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Commission des affaires économiques

Mercredi 22 février 2017

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 49

Présidence de Mme Frédérique Massat, Présidente

– Audition de Mme Cécile Claveirole, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), sur les aspects économiques de l’agroécologie

– Examen du rapport et d’une proposition de résolution européenne sur l’avenir de la politique agricole commune après 2020 (n° 4475) (Mme Karine Daniel, rapporteure) 13

La commission a auditionné Mme Cécile Claveirole, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), sur les aspects économiques de l’agroécologie.

Mme la présidente Frédérique Massat. Mes chers collègues, voici venue la dernière réunion de la commission des affaires économiques – à moins que l’actualité ne nous oblige à nous réunir à nouveau d’ici à la fin de la législature, ce qui serait décidé après consultation du bureau.

Nous commençons par entendre Mme Cécile Claveirole, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui a été la rapporteure d’un travail intitulé « La transition agroécologique : défis et enjeux ». J’ai récemment rencontré, le 17 novembre dernier, le président du CESE, et nous sommes convenus qu’il serait bon de renforcer les liens entre nos institutions. Le sujet de l’agroécologie, sur lequel nous avons beaucoup travaillé au cours de la législature qui s’achève, notamment avec la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, m’a paru particulièrement adapté.

Le mouvement vers l’agroécologie est une tendance de fond des sociétés modernes, de plus en plus soucieuses de mieux produire et de mieux manger. La part de l’alimentation bio a ainsi bondi de 20 % en 2015, et les surfaces cultivées en bio ont progressé de 16 %.

Dans votre rapport, Madame Cécile Claveirole, vous insistez notamment sur le rôle que peut jouer l’agroécologie pour améliorer les conditions de vie et les revenus. En préambule, je voudrais vous poser deux questions : avez-vous pu mesurer l’impact de l’agroécologie sur les revenus des agriculteurs, ainsi que sur la résilience des exploitations ? Les économies d’intrants sont-elles significatives ? L’amélioration de la fertilité des sols est-elle quantifiable économiquement ?

Mme Cécile Claveirole, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Merci beaucoup, Madame la présidente, de m’avoir invitée à présenter devant la commission des affaires économiques cet avis du CESE qui connaît, si j’en juge par le peu d’exemplaires que j’ai pu vous apporter, un franc succès. Il a été adopté le 23 novembre dernier par l’assemblée plénière du Conseil, à une très large majorité ; il reflète donc une position de la société civile.

Nous faisons le constat que trois questions principales sont aujourd’hui posées à l’agriculture.

Tout d’abord, celle de la santé publique, avec des interrogations sur les nutriments présents dans les aliments, sur les pesticides, sur la progression de certaines maladies. Des recherches commencent à établir des corrélations entre santé et nutrition, et nous n’en sommes certainement qu’au début de ce mouvement.

Se pose ensuite la question de l’environnement, que vous connaissez parfaitement : pollution des eaux, raréfaction de la ressource en eau due au changement climatique, perte de biodiversité et de fertilité des sols, cette dernière étant en grande partie liée au manque de matière organique et de carbone dans les sols, ainsi qu’à la perte de diversité des micro-organismes qui en résultent. À ce sujet, d’ailleurs, le CESE a adopté, en mai 2015, un avis sur la bonne gestion des sols agricoles, dont j’avais été la co-rapporteure.

Enfin, il y a une question économique, celle du revenu de tous les acteurs agricoles, qu’ils soient paysans, agriculteurs ou salariés.

Dans ce contexte, l’agroécologie peut apparaître comme une alternative ; elle est à coup sûr vécue par certains comme telle. Elle permet, en effet, une gestion durable des ressources, en faisant notamment diminuer les intrants, donc l’usage des ressources fossiles, mais aussi en permettant de réduire l’émission de gaz à effet de serre et de conserver la fertilité des sols.

De plus, on constate sur les marchés une baisse constante des prix des denrées alimentaires. Or, à l’évidence, plus les prix baissent, plus les revenus des producteurs diminuent.

Aujourd’hui, le revenu de l’agriculture française s’élève à environ 10 milliards d’euros. Le niveau des aides est également de 8 à 10 milliards d’euros. Le chiffre d’affaires tourne, lui, autour de 70 milliards d’euros ; dans sa composition, les revenus diminuent, tandis que les charges et les subventions augmentent. La valeur ajoutée produite par les agriculteurs et les revenus qu’ils tirent de leur activité sont au cœur de nos préoccupations, et c’est à cette aune que nous avons étudié l’agroécologie.

Notre idée est qu’il faut étudier la productivité d’un territoire, et non pas seulement d’un hectare donné. Le raisonnement agroécologique est global, à l’échelle d’un bassin de vie, par exemple.

Il faut admettre que nos connaissances des résultats économiques de l’agroécologie sont aujourd’hui partielles. Depuis quelques années, les études menées ont donné des résultats très probants en ce qui concerne les systèmes herbagers, c’est-à-dire pour la production de lait et de viande – vous trouverez tous les chiffres sur le site du ministère de l’agriculture. Lorsque l’on met les vaches à l’herbe au lieu de les nourrir avec des compléments, le plus souvent importés, la production est légèrement inférieure ; mais, parce que l’on diminue aussi très fortement les intrants, les charges sont bien moins importantes et par conséquent la marge de l’agriculteur augmente fortement – on parle d’une hausse de 40 % à 50 %.

En outre, des recherches françaises ont montré que la qualité du lait est nettement meilleure. Les chercheurs ont constaté que le rapport entre oméga-3 et oméga-6 est inversé, et néfaste pour la santé humaine, lorsque les vaches sont nourries avec du maïs ou du soja. En revanche, lorsque les vaches sont nourries à l’herbe, le rapport est correct et favorable à la santé humaine.

J’ajoute que l’augmentation de la marge sur ce type de production est indépendante des circuits de production – les études n’impliquaient, par exemple, pas de passage vers des circuits courts.

Pour le lait, les réponses scientifiques existent donc. Dans bien d’autres domaines, nous n’avons pas encore de réponses, et de nouvelles études apporteront sans doute bien d’autres résultats.

Je prends l’exemple de la production de pommes. Nous importons des pommes à 40 centimes et nous en exportons à 65 ou 70 centimes, c’est-à-dire des pommes de bien meilleure qualité. Or l’entreprise Blue Whale, qui effectue plus de la moitié des exportations de pommes françaises, souhaite désormais pouvoir vendre des pommes sans résidu – ce qui devient de plus en plus nécessaire pour continuer d’exporter. Mais comment fournir des pommes sans résidu lorsque plus de trente-cinq traitements ont été effectués sur les pommiers ? Des recherches sont donc en cours pour faire évoluer les pratiques de production.

Ce rapport émet différentes préconisations sur la recherche, la formation, l’accompagnement des agriculteurs… Je veux insister ici sur le fait que l’agroécologie n’est pas un concept politique, mais un concept scientifique et technique. Le terme lui-même remonte à 1920.

Pour mettre en œuvre l’agroécologie et faire changer notre agriculture, il faut actionner tous les leviers en même temps : il ne s’agit pas seulement de replanter quelques haies, comme le voudrait une caricature facile, mais d’accompagner les agriculteurs dans la transformation des techniques, en modifiant profondément le conseil qui leur est apporté. Et lorsque l’agroécologie fonctionne sur le terrain, c’est parce que des agriculteurs se sont constitués en groupe, éventuellement avec le soutien de leur chambre d’agriculture, et qu’ils ont décidé d’eux-mêmes de changer, collectivement, leurs façons de faire.

La recherche est également cruciale, mais une recherche expérimentale, très fortement liée aux agriculteurs – qui sont souvent à l’origine des innovations.

Il faut également travailler à une meilleure organisation des filières. L’agroécologie préconise d’augmenter les rotations, c’est-à-dire le nombre de cultures sur cinq ou six ans. Pour cela, il faut trouver le marché vers lequel ces cultures s’écouleront : l’interlocuteur commercial doit disposer non pas d’un seul silo, de blé ou de maïs, mais d’une dizaine de silos différents, pour des pois, des pois chiches, des féveroles…

L’agriculture souffre aujourd’hui de son hyperspécialisation, et notamment de son hyperspécialisation régionale. En effet, les sols ont besoin de matière organique animale. Or, aujourd’hui, des zones entières sont dépourvues d’élevage, et l’on ne peut pas faire faire 400 kilomètres à des tombereaux de fumier… Un rééquilibrage entre cultures et élevage serait donc nécessaire : pas dans chaque ferme, bien entendu, mais à l’échelle d’un territoire. La semaine prochaine seront remis, au salon de l’agriculture, les trophées de l’agroécologie : l’un des lauréats, qui a repris la ferme de son père, qui produisait des céréales, y a installé un atelier laitier. C’est l’inverse de ce que l’on observe en général ! Il y a donc des choses à inventer, et ce sont les agriculteurs qui inventent le mieux.

Il faut également tenir compte du coût des externalités négatives. Le Monde a consacré l’an dernier un article au coût caché des pesticides ; c’était la synthèse, en français, de travaux menés aux États-Unis. Certains chiffres font vraiment froid dans le dos ! Le coût de la dépollution de l’eau comme le coût pour la santé publique sont répercutés sur les consommateurs et les contribuables que nous sommes. Ils doivent être regardés de bien plus près. Un jour ou l’autre, les citoyens exigeront que soit justifié le versement de 10 milliards d’euros pour maintenir des productions agricoles qui ne sont pas toutes vertueuses. C’est pourquoi nous préconisons d’établir une meilleure cohérence de nos politiques publiques, afin que toutes les aides apportées aux agriculteurs aillent dans le même sens : celui d’une meilleure organisation du territoire, d’une agriculture bonne pour l’environnement et pour la santé publique.

Mme Marie-Hélène Fabre. Depuis le début de cette législature, nous avons beaucoup travaillé sur ces questions, notamment lors des débats de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt et de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Nous avons mesuré le besoin d’adapter nos modes de production et fait notre possible pour faciliter la transition agroécologique. Celle-ci nécessite la maîtrise de paramètres de plus en plus nombreux – climat, sol, maladies… Elle impose aussi de nouveaux choix techniques.

Votre avis insiste sur la nécessité d’une prise de conscience générale de la valeur des terres agricoles – celles-ci, vous le rappelez, ont un fort potentiel de stockage du carbone, et constituent un capital vivant. Vous soulignez également que les sols sont une ressource consommée de façon abusive, comme s’ils étaient inépuisables. Comment endiguer ce phénomène et freiner l’artificialisation des sols ?

Le changement climatique se fait déjà sentir, avec par exemple de nouvelles attaques parasitaires en oléiculture, une accentuation de la sécheresse dans les vignobles… L’agroécologie propose un grand nombre d’instruments nouveaux pour relever ce défi, mais ils sont souvent coûteux. Quelle part doit prendre la puissance publique dans le financement de ces nouvelles technologies ?

Vous préconisez une réorientation des aides nationales et européennes afin de favoriser les pratiques agroécologiques ; or les viticulteurs et les agriculteurs s’interrogent sur une telle transformation. Quel en serait le coût ?

S’agissant de la formation, vous dénoncez un blocage et regrettez un manque de formation des agriculteurs. Ne faudrait-il pas élargir cette exigence de formation aux techniciens et plus largement à tous les acteurs du monde agricole ? Quelles sont vos préconisations en la matière ?

En matière de recherche, ne serait-il pas pertinent de réorganiser et de regrouper nos différentes structures ?

Enfin, vous insistez sur le lien essentiel entre les territoires et les productions. Nous qui venons de passer cinq années à défendre les terroirs ne pouvons qu’approuver cette vision. Vous parlez d’une paysannerie à la fois solidaire et innovante. Comment renforcer ces deux aspects ? Quel rôle peuvent jouer les circuits courts ?

M. Daniel Fasquelle. Au nom du groupe Les Républicains, je me réjouis que nous débattions aujourd’hui d’un avis du CESE. C’est trop rare, car il y a là une matière première très intéressante ; les liens entre nos deux institutions devraient être renforcés.

Nous partageons, bien évidemment, les objectifs exprimés ici. Nous souhaitons tous une meilleure rémunération des agriculteurs, et donc une meilleure maîtrise de la plus-value et un meilleur retour vers les agriculteurs des efforts qu’ils consentent. En 2016, un agriculteur sur trois a gagné moins de 354 euros par mois : des solutions doivent être trouvées, ce qui passe par des produits de meilleure qualité, mieux valorisés. Nous ne pouvons également que souhaiter la préservation de l’environnement et de la santé des consommateurs.

Comment concilier votre projet de transition agroécologique avec la vocation exportatrice de l’agriculture française ? Aujourd’hui, la part de la France dans les exportations agricoles et agro-alimentaires mondiales est tombée de 8,3 % à 5 %. Nous décrochons notamment par rapport à des pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas qui ont fait le choix d’un modèle très productiviste, avec des prix très bas. Vous abordez, dans votre rapport, la question de la réforme de la politique agricole commune (PAC), mais aussi des négociations menées au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). La transition agroécologique ne peut, à mon sens, qu’être européenne, et mondiale : si nous y allons seuls, les risques sont grands.

Si nous faisons le choix de l’agroécologie, les agriculteurs seront plus encore qu’aujourd’hui soumis aux aléas climatiques. Ne faudrait-il pas développer de nouveaux outils pour étaler les charges, avoir recours à des mécanismes assurantiels qui n’existent pas encore ?

Vous n’avez pas abordé la question du lien avec l’agriculture bio. Quelles sont les différences entre celle-ci et l’agroécologie ? Comment les faire connaître aux consommateurs ?

Enfin, le code rural et de la pêche maritime mentionne le rôle des sols et l’importance de leur préservation – de façon incantatoire, ce qui est regrettable. Comment, concrètement, l’agroécologie pourrait-elle nous aider à atteindre cet objectif de préservations des sols ? Je pense notamment aux processus d’élaboration d’outils de planification, comme les schémas de cohérence territoriale (SCoT), les plans locaux d’urbanisme (PLU) et, d’une façon générale, tous les documents qui encadrent l’usage des terres agricoles.

Mme Jeanine Dubié. Au nom du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, je commence, Madame la présidente, par vous remercier de la façon dont vous avez organisé nos travaux au cours des dernières années. Merci, aussi, de terminer cette session par un débat de fond.

L’agroécologie est une approche inclusive, qui place l’agriculture au cœur du développement des territoires. Cela suppose une organisation territoriale – à une échelle fine, puisque vous avez même évoqué la notion de bassin de vie – de la chaîne qui va du producteur au consommateur. Cela pose la question de l’articulation entre des pratiques professionnelles, des pratiques de recherche et d’expérimentation, mais aussi des pratiques citoyennes.

La loi d’avenir pour l’agriculture a mis en place de nouveaux outils, notamment les groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE) et les plans alimentaires territoriaux (PAT). Permettent-ils de faciliter la transition vers l’agroécologie ?

À l’heure de la préparation de la réforme de la PAC, cette réflexion que vous nous présentez trouve-t-elle un écho européen ? Peut-elle permettre une réorientation des aides ?

Enfin, je voudrais poser une question plus incisive, voire un peu caricaturale. L’agroécologie doit-elle se substituer à une approche plus productiviste, ou bien ces deux conceptions sont-elles complémentaires ? Au fond, ne s’agit-il pas ici d’un débat de riches ?

M. André Chassaigne. Au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je vous remercie aussi, Madame la présidente, de la façon dont vous avez su mener cette commission, de l’intérêt des thèmes abordés ; nous avons tous eu grand plaisir à participer à cette commission, dans le respect mutuel et la bonne humeur.

Madame Cécile Claveirole, j’ai beaucoup apprécié votre propos, et notamment les résultats très concrets que vous nous avez présentés. Tous ceux qui vivent dans un territoire rural voient bien que ceux qui font le choix de bouleverser leurs pratiques s’en sortent finalement mieux que ceux qui s’enferment dans de vieilles certitudes – la démonstration est même terrible.

L’accompagnement que vous évoquez, par les chambres d’agriculture mais aussi par les centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (CIVAM), est essentiel. Quant à l’enseignement agricole, il évolue ; les équipes enseignantes prennent conscience des nouveaux enjeux. J’ai beaucoup apprécié votre insistance sur la nécessité d’agir collectivement : souvent, le passage à l’agroécologie est au départ une démarche individuelle, mais l’action collective permet un enrichissement mutuel particulièrement fécond.

L’idée d’une approche de la production à l’échelle territoriale est également cruciale. Mme Jeanine Dubié a mentionné les GIEE : disposez-vous d’exemples précis de ces groupements dans le domaine de l’agroécologie, et quels sont leurs résultats ?

On considère souvent qu’en période de crise, quand les prix agricoles sont bas, on utilise moins d’intrants, puisque l’on produit moins. Quand les prix remontent, constate-t-on, à l’inverse, une augmentation de l’utilisation des intrants ? Il me semble que c’est le cas.

Pour terminer, doit-on opposer deux agricultures ? La première serait celle qui produit beaucoup, toujours moins cher, dans une recherche effrénée du profit ; on la dit compétitive à l’échelle mondiale, mais il faudrait en calculer les coûts induits, car elle oblige à importer du matériel, et elle a des coûts sociaux, des coûts environnementaux… La seconde serait exemplaire et suivrait les principes de l’agroécologie, mais elle produirait pour un marché intérieur, ciblé, en utilisant des circuits courts – la grande distribution réalise d’ailleurs de plus en plus souvent des opérations de marketing en utilisant ces clichés. Comment ne pas opposer ces deux modèles mais, au contraire, organiser dans notre pays une production agricole diversifiée, qui ne sanctifie pas l’agroécologie sans être pour autant obsédée par une compétitivité destructrice ?

M. Dominique Potier. Madame la présidente, je veux à mon tour vous féliciter d’avoir inscrit à l’ordre du jour de cette dernière semaine deux fondamentaux de l’économie : l’industrie hier, l’agriculture aujourd’hui. C’est cela qui comptera au XXIe siècle, et non toutes les lubies sur l’ubérisation que l’on entend partout.

Le rapport du CESE que vous nous avez présenté, Madame Cécile Claveirole, est évidemment louable, mais je regrette, comme beaucoup de nos collègues, qu’il ne s’appuie pas suffisamment sur les nombreuses initiatives parlementaires prises au cours de la législature. Certes, nous n’avons pas réussi à bien expliquer notre action, ce qui représente pour nous une vraie souffrance aujourd’hui ; mais tout de même ! Gaspillage alimentaire, plan Écophyto 2, plans alimentaires territoriaux… Vous auriez pu faire l’inventaire des changements intervenus, au cours de cette législature comme des précédentes d’ailleurs. Le CESE aurait pu rendre hommage au travail du Parlement.

Je me permettrai, en retour, de souligner les failles du rapport. Vous ne prenez nulle part en compte une innovation capitale, qui va peser demain et qui a été adoptée à l’unanimité la semaine dernière : les CEPP. Ces certificats d’économie de produits phytosanitaires constitueront un levier moderne, en B2B (Business to Business), de réduction de la phytopharmacie, grâce à l’innovation technologique mise en œuvre par les entreprises elles-mêmes. L’État fixe le cap et certifie les solutions, mais ce sont bien les territoires, les filières et les entreprises qui inventent. Cette dynamique concrète sera bien plus efficace que toutes les incantations que j’ai pu lire par ailleurs.

S’agissant de la PAC, vous ne saluez pas le courage de M. Stéphane Le Foll, qui a su imposer pour la première fois des aides différenciées en fonction de la taille des exploitations. C’est pourtant tout à fait capital.

Vous ne dites rien des perspectives ouvertes aujourd’hui sur le caractère contracyclique des aides ; rien non plus sur une agriculture intégrée qui, entre le label AB (agriculture biologique) et le conventionnel, permettra d’obtenir des résultats en matière de bilan carbone et d’humus, comme de valeur ajoutée et d’emploi, sans s’enfermer dans des contraintes impossibles à respecter.

Vous n’avez pas souligné les incohérences d’une architecture gouvernementale qui organise un conflit structurel entre le ministère de l’environnement et celui de l’agriculture, dont j’ai moi-même été témoin à plusieurs reprises au cours de cette législature. Il est indispensable de cesser de tirer à hue et à dia.

Enfin, je regrette profondément que le rapport passe à côté d’un sujet pourtant essentiel : la politique du foncier – lutte contre l’accaparement des terres, maîtrise du phénomène sociétaire et du travail à façon, qui sont les contournements majeurs de la politique des structures. Sans biodiversité économique, sans liberté d’entreprendre en milieu rural, il n’y aura pas de biodiversité environnementale.

Mme Sophie Rohfritsch. Vous soulignez la lourdeur des contraintes qui pèsent sur les agriculteurs et l’importance de leur permettre de tirer de leur activité un revenu décent. L’agroécologie est déjà pratiquée par de nombreux agriculteurs, notamment dans notre région, l’Alsace. Aujourd’hui même, notre quotidien régional rappelle que 7,2 % de nos agriculteurs sont passés au bio, l’ambition étant d’atteindre 10 % en 2020. Or, si la baisse de rendement et l’augmentation des charges, notamment de personnels, qui résultent de cette transition sont, en principe, compensées par l’État et la région, on constate que ces aides ne sont toujours pas versées pour 2015, que les dossiers pour 2016 ne sont même pas instruits, et nul ne sait ce qui adviendra en 2017. Il y a là un vrai problème. L’Alsace doit, en outre, prendre des mesures pour protéger le grand hamster, espèce en voie de disparition.

Les agriculteurs souffrent donc énormément. La Mutualité sociale agricole (MSA) estime qu’un tiers des agriculteurs aura eu, en 2016, des revenus inférieurs à 354 euros par mois : c’est vous dire que, si votre ambition est partagée par tous et principalement par les acteurs du monde agricole, c’est leur quotidien même qui est en péril aujourd’hui.

Mme Brigitte Allain. Madame la présidente, à mon tour, et au nom des Écologistes, je vous remercie pour votre écoute et pour la manière intelligente avec laquelle vous avez animé cette commission.

La transition agroécologique tient aussi de la transition énergétique, car l’agriculture consiste avant tout à transformer de l’énergie solaire en alimentation.

Madame Cécile Claveirole, vous avez évoqué plusieurs éléments qui plaident pour une évolution rapide vers l’agroécologie : perte de fertilité des sols, problèmes de santé, coûts de dépollution des sols, de l’eau et de l’air, consommation énergétique supérieure à l’énergie produite et faiblesse des revenus agricoles. Ces problèmes entraînent des coûts publics extrêmement importants, pour un résultat plutôt négatif pour les agriculteurs. Il est donc urgent de mettre en œuvre l’agroécologie, qui permet une vision systémique des territoires.

Pensez-vous que les moyens pour développer l’agroécologie sont suffisants pour permettre une évolution rapide ? D’autres types de gouvernances sont nécessaires : par bassin de vie, au niveau de l’État et de l’Europe, entre les citoyens, les élus et la profession agricole. D’autres pratiques agricoles, allant vers des pratiques agronomiques, permettraient de lier la recherche, la formation et le développement. Il faut également une réelle réforme de la PAC en orientant les aides vers les hommes plutôt que les hectares. Enfin, il faut lier l’alimentation à nos territoires et à l’agriculture grâce aux projets alimentaires territoriaux.

Le réchauffement climatique, que vous n’avez pas évoqué, nous rappelle qu’il faut aller très vite. En avons-nous les moyens ?

M. Laurent Furst. Madame la présidente, je vous adresse mes remerciements, ainsi qu’au président Jean-Paul Chanteguet de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Il a été agréable de travailler au sein de ces deux commissions ; loin des passions de l’hémicycle, il est plus facile de faire un travail de réflexion. Malheureusement, nos concitoyens connaissent peu ce travail.

Madame Cécile Claveirole, ce que vous dites est sans doute vrai pour l’arboriculture, le lait, la viande et la viticulture. Dans ces domaines, il existe un lien direct entre le produit et le consommateur. Mais pour les grandes cultures, dont les marchés sont mondiaux, peut-on suivre la même logique ? Ces grandes cultures sont très consommatrices de produits phytosanitaires, existe-t-il des solutions pour elles ?

Près d’un agriculteur sur trois a moins de 354 euros de reste à vivre par mois, ce qui est dramatique compte tenu du travail qu’ils exercent avec passion et sans relâche. J’ai la conviction que le développement des énergies renouvelables peut et doit se faire par le biais du monde agricole. Or les seuls agriculteurs qui investissent aujourd’hui dans les énergies renouvelables – méthanisation, panneaux photovoltaïques ou petit éolien – sont ceux qui en ont les moyens. Ne faudrait-il pas un soutien public pour développer les énergies renouvelables dans les territoires ruraux, et ainsi développer des compléments de revenus qui permettraient aux fermes de France d’évoluer et de se transformer ? N’est-ce pas là le futur de l’agriculture ?

En matière de biologie des sols, avons-nous des éléments nationaux montrant comment évolue la santé des sols ?

Enfin, on évoque souvent la perte de terres agricoles due au développement urbain, au développement économique ou à celui des infrastructures. On parle trop rarement de la déprise agricole qui entre pourtant en plus grande part dans la perte des terres agricoles.

M. Jean-Claude Mathis. En novembre dernier, lors de votre présentation de votre avis sur la transition agroécologique, une de vos principales préconisations était de sortir les produits agricoles du champ de l’OMC, la nourriture ne pouvant faire l’objet de spéculation, selon vous. Quels seront les avantages de la sortie de l’OMC pour l’agroécologie ?

Vous préconisez de réorienter une part des soutiens de la PAC vers une aide alimentaire pour l’achat de denrées agroécologiques en faveur des foyers à faible revenu. Connaissez-vous la position de nos partenaires sur ce sujet ?

Une de vos préconisations dans le domaine de la formation est de faire des lycées agricoles des pôles territoriaux agroécologiques. Selon vous, quels acteurs pourraient contribuer à la création de ces pôles territoriaux au sein des lycées agricoles, et quels pourraient être leurs objectifs ?

M. Antoine Herth. L’un des titres du sommaire de votre rapport, « Orienter les productions vers l’agroécologie », m’a fait réagir : c’est mettre la charrue avant les bœufs. J’aurais mieux compris que vous écriviez : « Orienter les méthodes de production vers l’agroécologie ». Votre formulation traduit une dérive qui consiste à ne plus privilégier l’adéquation de la production au marché et aux attentes des consommateurs, mais simplement le mode de production.

Vous avez parlé du coût caché des pesticides en évoquant la situation aux États-Unis. Si certains marchés de produits alimentaires sont mondialisés, et que la communication se fait à l’échelle planétaire, il n’en va pas de même pour les réglementations sur les produits phytosanitaires. Dans ce domaine, le monde reste très cloisonné. La réglementation aux État-Unis n’a rien à voir avec celle qui est en vigueur en Europe ou en France.

Si l’on demande aux Français si l’on produit des OGM en France, ils répondront majoritairement « oui », car des reportages montrent régulièrement la situation en Inde ou en Amérique du Sud ou du Nord. Mais les choses sont différentes chez nous. L’Assemblée nationale a pris des dispositions lors de la législature précédente, renouvelées lors de cette législature, pour interdire les OGM. Il existe un décalage entre la perception et la réalité. Il faut donc faire très attention aux exemples pris pour appuyer ses démonstrations : en choisissant de mauvais exemples, on affaiblit la démonstration que l’on souhaite faire.

M. Philippe Le Ray. Madame la présidente, je vous remercie à mon tour pour ces cinq années. J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler au sein de cette commission.

Madame Cécile Claveirole, je partage beaucoup de vos recommandations, mais j’ai un certain recul sur ce sujet, ayant été agriculteur moi-même. Il existe toujours un écart important entre les intentions et la réalité.

Parmi vos préconisations, trois points soulèvent des interrogations.

S’agissant de la recherche et de l’innovation, et notamment la recherche de matières actives naturelles, nous devrons trouver des solutions pour régler un certain nombre de problèmes, notamment sanitaires. Plusieurs collègues en ont parlé ici : un volet sur la recherche de produits naturels est indispensable, sinon nous réussirons difficilement cette transition.

Quelle différence faites-vous entre l’agroécologie et l’agriculture écologiquement intensive, revendiquée aujourd’hui par un certain nombre d’agriculteurs ?

S’agissant de la formation, je ne suis pas convaincu que les personnes chargées de l’enseignement soient capables d’y réintégrer le bon sens paysan.

Cette semaine, j’ai rencontré la famille d’un agriculteur qui s’est suicidé. Plus que la surcharge de travail ou les lourdeurs administratives, l’élément déclencheur est souvent un accident de production. Un problème sanitaire, tel qu’une maladie dans le troupeau, peut devenir dramatique. Je suis tout à fait d’accord avec vos orientations pour protéger les sols et la terre, mais il faut être très vigilant aux accidents que peuvent rencontrer les agriculteurs.

M. Yves Daniel. Il y a quelques décennies, on parlait beaucoup de pensée globale et d’action locale. Je pense que c’est encore d’actualité.

L’agroécologie est un mode de pensée globale en ce qu’elle fait le lien entre l’agroalimentaire et la santé – santé de la planète, santé du vivant, santé des humains. C’est la recherche de nouveaux équilibres pour protéger notre système de santé et de sécurité sociale. Elle embrasse de vrais sujets de société. L’agroécologie est également, évidemment, un mode d’action locale, car il y a une cohérence à raisonner à l’échelle de territoires, de bassins de vie ou de consommation. Cela n’empêche pas pour autant d’envisager une agriculture compétitive, mais en prenant en considération de nouveaux indicateurs, autres que financiers.

Il faut arrêter de dire qu’il y a deux modèles d’agriculture ; il n’y a qu’un seul modèle : celui qui doit permettre à l’agriculture d’assurer ses missions de manière globale. Par contre, il y a différents systèmes d’exploitation. L’agroécologie passe d’abord par un vrai travail de fond sur les formations. Il faudra former les enseignants.

Nous n’aurons pas d’agriculture sans paysans, et j’estime que nous ne développons pas suffisamment les ressources humaines. Dans ce nouveau concept sociétal, il faudra préserver le sens du métier d’agriculteur, mieux prendre en compte les hommes. En la matière, les organisations professionnelles agricoles auront un important rôle à jouer.

M. Philippe Armand Martin. La prochaine PAC devra faire avec le Brexit. Quelle que soit la distance que le Royaume-Uni prendra avec la législation européenne, il faudra revoir à vingt-sept certains mécanismes de la PAC, notamment le budget communautaire et les échanges de produits agricoles et alimentaires entre les États membres et le Royaume-Uni.

La contribution britannique au budget de l’Union européenne se situe entre 11 et 12 milliards d’euros, ce qui en fait le quatrième contributeur, après l’Allemagne, la France et l’Italie. Le Royaume-Uni bénéficie de 7 milliards de fonds européens, dont 4 milliards au titre des deux piliers de la PAC. Il est contributeur net au budget de l’Union à hauteur de 4 à 5 milliards d’euros. Comment compenser ce manque ? En demandant aux autres contributeurs de se substituer au Royaume-Uni ? En réduisant le budget communautaire ?

Mme Cécile Claveirole. Merci pour toutes ces questions qui montrent votre intérêt pour ce rapport.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué la formation. Nous recommandons de former les agriculteurs, mais aussi tous les techniciens et conseillers qui travaillent sur l’agriculture. Quand on étudie un dossier d’installation, il est très important d’avoir d’autres critères de lecture. Pour avoir travaillé dans une association départementale pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, je sais qu’il existe différentes grilles de lecture, dont certaines ne sont pas forcément adéquates pour changer de modèle.

La formation des formateurs est également extrêmement importante. J’ai aussi travaillé en lycée agricole, en centre de formation d’apprentis et en centre de formation professionnelle et de promotion agricole. En milieu ou en fin de carrière, certaines choses apprises à l’école sont caduques, et la curiosité ne suffit pas à assurer la formation continue sur tous les sujets. Il faut proposer une formation intensive des formateurs et des professeurs.

Les lycées agricoles doivent être intégrés dans les plans régionaux d’agriculture durable et les projets alimentaires territoriaux. C’est une façon de les mettre autour de la table et de leur donner des moyens que certains ont complètement perdus. Je connais un lycée agricole qui n’a pas les ressources nécessaires pour payer les bus qui permettraient de sortir les élèves. Avec un tel niveau de ressources budgétaires, comment le lycée agricole pourrait-il avoir un projet de territoire à faire valoir ? Il faut leur rendre leur rôle d’exemplarité.

Sur la question de l’artificialisation des terres et du stockage de carbone, je vous renvoie à l’avis du CESE de mai 2015 sur la bonne gestion des terres agricoles, dans lequel nous avions fait des propositions pour lutter contre l’artificialisation des sols et protéger leur fertilité. La question du retour du carbone est cruciale. Dès lors qu’on parle de politique énergétique, il y a un risque de retirer le carbone du sol ; la question est de trouver les bons équilibres. Les chercheurs y ont travaillé et ont obtenu des résultats qui devraient pouvoir être partagés dans des lieux de discussion qui restent à créer ; chacun pourrait ainsi déterminer la part de carbone à restituer au sol et celle qu’il est possible de prélever pour en tirer une ressource énergétique. Quant à l’artificialisation, diverses recommandations figurent dans l’avis de 2015 concernant les SCoT, les PLU, la formation des élus, la valeur agricole ou encore l’inclusion de la valeur agronomique des sols dans les documents d’urbanisme. Les plans locaux d’urbanisme intercommunal permettent d’étudier les dossiers à une échelle plus grande que celle de la commune.

S’agissant de la recherche, nous ne préconisons pas de regrouper les instituts, mais de faire en sorte qu’ils travaillent plus ensemble. Ils le font déjà depuis dix ans : le rapport de l’Agence nationale de la recherche sur l’agroécologie montre le niveau d’interdisciplinarité qui est déjà pratiqué. Il faut continuer en ce sens et développer l’interdisciplinarité entre les chercheurs et les agriculteurs, et expérimenter directement sur le terrain avec les agriculteurs. Le PDG de l’INRA est totalement favorable à une telle évolution. Des chercheurs de Dijon ont mis en place des indicateurs de fertilité des sols avec des groupes d’agriculteurs ; ils apprécient de travailler directement avec eux, car cela leur apprend énormément.

Sur l’OMC et l’Europe, je serai auditionnée le 14 mars par le Comité économique et social européen sur l’avis que je vous présente aujourd’hui, et je m’entretiendrai également avec une personne de la direction générale de l’agriculture. Comme vous le savez, la réflexion sur la PAC 2020 est en cours. Les agricultures au sein de l’Union européenne sont tellement différentes qu’il sera compliqué de créer un outil utile à tout le monde. L’idée est de faire émerger la notion d’agroécologie en la liant à l’alimentation et à l’environnement. Mais nous sommes un pays parmi les autres, et il faut tenir compte de la diversité de l’Europe.

En matière d’exportation, nous devons faire valoir la qualité de nos produits. Comment pourrions-nous être compétitifs sur des produits comme le blé ou le porc, qui peuvent être produits à des coûts très inférieurs dans d’autres parties du monde ? Faut-il nous battre pour rester compétitifs, ce qui n’est pas possible sans abandonner le modèle social auquel nous tenons et notre organisation actuelle ? Réfléchissons plutôt au moyen de nous positionner sur des marchés où la qualité de nos produits serait reconnue – par l’absence de pesticides, pour le respect du bien-être animal ou de l’environnement. Nous avons plus à défendre de cette façon qu’en continuant de nous battre sur les coûts. Les éleveurs de porcs bretons ont fait disparaître ceux du Sud-Ouest quand ils se sont développés, mais ils sont en difficulté à leur tour. Comment continuer de produire à perte ? Sur le marché mondial, d’autres producteurs savent faire moins cher. Pas mieux, moins cher !

Je ne pense pas que les productions agroécologiques soient plus soumises aux aléas climatiques. En diversifiant les productions, la sensibilité aux aléas climatiques est réduite. Quand une production est affectée par une année trop humide ou trop sèche, il est possible de se rattraper sur une autre production. Celui qui place tous ses œufs dans le même panier n’a que ses yeux pour pleurer en cas de mauvaise année, comme ce fut le cas pour les céréales l’an dernier.

L’organisation territoriale doit s’appuyer sur les outils qui existent dans la loi : les plans régionaux d’agriculture durable et les projets alimentaires territoriaux. Le rapport suggère de rapprocher ces programmes, mais il nous a été répondu qu’ils ne recouvraient pas exactement les mêmes choses. Peut-être est-il néanmoins possible de bâtir des ponts.

L’utilisation de pesticides augmente en France. Si une légère baisse a été constatée l’an dernier, c’est après plusieurs années consécutives de hausse. Cela veut dire que la politique menée jusqu’à présent, en dépit de tous les acquis relevés par M. Dominique Potier et dont je prends note, n’offre pas les bons outils.

Pour moi, l’agroécologie va plus loin que l’agriculture écologiquement intensive parce qu’elle se base sur le travail avec la biodiversité environnante. Pour utiliser cette biodiversité, et donc moins recourir aux pesticides ou utiliser des pesticides naturels, nous devons recréer de nouveaux équilibres naturels dans l’environnement de la production agricole. Cela implique de replanter des haies et des arbres là où c’est possible, et parfois de réduire la taille des parcelles. Cette biodiversité vient en aide à la production agricole.

L’agriculture française est une réussite : il fallait produire plus, elle l’a fait. Mais elle se trouve aujourd’hui dans une impasse environnementale, ayant atteint les limites du système. Il faudrait utiliser toujours plus de produits, ce qui joue contre les sols. D’où la nécessité de réfléchir à d’autres modes de production, moins utilisateurs de produits, plus soucieux de la résilience et de la vie des sols pour apporter une nouvelle fertilité. Pour cela, il faut utiliser moins de pesticides. Nous avons le choix entre un cercle vertueux et un cercle destructeur ; choisissons de nous intégrer dans le cercle vertueux !

On constate une meilleure résilience des exploitations qui ont mis en place l’agroécologie, grâce à leur plus grande diversification. Elles sont moins soumises aux aléas climatiques ou économiques.

Pardonnez-moi si je n’ai pas répondu à toutes vos questions ; en tout cas, je vous remercie de toutes vos remarques et commentaires.

Mme la présidente Frédérique Massat. Les parlementaires présents se sont beaucoup investis sur ces sujets, et il nous aurait fallu une autre séance. Or le temps nous est compté en cette fin de mandat. Nous vous remercions beaucoup pour ces échanges, Madame.

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La commission en vient ensuite à l’examen du rapport d’information et de la proposition de résolution européenne sur l’avenir de la politique agricole commune après 2020 (n° 4475) (Mme Karine Daniel, rapporteure).

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous avons décidé, le 25 octobre 2016, de créer un groupe de travail, commun à la commission des affaires économiques et à la commission des affaires européennes, pour réfléchir au futur de la politique agricole commune (PAC) après 2020. Ce groupe avait pour présidente Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes, et pour rapporteurs Mme Karine Daniel et M. Michel Piron. La précédente réforme de la PAC avait déjà donné lieu à la constitution de groupes de travail et de rapports communs, en 2011 et 2013.

Mme Karine Daniel va nous présenter, outre le rapport d’information sur l’avenir de la politique agricole commune après 2020, la proposition de résolution européenne (PPRE) sur le même sujet.

Mme Karine Daniel, rapporteure. Je tiens à remercier ceux d’entre vous qui ont participé aux travaux dont je vous présente les conclusions aujourd’hui, ainsi que ceux qui se sont soumis au calendrier contraignant de nos auditions.

Le rapport d’information, que je ne présenterai pas de manière exhaustive, se divise en trois grandes parties. Une première partie fait le point sur la situation qui résulte de la dernière réforme de la PAC de 2013. Il nous a également paru important de consacrer une partie à l’agriculture européenne et française que nous défendons, ainsi qu’aux outils de politique agricole qui pourraient utilement être mis au service du développement d’un modèle que nous souhaitons durable et respectueux de l’emploi et des conditions de vie des travailleurs du secteur. La troisième partie du rapport détaille nos préconisations afin d’atteindre ces objectifs.

Avant de vous présenter en quelques mots nos recommandations, je vous rappelle le calendrier de la prochaine réforme de la PAC. Initialement annoncée pour 2020, il nous a été confirmé, lors des auditions effectuées à Bruxelles, que les prochaines élections au Parlement européen et le renforcement récent du principe de codécision imposeraient sans doute un délai supplémentaire avant son adoption. Néanmoins, deux échéances vont concerner la PAC à court terme. D’une part, les négociations sur le règlement budgétaire, dit « omnibus », pourraient permettre quelques ajustements à la PAC actuelle. D’autre part, les négociations qui commencent sur le Brexit auront un impact sur le budget de l’Union européenne, et donc sur la PAC.

J’en viens à la proposition de résolution européenne, qui rappelle en premier lieu que la PAC est une politique structurante de l’Union et doit le rester. À ce titre, son budget doit être préservé, y compris après le Brexit.

La PAC est également un élément essentiel de la souveraineté alimentaire européenne ; elle doit aussi être respectueuse de la souveraineté alimentaire des pays partenaires de l’Union. C’est un élément très important qui a des conséquences sur les politiques publiques consacrées à l’agriculture européenne.

Dans cette résolution, nous proposons d’établir un lien entre la politique alimentaire et la politique agricole, et de renommer la PAC en « Politique agricole et alimentaire commune » (PAAC), afin de spécifier qu’il faut repenser de manière plus équilibrée tous les éléments de la chaîne alimentaire et agroalimentaire. Je reviendrai notamment sur les questions de partage et de construction de la valeur ajoutée.

L’adoption du règlement omnibus, si les députés et les instances européennes œuvrent en ce sens, devrait permettre de mobiliser des outils de gestion de crise, des aides contra-cycliques et des filets de sécurité contre les variations trop fortes des prix de marché. Dans les négociations à venir, il importera d’être vigilant et d’évaluer a priori les effets des accords internationaux – notamment le CETA (Accord économique et commercial global, entre l’Union européenne et le Canada) – sur les différentes filières agricoles.

Le cinquième point de la résolution souligne l’attention particulière qui doit être portée au soutien à l’emploi agricole. De nombreuses aides sont aujourd’hui liées aux facteurs de production et fortement découplées. Elles devraient, pour certaines, tenir compte de l’emploi et mieux cibler les agriculteurs actifs, en particulier les plus jeunes.

La résolution réaffirme la nécessité que les producteurs les plus fragiles – les jeunes, ceux aux revenus modestes ou ceux travaillant dans une filière en difficulté – bénéficient de filets de sécurité leur assurant une protection contre les aléas économiques et climatiques.

Elle insiste également sur l’attention qui doit être portée à long terme à la création de valeur ajoutée. La compétitivité est souvent associée à la baisse des prix, donc à celle des coûts, mais il existe une compétitivité hors prix, fondée sur la qualité. L’agriculture européenne doit aussi s’engager dans cette voie, car elle permet de répartir la valeur au sein des filières. À cet égard, si nous souhaitons que les organisations de producteurs soient renforcées, c’est pour qu’elles puissent peser sur les négociations qu’elles mènent avec les industriels et la grande distribution. Je précise que, contrairement à une idée reçue, ce renforcement ne se heurte pas au droit européen – la direction générale de la concurrence que nous avons rencontrée à Bruxelles nous l’a confirmé.

Du point de vue environnemental, nous ne disposons que de peu de données permettant d’évaluer la réforme de la PAC mise en œuvre depuis 2013. Plusieurs éléments tendent cependant à démontrer que l’objectif fixé à l’époque n’a pas été atteint, faute pour les outils adéquats d’avoir été mis en place. Les dispositifs actuels sont perçus comme trop complexes et trop contraignants par les agriculteurs pour qu’ils appréhendent de manière positive la question environnementale. Une révolution s’impose.

La résolution propose, en conséquence, de simplifier les outils liés à l’environnement en retenant des indicateurs simples et synthétiques relatifs, par exemple, au carbone, à la lutte contre le réchauffement climatique ou à la qualité des sols. Ce sont les progrès accomplis par les exploitations dans ces domaines qui constitueraient le levier des politiques agricoles. Les auditions que nous avons menées nous laissent penser que la profession agricole est prête à la construction de tels indicateurs et à la mise en place de leur contrôle.

La résolution encourage le développement des outils innovants pour contribuer à l’essor de l’agriculture et améliorer ses performances économiques et environnementales. Les outils numériques, en particulier, sont très utiles pour réduire les intrants et pour optimiser l’utilisation des ressources. Ces outils innovants sont de nature à renforcer les modèles agricoles mettant en avant la biodiversité ou la durabilité des sols.

En matière de gouvernance, la simplification de la politique agricole est souvent citée comme un objectif prioritaire. Encore faut-il s’entendre sur sa signification. La Commission européenne la considère souvent de son seul point de vue. Pour elle, le passage d’une organisation commune de marchés (OCM) par filières à une OCM unique a sans doute constitué une simplification, mais il n’a en rien amélioré la lisibilité de ces politiques publiques pour les agriculteurs. Ils devraient pourtant être les premiers bénéficiaires de la simplification.

Enfin, la résolution considère qu’il est nécessaire que la prochaine réforme de la PAC fasse l’objet de consultations, et qu’elle soit co-construite avec les États et avec les partenaires.

Je précise, pour terminer, que certains sujets sont absents de la résolution mais sont néanmoins abordés dans le rapport d’information. Il nous semblait, par exemple, contradictoire avec notre volonté de voir se renouveler les générations d’agriculteurs de reparler des prix garantis et des quotas. Fortement liés au poids des investissements ou aux volumes, ils constituent en effet des freins à l’installation des jeunes agriculteurs et dressent des barrières à l’entrée de la profession. Un autre sujet beaucoup discuté est celui des assurances-prix. Dans les systèmes mixtes privé-public parfois envisagés, le second partenaire est souvent amené à réassurer le premier. Ce système ne nous paraît pas opportun : il serait coûteux pour la puissance publique et n’enverrait pas un bon signal à des marchés déjà contraints.

M. Hervé Pellois. Créée par le traité de Rome en 1957, la politique agricole commune est l’une des politiques majeure et fondatrice de l’Union européenne. Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, en 2009, l’agriculture relève du domaine des compétences partagées entre l’Union et les États membres. Ces derniers doivent agir conjointement, et la PAC doit pouvoir s’adapter. Il faut dire que le contexte actuel est particulièrement intense et fluctuant : départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, volatilité des marchés agricoles, chute du taux d’emploi dans le secteur agricole, dérèglement climatique…

La proposition de résolution commence par réaffirmer que la politique agricole commune doit demeurer une politique phare de l’Union européenne et que, à ce titre, son budget – qui représente 39 % du budget de l’Union – doit être préservé.

Elle rappelle ensuite que la PAC doit fournir un soutien et un appui aux exploitations qui créent de l’emploi, et à celles qui sont fragiles. Elle doit également garantir une alimentation saine, de qualité, produite par des démarches durables, protéger les exploitations et sécuriser la production alimentaire européenne. Pour ce faire, la résolution encourage la Commission européenne à promouvoir le développement d’outils technologiques qui associeraient performances économique et environnementale ainsi qu’à valoriser les agriculteurs qui évoluent dans une démarche respectueuse de l’environnement et de la biodiversité.

La PPRE recommande aussi l’adoption d’une réforme qui prévoirait des outils simples et lisibles en matière d’emploi et d’environnement, en s’inscrivant dans une logique de résultats plutôt que de moyens.

Enfin, elle milite pour que les agriculteurs disposent d’un revenu stable, et qu’ils puissent accéder au crédit plus aisément. Les agriculteurs les plus jeunes doivent bénéficier d’un filet de sécurité leur assurant une protection contre les aléas économiques et climatiques.

En tant que support des politiques agricoles étatiques, la PAC constitue toujours un outil directeur de l’Union européenne. Envisageant l’avenir de la politique agricole commune après 2020, la PPRE se place dans l’optique de toujours mieux protéger l’humain et l’environnement ; elle vise à améliorer concrètement les conditions de vie et de travail des agriculteurs.

Je suis très satisfait de la proposition de renommer la PAC en « politique alimentaire et agricole commune ». Cette mention souligne le lien entre producteurs et consommateurs. Elle donne un poids politique plus important à nos agriculteurs, qui ne constituent aujourd’hui qu’un « maillon faible » de la population.

M. Antoine Herth. Ce rapport d’information procède du principe de réalité. Peut-être est-ce l’effet de la crise agricole en cours, il évite, en tout cas, les ornières des raisonnements trop faciles. Qui plus est, le Brexit nous place devant l’ardente obligation de consolider les fondations de l’Union européenne, dont la politique agricole commune est un élément.

Je mesure la difficulté de promouvoir les idées exposées dans le rapport d’information. On voit, avec celle d’une politique alimentaire, qui apparaît comme une évidence aux yeux des Français, combien les us et coutumes en la matière sont divers au sein de l’Union. Il en est de même de l’appréhension des exploitations agricoles, tant du point de vue de la taille et du nombre, que de l’interventionnisme historique de la France pour accompagner l’installation des jeunes agriculteurs, flécher la possession des terres agricoles vers un modèle d’exploitation familiale. Nos partenaires européens n’ont pas une telle tradition, et d’ailleurs l’Union européenne n’a jamais souhaité entrer dans cette discussion.

Madame Karine Daniel, j’admire votre ingéniosité : le concept de résilience permet d’éviter de parler de compétitivité – terme qui fâche sur certains bancs de notre Assemblée –, mais la résilience n’est qu’une facette de la compétitivité, celle de la défense plutôt que de l’attaque. De même, vous soulignez l’importance de l’organisation de l’offre et de la traçabilité. La mise en place de la traçabilité de l’origine des produits animaux constitue l’un des acquis de nos travaux parlementaires. Ce sujet comporte un certain nombre de chausse-trappes : les pays du nord de l’Europe ont une approche diététique et sanitaire de l’alimentation, qui peut s’opposer à d’autres démarches donnant davantage la priorité à la notion de terroir, par exemple dans le sud de l’Europe.

Il faudra tenter de revenir sur la question de l’homologation des produits phytosanitaires. Dans ce domaine, lors de la réforme du règlement européen, la France avait défendu, en vain, la création d’une zone unique pour toute l’Union européenne. À la suite d’un mauvais compromis, l’Europe est aujourd’hui divisée en trois zones pour l’homologation.

Vous avez eu raison d’appeler notre attention sur le fait que la Commission européenne a tendance à simplifier dans le sens qui lui convient. Pour un pays agricole comme la France dont les terroirs et les productions sont extrêmement diversifiés, la simplification reste difficile à mettre en œuvre.

Enfin, je m’interroge sur l’articulation des deux piliers de la PAC. Cette thématique n’est pas abordée, non plus que celle de la place des régions dans la future politique agricole commune. On ne peut imaginer qu’elles n’y jouent pas le rôle qui leur revient.

Vous avez certainement compris que le groupe Les Républicains ne s’opposera pas à la publication du rapport d’information.

M. André Chassaigne. Je regrette de ne pas avoir participé au groupe de travail, mais je ne peux pas être partout – je dis souvent que, tout seul, je ne suis pas assez nombreux. J’ai quand même fait quelques propositions, dont certaines ont été prises en compte, en particulier celles visant à insister sur la nécessité d’une politique alimentaire européenne.

Il est deux domaines, toutefois, dans lesquels il me semble que n’a pas été affirmée avec suffisamment de détermination la nécessité de changer la politique agricole commune en profondeur, faute de quoi celle-ci restera un miroir aux alouettes.

D’une part, il est vraiment dommage que la proposition de résolution ne traite pas de la garantie des prix d’achat aux producteurs et de l’encadrement des marges des opérateurs de l’aval. On nous ressort systématiquement l’argument de l’eurocompatibilité, mais une proposition de résolution est précisément l’occasion d’affirmer avec force que l’Europe doit bouger sur la garantie des prix à la production, car c’est la seule solution pour sortir de la course à la compétitivité dans laquelle nous sommes enfermés. Dans une telle Europe, nous trouverons toujours plus compétitif que nous et la concurrence entre pays mènera l’agriculture à une forme de suicide dans de nombreux territoires. Nous devons être beaucoup plus offensifs sur ces sujets.

Au passage, je me méfie des mots qui ressortent régulièrement. Il y a vingt ans, on mettait le mot « synergie » à toutes les sauces ; celui de « résilience » me paraît un habillage qui permet de cacher beaucoup de choses.

N’est pas abordée, d’autre part, la protection contre les aléas économiques, sanitaires et climatiques sur une base publique. Il n’existe aujourd’hui qu’un filet de sécurité porté par le secteur privé, qui ne répond pas aux besoins actuels. Il n’est d’ailleurs pas accessible à de nombreux agriculteurs. Ce sujet devrait être traité dans la proposition de résolution européenne.

Celle-ci comporte néanmoins de nombreux points positifs, et je la voterai.

Mme Marie-Hélène Fabre. J’ai trouvé, dans les propos liminaires de
Mme la rapporteure, une réponse à mon interrogation sur l’intégration du contrat-socle d’assurance récolte dans le deuxième pilier de la PAC. Je me contenterai, en conséquence, d’insister sur la nécessité de maintenir les outils et les instruments liés aux filières spécifiques, tels qu’ils ont été définis dans le cadre de l’OCM ou dans la PAC 2013. Je pense en particulier à la viticulture.

M. Daniel Fasquelle. Voilà un rapport d’information sur lequel nous pouvons tous nous rejoindre, en effet.

Si l’on ne peut pas rétablir les outils initiaux de la PAC, les nouveaux outils efficaces permettant de préserver notre agriculture, nos agriculteurs et le revenu agricole ne sont toujours pas en place. Il faut que les producteurs éparpillés puissent s’associer pour affronter la puissance d’achat des grandes surfaces. La question de la concurrence sur laquelle vous faites des propositions est majeure. Une véritable évolution du droit français et du droit européen est nécessaire. De nouveaux outils doivent aussi être imaginés pour faire face aux aléas climatiques. Sur de nombreux sujets, il est clair que nous sommes au milieu du gué, entre un ancien système et un nouveau. Or on ne peut pas rester dans cet entre-deux qui broie nos agriculteurs.

Il me semble, par ailleurs, que le rapport d’information ne traite pas suffisamment de l’aménagement du territoire. Nous devons véritablement faire un choix : soit nous produisons la même quantité avec un petit nombre d’agriculteurs à la tête de très grandes exploitations ; soit nous décidons que la politique agricole est aussi une politique d’aménagement du territoire parce que nous souhaitons préserver la présence d’agriculteurs sur tout l’espace européen. N’oublions pas que ces derniers contribuent à embellir et à entretenir nos campagnes. Si nous n’y prenons pas garde, sans soutien suffisant, certaines formes d’exploitation disparaîtront totalement et tout le tissu construit au fil de générations d’agriculteurs sera détruit. La PAC a été une politique d’aménagement du territoire ; si nous voulons qu’elle le reste, il faut l’affirmer avec beaucoup plus de force.

M. Jean-Claude Mathis. Dans le paragraphe intitulé « Des faiblesses déjà identifiées », vous évoquez l’appréhension des agriculteurs confrontés à des bouleversements comme le Brexit, et à l’incertitude budgétaire qui en découle. Quelles mesures sont, selon vous, susceptibles de rassurer ces derniers et de les faire adhérer aux réformes à venir ?

Vous estimez que la PAC est peu lisible et complexe. La réforme issue du traité de Lisbonne a créé une nouvelle géographie des pouvoirs décisionnels de la PAC – elle relève désormais de la codécision. Cette évolution engendre une plus grande flexibilité de la nouvelle PAC, mais également une plus grande complexité liée au cumul de la défense des intérêts nationaux de chacun des États membres. Dans un tel climat, quel peut être l’avenir d’une institution dont le pouvoir est à ce point remis en cause et affaibli ?

M. Yves Daniel. Selon vous, une des premières attentes des agriculteurs serait de pouvoir bénéficier d’un revenu stable et d’une visibilité économique. Mais nous ne demandons – je suis moi-même agriculteur – qu’à vivre de notre métier, en vendant nos produits à des prix correspondant à leur valeur et rémunérant notre travail ! Certaines exploitations dégagent bien des revenus sans bénéficier d’aides PAC. Il me semble que nous devons plutôt nous demander comment nous passer de ces aides, car le rôle de la PAC est d’abord d’assurer la sécurité alimentaire.

La notion de re-territorialisation est essentielle. Elle participe à la compétitivité, en ce qu’elle permet de valoriser notre potentiel agricole afin que nous puissions exporter.

Je suis favorable à l’expression « politique alimentaire et agricole commune ». Elle me semble aller de pair avec la notion d’« exception agriculturelle », qui est de plus en plus mise en avant. Avez-vous eu l’occasion de débattre de ce sujet ?

M. Lionel Tardy. La nouvelle PAC devra répondre à l’enjeu majeur du renouvellement des générations tel qu’il ressort de la pyramide des âges.

En France, 2015 et 2016 ont été deux années compliquées pour les agriculteurs en raison des retards de paiement de l’Agence de services et de paiement (ASP). J’ai alerté à plusieurs reprises le ministre de l’agriculture, M. Stéphane Le Foll, à ce sujet, et mon collègue Antoine Herth a posé une question au Gouvernement sur ce thème hier, dans l’hémicycle. Si les grands enjeux se dessinent au niveau européen, il ne faut pas oublier que les modalités d’applications sont françaises. De ce qui semble être un détail relatif au fonctionnement de l’ASP peuvent résulter de véritables catastrophes pour les agriculteurs. Il faut à tout prix éviter de renouveler ce genre d’expérience.

M. Dominique Potier. Vos travaux nous rassurent quant à la compatibilité avec les règles européennes des dispositions importantes que nous avons votées dans la loi Sapin II concernant les organismes de producteurs. Il s’agit d’une petite révolution par rapport à la dérégulation que constituait la fin des quotas.

S’agissant des aides, une question nous taraude, qui constitue un défi pour la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et les autres syndicats du secteur. Qu’est-ce qu’un agriculteur ? Qui doit toucher des aides ? Qui est actif ? Le non-départ à la retraite et l’abus et le détournement du travail à façon deviennent de véritables défis pour les modèles agricoles que nous voulons défendre. Il faudra que le milieu agricole et le débat législatif répondent à ces questions lors de la prochaine législature.

Madame Karine Daniel, je me félicite que vous ayez repris ma proposition visant à rappeler que la PAC doit assurer la souveraineté alimentaire européenne mais aussi celle des pays tiers. Je pensais, en particulier, aux pays les plus fragiles dont les paysanneries ne sont pas soutenues par la puissance publique et les régulations mises en œuvre en Europe. L’accaparement des terres et les spéculations sur les biens agroalimentaires causent davantage de misère et de violence dans le monde que les guerres elles-mêmes. La nouvelle PAC ne doit pas être prédatrice ; elle doit être coopérante, en Afrique et ailleurs, afin de bâtir des modèles agricoles contribuant à la lutte contre le changement climatique mais aussi à la paix dans le monde.

M. Alain Suguenot. Il faut sortir du dogme de la non-intervention publique en matière d’agriculture, surtout au regard de considérations telles que le Brexit, la territorialité, le développement numérique – ce dernier nécessitant que les « tuyaux » aillent jusque dans nos campagnes, donc une politique d’aménagement du territoire.

L’Union européenne et la PAC vont souvent à contre-courant des autres puissances agricoles mondiales, qui ont toutes renforcé leur politique en faveur de l’agriculture. L’Europe poursuit ainsi sur la voie du découplage des aides, pourtant abandonnée ailleurs ; elle persiste à ne plus aider les agriculteurs lorsque des difficultés se présentent sur le front des prix. Quelles que soient les productions concernées, les États-Unis soutiennent davantage leurs producteurs que l’Europe : le différentiel en la matière est de l’ordre de 30 %. L’Union européenne doit profiter de la prochaine réforme pour adapter la PAC à l’environnement économique, et mettre en place des aides qui pourraient varier en fonction des prix des marchés.

Face au Brexit, nous avons besoin d’un « brick-set », c’est-à-dire des briques qui permettront de reconstruire une Europe, et notamment une Europe agricole digne de ce nom qui protégera nos agriculteurs.

M. Michel Piron. En tant que modeste rapporteur de la proposition de résolution pour la commission des affaires européennes de l’Assemblée, je me permets d’insister sur deux questions.

La traçabilité ne concerne pas seulement la sécurité alimentaire, même si, dans le cadre de la mondialisation, les risques ne sont pas négligeables du tout ; elle peut également aider à y voir un peu plus clair dans la chaîne de répartition de la valeur ajoutée du producteur au distributeur. Cet élément ne doit pas être négligé dans la mesure où Bruxelles se penche enfin aujourd’hui sur la juste répartition de la valeur ajoutée entre producteurs, transformateurs et distributeurs.

Quant au besoin de simplification, il constitue assurément un impératif pour tous les représentants des États membres que nous avons pu entendre à Bruxelles. Nous ne sommes pas seuls à exprimer cette demande : tous nos interlocuteurs ont considéré que les procédures et les exigences en matière d’environnement étaient impraticables. En général, la simplification telle qu’elle est conçue par l’administration, française ou européenne, est un guichet unique qui ne fait qu’additionner en un seul formulaire tous les documents qui existaient préalablement et ne fonctionnaient pas. Mais la véritable simplification, c’est utiliser l’aspirateur et non l’agrafeuse ! Le Parlement européen peut jouer un rôle en la matière, et le Parlement français peut en être le relais.

Mme la rapporteure. Parmi toutes les questions posées, celle du lien qu’entretiennent les agriculteurs avec la politique agricole commune m’apparaît comme la plus fondamentale, et c’est sans doute celle qui est revenue le plus souvent.

Il faut souligner la spécificité du secteur agricole : il est le plus soutenu par l’Europe, pourtant, les agriculteurs sont ceux qui expriment la plus grande défiance vis-à-vis de l’Union. Nous avons entendu des chercheurs en sociologie afin de creuser cette question politique majeure. Bien sûr, il n’y a pas de réponse unique, mais il nous est apparu qu’il est indispensable aujourd’hui de redonner du sens et de la lisibilité à la PAC. Les agriculteurs doivent se sentir partie prenante de la politique menée. Lorsque la PAC a été mise en œuvre, ils ont compris et su relever le défi de l’augmentation de la production ; aujourd’hui, cette lisibilité des objectifs est perdue, et les agriculteurs ne sentent plus combien ni comment nous avons besoin d’eux.

S’agissant de la résilience et de la compétitivité, je n’ai pas l’ambition de forger aujourd’hui un consensus entre nous. Toutefois, il y a un objectif commun à l’une et à l’autre : faire diminuer les intrants. Les exploitations les plus résilientes, et donc potentiellement les plus compétitives à long terme, sont souvent celles qui ont consenti les plus grands efforts sur la réduction des intrants ; ce faisant, elles réduisent ainsi le risque lié au prix des intrants, en grande partie assujetti à celui de l’énergie. Préservation de l’environnement et compétitivité à long terme vont ici de pair.

En ce qui concerne les deux piliers de la PAC, le rapport n’entre pas dans le détail. Au cours des auditions, beaucoup d’idées ont été émises, notamment celle de la création d’un troisième pilier. Mais, lorsque l’on crée de nouveaux objectifs, il y a une propension à créer également de nouveaux outils, de nouvelles cases, de nouveaux budgets… Les critères environnementaux permettant d’allouer les crédits correspondant au premier pilier devront-ils être renforcés ? C’est une question qui n’est pas tranchée. Les deux premiers piliers se rapprocheraient alors, en allant éventuellement vers une fongibilité. On pourrait alors imaginer un budget unifié de la PAC.

Quant à la régionalisation, elle n’est traitée ici qu’en creux. Il nous a surtout paru important de réaffirmer le principe d’unité de la PAC. La politique est commune, les objectifs doivent l’être aussi. Il est logique d’en imaginer une déclinaison régionale ou territoriale, mais nous avons voulu insister sur les enjeux globaux, collectifs – changement climatique, capture du carbone…

Régionalisation et PAC ne s’opposent pas, mais je suis, pour ma part, très vigilante sur les questions de régionalisation et de renationalisation. Prétendre que puisque l’agriculture est diverse, elle doit être entièrement gérée au plus près du terrain, c’est facile ; mais c’est aussi aller vers une casse de la politique agricole commune. Il faut donc tenir un discours équilibré.

S’agissant des prix garantis et de l’encadrement des marges, je plaide plutôt pour une plus grande stabilité des prix. Pour cela, il faut des organisations de producteurs plus puissantes, qui construisent des valeurs ajoutées mieux réparties. L’idée d’encadrement des marges peut paraître intéressante, mais elle est difficile à appliquer.

Je voudrais préciser notre propos concernant les assurances. Les systèmes d’assurance public-privé peuvent, je l’ai dit, être difficiles à mettre en œuvre. Mais nous avons entendu M. Louis-Pascal Mahé, professeur émérite à l’Agrocampus de Rennes, et M. Jean-Christophe Bureau, professeur à AgroParisTech, qui prônent des systèmes assurantiels mutualisés mis en place par les agriculteurs eux-mêmes. Cela me paraît une piste féconde, et cohérente avec la nécessité de renforcer les organisations de producteurs que je mentionnais.

Nous n’oublions évidemment pas les enjeux territoriaux, ni lorsque nous parlons d’emploi, ni lorsque nous parlons d’environnement.

Nous avons lourdement insisté sur le fait que si l’agriculture est soumise aux règles du marché, l’activité agricole présente des spécificités que les politiques publiques doivent prendre en considération. La question a été posée pour la viticulture, mais elle est pertinente pour de nombreux secteurs. Les agriculteurs doivent s’orienter vers une autre construction de la valeur ajoutée, c’est une évidence ; mais il est tout aussi évident que, là où l’agriculture produit des biens publics et des aménités positives, les politiques publiques doivent lui apporter leur soutien. L’équilibre à moyen et à long terme reste à trouver.

La commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de résolution européenne.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE1, CE2, CE5, CE4, CE6 et CE7, tous de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article unique de la proposition de résolution européenne modifié.

En conséquence, la proposition de résolution est adoptée.

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Le dernier point de l’ordre du jour appelle la présentation, par la présidente Frédérique Massat, du rapport d’information sur le bilan des activités de la commission des affaires économiques sous la XIVe législature.

Mme la présidente Frédérique Massat. Le projet de rapport d’information qui vous a été transmis rend compte de la totalité de nos travaux durant la législature. Pour ma part, comme vous le savez, je n’ai assuré la présidence de notre commission que depuis octobre 2015.

D’emblée, je vous annonce que notre commission a battu le record du nombre de réunions de toutes les commissions de l’Assemblée nationale : nous en avons tenu 527 représentant une durée totale de plus de 990 heures. Je vous félicite donc de votre assiduité.

Au cours de notre activité législative, nous avons examiné au fond 43 projets de texte, dont plusieurs grandes lois relatives, respectivement, à la régulation économique outre-mer ; la mobilisation du foncier public en faveur du logement ; la consommation ; l’accès au logement et à un urbanisme rénové (ALUR) ; l’artisanat, le commerce et les très petites entreprises ; l’économie sociale et solidaire ; l’avenir de l’agriculture, l’alimentation et la forêt ; la modernisation, le développement et la protection des territoires de montagne. Nous avons également examiné de nombreuses propositions de loi et de résolution. Tous ces textes illustrent l’étendue du champ de compétence de notre commission : agriculture et pêche ; énergie et industrie ; recherche appliquée et innovation ; consommation, commerce intérieur et extérieur ; postes et communications électroniques ; tourisme ; urbanisme et logement.

Ce tableau serait toutefois incomplet si j’omettais de mentionner nos 22 saisines pour avis, dont certaines nous ont conduits à modifier en profondeur les dispositions initialement prévues dans les textes que nous examinions. Je songe en particulier à la loi habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, ou à la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II ». La commission des affaires économiques a également mené un dialogue soutenu avec d’autres commissions, au travers de travaux transversaux et de missions communes.

Je dois également mentionner les projets de loi ayant fait l’objet d’un examen par des commissions spéciales, auxquelles certains membres de notre commission ont apporté une contribution essentielle, comme la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, ou la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Je tiens à souligner la cohérence qui a caractérisé nos travaux législatifs tout au long de cette législature.

Notre commission s’est, par ailleurs, pleinement saisie des nouvelles compétences accordées par le Règlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques. C’est ainsi que nous avons entendu des membres du Gouvernement à soixante-douze reprises, et procédé à 16 auditions au titre de l’article 13 de la Constitution. Cette procédure participe d’un contrôle réel, et elle a parfois donné lieu à des débats particulièrement animés, mais toujours respectueux et courtois.

La législature qui s’achève a également été marquée par la conduite de travaux très approfondis en matière de contrôle de l’application de la loi : les principaux textes examinés au fond par notre commission ont fait l’objet d’un rapport d’application. C’est la première fois qu’autant de travaux de cette nature sont conduits, ce dont je me félicite. Il s’agit de votre travail. Plusieurs de ces travaux de contrôle ont permis de procéder à une véritable évaluation des dispositions adoptées. Il me paraît essentiel que les conclusions de ces rapports ne restent pas lettre morte : elles doivent permettre de tirer les leçons des réussites et des limites de ce que nous avons adopté, et nourrir ainsi la suite des débats parlementaires. Je ne doute pas que nombre d’entre vous y participeront – cela ne sera pas mon cas, car je ne suis pas candidate aux prochaines élections législatives. Cette activité de contrôle a également pris la forme de missions d’information et de groupes de travail.

À travers l’ensemble de ces travaux s’est manifesté le désir, affirmé sur l’ensemble des bancs de notre commission, de faire prévaloir la qualité du dialogue politique sur les divergences de principe. Sans cette volonté partagée d’avancer ensemble, nous n’aurions pas été, je le crois, en mesure de mener à bien cette œuvre commune. Je souhaite en remercier très sincèrement l’ensemble des commissaires, ainsi que celui qui a présidé nos débats du début de la législature jusqu’en septembre 2015, mon prédécesseur, M. François Brottes. Je suis convaincue que les futurs membres de la commission des affaires économiques sauront recueillir cet héritage et le mettre à profit pour relever les défis qui s’imposeront demain au législateur.

Mes chers collègues, sans être devenus des spécialistes, vous pouvez tout de même revendiquer une expertise acquise à la faveur de nos travaux. Assidus en commission, vous n’êtes pas parmi les premiers à aller commenter l’actualité politique dans la salle des quatre colonnes – ce qui n’est pas l’aspect le plus reluisant de notre activité au sein de cette Assemblée. Vos travaux sont souvent méconnus alors qu’ils constituent le fondement de l’œuvre législative, c’est sur eux que se fonde l’évolution des règles de notre société. Grâce à vous, nous pouvons avancer ; soyez-en remerciés.

Je remercie aussi tous les fonctionnaires : ceux de la commission, des agents aux chefs de secrétariat, ceux du compte rendu à qui nos élans passionnés donnent parfois du fil à retordre. Je remercie également l’ensemble des collaborateurs des groupes, sans qui nos travaux seraient de qualité moindre.

Pour ma part, j’ai éprouvé un très grand plaisir à travailler durant cinq ans à vos côtés au sein de cette commission. J’en garderai un souvenir extraordinaire.

M. Yves Blein. Madame la présidente, nous vous remercions pour le bilan exhaustif que vous nous présentez. Parce qu’on ne peut pas restituer en si peu de temps la qualité du travail de notre commission, vous nous donnez des chiffres nécessairement un peu « secs », mais néanmoins significatifs du temps et de l’énergie que nous avons consacrés aux divers dossiers.

La commission des affaires économiques aborde une multiplicité de sujets, mais de façon un peu cloisonnée, ce qui peut être frustrant. Cela nous empêche parfois de mesurer comment l’économie évolue dans notre monde. J’entendais, ce matin, parler à la télévision de la très forte croissance, en 2016, du nombre d’emplois de cadre créés. Cette simple donnée est la traduction de la reprise de l’investissement des entreprises, qui n’est elle-même possible que lorsque ces dernières retrouvent des marges brutes. Or la restauration des marges brutes des entreprises est sans doute l’un des résultats économiques les plus significatifs de ce quinquennat. Notre commission est au cœur de ces sujets, pourtant elle n’a pas été directement associée aux travaux sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) dont l’objet était précisément la restauration des marges brutes pour son effet sur l’emploi. Sans doute la vie de la société est-elle si complexe que pour traiter les questions au fond, il faut en aborder les différents aspects de manière sectorisée, ce qui peut nuire à une appréciation globale.

Néanmoins, comme le laisse entendre l’inventaire à la Prévert que vous avez fait, Madame la présidente, la multiplicité des sujets sur lesquels de notre commission a compétence nous permet d’appréhender l’économie de notre pays dans sa diversité.

D’un point de vue plus personnel, Madame la présidente, je vous adresse les remerciements sincères et chaleureux des membres du groupe Socialiste, écologiste et républicain de cette commission. Il n’était pas facile de succéder à un parlementaire aussi aguerri et charismatique que M. François Brottes. L’Ariège succédant à l’Isère, deux provinces différentes ont été représentées à la tête de notre commission, mais nos travaux ont été animés avec autant de dextérité et d’intelligence, deux qualités que vous aviez, l’une et l’autre, en partage.

M. Daniel Fasquelle. Avec M. Antoine Herth, qui encadrait les députés du groupe Les Républicains, nous voulons vous adresser nos remerciements sincères. M. François Brottes et vous-même avez su animer cette commission dans le respect des différents groupes, dans l’esprit insufflé par M. Patrick Ollier. J’ai pu constater votre sens de l’écoute lors des réunions du bureau de la commission. Je remercie également les administrateurs et tous les fonctionnaires de la commission. Mes remerciements s’étendent également aux députés de tous les groupes. Nous ne sommes pas toujours d’accord, mais c’est la grandeur de la démocratie que de permettre à des débats de fond de se tenir dans le respect et l’écoute mutuelle. La majorité ne peut bien travailler que si l’opposition s’exprime.

Il est vrai que l’activité législative a été très dense, et les textes se sont parfois bousculés en début de mandat. Notre commission a porté des textes très complets, comme la loi ALUR, la loi sur l’économie sociale et solidaire, la loi sur la consommation, la loi sur l’agriculture. Nous sommes également intervenus sur des textes au périmètre moins large mais néanmoins essentiels, tels que la loi Pinel sur l’urbanisme commercial ou la loi Lamy relative à la politique de la ville. Notre commission a également tenu toute sa place dans les commissions spéciales chargées d’examiner la loi Macron, la loi sur la transition énergétique ou encore la loi sur l’égalité et la citoyenneté.

Nos débats étaient parfois passionnés : nous avions ainsi démarré la législature avec un débat sur la tarification progressive de l’électricité, qui restera pour moi un beau souvenir.

L’opposition a tenu son rôle, avec la volonté de porter la parole des Français qu’elle rencontre sur le terrain, des citoyens comme des entreprises. En quelques années, une évolution s’est produite – y avons-nous contribué ? –, et certains gros mots n’en sont plus aujourd’hui. Nous pouvons parler de « concurrence », d’ « entreprise », de « simplification » de manière partagée, et nous avons fini par dépasser certaines oppositions de principe. Sur certains débats de fond même, il y avait une plus grande affinité entre les membres de notre commission qu’avec les collègues de même sensibilité politique siégeant dans d’autres commissions. Nous avons donc su créer une culture commune, ce qui est rassurant pour la suite.

Vous auriez pu nous adresser ce même reproche s’agissant du quinquennat précédent : en début de législature, nous disons toujours que nous allons simplifier, faire des lois moins bavardes et plus précises ; en fin de mandat, c’est toujours le contraire que nous constatons. Arriverons-nous, un jour, à mettre un terme à cette inflation de textes, pour certains mal rédigés et qui posent des problèmes aux praticiens chargés de les mettre en œuvre ?

Certains des travaux non aboutis de la précédente législature ont été utilisés au cours de celle qui s’achève. Quelques mesures du projet de loi défendu par M. Frédéric Lefebvre sur la consommation ont ainsi été incluses dans la loi Hamon relative à la consommation. J’espère qu’il en sera de même et que nos travaux serviront de base de travail lors du prochain mandat.

Pour finir, je tiens à remercier les collaborateurs du groupe Les Républicains.

Mme Marie-Lou Marcel. Madame la présidente, vous avez présenté une activité de notre commission particulièrement dense : presque 1 000 heures de réunion, et le rythme n’a pas baissé après le départ de M. François Brottes !

Je tiens à témoigner du plaisir que j’ai eu à participer, pendant deux législatures, aux travaux de cette commission. Agriculture, énergie, industrie, entreprises, commerce, artisanat, consommation, concurrence, numérique, tourisme, urbanisme, ce sont toutes ces thématiques qui en font la richesse. Malgré cette diversité, je regrette que notre commission n’ait pas été saisie au fond de certains textes, comme je regrette les délais parfois trop courts qui nous étaient laissés pour examiner des projets de taille.

Je remercie tous les commissaires et les administrateurs, collaborateurs et agents, qui ont contribué à l’ambiance au sein de cette commission. Enfin, je vous remercie, Madame la présidente, d’avoir assuré la suite de M. François Brottes avec brio, ténacité, dynamisme et grande efficacité. Je ne suis pas non plus candidate à ma succession, mais je sais que nous nous reverrons, dans cette Ariège que vous nous avez si bien fait apprécier ou dans mon Aveyron. Merci encore et meilleurs vœux pour votre nouvelle vie !

M. Serge Letchimy. Madame la présidente, vous partagez avec MM. Patrick Ollier et François Brottes le sens du respect et du travail rigoureux. Grâce à M. Patrick Ollier, le rôle des outre-mer dans la biodiversité et l’environnement a été reconnu lors du débat sur le Grenelle de l’environnement. Quant à M. François Brottes, dont la rigueur est unanimement reconnue, il nous a permis de travailler sur une loi très importante à mes yeux pour lutter contre l’habitat indigne. Qu’ils en soient ici remerciés.

Avec vous, Madame la présidente, nous avons offert à l’outre-mer une ouverture considérable, grâce à la diplomatie territoriale économique, qui permet à ces pays de mieux s’insérer dans leur géographie. J’étais également rapporteur du budget des outre-mer, et vous avez bien voulu être ma complice, à chaque fois que la distance m’empêchait d’être présent ici, en prenant en charge les amendements que je portais. Je vous en suis très reconnaissant.

Certains « grognards » ont pu avoir des doutes à voir une femme à la tête de la commission des affaires économiques. Mais vous avez pris la suite de vos prédécesseurs masculins avec intelligence et subtilité. Merci beaucoup.

Mme la présidente. Grand merci à vous tous. Si l’actualité imposait à notre commission de se réunir à nouveau, vous en seriez informés.

La commission autorise également la publication du rapport d’information.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 22 février 2017 à 9 h 40

Présents. – Mme Brigitte Allain, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bies, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Marcel Bonnot, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, Mme Karine Daniel, M. Yves Daniel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Laurent Furst, M. Franck Gilard, M. Georges Ginesta, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Serge Letchimy, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Hervé Pellois, Mme Josette Pons, M. Dominique Potier, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Lionel Tardy, M. Jean-Marie Tétart, Mme Catherine Troallic, M. Fabrice Verdier

Excusés. – M. Damien Abad, M. Bruno Nestor Azerot, M. Denis Baupin, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Laure de La Raudière, M. Thierry Lazaro, Mme Annick Le Loch, M. Yannick Moreau, M. Philippe Naillet, M. Bernard Reynès, M. Thierry Robert, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin

Assistaient également à la réunion. – M. Michel Piron, M. Christophe Premat, Mme Sophie Rohfritsch