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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Prévention et accompagnement par la puissance publique des plans de sauvegarde de l’emploi

Séance de 10 heures 45

Compte rendu n° 32

Présidence de M. Christophe Castaner et Mme Véronique Louwagie, corapporteurs

– Audition, ouverte à la presse, de M. Michel Cadot, préfet de la région Bretagne, préfet de la zone de défense et de sécurité Ouest, accompagné de Mme Élisabeth Maillot Bouvier, directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) en Bretagne, de M. Stéphan de Ribou, commissaire au redressement productif auprès du préfet de la région Bretagne, de M. Gilles Tauzin, chargé de mission entreprises, filières industrielles et études au secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR) de Bretagne, et de M. Philippe Alexandre, directeur de l’unité territoriale des Côtes d’Armor au sein de la DIRECCTE

Jeudi
16 mai 2013

M. Christophe Castaner, rapporteur. Nous recevons aujourd’hui M. Michel Cadot, préfet de la région Bretagne, préfet de la zone de défense et de sécurité Ouest, accompagné de plusieurs de ses collaborateurs.

Nous souhaiterions connaître, monsieur le préfet, votre opinion sur les dispositifs permettant d’accompagner les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), à la fois du point de vue de l’anticipation et des conditions de mise en œuvre – lesquelles seront modifiées par l’entrée en vigueur de l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi de janvier dernier. Comment appréhendez-vous les évolutions en la matière et comment les services de l’État peuvent-ils jouer leur rôle de coordinateur et de facilitateur dans un contexte marqué par de nombreux acteurs, que ce soit dans l’anticipation, l’accompagnement ou la transformation des filières ?

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Que se passe-t-il sur le terrain, en matière de prévention et d’accompagnement ? Que pensez-vous de l’organisation mise en place depuis juin 2012 dans le cadre de la nouvelle mission confiée au commissaire au redressement productif ?

M. Michel Cadot, préfet de la région Bretagne, préfet de la zone de défense et de sécurité Ouest. Je suis venu avec la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), le commissaire au redressement productif, le chargé de mission qui suit ces dossiers au secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR) et auprès de la DIRECCTE, ainsi que le directeur de l’unité territoriale des Côtes d’Armor, qui vous feront également part de leur expertise.

En tant que préfet de région et préfet de l’Ille-et-Vilaine depuis quatre ans, je constate, en ce qui concerne l’anticipation et la remontée d’informations au titre de la mission de veille, qu’il existe dans la région, comme dans d’autres où je suis passé, un assez grand nombre de dispositifs permettant de suivre, au travers de quelques indicateurs révélateurs, l’émergence d’éventuelles difficultés dans les principales entreprises, qu’il s’agisse des données sur l’évolution du chômage partiel, de l’information de la Banque de France et du milieu bancaire, ou de la commission des chefs de services financiers (COCHEF). Nous avons aussi des cadres de travail et de mise en commun de ces informations qui sont assez développés : les comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI), qui se réunissent à peu près tous les deux mois en Ille-et-Vilaine, ou la cellule de veille et d’alerte précoce (CEVAP), dans laquelle sont associés désormais le procureur de la République, qui représente les parquets du département, et l’autorité judiciaire, au travers du tribunal de commerce.

En outre, des synthèses mensuelles sur les remontées de documents permettent aux préfets, aux sous-préfets et aux différents acteurs de l’État de disposer d’un tableau de suivi et de connaître les entreprises fragiles et celles qui présentent les difficultés les plus importantes.

Les élus sont davantage mobilisés pour les dossiers sensibles. Se pose alors le problème du chef d’entreprise qui n’alerte pas rapidement les pouvoirs publics. Si les outils de détection que j’évoquais n’ont pas été actionnés ou n’ont rien révélé – s’il n’y a pas eu par exemple une augmentation significative du chômage partiel ou des retards de paiement traduisant une grande tension de trésorerie –, on peut être confronté au cas où un dossier significatif soulève tout à coup une difficulté. Il en a été ainsi pour le groupe Doux, dont la gravité de la situation n’avait pas été anticipée l’an dernier de manière tout à fait satisfaisante. Le système comporte donc des failles, notamment lorsque le chef d’entreprise ne joue pas le jeu d’une relation constructive avec les pouvoirs publics. En l’occurrence, on est allé très vite, alors que le Gouvernement avait changé et que le groupe avait fait l’objet d’une mesure de redressement judiciaire.

La relation avec les élus et les collectivités territoriales est très bonne en Bretagne. Il existe des liens étroits et constants avec le conseil régional pour analyser les moyens d’action tendant à accompagner l’entreprise et à éviter une difficulté ou une mesure de sauvegarde de l’emploi : cette démarche est systématique pour les dossiers sensibles, que ce soit au niveau du département, avec le conseil général, ou au niveau régional, voire aux deux, selon la nature des sujets. Cela fonctionne très bien.

Quand un dossier a été signalé, la liaison avec le commissaire au redressement productif, les différents services de l’État et ceux actionnés de manière un peu plus lointaine comme la Banque publique d'investissement (BPI) ou d’autres mécanismes tendant à faciliter des solutions administratives ou autres, est bien activée. Il en est de même avec les maisons de l’emploi ou d’autres structures de ce type.

S’agissant du volet curatif, quand il faut gérer des mesures de licenciements, surtout dans des groupes importants – plus de 1 000 salariés – et lorsque ces mesures peuvent avoir un impact substantiel sur le bassin d’emploi, notre dispositif révèle certaines faiblesses pour appliquer les règles régissant le PSE ou le contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

Dans le cas d’un redressement judiciaire, la préparation du mécanisme de PSE n’est pas suffisamment prise en charge par les services de l’État et les collectivités territoriales. Une meilleure anticipation serait nécessaire, de façon à essayer de faciliter la coordination entre le volet territorial et le volet emploi. On voit bien que la démarche d’une revitalisation du territoire et celle de l’accompagnement des salariés ne se recoupent pas toujours. Celles-ci ont deux logiques différentes : l’une tend à accompagner l’effet sur un territoire donné d’une fermeture d’entreprise ou de licenciements collectifs ; l’autre consiste à gérer, avec un calendrier juridique, des comités d’entreprise. Il faut par ailleurs articuler les outils du PSE ou du CSP pour la formation, la mobilité ou les conjoints.

On a vu que, dans le comité national de suivi du dossier Doux, qui se tient régulièrement à Rennes – notre région, et au premier chef les départements du Morbihan et du Finistère, étant la plus touchée –, l’administrateur judiciaire mobilisait assez peu les aides du PSE, soit en raison de la lenteur de la remontée des demandes des salariés, soit, surtout, parce que Pôle emploi les traitait dans le cadre du CSP et qu’on ne cherchait pas à optimiser les moyens de financement et à mieux articuler le PSE et le CSP pour trouver la solution la plus favorable au salarié – retour vers l’emploi ou formation.

Dans des cas très difficiles, pendant les 45 jours suivant l’annonce du problème et l’ouverture des négociations internes à l’entreprise, les salariés ont besoin d’un lieu de rencontre – qui n’est plus la cellule de reclassement –, où ils peuvent absorber le choc social que constitue le plan de licenciement. On sent bien – et là encore le cas de Doux est symptomatique, ses salariés ayant été peu formés, et étant depuis longtemps dans l’entreprise – qu’il existe chez certains un obstacle psychologique à se remettre en question. Le fait d’être seul dans cette situation constitue un problème majeur. Il faut donc trouver une formule intermédiaire entre ce qui était autrefois la cellule de reclassement et le dispositif actuel.

Mme Élisabeth Maillot Bouvier, directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) en Bretagne. On constate en effet que le CSP conduit à une prise en charge très individuelle du demandeur d’emploi, qui a besoin d’une cellule d’appui. Dans certains cas, le dispositif prévoit qu’on puisse mettre en place des cellules d’appui limitées – puisqu’elles ne peuvent durer que 45 jours –, mais il s’agit d’une mesure exceptionnelle. On en constate le bien-fondé pour les salariés ayant des difficultés particulières de formation ou pour retrouver un emploi.

Ce besoin est apparu clairement dans le dossier Doux. On a aussi mis en place ce type de mesures dans une affaire concernant la société Plastimo-Navimo. Elles sont appréciables pour les salariés.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Merci pour cette présentation.

Le fait d’avoir depuis quasiment un an un commissaire au redressement productif a-t-il conduit les entreprises à faire davantage part de leurs difficultés ?

Par ailleurs, des moyens importants sont engagés pour la revitalisation des entreprises : les dispositifs actuels sont-ils efficients ?

Enfin, que peut-on faire pour améliorer les délais dans la mise en œuvre des dispositifs ? En effet, plus les salariés restent longtemps au chômage et plus ils sont seuls, plus leur situation est difficile.

M. Michel Cadot. En Bretagne, avant la nomination d’un commissaire au redressement productif, nous avions obtenu en 2009 la désignation d’un commissaire à la réindustrialisation, qui a fonctionné jusqu’en 2011. S’il y a eu une vacance de six mois environ entre les deux, on ne partait pas de zéro et il ne semble pas y avoir eu de changement total dans l’approche d’anticipation, de veille et de contact avec les entreprises. La formule du commissaire au redressement productif me paraît nécessaire : elle permet d’identifier une personne et un lieu de concertation pour des entreprises bien déterminées – nous avons d’ailleurs prévu demain avec notre commissaire au redressement productif, M. de Ribou, ici présent, une communication dans la presse sur le sujet. Il dispose à cet effet d’une petite équipe rattachée au préfet de région, mais qui fonctionne très bien avec les collectivités territoriales et les niveaux départementaux et infra-départementaux, y compris les sous-préfets. L’efficacité du dispositif dépend du pilotage qui en est fait, du partenariat local et aussi des qualités propres du commissaire.

En Bretagne, je suis certain qu’il contribue à faire remonter un certain nombre de dossiers beaucoup plus facilement. À côté des outils d’alerte habituels, il constitue un moyen plus souple et efficace, permettant de donner confiance au chef d’entreprise quand il dévoile des difficultés.

Quant au cas de Doux, il est particulier, compte tenu de l’importance du sinistre et de la lenteur avec laquelle il a été signalé. D’abord, le commissaire est arrivé en cours de route et, surtout, le groupe traînait depuis une dizaine d’années des difficultés constantes, qu’il réussissait à reporter.

J’appuie personnellement, dans les principales régions ou pour deux régions de plus petite taille, la mise en place systématique, pour la fonction d’anticipation, de veille et de contact avec les entreprises, d’un chargé de mission – quelle que soit son appellation – qui ne s’inscrive pas dans un cadre institutionnel. Il a, de ce fait, une liberté de propos et d’appréciation et des liens plus approfondis avec le monde bancaire et les collectivités territoriales. Il complète très bien le rôle, nécessaire aussi, de la DIRECCTE, dont la mission administrative et de contrôle est plus régalienne, ce qui, à certains moments, pose problème.

Sa relation avec les préfets et les sous-préfets est bonne : il ne se situe pas dans un positionnement hiérarchique, même s’il fait l’objet d’un rattachement lui permettant d’ouvrir des portes et de faciliter ses relations avec le président du conseil régional ou avec tel élu important.

S’agissant de l’efficacité des moyens de redynamisation des territoires, je rappelle que nous avons en Ille-et-Vilaine un fonds mutualisé depuis juin 2009, qui a vocation à réduire les frais de gestion dans le cas où est prévue une convention de revitalisation – soit une dizaine de cas au maximum par an, et beaucoup moins depuis un an. En outre, ce système évite une concurrence un peu néfaste entre des opérateurs pouvant chercher des emplois de manière non coordonnée. Enfin, on constate un plus grand professionnalisme de l’organisme qui gère et fait le travail de démarchage : en Ille-et-Vilaine, il s’agit d’Idéa 35. Sur le secteur de Saint-Brieuc, il y a aussi un fonds mutualisé, mais pour le reste, les départements s’appuient sur des démarches classiques de conventionnement par entreprise, chacune choisissant son opérateur.

L’efficacité des dispositifs est bonne en termes de recréation d’emploi. Les aides sont pour l’essentiel consacrées à des subventions à l’emploi, de l’ordre de 2 500 euros, ou 5 000 euros si la personne vient de l’entreprise qui a signé la convention de redynamisation. Mais il y a peu de cas de véritables innovations dans les démarches de redynamisation.

Si l’effet n’est pas mauvais au regard des bilans chiffrés, l’impact incitatif de cette aide supplémentaire sur certains bassins d’emploi moins défavorisés – comme c’était le cas jusqu’à présent en Bretagne – est incertain. En tout cas, les emplois recréés bénéficiant aux salariés licenciés ou en reconversion de l’entreprise ayant signé la convention sont peu nombreux – dans le meilleur des cas, ils représentent 5 à 10 % du total et, dans d’autres, sont quasiment inexistants.

Les fonds mutualisés m’ont semblé plus efficaces ; ils permettent d’avoir un véritable partenariat et un échange avec les acteurs locaux, qu’il s’agisse du conseil général, des communautés de communes ou de l’association des maires. Mais dans certains territoires, ou certains cas, l’accompagnement en termes de redynamisation est sans doute moins utile. En ce moment, la Bretagne est par exemple très touchée par des dossiers agro-alimentaires ou automobiles, mais l’est moins dans le domaine des télécommunications ou d’autres secteurs où la situation évolue correctement. Ce dispositif est donc utile : il est apprécié par les préfets car il leur donne des moyens, mais il n’est sans doute pas un levier décisif ; il fait partie d’une panoplie d’outils permettant de redynamiser les territoires.

Je pense qu’il n’y a pas de sélectivité. On n’est sans doute pas en mesure d’inventer de nouvelles formes d’accompagnement, d’abord parce que le dispositif en Bretagne, notamment en Ille-et-Vilaine, est assez riche en termes de financements, de prêts ou de garanties, avec une forte implication des collectivités. Le plus facile dès lors est de recourir à la prime à l’emploi. En outre, le tissu de PME est assez vivant et crée régulièrement des emplois ; il profite des occasions qui lui sont offertes, ce qui peut accélérer la prise de décision à certains moments.

Pourrait-on, avec un ciblage et un professionnalisme encore plus poussés, être plus efficace ?

On a essayé il y a un an, sur la proposition du prédécesseur de M. de Ribou – ce qui a ralenti le fonctionnement de ce fonds en Ille-et-Vilaine – la mise en place de prêts à taux zéro pour les PME. Finalement, cette mesure n’a pas été retenue : le besoin n’a pas été absolument avéré et il existe des problèmes de qualification en fonds public ce qui est aujourd’hui – et c’est sa force – un fonds privé.

Cette difficulté à inventer quelque chose de mieux est sans doute liée à un problème d’efficacité de la gouvernance. Je constate aussi qu’aucun des présidents n’est personnellement présent dans les comités d’engagement, cette tâche revenant plutôt au vice-président chargé des affaires économiques. Il y a probablement une sorte de consensus local pour ne pas remettre systématiquement en cause les pratiques.

M. Stephan de Ribou, commissaire au redressement productif auprès du préfet de région Bretagne. Pour une PME, la décision d’embaucher une personne supplémentaire ne dépend pas d’une subvention de 3 000 euros. Cette aide est bienvenue en ce qu’elle améliore la trésorerie souvent fragile de ces entreprises mais elle ne suffit pas à déclencher l’embauche.

D’autres dispositifs susceptibles de créer de l’emploi ex nihilo seraient peut-être envisageables mais ils nécessiteraient des fonds très importants, une stratégie industrielle ainsi qu’une volonté forte d’implanter des filières au plan local comme cela fut le cas pour l’usine PSA qui a été « importée » à Rennes.

M. Michel Cadot. L’information et l’association des partenaires locaux font parfois défaut dans la préparation du plan de sauvegarde de l’entreprise. Nous devons parfois nous contenter d’en accuser réception lorsqu’il est finalisé.

Si plusieurs départements sont concernés, la convention de revitalisation relève de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et fait ensuite l’objet de déclinaisons locales. Les délais de négociation sont alors très longs. Dans le cas de PSA, la convention cadre a été signée en 2009 mais la convention pour la Bretagne a été signée, à force d’insistance, en 2012 seulement. Dans l’intervalle, des montants importants ont été préemptés pour couvrir les dépenses engagées par PSA pour des mutations de salariés. Notre faible capacité à influer sur le contenu local du plan est problématique.

Rien ne justifie que les négociations durent plus de deux ou trois mois. Le dispositif de revitalisation, très centralisé, demeure opaque pour le préfet malgré les améliorations constatées depuis un an. La déclinaison locale de la convention est préparée par l’unité territoriale mais son contenu ne fait pas l’objet d’une réflexion suffisante en amont. La tentation est donc forte de se contenter des dispositifs existants comme le fonds mutualisé de revitalisation.

Je plaide pour que la négociation de la convention de revitalisation, qui devrait compléter les mesures d’accompagnement des licenciements, soit encadrée dans le temps afin de permettre à l’État d’afficher rapidement sa volonté de soutenir la recréation d’emplois dans le territoire, même si la concrétisation des projets est plus longue.

M. Gilles Lurton. Les parlementaires peinent à anticiper les difficultés des entreprises et à être alertés. Ils sont souvent mis devant le fait accompli lorsque le plan de licenciement est annoncé. Il leur est alors d’autant plus difficile de trouver des solutions lorsqu’ils sont sollicités.

M. Michel Cadot. Je conviens de l’exclusion des parlementaires des processus de veille, de préparation et de concertation mis en place dès que les problèmes surviennent. En matière d’anticipation des difficultés, le dialogue s’établit plutôt avec les collectivités territoriales qui accordent les financements. Cela sera encore plus vrai demain avec la compétence économique exclusive des régions.

Dans le dossier pourtant très sensible de PSA, les parlementaires rennais n’ont pas été spontanément associés à la concertation malgré l’existence d’une commission tripartite – réunissant les syndicats, la direction de l’entreprise et les collectivités – alors même que certains d’entre eux exercent des fonctions locales. La place des parlementaires, leur information et leur participation aux réunions de travail, à côté des collectivités locales, doivent être un sujet de réflexion.

Mme Isabelle Le Callennec. Il est, en effet, important d’associer les parlementaires. Puisque nous sommes sollicités par les organisations syndicales et informés des difficultés par les chefs d’entreprise, nous pouvons jouer un rôle de médiateur.

Je veux témoigner de l’anticipation plutôt satisfaisante des difficultés dans notre région. De nombreux outils et indicateurs permettent de les appréhender avant que les problèmes sérieux ne surviennent.

Face aux inquiétudes des salariés en cas de plan de sauvegarde de l’emploi, la communication sur les solutions qui leur sont offertes est insuffisante. Des efforts doivent être entrepris pour rapprocher l’offre et la demande et pour diffuser l’information afin de dédramatiser autant que possible la situation.

La valeur ajoutée des fonds de revitalisation réside dans leur mutualisation qui doit, selon moi, être préservée. Il convient néanmoins de faire évoluer le dispositif afin que les emplois subventionnés profitent effectivement aux personnes licenciées. Le comité de pilotage du fonds peut-il faire des propositions en ce sens ?

Quel sera le rôle de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) dans la nouvelle procédure de licenciement collectif pour motif économique prévue par la loi transposant l’accord national interprofessionnel ?

M. Michel Cadot. L’implication des parlementaires est différente selon les territoires. Elle est plus forte dans les territoires industriels ruraux que dans les milieux urbains, sans doute parce que la proximité et la qualité des contacts avec les chefs d’entreprise ne sont pas les mêmes.

Il est aujourd’hui possible dans de rares cas de mettre en place, dans les premières semaines d’application d’un plan de sauvegarde de l’emploi, une cellule d’appui aux salariés, à l’instar des anciennes cellules de reclassement. Ce lieu permet aux salariés de se retrouver entre eux, de ne pas être isolé et suivi seulement par Pôle emploi dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle. Cette soupape avant la recherche individuelle d’emploi permet de maintenir les contacts et de faciliter l’acceptation des difficultés. Il serait donc intéressant d’élargir les cas dans lesquels cette structure peut être créée.

S’agissant des conventions de revitalisation, nous devons veiller à ce qu’elles servent au reclassement des salariés et pas seulement à la redynamisation d’un territoire. Nous devons formuler des exigences sur le contenu des emplois subventionnés et sur leurs bénéficiaires qui doivent être en priorité les salariés licenciés faisant l’objet de mesures d’accompagnement. Mais l’analyse des bénéfices pour les salariés licenciés de ces efforts de revitalisation n’est pas suffisamment fine. Il nous faut aller plus loin et mener un travail propre à chaque entreprise. Cet objectif va à l’encontre de la mutualisation des fonds de revitalisation.

Mme Elisabeth Maillot Bouvier. Le rôle de la DIRECCTE est renforcé par les nouvelles règles en matière de licenciement. Celle-ci doit désormais se prononcer sur le plan de sauvegarde de l’emploi dans des délais resserrés : elle dispose de huit jours pour valider l’accord majoritaire et de 21 jours pour homologuer le document unilatéral. Le respect de ces délais n’est possible que si la DIRRECCTE a travaillé étroitement avec l’entreprise en amont. L’unité territoriale doit être en contact régulier avec l’entreprise et être associée à la préparation du PSE. Cette association devra être accrue du fait de ces contraintes nouvelles en termes de délai qui permettent d’apporter aux salariés et à l’entreprise des assurances sur la validité du PSE.

M. Philippe Alexandre, directeur de l’unité territoriale des Côtes d’Armor. L’anticipation est la clé de la réussite. Plusieurs outils sont à disposition des entreprises à cet effet.

Le chef d’entreprise et les représentants syndicaux peuvent signer, en cas de restructuration, un accord de méthode dans lequel ils conviennent notamment d’aménager le calendrier et les délais. Cela suppose de nouer un dialogue social sur les difficultés économiques de l’entreprise, ce qui n’est jamais facile. En outre, grâce à la signature d’un accord de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC), qui permet notamment de prévoir la disparition de certains métiers, les réductions d’emploi peuvent être anticipées.

L’objectif est de parvenir par ces accords d’entreprise à éviter le plan de sauvegarde de l’emploi et à créer les conditions propices à la formation des salariés, aux départs volontaires et à la création d’entreprises.

L’accord national interprofessionnel accentue l’incitation au dialogue social au sein de l’entreprise, à l’anticipation ainsi qu’à la formation tout au long de la vie qui est essentielle pour des salariés bousculés voire menacés par les évolutions technologiques.

M. Christophe Castaner, rapporteur. Aurez-vous les moyens d’assurer le suivi des PSE prévu par l’accord national interprofessionnel, d’autant que les anciens agents de la direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE) pourraient être transférés aux régions ?

Mme Elisabeth Maillot Bouvier. L’homologation du PSE ne signifie pas l’analyse complète de celui-ci. Il s’agit de vérifier que l’entreprise met en œuvre tous les moyens dont elle dispose. Ce travail est relativement simple dès lors que les services ont une bonne connaissance de l’entreprise. À cette fin, il est important que tous les services de la DIRECCTE soient mobilisés, y compris les anciens agents de la DRIRE et le pôle 3E. Nous ferons en sorte d’adapter nos moyens aux exigences du législateur.

M. Philippe Alexandre. Nous trouverons les moyens en facilitant la collaboration entre les services en charge de l’emploi et ceux compétents en matière de mutations économiques. Nous disposons de la capacité à anticiper les difficultés car nous prenons quotidiennement le pouls des entreprises. Rares sont les dossiers sur lesquels nous pouvons être pris au dépourvu.

M. Christophe Castaner, rapporteur. Les chefs d’entreprise sont réticents à solliciter les outils disponibles en cas de difficultés par méconnaissance de ces derniers mais aussi par crainte des conséquences. En particulier, les entreprises soumises à la procédure de sauvegarde ne peuvent pas être candidates aux marchés publics. Est-ce une bonne mesure selon vous ?

Les fonds de revitalisation mutualisés permettent-ils de mener une politique de réindustrialisation des territoires efficace ?

L’obligation de revitalisation ne s’impose qu’aux entreprises de plus de 1 000 salariés. Puisque les PSE concernent de nombreuses petites entreprises, cette obligation ne pourrait-elle pas être étendue aux entreprises de moins de 1 000 salariés ?

M. Michel Cadot. Il serait souhaitable que l’interdiction pour des entreprises faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde de soumissionner aux marchés publics ne soit pas systématique mais conditionnée à un examen de leur situation. Cette règle est trop rigide pour certaines d’entre elles dont les perspectives d’avenir sont rassurantes et pour lesquelles l’accès aux marchés publics est important. Elle devrait donc être assouplie pour permettre une évaluation au cas par cas.

Le fonds de revitalisation obéit à une logique d’accompagnement de l’emploi plus que d’industrialisation. Le dispositif actuel ne permet pas de garantir la réindustrialisation d’un territoire. En raison de l’impératif de création d’emplois, la sélection des bénéficiaires est insuffisamment ciblée alors qu’elle devrait traduire des choix industriels. Le dispositif devrait être revu pour répondre efficacement à l’objectif de réindustrialisation.

Il serait judicieux de soumettre à l’obligation de revitalisation certaines entreprises de moins de 1 000 salariés dans des secteurs dont la responsabilité territoriale est importante. Dans le cadre d’un schéma régional de développement économique, il serait logique de faire contribuer les entreprises à la redynamisation du territoire, dans le cas de la Bretagne par exemple, celle des secteurs automobile et agroalimentaire. Il convient de réfléchir à un dispositif plus souple et mieux adapté aux territoires.

Mme Véronique Louwagie, rapporteure. Qui doit être le chef d’orchestre de l’accompagnement des plans de sauvegarde de l’emploi ?

M. Michel Cadot. Ce nécessaire chef d’orchestre ne peut être que le commissaire au redressement productif, voire le préfet de région pour les dossiers les plus lourds. Cependant, les choses risquent de se compliquer demain avec la compétence exclusive confiée aux régions dans le domaine économique. J’ai observé combien les sensibilités économiques pouvaient être différentes au sein des régions et entre les départements. Il est donc nécessaire de faire preuve d’autorité pour surmonter les divergences des acteurs locaux et vaincre les réticences, quitte à jouer de la médiatisation pour obtenir l’approbation d’une solution. Il est indispensable de conserver demain une figure d’autorité malgré les pouvoirs accrus des régions.

M. Christophe Castaner, rapporteur. Peut-on imaginer que le comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle dispose d’un bureau pour résoudre les difficultés que vous venez d’évoquer ?

M. Michel Cadot. Le CCREFP ne s’inscrit pas dans cette logique puisque sa vocation est stratégique et son fonctionnement très formel.

Pourquoi confier au CCREFP la tâche de rassembler tous les partenaires dans les domaines de l’économie et de la formation professionnelle alors qu’un comité d’engagement local pourrait s’en acquitter. Si le cadre institutionnel est trop rigide, nous risquons de nous heurter rapidement aux limites d’un fonctionnement trop mécanique.

La concertation doit demeurer informelle et la coordination s’organiser autour de l’opérateur technique que doit être le commissaire au redressement productif. Elle pourrait prendre la forme d’un groupe de travail rattaché au CCREFP et doté d’une coprésidence, qui serait une manière de donner satisfaction à chacun.

Mme Dominique Lassus-Minvielle, magistrate à la Cour des comptes. Comment sont coordonnées dans la région Bretagne les missions du commissaire au redressement productif et de la DIRECCTE ?

En matière de revitalisation, que préconisez-vous pour mieux articuler la convention cadre et ses déclinaisons sur le terrain ? Afin d’améliorer la qualité des emplois recréés, faut-il modifier les textes ou les pratiques des préfets ?

L’extension des fonds mutualisés n’est-elle pas risquée au regard de la réglementation communautaire ?

M. Michel Cadot. La coordination entre le commissaire au redressement productif et la DIRRECTE pose problème lorsque la volonté de travailler ensemble fait défaut.

Le rôle du commissaire au redressement productif doit être davantage mis en avant dans l’action de coordination des différents acteurs. Il dispose de la souplesse et du temps nécessaire pour le faire, contrairement aux services de l’État. Dans le même temps, le commissaire au redressement productif ne peut travailler seul. Il doit nouer une relation de confiance et de collaboration, avec la DIRECCTE, sous peine d’être privé d’une grande richesse d’informations et de la capacité d’instruction des dossiers dont dispose cette dernière.

Cela suppose des efforts de l’administration qui n’est pas habituée à conjuguer fonctions de gestion et de mission. Pour un fonctionnement harmonieux, le préfet de région doit être proche de la DIRECCTE comme du commissaire et se départir d’une vision strictement administrative.

Il faut donner toute sa place à la déclinaison territoriale des conventions de revitalisation et permettre de l’enrichir en associant les élus locaux.

Alors que j’étais dans un premier temps séduit par le dispositif, je considère désormais que les fonds mutualisés apportent une forme de sécurité qui n’incite pas à la remise en question. Ils favorisent l’affichage de chiffres au détriment de la recherche de résultats adaptés à chaque projet de redynamisation. Je suis donc aujourd’hui plus réservé sur ce dispositif. En Bretagne, il n’a pas fonctionné depuis un an, en l’absence de licenciements, il est vrai.

Mme Elisabeth Maillot Bouvier. Il est évident que le commissaire au redressement productif et la DIRECCTE ne peuvent pas travailler de manière indépendante. La proximité est indispensable au bon fonctionnement.

M. Stephan de Ribou. La proximité entre le commissaire et la DIRECCTE est nécessaire mais elle l’est aussi, dans le cas de la Bretagne, avec la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) en raison des difficultés de l’industrie agroalimentaire dans cette région.