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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Comment optimiser les aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins ?

Jeudi 14 février 2013

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 4

Présidence de MM. Olivier Carré et Alain Claeys, présidents

– Table ronde, ouverte à la presse, sur le rôle de l’intercommunalité, avec Mme Jacqueline Descazeaux, directrice de l’habitat de la communauté urbaine de Bordeaux (CUB), et M. Guy Potin, vice-président délégué à l’habitat de Rennes métropole, sur le thème « Comment optimiser les aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins ? »

M. Olivier Carré, Président. Nous accueillons Mme Jacqueline Descazeaux, directrice de l’habitat de la communauté urbaine de Bordeaux, et M. Guy Potin, vice-président délégué à l’habitat de Rennes métropole.

On évoque souvent le problème de la gouvernance en matière d’habitat, notamment pour l’Île-de-France où l’on pense qu’il est une des sources des déséquilibres à l’intérieur de la région et entre la région et le reste de la France. Il sera intéressant d’aborder ce matin l’exemple de deux grandes métropoles régionales.

Mme Jacqueline Descazeaux, directrice de l’habitat de la communauté urbaine de Bordeaux. La problématique de la gouvernance est relativement nouvelle pour la communauté urbaine de Bordeaux. Elle est liée, en effet, à la prise de délégation des aides à la pierre, qui a permis de progresser dans le rapport de la communauté urbaine avec l’État et les autres partenaires. Toutefois, les relations restent largement bipolaires dans la mesure où il n’existe pas d’instance véritablement transversale en matière de politique de l’habitat.

Au niveau des politiques locales, l’intégration résulte du travail en commun réalisé sur les documents de planification : plan local de l’habitat (PLH), plan départemental de l’habitat (PDH), en cours d’élaboration, plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD), plan départemental d’accueil, d’hébergement et d’insertion (PDAHI). Ces documents prennent en compte la politique des différentes institutions ; mais la fédération de ces instances fait défaut, alors qu’elle permettrait de partager, d’intégrer et de réguler les objectifs et leur réalisation.

Un lien pérenne de cette nature est néanmoins en train de se construire : à la demande de l’État, la communauté urbaine de Bordeaux sera associée au groupe de dialogue constitué entre l’État et le conseil général dans le cadre de la mise en place du PDH. La communauté urbaine a également souhaité créer une conférence interinstitutionnelle réunissant l’ensemble des acteurs de l’habitat, au-delà des seules collectivités délégataires des aides à la pierre, afin d’organiser le pilotage des documents de planification.

Plus généralement, il conviendrait de décliner au niveau local les accords que l’État a passés au niveau national, de manière à permettre l’interpénétration entre les niveaux de décision et à assurer le suivi des actions.

M. Guy Potin, vice-président délégué à l’habitat de Rennes métropole. La situation de Rennes métropole est quelque peu différente dans la mesure où la politique de l’habitat est pour nous une pratique ancienne.

La définition des besoins est la première étape de notre démarche. Nous ne nous demandons pas comment utiliser les financements dont nous disposons. Nous observons de façon très précise les évolutions de notre territoire. Une des premières actions de l’intercommunalité a d’ailleurs été de créer un observatoire de l’habitat. Nous nous fondons sur des éléments démographiques, tels que le solde naturel et le solde migratoire, sur des évolutions sociologiques comme l’atomisation des ménages, sur l’état du parc existant et l’avancement de son obsolescence, sur l’évolution du marché naturel de l’immobilier.

Nous analysons ensuite la capacité contributive des ménages sur notre territoire : qui devons-nous loger et quels logements fournir que ne produit pas naturellement le marché, quels sont les écarts entre les besoins et l’offre et comment les combler ? Sur cette base, nous nous employons à produire les logements nécessaires en quantité suffisante mais aussi en proposant une offre suffisamment diversifiée.

En matière de politique de l’habitat, on parle beaucoup du développement de l’offre de logements neufs sans se soucier des effets potentiellement catastrophiques de l’obsolescence de l’offre existante. Dans cette logique, plus on produit, plus on a besoin de produire ! C’est ce que l’on constate dans certaines communes, où la construction de logements neufs inadaptés aux besoins a entraîné une diminution de la démographie.

Après l’analyse des besoins, nous nous donnons des ambitions politiques. En l’occurrence, l’agglomération rennaise se situait au cinquième rang en termes de prix de l’immobilier et un de nos objectifs était de faire baisser les prix et les loyers du marché libre, de manière à parvenir à une production suffisante en volume et en prix. Toute agglomération qui attire des habitants exclut également, puisque la progression démographique entretient la tendance inflationniste du marché de l’immobilier. Il faut donc retenir les jeunes actifs, a fortiori quand les secteurs qui se développent le plus sont les emplois de proximité, faciliter l’accès au logement pour tous, notamment ceux qui en sont le plus éloignés, et apporter dans chaque champ des réponses diversifiées.

Là où il faut du logement social, par exemple, on privilégiera le prêt locatif à usage social (PLUS), le prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) et, s’il en est besoin, le prêt locatif social (PLS), ainsi que des réponses spécifiques pour les étudiants, les jeunes ou les personnes âgées, des formules d’hébergement, des résidences sociales, etc.

Mais, j’y insiste, en l’absence de réhabilitation en continu du parc existant, on est contraint de produire du neuf à des prix élevés tandis que l’ancien, dont les prix restent abordables, tombe en obsolescence.

L’approche systémique du marché de l’habitat que nous privilégions s’inscrit forcément sur le long terme. Or, il y a un hiatus entre cette action de fond, qui a besoin de régularité et de pérennité, et les financements nationaux ayant des répercussions sur la production de logements. La politique nationale de l’habitat n’existe pas. La multiplicité des politiques – soutien au bâtiment, aux ventilations mécaniques, à la production de logements locatifs, à l’accession à la propriété, etc. – se traduit par des injonctions erratiques et parfois contradictoires.

Mme Jacqueline Descazeaux. Nous faisons la même constatation !

M. Guy Potin. En 2005, Rennes métropole a été parmi les tout premiers à devenir délégataires des aides à la pierre. Cette procédure a notamment pour objectif de donner une visibilité sur leurs moyens d’action. Or, si nous avons défini un programme local de l’habitat (PLH) qui n’a pas varié depuis, notre dotation annuelle a varié entre 1,6 million et 7,6 millions d’euros selon les années pour remplir les mêmes objectifs. Comment asseoir une politique dans la durée avec de telles variations ? Sachant que la dotation moyenne est de 4,6 millions d’euros et que notre financement, dans le même champ, s’élève à 26 millions, nous avons un rôle d’amortisseur et de régulateur.

Pour le logement privé, les financements sont non seulement erratiques, mais en perpétuel changement, au point de devenir contradictoires d’une année sur l’autre. Pour les communes et les copropriétés avec lesquelles nous avons contracté dans le cadre d’une politique de long terme, ces modifications incessantes sont difficilement acceptables. Dans le cas de l’accession sociale à la propriété, se sont succédé depuis 2005 : un système où le PTZ (prêt à taux zéro) neuf et ancien et le PSLA (prêt social de location-accession) fonctionnaient en parallèle, un système où le PSLA pouvait être jumelé avec un PTZ, puis le pass foncier « terrain », puis le pass foncier bancaire, puis le pass foncier bancaire jumelé avec un PTZ, avant que l’on n’en revienne aujourd’hui au PSLA… !

M. Michel Piron, rapporteur. Vous décrivez toutes nos souffrances !

M. Guy Potin. Il en va de même des incitations fiscales, très variables et susceptibles de déstabiliser les marchés dans les territoires qui ne maîtrisent pas leur aménagement. Si nous sommes parvenus, pour notre part, à cette maîtrise, c’est que nous nous en sommes donné les moyens.

À ces éléments s’ajoutent l’augmentation des prix de la construction de 85 % en dix ans, les variations des taux de crédit, les variations de la TVA et l’évolution des normes. Le passage de la norme BBC (bâtiment basse consommation) à la norme BEPOS (bâtiment à énergie positive) représente un surcoût à la construction de 400 euros par mètre carré. Dans ces conditions, aujourd’hui, on ne sait pas produire sans l’intervention publique. Ainsi, Rennes consacre non seulement 26 millions d’euros par an au logement social, mais aussi 10 millions à l’accession à la propriété. Avec l’augmentation de la TVA sur les travaux d’entretien et de rénovation des logements de 7 à 10 %, c’est le bouquet final !

M. Alain Claeys, Président. Nous espérons tous que des solutions seront trouvées.

M. Guy Potin. Je l’espère aussi ! Cela étant, nous savons ce que sont les finances de l’État. Si nous avions un vœu à formuler, ce ne serait pas pour obtenir plus de moyens, mais pour avoir plus de lisibilité, de simplicité, de durabilité et de fongibilité.

M. Olivier Carré, président. En somme, vous demandez moins.

M. Guy Potin. Non, mais nous demandons que les règles soient adaptées aux contingences locales. Nous considérons que la TVA à 5,5 %, l’exonération de TFPB (taxe foncière sur les propriétés bâties) et la sanctuarisation de l’APL (aide personnalisée au logement) constituent le socle dur de la solidarité nationale.

Malheureusement, alors que l’État s’apprête à mettre en place une garantie des risques locatifs (GRL) dans le privé, la solidarité dans le parc social est et sera assurée par les seuls locataires : en cas d’impayé du loyer résiduel, le bailleur est tenu de faire une déclaration au bout d’un délai de deux mois ; l’APL est alors suspendue, si bien que lorsqu’elle intervient, l’annulation de la dette porte aussi sur la dette d’APL. Cette aide devrait constituer une GRL minimale pour le logement locatif social ; mais on demande au locataire de pallier la suppression de la solidarité nationale !

Notre revendication d’être autorité organisatrice de l’habitat suppose non seulement le maintien du socle que j’ai évoqué, mais aussi une délégation réelle, et non pas une délégation de prestation de services non payée, qui fixe des objectifs mais ne donne pas les moyens de les atteindre.

Elle suppose aussi une politique menée de façon globale et non pas ligne par ligne : actuellement, nous avons plus d’argent pour améliorer quelques centaines de logements privés que pour produire 1 000 logements locatifs sociaux par an. L’échelon local devrait avoir la capacité de déterminer les priorités et de disposer de lignes qui ne soient pas totalement hermétiques entre elles.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Quelle est l’articulation entre Rennes métropole et les communes qui en sont partie intégrante ? Existe-t-il un PLU intercommunal ?

M. Guy Potin. Nous n’avons pas le statut de communauté urbaine, mais celui de communauté d’agglomération. La compétence de faire restant du domaine communal, nous devons donc faire œuvre de conviction pour partager nos observations, nos analyses et nos objectifs. Nous avons ainsi montré aux communes que le développement démographique important que nous connaissons et la baisse de la production de logements provoquent mécaniquement des effets inflationnistes, lesquels se traduisent par une « spécialisation » territoriale et un vieillissement de la population de la ville centre puis de l’agglomération tout entière, avec, à terme, des fermetures d’écoles et d’équipements communaux.

Après ce travail de conviction, nous déclinons et contractualisons les objectifs commune par commune, tant avec les aménageurs et opérateurs privés et publics qu’avec l’UESL (Union d’économie sociale du logement) et l’ensemble des partenaires de cette politique. Ce que nous élaborons est un « menu » et non une « carte » où chaque municipalité pourrait prendre seulement ce qui lui convient. Si, par exemple, une commune veut accueillir des logements PLS, il faudra aussi qu’elle prévoie des PLAI, l’accueil des gens du voyage...

Depuis le PLH de 2005, les aides que nous apportons sont importantes, notamment pour permettre aux communes de faire de l’aménagement dans un marché où, auparavant, n’importe quel promoteur pouvait acheter n’importe quel terrain, construire n’importe quoi et réussir à revendre. Pour réaliser du logement aidé, par exemple, nous imputons à l’opérateur social une charge foncière administrée et l’agglomération finance la différence par rapport à la charge foncière moyenne. Tout se fait dans un cadre contractuel et partenarial. Les quatre opérateurs principaux sur le territoire – l’office intercommunal, que je préside, l’OPAC départemental et deux sociétés anonymes – ont les mêmes droits, les mêmes subventions et les mêmes obligations en matière de « politique de peuplement », de mise de fonds propres, etc. Nous pratiquons un « interventionnisme négocié ».

M. Michel Piron, rapporteur. S’agissant de la communauté urbaine de Bordeaux, madame Descazeaux, quels remèdes aux déficiences de la gouvernance commune préconiseriez-vous, du côté des collectivités, mais aussi, par manque ou par excès de responsabilités, du côté de l’État ?

Une politique foncière digne de ce nom se conçoit à l’échelle d’au moins vingt ou vingt-cinq ans. Pourriez-vous, monsieur Potin, nous en dire plus sur la capacité d’anticipation foncière de l’agglomération rennaise, qui est une des raisons de l’exemplarité de sa démarche ?

Quelle est, selon vous, la bonne échelle d’un observatoire de l’habitat pour gérer à la fois le long terme et la complémentarité des collectivités ? Saint-Malo et Vitré ne sont pas si loin de Rennes et, pour avoir travaillé sur l’urbanisme commercial, je sais toutes les difficultés qui se posent dans la relation entre la périphérie et le centre. Certains promoteurs qui trouvent plus de rentabilité dans leur activité de promotion que dans leur activité commerciale se livrent à une véritable « course au rond-point ». On constate le même phénomène lorsque l’on observe les implantations de complexes cinématographiques.

Je salue votre action en matière de mixité sociale. Mais qu’en est-il de la mixité fonctionnelle ? La question de la distance entre les services, le lieu d’emploi et le logement est importante.

À côté des mesures erratiques que vous êtes fondés à dénoncer, il est parfois des politiques nationales qui s’inscrivent dans une certaine continuité, quelle que soit la majorité. À cet égard, que pensez-vous du plan stratégique de patrimoine, outil introduit il y a une dizaine d’années et dont nous avons essayé de répandre l’usage chez les bailleurs sociaux ?

Rennes métropole, nous l’avons compris, assure la continuité de l’État en matière d’habitat. Pourriez-vous préciser ce que pourrait être la fongibilité dans le cadre de la délégation globale que vous souhaitez ?

Pour ce qui est des opérateurs et des instances d’observation, quel doit être, selon vous, le rôle du département et de la région ? Le nombre d’opérateurs vous semble-t-il satisfaisant ou considérez-vous que des mutualisations seraient utiles ?

Mme Jacqueline Descazeaux. Nous révisons actuellement notre PLU intercommunal pour y intégrer le PLH et le PDU (plan de déplacements urbains). Le croisement de leurs différentes thématiques permet de prendre en compte systématiquement la mixité fonctionnelle.

La transposition des orientations politiques en matière de logement se fait ensuite à l’échelle territoriale. Nous portons une attention particulière au développement des orientations d’aménagement programmatiques, en fonction de la diversité et des mutations urbaines, en particulier le long des principaux axes de déplacement et des pôles d’activité.

De par son travail avec l’agence d’urbanisme de Bordeaux métropole Aquitaine et grâce aux données de l’observatoire de l’habitat placé auprès de cette agence, la communauté urbaine de Bordeaux dispose de diagnostics très fins qui lui permettent de suivre le PLH et d’adapter ses politiques en tant que de besoin. Régulièrement, des plateformes consacrées à l’habitat réunissent l’ensemble des institutions, dont le département et la région, afin de croiser les données et de constater les évolutions.

M. Michel Piron, rapporteur. À l’échelle régionale également ?

Mme Jacqueline Descazeaux. Oui.

M. Michel Piron, rapporteur. Les villes moyennes prennent-elles leur part dans ces observations ?

Mme Jacqueline Descazeaux. Pas au même degré de finesse. Actuellement, le niveau le plus fin est celui du département. D’où l’intérêt de leur conférence interinstitutionnelle.

M. Michel Piron, rapporteur. Si je pose la question, c’est que de nombreuses villes moyennes situées entre les deux grandes métropoles du Sud-Ouest, Bordeaux et Toulouse, souffrent considérablement.

Mme Jacqueline Descazeaux. Il existe en effet une dichotomie avec les territoires limitrophes. À l’échelle du comité régional de l’habitat (CRH), nous nous heurtons à des difficultés d’analyse en dehors des grandes métropoles. C’est à ce niveau, je crois, que l’État doit jouer son rôle d’aménageur du territoire.

Ce qui manque à la CUB de Bordeaux, c’est la légitimité propre à un établissement public : bien qu’elle se soit emparée de la compétence du PLH et qu’elle participe de manière de plus en plus fine à la politique de l’habitat, elle n’a pas la compétence en matière d’habitat. Toutefois, la délégation nous a permis d’entrer dans le dispositif d’application de la politique locale en assurant la programmation avec les communes.

Le parcours accompli est important. Et l’intégration en cours du PLH dans le PLU représente une nouvelle avancée majeure. Il n’en résulte aucune déperdition dans les politiques. Je peux même témoigner du bénéfice que cela représente en matière d’application de la politique de la communauté urbaine.

M. Guy Potin. Rennes agglomération a prolongé et étendu la politique d’anticipation foncière qu’Henri Fréville avait menée pour la ville centre. Ce travail se conjugue avec la maîtrise et l’organisation de l’aménagement.

Quant au PLU, il est intercommunal sans l’être. Ce n’est pas un PLUI, mais tous les PLU doivent être compatibles avec le PLH. À ce propos, la transformation du PLUI en PLH, dont il est parfois question, constituerait une régression considérable dans la mesure où le PLH recouvre de nombreux autres sujets : politique de réhabilitation, politique d’attribution, etc.

M. Michel Piron, rapporteur. J’ai été sensible, à un moment donné, à l’idée d’une fusion entre le PLU et le PLH en raison du caractère extrêmement vague de certains PLH. Il en va tout autrement lorsqu’il s’agit d’un véritable PLH.

M. Guy Potin. Pour illustrer son impact : la loi Besson, qui faisait obligation de prévoir dans les POS des terrains d’accueil pour les gens du voyage, n’a guère eu d’effet ; notre PLH comporte une telle obligation et ce n’est pas une disposition « à la carte » : sa réalisation doit être effective et le terrain doit être décent. En cela, le PLH est un outil social et complet.

Si, dans notre pratique, l’observation se fait à l’échelle de l’aire urbaine, nous avons rejoint de façon volontariste un dispositif « inter-observatoires » regroupant les quinze délégataires assurant 98 % de la production de logements sociaux dans la région, le « club décentralisation et habitat Bretagne ». Nous y menons des réflexions avec la région, les départements, les opérateurs, la Caisse des dépôts, etc.

M. Michel Piron, rapporteur. Qui en assure la coordination ?

M. Guy Potin. Il s’agit pour l’instant d’un club dont le secrétariat est assuré par l’association régionale des organismes HLM (AROHLM).

Il doit être clair que la concertation qui s’y déroule n’est pas forcément à l’avantage de Rennes métropole. Si, par exemple, le 1 % logement n’était pas canalisé, il serait investi massivement à Rennes. Il me semble préférable de laisser l’État décider de l’orienter vers les zones tendues.

Le 18 mars, le club des délégataires et l’AROHLM organiseront avec la région et les députés et sénateurs de Bretagne une réflexion sur la décentralisation et l’habitat dans la perspective du prochain projet de loi sur le logement, en insistant bien entendu sur la mixité fonctionnelle et sur la gestion du parc ancien. Il faut notamment que les plans stratégiques de patrimoines (PSP) deviennent obligatoires. Nous avons durci nos exigences à ce sujet, demandant un état exhaustif du parc au regard des questions d’accessibilité que posera le vieillissement de la population, de la consommation d’énergie et de l’attractivité. Notre intervention financière en matière de réhabilitation dépend de cette triple approche.

S’agissant de la fongibilité, notre parc n’est pas le même partout et il présente des caractéristiques – l’insalubrité technique, par exemple – qui n’entrent dans aucune catégorie. De plus, lorsque les crédits prévus sur une ligne ne sont pas consommés – lorsqu’une copropriété dont nous faisons partie ne vote pas une décision, par exemple –, pourquoi ne pas les utiliser pour réaliser plus de logements sociaux, quitte à rééquilibrer la répartition des ressources l’année d’après ?

J’en viens à votre question sur le nombre pertinent d’opérateurs. En tant que président de l’office public de l’habitat de Rennes métropole, j’estime qu’il faut plusieurs opérateurs, mais qu’il n’en faut pas trop. Disposant de quatre opérateurs principaux, nous pouvons contractualiser plusieurs politiques selon les fonds propres engagés.

M. Michel Piron, rapporteur. Hors Rennes métropole, combien d’organismes l’Ille-et-Vilaine compte-t-elle ?

M. Guy Potin. Il y en a quatre ou cinq de plus. Je n’ai pas à me prononcer sur leur taille. Il n’existe pas de réponse universelle, même si certains opérateurs sont manifestement sous-dimensionnés. C’est un élément à intégrer dans un éventuel réexamen des différents échelons de gouvernance.

Pour en revenir à la coordination régionale, les délégataires souhaitent être tenants de l’autorité organisatrice de l’habitat – au niveau de l’intercommunalité, en l’occurrence, mais cela peut être au niveau du département, voire de la région – en lien direct avec l’État. Nous ne voulons pas d’un mariage à trois avec la région. Bien entendu, celle-ci doit être partie prenante de l’observation et de la concertation ; son avis est important – actuellement, les PLH sont approuvés par le CRH – ; mais les politiques relèvent d’un contrat passé directement entre l’État et une autorité organisatrice.

M. Michel Piron, rapporteur. Ne pourrait-on pourtant imaginer un schéma « girondin » dans lequel l’État délègue sa compétence aux régions, comme cela se fait en Allemagne ou en Italie ?

M. Olivier Carré, président. « Délègue » ou « transfère » ?

M. Michel Piron, rapporteur. Les deux. L’État peut garder un socle de compétences en matière de mixité sociale, d’aide à la personne, etc., mais en transférant ses moyens à la région, qui deviendrait l’interlocuteur des autorités organisatrices. Cela vous paraît-il choquant ?

M. Guy Potin. Choquant, non, mais peu réaliste.

M. Michel Piron, rapporteur. Je suis en effet dans l’utopie d’un État décentralisé !

M. Guy Potin. Mon point de vue est pragmatique : je crains que l’adoption d’un tel dispositif ne nous fasse régresser de vingt ans, le temps que les régions acquièrent la culture qui découle, en ce qui nous concerne, de trente ou quarante années de pratique. Il faut, à l’échelon local, un État fort qui soit capable de contractualiser ; et pas de dualité, comme cela se produit parfois, entre le préfet de région – ou la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) qui gère les enveloppes - et les services départementaux.

M. Michel Piron, rapporteur. Un « État régional », en somme. Nous sommes d’accord.

M. Guy Potin. Il faut en revanche redonner un rôle important au CRH. En Bretagne, il donne lieu à des discussions franches ; c’est tout le contraire d’une grand-messe !

M. Olivier Carré, président. Vous considérez donc que, pour être opérationnel, il ne peut y avoir qu’un seul échelon territorial : le département s’il est délégataire, la métropole si elle est délégataire, etc. Pour ce qui est, en revanche, de la vision de l’État en matière d’habitat, l’échelon régional est sans doute pertinent. Ce qu’il faut éviter, c’est une rivalité dans la maîtrise d’ouvrage de la politique fixée.

M. Michel Piron, rapporteur. Il faut en effet distinguer le plan organisationnel et le plan opérationnel. Je pense comme vous que l’échelon régional d’État est pertinent pour l’ingénierie organisationnelle. Il s’agirait là, somme toute, d’un État déconcentré apportant des réponses aux collectivités territoriales dans le cadre d’une décentralisation assumée.

Les villes moyennes, j’y reviens, sont essentielles au maillage territorial. M. Potin l’a bien souligné : si l’on n’intervient pas, tous les moyens risquent de se concentrer sur les métropoles. Il faut bien que ce problème d’équilibre en termes d’occupation de l’espace et d’emploi fasse l’objet d’arbitrages à une échelle plus grande.

M. Guy Potin. Bien sûr : un échelon régional de concertation, d’échange et d’observation est nécessaire. Cela étant, s’il convient de redonner un vrai rôle au CRH, lui donner compétence en matière d’agrément rendrait les choses ingérables. Le comité donne un avis ; mais l’État, en dernier ressort, doit conserver la possibilité de décider.

M. Christophe Caresche, rapporteur. En d’autres termes, la région n’a pas d’autorité hiérarchique.

M. Guy Potin. Concernant maintenant l’efficience des aides, j’estime d’expérience qu’il faut choisir entre résoudre les problèmes de fond et privilégier l’excellence sur quelques produits. En matière d’efficacité énergétique, on est en train de dépenser des sommes considérables pour passer d’une consommation presque nulle à une consommation nulle.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Et en matière de handicap ?

M. Guy Potin. Les 26 millions d’euros que nous dépensons annuellement sont destinés à faire plus et moins cher. Nous nous efforçons de produire en fonction des besoins des ménages, et de leur capacité réelle, si bien que nous ne laissons pas les organismes d’HLM atteindre les plafonds autorisés. C’est regrettable que l’on ne puisse le faire ; mais ce serait aussi regrettable que l’on fasse payer à tous les locataires 6 mètres carrés supplémentaires pour des espaces dans leur salle de bains ou dans les couloirs dont ils n’ont pas besoin.

En matière de consommation énergétique, on estime à 400 euros par mètre carré le coût du passage de BBC à BEPOS, même si l’on sait qu’aucune de ces normes ne sera jamais atteinte. D’autant que dans le même temps, Cerqual, notre certificateur, met en place un observatoire des moisissures ! Ce qui résulte de la course aux normes, ce sont des pathologies touchant à la fois les bâtiments et les habitants ! Ces sommes seraient bien mieux employées à faire passer la consommation annuelle du parc existant de 250 à 80 kWh par mètre carré.

M. Michel Piron, rapporteur. Si vous pouviez nous communiquer les chiffres des surcoûts que représentent pour vous ces différentes normes, cela nous serait très utile.

Mme Jacqueline Descazeaux. Lors du CRH qui s’est tenu cette semaine, les délégataires ont prévu de travailler en commun sur ces aspects. Il semble en effet préférable de travailler à la limitation des coûts plutôt que de rechercher de nouveaux financements qui, de toute façon, n’existent pas. L’empilement des normes est une contrainte considérable, étant entendu que nous sommes nous-mêmes producteurs de normes.

M. Jean-Marie Sépulchre, conseiller maître à la Cour des comptes. Il est difficile de déterminer le périmètre pertinent des communautés d’agglomération. Les exemples des grandes métropoles régionales ne sont pas transposables dans des zones les plus tendues comme la région Île-de-France.

Quels sont les moyens de l’« interventionnisme négocié » évoqué par M. Potin ? Si j’entends bien, une collectivité qui refuserait de s’inscrire dans le plan d’habitat de Rennes métropole n’aurait droit à aucune aide ?

M. Guy Potin. En effet. C’est ce qui est arrivé à l’une des trente-sept communes, qui avait voté le PLH mais pas son application territoriale.

Pour ce qui est du périmètre pertinent, j’aurais répondu, il y a quelques années, qu’il faut que la communauté d’agglomération représente une certaine masse. Mais d’autres communautés d’agglomération et communautés de communes en Bretagne ont pris la délégation en matière d’habitat et s’en sortent très bien. C’est surtout une question de volontarisme politique. Les difficultés tiennent à l’inadéquation entre le périmètre de l’établissement public existant et l’aire du bassin d’habitat. Mais, comme le dit un vieux proverbe breton, « il faut faire la procession avec les saints que l’on a » !

M. Olivier Carré, président. Merci à tous.