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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Comment optimiser les aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins ?

Jeudi 21 février 2013

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 6

Présidence de M. Olivier Carré, président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur le rôle des grands bailleurs sociaux avec M. André Yché, président du directoire et M. Yves Chazelle, directeur général, de la Société nationale immobilière (SNI), Mme Frédérique Jaubert, directrice générale du GIE Logement Français, et M. Moncef Zniber, président du Comité exécutif de CPH, société mère du Groupe ARCADE Pôle HLM, sur le thème « Comment optimiser les aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins ? »

M. Olivier Carré, Président. Nous recevons maintenant des représentants des bailleurs sociaux.

Mme Frédérique Jaubert, directrice générale du GIE Logement français. Le Logement français est un groupe d’ESH (entreprises sociales pour l’habitat) présent dans les principales régions françaises et regroupant 75 000 logements, dont un peu plus de 50 000 en Île-de-France. Il s’agit pour l’essentiel de logements familiaux. Le groupe est composé de sept ESH constituées en filiales autour d’une holding. Je dirige le GIE qui regroupe la direction fonctionnelle et la maîtrise d’ouvrage.

Nous sommes très impliqués dans de nombreux quartiers d’Île-de-France engagés dans le premier programme national de rénovation urbaine qui a concerné 1 800 logements en 2012. Nous étudions maintenant d’autres régions à marchés également tendus.

Nous attachons beaucoup d’importance à l’optimisation des cycles de production. Beaucoup se demandent pourquoi la construction de logements, notamment sociaux, est si longue. Je voudrais donc évoquer le montage de ces opérations, qui pourrait être facilité sans rien coûter à l’État.

Notre secteur se caractérise par un nombre important d’interlocuteurs et de financeurs. Or, suivant les territoires, les financeurs n’interviennent pas à la même hauteur, comme le montrent les exemples opposés de l’Île-de-France, où les conseils généraux n’interviennent pratiquement plus, et de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur où le montant des subventions locales reste élevé. A contrario, le conseil régional est très actif en Île-de-France, ce qui n’est pas le cas dans les régions de la côte atlantique, par exemple. La diversité des situations se conjugue avec la diversité des dossiers financiers à monter, laquelle complique la construction des opérations et par suite, leur cycle de production.

Je souhaite souligner deux points : d’une part, une réflexion devrait être menée au moins sur la mise en place d’une gouvernance territoriale centralisée pour le montage des financements du logement social, tant d’un point de vue technique qu’en termes d’interlocuteurs ; d’autre part, la grande différenciation des aides selon les territoires aboutit à ce que les engagements en fonds propres des bailleurs sociaux varient fortement et peuvent les contraindre, ou les inciter, à opérer des choix en fonction des collectivités impliquées.

S’agissant de l’optimisation des financements, il faut noter que la vente d’HLM à leurs occupants représente pour certains organismes une source de financement importante : 50 % des sources financières de développement du Logement français en 2013. Le Groupe s’attache à utiliser cette possibilité. Je rappelle en effet que la vente d’un logement – soit à ses occupants, soit par lots vacants – permet le développement d’environ trois logements.

Quelles sont les pistes pour améliorer le financement de nouveaux logements ?

La première serait, dans le cadre de l’augmentation de 20 à 25 % du quota de logements sociaux imposé par la loi SRU, de faire passer de 5 à 10 ans la durée pendant laquelle un logement vendu reste comptabilisé. On peut aussi envisager d’accorder des facilités aux préfets pour autoriser ce type de ventes, même lorsqu’elles requerraient des travaux en amont, de rénovation énergétique en particulier. En effet, pour vendre un logement, il faut en mettre en vente cinq ou six, sur lesquels il faudrait entreprendre des travaux, car on ne sait lequel sera finalement vendu ; de plus, on ne peut réserver ces travaux aux seuls logements vendus sans en faire bénéficier les locataires voisins.

Par ailleurs, pour respecter une logique de développement durable dans la construction de logements, les communes sont parfois contraintes de « geler » des parcelles foncières, pour des activités économiques. Il faudrait donc mener une réflexion, urbanistique et réglementaire, sur la création de quartiers, de centres de vie, qui évoluent inéluctablement dans le temps. Cela dégagerait rapidement des opportunités foncières. Certes, ces développements économiques ont un impact sur les ressources directes des communes, mais il faut se rendre compte que créer du logement, c’est bien créer de l’activité économique.

Il nous faudrait également réinventer, d’un point de vue urbanistique et architectural, l’évolution des bâtiments haussmanniens qui, tous les 20 ou 30 ans, se transforment de logements en bureaux et vice-versa. Certains types de constructions verticales se prêtent à ces transformations réversibles ; démolir et reconstruire n’est pas toujours la meilleure option. Mais faire différemment suppose une évolution des normes techniques, « incendie », « accessibilité »… Évidemment, ces suggestions visent à « dégeler » du foncier bien placé – en particulier à Paris, où ces réserves foncières sont nombreuses.

M. Moncef Zniber, président du Comité exécutif de CPH, société mère du Groupe ARCADE-Pôle HLM. Le Groupe Arcade réunit une vingtaine d’ESH et de sociétés coopératives largement implantées dans les régions. Autour d’un groupe national fort, ces structures sont très autonomes et présentes auprès des collectivités et des élus.

Nous construisons beaucoup depuis plus de 20 ans : entre 3 000 et 4 000 nouveaux logements les trois dernières années – dont 1 000 en accession. Sur les 80 000 qui constituent l’ensemble de notre parc, cela correspond à une progression annuelle de 5 % par an, soit plus du double de la moyenne nationale. Le Groupe ne dispose pas de plus de moyens que les autres mais se fonde sur tout un système pour maintenir une telle croissance.

Pour monter une opération, trois éléments sont pris en compte : le financement, les loyers et le prix de revient.

Le prix de revient a beaucoup augmenté en dix ans car au-delà de l’inflation, la multiplication des normes environnementales ou d’accessibilité l’a fait exploser. Si nous comprenons ces exigences, nous demandons une certaine modération et plus de rationalité dans leur définition, car elles aboutissent parfois à des résultats aberrants, comme un studio plus petit que sa salle de bain. Peut-être serait-il opportun de réduire le nombre de logements soumis à ces normes qui s’imposent de façon générale actuellement ? La fiscalité, avec notamment l’alourdissement de la TVA de 5,5 à 7 % et peut-être bientôt à 10 %, grève aussi sensiblement les prix de revient. Il faut rappeler que l’allègement de la TVA sur les livraisons à soi-même était la contrepartie de la diminution des subventions.

La deuxième difficulté est celle du financement. Les prêts de la Caisse des dépôts devraient être plus longs et les frais de gestion pris par les banques distributrices du Livret A et par la Caisse des dépôts plus serrés. Le livret A, et nos financements qui en sont issus sont, on l’oublie souvent, à taux variable. La déconnexion des loyers – pour des raisons compréhensibles de modération – du taux du livret A conduit à des opérations déséquilibrées créatrices de déficits. Les simulations d’ARCADE montrent que les opérations sont toutes déficitaires pendant cinq à sept ans ; il faut de dix à quinze ans avant que les fonds propres investis ne soient récupérés. Si ARCADE peut supporter une telle situation, une déconnexion durable des loyers et du taux du Livret A peut conduire d’autres organismes à des situations problématiques, voire catastrophiques dans le cas où la péréquation ne jouerait plus.

Par ailleurs, depuis une dizaine d’années, les organismes d’HLM engagent de plus en plus de fonds propres dans leurs opérations : cette part, de 15 % du montant de l’opération en moyenne, peut varier de 10 % à 30 %. Or, tous les organismes ne disposent pas des fonds propres nécessaires. Pour dégager des capacités d’autofinancement, un organisme doit d’abord être bien géré. Ensuite, la vente d’HLM doit continuer à faire partie de l’équation du financement. Même si la proportion de logements concernés est faible (chez ARCADE, 500 à 600 logements sont vendus par an), cette activité est devenue vitale pour construire. Pour le Groupe, elle représente le tiers des fonds propres engagés à ce titre.

Enfin, la troisième source de financement propre est constituée par les marges que nous dégageons sur les opérations d’accession sociale. Notre groupe a une longue tradition dans ce domaine, avec 1 000 logements produits par an.

En matière de loyers, nous avons pu, un temps, bénéficier de « marges locales » de 20 %. Elles permettaient d’augmenter les loyers après des améliorations collectives (mise aux normes basse consommation, travaux d’ascenseurs…). Ces marges sont de plus en plus réduites, notamment en application d’une circulaire du 24 janvier 2013. Or, pour que nos opérations ne soient pas déficitaires, nous avons besoin de loyers d’un montant suffisant.

Alors que la vente d’HLM et l’accession à la propriété sont nécessaires à notre production locative, la période récente a vu un désengagement très net des banques vis-à-vis des populations modestes. À cet égard, le Crédit immobilier de France manque beaucoup aujourd’hui, car 20 % de son activité servait à aider ces ménages. Au contraire des banques, nous savons travailler avec ces populations. Historiquement, les SACICAP (Sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété), voire les sociétés d’HLM ont été des prêteurs primaires - dans le cadre des prêts PAP (prêts pour l’accession à la propriété) notamment. Au demeurant, le taux d’impayés de ces familles est des plus faibles. Les SACICAP venaient même parfois abonder, à hauteur de 5 000-10 000 euros grâce aux missions sociales, l’apport personnel de ces populations lorsqu’elles souhaitaient accéder à la propriété.

Il me faut enfin signaler le problème, qui devient grave, de la redevance facturée aux occupants de résidences sociales et de foyers par la société gestionnaire. Elle est composée de deux éléments, le loyer et les récupérations de charges. Jusqu’à la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion de 2009, cette redevance était indexée de façon composite : le loyer sur l’IRL (indice de référence des loyers) et l’ICC (indice du coût de la construction), et les charges sur les indices retraçant l’évolution, souvent plus forte, des charges. Aujourd’hui, la redevance n’est plus indexée que sur le seul IRL. Or, cette année, celui-ci a progressé de 1,73 %, tandis que les charges réelles augmentaient de 3,45 %. En conséquence de nombreux gestionnaires, notamment parmi les petites structures associatives, vont connaître des difficultés de gestion, voire ne pourront plus faire face. Il est peut-être encore temps d’y remédier.

Vouloir construire entre 120 000 et 150 000 logements par an suppose aussi de s’intéresser aux structures qui les construisent.

ARCADE a choisi de s’organiser en structures autonomes et très proches des collectivités locales. Cependant, une petite structure qui gère 5 000 logements ne pouvant disposer des mêmes ressources, compétences et expertises qu’un ensemble qui en regroupe 100 000, nos moyens et services ont été regroupés au sein d’un GIE. Ce GIE regroupe notamment des fonctions support, de nature financière ou juridique. Or, cette organisation est aujourd’hui menacée par les instances européennes. La Commission souhaiterait, en effet, que ces GIE, qui sont pourtant des regroupements fermés de moyens entre entités alliées, s’ouvrent aux entreprises concurrentes. C’est une aberration qui menace notre modèle économique.

M. André Yché, président du directoire de la Société nationale immobilière (SNI). Le groupe que je préside a été constitué il y a une dizaine d’années autour de la SNI, elle-même issue du ministère de la Défense. La SNI est à l’origine une société d’économie mixte, présente principalement dans le domaine du logement dit intermédiaire, c’est-à-dire du logement à loyer contractualisé avec des commanditaires publics, et, pour l’essentiel, non concernée par la réglementation relative aux HLM.

La SNI a ensuite aggloméré, entre autres, les filiales HLM de la Société de construction immobilière de la Caisse des dépôts (SCIC) – devenue Icade. Nous avons aussi pris, plus récemment, une participation significative au sein de l’ancienne SEM d’État SONACOTRA, en grande difficulté. Nous avons repris la gestion de cette société, rebaptisée ADOMA, pour en assurer le redressement.

Nous conduisons aussi des activités de reprise d’actifs immobiliers publics. Ainsi, nous assurons actuellement le « portage » d’un peu plus de 1 600 casernes de gendarmerie, soit 10 000 logements de gendarmes, d’infrastructures de pompiers… pour les gérer et les entretenir.

Au sein de son périmètre stricto sensu, le Groupe collecte, outre l’activité d’ADOMA, entre 1,3 et 1,4 milliard d'euros de loyers. Nous employons 4 500 salariés, auxquels s’ajoutent désormais 2 000 salariés dans le périmètre d’ADOMA.

Notre modèle économique est très proche de ceux qui viennent d’être décrits. Nos revenus sont au départ basés sur l’exploitation d’un parc locatif important. Cependant, pour répondre à la nécessité d’accroître nos ressources financières, nous sommes entrés dans une logique de rotation d’actifs, de manière maîtrisée et à un rythme lent, de façon à dégager des plus-values.

Notre Pôle de logements intermédiaires – la SNI et ses filiales directes non HLM – dégage environ 200 millions d'euros de résultat annuel, la moitié étant constituée par des revenus d’exploitation du parc et l’autre moitié par des plus-values de cession. Nos ratios sont proches de ceux indiqués par notre collègue du Logement français : soit une capacité de production de deux logements et demi environ pour un logement cédé. La structure de notre Pôle de logements HLM est très similaire, avec, chaque année, entre 150 et 200 millions d'euros de résultats, dont la moitié provenant de la rotation de logements. Pour éviter les dérives, nous veillons à ce que nos résultats d’exploitations récurrents restent du même ordre que les plus-values que nous dégageons, et que le stock de nos plus-values latentes dans le patrimoine augmente chaque année, en net.

Dans le cadre du plan de relance 2008-2009, nous avons engagé, à la demande des pouvoirs publics, un plan d’investissement exceptionnel qui nous a conduits en trois ans à augmenter notre parc de 30 000 logements neufs, également répartis entre logements sociaux et intermédiaires. Il s’agissait d’un investissement de 5 milliards d’euros, dont un milliard d’euros de fonds propres.

Nous avons concentré notre commande sur la douzaine de bassins d’habitat jugés les plus tendus. Cet effort exceptionnel a dégradé nos réserves de fonds propres disponibles et nos ratios bilanciels. Nous avons réussi à retrouver à peu près notre équilibre grâce à la politique de rotation d’actifs qui nous a permis de nous désendetter.

Cette expérience a mis en évidence les problématiques de fond du logement : en premier lieu, le fait que territoires métropolitains et extra-métropolitains se sont fortement différenciés en termes de tensions des besoins et d’approche de la question du logement. Les territoires extra-métropolitains sont avant tout marqués par la recherche d’enracinement et d’identité, tandis que dans les territoires métropolitains prédomine la recherche d’opportunités – familiales, professionnelles… – et de mobilité. D’autre part, les écarts entre les loyers de marché et les loyers administrés dans le secteur HLM sont beaucoup plus importants dans les territoires métropolitains, ce qui soulève des questions sur l’efficience des politiques publiques.

Par ailleurs, si une partie des actions conduites en matière de logement est de nature structurelle et s’inscrit réellement dans cette politique, d’autres, plus conjoncturelles, constituent, en réalité, des mesures de régulation en faveur de l’emploi. Les objectifs et les modes d’intervention de ces deux types d’actions sont différents et gagneraient à être clarifiés.

Par exemple, le soutien au logement très social vise à résoudre les problèmes de pouvoir d’achat et d’accès au logement des populations très fragiles. Il s’agit d’une démarche structurelle qui touche l’ensemble du territoire ; elle mérite d’être maintenue et stabilisée avec une bonne visibilité dans la durée. Lorsqu’on travaille à améliorer l’accès au logement social dans les marchés tendus (en zones A bis, A et B1 ; éventuellement dans certaines parties en zones B2), l’objectif est de répondre aux besoins créés par l’écart très élevé entre loyers de marché et loyers réglementés. Il s’agit aussi d’une logique structurelle.

Dans les autres cas, on se situe bien souvent dans une logique de régulation conjoncturelle. Légitime face à des situations d’effondrement de l’ensemble du secteur, elle doit être limitée dans le temps, ciblée, précisément encadrée et ses retombées doivent être effectives dans le champ du logement.

Cette ambiguïté chronique transparaît dans la communication des pouvoirs publics et dans le choix des indicateurs retenus : l’affichage du seul nombre total de logements produits relève d’une politique de l’emploi. Si on précise la localisation de ces logements, on se situe dans la politique du logement.

Je voudrais revenir sur le problème de la maîtrise des coûts. Depuis plusieurs décennies, le soutien au logement intermédiaire a été en proportion fiscalement plus coûteux que le soutien au logement social. De plus, jusqu’à une période récente, cette aide fiscale était la même sur l’ensemble du territoire. Ces deux éléments ont favorisé des politiques de marge sur les marchés détendus - où les soutiens publics étaient peut-être moins indispensables - qui se sont diffusées dans l’ensemble de la chaîne de production. Des aides publiques complémentaires ont alors été nécessaires pour débloquer les opérations en zones tendues.

Une autre observation essentielle : on ne peut envisager le logement de manière pertinente que comme une chaîne continue. Si, de manière théorique, des barrières étanches ont été édifiées entre la composante sociale et la composante dite « intermédiaire libre », sur le terrain, il y a un consensus pour développer des programmes mixtes. Ainsi, les programmes de plus de 120-150 logements conjuguent-ils en général les trois composantes : accession privée, investissement locatif et logement social, avec des mécanismes de péréquation et de soutien implicites qui reportent une partie de la charge foncière du logement social sur les logements en investissement locatif (intermédiaire libre).

Or, on a assisté au cours du dernier trimestre 2012 à une augmentation significative des gels d’opérations sociales parce que les composantes accession et investissement locatif n’avaient pu aboutir. Cette dernière composante, qui a été la plus impactée, est essentielle dans les opérations complexes comme les ventes en état futur d’achèvement, car elle supporte le surcoût des charges foncières. Aussi est-il indispensable, pour développer le logement social en quantité, de se préoccuper des besoins en logements intermédiaires et de leur production.

C’est encore plus nécessaire dans la période de crise actuelle : seuls 304 000 logements ont été construits en 2012 et les perspectives de la Fédération française du bâtiment pour 2013 descendent à 280 000 logements. Il est nécessaire de soutenir la production de logements là où ils sont utiles et en particulier celle des logements intermédiaires. Pour ce faire, le dispositif Duflot ouvre des possibilités d’investissement aux particuliers, mais il ne s’adresse pas aux institutionnels. En outre, les dispositifs de soutien à l’investissement locatif des particuliers (Besson, Borloo, Méhaignerie, Scellier…) présentent des inconvénients structurels : l’essentiel de l’avantage fiscal ne revient pas à l’investisseur, mais est capté par les réseaux de défiscalisation mobilisés pour diffuser ces produits (dans une proportion de 7 à 8 % du prix) ou sert à stabiliser certaines marges dans la chaîne de production.

Le retour des investisseurs institutionnels présente a contrario nombre d’avantages : la maîtrise des coûts est mieux assurée car les négociations de prix se font de professionnel à professionnel et les surcoûts des réseaux de commercialisation disparaissent. Au final, l’assiette sur laquelle portera l’avantage fiscal serait réduite de 20 %.

Je synthétiserais mes propos en trois points :

– en premier lieu, les modes d’intervention publique ont été insuffisamment différenciés entre les territoires métropolitains et les autres. Un indicateur élémentaire de l’impact des politiques publiques est la mesure de l’écart de loyer obtenu pour un euro investi entre le loyer administré et le loyer de marché.

– ensuite, il faut distinguer les actions structurelles, qui doivent être stables et s’inscrire dans la durée, et les politiques de régulation conjoncturelle, qui doivent être limitées dans le temps pour obtenir un effet ciblé sur les objectifs recherchés.

– enfin, dans les situations de crise grave, il faut penser « logement » et pas seulement « logement social ». L’équilibre des opérations impose de conjuguer leurs diverses composantes.

Quelques observations complémentaires me paraissent importantes : une des grandes difficultés actuelles est l’absence de fluidité dans la gestion du parc.

En 20 ans, le taux de rotation dans le secteur HLM a baissé de 5 points, passant d’un rythme annuel de 15 % à moins de 10 %. Sur un parc de 4,5 millions de logements sociaux, la perte d’opportunités de relogement se chiffre à 200 000 par an, soit le double de la production neuve maximale du secteur !

Selon les régions, 25 à 35 % des demandeurs de logements sociaux sont déjà dans le secteur HLM. Répondre à leur demande allègerait la pression sur le parc social. La gestion des flux doit remplacer celle des stocks qui se focalise sur l’attribution des nouveaux logements. Les demandes de ces locataires, qui ne diminuent en rien l’offre globale puisqu’accéder à leur requête libère un autre appartement, ne devraient même pas être décomptées dans les effectifs en attente et devraient être prioritaires.

L’évolution d’ensemble du secteur de l’habitat ne peut être déconnectée de l’évolution de la société et de l’économie, laquelle est caractérisée par un processus d’individualisation. Les technologies numériques doivent ainsi être très largement développées afin de permettre un dialogue direct avec chacun.

Plus fondamentalement, notre devoir est de restaurer la confiance. Cela veut dire, pour sortir de la crise de l’accession à la propriété par exemple, développer la notion d’accession réversible. Nous l’avons fait en garantissant une reprise dès la première demande, même en dehors des difficultés induites par les accidents de la vie, à hauteur de 85 ou 90 % du prix d’acquisition initial de l’actif, pour remettre le bien en gestion locative. Organiser la fongibilité des patrimoines est un enjeu majeur. Cela aurait pu être une des missions, non bancaires, du Crédit immobilier de France, à travers, par exemple, le développement du viager institutionnel.

Il faut également restaurer la confiance des collectivités territoriales. Je suis moi aussi favorable au maintien des logements HLM mis en accession dans le décompte de la loi SRU pendant 10 ans plutôt que 5. En contrepartie, il est essentiel que nous, opérateurs sociaux, développions une filière de gestion des copropriétés sociales - qui constituent actuellement le maillon faible de la chaîne du logement social - avec un suivi plus important que dans les copropriétés classiques. Nous devons garantir aux collectivités d’accueil qu’il n’y aura pas de changement dans la gestion des résidences concernées.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Je souhaite revenir sur la question des relations avec les collectivités. L’on observe des modèles de gouvernance très différents et des performances très variables. La métropole de Rennes assure un véritable pilotage, alors que les actions sont a contrario très éclatées en Île-de-France. De quelles expériences très concrètes pouvez-vous faire état ?

Mme Frédérique Jaubert. Je rappellerai la diversité des financeurs : l’État dont il faut obtenir l’agrément, les régions (subventions dont on peut difficilement se passer quand elles représentent, par exemple, 8 % du montage en Île-de-France), les différents collecteurs et les établissements publics de coopération intercommunale. Chacun de ces intervenants a son rythme, son fonctionnement interne et sa commission d’élus. Il existe donc tout un processus, assez long, pour porter les projets auprès de chaque autorité.

Des discussions ont déjà eu lieu, en amont, sur les volumes globaux de production envisagés dans l’année : des conventions d’objectifs ont été passées, par exemple, en octobre dernier avec les départements, mais l’on en attend toujours les subventions. Ce tuilage des montages financiers est très pénalisant et l’on perd facilement une année même si, en attendant, nous engageons nos opérations avec des conditions suspensives multiples.

Au regard des exigences imposées et des contraintes bureaucratiques, il est nécessaire de faire davantage confiance aux bailleurs sociaux, qui sont de vrais professionnels, contrôlés et audités, quand ils s’engagent sur des niveaux de construction, d’équipements et de performances conformes à la réglementation, afin qu’ils puissent avancer selon un cycle normal de production. Il faut aussi parvenir à une simplification, des processus comme des normes et des réglementations. Or, aujourd’hui, les rares simplifications concédées, comme celle relative aux permis de construire, ne sont pas appliquées parce que les élus locaux veulent encore tout vérifier – contrairement à l’esprit de la loi.

Revenant enfin sur le sujet des résidences, j’observerai que l’essentiel est de loger des personnes, quel que soit leur statut (junior, senior, actif, retraité, familial…). Mais on ne sait plus quelle étiquette mettre sur un projet territorial, alors que les subventions et les normes varient selon les cas. Ainsi, est-il actuellement plus simple de répondre aux besoins du vieillissement (des locataires ou de nouveaux demandeurs) par une production de logements familiaux classiques et de les flécher, le cas échéant, vers les publics qui en auraient besoin car il est difficile de les orienter vers d’autres résidences qui supposent d’autres projets, d’autres subventions… Certains départements se sont essayés à adopter des chartes pour traiter spécifiquement ces besoins mais ce sont encore des processus très lourds.

M. Moncef Zniber. Les pratiques des collectivités locales varient beaucoup en matière de logement social. Même si certaines simplifications sont nécessaires, les groupes doivent s’y adapter. En tout état de cause, ils doivent être les vecteurs qui font circuler l’argent dans le pays, entre régions plus ou moins tendues et entre organismes plus ou moins dotés – par exemple, via des prêts entre sociétés HLM comme les pratique la SNI.

On peut considérer que chaque région est gardienne de ses fonds et de ses actifs ; mais ce ne serait pas judicieux au regard de l’objectif de solidarité nationale. Confier ces moyens à un pouvoir central ne serait pas une solution plus opportune, a fortiori dans un contexte où l’État pourrait être tenté de les utiliser à d’autres fins.

L’argent doit, selon moi, être géré d’abord par les groupes, dans le cadre de la loi et sous le contrôle de tous les organismes de tutelle existants. Et si un groupe ne parvenait pas à le faire, il faudrait confier cette gestion au mouvement HLM.

M. André Yché. Je m’associe à ces différentes interventions. Sur l’organisation de la gouvernance, la mise en place de conventions d’utilité sociale nous semblait une démarche allant dans le bon sens. Nous y avons participé activement. Ces conventions se voulaient être un outil simple, fondé sur quelques indicateurs permettant de contractualiser précisément avec les pouvoirs publics locaux. Mais les résultats finaux, à l’issue de plusieurs filtres administratifs, s’avèrent extrêmement décevants.

En matière de production par exemple, nous avions proposé un indicateur composite d’activité patrimoniale additionnant la somme des constructions neuves, le nombre des opérations de réhabilitation supérieures à 30 000 euros par logement et les ventes aux locataires, ramenés au nombre de logements détenus, caractérisant ainsi la manière dont les sociétés régénèrent leurs actifs pour contribuer à la solidarité nationale. Une dizaine d’indicateurs, qui seront sans doute difficiles à suivre pour les bailleurs, ont été retenus ; et surtout, s’est perdue l’occasion de créer de vrais échanges contractuels entre les organismes et les collectivités publiques, pour privilégier un micro-management.

Comment sortir de cette situation ? On peut penser que la population finira par infléchir des pratiques administratives, notamment quand elle aura directement accès aux informations sur les disponibilités, les performances et les services des bailleurs. Je crois que des évolutions de fond pourront être générées par les développements informatiques.

M. Olivier Carré, président. La présentation du Groupe Logement français indique que, sur les 2 600 logements mis en vente en 2012, seuls 10 % ont été effectivement vendus. Quelles sont les raisons de ces faibles résultats ?

Mme Frédérique Jaubert. Il s’agit en fait d’un bon chiffre pour nos premiers résultats en année pleine, l’opération ayant été lancée en 2011. Cela correspond à un dépassement global de 30 % de nos objectifs. Il n’y a que dans le secteur de Nice–Menton que les résultats-cibles n’ont pas été atteints.

Cependant, il est vrai que nous avons enregistré plusieurs désistements depuis le mois de septembre en raison des difficultés des candidats à l’accession à obtenir des prêts bancaires. En revanche, les droits de réservation qui étaient attachés aux logements mis en vente n’ont pas posé de problème.

M. Yves Chazelle, directeur général de la SNI. Il faut savoir que lorsque nous mettons en vente des logements, environ 25 % sont vendus la première année, 15 % la deuxième, le solde s’étalant sur une vingtaine d’années. Il faut donc disposer d’un stock dix fois supérieur à la masse que l’on veut vendre annuellement.

Pour les problèmes d’accords de prêts, la garantie de rachat est une bonne réponse. Elle permet à l’accédant de s’adresser à son banquier, épaulé par une institution prête à racheter le bien à 85-90 % de sa valeur. C’est une forte garantie pour une banque.

M. Olivier Carré, président. Il faudrait reproduire, en le simplifiant, le système qui complète le PSLA (prêt social location-accession).

M. André Yché. La problématique de l’accès aux prêts bancaires dépasse le cadre de la vente de logements HLM pour concerner l’accession sociale à la propriété, voire la vente de logements en général. Dans un contexte d’exigences accrues des banques et de frilosité des accédants, il va bien falloir trouver un moyen de restaurer la confiance.

M. Daniel Goldberg. Ma première question porte sur la rotation au sein du parc de logements sociaux, voire à l’intérieur de chacun des organismes. Une famille dont les enfants ont grandi peut avoir des difficultés à trouver un F2 ou F3 pour remplacer un F5 qui leur conviendrait mieux, y compris en termes de coûts ; c’est encore plus difficile dans l’autre sens quand la famille s’agrandit, vu l’ampleur de la demande. Toutefois, quand on parle de rotation du parc, on entend plus souvent évoquer la sortie des habitants dont la situation s’est améliorée. Hors l’achat du logement, quels mécanismes pourrait-on mettre en œuvre pour établir une passerelle entre le loyer réglementé et le loyer libre ? Aujourd’hui, ces populations quittent plus difficilement le parc social parce qu’elles n’ont pas de solution intermédiaire.

M. Olivier Carré, président. Cela fait près de trente ans qu’il n’y a plus de solution à cette question.

M. Daniel Goldberg. Ma deuxième question porte sur la circulation de l’argent. Je ne reviendrai pas sur l’immense gâchis que représente à mes yeux la disparition du Crédit immobilier de France dans sa vocation sociale, notamment via les SACICAP. La question de la mutualisation des ressources des organismes HLM a été maintes fois débattue – au moment de la mise en place d’un prélèvement sur leur potentiel financier puis lors de sa suppression. Certains organismes se portent bien, d’autres moins. Comment mieux utiliser les fonds propres disponibles, mieux les répartir entre les zones d’action ? Comment mettre en place cette mutualisation aujourd’hui nécessaire ? Quel serait la vision des ESH que représentent vos trois groupes ?

Troisième point, est-il possible de déconnecter le coût du foncier de celui de la construction ? Quels seraient les moyens envisageables – baux emphytéotiques et autres – pour ce faire ?

Enfin, je souhaite aborder la question des normes. Pour avoir inauguré récemment une opération à Aulnay-sous-Bois, j’ai constaté que les logements sociaux ont de larges couloirs et de grandes salles de bains, mais des chambres et des pièces à vivre de petite taille. La simplification des normes – au-delà des seules exigences d’accessibilité – permettrait des progrès substantiels, notamment pour faire baisser les coûts de construction ; mais nous avons besoin, pour avancer dans ce domaine, d’un consensus fort de la part des bailleurs sociaux. Y aurait-il des normes sur lesquelles nous pourrions agir concrètement ?

M. Moncef Zniber. La rotation du parc social est un sujet très compliqué. En raison de l’environnement économique et social, les gens ne veulent plus déménager. La rotation a diminué de cinq points ce qui est considérable. Cependant, je reviens sur l’accession sociale à la propriété. Des locataires du groupe ont pu se loger dans des habitations que nous avons construites à proximité : ils ont été accompagnés par nos équipes, qui ont surveillé leurs taux d’effort et leur ont expliqué les charges du copropriétaire. L’accompagnement de l’accession sociale à la propriété est devenu un métier à part entière pour notre groupe, avec des équipes dédiées distinctes de la gestion locative.

Pour en revenir à la circulation de l’argent, l’organisation en groupe comme les nôtres est, selon moi, la solution la plus intelligente. Devant conjuguer deux soucis différents : être proche du territoire et rendre aux collectivités les services attendus, tout en veillant à l’équilibre financier de nos sociétés, nous sommes les mieux à même de réorienter l’argent excédentaire.

Mme Frédérique Jaubert. Je voudrais revenir sur la question des loyers. Nous avons mis en évidence un ratio permettant de déterminer quand un locataire du parc social a intérêt à le quitter : lorsque le ratio des prix des loyers sociaux rapportés aux prix des loyers libres est inférieur ou égal à 75 %, le locataire veut rester. Au-delà de 75 %, il sera motivé pour partir.

Nous avons par ailleurs un problème d’articulation entre les zonages identifiant les priorités géographiques et les zones définissant les plafonds de loyer sociaux. Les quatre catégories territoriales que recouvre chaque grille manquent de finesse et ne se croisent pas toujours : ainsi, Versailles est bien placé en zonage géographique [A bis], mais ses plafonds de loyers sont les mêmes qu’à Mantes. Cela creuse l’écart avec les loyers libres pratiqués sur le marché local et incite d’autant moins à sortir du logement social. Cela peut entraîner des situations – certes exceptionnelles – où des personnes gardent leur logement social en résidence secondaire. Il faudra donc améliorer l’adéquation entre les loyers pratiqués et le territoire, soit via les zones, soit en révisant le dispositif des loyers.

Quant aux pistes pour le foncier, je suis très favorable au démembrement, qui permet de répondre rapidement à un besoin de logements sociaux. Je suggérerais même de l’étendre dans le cadre du dispositif Duflot pour encourager les investissements : les bailleurs sociaux seraient les locataires en titre des investisseurs, avec un léger différentiel pris en charge par l’État ou la collectivité concernée.

On en revient à la rigidité du bail HLM. Avec un bail moins rigide, qui ne soit pas à vie, ni transmissible aux descendants, tout en offrant plus d’accompagnement pour s’assurer que les personnes ne se retrouvent pas en difficulté, la rotation au sein du parc social s’en trouverait également améliorée.

S’agissant des baux emphytéotiques que vous évoquiez, ils peuvent être intéressants dans les zones tendues et en centre-ville, dans la mesure où ils permettent aux collectivités de garder la main sur leurs actifs tout en accélérant la construction de logements.

M. André Yché. Une des difficultés majeures en matière de rotation vient de la disparition des solutions intermédiaires. Le concept du logement intermédiaire, à travers le « Scellier » ou autres, a été un peu discrédité, notamment en raison de la confusion faite entre les visées en matière d’emplois et les objectifs de logement que les récentes réformes – y compris celle du « Duflot » qui a maintenu l’avantage fiscal en zones B2 – n’ont pas suffi à lever. Pourtant, dans les zones tendues, c’est-à-dire principalement en territoires métropolitains, la question de l’introduction d’un quota minimum de logements intermédiaires doit se poser. On en revient à la problématique du continuum du logement, facteur de mobilité vers la sortie du parc social. Or, le marché libre n’offre pas spontanément ces échelons intermédiaires. Le retour des investisseurs institutionnels serait nécessaire pour répondre à ce besoin, à condition qu’ils se concentrent sur les zones tendues et dans des produits utiles ; mais il suppose des niveaux de rentabilité suffisants.

M. Christophe Caresche, rapporteur. J’entends ces observations ; le logement intermédiaire ne fait cependant pas vraiment partie de notre champ d’investigations.

M. Olivier Carré, président. Mais il permet d’appréhender la question du logement à l’échelle globale.

M. Christophe Caresche. Comment définissez-vous la stratégie de votre groupe ? Comment établissez-vous vos priorités de production ?

M. Moncef Zniber. Nous sommes guidés par l’étude des besoins. Nous élaborons avec les collectivités des plans à moyen terme – sur dix ans – qui nous permettent de les recenser et les localiser, et de construire notre stratégie annuelle et dans la durée. Nous construisons ainsi entre 3 000 et 4 000 logements par an – pour un parc de 80 000 logements. Notre stratégie est avant tout foncière : certaines de nos structures sont spécialement dédiées à produire du logement ; nous avons des promoteurs dont c’est le métier exclusif. Leur stratégie vise à équilibrer les opérations de construction mais aussi à générer des fonds propres, notamment par la gestion locative ultérieure. Car nous avons également la mission d’entretenir et de réhabiliter, si nécessaire, notre patrimoine, et nous devons y consacrer une partie de ces ressources. Notre groupe réunit donc deux métiers : la gestion du patrimoine et la production de logements.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Comment établissez-vous concrètement votre programmation ?

M. Moncef Zniber. En fonction de chacune des sociétés, en coordination avec les collectivités.

M. Olivier Carré, président. Vous laissez-vous porter par la demande et l’orientation des opérateurs, ou identifiez-vous des segments que vous souhaitez développer – ou dont vous souhaitez, au contraire, vous retirer ?

M. Moncef Zniber. Nous identifions en effet des segments sur lesquels nous souhaiterions être plus présents, comme en région Île-de-France.

M. Olivier Carré, président. Il s’agit donc d’une priorité géographique ?

M. Moncef Zniber. Oui, mais compliquée par les grandes difficultés que nous rencontrons en raison du prix du foncier.

M. Yves Chazelle. Notre stratégie de développement est établie sur la projection des besoins à 20 ans, non sur les besoins immédiats. Elle prend en compte les flux migratoires, leur concentration dans une quinzaine d’agglomérations, et l’évolution de la taille des ménages. On constate que l’augmentation du nombre de ménages sera principalement le fait des familles monoparentales ou des couples, notamment de personnes âgées. Dans ces perspectives, vise-t-on des 4–5 pièces, souhaités à court terme, ou plutôt des 2–3 pièces, plus adaptés aux besoins à moyen terme ? En tout état de cause, il s’agit d’optimiser les surfaces : nous essayons ainsi de ne plus développer de très grands logements, malgré certaines demandes locales, car ils imposent de très grandes surfaces pour satisfaire aux normes, donc d’importants loyers, et finalement des problèmes de paiement.

Le sujet des normes est primordial. Les promoteurs sont obligés de réduire les surfaces habitables pour réduire les prix d’acquisition. Notre groupe essaie de gagner de 8 à 10 % sur les surfaces moyennes des logements. Mais la réglementation « handicap » aboutit à des situations où la salle de bain est plus grande que la salle à vivre. Pourquoi exiger qu’une opération de logements étudiants ou une caserne pour les gendarmes soit soumise en totalité à ces règles ? Il serait judicieux de définir un quota, par opération, de produits répondant aux normes, dans une proportion un peu supérieure aux besoins constatés en moyenne, pour conserver une marge. On récupérerait des mètres carrés pour produire plus de logements à des prix moins élevés.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Je reviens à votre stratégie. Comment prenez-vous en compte ces difficultés dans la répartition géographique de vos actions ?

M. André Yché. Par exemple, nous savons que les opérations en région PACA sont difficiles à équilibrer.

M. Frédérique Jaubert. Les opérations en Île-de-France consomment deux fois plus de fonds propres en 2012 qu’en 2008 ; en Rhône-Alpes trois fois plus ; en PACA, la progression n’est que de 10 à 15 % sur cette même période.

S’agissant de notre stratégie : chaque année, comme dans nos plans à moyen terme, nous faisons un choix entre les nécessaires travaux d’amélioration du patrimoine existant et les projets de développement. Nous devons prévoir des fonds de roulement pour assurer les prestations normales d’entretien et répondre aux nouvelles obligations, dont celles issues du Grenelle. Ces capacités de financement sont d’autant plus nécessaires que les aides à l’amélioration du patrimoine sont réduites ou compliquées à obtenir. Nous sommes en train de retravailler les engagements des conventions d’utilité sociale pour répondre aux efforts demandés ; mais les choix stratégiques sont là, avec les limites du financement et du bon résultat d’exploitation à sauvegarder.

M. André Yché. Il y a également un arbitrage à faire entre la demande locale et notre perception des priorités. L’arbitrage n’est jamais entièrement satisfaisant pour l’ensemble des parties, soit parce que nous refusons l’opération, soit parce que nous refusons de réaliser certains types de produits - comme du logement intermédiaire dans des zones où il ne semblait pas pertinent.

La problématique des marchés tendus découle finalement de la manière dont se détermine la valeur : celle-ci résulte du droit de propriété. À partir du moment où le conventionnement social est fixé pour l’éternité, on détruit les valeurs associées à l’usus, à l’abusus et au fructus. En effet, par la nature même du logement social, on ne peut pas choisir le locataire, ni le niveau de loyer. Parfois, on ne peut pas non plus céder le bien en raison de réglementations ou d’enjeux politiques locaux. Ceci associé à une inflation des prix et des marges, les opérateurs se retrouvent dans une course sans fin à la subvention publique. Aussi, en dehors des zones A bis où la reconstitution du patrimoine est très difficile ou d’une réponse stabilisée aux besoins très sociaux [en PLAI], situations qui justifient pleinement un conventionnement sans fin, il pourrait être judicieux, à tout le moins s’agissant de logements intermédiaires, de réfléchir au conventionnement à durée limité – 15 ans par exemple. Ce terme permet de reconstituer une partie de la valeur du bien. Cela rééquilibrerait la diminution des subventions publiques. Une solution pour les quinze ans à venir serait déjà un pas significatif.

M. Moncef Zniber. Je voudrais aussi souligner l’importance de la stabilité en matière d’aides : les aides apportées par certaines collectivités territoriales ont été divisées par trois, alors que la construction de logements qui prend de 18 mois et trois ans, nécessite une visibilité à moyen terme. Ce raisonnement s’applique également à la visibilité fiscale. Les incertitudes sur les régimes relatifs à l’investissement dans l’intermédiaire, aux plus-values immobilières, etc. figent nombre de projets.

Mme Frédérique Jaubert. Par ailleurs, la grande difficulté à renégocier et à faire évoluer le conventionnement APL, qui fixe le statut des produits et la catégorie des bénéficiaires pendant 40 ans, rigidifie l’utilisation du parc. Il faudrait, par exemple, pouvoir diviser les grands logements pour s’adapter aux familles monoparentales – ou inversement. Tout en restant du logement social, le produit doit pouvoir évoluer plus souplement dans la durée. Les communes ne peuvent savoir ce dont elles auront besoin dix ans plus tard.

M. Daniel Goldberg. La famille monoparentale ne diminue pas forcément le nombre des pièces nécessaires.

Mme Frédérique Jaubert. Non, quand un parent séparé veut pouvoir accueillir ses enfants. Mais le phénomène accentue les difficultés à payer.

M. Olivier Carré, président. Il y a les familles séparées ; il y a aussi les divorces après 60 ans qui suscitent un nouveau besoin de petits logements pour des personnes se retrouvant avec des revenus très diminués.

Madame, Messieurs, je vous remercie pour vos contributions à nos réflexions.