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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

La fiscalité des hébergements touristiques

Mercredi 9 avril 2014

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 10

Présidence de Mme Monique Rabin, corapporteure

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Baptiste Nicolas, directeur des finances de la Mairie de Paris, et de Mme Isabelle Oudet, chef du bureau des ressources financières, cellule taxe de séjour

Mme Monique Rabin, présidente et corapporteure. Paris attire un nombre très élevé de touristes. La taxe de séjour y constitue donc un enjeu important. Pourriez-vous, nous faire une présentation générale de la gestion et du recouvrement de la taxe de séjour à Paris ? Nous aimerions également avoir votre regard sur les éventuels problèmes spécifiques que pose cette taxe.

M. Jean-Baptiste Nicolas, directeur des finances de la mairie de Paris. La ville de Paris a institué une taxe de séjour, qu’elle prélève auprès des hôteliers et des logeurs. La période de perception est calée sur l’année civile, du 1er janvier au 31 décembre. La déclaration doit être faite un mois avant le début de la période de perception, c’est-à-dire le 1er décembre au plus tard. Nous avons supprimé l’abattement facultatif en 2009 et nous n’appliquons donc plus que l’abattement légal. Les tarifs sont respectivement : 1,50 euro par nuitée pour les hôtels quatre et cinq étoiles – ce qui correspond au plafond fixé par le code général des collectivités territoriales (CGCT) ; 1,30 euro pour les trois étoiles ; 78 centimes pour les deux étoiles ; 42 centimes pour les hôtels une étoile ; 20 centimes pour les autres catégories d’hébergement. La taxe départementale additionnelle à la taxe de séjour n’a pas été mise en place à Paris.

Le rendement de la taxe de séjour s’est établi à environ 40 millions d’euros en 2013. La taxe est collectée auprès de quelque 2 000 établissements, dont une très grande majorité – 1 826 – sont des hôtels. Elle est très concentrée sur les trois et quatre étoiles, qui contribuent à hauteur de 30 millions d’euros sur les 40 millions perçus. Le montant versé par les propriétaires de meublés et de chambres d’hôtes représente moins de 0,01 % de la recette totale.

Nous avons choisi de taxer non pas au réel, mais au forfait. Les modalités ont récemment évolué : nous proposons aux hôteliers comme aux loueurs de meublés et de chambres d’hôtes de remplir une déclaration en ligne. Le taux de recours à la télédéclaration progresse rapidement : il atteint aujourd’hui 35 % chez les hôteliers. Nous espérons généraliser cette modalité de recouvrement.

Nous n’avons pas de problème particulier de connaissance du tissu hôtelier à Paris. En revanche, comme c’est probablement le cas dans de nombreuses communes, il n’en va pas de même pour les chambres d’hôtes et les meublés : leurs propriétaires ne connaissent pas nécessairement leurs obligations déclaratives, et il est très complexe et coûteux de les recenser et de les taxer.

Le produit de la taxe – 40 millions d’euros – est affecté de la manière suivante : environ 14 millions à des investissements de voirie à raison de la fréquentation touristique ; 7,5 millions à la subvention allouée à l’office du tourisme ; environ 9 millions à la contribution versée à la préfecture de police de Paris, pour des missions qui concourent à l’accueil des touristes ; 3,5 millions à des subventions au titre de la culture. Cette répartition est retracée dans une annexe au budget.

J’en viens à quelques réflexions sur les aménagements qui pourraient éventuellement être apportés à la taxe de séjour. En ce qui concerne l’assiette, nous nous interrogeons sur la pertinence de l’abattement. En outre, nous pourrions envisager de taxer les locations de courte durée à travers les sites internet qui les proposent. Nous avons ainsi appris avec intérêt que la ville de San Francisco avait récemment mis en place une « taxe Airbnb ».

Pour ce qui est des tarifs, nous avons cherché à établir des comparaisons internationales. Des taxes analogues à la taxe de séjour existent ou ont été récemment instituées dans plusieurs grandes villes touristiques européennes : Bruxelles, Berlin, Genève, Rome, Barcelone. Leur niveau est, en moyenne, quatre à cinq fois supérieur aux plafonds fixés par le CGCT. Les tarifs appliqués dans ces villes sont de l’ordre de 10 euros pour les hôtels cinq étoiles, de 8 euros pour les quatre étoiles, de 6 euros pour les trois étoiles, de 4 euros pour les deux étoiles et de 2 euros pour les une étoile. Quoi qu’il en soit, la fourchette prévue par le CGCT est très inférieure à ce qui se pratique ailleurs en Europe.

D’autres pistes mériteraient également d’être explorées : l’application de tarifs différents aux cinq étoiles et aux quatre étoiles, dans la mesure où le prix de la nuitée varie très sensiblement d’une catégorie à l’autre ; l’adoption de dispositions spécifiques pour les établissements qui bénéficient de la distinction « Palace » récemment créée par Atout France ; l’indexation des plafonds fixés par le CGCT.

S’agissant d’un éventuel transfert du recouvrement de la taxe de séjour au réseau de la direction générale des finances publiques (DGFiP), nous n’avons pas de position de principe. Mais, dans cette hypothèse, les frais de gestion devraient être très faibles par rapport à ce que prélève habituellement la DGFIP pour le recouvrement des autres taxes. En effet, nous consacrons actuellement des ressources limitées au recouvrement de la taxe : un seul agent est affecté à cette tâche.

Je terminerai par les nouveaux modes d’hébergement touristique qui se développent, notamment par le biais d’internet. Selon une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme, le nombre de locations de courte durée à Paris serait de 20 000 par an. En comparaison, le nombre de meublés et de chambres d’hôtes déclarés apparaît extrêmement faible.

M. Charles de Courson. Combien de déclarations avez-vous reçues ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. Environ 200.

M. Éric Straumann, corapporteur. Vingt mille nuitées par an, cela correspond à l’activité du seul site Airbnb, selon les chiffres que ses responsables nous ont communiqués.

M. Jean-Baptiste Nicolas. Tout à fait, sachant qu’il existe d’autres sites. Cela plaide pour l’institution d’une « taxe Airbnb » comme à San Francisco. Nous nous épuiserions à pourchasser chaque loueur individuellement, et nous y consacrerions probablement beaucoup de ressources pour un résultat limité.

M. Éric Straumann, corapporteur. Comment le dispositif fonctionne-t-il à San Francisco ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. Nous n’avons pas eu le temps d’approfondir le sujet. D’après nos sources – un article récent du Figaro et les informations trouvées sur internet –, la ville de San Francisco a passé un accord avec l’entreprise Airbnb. Le programme est baptisé Shared City. Le rendement de la taxe est loin d’être négligeable : environ 250 millions de dollars.

Indépendamment des aspects fiscaux, le développement de ces nouveaux modes d’hébergement peut nuire à la fluidité du marché locatif. La direction des finances de la mairie n’a pas d’expertise particulière en la matière, mais c’est une dimension à prendre en compte.

M. Charles de Courson. Je suis étonné que vous utilisiez une partie du produit de la taxe de séjour pour financer des aménagements de voirie. L’autorité chargée du contrôle de légalité vous a-t-elle fait des observations à ce sujet ?

D’autre part, vous versez une contribution très importante – 9 millions d’euros – à la préfecture de police de Paris sur le produit de la taxe. En quoi la préfecture de police contribue-t-elle à l’accueil des touristes ? N’est-ce pas plutôt un héritage du temps où le préfet de police était l’exécutif de la ville de Paris ?

Qu’en est-il du contentieux de la taxe de séjour ? Formez-vous des recours devant le tribunal de grande instance ? Si oui, combien ?

Nous assistons actuellement au développement très rapide de réseaux, par le biais desquels les propriétaires louent leur logement à Paris pendant leur absence. Cette activité échappe illégalement à la taxe de séjour. Une taxation via les sites internet ne serait-elle pas la solution ?

Les chambres d’hôtes doivent être déclarées en mairie. Quel est actuellement le stock de chambres d’hôtes à Paris ? Le service qui reçoit les déclarations et l’agent chargé du recouvrement rapprochent-ils leurs données ?

Vous avez indiqué que 35 % des hôtels faisaient leur déclaration en ligne. Comment avez-vous mis en place ce dispositif ? Avez-vous signé une convention avec les hôtels ?

Mme Monique Rabin, présidente et corapporteure. À combien de nuitées correspond la recette de 40 millions d’euros ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. L’affectation du produit de la taxe est retracée dans un état du compte administratif qui est porté à la connaissance de l’autorité chargée du contrôle de légalité. À ma connaissance, nous n’avons pas reçu d’observations particulières de la part de celle-ci. D’une manière générale, nous supportons tout un ensemble de coûts liés à la fréquentation de l’espace public parisien par 32 millions de touristes chaque année. Les dépenses de la ville sont en partie dimensionnées par rapport à cette fréquentation. Il y a donc une logique économique à ce qu’une partie de ces charges soient financées par le produit de la taxe de séjour. Par exemple, s’agissant de la voirie, il s’agit de l’aménagement des quais de Seine ou des pistes cyclables. La fréquentation touristique a également un impact sur les dépenses supportées par la préfecture de police.

M. Charles de Courson. Quelles sont ces dépenses ? Comment le chiffre de 9 millions d’euros est-il calculé ? Est-ce à dire que vous versez un fonds de concours à l’État ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. La ville de Paris verse chaque année une contribution à la préfecture de police.

M. Charles de Courson. Aucune autre ville de France ne verse de contribution à la police nationale.

M. Jean-Baptiste Nicolas. Paris a un statut particulier : elle n’a pas de police municipale.

M. Charles de Courson. À quelle époque remonte l’instauration de cette contribution ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. C’est un héritage lié à l’organisation administrative parisienne.

M. Charles de Courson. Pourquoi ne l’avez-vous jamais remis en cause ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. Cette question ne relève pas de ma compétence.

M. Marc Francina. Quel est le statut juridique de l’office du tourisme de Paris ? Est-ce un établissement public à caractère industriel et commercial – EPIC ? Une société d’économie mixte ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. Je l’ignore.

M. Marc Francina. En principe, le produit de la taxe de séjour doit être versé à l’office du tourisme quand il est constitué en EPIC.

M. Charles de Courson. En effet, il est curieux que vous n’affectiez à l’office du tourisme que 7,5 millions d’euros, soit 15 % du produit de la taxe de séjour, alors que c’est là sa finalité. Quel est le fondement de cette pratique ?

M. Éric Woerth, corapporteur. L’objet de la taxe est-il vraiment d’alimenter le budget de l’office du tourisme ?

M. Charles de Courson et M. Marc Francina. C’est ce que disent les textes.

M. Éric Woerth, corapporteur. La rédaction est plus large et la plupart des dépenses peuvent être rattachées à l’objet de la taxe.

Mme Monique Rabin, présidente et corapporteure. À condition de le justifier.

M. Charles de Courson. En province, on nous a parfois reproché certaines affectations. Le texte n’est pas d’une grande clarté.

M. Éric Straumann, corapporteur. Y a-t-il vraiment un problème à ce sujet ? Jamais je n’ai vu l’État contester l’affectation d’une somme encaissée par les collectivités locales.

M. Charles de Courson. Nous avons eu des débats avec la préfecture à propos de l’affectation du produit de la taxe départementale des espaces naturels sensibles – TDENS. Les emplois possibles sont définis par une circulaire. D’autre part, certaines collectivités territoriales utilisent une partie du produit de la taxe pour se constituer une trésorerie. Monsieur le directeur, consommez-vous 100 % du produit de la taxe chaque année ? Ou bien procédez-vous à des reports d’une année sur l’autre ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. L’intégralité du produit de la taxe est affectée. Le CGCT dispose que « le produit de la taxe de séjour est affecté aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune ». L’objet est donc assez large.

M. Charles de Courson. Elle pourrait donc servir à financer le réseau d’eau ?

Mme Monique Rabin, présidente et corapporteure. Elle peut en effet servir à financer une station d’épuration, par exemple. Il convient alors de faire une estimation du nombre de touristes qui utilisent l’équipement considéré.

Par ailleurs, tout dépend du statut juridique de l’office du tourisme : régie avec un budget annexe et un conseil d’exploitation ; groupement d’intérêt public ; EPIC.

M. Éric Woerth, corapporteur. D’une manière générale, mieux vaut éviter les taxes affectées.

M. Éric Straumann, corapporteur. S’agissant de l’accord signé entre la ville de San Francisco et Airbnb, j’ai trouvé l’information suivante : « Pour apaiser le lobby de l’hôtellerie, le spécialiste de l’hébergement de particulier à particulier a annoncé le 1er avril qu’il commencerait à collecter une taxe de séjour de 14 % à San Francisco, dès l’été 2014. Cet impôt sera payé par les locataires des appartements ou des maisons louées via la plate-forme web et sera reversé par Airbnb à la ville. Cette mesure fait partie d’un programme plus large qui vise à ce que “notre communauté paie sa juste part d’impôt”, a déclaré David Hantman, qui gère la politique publique du site. Cette collecte devrait rapporter 274 millions de dollars à la ville de San Francisco. » Je rappelle que Airbnb a son siège à San Francisco.

M. Charles de Courson. La taxe s’élève donc à 14 % du prix de la location ?

M. Éric Straumann, corapporteur. Oui. Ce doit être l’équivalent de la TVA, à laquelle les locations devaient échapper jusque-là. Aux États-unis, la TVA est une taxe locale.

Mme Isabelle Oudet, chef du bureau des ressources financières de la mairie de Paris. S’agissant du contentieux, lorsque nous constatons une absence de déclaration de taxe de séjour, nous effectuons plusieurs relances. Si nous ne recevons aucune réponse, nous transmettons le dossier à notre service juridique, qui mandate des cabinets d’avocats pour poursuivre les redevables. Le nombre de déclarations manquantes est peu élevé : quinze en 2013 ; une vingtaine les années précédentes.

M. Charles de Courson. Quels sont les résultats des poursuites ?

Mme Isabelle Oudet. Ils sont relativement intéressants : nous récupérons généralement 80 % de la recette.

M. Charles de Courson. Le contentieux porte-t-il sur des chambres d’hôtes ou sur des hôtels ?

Mme Isabelle Oudet. Sur les hôtels. Nous maintenons cette politique, car elle a un effet dissuasif.

M. Jean-Baptiste Nicolas. Il est évident que toutes les chambres d’hôtes ne sont pas déclarées mais nous n’avons pas la capacité administrative de rechercher les propriétaires qui n’auraient pas rempli leurs obligations déclaratives. Le rapport coût-bénéfice en serait probablement négatif, compte tenu notamment du tarif actuel de la taxe
– 20 centimes – pour la catégorie des chambres d’hôtes et des meublés. En outre, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – ALUR – prévoit de dispenser les propriétaires de leur obligation déclarative, ce qui ne va pas faciliter notre tâche. D’où l’intérêt d’une taxe qui serait perçue par les plates-formes internet pour le compte des collectivités territoriales.

Mme Isabelle Oudet. Le service qui reçoit les déclarations faites par les propriétaires de chambres d’hôtes transmet le fichier des déclarants à notre direction. C’est de cette manière que nous connaissons les propriétaires. Nous leur envoyons alors une déclaration de taxe de séjour à remplir.

M. Charles de Courson. J’ai été extrêmement surpris de recevoir hier, dans mon courrier, la lettre d’un site internet qui me proposait de louer mon appartement pendant mon absence. Cette activité se développe très rapidement et échappe à toute imposition : taxe de séjour, TVA, impôt sur le revenu. La solution trouvée à San Francisco me paraît être la bonne.

M. Jean-Baptiste Nicolas. Je reviens aux comparaisons internationales : à Bruxelles, le tarif du prélèvement équivalent à la taxe de séjour pour la catégorie des hôtels cinq étoiles ou assimilés est de 8,75 euros, contre 1,50 euro en France.

M. Éric Woerth, corapporteur. Il conviendrait de prendre en compte l’ensemble des prélèvements obligatoires auxquels sont soumis les hôtels.

M. Jean-Baptiste Nicolas. En effet. C’est la limite de ce genre de comparaison internationale. En matière de taxe sur les nuitées, le niveau de taxation dans les grandes villes touristiques européennes est cinq fois plus élevé qu’à Paris.

M. Éric Straumann, corapporteur. Vous arrive-t-il, en pratique, de détecter un hôtel qui ne verse aucune taxe de séjour ? Que faites-vous dans ce cas-là ? Engagez-vous des poursuites ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. Mme Oudet a parlé du contentieux. Ces pratiques restent marginales par rapport à la taille du parc.

M. Éric Woerth, corapporteur. Il existe deux cas de figure : certains hôtels perçoivent la taxe mais ne la reversent pas ; d’autres ne facturent pas au client le montant de la taxe.

Mme Isabelle Oudet. À Paris, nous appliquons la taxe de séjour au forfait. Nous calculons donc la taxe à partir de la capacité d’accueil des hôtels. Celle-ci figure sur le récépissé de la déclaration d’exploitation que doit faire à la préfecture de police tout nouvel hôtel qui ouvre à Paris. Il nous est donc plus facile de connaître le tissu hôtelier que dans d’autres villes.

M. Éric Straumann, corapporteur. Ce système est-il propre à Paris ?

M. Marc Francina. Oui. Par ailleurs, le taux d’occupation des hôtels est très élevé à Paris : entre 80 et 90 %. D’où l’intérêt d’une taxation au forfait. Dans la plupart des autres communes, il vaut mieux taxer au réel, car les hôteliers seraient réticents à payer un forfait qu’ils n’ont pas encaissé.

Mme Isabelle Oudet. Le taux d’occupation des hôtels est en effet de 80 % à Paris. D’ailleurs, du fait de l’abattement légal – qui atteint 40 % lorsque l’établissement ouvre plus de 105 jours dans l’année –, les hôtels paient souvent un montant inférieur à celui qu’ils verseraient s’ils étaient taxés au réel.

M. Marc Francina. Exactement. Au réel, le produit de la taxe s’élèverait peut-être à 60 millions d’euros.

M. Jean-Baptiste Nicolas. Outre la fiscalité se pose la question du logement. La ville de New York, par exemple, a limité les possibilités de louer les logements pour de courts séjours.

M. Éric Straumann, corapporteur. Vous avez communiqué sur les modalités de mise en œuvre de la taxe, notamment sur votre site internet. Quelles sont les retombées de ces opérations de communication ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. La principale retombée est le développement de la procédure de télédéclaration, qui représente un gain de temps pour notre service et, surtout, une amélioration du confort pour les déclarants. C’est un point très positif.

M. Éric Woerth, corapporteur. Quels sont vos souhaits concernant l’évolution de la taxe de séjour ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. S’agissant de l’assiette, nous ne comprenons pas la rationalité ni la logique fiscale de l’abattement légal. S’agissant des tarifs, le dispositif est en décalage total par rapport à ce qui se pratique ailleurs en Europe, et la piste d’une indexation des plafonds fixés par le CGCT mériterait d’être explorée. Le produit de la taxe de séjour à Paris peut paraître élevé par rapport à ce que perçoivent les autres communes de France, mais nous supportons des coûts liés à la fréquentation touristique qui sont certainement supérieurs à cette somme. D’autre part, il conviendrait de réfléchir à une taxation à partir des plates-formes internet telles que Airbnb ou d’autres.

Quant à l’affectation du produit de la taxe, elle mériterait probablement d’être rediscutée.

Mme Monique Rabin, présidente et corapporteure. Nous comprenons bien que la situation de Paris est particulière.

M. Éric Straumann, corapporteur. Avez-vous rencontré des représentants de Airbnb ? Cette entreprise a réalisé une étude très documentée sur le marché parisien, avec un sondage sur les retombées économiques pour Paris. En France, y a-t-il une volonté de la mairie d’encadrer les locations de courte durée ? Celles-ci « cannibalisent » le marché immobilier traditionnel.

M. Jean-Baptiste Nicolas. Les locations de courte durée font concurrence aux hôtels et « cannibalisent » en effet l’offre de logement locatif. À ma connaissance, il n’y a pas de projet particulier visant à encadrer ces locations, ni de position arrêtée sur la question.

À la direction des finances, nous n’avons pas eu de contact avec les représentants d’Airbnb. Je ne sais pas ce qu’il en est de la direction du logement et de l’habitat, ou de celle qui est chargée du tourisme.

M. Charles de Courson. En France, un maire a-t-il le pouvoir d’interdire la location de logements privés, comme cela se fait à New York ?

M. Éric Straumann, corapporteur. Oui, à tout le moins en cas de changement d’usage du logement.

M. Charles de Courson. En êtes-vous sûr ? En outre, les propriétaires louent leur logement lorsqu’ils partent en vacances, ou même en week-end, aussi dans d’autres grandes villes françaises.

M. Éric Straumann, corapporteur. Airbnb s’est développée dans toutes les zones touristiques. L’offre de locations proposée par le site à Colmar, par exemple, est assez vaste.

M. Charles de Courson. Certains propriétaires couvrent les charges de leur résidence secondaire en la louant une partie de l’année via ces plates-formes. Ils se font payer de la main à la main ou par virement, sans rien déclarer. Ne devrions-nous pas réfléchir à la création d’un régime fiscal forfaitaire tel que le « micro-foncier » ?

M. Éric Straumann, corapporteur. Nous pourrions créer un système analogue à celui qui vient d’être décidé à San Francisco, mais avec un taux plus modéré, par exemple 5 %. Cela représenterait déjà des rentrées fiscales appréciables.

M. Charles de Courson. Je doute que la fixation d’un taux exprimé en pourcentage soit conforme à la directive TVA.

M. Jean-Baptiste Nicolas. À Berlin, depuis le 1er janvier dernier, il existe une City Tax, dont le taux a été fixé à 5 % du prix de la chambre.

Mme Monique Rabin, présidente et corapporteure. Nous pourrions aborder ces questions dans notre rapport et évoquer la piste d’une harmonisation européenne ou, à tout le moins, de discussions au niveau européen.

M. Charles de Courson. Selon moi, les taxes forfaitaires – telle que la taxe de séjour – sont « eurocompatibles ». En revanche, l’institution d’une taxe ad valorem serait contraire à la directive TVA. Il conviendrait de le vérifier auprès de la direction de la législation fiscale, avant de formuler des propositions dans notre rapport.

M. Marc Francina. À Paris, les hôtels meublés qui logent des personnes à l’année paient-ils la taxe de séjour ? Sont-ils classés comme hôtels meublés ou non ?

M. Charles de Courson. La question porte plus précisément sur les hôtels gérés par les « marchands de sommeil ». Parfois, des ouvriers qui font les trois-huit se relaient dans la même chambre pour diviser le coût de la location. De tels hôtels sont-il taxés ?

M. Jean-Baptiste Nicolas. Nous n’avons pas de catégories spécifiques telles que celles que vous mentionnez.

M. Marc Francina. La question est de savoir si les chambres sont déclarées.

Mme Monique Rabin, présidente et corapporteure. Nous vous remercions.