Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la mission d’évaluation et de contrôle

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Comment optimiser les aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins ?

Mercredi 3 avril 2013

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 16

Présidence de M. Olivier Carré, président

– Table ronde, ouverte à la presse, des représentants d’établissements publics fonciers d’État : M. Pascal Dayre, directeur général adjoint de l’EPF Île-de-France, et M. Émile Bayer, directeur général de l’EPF PACA.

M. Olivier Carré, président. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Émile Bayer, directeur général de l’établissement public foncier de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), et M. Pascal Dayre, directeur général adjoint de l’établissement public foncier d’Île-de-France, qui vont nous éclairer sur les coûts et l’affectation géographique des aides publiques, ainsi que sur leur efficience sur le marché du logement.

M. Pascal Dayre, directeur général adjoint de l’établissement public foncier d’Île-de-France. L’établissement public foncier (EPF) d’Île-de-France, créé en 2006, est actuellement dans sa septième année d’activité. Les conventions adoptées par son dernier conseil d’administration représentent un montant d’engagements financiers auprès des collectivités supérieur à 1,57 milliard d’euros. Ses modalités d’intervention, qui s’inscrivent dans le cadre d’un plan pluriannuel, consistent à la fois en un appui à la définition d’une stratégie territoriale visant à aider les collectivités à asseoir leurs projets, et en une action en amont des opérations d’aménagement opérationnel, au moyen d’un remembrement foncier, à l’échelle de zones d’aménagement concerté (ZAC) ou à plus petite échelle dans le diffus.

Les interventions menées durant ces six années d’activité se situent à 80 % dans le diffus, ce qui nous amènera certainement à modifier nos règles de portage foncier. De fait, la durée moyenne des interventions, que nous évaluions initialement entre trois et cinq ans, ne tenait pas compte des opérations nécessitant l’élaboration d’une stratégie de projet, puis l’élaboration du projet lui-même et sa mise en œuvre, qui supposent une durée de portage bien plus longue.

Nos interventions ont une vocation tant anticipatrice, au niveau de l’élaboration des projets, que régulatrice, notamment à l’égard du marché foncier.

Le territoire de compétence de l’EPF Île-de-France s’étend sur cinq départements : Paris, la Seine-et-Marne, le Val-de-Marne, la Seine-Saint-Denis et l’Essonne.

L’établissement dispose de ressources de trois ordres. La première est la taxe spéciale d’équipement (TSE) qui, fixée à 10 euros par habitant et reposant sur les « quatre vieilles » (taxes locales), représente annuellement 72,3 millions d’euros. La deuxième procède des cessions de foncier, en croissance : elles ont représenté 18 millions d’euros en 2010, soit l’équivalent de la création de 520 logements, presque 43 millions d’euros en 2011, soit un peu moins de 1 700 logements, et 64,2 millions d’euros en 2012 – au-delà de nos prévisions. Les logements sociaux (ou plus précisément les programmations de logements) représentent chaque année environ 55 % des opérations foncières vendues aux opérateurs, qu’ils soient bailleurs sociaux, promoteurs ou promoteurs de ventes en état futur d’achèvement. La troisième ressource est l’emprunt, dont le montant cumulé depuis fin 2010 s’élève à 655 millions d’euros. Le rapport dette/stock est de 25,7 %. Ce stock constitue notre patrimoine foncier qui représentait 565,5 millions d’euros au 31 décembre 2012.

Nos interventions ont deux axes prioritaires : l’accroissement de l’offre de logement, en particulier de logement social, et la consolidation du développement économique, qui comptent respectivement pour 65 % et 35 % de notre activité. Il s’agit aussi bien d’opérations de renouvellement et de développement urbains – c’est-à-dire d’extension – que de densification, notamment dans la première couronne ou dans d’autres secteurs déjà urbanisés. Notre action privilégie largement le logement social, dans le cadre de conventions conclues avec les collectivités. L’EPF s’engage sur les moyens mis en œuvre pour son intervention et sur son enveloppe financière, la collectivité s’engageant quant à elle sur le périmètre opérationnel et sur les outils de l’action foncière qui pourront être mobilisés. Elle garantit également, en cas d’échec, le rachat des biens.

Le conseil d’administration de l’EPF a imposé la construction d’au moins 30 % de logements sociaux lorsque la collectivité dispose d’au moins 20 % de logements sociaux, conformément aux anciennes dispositions de l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) – ce point devra, du reste, être actualisé en fonction des changements législatifs récemment intervenus. Lorsque la commune a moins de 20 % de logements sociaux, il est demandé que les opérations auxquelles nous contribuons en produisent au moins 50 %. Cette proportion s’applique à l’échelle de la convention conclue avec la collectivité, et non pas de chaque opération, ce qui permet de procéder aux péréquations indispensables pour équilibrer certaines opérations déficitaires.

Notre action en faveur du logement social passe aussi par le soutien à une quarantaine de communes qui, sur notre territoire de compétence, se sont engagées, au titre de l’article 55 de la loi SRU, dans une politique de rattrapage de leur déficit de logements sociaux. Nous avons également conclu des conventions avec des collectivités déclarées en état de carence.

Nous veillons aussi à un équilibre entre les différents types de logements sociaux – familiaux et « spécialisés », c’est-à-dire destinés aux jeunes et aux étudiants ou aux personnes âgées.

Plus récemment, le conseil d’administration a validé le principe d’une intervention dans le domaine de l’habitat dégradé, sous certaines conditions. L’EPF ne peut ainsi intervenir sur une copropriété dégradée que s’il se limite au rôle d’opérateur foncier adossé à un opérateur opérationnel, l’ensemblier chargé de gérer l’ensemble du projet ainsi que les mesures d’accompagnement social des ménages touchés par les procédures mises en œuvre. Dans ce cas, nous demanderons également à la collectivité de prendre l’ensemble des dispositions relatives à l’habitat dégradé afin que nous puissions établir une valeur foncière correspondant à la situation du bâti considéré.

La valeur ajoutée de l’EPF consiste à ménager l’avenir en plaçant sous maîtrise publique les fonciers stratégiques dans le cadre de l’anticipation ou de la mise en œuvre d’un projet. L’intervention peut s’inscrire dans le cadre du « périmètre de la maîtrise » : elle consiste alors à acheter en vue de finaliser un tènement foncier et de permettre une réalisation rapide – auquel cas la collectivité nous délègue son droit de préemption sur l’ensemble du périmètre foncier concerné. Nous pouvons intervenir également beaucoup plus en amont, dans le cadre du « périmètre de veille » : il s’agit alors de saisir des opportunités foncières pour contrecarrer d’éventuels mouvements spéculatifs sur des territoires en devenir mais où la collectivité n’a pas encore de projets. C’est une action d’anticipation et de régulation du marché.

Une autre plus-value de l’EPF tient à sa capacité à recycler et à débloquer des situations contraintes par la mise sur le marché de fonciers longtemps restés latents ou en friche. Nous jouons alors un rôle d’accélérateur de la chaîne de production de l’offre de logement et, plus généralement, de l’offre urbaine, puisque nous intervenons aussi sur le développement économique.

Nous jouons enfin, je le répète, un rôle de régulateur des coûts fonciers, et donc des coûts immobiliers liés à une opération.

M. Émile Bayer, directeur général de l’établissement public foncier de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. L’EPF de la région PACA a été créé en décembre 2001 par la volonté partagée de l’État et de la Région, avec l’assentiment des six départements concernés – qui réunissent 5 millions d’habitants – pour remédier au fait que les communes, faute de savoir anticiper et de posséder une culture de projets, n’étaient pas en mesure de réaliser les projets annoncés dans leurs programmes. L’élément déclencheur a été l’incapacité des collectivités à réaliser un programme dans le délai de deux ans imparti par le Fonds européen de développement régional (FEDER), qui s’est traduite par la restitution à Bruxelles de 80 % des 700 millions de francs faute des biens fonciers nécessaires. Le préfet de région qui avait eu l’occasion de voir un EPF à l’œuvre en Normandie, a souhaité disposer pour la région PACA d’un outil d’anticipation comparable.

À la différence de la démarche de nos homologues franciliens, c’est nous qui approchons les collectivités. De fait, le foncier fait l’objet dans notre région de plusieurs concurrences d’usage, dont la première vient des résidences secondaires, qui peuvent représenter jusqu’à 40 % des logements dans certains secteurs et qui mobilisent une clientèle possédant des moyens financiers très supérieurs à ceux des actifs de la région.

Quatre champs d’intervention territorialisés ont été définis en fonction des besoins. Les interventions peuvent porter sur les grandes agglomérations, c’est-à-dire la façade littorale et le sillon rhodanien où résident les quatre cinquièmes des habitants de la région ; sur les départements du haut pays, c’est-à-dire les Alpes de Haute-Provence et les Hautes-Alpes où sont privilégiées des actions de reconquête des centres anciens ; sur le développement économique et sur le soutien aux activités agricoles à forte valeur collective, en partenariat avec la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER). Nous travaillons ainsi, notamment, à la protection des espaces naturels à fort enjeu, en partenariat avec le Conservatoire d’espaces naturels, et à la prévention des risques naturels et technologiques. Nos missions sont donc très larges.

À partir de 2005, devant l’inflation des prix du foncier et les difficultés rencontrées par les actifs de la région pour se loger, le conseil d’administration a réorienté l’action de l’établissement public en faveur du logement, auquel sont désormais consacrés 80 % de nos ressources propres.

Notre deuxième cible est l’accueil des grands projets. Notre territoire accueille ainsi deux opérations d’intérêt national (OIN). L’accompagnement de l’EPF est indispensable à la seconde - l’extension d’Euromed - qui porte sur 170 hectares et concerne près de 10 000 habitants et 500 entreprises. S’agissant de la plaine du Var, nous anticipons sur l’utilisation de terrains en mutation.

Le produit de notre TSE, initialement modeste avec 17 millions d’euros, a été doublé en 2005, passant à 34 millions d’euros. Face à l’importance des besoins de la région en matière de logement, nous avons sollicité une augmentation en 2010 pour atteindre le chiffre de 60 millions d’euros, réduit à 50 millions d’euros par le Parlement. Cette somme est entièrement mobilisée.

La dotation en capital était à l’origine de 20 millions d’euros, provenant de l’État, de la région et du département.

Les cessions, qui accroissent notre force d’intervention, représentaient 5 millions d’euros à leur début, en 2009, puis 15 millions d’euros en 2010, 22 millions d’euros en 2011 et 28 millions en 2012, soit l’équivalent de 1 000 logements. La TSE représente 50 % de nos recettes et les cessions 30 %, l’emprunt comptant quant à lui pour 17 millions d’euros.

Une autre différence entre l’EPF de la région PACA et celui de l’Île-de-France est la garantie des emprunts qui doit être obtenue des collectivités. Or, celles-ci éprouvent elles-mêmes des difficultés croissantes à se financer et pourraient ne plus garantir les emprunts à la suite d’un récent décret.

M. le président Olivier Carré. Pourquoi cette différence ?

M. Pascal Dayre. Nous n’avons jamais sollicité la garantie des collectivités, et nos prêteurs non plus. L’une des raisons pour lesquelles on ne nous demande pas cette garantie est, sans doute, que les collectivités sont garantes du rachat des biens que nous portons.

M. Émile Bayer. Nous ne l’avons pas demandé non plus, mais elle nous a été imposée par le ministère du budget, ce qui nous pose un vrai problème bien que nos conventions prévoient aussi l’engagement des collectivités au rachat des biens. Nous avons demandé, au titre de l’égalité de traitement avec l’Île-de-France, d’être exemptés de cette garantie - que nos prêteurs ne sollicitent pas - compte tenu du fait que nous disposons d’un portefeuille liquide de 326 millions d’euros et que nous devrions disposer d’une notation favorable.

En 2005, à la demande du maire d’Antibes, qui cherchait à permettre aux actifs de Sophia-Antipolis de se loger, nous avons préempté un site voué à être intégralement converti en résidences secondaires. Il était alors impossible, faute d’anticipation et de réserves foncières, de répondre à la demande de multinationales qui voulaient loger leurs salariés. Interpelés par ces entreprises renonçant à s’installer, à la demande des maires des Alpes-Maritimes, nous avons lancé un appel à candidatures réunissant trois promoteurs – un bailleur social, un spécialiste du logement intermédiaire et un spécialiste du logement libre – ainsi qu’une équipe d’architectes. 4 candidats ont été retenus pour un programme comportant 50 % de logements libres et 50 % de logements conventionnés autour d’un parc et une école – une sorte d’écoquartier avant la lettre. Les deux équipes classées ex aequo par le jury ont été départagées lorsque le maire a finalement demandé que 100 % des logements soient conventionnés : l’une des a accepté à condition que l’EPF lui vende le terrain au prix de revient, ce qui a été fait car la qualité du projet primait sur le prix. On est ainsi passé de 100 % de résidences secondaires à 220 logements conventionnés à 100 %.

Nous travaillons avec environ 120 collectivités. Nous concluons avec les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) des conventions qui fixent les grandes orientations issues du schéma de cohérence territoriale (SCOT) et du programme local de l’habitat (PLH) et nous définissons des conventions opérationnelles avec les communes, car l’EPCI, compétent sur le plan stratégique, ne l’est pas en matière d’urbanisme, ni pour la délégation du droit de préemption, indispensable, même si nous en faisons un usage modeste.

Cet outil est également indispensable à la régulation des marchés. En effet, le code de l’urbanisme imposant une concertation préalable à l’élaboration de tout projet, le simple fait que la collectivité communique sur un projet se traduit du jour au lendemain par une augmentation de 30 % des prix dans la négociation. Aussi mettons-nous en place des périmètres de veille avant l’élaboration du projet. Notre action se décompose en trois temps : anticipation, veille foncière et intervention en annulation de prix, puis une phase d’impulsion au cours de laquelle nous déterminons avec les collectivités le contenu du projet en termes d’intérêt général, de parti d’aménagement et d’équilibre financier.

Nous missionnons une équipe pluridisciplinaire pour élaborer plusieurs scénarios. Lorsque la collectivité a choisi l’un d’entre eux, vient la phase de réalisation. Nous achetons alors systématiquement, à l’amiable, ce qui figure dans le périmètre. Conformément aux règles de Pareto, il se trouve toujours une frange de 20 % justifiant une procédure de déclaration d’utilité publique (DUP) durant laquelle nous cherchons les candidats susceptibles de réaliser le projet, tout en menant les consultations pour identifier les opérateurs. Quand les opérateurs sont trouvés, ils déposent un permis de construire pour une division parcellaire, à moins qu’il ne s’agisse d’une opération d’aménagement. Nous revendons les biens lorsque les recours des tiers contre le permis de construire sont purgés : l’opérateur est alors prêt à démarrer. Le temps d’intervention de l’EPF va ainsi de l’accompagnement de la réflexion stratégique de la collectivité au niveau du SCOT et du PLH jusqu’à la cession aux opérateurs. Lorsqu’il s’agit d’aménageurs, nous aidons techniquement la collectivité à réaliser le dossier de création, comme la loi le prévoit. La consultation porte alors sur le dossier de réalisation.

Nous disposons aujourd’hui de 300 sites, qui représentent un potentiel de 18 000 logements. Le temps de portage moyen est de 6 ans – il peut aller jusqu’à 15 ans pour les OIN. En 2005, notre conseil d’administration souhaitant que nous allions plus vite, nous avons élaboré des conventions « habitat à caractère multi-sites », aux termes desquelles les collectivités nous délèguent ponctuellement le droit de préemption pour des périmètres sur lesquels les projets ne sont pas encore bien définis, afin que nous puissions réaliser - à l’instar de la SAFER en milieu rural - un remembrement urbain sur des lots un peu denses. Ces opérations portent généralement sur une surface d’un hectare, au lieu de 6 à 7 hectares pour les autres opérations. Ces conventions habitat représentent environ 25 % de nos cibles d’intervention, sachant que les sites pour les moyens et longs termes représentent 50 % de nos conventions opérationnelles. Les 25 % autres sont constitués des sites que nous acquérons au titre de l’anticipation foncière dans le cadre de la régulation des prix en phase « amont », ou lorsqu’il s’agit de l’acquisition de gros tènements ou d’opportunités qu’il nous faut saisir.

La cible de notre troisième programme pluriannuel d’intervention (PPI), pour la période 2010-2015, est de produire 10 % de la production régionale de logements, soit autour de 3 000 logements, sachant que les objectifs annuels de production fixés par l’État et la région sont de 40 000 logements, conformément à l’objectif national fixé à 500 000. Cet objectif collectif n’est pas atteint – le meilleur score étant de 36 000 logements en 2011 – mais nous devrions, quant à nous, parvenir l’année prochaine à l’objectif de 3 000 logements par an.

Pour le prochain PPI, je pense qu’il serait souhaitable, compte tenu des spécificités du territoire, de viser un chiffre de 150 millions d’euros à consacrer aux acquisitions, afin que des achats ne nous échappent. Ainsi, en 2003, dans le périmètre d’Euroméditerranée I, la rue de la République, propriété de deux grands opérateurs, était à vendre pour 53 millions d’euros. La TSE dont nous disposions ne nous ont pas permis de saisir cette opportunité. Euromed, l’opérateur-aménageur, a vu plusieurs fonds de pension européens et américains acquérir et revendre successivement ce bien, en prenant chacun une commission de 15 % ou 20 %, et a rencontré plus de difficultés que prévu pour commercialiser ces logements. Ceux qui relèvent du secteur libre sont en effet vendus à 4 500 euros le mètre carré, prix plafond pour Marseille, l’ensemble comportant aussi des logements sociaux et des commerces. En outre cette opération a été plus longue que prévu. Désormais, si une telle opportunité venait à se présenter à nouveau, nous pourrions mobiliser sans difficulté, dans le cadre du prochain PPI, 50 millions d’euros pour une opération spécifique.

Alors que nous avions quelques hésitations en réalisant, voilà trois ans, nos premières acquisitions d’une valeur de 20 millions d’euros, nous avons désormais cinq ou six prospects de ce type. Il est important que nous puissions intervenir à cette hauteur, afin de faire face à des fonds de pension qui ont les moyens d’effectuer des transactions importantes sans transformer le produit pour le bien-être de la région.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Existe-t-il d’autres établissements publics fonciers en Île-de-France ? L’EPF est-il l’héritier de l’Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP) ?

M. Pascal Dayre. Il existe en effet plusieurs opérateurs fonciers d’État en Île-de-France. L’AFTRP, avec laquelle nous n’avons aucun lien, a une double fonction : elle est à la fois gestionnaire et acquéreur foncier pour le compte de l’État, gérant les zones d’aménagement différé (ZAD) d’État ; elle est également aménageur.

Outre l’EPF d’Île-de-France, on compte trois EPF départementaux d’État : un dans les Yvelines, un dans les Hauts-de-Seine et le troisième dans le Val-d’Oise. Notre territoire de compétence se limite donc aux cinq autres départements.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Les autres EPF touchent donc une partie de la taxe spéciale d’équipement ?

M. Pascal Dayre. Ils en touchent le montant correspondant à ces départements, en fonction de leurs populations.

M. Christophe Caresche, rapporteur. N’est-il pas question de les fusionner ?

M. Pascal Dayre. Certains évoquent des projets en ce sens mais vous en savez certainement plus que nous.

Chacun des quatre conseils d’administration des établissements publics fonciers a voté sa TSE, fixée à 10 euros par habitant pour l’EPF d’Île-de-France et pour ceux des Hauts-de-Seine et du Val-d’Oise, et à 15 euros par habitant dans les Yvelines, ce montant étant plafonné à 20 euros.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Travaillez-vous avec l’AFTRP ?

M. Pascal Dayre. Oui. L’AFTRP est un « client » de notre EPF, car elle est aménageur des secteurs sur lesquels nous avons mené une action foncière, notamment à Bondoufle dans l’Essonne. Nous avons également collaboré pour la création éventuelle de filiales communes afin de résoudre, par exemple, les problèmes de copropriétés dégradées sur le secteur du Bas Clichy.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Les ressources dont vous disposez sont-elles suffisantes ?

M. Pascal Dayre. Notre budget annuel est légèrement supérieur à 200 millions d’euros pour les actions foncières et les frais de structure. La TSE est un levier important qui nous a permis de procéder aux acquisitions nécessaires. Les « actions foncières » désignent à la fois les coûts d’acquisition et de transformation du foncier – y compris la dépollution et la démolition de friches industrielles que nous pouvons réaliser à la demande des opérateurs.

M. Olivier Carré, président. Quelle est la charge des intérêts ?

M. Pascal Dayre. Cette année, nous avons payé 1,9 million d’euros, ce qui est très peu. Un euro de TSE correspond aujourd’hui à 3 euros d’action foncière.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Avez-vous des priorités territoriales, ou vos interventions se font en fonction des projets ?

M. Pascal Dayre. Nous intervenons sur 112 communes et une vingtaine d’EPCI. À la différence de nos homologues de la région PACA, nous ne passons pas d’abord par les EPCI ; la commune est toujours signataire des conventions que nous signons, qu’elles soient tripartites avec les EPCI ou bipartites avec les seules communes, car elles sont seules compétentes pour la délivrance des permis et l’élaboration du PLU, ainsi que pour le droit de préemption.

Nous intervenons aussi bien dans des secteurs de petite couronne, comme à Vincennes, Aubervilliers ou Pantin, qui connaissent une pression foncière, qu’à Paris où nous avons conclu une convention qui fonctionne bien et où les coûts d’acquisition sont généralement bien supérieurs – l’unité de référence étant plutôt la dizaine de millions d’euros que le million d’euros. Nous intervenons également sur des communes situées à la limite de notre territoire, comme à Château-Landon à l’extrémité de la Seine-et-Marne. Nous sommes un établissement « tous terrains et tous temps », c’est-à-dire que nous intervenons aussi quand les choses vont mal, du fait de notre vocation contra-cyclique.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Quelles sont les conséquences de la loi Duflot du 18 janvier 2013 en matière de délégation du droit de préemption ?

M. Pascal Dayre. La commune peut déjà nous déléguer son droit de préemption. L’État peut également le faire pour les communes carencées. Nous expérimentons ainsi dans une commune de l’Essonne notre première délégation de ce droit conféré par le préfet. Ayant déjà une convention avec cette commune, la question de la garantie ne se posait pas. Nous nous sommes assurés cependant que cette collectivité approuvait le projet et garantissait, en cas d’échec, le rachat des biens – ce qui ne devrait pas se produire en l’espèce car l’opération est simple : il s’agit du rachat d’un gros pavillon, qui permettra la livraison de quatre appartements par des opérateurs déjà connus.

M. Olivier Carré, président. Il ne s’agit pas ici de « diffus » ; c’est du « micro-diffus » !

M. Pascal Dayre. La notion de diffus peut s’appliquer aussi à des opérations de 200 logements. Nous avons ainsi vendu, l’an dernier, à Athis-Mons une friche anciennement occupée par l’entreprise LU à un opérateur qui livrera ce printemps 203 logements. Le « diffus » s’oppose aux opérations d’aménagement encadrées par des procédures. C’est une notion à géométrie variable.

M. Michel Piron, rapporteur. La multiplication des intervenants en Île-de-France est une vraie question. De même qu’il y a une surenchère des promoteurs, peut-il y avoir surenchère des organismes fonciers ? Concrètement, existe-t-il des champs de concurrence entre les différents intervenants fonciers ? Qui tranche ces situations ?

Par ailleurs, comment l’EPF joue-t-il concrètement un rôle d’accélérateur de mise sur le marché des friches ?

L’atomisation des pouvoirs locaux étant particulièrement marquée en Île-de-France, quel est, selon votre point de vue technique, le périmètre idéal ?

Quelle est, enfin, la part du foncier dans le coût final du logement – le cas échéant, selon sa localisation ?

M. Daniel Goldberg. L’éventualité d’une fusion des établissements fonciers franciliens ayant été évoquée, comment concevez-vous, dans ce contexte, l’optimisation des moyens techniques et administratifs de ces établissements et plus largement de l’État en Île-de-France, où la situation du logement est particulièrement tendue ?

Quels liens vos deux établissements ont-ils avec les autres outils d’optimisation dont dispose l’État, notamment les établissements publics d’aménagement, les opérations d’intérêt national ou des établissements tels que la Société du Grand Paris (SGP) ?

Quelle est votre vision des établissements publics fonciers locaux ? Bien qu’il n’en existe pas dans vos régions respectives, comment imagineriez-vous une coexistence entre ces établissements et les EPF d’État ?

En quatrième lieu, le périmètre d’action des métropoles vous semble-t-il être l’aire géographique utile pour vos territoires ?

En cinquième lieu, la généralisation des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) améliorera-t-elle votre pratique quotidienne ?

Enfin, quels seraient selon vous les moyens les plus pratiques pour lutter contre la rétention foncière ?

M. Michel Piron, rapporteur. Pour ce qui concerne plus particulièrement la région PACA, le manque d’anticipation ne tient-il pas à ce qu’une telle anticipation est difficile à l’échelle communale, notamment en termes d’ingénierie ? Quelle serait donc la bonne échelle permettant d’assurer l’anticipation ? Ce thème recoupe ceux de l’éventuelle intercommunalisation des PLU et du rôle des SCOT et autres documents.

M. Émile Bayer. Je confirme qu’il n’existe pas d’EPF locaux, ni de projets en ce sens en PACA. Lors d’une réunion à laquelle j’ai récemment participé, réunissant des EPF locaux et d’État, il a été convenu qu’il n’était pas opportun de superposer les deux structures et que, dans le cas où il existait déjà des EPF d’État à périmètre régional, la création d’EPF locaux serait une erreur.

L’EPF PACA appelle de tous ses vœux la création d’une métropole. Les six intercommunalités n’apportent de bonne réponse, ni à la question du logement qui doit être abordée au niveau du bassin d’emploi et d’un point de vue économique - et pour laquelle le ratio d’un logement pour un emploi était un bon fil conducteur -, ni à celle des transports.

Il faut également évoquer l’éco-métropole. La région PACA abrite en effet 80 % de la biodiversité française de l’Hexagone. Tout projet qui s’inscrit dans le cadre d’un SCOT entre en conflit, dans sa phase opérationnelle, avec les études d’impact qui révèlent le plus souvent la présence d’espèces protégées, tant animales que végétales. C’est un problème auquel a notamment été confronté le grand port de Marseille : il n’a pu réaliser les liaisons fluviales qu’il souhaitait établir avec le Rhône pour la Darse 2 car toutes les réserves foncières sont transformées en réserves naturelles abritant des espèces protégées à l’échelle européenne, et les mesures compensatoires, appliquant un coefficient de dix pour un – soit la restitution de dix hectares pour un hectare consommé –, asphyxient tout développement.

Nous avons été confrontés à cette difficulté sur plusieurs sites d’extension urbaine, où étaient pourtant programmées des opérations compactes, denses et en continuité avec les tissus urbains existants. De fait, c’est souvent lorsqu’il ne reste plus à acquérir que les 20 % du foncier justifiant la DUP qu’une étude d’impact menée sur quatre saisons révèle la présence, par exemple, du grillon-hérisson ou d’une espèce de fleur qui bloque les opérations. À Ramatuelle, où nous étions en outre soumis à la loi Littoral, l’étude d’impact a ainsi mis en évidence la présence de deux couples de tortues d’Hermann ; il nous a fallu réduire le projet, qui prévoyait initialement deux hameaux de 60 logements, pour construire un seul hameau de 80 logements – soit une perte de 40 logements – et payer l’équivalent de 40 hectares à titre de compensation des 4 hectares utilisés.

L’éco-métropole revêt une grande importance, dans le contexte du Grenelle de l’environnement, pour permettre d’arbitrer les enjeux économiques, sociaux et environnementaux. C’est actuellement impossible car les tenants de l’environnement, du développement économique et du logement font chacun leur travail et cela se traduit par des affrontements stériles. Il ne faut donc pas manquer l’occasion de créer cette métropole, qui serait un levier majeur pour l’EPF. Aujourd’hui, on ne travaille pas à la bonne échelle.

M. Daniel Goldberg. La création de la métropole ne modifierait-elle pas votre manière d’agir sur les deux types de territoires, métropolitain et non-métropolitain, relevant de votre compétence ?

M. Émile Bayer. Non, car il existe déjà la métropole de Nice-Côte d’Azur ; la loi permettant aux agglomérations de plus de 400 000 habitants de se constituer en métropole, celle de Toulon-Provence-Métropole est en gestation. Si donc la métropole marseillaise se constitue, le système régional s’articulera autour de trois métropoles, ce qui sera de nature à susciter un dialogue entre elles et à régler le problème des transports en commun. Cela devrait plutôt clarifier les relations.

M. Michel Piron, rapporteur. Quel serait le rôle de la région ?

M. Émile Bayer. Aujourd’hui, elle n’a pas encore beaucoup de compétences. Elle est chargée du schéma régional d’aménagement du territoire (SRAT) et organise des débats intéressants entre partenaires, mais n’a pas de compétence prescriptive. Nous l’avons ainsi souvent interrogée – sans résultat - dans l’espoir de disposer d’une sorte de schéma directeur des zones d’activité afin de définir des priorités pour notre action dans le domaine économique.

En matière de logement, l’existence de métropoles nous permettrait sans doute de traiter les problèmes à plus grande échelle. L’objectif de 40 000 logements par an correspond à 8 logements pour 1 000 habitants. Or, la plupart des PLH issus des 20 intercommunalités fixent pour cible au maximum 6 logements pour 1 000 habitants. La cartographie que nous avons réalisée montre que l’intensité de construction rapportée au parc de logements existants est plus importante dans les milieux ruraux, parce que les grands EPCI ne produisent pas à la bonne échelle. On constate donc un déficit annuel de 2 logements pour 1 000 habitants, soit un total de 10 000 logements, dont 25 % de logements sociaux. Les métropoles pourront mieux gérer les opérations et les intercommunalités ne pourront plus se renvoyer la balle pour éviter de les accueillir. L’analyse de la démographie montre bien la surchauffe qui se produit en périphérie des agglomérations ayant une activité économique. En PACA, la tension provient du différentiel entre le nombre d’emplois créés et le nombre de logements offerts. Ce phénomène a été précisément cartographié et on connaît parfaitement les interactions entre les EPCI, et le jeu de « chaises musicales » que cela génère.

La création de PLUI va dans le même sens. Le fractionnement observé aujourd’hui a pour résultat un quasi-immobilisme. Ainsi, Aix ne souhaite pas l’intervention de l’EPF au motif que l’effort doit être fait par les 34 petites communes du pays d’Aix – mais ces dernières n’ont pas voté le PLH. Il faut changer d’échelle pour traiter au bon niveau les questions de logement.

La rétention est un problème, en particulier dans les Alpes-Maritimes. L’observation du cycle des prix révèle que nous sommes aujourd’hui dans une phase de renversement de tendance. Cependant, en 2008, cette phase n’a duré qu’un an, avant que les prix ne repartent à la hausse.

M. Christophe Caresche, rapporteur. C’est donc le moment d’acheter ?

M. Émile Bayer. Non, car les courbes établies par Jacques Friggit pour la France, les États-Unis, le Royaume-Uni et les pays d’Europe montrent que les autres pays ont connu une chute de 30 % à 40 % : acheter maintenant se justifie si l’on en a besoin mais le faire à titre de placement revient à courir le risque d’une décote de 40 % d’ici à trois ou quatre ans. Les travaux de Joseph Comby sur le marché parisien montrent que les prix ne croissent pas en permanence et finissent par retomber. Quand il y a chute, nous achetons dans le premier tiers du cycle du déclin.

À Antibes, nous allons ainsi racheter, à la demande du maire, une opération initialement montée dans le cadre d’un projet urbain partenarial (PUP). Cette opération, qui porte sur 12,5 hectares, a fait l’objet de compromis de vente conclus par plusieurs opérateurs nationaux. Le PUP a échoué, l’opération publique était trop complexe. Le marché se renversant, les opérateurs abandonnent successivement le projet. L’EPF rachètera sans doute à ces opérateurs, comme il l’a fait par exemple à Saint-Cyr-sur-Mer dans le Var, où il a racheté pour 4,7 millions d’euros un bien pour lequel un grand opérateur national était titré à 6,7 millions d’euros. L’EPF achètera sans doute de 30 % à 40 % moins cher, sur la base de l’estimation des Domaines, mais paie dans les trois mois grâce à la liquidité que offerte par la TSE, tandis que l’opérateur, d’une promesse de vente à l’autre tant que toutes ses conditions ne sont pas remplies, ne prend finalement aucun engagement.

Ce contexte n’existe pas partout : à Marseille par exemple, les promoteurs immobiliers se livrent à une surenchère au risque de monter des opérations non crédibles -peut-être parce que leurs directeurs locaux sont tenus de continuer à présenter des affaires à leurs comités d’engagement. Les opérateurs sont dans l’expectative et n’ont pas encore vraiment pris acte du fait que le marché va s’ajuster. Lorsqu’ils pratiquent cette surenchère dans notre périmètre de veille, nous préemptons, qu’il s’agisse de bailleurs sociaux ou d’opérateurs privés, car nous nous efforçons de maintenir un prix moyen de référence et recourons pour cela à une préemption en réduction de prix.

Dans la région PACA, nous ne sommes pas confrontés à une concurrence des opérateurs, car nous intervenons en amont des promoteurs et des aménageurs. Nous avons toujours recommandé aux bailleurs de conserver leurs outils et leurs prospecteurs fonciers, car nous ne réalisons que 10 % de la production régionale. Les bailleurs se chargent de ce qui est simple, comme l’achat des tènements situés en bordure de voie, tandis que nous prenons en charge les opérations plus compliquées, comme le remembrement urbain en fond de parcelle à désenclaver. Pour les aménageurs, qui ont toujours une part de recettes issue de l’action foncière, nous nous occupons de la régulation des prix : nous préemptons et procédons à quelques acquisitions amiables afin de nous constituer un portefeuille de référence, notamment vis-à-vis de France Domaines et du juge de l’expropriation. Lorsque l’aménageur est opérationnel, nous le laissons initier la DUP et prendre le relais : les prix sont calés et la voie est ouverte pour finaliser l’opération.

Quant à savoir si le manque d’anticipation est une question d’échelle ou d’ingénierie, je rappelle que les intercommunalités étaient encore peu nombreuses lorsque l’EPF PACA a été créé en 2001, qu’un grand nombre d’entre elles n’ont été créées qu’entre 2002 et 2005 avec l’ingénierie correspondante, et qu’il n’existait au départ ni PLH ni SCOT. Depuis 2005, nous travaillons sur la base de PLH, désormais spatialisés. En revanche, dans le moyen pays et sur les franges des EPCI, où il n’existe pas d’intercommunalités, il faudrait que ce tissu rural s’organise en intercommunalités à une échelle leur permettant de disposer d’une ingénierie (un savoir-faire en matière foncière, de conduite de projets urbains et de maîtrise d’ouvrage) ou, à défaut, que la région et les départements puissent cofinancer des équipes chargées de monter les projets. L’EPF ne peut en effet se substituer totalement à la maîtrise d’ouvrage pour les 623 communes de la région PACA ; les EPCI sont déjà un gage d’efficacité.

M. Pascal Dayre. À la différence des EFP d’État, qui reçoivent chaque année une lettre du préfet présentant les grandes orientations stratégiques de l’État, les EPF locaux ajustent leur politique en fonction d’enjeux qui ne sont pas forcément ceux des grandes politiques de l’État.

M. Michel Piron, rapporteur. Il n’est pas illogique que le local soit local…

M. Pascal Dayre. Certes, mais ils ne prennent pas forcément en charge les besoins des grandes infrastructures d’État.

Pour ce qui est de la rétention foncière, notre action foncière a diminué entre 2011 et 2012, passant de 187 millions d’euros à 169 millions d’euros, en raison notamment des dispositions législatives portant à 30 ans la durée d’extinction de la taxe sur les plus-values immobilières. Le mois de janvier 2012 a ainsi été marqué par un volume exceptionnel de ventes, puis la chute a été nette.

Taxer le foncier libre de toute construction au même niveau que le foncier bâti parce qu’il est en zone urbaine ou urbanisable – définie, par exemple, en fonction des périmètres de projets des communes - pourrait favoriser l’accélération de la mise sur le marché de biens détenus sans être utilisés.

M. Michel Piron, rapporteur. Cette taxation serait-elle progressive, comme le suggéraient un certain nombre d’aménageurs, au lieu de dégressive ou linéaire ?

M. Pascal Dayre. Si on veut que la mesure joue un rôle d’électrochoc, elle doit être très incitative au départ.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Deux méthodes sont possibles : placer un mur fiscal à une date fixe ou alléger le coût de l’opération. Les conséquences sont différentes pour le budget de l’État.

M. Pascal Dayre. L’électrochoc à une date annoncée semble l’approche la plus efficace.

M. Olivier Carré, président. On peut aussi imaginer que la cession à un EFP chargé de missions d’intérêt public donne droit à exonération – à l’instar des expropriations. C’est peut-être une piste à explorer pour mettre en œuvre un plan permettant de dégager du foncier.

M. Pascal Dayre. L’idée de PLU intercommunaux va dans le bon sens. Nos conventions sont le plus souvent conclues avec la collectivité, qui détient le pouvoir de fixer les règles de l’urbanisme pour faire évoluer son PLU selon les besoins mais nous saurons nous adapter. La commune restera toujours l’échelon essentiel avec lequel nous conventionnerons mais l’intercommunalité sera également signataire. Dans les communes rurales, où le manque d’ingénierie est criant, le fait que l’État ne pratique plus de mises à disposition de services compétents a laissé de nombreuses collectivités démunies. L’action au niveau intercommunal permettrait de réaliser une économie de moyens à l’échelle de plusieurs collectivités et de mieux informer les territoires.

Nous menons actuellement une réflexion sur le foncier périurbain, où se pose le problème de l’ouverture à l’urbanisation de certains sites, qui sont parfois des terres agricoles riches ou des milieux humides présentant une biodiversité qui mérite examen. Nous sommes associés avec l’Agence des espaces verts de la région Île-de-France et avec la SAFER pour offrir à la collectivité l’accès à une ingénierie et financer des études, ainsi que pour rédiger leur cahier des charges garantissant que la problématique de l’extension urbaine en milieu périurbain soit appréhendée sous toutes ses facettes, par le regard de l’écologue, de l’urbaniste et de l’agronome, pour que les élus soient informés des arbitrages à opérer.

Pour ce qui concerne le lien avec les autres établissements publics de l’État et la Société du Grand Paris (SGP), nous disposons notamment de conventions-cadres avec Marne-la-Vallée et Plaine de France. Nous sommes également très investis, ne serait-ce que financièrement, avec l’établissement public d’aménagement Orly-Rungis-Seine-Amont (EPA ORSA) et l’EPA Sénart, et travaillons aussi avec l’établissement public de Paris-Saclay. Ce travail se fait non seulement par voie de conventions, au titre desquelles les établissements publics d’aménagement et les collectivités signataires se portent garants, mais également par voie de conventions-cadres qui donnent lieu à des études en amont ou à des échanges d’informations et de données.

Nous avons avec la SGP des relations informelles, qui ont vocation à s’officialiser au même titre que celles que nous avons récemment nouées avec le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF). Aux termes de la convention-cadre conclue avec ce dernier, nous intervenons en tant qu’opérateur foncier sur les biens destinés à accueillir des infrastructures de transports et nous engageons à rétrocéder au STIF la partie destinée de ces biens qui portera l’infrastructure – pour l’euro symbolique lorsque l’opération réalisée sur le reste du tènement permet d’équilibrer le prix de revient de l’acquisition foncière. À l’inverse, le STIF s’engage à nous racheter les parties, même délaissées, des biens qui seraient touchés par l’infrastructure.

Pour ce qui est d’une éventuelle fusion des EPF, je rappelle qu’un référentiel territorial s’impose aux huit départements d’Île-de-France : le schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), qui doit être approuvé à la fin de 2013. Cette feuille de route devrait donc s’imposer à l’ensemble des opérateurs fonciers même si, dans les faits, aujourd’hui ce n’est pas forcément le cas. C’est également le cas pour la déclinaison de la territorialisation des objectifs de logement (TOL), qui doit elle aussi régir les actions foncières que nous menons avec les collectivités. La métropole a vocation à s’inscrire dans les grandes orientations d’aménagement définies par le SDRIF. Il serait donc cohérent que l’aire géographique d’intervention d’un établissement public corresponde à l’aire d’application du SDRIF.

Quant à la rétention, il n’y a plus, aujourd’hui, de friches inoccupées. Toutes les friches, même sous-occupées, ont une fonction économique au sein de la métropole. Nous agissons ainsi sur des tènements économiquement importants que les collectivités n’ont pas les moyens d’acquérir, compte tenu des frais de remploi, d’éviction et de transfert qui viennent s’ajouter au coût du foncier. Ainsi, le coût des opérations que nous menons sur la Plaine-Saint-Denis ou sur les territoires de l’Ourcq, de Pantin à Bondy, est de l’ordre de 10 millions d’euros à l’hectare. Notre volume financier nous permet de porter de telles opérations d’acquisition, de portage voire de transformation, qui seraient très lourdes pour les collectivités.

Le nouvel élément est l’allongement des durées du portage car il induit divers coûts supplémentaires de sécurisation, de taxes foncières etc. qui alourdissent la facture finale. Le conseil d’administration de l’EPF a donc voté, le 20 mars, la création de véhicules de portage à long terme. En effet, des friches comme le secteur de la Plaine ou celui de la gare de Pleyel à Saint-Denis sont des actifs immobiliers aujourd’hui pleins, dont la valeur d’exploitation est parfois même supérieure à la valeur de développement, mais possédant un potentiel considérable qui en font des sites stratégiques, compte tenu par exemple de l’arrivée du réseau du Grand Paris. La foncière que nous créons, dans laquelle l’EPF et l’aménageur local apportent respectivement 85 % et 15 % du capital, a vocation à acheter les biens et à les exploiter afin d’en tirer une recette locative suffisante pour couvrir, outre les frais financiers liés au remboursement des emprunts, les coûts de gestion et, in fine, les coûts d’éviction des entreprises hébergées. Ces recettes nous permettront, au bout de dix ans, de revendre le foncier au prix où nous l’aurons acheté.

L’EPF exerce ainsi une action de régulation sur un site stratégique sur lequel s’opère déjà une spéculation foncière importante. Il permet aussi à la collectivité, en mettant sous maîtrise publique des tènements stratégiques pour son développement, de capter la plus-value qui lui permettra d’assurer l’aménagement du site et de fixer un prix du foncier garantissant une diversité d’offres pour le logement comme pour l’activité, à proximité immédiate des nouvelles gares.

M. Michel Piron, rapporteur. Dix ans, c’est très court pour du long terme !

M. Pascal Dayre. C’est un minimum. La durée sera plutôt de 10 à 15 ans.

M. Michel Piron, rapporteur. J’imaginais plutôt une durée de 20 à 25 ans.

M. Pascal Dayre. Ce modèle ne l’empêche nullement.

M. Olivier Carré, président. Si les taux remontent, une durée de 25 ans risque de n’être plus supportable.

M. Pascal Dayre. Je précise, pour conclure, que le poids du foncier représente de 15 % à 25 % de nos opérations.

M. Olivier Carré, président. Messieurs, je vous remercie.