Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la mission d’évaluation et de contrôle

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

La fiscalité des hébergements touristiques

Mercredi 16 avril 2014

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 12

Présidence de M. Éric Straumann, corapporteur

– Audition, ouverte à la presse, de M. Thierry Cherrière, directeur du Syndicat mixte d’aménagement touristique du Lac du Der

M. Éric Straumann, corapporteur. Nous accueillons Monsieur Thierry Cherrière, Directeur du syndicat d’aménagement du lac du Der. Je vous donne la parole afin que vous puissiez aborder plus précisément la question de la taxe de séjour.

M. Thierry Cherrière, directeur du Syndicat mixte d’aménagement touristique du Lac du Der. Je voudrais dire quelques mots pour commencer, si vous le voulez bien, sur le lac du Der. Il s’agissait d’un barrage réservoir destiné à réguler la Marne et la Seine. En quarante ans, ce lac est devenu la deuxième zone de fréquentation touristique de Champagne-Ardenne après la cathédrale de Reims. On y dénombre 1,1 million de journées/visite par an, ce qui inclut à la fois les personnes qui viennent à la journée et les touristes qui y séjournent. On dénombre par ailleurs 700 000 nuitées au total dont 260 000 nuitées marchandes, c’est-à-dire des nuitées donnant lieu à des paiements.

Le syndicat d’aménagement a investi 90 millions d’euros sur les 40 premières années. Il fonctionne avec un budget d’environ 1,6 million d’euros. Son budget d’investissement s’élève quant à lui à environ 4 millions d’euros. L’autofinancement s’élève à 52-53 %. Mais très vite la question de la promotion touristique s’est posée. En effet, tant les départements que les communautés de communes ne souhaitaient pas nous aider sur la promotion : les départements disposaient déjà des comités départementaux de tourisme et les communes avaient quant à elles les offices de tourisme. Le besoin d’un financement par la taxe de séjour s’est donc très vite fait sentir. En 1997, il nous a fallu convaincre la totalité des communes car il suffisait alors que l’une d’entre elles refuse pour que tout l’édifice s’écroule. Cette situation a donné lieu à des discussions : certaines communes nous ont demandé de payer régulièrement leurs fleurs, etc. Voilà pour ce qui a trait aux difficultés entourant la mise en œuvre de la taxe de séjour.

Elle représente aujourd’hui pour nous 90 000 euros, 70 000 euros nets une fois retirées les dotations à la taxe départementale.

M. Éric Woerth, corapporteur. Sur quoi percevez-vous la taxe de séjour ?

M. Thierry Cherrière. Sur tous les hébergements. Mais un certain nombre d’hébergements qui devraient être soumis à la taxe de séjour ne le sont pas. C’est par exemple le cas des bateaux qui sont dans les ports et qui, pour certains, sont peu ou prou des résidences secondaires.

M. Éric Woerth, corapporteur. La taxe de séjour concerne donc les hébergements des communes membres ?

M. Thierry Cherrière. Un certain nombre de communes membres n’ont pas souhaité que la taxe de séjour soit perçue. Et les maires ne veulent par ailleurs pas assumer leur pouvoir de police en la matière. Dans un certain nombre de communes, la taxe de séjour n’est donc pas prélevée.

M. Charles de Courson. La situation évoquée est celle qui prévalait en 1997. Mais depuis, la réglementation a changé et toutes les communes concernées devraient en principe prélever la taxe de séjour… En réalité ce n’est pas le cas. On peut aussi évoquer, plus généralement, les difficultés de recouvrement. Pour résumer, les campings paient, de même que les gîtes et les chambres d’hôtes, bien qu’il faille souligner que la sous-déclaration constitue un vrai problème parce qu’aucun lien avec les systèmes fiscaux n’est établi et qu’il n’existe aucun moyen réel de détection de la sous-déclaration pour ces catégories. Les hôtels ne posent quant à eux pas de problèmes dans la mesure où ils disposent de logiciels de facturation automatique incluant la taxe de séjour. Les camping-cars posent quant à eux des problèmes spécifiques.

M. Éric Woerth, corapporteur. Le montant de 90 000 euros perçu par le biais de la taxe de séjour est faible par rapport à votre budget global…

M. Thierry Cherrière. Effectivement.

M. Charles de Courson. Il faut préciser que nous avons choisi le taux minimum car cela a déjà été difficile de convaincre les communes de la mettre en œuvre.

M. Thierry Cherrière. Concernant les camping-cars, nous avons mis en place des places de parking qui leur sont dédiées ainsi qu’un système de paiement de place de stationnement dans lequel la taxe de séjour est incluse.

M. Charles de Courson. En réalité il s’agit, pour être plus précis, d’un système équivalent à la taxe de séjour car en droit les camping-cars n’y sont pas soumis. Il serait bon que nous puissions étendre le système de la taxe de séjour à tous les camping-cars car, si ceux qui stationnent dans des campings s’en acquittent, ce n’est pas le cas de ceux qui stationnent de manière sauvage…

M. Éric Straumann, corapporteur. Avez-vous une idée de la proportion de camping-cars qui s’acquittent de cette taxation ?

M. Thierry Cherrière. Nous avons développé 140 emplacements de camping-cars à Giffaumont, la commune où l’activité touristique est la plus forte. Ce dispositif devrait nous permettre de percevoir dans les mois qui viennent une recette relativement conséquente, équivalente à une centaine de camping-cars par jour sur une durée de quatre mois.

Une autre caractéristique remarquable de la taxe de séjour perçue sur le lac du Der est que sur les 90 000 euros collectés, 65 000 le sont par seulement 11 collecteurs. Les 25 000 euros restants sont prélevés par 134 hébergeurs. Cela correspond à une moyenne de 200 euros par hébergeur. Pour chacun d’entre eux, nous devons en moyenne envoyer cinq courriers avant de percevoir la taxe de séjour : un courrier annuel qui leur fait part de la délibération du syndicat fixant le montant de la taxe de séjour, trois autres courriers pour leur demander de payer la taxe en trois fois. Elle était auparavant perçue en intégralité à la fin de l’année mais nous nous sommes aperçus que les hébergeurs s’en étaient servis comme trésorerie et avaient ensuite l’impression de nous donner de l’argent qui leur appartenait lorsqu’ils s’en acquittaient. À cela s’ajoutent les éventuels courriers de relance en cas de non-paiement. Il s’agit donc d’un dispositif très lourd.

M. Charles de Courson. S’y ajoute le problème de la saisie de la matière fiscale car nous n’avons pas transmission des déclarations faites auprès des communes des gîtes et des chambres d’hôtes. Le fait qu’il s’agisse d’un milieu rural nous permet de plus ou moins savoir ce qu’il en est et quelles sont les activités pratiquées dans les environs mais la saisine de l’assiette n’en reste pas moins très empirique… Alors pourquoi n’avons-nous pas adopté le système forfaitaire ? La raison en est que concernant les gîtes, certains n’ouvrent que six mois par an alors que d’autres sont ouverts toute l’année. Cette solution permettrait cependant peut-être de simplifier la situation mais il faudrait établir un système de modulation entre ceux qui ouvrent toute l’année et ceux pour lesquels ce n’est pas le cas.

Par ailleurs, la taxe de séjour est un dispositif fiscal mais qui n’est pas soumis aux modalités de recouvrement d’un impôt dans la mesure où les systèmes fiscaux ne souhaitent pas le prendre à leur charge. Nous ne sommes ainsi jamais allés au contentieux.

M. Thierry Cherrière. Nous savons que certains fraudent car nous sommes propriétaires des réseaux d’eau qui alimentent le pourtour du lac et nous avons ainsi les retours, grâce aux fermiers, des consommations d’eau des campings. Ainsi, en établissant un parallèle entre cette consommation et les déclarations qui sont faites concernant la taxe de séjour, nous pouvons en déduire qu’un certain nombre de nuitées ne sont pas déclarées…

M. Charles de Courson. On peut estimer que la fraude à la taxe de séjour sur les campings est de l’ordre de 25 à 30 %.

M. Éric Woerth, corapporteur. Cela signifie-t-il que la taxe de séjour est encaissée mais qu’elle n’est pas reversée ou qu’elle n’est pas encaissée du tout ?

M. Thierry Cherrière. Il existe deux moyens de frauder. Soit par le biais du système très confus qu’est celui des exonérations et qui permet quasiment de trouver un prétexte pour exonérer tout le monde de la taxe de séjour, soit effectivement la taxe de séjour n’apparaît pas sur la facture mais est incluse dans le prix.

M. Éric Woerth, corapporteur. Une fois que vous avez perçu la taxe de séjour, qu’en faites-vous ?

M. Thierry Cherrière. Comme nous avons eu beaucoup de difficultés à la mettre en œuvre et que nous essayons d’en augmenter le produit, nous avons constitué deux commissions :

– une commission hébergement dans le cadre de l’Office du tourisme qui réfléchit sur la taxe de séjour, évalue, et en propose les montants au syndicat du Der,

– une commission « promotion internet » qui regroupe 20 à 25 adhérents de l’Office du tourisme dont certains prélèvent, et d’autres ne prélèvent pas la taxe de séjour, faute de jouir d’établissements de séjour. Cette commission élabore des propositions quant à l’utilisation des 70 000 euros perçus au titre de la taxe de séjour. Nous éditons par exemple chaque année un document écrit regroupant à la fois la présentation du lac et les adresses des adhérents prélevant la taxe de séjour. La commission réfléchit aussi sur les actions de promotion, les évolutions du site internet, sur les noms de domaine, etc. La commission connaît le coût des supports de communication. Ainsi, lorsque l’un des adhérents émet l’idée de lancer une campagne télévisée, elle peut le ramener à la réalité en mettant face à face le coût d’une telle campagne et les recettes perçues… Cela permet donc de mieux justifier les prélèvements. Par conséquent, le taux de prélèvement de la taxe de séjour est généralement plus élevé parmi ceux qui font partie de cette commission.

M. Éric Woerth, corapporteur. La taxe de séjour est donc affectée au financement des outils de promotion, est-ce bien cela ?

M. Thierry Cherrière. La taxe de séjour est effectivement affectée au financement d’outils de promotion : site internet, supports de documentation, publicité, salons, etc. Nous rendons tous les ans compte de son utilisation devant la commission « Promotion - internet ».

M. Charles de Courson. Nous avons eu beaucoup de mal à créer cette taxe de séjour dans le cadre intercommunal… Il y a donc là une piste de réflexion pour la commission : faut-il aller plus loin dans l’intercommunalisation et la faciliter ou pas ? Je pense qu’il s’agit là d’une bonne idée mais elle nécessite un minimum d’accords. L’ancien texte imposait l’unanimité, ce qui rendait les choses extrêmement difficiles. Ce n’est pas le cas du nouveau texte en vigueur lequel ne requiert qu’une majorité simple.

M. Éric Woerth, corapporteur. Que faudrait-il faire pour améliorer la taxe de séjour ? Cette taxe est-elle nécessaire ?

M. Thierry Cherrière. La taxe de séjour est nécessaire car les collectivités en ont besoin pour financer la promotion touristique. Mais elle pourrait être simplifiée et améliorée en généralisant le régime de la taxe forfaitaire. Cela permettrait à un syndicat comme le nôtre de planifier les dépenses de promotion. Il est vrai que le système forfaitaire est compliqué à mettre en œuvre car de nombreuses discussions sont nécessaires pour effectuer les évaluations. On pourrait s’inspirer du système de la taxe des ordures ménagères dans lequel le prix n’est pas négociable. Il faut aussi aborder le problème des exonérations qui sont trop nombreuses et constituent un moyen d’éluder la taxe. Il faudrait aussi en changer le nom car le terme « taxe » passe mal. Je propose « contribution au développement touristique ».

M. Charles de Courson. Je rajouterai qu’il faudrait que les modalités de recouvrement soient alignées sur celles des impôts locaux. Cela permettrait de réduire le taux de fraude qui est anormalement élevé. Je crains toutefois que la DGFIP ne le souhaite pas. Le produit de la taxe de séjour étant d’environ 200 millions, la DGFIP percevrait pour assurer cette mission de l’ordre de 2 ou 3 %, soit 6 ou 7 millions d’euros. J’ajoute que la collecte des informations pour établir l’assiette pose problème. Le système actuel n’est pas satisfaisant.

M. Éric Woerth, corapporteur. Faut-il élargir l’assiette de la taxe de séjour ?

M. Thierry Cherrière. À ce jour, certains hébergements échappent à la taxe de séjour, comme les cabanes dans les arbres ou les roulottes.

M. Charles de Courson. Il faut affiner le champ de la taxe. Je pense aux camping-cars, aux bateaux utilisés comme résidence secondaire, aux mobile-homes. Mais comment savoir qu’ils sont occupés ?

M. Éric Woerth, corapporteur. Le problème n’est pas celui de leur occupation mais de leur location.

M. Charles de Courson. Oui, je parle des locations. Le problème est le même pour les roulottes ou toute autre forme originale de nuitée. Nos textes ne sont pas adaptés à la diversification des modes d’hébergement. Les mobile-homes posent problème pour la taxe de séjour, mais également pour les autres impôts locaux, taxes d’habitation et foncière.

M. Thierry Cherrière. Pour les mobile-homes, le système actuel permet d’évaluer à 28 jours l’occupation annuelle pour établir la taxe de séjour. Ainsi, si le mobil home est situé sur un terrain de camping, nous avons la possibilité de demander au gestionnaire de nous restituer le produit de la taxe de séjour équivalent à 28 jours d’occupation.

M. Charles de Courson. Oui, mais certains sont occupés beaucoup plus que 28 jours. Le sujet est complexe. Souvent, ces mobile-homes sont achetés par des investisseurs privés qui les utilisent pour partie à titre personnel et les louent le reste du temps. C’est le même sujet que celui des propriétaires de résidences secondaires qui procèdent de temps à autre à leur location et qui échappent à tout impôt. Ce système s’est développé notamment sous l’impulsion de sites internets de mise en relation. Je vous lirai un modèle de contrat à ce propos tout à l’heure.

M. Éric Straumann, corapporteur. Pensez-vous qu’il faut toucher aux taux de la taxe de séjour ?

M. Thierry Cherrière. Les taux sont assis sur les classements. Mais le classement est une démarche volontaire de l’hébergeur. Or, il arrive que l’hébergeur n’effectue pas les démarches nécessaires à son classement, soit parce qu’il dispose d’une notoriété suffisante pour capter une clientèle, soit parce qu’il compte sur la promotion qu’il effectue par lui-même. C’est particulièrement vrai pour les hébergements de qualité qui peuvent ainsi bénéficier d’un taux relativement bas et identique à celui d’un hébergement de moins bonne qualité.

J’ajoute un point sur les moyens de coercition. Nous en avons mis un en œuvre : nous retirons de notre site internet l’hébergeur qui ne reverse pas la taxe de séjour. Ce moyen de pression fonctionne bien car l’hébergeur reprend généralement les versements pour pouvoir y figurer à nouveau.

M. Charles de Courson. Pour résumer votre pensée, il faut revoir les modalités de recouvrement pour les assimiler à celles d’un impôt local, passer à un système plus forfaitaire, prévoir la transmission des déclarations en double à l’organisme collecteur, et supprimer toutes les exonérations qui sont autant de sources de fraude.

M. Thierry Cherrière. Et changer le nom.

M. Charles de Courson. Oui, il faut aussi changer le nom de cet impôt. « Contribution au développement du tourisme » me paraît bien. Le terme « contribution » permet de souligner qu’on associe ceux qui paient l’impôt à son utilisation.

M. Éric Woerth, corapporteur. C’est le cas dans ma localité. Nous avons un comité d’affectation de la taxe de séjour composé majoritairement d’hébergeurs. Ce comité propose à la communauté de communes les dépenses de promotion à effectuer.

M. Charles de Courson. Je voudrais aussi aborder le problème de la fourchette des taux. Le taux minimum est très bas, peut-être trop bas. Il faudrait progressivement le remonter. Peut-être faudrait-il aussi augmenter le taux plafond pour tenir compte de la variété des situations ?

M. Éric Straumann, corapporteur. Je reviens sur le changement de nom et l’abandon du terme « taxe ». Le terme « contribution » peut atténuer le sentiment du caractère obligatoire de l’impôt alors que ce caractère est bien accepté aujourd’hui.

M. Charles de Courson. Je précise mon propos de tout à l’heure. C’est jusqu’à la loi du 12 juillet 1999 qu’une seule commune pouvait s’opposer à l’institution de la taxe de séjour. Désormais, la majorité simple au sein de l’établissement public intercommunal suffit.

M. Éric Straumann, corapporteur. Monsieur Cherrière, y a-t-il des accès payants sur le site dont vous avez la charge ?

M. Thierry Cherrière. Il n’y a pas d’accès payant au bord de l’eau car nous sommes soumis à la loi relative à la protection du littoral. Nous avons toutefois des recettes issues de diverses locations, places de catway, droit de pêche, ou autres. Nous avons de l’ordre de six cents à sept cent mille euros de recettes, ce qui représente 52 % de notre budget de fonctionnement.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, comme je l’ai dit tout à l’heure, je voudrais vous donner lecture d’une clause d’un mandat de location que propose un site internet spécialisé dans la location de logements de particuliers à des vacanciers. Cette clause porte sur l’aspect fiscal et stipule : « Anatole SAS collecte pour votre compte auprès de l’utilisateur le montant de toute taxe, contribution ou redevance, dues au titre de la réservation et de l’occupation de votre résidence. Ce montant vous est reversé par Anatole SAS en même temps que le loyer. Il vous appartient alors de reverser ces montants à l’administration concernée. Anatole SAS n’intervient pas dans ce processus, sauf si elle y est contrainte par la loi ».

Je vais vous lire un autre article de ce contrat : « la mission confiée à Anatole SAS consiste exclusivement à vous fournir les prestations décrites au terme du présent accord. Par conséquent, sa responsabilité ne saurait être recherchée pour raisons suivantes : conséquences fiscales de la location de votre résidence, étant précisé qu’Anatole SAS ne vous prodigue aucun conseil en matière fiscale ».

À la lecture de ces clauses, je me demande s’il ne vaudrait pas mieux imposer à ces sites internet de collecter et de reverser la taxe de séjour

M. Éric Straumann, corapporteur. On voit en tout cas qu’ils ont senti le problème.