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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Comment optimiser les aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins ?

Mercredi 22 mai 2013

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 34

Présidence de M. Olivier Carré, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Thomas Revial, chef du bureau Financement du logement et des actions d’intérêt général (direction générale du Trésor), de M. Laurent Machureau, sous-directeur de la 4e sous-direction (direction du Budget), et de Mme Charlotte Chevalier, sous-directrice de la fiscalité des personnes (direction de la Législation fiscale).

M. Olivier Carré, président. Nous poursuivons nos travaux relatifs à l’optimisation des aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins.

M. Thomas Revial, chef du bureau Financement du logement et des actions d’intérêt général à la direction générale du Trésor. Le logement est un secteur prépondérant de l’économie française. Les 33 millions de logements représentaient en 2010 quelques 65 % des actifs des ménages et 75 % de leur endettement. Quant aux dépenses courantes de logement, elles représentaient la même année 22 % du PIB.

Ce secteur est très segmenté sur le plan géographique en termes d’offres, de demandes et de prix. Il connaît par ailleurs une très grande diversité des statuts d’occupation entre propriété occupante, locatif privé et locatif social.

L’inertie naturelle de l’offre ne permet pas de traiter aisément l’insuffisance de logements : Le nombre de logements construits par an est inférieur à 2 % du parc ; les délais entre la décision de construction et la première occupation sont de trois à cinq ans. Il convient de plus de s’interroger sur l’adaptation de la géographie de la construction aux besoins.

Le logement est enfin porteur d’enjeux sociaux – le mal-logement – et environnementaux – le réchauffement climatique – très importants.

L’État dispose de plusieurs leviers d’intervention en matière de logement social pour répondre au manque de logements concentré dans certaines zones géographiques.

Le logement social est confronté à d’importantes mutations sociales et institutionnelles : un contexte désormais marqué par le partage des compétences entre l’État, les collectivités locales et les partenaires sociaux – fédérations HLM et Action Logement – ; une demande sociale élevée au plan national alors que les besoins sont segmentés au plan territorial ; une hausse continue des charges foncières et de l’immobilier dans un contexte de rareté budgétaire de plus en plus grande.

L’accès à un logement social est de plus en plus difficile, particulièrement en zone tendue. Du reste, le taux de rotation dans le parc HLM est en baisse – de 12 % en 2000, il est passé à 10 % en 2010 –, ce qui réduit l’offre disponible de logements sociaux. La faible mobilité résidentielle dans le parc social s’explique par l’écart croissant en zones tendues entre les loyers du parc privé et ceux du parc social, écart qui réduit d’autant les possibilités de sortie du parc HLM en direction du parc privé.

A contrario, en zones détendues, les bailleurs sont confrontés à des problèmes de vacance, qui peuvent peser sur le modèle économique de leur organisme HLM. Si la demande de logements sociaux est très élevée au plan national – 1,3 million de dossiers sont en attente –, en revanche, dans les zones détendues, des bailleurs sociaux rencontrent des difficultés croissantes à louer leurs logements. Ceci n’est pas sans conséquence en termes de pertes financières et de forte rotation du parc qui en compliquent la gestion.

Les situations étant très différentes selon les zones, le Gouvernement a fait le choix de développer le logement social dans celles où les besoins sont les plus importants. À cette fin, l’aide publique a été réorientée vers les zones les plus tendues, via notamment l’augmentation des moyens alloués au logement social et via leur concentration en zone tendue : hausse des aides à la pierre et augmentation des agréments en portant l’accent sur les zones tendues ; renforcement de la loi SRU avec le passage de 20 % à 25 % d’obligations de logements sociaux, principalement dans les grandes agglomérations ; renforcement des moyens d’Action Logement, organisme pour lequel le lien entre l’emploi et le logement est très important et qui concentre en conséquence ses interventions dans les bassins de population et de travail les plus denses.

Le Gouvernement a également favorisé la mobilisation du foncier public avec la loi du 18 janvier 2013, qui prévoit que le montant maximum de la décote peut atteindre 100 % dans le cas d’une cession d’un terrain appartenant à l’État en vue de construire des logements sociaux. L’objet de cette mesure est de réduire le coût du foncier dans les zones où les besoins sont les plus importants.

La politique du Gouvernement doit, parallèlement, être mise en regard avec la définition de l’Union européenne du service d’intérêt économique général associé au logement social, qui vise à dédier la fourniture de logement social aux personnes défavorisées rencontrant des difficultés à trouver un logement aux conditions du marché. Cette conception confirme la nécessité de concentrer les aides dans les zones les plus en tension.

La Cour des comptes a émis deux autres idées qui méritent une analyse. La première est de différencier tous les leviers de soutien financier au logement social en fonction de la zone géographique, ce qui est déjà le cas pour les aides à la pierre, qui sont concentrées dans les zones tendues, mais non du taux des prêts sur fonds d’épargne de la Caisse des dépôts à destination du logement social. La seconde est d’utiliser la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) comme levier de transformation du secteur HLM, en concentrant les aides de la Caisse sur certains secteurs géographiques ou en les conditionnant à la politique patrimoniale développée par les organismes HLM.

Enfin, vous n’êtes pas sans savoir que vous examinerez dans les tout prochains jours un projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction.

M. Laurent Machureau, sous-directeur de la 4e sous-direction à la direction du Budget. La question de l’optimisation des aides à la construction en fonction des besoins peut être appréhendée non seulement en fonction de la territorialisation de la politique de soutien à la construction de logements sociaux – avec la question : où cible-t-on l’allocation des moyens ? -, mais aussi à travers l’analyse globale et systémique du modèle économique du logement social, compte tenu du nombre tant des financeurs que des mécanismes. L’objectif est de repérer les obstacles à la construction – le foncier est un problème central – en vue de jouer sur l’ensemble des leviers pour s’attaquer de manière structurelle aux dysfonctionnements du marché du logement et favoriser la rentabilité, et partant, le financement des opérations de construction de logements sociaux.

Je tiens à vous signaler l’existence, dans le cadre de la Modernisation de l’action publique (MAP), d’une mission d’évaluation sur la territorialisation de la politique du logement confiée à M. François Delarue, président-directeur général de l’Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP), en collaboration avec le Commissariat général au développement durable (CGDD).

Nous sommes particulièrement sensibles à la question de l’interaction entre le zonage des aides au logement social et le zonage des aides à l’investissement locatif privé dont les effets inflationnistes sur le prix du foncier sont susceptibles, selon la Cour des comptes, de rendre plus difficile le bouclage des opérations de financement de construction de logements sociaux dans certaines zones.

La réorientation des aides vers les zones tendues est en œuvre depuis plusieurs années. Au plan national, leur répartition entre les grandes régions s’effectue grâce à des indicateurs diversifiés qui permettent de mieux appréhender les besoins en prenant en compte des critères qui les reflètent tels que le taux de vacance, la mobilité, les perspectives d’évolution démographique, le parc social rapporté à 1 000 habitants, le nombre de recours DALO et leur pourcentage de satisfaction. Au plan infrarégional, la distribution des enveloppes par les préfets de région cible clairement les zones tendues – je renvoie à ce sujet aux indicateurs de performance du programme 135. Il importe toutefois de mettre en perspective la répartition de l’effort avec les autres politiques publiques, notamment les politiques d’aménagement. C’est ainsi que la question du logement social ne se posera pas de la même manière en Île-de-France avec ou sans le réseau de transports du Grand Paris.

Une meilleure modulation au plan local, notamment des subventions de l’État, en maximiserait sans doute l’effet de levier – une aide moindre de l’État permettrait alors à l’agrément de jouer un véritable rôle de catalyseur déclenchant l’entrée en jeu d’autres mécanismes d’aide. Je pense non seulement aux prêts de la CDC, mais également aux avantages fiscaux, qui pèsent plus lourd, in fine, dans le bouclage d’une opération de construction de logements sociaux que les seules subventions de l’État.

Enfin, il est nécessaire d’articuler au plan territorial le rôle de l’État, celui des collectivités territoriales et celui d’Action Logement.

L’articulation des différentes aides est-elle optimisée – non seulement les aides à la pierre du programme 135, mais également toutes les aides directes ou indirectes ? La question est d’autant plus pertinente que ces aides sont, depuis un an, considérables. Je pense évidemment à la suppression du prélèvement sur le potentiel financier qui a rendu, selon les propres mots du Président de la République, 175 millions de fonds propres aux bailleurs sociaux. Je pense également au produit de la surtaxe sur les plus-values immobilières, qui a permis d’injecter de l’argent extérieur au sein du système ; à la signature de la convention entre la Caisse des dépôts et l’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL)-Action Logement, qui ouvre à l’organisme paritaire l’accès aux ressources des fonds d’épargne ; ou encore à la cession gratuite de fonciers publics qui, outre son effet sur les prix du foncier, constitue une aide à la pierre en nature considérable étant donnés les prix que peuvent atteindre les terrains sur certains territoires. La mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) participe elle aussi à la réduction du coût de construction. Je terminerai par la récente annonce du passage à 5 % de la TVA sur le logement social. Toutes ces mesures s’ajoutent aux autres exonérations, notamment les exonérations d’impôt sur les sociétés pour les organismes HLM et de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les nouveaux logements sociaux, à l’accès aux prêts sur fonds d’épargne et aux aides à la pierre.

Les aides budgétaires à la pierre ne représentent donc qu’une part modeste du financement d’une opération – avant les nouvelles mesures que j’ai évoquées, cette part était de l’ordre de 15 % pour les prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) dans les zones tendues et de moins de 10 % ailleurs. L’effet catalyseur de l’intervention de l’État est plus lié à l’octroi des autres avantages permis par l’agrément – TVA réduite, exonération de TFPB et accès aux prêts sur fonds d’épargne – qu’à l’aide à la pierre elle-même.

Dans un tel contexte d’aide publique massive, il importe, aux yeux de la direction du Budget, d’identifier les obstacles à la construction de logements sociaux, à commencer par la rareté du foncier. D’ailleurs, lorsque les terrains constructibles sont rares, injecter des ressources publiques pourrait comporter un risque inflationniste dont il convient de se préserver. Il faut prendre des mesures structurelles visant à inciter la libération de fonciers privés, via des outils fiscaux comme le rééquilibrage entre la taxation de la mutation et celle de la détention. Il est également nécessaire d’inciter davantage encore les élus à développer la construction de logements sociaux, objectif visé par le renforcement de la loi SRU dans le cadre de la loi Duflot. D’autres pistes peuvent être évoquées, comme l’intéressement des collectivités locales aux plus-values d’urbanisme. Il conviendrait aussi de s’appuyer davantage sur les intercommunalités pour lever d’éventuels blocages d’ordre financier ou en termes d’économie politique : en effet, il peut être difficile pour une commune seule de trouver le bon équilibre entre la construction d’immeubles de bureaux, qui rapporte des ressources, et d’immobilier résidentiel, qui crée des charges nouvelles pour les collectivités locales, notamment lorsqu’il s’agit de logements sociaux. Un tel équilibre est plus facile à trouver au plan intercommunal, surtout lorsqu’il est pensé en cohérence avec les politiques publiques d’aménagement ou de transport.

Il importe enfin de jouer sur l’ensemble des leviers permettant d’améliorer la rentabilité des opérations et de favoriser le financement de la construction de logements sociaux, un effort particulier devant être réalisé sur les coûts de construction. La procédure de la conception-réalisation, par exemple, en associant, dès le lancement d’une opération, l’architecte et le constructeur, permettrait de gagner 15 % selon les exemples trouvés dans la presse. Le moratoire sur les normes, annoncé par le Président de la République, est sans aucun doute un élément important de la maîtrise des coûts de construction. Il faut aussi augmenter les recettes des organismes HLM, en appliquant notamment de manière plus systématique les surloyers de solidarité versés par les locataires les plus aisés du parc social, ce qui favorisera par ailleurs une plus grande mobilité au sein du parc. La vente de logements HLM amortis augmenterait également les fonds propres des bailleurs – un logement social vendu permet la construction de trois logements neufs. La vente de 1 % du parc social dégagerait ainsi quelques 2 milliards d’euros, une somme considérable qui irait aux fonds propres des bailleurs.

Je le répète : il convient d’avoir une vision globale et systémique du modèle économique du logement social pour concilier le nécessaire développement de la construction de logements sociaux, compte tenu de la crise du logement que connaît notre pays, avec la non moins nécessaire maîtrise de la trajectoire des finances publiques vers le retour à l’équilibre.

Mme Charlotte Chevalier, sous-directrice de la fiscalité des personnes à la direction de la Législation fiscale. Même si la fiscalité est un levier particulièrement important de la politique de logement social, les outils fiscaux au service du logement social n’ont pas pour souci prioritaire la territorialisation des aides. Ces outils vont du régime fiscal propre aux organismes HLM – exonération de l’impôt sur les sociétés – à des dispositifs visant à alléger le coût de la construction de logements sociaux avec, sur l’acquisition des terrains par les organismes HLM, l’application d’un taux réduit de TVA, l’exonération de droits d’enregistrement sur les mutations et des dispositifs annexes en matière de plus-values immobilières. Des taux réduits de TVA ont également pour objet d’alléger le coût de la construction et celui de la rénovation des logements sociaux. La loi prévoit en outre l’exonération de TFPB en vue de réduire le coût de détention des logements sociaux par les bailleurs.

Ces différents dispositifs fiscaux, qui dépendent soit de la qualité des organismes soit de la nature des logements, sont transversaux et généraux sur tout le territoire. Leur territorialisation serait plus difficile à mettre en œuvre que celle de l’incitation à l’investissement locatif privé dans le cadre de dispositifs de réduction de l’impôt sur le revenu – je pense à la réduction Duflot.

La baisse, dès 2014, du taux de TVA applicable à la construction et à la rénovation de logements sociaux ne peut qu’améliorer la contribution de la politique fiscale à la production de logements sociaux. Il en est de même de la libération du foncier grâce à une modification, également annoncée par le Président de la République, du régime d’imposition des plus-values immobilières sur les cessions de terrains à bâtir dans le projet de loi de finances 2014. Cette disposition permettra de revenir sur la censure par le Conseil constitutionnel de l’article 15 de la loi de finances 2013.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Vous avez évoqué les effets pervers des aides à la construction. Vous avez sans doute lu les propositions assez radicales d’Alain Trannoy et d’Étienne Wasmer dans la note du Conseil d’analyse économique de février 2013 : ils demandent la suppression des « aides à la pierre » au regard de leur caractère inflationniste. Or, c’est une préoccupation essentielle dans les zones tendues. Bercy a la réputation de considérer avec un œil suspicieux toute politique d’aides publiques. Que pensez-vous des propositions de ces deux économistes ? Comment limiter les effets pervers des aides, qui me semblent réels ?

M. Olivier Carré, président. , La France consacre, en dépense publique consolidée, le double de l’Allemagne, et de 30 % à 40 % de plus que la moyenne des pays de l’OCDE à ses politiques de logement et d’aménagement.

M. Michel Piron, rapporteur. N’est-ce pas le propre d’une aide d’avoir des effets inflationnistes ? Le tout est de savoir si c’est l’acheteur ou le vendeur qui récupère le bénéfice de l’aide. Cette critique s’applique aussi bien aux aides à la personne qu’aux aides à la pierre. Cette aide a tout de même pour objectif de rendre possible une opération qui, sans elle, n’aurait pu être réalisée. Plutôt que l’aide elle-même, ne convient-il pas de remettre en cause son dosage ?

M. Laurent Machureau. L’article auquel vous avez fait allusion s’appuie sur d’autres travaux ; il y a donc une certaine convergence sur cette question, avec cependant une réalité sans doute différente en fonction des contextes des micromarchés. L’approche territorialisée permet de faire le départ entre les situations où les effets inflationnistes sont vérifiés et celles où ils ne le sont pas.

La question de la captation de l’aide se pose dans de nombreux cas. En raison du contrôle exercé sur les loyers, le logement social offre davantage de moyens d’éviter la captation des aides par les propriétaires. C’est un argument supplémentaire pour diriger de préférence la libération gratuite de foncier public vers le logement social.

M. Olivier Carré, président. J’ai déjà entendu cet argument. N’oubliez pas toutefois que le locataire d’un logement social est, surtout en zone tendue, le premier bénéficiaire des aides puisqu’il paie son loyer moitié moins cher que dans le locatif privé, ce qui améliore d’autant son pouvoir d’achat. Une étude de l’INSEE a d’ailleurs montré que la part du logement dans les dépenses des Français a augmenté ces dernières années, sauf pour les locataires du parc social. Le logement social a donc rempli une partie de ses objectifs.

M. Laurent Machureau. Pour éviter les effets inflationnistes, il faut, en particulier, libérer le plus possible le foncier. Les risques inflationnistes sont évidents lorsqu’on stimule la demande alors que l’offre est freinée par la contrainte foncière.

M. Thomas Revial. Les aides à la demande et les aides à l’offre ne présentent pas les mêmes risques. Dans les zones tendues, le soutien à la demande comporte évidemment un risque inflationniste puisqu’il accroît le déséquilibre entre l’offre et la demande. C’est pourquoi la politique du Gouvernement en zone tendue consiste à soutenir l’offre en libérant du foncier pour l’orienter vers le logement social. Des aides au loyer permettent alors aux locataires de trouver un logement correspondant à leurs revenus.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Selon vous, l’aide à la pierre est moins inflationniste que l’aide à la personne ?

M. Thomas Revial. D’autres paramètres peuvent intervenir.

M. Michel Piron, rapporteur. Comme la maîtrise du coût de la construction.

M. Thomas Revial. Il est nécessaire de maîtriser les coûts de construction et de gestion si l’on veut que les aides à la pierre ne soient pas captées par le constructeur.

M. Thomas Revial. La libération du foncier public, avec une décote pouvant aller jusqu’à 100 % en cas de construction de logement social, a un effet de levier considérable en zone tendue.

M. Gilles Lurton. La demande de logements HLM s’est modifiée ces dernières années, surtout en province. Elle ne porte plus désormais sur de vastes logements, mais sur des logements de grande qualité, même plus petits. Or, le parc actuel a été construit entre les années 1960 et 1980 : il est donc relativement ancien et ne correspond plus à la demande.

De plus, un bon taux de couverture APL permet de trouver des logements dans le secteur privé à des loyers relativement modérés : lorsque les dossiers HLM traînent, c’est vers ce type de logements intermédiaires que se tournent les locataires.

Ne conviendrait-il pas de revoir la cartographie des zones tendues, qui me paraît devenue obsolète ? Mme Duflot et M. Cahuzac s’y étaient engagés au début de la législature.

M. Olivier Carré, président. La cartographie des zones tendues ne devrait plus revenir à l’État, mais à une gouvernance déconcentrée du logement. Qu’en pensez-vous, à la veille du débat sur l’acte III de la décentralisation ? D’autant que nous sommes, à l’heure actuelle, au milieu du gué en matière de délégation des aides à la pierre.

Je tiens par ailleurs à rappeler que l’exonération de TFPB est un avantage consenti à 60 % par les collectivités locales et à 40 % seulement par l’État ; plus exactement les quinze premières années sont assumées par les collectivités et les dix suivantes par l’État.

M. Michel Piron, rapporteur. Le périmètre idéal d’observation (non d’intervention) pour établir un zonage pertinent est-il national, régional, départemental ou communal ?

Avoir le point de vue macroéconomique de Bercy sur le sujet me paraît très important, car il convient de garantir l’opérabilité du zonage.

M. Laurent Machureau. Il est vrai que, après avoir recueilli le témoignage de nombreux préfets de département, la Cour des comptes appelle à une actualisation du zonage. D’ailleurs, le fait que le Gouvernement ait confié à M. François Delarue une mission sur la territorialisation de la politique du logement est le signe qu’il prend en considération ce souhait de la Cour des comptes. La mission n’a reçu aucune consigne de la part du Gouvernement, mais je ne serais pas étonné qu’elle conclue à la pertinence d’une révision du zonage.

Au niveau macroéconomique, les aides nationales sont réparties entre les régions, depuis 2011, en fonction d’indicateurs qui permettent de bien appréhender le besoin de chacune d’entre elles, dans ses différentes composantes. Ces critères, que j’ai déjà évoqués, sont les perspectives d’évolution démographique, le parc social existant pour 1 000 habitants, le taux de vacance, le taux de mobilité, le nombre de recours DALO et leur pourcentage de satisfaction. Ils me semblent assurer une répartition équitable et rationnelle.

M. Michel Piron, rapporteur. Je suis d’accord avec vous sur le plan quantitatif. Mais, sur le plan qualitatif, la répartition se fait encore dans le brouillard, notamment en matière d’adaptation de la typologie de l’offre à la typologie de la demande, et dans une grande méconnaissance du marché privé. À la limite, si on appréhende à peu près la demande, on connaît assez mal l’offre, y compris au niveau macroéconomique. Cela fait des années que, au sein du Conseil national de l’habitat (CNH), j’entends dire qu’il faut améliorer les conditions de l’observation, mais je ne vois toujours aucun progrès malgré la démultiplication des observatoires !

Comme l’administration centrale ne dispose que de chiffres en retard de trois à quatre ans sur la réalité des territoires, ne devrait-elle pas plutôt s’appuyer, pour répartir les aides publiques, sur les observations des agences départementales d’information sur le logement (ADIL) ? Ces informations sont peut-être incomplètes ; mais elles sont plus affinées et, surtout, plus récentes. Ceci permettrait de conduire des politiques publiques plus réactives et plus en phase avec les phénomènes migratoires qui s’accélérent en raison du phénomène de métropolisation.

Mme Charlotte Chevalier. La réduction d’impôt Duflot, il est vrai, ne concerne pas le logement social ; je tiens toutefois à souligner que ce sont les préfets de région qui, à partir du 1er juillet 2013, délivreront des agréments pour les zones B 2 – les zones A, A bis et B1 étant éligibles de plein droit au dispositif. Ce changement de logique par rapport aux dispositifs antérieurs est un premier pas en direction de la déconcentration des décisions.

M. Christophe Caresche, rapporteur. La révision du zonage est un engagement du Gouvernement : j’espère qu’il sera tenu.

La territorialisation des dispositifs est assurée via l’accès aux prêts de la Caisse des dépôts et consignations.

Pensez-vous que les termes de la convention passée entre l’UESL-Action Logement et la CDC suffiront pour atteindre au plan financier les objectifs du Gouvernement, c’est-à-dire la construction de 150 000 logements ? L’USH a annoncé que le modèle économique choisi ne permettra pas aux opérateurs locatifs sociaux (hors les sociétés d’économie mixte) de produire plus de 80 000 logements par an. Les différents acteurs ne s’accordent donc pas sur l’appréciation de la politique menée par le Gouvernement.

Ne conviendrait-il pas d’envisager des financements supplémentaires, tels que ceux suggérés par la CDC ?

M. Thomas Revial. Ce ne sont pas les prêts accordés par la CDC qui assurent la territorialisation ; elle est réalisée au travers des agréments délivrés par l’autorité administrative au niveau local. La programmation nationale des agréments est elle-même construite sur les propositions des préfets en fonction des besoins exprimés par les bailleurs sociaux. C’est un premier niveau de déconcentration de la décision. Quoi qu’il en soit, les fonds d’épargne ne différencient pas les prêts selon les territoires ; ils les accordent sur la base des agréments consentis.

Ces prêts constituent l’essentiel des plans de financement. Or, en raison du relèvement des plafonds du livret A et du livret de développement durable, la réalisation de 150 000 logements sociaux par an, voulue par le Gouvernement, ne pose aucun problème de liquidités à la CDC pour assurer les prêts nécessaires aux bailleurs.

M. Olivier Carré, président. Cependant, ceux-ci recherchent l’équilibre financier de leurs opérations, le calculant à partir de leur apport en fonds propres (de 15 à 30 %) et des subventions qu’ils peuvent recevoir. Or, la CDC regrette qu’ils n’empruntent pas davantage – en tenant compte, bien évidemment, des avis de la MIILOS ou de la CGLLS sur les situations individuelles des organismes.

M. Christophe Caresche, rapporteur. En effet, les organismes de logements sociaux (hors SEM) nous assurent qu’ils ne pourront pas construire plus de 80 000 logements par an en raison de la normalisation des prêts – en termes de quotité, de durée etc. – et de la limitation de leurs capacités d’emprunt. Ne conviendrait-il pas de les augmenter, même de manière temporaire ?

M. Thomas Revial. Il n’existe aucune limite réglementaire en termes de quotité, c’est-à-dire de montant des prêts par opération. La question porte sur l’équilibrage économique des opérations qui est discuté entre les opérateurs et la CDC. Il faut savoir que certains organismes sont déjà très endettés ; un endettement accru peut poser des problèmes de financement sur le très long terme.

Dans une opération de logement social, le cantonnement de recettes, dû au plafonnement des loyers, crée un manque par rapport aux coûts, qui doit être compensé par des subventions directes et des aides indirectes, comme les prêts bonifiés de la CDC qui apportent un équivalent-subvention. Pour accroître celui-ci, si on l’estime nécessaire, on peut jouer, notamment, sur le taux ou la durée. Toutefois, la réduction des coûts, conduite par le Gouvernement via la libération du foncier public, correspond à un équivalent-subvention sans commune mesure avec une baisse de 1 ou 2 points de base des taux des prêts de la CDC.

La majoration des droits à construire peut être un autre levier puissant pour solvabiliser davantage la construction de logements sociaux en réduisant le coût du foncier unitaire par logement. Or, ce dernier levier peut être actionné par les collectivités locales, puisque ce sont elles qui ont la main sur la majoration des droits à construire. S’agissant des recettes, n’oublions pas la mobilisation exceptionnelle du réseau Action Logement : l’accès aux ressources des fonds d’épargne lui est désormais ouvert à hauteur de 1 milliard d’euros par an sur les trois prochaines années. L’État et les collectivités sont également mobilisés. Tous ces leviers doivent permettre d’approcher l’objectif de construction de 150 000 logements sociaux, d’autant que le chiffre de 120 000 a déjà été atteint ces dernières années.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Ce n’est pas ce que nous assurent les organismes HLM. Je le répète : leur modèle économique, qui prend en compte les prêts de la CDC ainsi que les différentes subventions et exonérations, ne leur permettrait pas de dépasser la construction annuelle de 80 000 logements, non les 120 000 attendus d’eux sur l’objectif de 150 000. Nous avons demandé à la Caisse des dépôts s’il ne serait pas possible, dans le cadre d’une opération, de trouver des solutions, même temporaires, pour augmenter sa participation au financement du logement social. Elle nous a fait différentes propositions.

M. Michel Piron, rapporteur. Les fonds propres et la capacité d’endettement des bailleurs sociaux sont souvent, en effet, les principaux freins à la construction. Le montant des loyers étant insuffisant pour amortir des coûts de construction extrêmement élevés, ce sont nécessairement les subventions, de la décapitalisation ou d’autres fonds complémentaires qui permettent de boucler le financement des opérations. Quoi qu’il en soit, cela ne pourrait être de l’endettement supplémentaire chez des organismes qui seraient surendettés. Je précise aussi que sur l’objectif annuel de 150 000 nouveaux logements, une bonne part doit être réalisée en VEFA (ventes en état futur d’achèvement).

Il me semble toutefois que le premier obstacle n’est pas financier : abstraction faite de la conjoncture, nous n’avons pas les moyens opérationnels de produire les 150 000 logements promis par le Gouvernement.

La majoration des droits à construire n’abaisse pas nécessairement, ou pas immédiatement, les coûts. Pouvez-vous nous affirmer le contraire ? La dernière loi augmentant le coefficient d’occupation des sols (de manière automatique sauf délibération contraire des communes) a eu, avant d’être abrogée, un effet immédiat : les propriétaires fonciers ont exigé, pour les ventes qui n’étaient pas encore réalisées, un relèvement des prix à due concurrence de la majoration des droits à construire.

Pouvez-vous confirmer que le coût du foncier peut représenter jusqu’à 40, voire 50 %, du prix final des logements livrés en région parisienne ?

On se préoccupe, à juste titre, de la densification avec une approche, enfin, plus qualitative – sachant que l’haussmannien est plus dense que l’urbanisme sur tour. Doit-on pour autant s’exonérer de réfléchir à la disponibilité foncière ? Il me semble que l’on confond souvent foncier constructible et foncier disponible.

Vous avez évoqué le levier considérable que constitue la mise à disposition jusqu’à 0 % du foncier public. Que pensez-vous de l’emphytéose, pour laquelle j’ai plaidé parce qu’elle n’affaiblit pas les bilans des agences ou des organismes qui ont eux aussi des besoins de financement ?

En matière de fiscalité, on a observé dernièrement une tendance à confondre revenus récurrents et revenus exceptionnels. Que pensez-vous de l’idée de mettre en place une fiscalité progressive, et non linéaire, afin de dissuader la rétention des biens ? Le principe en serait que plus on attend, plus l’impôt sur la mutation est élevé.

En matière budgétaire, la pensée dominante à Bercy semble considérer que toute baisse du taux de TVA crée une dépense et toute hausse, une recette. Je pose néanmoins la question suivante : la hausse de trois points supplémentaires, passant de 7 à 10 %, avec une assiette réelle réduite de 25 % en raison de l’effondrement du marché de la construction, a-t-elle été correctement évaluée ? L’assiette est-elle prise en compte dans vos réflexions ?

Vous avez évalué à 15 % le gain sur les coûts de construction que permettrait l’intégration de la conception et de la réalisation. C’est considérable. Ce chiffre est-il un maximum ou correspond-il à une moyenne ?

Enfin, plusieurs intervenants sur le marché des logements sociaux indiquent que 50 % de leurs opérations sont financées par des fonds propres tirés de la vente de leur patrimoine immobilier. Que pensez-vous de cette solution, sachant que le ratio différera selon la tension dans la zone de construction concernée ? Disposez-vous de chiffres en la matière ?

M. Christophe Caresche, rapporteur. Compte tenu des ressources nouvelles dont il dispose, comment peut-on activer plus fortement les fonds d’épargne de la Caisse des dépôts ? En réponse à cette question, la Caisse des dépôts nous soumet trois propositions.

Premièrement, on pourrait réaménager la dette existante, pour les organismes en développement. En simulant un rallongement de deux ans sur une partie de la dette globale d’une durée résiduelle moyenne d’amortissement de cinq ans, la CDC a calculé que cela permettrait de créer 9 000 logements supplémentaires par an si 50 % des bailleurs profitaient de ce reprofilage.

Deuxièmement, on pourrait augmenter la quotité de prêt des opérations de production de logements sociaux, ce qui permettrait de construire 7 500 logements supplémentaires par an sur la période 2013-2020 si 50 % des bailleurs utilisaient ce levier représentant une marge de manœuvre de 1 milliard d’euros.

Troisièmement, on pourrait modifier les caractéristiques des prêts accordés, en allongeant leur durée de dix ans : elle passerait ainsi de quarante à cinquante ans. Cette dernière solution permettrait de construire un peu moins de 9 000 logements supplémentaires par an sur la période 2013-2020, toujours pour 50 % des bailleurs.

Ces propositions intéressantes permettraient de dynamiser significativement la construction de logements sociaux et de combler le déficit entre les 80 000 logements que les organismes de logement social sont, selon leurs dires, capables de construire et l’objectif annoncé du Gouvernement de 120 000 logements. Quelle appréciation porte la direction du Trésor sur ces propositions qui la concernent directement ?

M. Thomas Revial. Aucune limite réglementaire ne fait actuellement obstacle à la mise en œuvre de ces trois propositions. L’État n’intervient pas dans la politique de prêt de la Caisse des dépôts. La direction du Trésor exerce uniquement un suivi macroéconomique.

La seule limite réside dans l’acceptation par les organismes de logements sociaux d’un endettement supplémentaire. Or, ceux-ci auront tendance à être réticents si leurs fonds propres sont déjà largement engagés dans des opérations.

La faculté d’augmenter la quotité de prêt utilisable repose donc sur le dialogue entre la Caisse des dépôts et les bailleurs sociaux. Il est souhaitable que certains bailleurs acceptent, s’ils en ont la capacité, de s’endetter davantage afin d’accentuer l’effet de levier. Ce ne sera pas le cas pour ceux qui sont déjà endettés ou dont les fonds propres sont fortement sollicités.

S’il n’y a pas de frein réglementaire à la mise en œuvre de ces propositions, il n’y a pas non plus d’obstacles en termes de liquidités, puisque le fonds d’épargne dispose des ressources éventuellement nécessaires. La situation doit être appréciée au cas par cas.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Une forte demande s’est exprimée en faveur de la baisse du commissionnement des banques distribuant le livret A.

M. Thomas Revial. Des discussions sont en cours sur ce point. Elles s’inscrivent dans une réflexion plus générale sur une réforme de l’épargne réglementée qui s’est déjà traduite par l’augmentation du plafond du livret A et du livret de développement durable. La proposition d’une baisse du commissionnement de dix points de base, formulée dans le rapport de Pierre Duquesne, est à l’étude. Il est possible qu’une décision intervienne rapidement. Néanmoins, il faut prendre en compte le coût de la ressource globale : le commissionnement en est un élément, au même titre que le taux du livret A. À cet égard, la baisse observée par rapport aux années précédentes – le taux est actuellement de 1,75 % alors qu’il a pu aller jusqu’à 4 % – réduit les charges financière des bailleurs sociaux et accroît donc leur capacité de financement.

M. Laurent Machureau. Pour répondre à M. Piron, le coût du foncier représente en effet 40 % du coût total d’une opération dans les zones très tendues.

S’agissant du gain associé à la conception-réalisation, il faut considérer avec prudence le chiffre de 15 %, car il s’appuie sur des opérations pilotes menées par le groupe 3F. Dans l’article des Échos du 22 mars 2012 qui y fait référence, il est également indiqué que l’Union sociale de l’habitat considère cette intégration comme « un puissant levier d’une stratégie volontariste de baisse des coûts ».

Enfin, le ratio entre le nombre de logements neufs construits et le nombre de logements sociaux cédés pour les financer diffère en fonction des zones, mais le ratio moyen est de trois pour un.

M. Olivier Carré, président. Le dispositif Scellier a été créé sans la bénédiction de Bercy, qui le jugeait trop coûteux. Les défenseurs du dispositif arguaient que le coût pour l’État était compensé par les recettes de TVA à 19,6 % pour une dépense fiscale représentant environ 20 % des montants engagés. Alors que la livraison des derniers programmes devrait intervenir dans deux ans, avez-vous étudié le coût du dispositif et éventuellement validé l’argument ? Ce travail intéresserait la représentation nationale.

M. Laurent Machureau. Nous ne disposons pas de calculs précis sur le dispositif Scellier ; l’argument que vous avancez me semble néanmoins compréhensible et intuitif.

Cependant, puisque nous avons la conviction que les principaux obstacles à la construction ne tiennent pas à l’insuffisance de financement, nous ne croyons pas à un effet mécanique d’une baisse de la TVA. En matière de logement social, bien d’autres leviers sont déterminants dans le bouclage d’une opération. La complexité de ces opérations rend hypothétique l’élasticité de la production aux variations de taux.

Enfin, Monsieur Piron, je ne dispose pas d’éléments plus généraux sur la TVA.

M. Olivier Carré, président. Vous n’avez pas fait de calculs sur le dispositif Scellier alors que cela pourrait faire l’objet d’un intéressant rapport. En outre, grâce à la consolidation fiscale, vous devriez pouvoir connaître le nombre de logements créés dans le cadre de ce dispositif.

Mme Charlotte Chevalier. Les contribuables déclarent le montant des dépenses éligibles à la réduction d’impôts. Ils ne déclarent pas un logement. Nous connaissons le coût global et le nombre de contribuables bénéficiaires ; mais la déclaration fiscale ne nous renseigne pas sur le nombre de logements produits grâce aux dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement locatif. Nous le déplorons, mais nous sommes dépourvus de connaissances statistiques en la matière.

M. Jean-Pierre Gorges. Il est vrai que la hausse de la TVA n’était pas nécessairement rédhibitoire pour les opérations de construction de logements sociaux au regard des autres déterminants, notamment du coût du foncier – même si le chiffre de 50 % m’étonne.

Depuis dix ans, j’essaie de réorganiser le logement social dans ma ville de Chartres. Je suis à la fois maire, président de l’agglomération et président de l’office HLM – en la matière, je revendique le cumul des fonctions, seule manière de mener à bien des projets : le seul bailleur social qui participe à ces opérations est celui que je dirige.

L’équation est simple : à Chartres, le prix au mètre carré d’un logement s’élève à 3 000 euros minimum. Or, le coût de construction d’un logement social doit être inférieur à 1 450 euros par mètre carré pour qu’un loyer PLAI ou PLUS réussisse à l’équilibrer. Afin de favoriser la mixité sociale, j’impose que tous les nouveaux programmes comprennent un quart de logements sociaux – anticipant sur la loi du 18 janvier 2013 - et que ceux-ci soient vendus à la mairie 1 953 euros au lieu du prix du marché – sans qu’il y ait de différence avec les autres appartements. Cela représente ainsi 500 euros supplémentaires à financer par rapport au budget d’un logement social. Le loyer ne suffit donc pas, sauf à se priver de ressources pour entretenir le parc existant. La seule solution est de vendre des logements sociaux : en vendant un logement social, j’en finance deux.

En outre, la loi est bien faite : en cas de vente, le logement demeure dans le parc social pendant cinq ans. Nous devrions donc pouvoir vendre librement les logements sociaux en nous engageant à les remplacer dans ce délai – ces opérations mixtes exigent en effet du temps pour que le marché absorbe l’ensemble des nouveaux logements. Or, l’État nous empêche de le faire en émettant des avis défavorables sur la vente des logements sociaux. Je subis constamment les inspections de la chambre régionale des comptes et de la mission interministérielle d’inspection du logement social (MIILOS) qui me dénient le droit de financer la reconstruction de logements par la vente de logements sociaux. C’est inadmissible !

Des accords entre l’Union sociale pour l’habitat et le Gouvernement prévoient pourtant que chaque office doit vendre chaque année 1 % de son parc, tandis que le code de la construction et de l’habitation assimile la cession d’actifs à des produits de gestion courante, qui doivent pouvoir être utilisés librement.

Au surplus, on refuse de comptabiliser comme tels les logements sociaux issus de la transformation de logements privés, y compris dans les programmes validés « ANRU ». C’est pourtant une alternative pour développer la mixité sociale.

Quoi qu’il en soit, j’espère que le dispositif Duflot entrera en vigueur sans tarder, car il aidera le marché à absorber les trois logements privés qui sont construits pour chaque logement social dans tout nouveau programme réalisé sur mon territoire. C’est une condition nécessaire à ma stratégie pour développer la mixité sociale.

J’ai démontré que, en vendant 1 % du parc tous les ans et en le remboursant sur seulement trente ans, on peut financer durablement le logement social : la source ne peut pas se tarir et l’actif est valorisé par la plus-value réalisée sur la vente des logements inclus dans les programmes mixtes – initialement achetés en-dessous des prix du marché. La chambre régionale des comptes et la MIILOS continuent d’affirmer que ce modèle ne marche pas parce que le produit pour financer les opérations de logement social ne peut être garanti. Mais je le pratique depuis douze ans !

Comment expliquer cette contradiction entre la politique gouvernementale et l’attitude de nos contrôleurs et des préfectures ?

En outre, j’estime, pour que le modèle soit vertueux, qu’une partie du produit de la vente d’un logement social devrait être restituée à l’État au titre des avantages qu’il a consentis pour construire du logement social.

Je me pose la question suivante, à laquelle personne n’est aujourd’hui capable de répondre : si mon office public vend son parc de logements sociaux à un organisme de logement social, à qui appartient le produit de la vente – sachant que la municipalité était fortement invitée à combler les déficits qui pouvaient apparaître ?

M. Olivier Carré, président. À l’État ! J’ai déjà posé la question, qui n’est pas sans conséquence au regard de la réglementation communautaire. C’est l’un des maillons faibles du logement social en France.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Les organismes que nous avons auditionnés soulignent, pour leur part, les difficultés posées par l’évolution du prêt à taux zéro pour la vente des logements sociaux - sur laquelle ils sont par ailleurs divisés. L’examen du projet de loi sur le logement, en septembre prochain, sera l’occasion d’exprimer les différents points de vue.

Je souhaite faire le point sur Action Logement et le fameux milliard par an que celui-ci doit emprunter auprès de la Caisse des dépôts.

Un statut du logement intermédiaire va être créé par ordonnance. Quels avantages l’État pourrait-il consentir aux investissements dans ce secteur, afin notamment de convaincre les investisseurs institutionnels ? On évoque une exonération partielle de TVA ou de taxe foncière. Ces questions sont-elles à l’étude ?

M. Laurent Machureau. Nous ne savons pas plus que les autres répondre à la question de M. Gorges. À la direction du Budget, nous estimons que la vente de logements sociaux est un levier important pour financer la construction. Je suis donc surpris de ce décalage entre l’administration centrale et le terrain. Nous allons examiner ce point.

M. Olivier Carré, président. La MIILOS ne représente pas le terrain. Il s’agit d’un corps d’inspection, rattaché à plusieurs administrations, qui travaille à l’échelon central.

Je comprends que l’idée de reverser à l’État une partie du produit de la vente de logements sociaux n’est pas consensuelle. À défaut d’en reprendre une partie, l’État doit encourager le recyclage des fonds au sein du système à travers le développement de la péréquation ou de la mutualisation. Quand les fonds propres sont réutilisés au sein de l’organisme, la péréquation est interne ; mais on peut imaginer des logiques de péréquation externe.

M. Thomas Revial. En ce qui concerne Action Logement, la convention entre l’État et l’UESL prévoit un prêt financé par les fonds d’épargne de la Caisse des dépôts de 1 milliard par an sur trois ans pour accompagner l’effort de ce réseau en faveur du logement social. La signature du prêt est imminente, puisque les deux parties sont convenues des conditions. Le milliard d’euros sera donc bien mis à disposition.

S’agissant du logement intermédiaire, nous attendons le vote de la loi d’habilitation, qui pourrait modifier le périmètre de l’ordonnance, puis la définition du statut, avant de réfléchir à ses modes de financement.

M. Olivier Carré, président. Madame, messieurs, je vous remercie.