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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Comment optimiser les aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins ?

Mercredi 24 avril 2013

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 24

Présidence de M. Alain Claeys, président

– Table ronde, ouverte à la presse, de préfets auprès de collectivités ou d’EPCI, délégataires des aides à la pierre : M. Pierre-André Peyvel, préfet des Hauts-de-Seine, Mme Nicole Klein, préfète de Seine-et-Marne, M. Henri-Michel Comet, préfet de Haute-Garonne, M. Pierre de Bousquet de Florian, préfet de l’Hérault, sur le thème « Comment optimiser les aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins ? »

M. Alain Claeys, président. Mes chers collègues, Mesdames, Messieurs, nous recevons, dans le cadre d’une table ronde, quatre représentants de l’État auprès de collectivités ou d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) délégataires des aides à la pierre : Mme Nicole Klein, préfète de Seine-et-Marne accompagnée de M. Guillaume Corfdir chef du service du service habitat et rénovation urbaine à la direction départementale des territoires, M. Pierre-André Peyvel, préfet des Hauts-de-Seine, M. Henri-Michel Comet, préfet de la région de Midi-Pyrénées et de Haute-Garonne, et M. Pierre de Bousquet de Florian, préfet du Languedoc-Roussillon et de l’Hérault, qui est accompagné de Mme Yamina Lamrani, chef du service aménagement durable des territoires et logement de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). Mesdames, Messieurs, je vous remercie d’être venus jusqu’à nous.

Les délégations de compétence pour l’attribution des aides à la pierre offrent aux collectivités signataires un cadre et un instrument d’intervention plus efficace dans la construction de logements sociaux en fonction des besoins territoriaux. Grâce à leur plus grande proximité avec le terrain et aux engagements pris par les collectivités sur les objectifs de production et les compléments financiers, elles jouent un rôle important dans l’optimisation de ces aides. De précédentes auditions ont montré que les collectivités contribuaient puissamment à mobiliser les acteurs locaux publics et privés – même si le déséquilibre des pouvoirs en matière d’urbanisme entre les délégataires et les communes membres reste un frein.

Cependant, le dimensionnement des objectifs et des subventions allouées aux délégataires est très largement resté entre les mains de l’État, qui a dû, en outre, réduire les crédits à cause de la contrainte budgétaire, au risque d’un certain décalage avec les besoins locaux. Tels furent, du moins, les constats faits par la Cour des comptes et par le rapporteur spécial du Sénat en 2011, année où débutait le renouvellement des premières conventions. Il est donc intéressant, deux ans après, de faire le point sur l’évolution des pratiques et sur l’impact qu’auront ou pourront avoir les dernières réformes législatives.

Or, les préfets sont des maillons essentiels dans la définition des objectifs et la répartition des ressources et dans le suivi de leur utilisation.

Mme Nicole Klein, préfète de Seine-et-Marne. Monsieur le président, il n’existe en Seine-et-Marne qu’une seule délégation des aides à la pierre, au profit de la communauté d’agglomération Melun-Val-de-Seine, mais il n’y a pas en Seine-et-Marne, d’autre grande ville à l’exception de Chelles qui compte 50 000 habitants.

À Melun, la communauté d’agglomération assume pleinement sa délégation. Ailleurs, l’État reste très présent dans la construction de logements sociaux dans ce département très rural.

M. Pierre-André Peyvel, préfet des Hauts-de-Seine. À l’inverse, les Hauts-de-Seine sont un département très urbain, intégré à la petite couronne de l’agglomération parisienne. C’est un département très fortement urbanisé : pour une superficie d’une fois et demie celle de Paris, il compte 1,6 million d’habitants.

Le taux moyen de logements sociaux dans le département est de 27 %, soit au-dessus du seuil fixé par la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social. Toutefois, ce taux cache de grandes différences d’une commune à l’autre. Sur les trente-six communes du département, vingt-deux sont en dessous du seuil de 25 %, soit les deux tiers. Onze d’entre elles se situent entre 20 % et 25 %.

Avec Mme L’Helgoualc’h, la directrice régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement, nous avons établi le bilan à la fin de l’année, de l’unique demande de délégation des aides à la pierre, qui a été sollicitée par le conseil général il y a six ans. Il s’agissait de voir avec le ministère du logement si cette délégation devait être maintenue ou non.

M. Henri-Michel Comet, préfet de la région de Midi-Pyrénées et de Haute-Garonne. La région Midi-Pyrénées se caractérise par une métropole très attractive et puissante, Toulouse, et un environnement à dominante rurale.

On dénombre une délégation des aides à la pierre dans le Lot, deux dans le Lot-et-Garonne, les autres se situant dans la Haute-Garonne. Beaucoup de départements n’ont donc pas de délégation à la pierre : le Tarn, l’Aveyron, l’Ariège, le Gers et les Hautes-Pyrénées. En revanche, en Haute-Garonne qui est le territoire le plus demandeur en termes de logement en général et de logements sociaux en particulier, il existe plusieurs délégations. Dans l’agglomération toulousaine, plusieurs intercommunalités disposent chacune d’une délégation alors qu’elles sont couvertes par le même document d’urbanisme, ce qui soulève une question de gouvernance.

Pour ce qui est de l’efficacité des délégations, le résultat est très positif. Les objectifs sont fixés de manière partagée, et sont contrôlés deux fois par an, ce qui autorise une grande souplesse dans l’attribution des dotations et le suivi des constructions.

Il reste que les bailleurs sociaux doivent s’adresser aux différents guichets – ceux de l’État, de la Caisse des dépôts et des délégataires qui ont chacun leurs propres règles de soutien financier –, ce qui est une source de complexité considérable.

M. Pierre de Bousquet de Florian, préfet de Languedoc-Roussillon et de l’Hérault. Le Languedoc-Roussillon se distingue par sa très forte croissance démographique, puisque sa population augmente de 30 000 habitants par an. l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) anticipe, dans un délai de trente ans, un accroissement de 800 000 habitants, avec une tension particulièrement forte sur la bande littorale.

Le taux d’équipement en logements sociaux y est extrêmement faible, de 10 % environ, pour une moyenne nationale de 16 % alors que la pauvreté est telle que plus de 80 % de la population serait éligible aux logements sociaux. C’est dire l’importance et l’urgence de dynamiser le secteur.

Nous comptons seulement sept délégations des aides à la pierre dans la région. Elles fonctionnent bien, au point que les services envisagent de les étendre systématiquement chaque fois qu’on nous le demandera. Ces délégations sont contrôlées

M. Christophe Caresche, rapporteur. Il ressort du rapport de la Cour des comptes de 2011, et de celui du Sénat, qu’en matière de définition des besoins, il faut impérativement se rapprocher du niveau local. S’il s’agit d’une évidence, ce n’est malheureusement pas une réalité.

Tous deux se montrent plutôt positifs envers la délégation des aides à la pierre bien qu’ils soulèvent plusieurs interrogations.

Ces délégations ont-elles donné lieu à un diagnostic partagé entre l’État et les collectivités ? L’État en a-t-il vu sa pratique modifiée ? La dimension locale a-t-elle été mieux prise en compte ? Les services déconcentrés ont-ils rencontré des difficultés particulières auprès des ministères pour faire valoir des ajustements ?

M. Henri-Michel Comet. D’après ce que j’ai vu, le diagnostic est partagé. Il faudrait que ce diagnostic soit plus complet et intègre tous les types de logement, y compris le parc privé et l’hébergement d’urgence. Une démarche moins éclatée entre les différents zonages, type zone de redynamisation urbaine (ZRU) ou Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), serait nécessaire.

La relation avec l’État s’est modifiée dans le sens d’une plus grande souplesse. La répartition des crédits de l’État aux délégataires se fait dans une très grande transparence. Le comité régional de l’habitat voit passer non seulement les dotations par département mais aussi par délégataire. Et si je parlais de souplesse, c’est parce que nous faisons le point en cours d’année, en tant que besoin, ce qui a également simplifié nos relations avec l’État central. Ainsi, l’année dernière, la pression démographique dans l’agglomération toulousaine a été telle que nous avons sollicité des crédits supplémentaires, que nous avons obtenus, parce qu’une analyse nationale était menée. En somme, notre démarche est plus souple et adaptable.

Mme Nicole Klein. En Seine-et-Marne, avec un seul délégataire, les choses n’ont ni empiré, ni n’ont été améliorées. Même si Melun, la ville centre, est beaucoup plus importante que les autres, elle ne parvient pas à imposer ses choix aux communes voisines, alors que l’intercommunalité est tout de même la meilleure voie pour traiter du logement.

En revanche, les relations avec l’administration centrale se sont plutôt améliorées.

En Ile-de-France, le problème vient plutôt de la région. Et la métropole risque de constituer un échelon supplémentaire. Il n’est pas certain, au moins en Seine-et-Marne, qu’elle aide à résoudre les problèmes de logement. Par exemple, la région se focalise sur les grands logements alors qu’en Seine-et-Marne, ce n’est pas le sujet.

M. Pierre-André Peyvel. Mon discours est dissonant par rapport à celui de mes collègues et traduit des réalités différentes.

Le bilan de la délégation des aides à la pierre confiée au conseil général des Hauts-de-Seine est mitigé et, en plein accord avec le ministère, nous avons refusé de la prolonger. Sur le plan quantitatif, en nombre de logements construits, les objectifs ont été conformes à ce qui était inscrit dans la convention, mais pas d’un point de vue qualitatif. La répartition entre les prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI), les prêts locatifs à usage social (PLUS) et les prêts locatifs sociaux (PLS) faisait apparaître des PLS proportionnellement trop nombreux, au détriment des PLUS.

S’agissant des engagements financiers inscrits dans la convention, il était prévu de jouer sur l’effet de levier puisque l’État s’engageait à hauteur de 180 millions d’euros, et le conseil général pour 248 millions d’euros. À l’arrivée, nous en sommes respectivement à 169,9 millions d’euros et 126 millions d’euros. Le déficit est tel que l’effet de levier n’a pas fonctionné.

Ce n’est pas avec le conseil général que l’examen détaillé des besoins a été mené. Il a été réalisé dans le cadre des plans locaux de l’habitat (PLH), commune par commune avec une exception, celle d’un plan intercommunal au sein d’un EPCI. Le conseil général délégataire n’a pas souhaité prendre les PLH en compte dans son estimation globale. Par ailleurs, la convention prévoyait un plan départemental de l’habitat qu’il a été impossible de réaliser.

M. Pierre de Bousquet de Florian. Délégataires et État sont très proches. Et on parle bien d’une délégation et non d’un transfert. Nous travaillons d’autant plus efficacement que nos délégataires, à l’exception du conseil général de l’Hérault, sont des communautés de communes ou d’agglomération responsables des PLH.

Une fois que le niveau national nous a notifié l’enveloppe globale, qui nous est attribuée sans qu’il y ait eu de dialogue, il nous laisse toute latitude pour la répartir.

M. Éric Alauzet. Au-delà de vos expériences personnelles, quel est le bilan global de ces délégations ? Dans le Doubs, d’où je viens, il est bon pour ce qui est de la délégation au département, à une exception près.

M. Pierre de Bousquet de Florian. De mes trois derniers postes – le Pas-de-Calais, la Seine-Maritime et la région Haute-Normandie et la région Languedoc-Roussillon, je tire un bilan positif. Quand j’étais préfet des Hauts-de-Seine, on s’interrogeait déjà sur l’efficacité du dispositif au plan local, mais globalement, on peut parler de réussite.

M. Éric Alauzet. Faut-il faire droit aux demandes et confier plus de responsabilités aux territoires ?

M. Pierre de Bousquet de Florian. Nous proposerions volontiers une délégation d’office aux EPCI.

M. Pierre-André Peyvel. Les PLH intercommunaux deviennent un enjeu très important. Dans le projet de loi déposé au Sénat, les communes de la petite Couronne devront aussi se plier à cette obligation dont elles étaient exonérées jusqu’à présent. Cette proposition correspond aux aspirations des élus.

Autre particularité, qui illustre l’intérêt à se rapprocher du terrain, les Hauts-de-Seine ont confié la gestion du contingent préfectoral aux maires depuis une dizaine d’années, dans le cadre d’une convention assortie d’objectifs. Cela a permis aux élus de gérer, cage d’escalier par cage d’escalier, les familles en difficulté – et elles sont nombreuses – et de les loger selon des critères de proximité. L’objectif est de loger les bénéficiaires du droit au logement opposable, les personnes relevant du plan départemental d’aide au logement des personnes défavorisées ainsi que les personnes qui sortent de centres d’hébergement. Ces aspects sont couverts par une annexe annuelle à la convention et qui est aussi vérifiée contradictoirement sur une base annuelle. Et cela fonctionne très bien.

M. Henri-Michel Comet. La délégation à la pierre fonctionne bien, même si on trouve des exceptions. Dans l’un de mes précédents postes, il avait été impossible de retirer la délégation bien que les objectifs n’aient pas été atteints. La délégation est positive pour autant que l’on puisse en mesurer les effets. Délégation ne rime pas avec transfert et elle pourrait être généralisée sous réserve d’être contrôlée et susceptible d’être retirée.

J’ai insisté sur la nécessité d’avoir une vision d’ensemble pour prendre en compte le parcours dans le logement. Il faut aller plus loin dans la délégation et dans l’observation du marché. À Toulouse, tous les partenaires, y compris l’État, s’appuient sur le travail d’un observatoire qui fonctionne très bien. Une telle expérience mériterait sans doute d’être généralisée, mais elle gagnerait à être moins morcelée, pour dépasser les zonages, et mieux prendre en compte le parcours des individus qui passent de l’hébergement d’urgence au logement social, etc... Une vision d’ensemble serait préférable et la présence d’un observatoire chez le délégataire est un outil majeur.

M. Christophe Caresche, rapporteur. La communauté d’agglomération de Rennes fonctionne depuis des années de manière remarquable avec un territoire pertinent, une véritable coopération entre les communes qui ne cherchent pas à se renvoyer les problèmes. Elle souhaiterait aller plus loin dans cette délégation au nom de la souplesse. Mais les choses ne se passent pas aussi bien partout et le désengagement de l’État pourrait provoquer des catastrophes.

De vos remarques, il ressort que l’intercommunalité est l’échelon pertinent.

Pourriez-vous, Monsieur Comet, nous en dire plus sur la difficulté que représente la mise en cohérence des périmètres intercommunaux ? En Ile-de-France, il est frappant de constater que les intercommunalités ne sont pas demandeuses, finalement. Les élus ne semblent pas tentés de s’emparer du problème.

M. Éric Alauzet. La question de la cohérence entre les compétences des collectivités et les territoires où elles s’exercent se pose. On est, par exemple, obligé d’amputer le département de sa compétence logement dans la communauté d’agglomération – Besançon et Montbéliard dans le Doubs, et on le laisse s’en occuper dans le reste du département. Une telle organisation me semble bancale, surtout dans la perspective d’une généralisation. Peut-on faire évoluer les compétences et comment ?

M. Henri-Michel Comet. On trouve dans l’agglomération toulousaine, qui ne se limite pas à l’intercommunalité de Toulouse, trois délégataires, trois intercommunalités, donc trois PLH, mais un seul schéma de cohérence territoriale (SCOT) qui couvre plus de 100 communes. J’inclinerais donc pour une démarche qui institutionnaliserait un lien entre le SCOT et les PLH, c'est-à-dire entre logement et aménagement urbain. Aujourd'hui, si cela fonctionne, c’est grâce aux bonnes volontés.

Loin de moi une approche patrimoniale du rôle de l’État, mais si la délégation produit de bons résultats, elle le doit à l’existence du contrôle des objectifs. L’État, en tant que pourvoyeur de crédits et d’avantages fiscaux, n’est qu’un partenaire, et la délégation permet une bonne adaptation locale, tout en apportant des garanties de résultat. Je ne prônerai pas un transfert de compétences pur et simple, mais plutôt une généralisation de la délégation avec un contrôle et un retrait possible.

M. Pierre-André Peyvel. S’agissant du chaînage entre les documents stratégiques (SCOT) et les documents opérationnels (PLH), la situation est différente en Ile-de-France. Le schéma de développement de la région Ile-de-France (SDRIF) est très détaillé et prescriptif et, à bien des égards, il descend jusqu’au niveau des SCOT. Dès lors, y a-t-il encore une place pour ces derniers ? En tout état de cause, il faut un niveau stratégique et un niveau opérationnel de programmation mais il est nécessaire de laisser aussi de la souplesse pour s’adapter à des réalités différentes.

Je confirme, dans les Hauts-de-Seine, la faible demande de délégations de la part des collectivités. Le conseil général a été le seul à la réclamer il y a six ans car les intercommunalités ne l’ont pas fait pour des raisons contingentes : premièrement, politiquement, le conseil général avait la main ; deuxièmement, les intercommunalités étaient encore peu nombreuses, et il aurait fallu qu’elles soient suffisamment fortes et structurées. Et, fin 2012, quand il s’est agi de rebattre les cartes, les intercommunalités malgré leur puissance – certaines font plus de 300 000 habitants – et leur dynamisme, n’ont rien demandé.

Mme Nicole Klein. En Seine-et-Marne, il n’y a aucune demande de délégation de la part des 514 communes que compte le département. Les EPCI ont du mal à se mettre en place, comme dans toute l’Ile-de-France. Pourtant, le département occupe 49 % de la surface de la région, et c’est là qu’il y a le plus de terrains à bâtir. Mais les élus, quels qu’ils soient, ne sont pas très enclins à construire.

Le département intervient très peu dans le domaine du logement. Il dispose seulement d’un office public HLM, assez autonome vis-à-vis du conseil général et qui connaît des difficultés financières. En outre, il fait surtout de la réhabilitation. Sans l’État, il n’y aurait aucune possibilité d’atteindre les objectifs de construction qui sont de toute façon hors de portée. La plupart des élus que je rencontre se réjouissent de vivre dans de petits villages, puisqu’il n’y a pas de grande ville dans mon département, hormis Melun et Chelles, où on trouve beaucoup de grands ensembles et de quartiers difficiles. Il faudra exercer des pressions très fortes pour que la loi Duflot 1 soit appliquée.

M. Pierre de Bousquet de Florian. Henri-Michel Comet a eu raison de plaider pour une vision générale. Une délégation aux EPCI aurait d’autant plus d’intérêt que les PLU seront de la compétence intercommunale intégrant la dimension PLH et la dimension PLU en vertu de la loi Duflot 2, en tout cas dans les départements comptant de très nombreuses communes.

Quand une intercommunalité demande la délégation, il est nécessaire de la lui accorder, le département ne l’exerçant que dans les zones à moindre capacité. Ainsi, en Languedoc-Roussillon, il n’y a que sept délégations mais elles construisent 75 % des logements sociaux. Et, dans les départements où il n’y a pas de délégation, c’est l’État qui intervient.

Bref, le niveau le plus pertinent est l’intercommunalité, à laquelle il convient de confier un PLU intégrant le PLH.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Comment se fait la répartition de l’enveloppe nationale entre les régions ?

M. Pierre de Bousquet de Florian. À partir des crédits notifiés, s’élabore en interne une feuille de route régionale entre les directions départementales des territoires (DDT), la DREAL et les préfets. Ensuite, nous nous tournons vers les délégataires et les bailleurs pour finaliser. Pour le moment, cela fonctionne.

Mme Yamina Lamrani, chef du service aménagement durable des territoires et du logement de la DREAL du Languedoc-Roussillon. Sur la base d’une feuille de route régionale, on évalue les besoins selon les territoires. Pour l’instant, ils sont fixés a minima à 5 000 logements sociaux mais on en construit moins (4 500 en 2012).

Sur la base de cette feuille de route, une concertation étroite s’organise avec les délégataires – et les DDT quand il n’y a pas de délégation –, qui nous font connaître leurs besoins, leurs perspectives et les projets envisagés. Comme nous travaillons sous contrainte, nous essayons de privilégier les territoires où les besoins sont les plus forts. La concertation est guidée par des objectifs quantifiés et territorialisés.

M. Henri-Michel Comet. L’État notifie les crédits, ce qui n’empêche pas de discuter en amont, avec la direction de l’administration avant la définition de l’enveloppe. La région Midi-Pyrénées est dans une situation un peu particulière en raison du décalage entre l’agglomération toulousaine et le reste du territoire, très rural. Mais l’enveloppe fixée par l’administration centrale est une enveloppe régionale et il appartient au préfet de région de répartir son contenu en fonction des besoins ou des anticipations de ces besoins. Il lui revient d’arbitrer entre l’agglomération toulousaine et le reste. Il y a un échange préalable et des prises de responsabilités respectives.

In fine, nous ajustons en cours d’année. En tout état de cause, la notification n’est ni aveugle – puisque nous discutons –, ni abrupte – puisqu’elle se fait selon des critères précis comme la densité, les zonages,…

M. Christophe Caresche, rapporteur. Vous répartissez l’enveloppe avec le comité régional de l’habitat ? Les acteurs sont-ils représentatifs ?

M. Henri-Michel Comet. En Midi-Pyrénées, le comité régional de l’habitat me paraît représentatif. Son organisation est classique, puisqu’il est divisé en sous-groupes thématiques. Et elle permet de faire valoir une démarche globale, puisque nous examinons désormais l’hébergement d’urgence. Il serait souhaitable qu’il s’intéresse de plus près au parc privé, qui représente une part importante du logement social. Dans plusieurs départements, le parc privé offre des logements avec des loyers moindres que le parc social.

M. Alain Claeys, président. Grâce à la défiscalisation.

M. Pierre-André Peyvel. La méthode est la même en Ile-de-France, avec toutefois, une tension permanente sur les crédits. Mais on finit toujours par trouver un accord a minima en fonction de l’enveloppe attribuée, grâce à des itérations successives entre les différents intervenants locaux, sans oublier une itération entre le niveau régional et le ministère pour éventuellement réclamer des enveloppes supplémentaires. On finit donc par trouver un consensus en fonction des enveloppes attribuées, même si elles ne permettent pas d’atteindre les objectifs, compte tenu de la situation du logement et de l’hébergement en Ile-de-France.

M. Christophe Caresche, rapporteur. En Ile-de-France, les opérateurs sont régionaux, mais aussi municipaux. Et ils sont très nombreux. Comment les arbitrages se décident-ils ? En fonction des projets qui se sont lancés ou bien des besoins tels qu’ils ont été évalués ? N’y a-t-il pas de ce fait un risque de distorsion ?

Mme Nicole Klein. En Ile-de-France, on ne construit pas assez puisque l’objectif est de 47 000 logements par an, alors qu’il s’en construit 40 000. La conséquence, c’est une sélectivité insuffisante qui conduit à accepter des projets dont l’utilité n’est pas toujours démontrée. Heureusement qu’il y a le 1 % logement, dont le critère est de loger les salariés et qui oblige à construire des logements là où les gens viendront habiter. Si l’on construisait à Provins ou à Montereau, les difficultés de transport se feraient immédiatement sentir. L’Ile-de-France est un cas spécifique. On ne construit pas assez et pas tout à fait ce dont on a besoin, au moins dans la grande Couronne.

M. Pierre de Bousquet de Florian. C’est au délégataire, avec lequel on entretient une discussion permanente, de stimuler les bailleurs, pour qu’ils construisent là où l’on veut qu’ils construisent. On peut ne pas financer les projets jugés les moins intéressants au regard des objectifs, et c’est d’autant plus facile que nous disposons de moins d’argent qu’il ne nous en faudrait.

M. Henri-Michel Comet. Nous avons une grande diversité d’opérateurs et bien qu’il n’existe pas d’opérateur régional, ils sont nombreux dans certains départements peu urbanisés. Des questions se posent donc quant à leur nombre, à leur robustesse et à leur capacité à mutualiser leurs fonctions support et à se regrouper.

Nous nous efforçons de faire preuve de souplesse, en ajustant deux à trois fois dans l’année les objectifs et les crédits en fonction de la maturité des projets. Mais il appartient principalement au délégataire, en fonction de sa vision urbanistique et de peuplement, d’influencer le bailleur concernant l’opportunité et la localisation des projets. À ce stade, c'est-à-dire au niveau de la réserve foncière et des perspectives urbanistiques, les services déconcentrés n’interviennent pas. En revanche, nous adoptons une démarche résolument pointilliste pour attribuer les crédits, en fonction de la maturité des projets.

M. Pierre-André Peyvel. Pas moins de quatre-vingts opérateurs interviennent dans les Hauts-de-Seine, dont vingt-six sont exclusivement altoséquanais et majoritairement municipaux. Ici se pose la question de la taille des opérateurs. Plus ils sont petits, plus les frais de structure sont importants et plus leurs capacités à investir dans le neuf sont réduites.

Dans ce département, les crédits de l’État ne représentent que 7 % du coût d’une opération, et les emprunts contractés par l’opérateur 70 %. De plus en plus, les organismes apprennent à se passer des subventions de l’État.

M. Pierre de Bousquet de Florian. Les établissements publics fonciers peuvent aussi orienter les programmes. Même si la présidence a toujours été confiée à des élus, le directeur général est un fonctionnaire de l’État, qui est là pour assurer la continuité des actions menées. Il arrive parfois aux bailleurs, souvent adossés à des collectivités, de défendre leur pré carré. L’année dernière, nous avons dû imposer deux nouveaux bailleurs sociaux dans des zones tenues par des anciens et leur présence a fortement stimulé ceux qui se reposaient sur leurs positions acquises.

M. Éric Alauzet. Le problème du logement est-il, en dehors des agglomérations, suffisamment pris en compte par les communautés de communes et les élus des milieux plus ruraux ?

M. Pierre de Bousquet de Florian. Il l’est, mais pour le meilleur et pour le pire. Certains pour construire, d’autres pour ne pas construire. Il arrive que l’on menace de retirer la délégation.

M. Éric Alauzet. En général, plus l’échelon est petit, plus on est confronté à ces difficultés. L’échelon intercommunal permet de passer outre ce genre de comportement. Mais, en milieu rural, le logement est-il porté suffisamment, dans le cadre d’EPCI ?

M. Henri-Michel Comet. Très modérément, et l’intercommunalité n’est pas le critère décisif en Midi-Pyrénées en milieu rural.

Mme Nicole Klein. C’est la même chose en Seine-et-Marne. Le Président de la communauté d’agglomération Marne-et-Gondoire, pousse à construire mais cette politique est très mal perçue. Les élus ruraux ont du mal à accepter de prendre leur part de l’effort, en particulier en Ile-de-France. Les habitants se concentrent dans une petite partie du département.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Il y a pourtant un phénomène de rurbanisation assez fort, notamment en Ile-de-France. La congestion du centre pousse à l’artificialisation des terres.

Mme Nicole Klein. La rurbanisation ne descend pas en dessous de la Seine-Saint-Denis. Provins, Fontainebleau et même Montereau ne sont pas très construits.

M. Christophe Caresche rapporteur. Dans le projet du Gouvernement, la métropole correspond à la définition qu’en donne l’INSEE. Quel est l’impact pour la Seine-et-Marne ?

Mme Nicole Klein. Sont concernées les communes où l’on construit. Mais ce ne sont que quelques communes, au nord-ouest du département. Le terme de « métropole » fait blêmir tous les élus de Seine-et-Marne, sans exception. Ils y voient encore un nouvel échelon, qui vient de Paris. À mon avis, il serait plus facile de faire accepter l’idée que le logement est désormais, comme l’urbanisme, du ressort intercommunal. Il n’y a pas plus d’une dizaine de communes dans l’aire urbaine de Paris.

M. Christophe Caresche, rapporteur. La métropole reposera sur les intercommunalités puisque l’objectif est d’avoir une trentaine d’intercommunalités de 300 000 habitants environ, la métropole regroupant les présidents d’intercommunalité. J’admets que le projet ne supprime pas d’échelon, du moins pour le moment, mais il est cohérent et en phase avec ce que vous avez dit c'est-à-dire des intercommunalités fortes. La métropole interviendra comme une instance d’arbitrage et de programmation pour harmoniser l’ensemble.

M. Éric Alauzet. Le plan départemental de l’habitat peut-il ou doit-il être un instrument pour mobiliser les élus autour des enjeux du logement en milieu rural ? Ils ne sont pourtant pas négligeables : aménagement du territoire, reconquête des centres bourgs, étalement de l’habitat diffus, etc…

M. Henri-Michel Comet. Le plan départemental de l’habitat peut être un outil très utile mais il y aurait tout intérêt à y intégrer le secteur privé, d’autant que le cloisonnement est encore plus marqué en milieu rural. Cela étant, les problématiques sont bien distinctes dans le milieu rural. Le logement social en centre bourg ne se traite pas comme le logement social diffus. Nous avons des outils pour chacun des sujets mais il s’agit d’outils différents. Des choix devront être faits au niveau du département. Les conseils généraux délégataires en milieu rural travaillent de manière très fine en fonction de leurs propres priorités, sachant que la délégation constitue déjà un engagement. Ailleurs, le plan départemental sera une valeur ajoutée qui apportera de la cohérence pour les conseils généraux ainsi qu’une contribution financière sans délégation.

Il est nécessaire, d’une part, de disposer d’une vision globale et d’avoir des moyens d’intervention très diversifiés, d’autre part.

M. Pierre de Bousquet de Florian. En milieu rural, il faut s’autoriser à diversifier les moyens de production du logement social. Au couple public/privé, il faut ajouter la problématique neuf/ancien. Pour lutter contre l’étalement foncier, la dégradation de l’habitat ancien en centre bourg, on pourrait en zone rurale inciter, voire imposer, aux délégataires ou aux bailleurs des objectifs en matière de réhabilitation et de rénovation d’un quota de logements anciens vacants par acquisition et travaux. Il n’y aurait pas de logements en plus, ce qui est notre principal souci en Languedoc-Roussillon, mais cela créerait du logement social de bonne qualité dans les centres bourgs et en milieu rural.

Mme Nicole Klein. Il n’y a pas de plan départemental de l’habitat en Seine-et-Marne, ni dans les Hauts-de-Seine, apparemment. L’Ile-de-France est décidément très spécifique.

M. Henri-Michel Comet. Sans m’étendre sur la situation financière des opérateurs, il serait bon que la politique de vente de logements sociaux continue. Le thème est moins en vogue aujourd'hui mais son impact sur l’urbanisme, le peuplement et les finances des opérateurs était bénéfique.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Nous avons évoqué le sujet avec l’Union sociale pour l’habitat (USH) en examinant son modèle économique car elle a un impérieux besoin de fonds propres dans un contexte marqué par le recul des moyens de l’État et des collectivités locales.

M. Éric Alauzet. Dans ce domaine, même les plus motivés ne sont pas parvenus à atteindre leur objectif de ventes. Ensuite, les acheteurs potentiels sont réticents à acquérir un bien qui risque de les exposer à des dépenses imprévues ; D’où l’importance de livrer des biens de bonne qualité.

Mme Nicole Klein. L’attribution des logements sociaux aussi est un enjeu majeur. Or on n’a pas plus de visibilité aujourd'hui qu’hier.

M. Alain Claeys, président. Le sujet est très compliqué et l’État peut jouer un rôle.

Mme Nicole Klein. Très difficilement. La procédure du droit au logement opposable a révélé qu’il y a 50 % de gens que l’on n’arrive pas à loger. Certains élus refusent systématiquement. Au-delà de la construction, l’attribution est une question fondamentale.

M. Alain Claeys, président. La transformation de certains logements aussi.

M. Pierre-André Peyvel. Il faut créer une dynamique positive entre les élus de terrain autour des intercommunalités et l’État qui doit donner les grandes orientations car, sans son impulsion, la prudence et l’attentisme risquent de prévaloir. En Ile-de-France où les besoins sont énormes, on ne construit que la moitié de ce qui serait nécessaire. Le bilan des attributions par les élus altoséquanais n’est pas mauvais du tout, et montre l’efficacité de la dialectique entre la gestion par les élus de terrain et un niveau stratégique d’orientation plus général qui éclaire l’avenir à moyen terme.

M. Alain Claeys, président. Il me reste, Mesdames, Messieurs, qu’à vous remercier.