Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la mission d’évaluation et de contrôle

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Comment optimiser les aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins ?

Mercredi 3 avril 2013

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 17

Présidence de M. Olivier Carré, président

– Audition, ouverte à la presse, de professionnels de l’usufruit locatif social évolutif (PULSE) : M. Alain Laurier, président de l’association et président de Pierre Épargne Retraite Logement (PERL), et M. Marc Bonjour, directeur des relations institutionnelles de PERL, sur le thème « Comment optimiser les aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins ? »

M. le président Olivier Carré. Nous recevons maintenant, dans le cadre de nos auditions sur le financement du logement social, M. Alain Laurier, président de l’association et président de Pierre Épargne Retraite Logement (PERL), et M. Marc Bonjour, directeur des relations institutionnelles de PERL. Vous avez souhaité, ayant eu connaissance de nos travaux, présenter à la Mission d’évaluation et de contrôle l’usufruit locatif social (ULS). Ce dispositif, modifié récemment par décret, ne manque pas d’intérêt, même si son utilisation est encore marginale dans la production globale.

M. Alain Laurier, président de l’association et président de Pierre Épargne Retraite Logement, PERL. Avant de vous démontrer comment ce dispositif peut contribuer à l’optimisation des aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins, il est nécessaire de poser toutes les données du problème.

Deux chiffres, provenant de Jean-Martin Delorme, le directeur régional et interdépartemental de l’hébergement et du logement en Île-de-France, disent l’ampleur du travail qui reste à accomplir : dans cette région, les crédits d’aides de l’État pour l’investissement s’élèvent à 250 millions d’euros, alors que le coût de l’hébergement d’urgence est de 500 millions d’euros.

S’interroger sur l’optimisation des aides à la construction de logement c’est d’abord analyser quelles sont les zones où il y a des problèmes et pourquoi. Il y a d’abord les zones tendues qui souffrent d’un déficit de logements sociaux, notamment l’Île-de-France – territoire d’immigration pour des populations d’origine étrangère et du nord et de l’est de la France –, la façade atlantique et le sud de la France.

Selon l’Union HLM, au cours des dix dernières années, le prix du loyer moyen a cru, en dix ans, de 30 % et le coût de la production de logements de 85 %. Le prix moyen du logement est de 140 000 euros pour 67 mètres carrés. Ces chiffres expliquent la difficile équation entre l’existence de secteurs distincts et ce qu’on peut réaliser en leur sein.

La Caisse des dépôts et consignations (CDC), a calculé que le prix de revient total d’un T3 (environ 67 mètres carrés) s’élevait à 140 000 euros hors Île-de-France alors qu’en Île-de-France il serait de 170 000 euros, soit 1 950 euros le mètre carré, hors coût du foncier.

L’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Île-de-France constate la croissance depuis plusieurs années (2005 à 2009) de ce coût de revient. Il évalue, quant à lui, le prix de revient total du logement en surface utile en Île-de-France à 2 800 euros le mètre carré. Il fait apparaître par ailleurs une très forte croissance de la part de l’emprunt dans le financement du logement, jusqu’à 1 900 euros par mètre carré.

Le schéma de répartition du parc de logements existants en fonction des loyers dans la première couronne parisienne, dessiné par l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP), nous permet de connaître la part du logement social, avec des loyers inférieurs à 6 euros le mètre carré, et celle du logement locatif privé (graphique en annexe). Il y a fort à parier qu’un schéma de répartition selon les revenus des ménages adopterait la forme d’une courbe de Gauss. Les procédures de construction de logements sociaux qui ont été suivies jusqu’ici sont un élément d’explication mais on peut y voir également l’effet des variations du taux de TVA applicable.

Le niveau de revenu des ménages est évidemment un élément essentiel de l’analyse. Dans le cas d’un couple avec un enfant, le revenu minimal est de 1 666 euros par mois, net d’impôt, et le revenu médian de 3 300 euros. En tenant compte du taux d’effort (20 % pour un ménage « pauvre » et 25 % pour un ménage disposant de revenus médians) pour la location d’un trois pièces, le loyer sera de cinq euros le mètre carré pour les plus pauvres bénéficiaires du prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), de huit euros pour les ménages modestes relevant du prêt locatif à usage social (PLUS), et de douze euros pour les ménages correspondant au niveau de revenu médian, public visé par le prêt locatif social (PLS) en Île-de-France. Tous les bureaux d’études avec lesquels nous travaillons sur l’élaboration de programmes locaux de l’habitat regrettent de ne pas avoir accès aux statistiques sur les revenus des ménages du secteur.

Les conditions de l’équilibre du compte d’exploitation des bailleurs sociaux intervenant dans ces zones constituent un autre élément déterminant pour notre analyse. Pour que l’équilibre d’exploitation soit assuré, il faut qu’un logement financé par le fameux prêt locatif intermédiaire (PLI), ou par le dispositif « Duflot » d’investissement immobilier en Île-de-France, soit loué 17 euros le mètre carré. Un logement construit par un bailleur social en zone A et financé par un prêt locatif social (PLS) devra, lui, être loué 9,50 euros le mètre carré, dans l’hypothèse où le bailleur finance ce logement à hauteur de 20 000 euros de fonds propres et emprunte 115 000 euros à un taux de 4 %, soit un coût de 135 000 euros sur trente ans pour un T 3 de 67 mètres carré, le prix de revient étant alors de 2 000 euros maximum. Le bailleur est donc à l’équilibre d’exploitation sur 30 ans en n’assumant que 2 000 euros.

Quand le coût de construction est de 1 700 euros auquel s’ajoutent les honoraires techniques, on parvient à un prix de revient de 1 950 euros. Cela signifie qu’on ne peut construire du logement financé en PLS ou en PLUS en zone A que si la charge foncière est gratuite ou s’il existe d’autres sources de financement complémentaires (subventions, aides…).

On peut faire le même exercice dans le cas d’une opération de prêt locatif intermédiaire. En prenant en compte un niveau maximum de fonds propres de 120 000 euros, rémunérés à 2,5 % l’an, les loyers perçus permettent de rembourser un prêt de 160 000 euros, au taux de 4,5 % sur vingt-cinq ans. Dans ces hypothèses, le prix de revient global du logement moyen ne peut pas être supérieur à 280 000 euros, soit un plafond de 4 200 euros au mètre carré habitable. Là où on peut faire du logement à 17 euros, le coût de construction sera d’environ 1 950 euros le mètre carré si la charge foncière n’excède pas 900 voire 1 000 euros le mètre carré.

Ces chiffres permettent de mesurer les limites des dispositifs d’aide à la construction de logement social, dont l’effectivité suppose, pour le PLI, une charge foncière nulle ou l’existence d’autres sources de financement et, pour le PLS, une charge foncière n’excédant pas 1 000 euros. C’est ce constat qui nous a incités à développer une autre solution pour favoriser la construction de logement, en distinguant la possession d’un actif immobilier et l’usage qui en est fait. Lorsqu’on est d’abord intéressé par l’usage d’un logement, pourquoi devrait-on nécessairement en payer, par des subventions, le patrimoine correspondant?

Le dispositif que nous cherchons à développer depuis une dizaine d’années vise à drainer l’épargne privée pour l’affecter à une politique publique. Jusqu’ici tous les dispositifs d’aide à l’investissement locatif, qu’il s’agisse du « Quilès-Méhaignerie », du « Périssol », du « Robien », du « Borloo » ou du « Scellier », avaient pour objectif d’affecter l’épargne là où l’investisseur l’a décidé, avec les dérives ou les excès que l’on déplore. Le schéma d’usufruit locatif social, en revanche, permet d’orienter l’épargne vers des opérations de logement décidées par la collectivité locale, en fonction de son programme local de l’habitat (PLH).

Le principe de l’usufruit locatif social (ULS) est celui de la dissociation temporaire du droit de propriété en usufruit et de la nue-propriété, deux droits réels immobiliers qui existent depuis deux mille ans et qui ont été consacrés par le code civil de Napoléon. Ces deux droits réels sont distincts et chacun d’eux peut être cédé séparément sans que cela affecte l’existence de l’autre. Dans le dispositif d’ULS, l’usufruit temporaire ne se distingue de l’usufruit viager que par son terme, qui est connu à l’avance, puisqu’il est consenti pour une durée de 10 ans, 15 ans ou 18 ans. Durant cette période, l’usufruitier bailleur dispose de toutes les prérogatives du propriétaire : il peut occuper, louer le bien ou s’en procurer les fruits. Il doit simplement s’engager à conserver le bien en bon état. Le nu-propriétaire est le propriétaire en puissance, il peut aliéner le bien tandis que l’usufruitier use du bien en bon père de famille.

Nous avons commencé à imaginer un tel schéma vers la fin des années 90, quand la question des retraites a commencé à se poser. Il nous semblait en effet intéressant de le proposer à des personnes appartenant à la classe moyenne ou moyenne supérieure, qui ne sont pas à la recherche d’un complément de revenus immédiat (professions libérales…) mais désireuses de se constituer un patrimoine pour leur retraite sans avoir à s’occuper de sa gestion quotidienne.

Nous avons contacté le service en charge du financement du logement à la direction du Trésor (bureau B3). Ce service avait alors à sa tête M. Bruno Bézard, qui nous a recommandé de tester directement ce schéma sur le terrain pour le rendre crédible auprès de l’administration. Nous avons donc proposé ce dispositif à des bailleurs sociaux et à des professionnels du droit (notaires, professeurs de droit) et au Crédit foncier. La condition sine qua non était pour nous de garantir au bailleur social que son compte d’exploitation serait à l’équilibre grâce aux seuls loyers futurs, ces logements ne nécessitant ni subvention de collectivités locales, ni immobilisation des fonds propres du bailleur. Quand on vend un usufruit à 9,50 euros de loyer PLS en zone A pour un usufruit sur 17 ans, le prix d’acquisition au mètre carré varie de 1200 à 1400 euros en fonction de la composition des programmes. Le bailleur ne finance que cette quote-part.

L’intérêt du nu-propriétaire est de se constituer une épargne complémentaire. Ne payant que 60 % d’un bien, il en récupérera 100 % au bout de quinze ans, dans l’hypothèse d’une valeur constante du bien. Ainsi, le gain est de 3,5 % l’an. C’est le taux de rentabilité interne (TRI) du placement.

M. le président Olivier Carré. Le propriétaire est effectivement propriétaire du bâtiment sans en percevoir les loyers. En revanche, à une date connue, il obtiendra la possibilité de le relouer. Ainsi, le propriétaire le récupérera en totalité, sous réserve de la dégradation du bien et des variations du marché immobilier. Ce bien aura donc d’abord une destination sociale, avant de retrouver sa vocation patrimoniale. Globalement, il fait un pari relativement faible. Le bailleur social, quant à lui, achète 40 % du bien, pour un coût qui doit être couvert par la somme des loyers qu’il percevra. Il faut donc que la somme des loyers encaissés et des frais de gestion soit égale à ces 40 %. On a un système de double portage qui permet de partager le coût : usage social via la jouissance du bien puis usage patrimonial une fois que le bien sera revenu au nu-propriétaire.

M. Alain Laurier. Je précise que le bailleur ne paye pas 40 % du bien, puisqu’il achète en bloc l’usufruit de l’immeuble.

Ce dispositif a été, à l’initiative de M. Gilles Carrez, sécurisé par la loi de finances pour 2004. Depuis, les bailleurs sociaux ayant recours à l’ULS pour la réalisation d’opérations de logements locatifs sociaux via un conventionnement avec l’État pour 15 ans, bénéficient également du taux réduit de TVA prévu par l’article 278 sexies alinéa 10 du code général des impôts.

Dans l’étude qu’il a consacrée l’an dernier à l’ULS, à la demande du MEDEF et de l’Union des constructeurs immobiliers d’Île-de-France, l’économiste Alain Trannoy souligne que ce ne sont pas tant les limites de financement par la Caisse des dépôts et consignations des bailleurs qui freinent la construction de logements sociaux que le manque de fonds propres des bailleurs. C’est pourquoi il s’interroge sur l’intérêt aujourd’hui de financer des acquisitions patrimoniales sur le très long terme, avec des prêts de quarante-cinq, voire cinquante ans.

Il souligne l’effet pervers des dispositifs actuels de soutien à l’investissement locatif, le premier résidant dans la capacité du marché à absorber tout ou partie des aides publiques.

Alain Trannoy a également fait une étude sur le zonage « Scellier » montrant que les prix des terrains relevant de la zone C du dispositif « Scellier », donc non éligibles, avaient connu la même évolution inflationniste que ceux de la zone B 2. Cela prouve que, quoi qu’on fasse, le terrain restera cher en zone tendue. En conséquence, la seule façon de faire baisser cette pression est de mener des politiques d’aménagement foncier, mais qui sont coûteuses en temps et en moyens. Il vaudrait mieux limiter les dépenses immédiates (subventions, surcharge foncière), qui sont souvent à fonds perdus pour développer les opérations en usufruit locatif social, qui ne nécessitent ni subventions, ni fonds propres, et consacrer l’argent ainsi économisé à des politiques d’aménagement.

M. Michel Piron, rapporteur. Vous avez évoqué très clairement la question du financement, notamment la problématique des fonds propres et des aides locales qui ne sont pas négligeables et qui sont multiples car plusieurs niveaux de collectivités locales interviennent. On a bien compris que l’intérêt de ce dispositif est d’orienter une épargne longue vers la construction de logements. Ainsi, ne peut-on pas imaginer qu’un bailleur social ait suffisamment de fonds propres (via une rotation de son patrimoine) pour acquérir 60 % du bien afin de boucler le financement et de bénéficier lui-même des 3,5 % de gain annuel ?

M. Alain Laurier. C’est évidemment possible et certains le font. Dans ce cas, un logement financé par un prêt aidé par l’État restera ad vitam aeternam un logement social, sauf en cas de vente au locataire. Des bailleurs nous ont fait la réflexion qu’ils avaient récupéré les fonds propres consacrés à la construction de logements sociaux en vendant du patrimoine à des locataires qui avaient emprunté, donc avaient sollicité l’épargne privée.

M. Michel Piron, rapporteur. Vous apportez de l’eau à mon moulin : sous des formes différentes, il s’agit toujours d’un drainage de l’épargne privée. Un des organismes qui compte parmi les cinq plus importants en France actuellement, m’indiquait que cette année, la moitié de ses constructions qu’il pouvait faire était financée, pour ce qui est de ses fonds propres de cette manière.

M. Alain Laurier. Le problème est tellement vaste qu’il faut additionner tous les moyens existants. L’immeuble financé par le bailleur social qui le possède en pleine propriété, soit va demeurer dans le parc locatif, soit sera vendu au locataire. Il n’y a que ces deux possibilités.

M. Michel Piron, rapporteur. Le ministère des finances juge-t-il normal que l’acquisition de logements neufs bénéficie d’un taux réduit de TVA ?

M. Alain Laurier. Cela n’a pas posé problème. À l’inverse, les bailleurs sociaux ayant recours à l’usufruit locatif social dans le cadre d’opérations de logements locatifs intermédiaires n’ont pas bénéficié du taux réduit de TVA, pas plus que les bailleurs sociaux qui ont acheté en bloc l’usufruit de logements existants ou de logements occupés, ou que les nus-propriétaires dans le cas de vente d’immeubles rénovés - seule façon de trouver un portage pour la transition énergétique.

S’agissant de construction de logements neufs, en revanche, le schéma ne peut fonctionner qu’avec un taux réduit de TVA sans lequel on ne peut pas faire de location sociale. Mais n’est-ce pas le prix à consentir si on veut introduire de la mixité sociale dans des secteurs où plus personne n’arrive à en faire ?

M. Christophe Caresche, rapporteur. Ce matin, à l’occasion de la présentation par nos collègues Karine Berger et Dominique Lefebvre du rapport qu’ils ont consacré à l’épargne financière, le Rapporteur général a déploré l’absence de préconisations pour la mobilisation de l’épargne longue en faveur du logement. De ce point de vue, le recours à l’usufruit locatif social peut être une solution, notamment dans le domaine du logement locatif intermédiaire, qui pourrait bientôt bénéficier d’un statut spécifique. En revanche, la question de la sortie du conventionnement social au bout de quinze ans fait toujours débat.

M. Alain Laurier. C’est pourquoi nous avons, avec l’Union sociale de l’habitat et les grands bailleurs d’Île-de-France, proposé au cabinet de la ministre chargée du logement la mise en œuvre du concept de transition locative. Il s’agit d’adapter le dispositif en prévoyant une période de transition de deux à trois ans selon les cas. La durée de conventionnement restera toujours de quinze ans au moins et l’usufruit pourra être signé pour dix-sept ou dix-huit ans, le nu-propriétaire ne touchant aucun revenu durant cette période : il s’agit d’un placement de pure capitalisation et de confiance. Les logements qui se libéreraient après quinze ans sortiraient du conventionnement, l’usufruit cessant. Pendant la période transitoire, le bailleur serait indemnisé par l’épargnant du montant des loyers qu’il ne toucherait pas. Il disposerait de trois ans pour décider de la destination de ces logements, pour lesquels on pourrait imaginer un système de gestion mutualisée entre les bailleurs.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Ce n’est pas une épargne suffisamment liquide.

M. Alain Laurier. Il existe un marché secondaire où on peut revendre son bien.

Vous avez évoqué le rapport de Karine Berger et Dominique Lefebvre au sujet de la mobilisation de l’épargne longue, aujourd’hui, nous travaillons avec les sociétés de gestion les plus importantes de la place à la conception d’un schéma impliquant les organismes ou les sociétés de placement collectif immobilier, les organismes de placement collectif immobilier (OPCI) ou les sociétés civiles de placement immobilier. Il s’agirait d’inciter les investisseurs institutionnels à investir dans le logement social ou le logement intermédiaire via des véhicules adaptés. L’avantage de l’organisme de placement collectif en immobilier c’est qu’il offre une perspective de liquidité à une échéance de dix ans environ aux institutionnels, notamment aux gestionnaires d’assurance-vie, qui ne veulent pas se charger de la gestion locative des biens.

Il s’agit d’optimiser l’aide au logement en faisant du logement social une étape dans un parcours de logement, et non plus une nasse d’où on ne peut pas sortir. Si les bailleurs sociaux détiennent l’usufruit de logements intermédiaires, en PLS ou en PLI, ils pourront proposer à certains de leurs locataires des solutions de sortie du parc social.

Nous prévoyons une première opération de ce type dans le 15e arrondissement de Paris. En effet, notre société va réaliser, dans le cadre du projet de zone d’aménagement concerté Boucicaut, près de soixante-cinq logements locatifs à loyer réglementé. C’est la Société nationale immobilière qui sera l’usufruitière de ces logements pendant vingt ans, et nous discutons avec l’Autorité des marchés financiers et la Direction de la législation fiscale (DLF), de la possibilité pour les organismes de placement collectif en immobilier d’en acquérir la nue-propriété. Cette dernière solution est suspendue à la résolution de certaines questions liées à la définition réglementaire de ces organismes, qui seront vraisemblablement posées à l’occasion de l’examen de la loi de finances pour 2014.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Quelle évolution proposez-vous ?

M. Alain Laurier. Pour nous limiter au cas des sociétés civiles de placement immobilier, la DLF considère que l’acquisition de biens immobiliers en nue-propriété serait contraire à leur objet exclusif que les textes définissent comme « l’acquisition et la gestion d’un patrimoine immobilier locatif ». Des sociétés de gestion telles que la Française AM, BNP ou Alliance Gestion se disent prêtes à créer des sociétés civiles de placement immobilier qui ne feraient de la gestion locative qu’après dix-sept ans de capitalisation. Pour l’instant, on nous répond que ce n’est pas possible, qu’il faudrait recourir aux organismes de placement collectif en immobilier pour lesquels on rencontre également des difficultés.

M. Michel Piron, rapporteur. Vous avez des concurrents en matière de mobilisation de l’épargne longue.

M. Alain Laurier. Je préfère parler de complémentarité, notamment avec les conseils en gestion ou encore les assureurs. C’est ce qui nous permettra cette année de construire 1 500 logements sociaux en zone tendue (Cannes, Nantes, Arcachon…). Notre métier n’est pas de vendre des logements, mais de créer des lieux de rencontre entre des élus locaux, des bailleurs sociaux, des promoteurs ou des constructeurs, des sociétés d’aménagement mixte et des particuliers épargnants, dans un climat de confiance. La vente se fait par le réseau des banques et des assurances et les établissements de conseil en gestion de patrimoine. En bout de chaîne, c’est le client final qui arbitre.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Quel est le problème s’agissant des organismes de placement collectif en immobilier ?

M. Alain Laurier. Les textes ne précisent pas explicitement qu’ils peuvent détenir de la nue-propriété. Nous avons demandé au cabinet Gide, Loyrette et Nouel de nous proposer des solutions réglementaires et législatives susceptibles de débloquer la situation, et nous comptons bien vous les soumettre ainsi qu’au cabinet de la ministre dès que nous en disposerons.

Ces outils devraient débarrasser les institutionnels des embarras de la gestion locative. Ils auront la liberté de la sortie dans un système souple car ce sera l’organisme de placement collectif immobilier qui assurera le fonctionnement du dispositif.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Pouvez-vous estimer le nombre de logements susceptibles d’être construits grâce à ce dispositif ?

M. Alain Laurier. Il a déjà permis la construction de 1 500 logements. Le père Bernard Devert, le créateur d’Habitat et humanisme, me disait encore récemment que l’ULS lui avait permis de mobiliser l’épargne solidaire via les plans d’épargne entreprise ou les plans d’épargne pour la retraite collectifs (PERCO).

Les obstacles, à l’origine, venaient des réticences des élus locaux et des bailleurs sociaux inquiets de la sortie du conventionnement, mais ces réticences sont sur le point d’être vaincues par notre proposition de transition locative.

Aujourd’hui, les principaux obstacles viennent des administrations déconcentrées chargées de délivrer les agréments. En effet, selon les départements qui ne disposent pas des délégations d’aides à la pierre, les usages de l’administration varient (par exemple, l’usufruit ne pourrait être autorisé dans une commune car elle est en déficit). Une de nos opérations de logement dans l’ouest de Paris se heurte au refus de l’administration, au prétexte que le maire a fait l’objet d’un constat de carence. À l’est, deux opérations, qui avaient l’accord du bailleur, du ministère des finances, du promoteur et même de l’administration départementale, ont été refusées par le maire car la commune comptait déjà 20 % de logements sociaux. C’est un problème de gouvernance.

M. Marc Bonjour, directeur des relations institutionnelles de PERL. S’agissant du potentiel de construction de l’ULS, on pourrait assez rapidement multiplier par dix les 1 500 à 2 000 logements construits cette année, en tablant sur le concours des institutionnels.

M. Alain Laurier. Le but finalement est de substituer une politique de flux à une politique de stock qu’on ne sait plus financer. C’est sûrement difficile à organiser mais cela est nécessaire.

ANNEXE

Dans les zones en tension,
une absence d’offre intermédiaire