ne nous demandez de faire des choses qui sont physiquement et techniquement infaisables !

Par ailleurs, je partage le sentiment de Mme Corinne Erhel à propos des recommandations de la Cour des comptes sur la transparence : il est effectivement souhaitable que chacun puisse savoir à quel rythme les choses sont prévues et je ne pense pas que cette ambition puisse rencontrer d’obstacles majeurs.

S’agissant enfin de l’outremer, j’indique à M. Patrick Lebreton que Free a investi à La Réunion ainsi qu’à Mayotte. Le service sera bientôt disponible et je pense que vous serez satisfait. Notre candidature a par ailleurs été retenue pour l’attribution de fréquences nouvelles aux Antilles et à la Guyane. Il faut le temps de construire le réseau mais le marché devrait ainsi devenir plus concurrentiel.

M. Pierre Louette. Il est très difficile de répondre à l’ensemble des questions et des récriminations ; je vois une forme d’impossible conciliation entre la douloureuse expérience vécue par les uns et celle plus positive des autres. Ainsi, dans mon village natal de Lesconil, beaucoup d’habitants reçoivent la 4G, ce qui n’est pas le cas de la dame de la rue de Glénans d’Île-Tudy dont Mme Annick Le Loch a cité le courriel, alors que ces deux communes ne sont séparées que par un petit bras de mer.

La réalité vécue par chacun est incontestable, et parfaitement opposable. Aussi, bien que l’industrie des télécommunications investisse massivement, cela ne va jamais assez loin ni assez vite partout.

Par ailleurs je suis très gêné de ce qu’a rapporté M. Yves Daniel et je l’assure que je vais secouer tous les cocotiers qu’il faudra pour que quelqu’un le rappelle, car cette situation est désolante. Nous allons d’ailleurs faire en sorte que chacun d’entre vous reçoive des réponses détaillées aux questions qu’il a posées.

Vous avez aussi évoqué, Monsieur Yves Daniel, le paradoxe très français qui fait que d’aucuns se plaignent de la faiblesse de la couverture et d’autres des nuisances supposées des antennes relais.

De façon plus générale, beaucoup de progrès ont été réalisés au cours de la présente législature et il faut vous en rendre hommage. Ainsi, avez-vous inscrit dans la loi la facilité d’installation en façade que nous demandions pour le déploiement de la fibre. La simplification des procédures est également en cours, telle l’installation dans les entrées d’immeuble d’un pré-équipement pour la fibre, que nous avons longtemps attendue et qui est aujourd’hui une réalité. On ne peut donc pas dire que vous n’avez pas fait votre travail, et, de notre côté, nous allons continuer à faire le nôtre.

Mme Marie-Noëlle Battistel nous a interrogés sur la mutualisation de la 4G entre les quatre opérateurs. Mais une 4G à quatre opérateurs, cela n’existe nulle part au monde ! Les équipements concernés n’étant pas totalement interopérables, il faudrait installer quatre équipements sur une même antenne, ce qui ne serait plus de la mutualisation. Nous œuvrons à cette mutualisation qui serait une première mondiale, mais parfois la technique s’oppose à nous et elle est résistante.

M. Alain Suguenot a évoqué les conventions prescrivant l’utilisation de la fibre optique dans les zones AMII. Pour autant, rien n’interdit de recourir à un mix technologique, avec le FTTH dans certaines zones et l’augmentation du débit dans d’autres. Au demeurant, là où nous nous sommes engagés à installer la fibre, c’est bien la fibre que nous installons ; mais il y a quelque paradoxe à exiger le respect de conventions – auxquelles nous sommes d’ailleurs parfaitement fidèles – tout en suggérant de les modifier au motif que le déploiement est trop long.

Ce type de situation est très difficile pour nous, qui avons besoin de stabilité et de pérennité. En effet, le business plan de la fibre chez Orange s’étend sur trente ans et représente un investissement extrêmement lourd.

Mme Jeanine Dubié nous a interrogés sur l’entretien du réseau utilisant le cuivre. Nous consacrons 500 millions d’euros par an, soit 25 % de plus qu’en 2015, à l’entretien d’une technologie dont on nous dit qu’elle est dépassée mais qui continue d’être la seule totalement distribuée dans le pays. Cela relève d’un paradoxe presque ontologique. Je rappelle à M. André Chassaigne que lorsque l’on a raccordé chaque ferme isolée dans des délais acceptables, le pays était sous le monopole de la direction générale des télécommunications (DGT). Aujourd’hui, nous sommes soumis à des injonctions contradictoires puisque c’est dans le cadre d’un régime d’hyperconcurrence que l’on nous demande d’accomplir une mission d’intérêt général et de servir les intérêts très particuliers de chacun de nos concitoyens.

Monsieur Patrick Lebreton, les chiffres de l’ARCEP montrent un taux de pénétration de la téléphonie mobile de 120 % aux Antilles et en Guyane, et de 103 % à La Réunion. Dans ces marchés, plus de 90 % des téléphones mobiles sont des smartphones, et plus de 80 % des foyers disposent d’une connexion ADSL ou VDSL. Il n’y a donc pas de rupture de couverture entre les départements et territoires d’outre-mer et la métropole, et c’est heureux. Pour autant, nous allons déployer la fibre dans ces régions. C’est d’ailleurs déjà en cours à La Réunion, où il y aura beaucoup de fibre puisque nous y serons en concurrence avec d’autres opérateurs. Cette opération n’est toutefois pas aussi mutualisée et cofinancée qu’en métropole. Nous attendons par ailleurs, les résultats de passations de marchés à la Martinique, où je pense que la cause de la fibre ne manquera pas de progresser.

Des réponses ont déjà été apportées sur la plateforme France mobile.

S’agissant de la mutualisation et de l’entretien, évoqués par M. André Chassaigne, je rappelle que nous mettons en œuvre les conventions d’entretien et d’élagage, qui correspondent à la servitude d’élagage qui existait à l’époque du monopole de la DGT. Nous mettrons en œuvre ce que prescrit la loi.

M. Jean-Paul Rivière. Près de 90 % des questions portaient sur la téléphonie mobile, je serai donc très bref puisque le groupe Altitude ne réalise que des partenariats public-privé sur le très haut débit fixe.

S’agissant de la téléphonie mobile, le diable se cache dans les détails : mes quatre camarades, opérateurs grand public, ont l’impression de très bien faire leur travail tandis que vous éprouvez un sentiment contraire.

Nous connaissons un peu moins de problèmes dans les partenariats public-privé parce que la collectivité concernée est impliquée. Aussi, dans le cadre des délégations de service public, un député ou un président de conseil départemental appelle facilement l’opérateur et, si celui-ci fait bien son travail, les problèmes se règlent plus rapidement. Les choses sont rendues plus difficiles pour la téléphonie mobile, singulièrement parce que les relations sont anonymes.

Les délais prévus au départ pour la couverture numérique totale du territoire m’ont toujours laissé sceptique, et, en 2030, bien des détails resteront à régler. Je confirme toutefois qu’en 2030 ou 2035, le plan France numérique aura été financé de telle façon, dans le cadre des partenariats public-privé, qu’un pour cent seulement de la population ne sera pas éligible au raccordement.

Contrairement à ce qu’avance la Cour des comptes, je ne pense pas que des problèmes de résilience aient été rencontrés, il est toutefois vrai que, dans le domaine du design des réseaux devant servir les entreprises, des progrès demeurent à accomplir.

Mme la présidente, Frédérique Massat. Merci Messieurs. Vous avez pu le constater, l’exercice n’était pas facile. Les exigences exprimées sont fortes, et ce qui vous est revenu aujourd’hui représente la vie des territoires. La réunion portait bien sûr sur les zones non denses, qui sont le cœur du problème. Nous ne nions pas la réalité des investissements réalisés ; nous avons pleinement conscience des efforts engagés ainsi que de l’accompagnement politique qui soutient le processus, il n’en demeure pas moins que l’impatience est grande dans les territoires.

Ces sujets transcendent les clivages politiques, car ils concernent toutes les populations, et les parlementaires continueront de s’en préoccuper. En cas de besoin, nos successeurs, prochainement élus, ne manqueront pas d’adopter les mesures législatives nécessaires, mais pour ce faire, un dialogue fructueux devra être maintenu avec les opérateurs.

Par ailleurs, prendre la population couverte comme unité de mesure du déploiement du réseau n’est pas pertinent, car ce sont des groupes entiers de communes qui connaissent des difficultés, alors que la situation est bien meilleure dans les zones urbaines, même si des exceptions sont recensées jusque dans Paris.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 1er février 2017 à 9 h 30

Présents. – M. Damien Abad, M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. Jean-Claude Bouchet, M. Alain Calmette, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, M. Yves Daniel, Mme Karine Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, M. Laurent Furst, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tétart, M. Fabrice Verdier

Excusés. – M. Bruno Nestor Azerot, M. Denis Baupin, M. Marcel Bonnot, Mme Laure de La Raudière, M. Thierry Lazaro, M. Serge Letchimy, M. Philippe Naillet, M. Dominique Potier, M. Bernard Reynès, M. Thierry Robert, Mme Maina Sage, Mme Catherine Troallic, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. – Mme Isabelle Attard, Mme Fanny Dombre Coste, M. Joël Giraud, M. Patrick Lebreton, M. Paul Molac, M. François Pupponi