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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Comment optimiser les aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins ?

Jeudi 21 février 2013

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Olivier Carré, président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Van de Maele, président du directoire de l’Union des Entreprises et des Salariés pour le Logement, et de M. Hervé Capdevielle, vice-président en charge du logement, sur le thème « Comment optimiser les aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins ? »

M. Olivier Carré, président. Il s’agit de la troisième matinée d’auditions sur l’optimisation des aides à la construction de logements sociaux. J’ai le plaisir d’accueillir M. Philippe Van de Maele, président du directoire de l’UESL - la tête du réseau du 1 % logement ou Action logement -, et M. Hervé Capdevielle, qui en est le vice-président en charge du logement. Messieurs, comme d’habitude, les rapporteurs et les députés vous poseront des questions à l’issue de vos propos liminaires. Tout ce travail se fait sous l’oreille attentive de la Cour des comptes qui a la liberté de poser toutes les questions sur ce sujet.

M. Hervé Capdevielle, vice-président de l’UESL en charge du logement. Le 1 % logement est l’actionnaire de référence de 117 sociétés HLM dont la gouvernance relève des partenaires sociaux et du mouvement. Elles représentent environ 800 000 logements.

Notre premier constat est une augmentation très sensible, ces dernières années, des mises en fonds propres des sociétés dans la programmation des constructions de logements. Les subventions par logement, qu’elles émanent de l’État, des collectivités locales ou des EPCI, chutent. Nous devons donc accroître l’effort en fonds propres. Il y a une dizaine d’années, cette mise en fonds propres était de l’ordre de 5 % par programme ; aujourd’hui elle est plutôt de 12 à 15 % en moyenne. Cet effort des sociétés HLM, nécessaire à l’équilibre des opérations, nous impose de limiter le nombre de programmes dans lesquels nous nous engageons.

S’ajoutent les contraintes nouvelles en matière d’équipement des logements résultant de la réglementation sur le handicap, ainsi que les normes « Haute qualité environnementale » qui ont été renforcées depuis 2012 par rapport à la norme de 2005. Ceci est bien sûr souhaitable pour le confort des locataires, mais il en résulte surcoût pour les opérateurs.

Tous ces efforts obligent à limiter le nombre de logements qui seront construits, puisqu’on parle à périmètre de fonds propres constant. L’effort fourni par le Mouvement est cependant très significatif pour les années 2013, 2014 et 2015 : nous avons signé avec l’État une lettre d’engagements mutuels par laquelle nous nous engageons à apporter 1,5 milliard d’euros par an pour le logement social, soit 950 millions en équivalent-subventions. En doublant ainsi notre effort en faveur de la production de logements sociaux, nous apportons en équivalent-subventions le double du montant des aides à la pierre. Mais ceci ne sera tenable que si nous trouvons un accord sur l’emprunt qui est en cours de discussion et qui fait partie de la lettre d’engagements mutuels. Nous nous sommes engagés à emprunter auprès de la Caisse des dépôts et consignations, 1 milliard d’euros par an pendant trois ans, sous réserve que notre modèle économique « soit jugé soutenable. Or, à ce jour, nous ne sommes pas encore arrivés à un accord sur ce point. Notre effort est sous condition de l’obtention de ce prêt !

M. Philippe Van de Maele, président du directoire de l’UESL. Il y a, en effet sur les trois prochaines années, un effort très important des partenaires sociaux vis-à-vis du monde HLM, qui permet d’apporter en équivalent-subventions de quoi poursuivre la logique de financement du logement social historique – avec, des choix de leur part, comme celui de privilégier les bassins d’emplois prioritaires.

En effet, il convient de rappeler que l’essence même de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) est d’aider au logement des salariés avec la nécessaire prise en compte des questions de l’accès à l’emploi et de la mobilité professionnelle comme cela a été rappelé par l’accord interprofessionnel du mois de janvier. Une étude récente du CREDOC a montré que, sur 3 ans, 500 000 emplois ont été refusés par les candidats retenus en raison de l’impossibilité d’accéder à un logement compatible avec leurs ressources. Ce problème d’accès au logement, lié à l’accès à l’emploi, est un enjeu de plus en plus important pour les entreprises et pour l’économie nationale.

L’autre sujet, de plus long terme, sur lequel je souhaite intervenir porte sur le fait qu’en 2016, l’effort spécifique des partenaires sociaux qui permet de maintenir un taux de subvention important, s’arrêtera. En effet, l’effort total fourni par les partenaires sociaux en faveur du logement en général, qui était en 2007 de l’ordre de 4,2 milliards d’euros, du fait des ponctions successives de l’État depuis cette date, ne sera plus que de 2,5 milliards d’euros en 2016. En 7 ans, le financement du logement aura perdu près d’1,7 milliard d’euros par an. D’où l’importance de parvenir à un accord avec l’État sur la soutenabilité du projet - indépendamment du fait que cela garantit le remboursement de notre emprunt.

La question du financement du logement, et du logement social en particulier, à partir de 2016 suscite beaucoup d’inquiétude car le niveau de subventions de tous les partenaires publics diminuera : l’augmentation des aides à la pierre par l’État n’est pas à l’ordre du jour dans les prochaines années ; les collectivités locales vont également se trouver en situation de financement tendu ; le Mouvement Action Logement ne pourra plus se permettre de subventionner le logement social. Cela conduira les bailleurs HLM à repenser leur modèle et à faire appel à des fonds propres plus importants. Actuellement, les prêts de la Caisse des dépôts et consignations couvrent en moyenne 70 % des coûts de construction, le reste provenant de fonds propres (12 à 15 %) et de subventions (15 à 20 %). En 2016, il faudra uniquement compter sur les fonds propres. Il y a donc une réflexion à mener sur le financement du logement social à cet horizon.

L’apport en fonds propres est de trois ordres : l’autofinancement des sociétés (certaines dégagent assez de résultats pour pouvoir produire), l’apport en fonds propres des actionnaires ou des collectivités locales de référence des bailleurs sociaux – partie qui reste limitée – et des résultats exceptionnels liés à des ventes de logements sociaux, notamment aux habitants. Ces dernières ne représentent cependant que 8 000 logements par an et devraient diminuer en raison de l’augmentation des quotas de logements sociaux à 25 % qui conduit à ce que les collectivités locales soient moins portées à donner leur accord à leur vente.

L’année 2016 constitue donc un enjeu très fort pour le logement social ; or définir une vision nouvelle nécessite du temps et de la réflexion.

Quant à la question de l’optimisation des aides, les bassins d’emploi prioritaires que les partenaires sociaux souhaitent privilégier, rejoignent les zones tendues où le logement est le plus cher en raison du poids du foncier. Le foncier est donc l’un des enjeux les plus importants à venir pour le logement.

M. Christophe Caresche, rapporteur. D’abord, d’après ce que je comprends, il y a peu d’avancées dans vos relations avec l’État. Où se situent les blocages, quels sont les éléments de la discussion et les perspectives en termes de calendrier. Je comprends que les allers-retours, les changements ne sont pas propices à une action de long terme mais ce serait quand même bien que l’on parvienne à un accord assez rapidement, notamment sur la question de l’emprunt.

Par ailleurs, vous faites référence aux bassins d’emploi prioritaires : pourriez-vous nous communiquer la répartition géographique de vos financements ?

M. Hervé Capdevielle. Partageant l’objectif de production de 150 000 logements sociaux annuels, nous nous sommes engagés à contracter un emprunt annuel d’1 milliard d’euros pendant trois ans. Mais cet emprunt est conditionné à la soutenabilité de notre modèle économique. Aujourd’hui, d’après la lettre d’engagements mutuels, la ponction de l’État sur les ressources d’Action logement serait de 1,2 milliard d’euros pour les trois années à venir, alors que la collecte de la PEEC s’élève à 1,6 milliard d’euros. Ainsi, 75 % de cette collecte serait ponctionnée par l’État, à hauteur de 800 millions d’euros minimum pour l’ANRU et de 400 millions d’euros maximum pour le FNAL. Les partenaires sociaux sont prêts à emprunter sur les fonds d’épargne, comme le prévoit la lettre d’engagements, mais il leur faut l’assurance que leurs ressources permettent de rembourser l’emprunt. Très clairement, on ne pourra pas s’engager s’il n’y a pas cette réserve-là.

M. Olivier Carré, président. Quel sera l’emploi de l’emprunt ? Le financement de subventions ?

M. Hervé Capdevielle. Il est à destination du logement social. En équivalent-subventions, notre effort sera doublé : de 500 millions d’euros en 2012, l’effort annuel sera porté à 1,5 milliard d’euros, soit 950 millions d’euros en équivalent-subventions, au travers d’une bonification des prêts de la Caisse des dépôts et consignations à destination des opérateurs et de subventions que nous apportons.

À ce jour, les conditions de cet emprunt ne sont pas arrêtées. L’idée première est de fournir, en trois ans, l’effort que nous aurions déployé en un peu plus de quatre années : nous raccourcissons les délais pour intervenir rapidement dans un moment difficile pour le pays puisque la production de logement est en chute libre alors que les entreprises ont besoin que leurs salariés aient des solutions en termes de logement. Pour accompagner cette politique de production de logements, en lien avec les bassins d’emploi, nous avons proposé d’emprunter, mais à la condition qu’au terme des trois années, on nous ait laissé les ressources suffisantes pour pouvoir rembourser.

L’accord national interprofessionnel, signé par la totalité des organisations d’employeurs et de salariés – ce qui est assez rare pour être souligné –, prévoit de demander à l'État de revenir à un maximum de 500 millions d’euros de prélèvements annuels sur les fonds de la PEEC. La question porte donc sur le retour à l’objectif de 500 millions annuels à partir de 2016. Il nous faut un modèle soutenable pour pouvoir nous engager dans l’emprunt. À ce jour, de multiples conditions sont posées de toutes parts ; et je ne sais même pas à quel taux nous allons pouvoir emprunter, ni sur quelle durée.

M. Olivier Carré, président. La MEC a entendu le responsable des fonds d’épargne dire que la Caisse des dépôts et consignations ne faisait plus un dogme de l’équilibre des opérations et que des déséquilibres pourraient être tolérés dès lors que l’opération semble soutenable au regard de la situation globale de l’organisme. La caisse trouve même qu’on n’emprunte pas assez, par opération, auprès des fonds d’épargne. Or, si la ressource que vous apportez vient de la même origine, c'est-à-dire d’un emprunt auprès des fonds d’épargne, à des taux qui sont subordonnés, l’opération n’est pas mieux équilibrée. Ou alors c’est vous qui portez un déséquilibre, déséquilibre qui est financé par les ressources futures issues des cotisations des employeurs. C’est donc une forme de « cavalerie » sur des recettes à venir – en supposant que l’environnement institutionnel et économique reste constant. Sans être insoutenables, il s’agit de sommes importantes qui peuvent vous mettre en difficulté.

M. Philippe Van de Maele. Très clairement, l’idée de départ est de proposer un emprunt contre une réduction de la participation aux politiques publiques, c'est-à-dire de la ponction de l’Etat. L’État a accepté, mais dans trois ans.

Ce milliard d’euros empruntés s’ajouterait aux 500 millions d’euros mobilisés sur les ressources du Mouvement en faveur du logement social. Sous réserve de l’accord définitif de l’État, cette somme devrait se décomposer en 600 millions d’euros de subventions à des projets, et 900 millions d’euros de prêts bonifiés à des taux de l’ordre de 0,5 à 1 % - c’est-à-dire inférieurs à ceux accordés par la Caisse des dépôts et consignations aux bailleurs sociaux. C’est le Mouvement qui bonifie. Il y aurait donc un effet équivalent-subventions pour la partie « prêt » d’environ 350 millions d’euros.

M. Olivier Carré, président. Vous faites donc jouer un effet de levier en assurant la jonction entre les taux relativement élevés des ressources (issues du livret A) des fonds d’épargne, avec ce qu’ils devraient être au regard des besoins. On pourrait penser que ce rôle incombe à l’État car cela relève directement de ses missions.

M. Philippe Van de Maele. Les ressources pour les trois prochaines années sont constituées d’environ 1,6-1,7 milliard d’euros de collecte, ainsi qu’environ 1,5-1,6 milliard d’euros de retours de prêts. Avec ce 1 milliard d’euros supplémentaire, on arrive à une disponibilité de près de 4,1 milliards d’euros.

Sur ceux-ci, l’État en demande 1,2 milliard pour financer les politiques publiques. En dernière analyse, on emprunte 1 milliard d’euros et parallèlement on verse 1,2 milliard d’euros à l’État pour financer l’ANRU et le FNAL. En sus, l’État demande un effort particulier, mais qui est partagé, pour renforcer le soutien au logement social. Grosso modo, le besoin financier pour l’augmentation de production n’est pas pris en charge par l’État mais par les partenaires sociaux.

Cette aide sera apportée sous forme de fonds propres et de subventions versées à tout opérateur HLM, quel qu’il soit, dès lors que ses projets correspondent aux besoins des entreprises, c’est-à-dire qui s’insèrent dans les bassins principaux : les grandes agglomérations et les bassins tendus, là où se trouvent les besoins en logements sociaux.

L’État a également décidé de revenir à un mode contractuel avec les partenaires sociaux. C’est une démarche d’ensemble où tout le monde doit s’y retrouver.

M. Olivier Carré, président. Financièrement, n’est-on pas au bout du système ?

M. Philippe Van de Maele. En 2016, le modèle financier sera soutenable à deux conditions : la première est que le 1 % soit en mesure de rembourser l’emprunt ; la deuxième est que ses ressources bénéficient aux salariés des entreprises au moins autant, mais a priori plus, que ne représente la collecte annuelle. L’enjeu est que l’État accepte de garantir un modèle financier soutenable et, donc, réduise sa demande de participation aux politiques publiques à 500 millions d’euros par an.

C’est toute la discussion présente, mais nous avons confiance en l’État.

M. Olivier Carré, président. Au moment où Jérôme Bédier avait été élu président du conseil de surveillance de l’UESL, la question s’était posée pour les entreprises d’arrêter le versement de la PEEC. La question continue-t-elle de se poser au sein du monde patronal ?

M. Hervé Capdevielle. Je ne suis pas le mieux placé pour répondre au nom de la composante patronale. Cependant, la question a été clairement tranchée dans le sens du maintien de l’effort patronal. Le lien du logement avec l’emploi est évident pour les partenaires et l’accord national regroupe tout le monde sur cette question. Les difficultés de logement constituent des freins à la mobilité et sont un élément important du problème de l’emploi, autant pour les salariés que pour les entreprises.

M. Philippe Van de Maele. Il y a accord dans la mesure où la ponction est dimensionnée de telle sorte que la collecte serve au logement, et non à financer le budget de l’État. Pour accepter de lever un emprunt d’un milliard d’euros par an, les partenaires ont absolument besoin d’un engagement fort de l’État tel que la promesse de ramener ses ponctions annuelles à 500 millions d’euros à compter de 2016. Nous avons confiance en l’État quant à la fiabilité de cet engagement dans la durée.

M. Hervé Capdevielle. Nous attendons la position du ministre pour permettre à notre conseil de surveillance de statuer le plus rapidement possible. Action logement ne veut pas qu’on lui reproche en fin d’année de n’avoir pas consommé ces nouvelles ressources parce qu’elles auront été débloquées tardivement. La réponse des pouvoirs publics sur la possibilité d’emprunter un milliard d’euros et sur ses conditions financières devient urgente. Dès lors, nous serons en mesure de réagir immédiatement.

M. Philippe Van de Maele. Les partenaires sociaux avaient fait des propositions relatives aux modalités et aux conditions de soutenabilité de cet emprunt à la ministre en décembre, en espérant pouvoir soumettre ce dossier au conseil de surveillance de début février. Nous attendons toujours une réponse de l’État, sachant qu’elle peut encore exiger de nouvelles discussions. Pour autant, il me semble que le maintien de cette stratégie est essentiel à la production de logement social et intermédiaire nécessaire au pays. C’est un choix de priorités.

Pour aboutir, nous avons aussi besoin d’une convention avec le Trésor pour formaliser la garantie de l’État que ce dernier a imposé au mouvement pour lever l’emprunt, d’une modification du décret régissant l’enveloppe des emplois de la PEEC et d’un cadrage financier clair sur le logement social afin de partager les mêmes visions de la répartition des aides. La réponse de l’État se fait attendre sur tous ces points, alors que l’accord date de juillet 2012.

Quant à la géographie des aides, je rappelle qu’elle dépend d’abord des agréments donnés par l’État, ensuite de la répartition par les préfets de région des aides à la pierre déléguées, qui permet d’identifier les territoires prioritaires. Enfin, le mouvement distingue parmi les agréments ceux qui sont octroyés aux opérations inscrites dans les bassins soutenus en priorité par les partenaires sociaux, c’est-à-dire les zones d’emploi tendu. La circulaire ministérielle de programmation devrait paraître. Action logement se calera sur celle-ci.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Quelle est votre analyse sur la répartition géographique et la problématique des zones tendues, compte tenu notamment des problèmes de mobilité ?

M. Hervé Capdevielle. Le mouvement est en train de mettre en place une quarantaine de conférences territoriales sur la base des grands bassins d’emploi - au sens de l’INSEE et de la DARES - et des métropoles pour, partant des besoins de ces territoires et des entreprises, être au service des salariés. Cette géographie recoupe largement la cartographie des zones tendues, mais notre logique est de partir des bassins d’emplois.

M. Olivier Carré, président. Qu’en est-il des accompagnements au parcours résidentiel et à l’accession à la propriété ?

M. Philippe Van de Maele. Le logement social est un axe majeur de notre action, mais n’est pas sa seule priorité. Le mouvement offre toute une gamme de produits portant sur différents secteurs du logement.

À noter que la répartition géographique des aides est faite par l’Etat au niveau de la région. On ne sait pas si, au sein des régions, les aides seront ciblées sur les grands bassins d’emploi. Globalement, on constate que l’Etat a recentré ses aides sur les zones tendues, donc il ne devrait pas y avoir d’incohérence.

Il a, en outre, déjà intégré dans sa programmation la possibilité d’abonder la surcharge foncière par Action logement. Cela n’est pas acté explicitement, mais relève de l’accord global donné à une opération.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Quelle est l’action de la Foncière Logement ?

M. Hervé Capdevielle. Le 22 janvier dernier, le conseil d’administration de la Foncière Logement a décidé l’arrêt de ses engagements de production de logements dans les zones ANRU, faute d’un accord avec l’État sur un modèle de financement.

Historiquement, l’engagement du 1 % logement dans la politique de rénovation urbaine, sa contractualisation avec l’État et la création de la Foncière datent de 2003. Mme Marie-Noëlle Lienemann est venue solliciter les partenaires sociaux sur ce projet en 2001, puis l’Agence pour la rénovation urbaine a été créée, en 2003, par le ministre M. Jean-Louis Borloo. Les partenaires sociaux s’y sont associés pour accompagner la politique de la ville parce qu’ils avaient constaté que 50 % des habitants de ces quartiers étaient des salariés. Un accord a été conclu pour partager le financement des actions de renouvellement urbain à 50 % avec l’État, plutôt que 75 % à la charge du mouvement, considérant que les résidents salariés devaient également bénéficier de la solidarité nationale. Ce dernier a finalement renié sa signature quand la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi Boutin, a fait porter la totalité du financement de l’ANRU sur les partenaires sociaux, soit un total de 12,3 milliards.

Dans les conventions qui ont été signées avec l’État, les collectivités et le mouvement, la Foncière Logement avait proposé une diversification des logements libres pour faire venir de nouvelles populations de salariés en zone de rénovation urbaine. 19 000 logements devaient y être produits. À ce jour, 5 000 à 6 000 logements ont été réalisés ; 13 000 restent encore à produire.

Mais les ponctions successives de l’État ont asséché les ressources du 1 % logement qui devaient être initialement octroyées, sous forme de subventions, à la Foncière. Les partenaires sociaux avaient accepté que l’argent de la PEEC, en principe destiné aux salariés, finance des logements en zones ANRU avant que les actifs correspondants ne soient dévolus aux caisses de retraite AGIRC et ARRCO. Or, depuis 2009, Action logement ne peut plus intervenir auprès de la Foncière que sous la forme de prêts, dont l’enveloppe totale est elle-même encadrée par décret. La lettre d’engagement mutuel limite encore ces aides à un total annuel de 200 millions d’euros pour les trois années à venir. La Foncière Logement a donc besoin de financements complémentaires pour ses programmes. Mais avec la crise financière, elle ne les trouve plus sur les marchés. Ce n’est pourtant pas faute de présenter des garanties, puisque sur les 6 milliards que représente son patrimoine, 4 milliards d’euros sont déjà payés par Action logement. Malgré cela, le mouvement ne trouve pas d’accord avec l’État pour emprunter 200 millions d’euros en PLAI auprès des fonds d’épargne afin de poursuivre son investissement.

M. Philippe Van de Maele. L’État ne suit pas, lui-même, le conseil du directeur des fonds d’épargne selon lequel les prêts ne devraient pas être appréciés opération par opération. Typiquement, construire des logements libres dans des quartiers ANRU n’apporte pas naturellement d’équilibre financier - surtout s’ils sont intégralement financés par emprunt. Or aujourd’hui, l’État exige un équilibre opération par opération, alors même que la Foncière présente un bilan composé de 60 % de fonds propres et de 40 % d’emprunts. Structurellement, il n’y aurait pas de problème mais l’État refuse toujours d’autoriser l’accès aux fonds d’épargne pour financer ces productions en zones ANRU. Le conseil d’administration de la Foncière attend ainsi une réponse sur ce point.

M. Hervé Capdevielle. En outre, on nous dit que la dévolution des actifs aux caisses de retraite ne pourra s’effectuer tant que des emprunts pourraient être contractés. Les partenaires sociaux ne peuvent entendre cette limitation qui reporterait la dévolution 30 ans plus tard.

On nous demande également de vendre immédiatement des logements encore conventionnés, pour des besoins qui n’apparaîtront que dans 15 ans. Cette option est également inacceptable car cela nous imposerait de les vendre à la moitié de leur valeur, sans qu’il y ait d’urgence.

M. Olivier Carré, président. Ceci étant dit, la Cour des comptes a souligné des problèmes de gouvernance au sein de la Foncière qui doivent compléter vos propos.

Par ailleurs, de nouveaux éléments ont diminué l’intérêt sur le terrain du schéma proposé par la Foncière. La création d’un taux réduit de TVA pour les opérations de construction et d’accession réalisées à proximité des zones de rénovation urbaine a rencontré un large succès ; j’imagine qu’il a bien contribué à diversifier l’offre de logements et à fluidifier le secteur, ce qui était un des objectifs de la Foncière.

Dernier point : la Foncière conserve des droits à construire importants qui sont gelés, non seulement pour les raisons financières évoquées, mais également parce que les besoins en logements intermédiaires ont évolué en dix ans. Il faudrait parvenir à plus de pragmatisme et de dialogue.

M. Hervé Capdevielle. Nous sommes prêts au pragmatisme vis-à-vis des élus. Mais pour ce qui est des droits à construire réservés, le Conseil d’État a rappelé que ces terrains sont la contrepartie du financement que nous apportons, en totalité, à l’ANRU.

Par ailleurs, nous nous attachons bien évidemment à suivre toutes les recommandations du rapport de la Cour des comptes.

J’ajoute que les aides à l’accession à la propriété pour les personnes physiques qui étaient de 1 milliard d’euros en 2011, sont descendues à 700 millions d’euros en 2012 et à 500 millions d’euros en 2013, alors qu’historiquement, il s’agissait du cœur du dispositif. Un effort considérable de réduction a eu lieu en faveur d’autres priorités, même si ces aides, visant à accompagner les parcours résidentiels et à aider les salariés à sortir du logement social, ont leur logique. Cette ligne a été une des variables d’ajustement de notre modèle quand nous avons priorisé les actions en faveur du logement social, mais aussi du logement libre en faveur des jeunes, de la sécurisation et de la mobilité.

M. Philippe Van de Maele. Je souligne que son amoindrissement n’est pas sans poser un problème pour l’accession à la propriété des salariés modestes, en général, car il n’existe plus beaucoup d’opérateurs qui leur offrent des possibilités de financement.

M. Olivier Carré, président. Je vous remercie.