Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la mission d’évaluation et de contrôle

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

La fiscalité des hébergements touristiques

Mercredi 14 mai 2014

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 18

Présidence de Mme Monique Rabin, corapporteure

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Marc Agnés, président du Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM) 

Mme Monique Rabin, corapporteure. Nous accueillons cet après-midi M. Jean-Marc Agnés, président du Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM), accompagné de M. Alain Cartraud, vice-président, et de M. Vincent Regnouf.

M. Jean-Marc Agnés, président du Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM). Le Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM) représente les professionnels actifs dans le secteur, soit pour Paris une quarantaine de professionnels gérant au total un parc locatif de l’ordre de 4 000 appartements, sur un marché estimé, en 2011, par l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) et par un institut d’études à 20 000 appartements environ, chiffre qui a sans doute un peu augmenté depuis lors.

L’activité de la location meublée représente à Paris un chiffre d’affaires de l’ordre de 500 millions d’euros au total. Ces chiffres sont à comparer à ceux du marché hôtelier parisien, qui compte environ 80 000 chambres pour un chiffre d’affaires de 5 à 6 milliards d’euros.

M. Éric Straumann, corapporteur. Le chiffre que vous évoquez correspond-il aux seuls meublés touristiques ?

M. Jean-Marc Agnés, président du Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM). Non. La durée des locations touristiques va de cinq ou six nuits pour les séjours les plus courts à une quinzaine de jours. Au-delà, on compte de nombreux séjours professionnels dont la durée peut aller de un ou deux mois à un an.

M. Éric Straumann, corapporteur. Quelle est la part de l’hébergement touristique dans votre activité ?

M. Jean-Marc Agnés. En nombre de réservations, sa part est importante, mais 50 % de l’occupation des appartements est assurée par des séjours d’une durée supérieure à un mois. Un tiers des séjours ont une durée de une semaine à un mois et 15 % environ ont une durée inférieure à une semaine. La limite de la durée d’une visite touristique étant d’une quinzaine de jours environ, on peut penser que 30 % à 35 % des nuits louées correspondent à une fréquentation touristique.

Les adhérents que nous représentons sont des sociétés gestionnaires d’appartements, travaillant pour la grande majorité dans le cadre de la loi Hoguet, en qualité d’agents immobiliers.

M. Éric Straumann, corapporteur. Vos membres ne sont donc pas les propriétaires des logements.

M. Jean-Marc Agnés. Non, en effet.

M. Éric Straumann, corapporteur. Ce sont des professionnels qui gèrent des logements pour des particuliers qui ont effectué un placement financier.

M. Jean-Marc Agnés. Pas pour l’essentiel, et même loin de là. Les deux tiers des appartements loués sont des résidences principales ou secondaires des propriétaires. Moins d’un tiers correspondent à un pur placement financier.

M. Éric Straumann, corapporteur. Airbnb est-il en train de prendre des parts de marché sur votre activité ?

M. Jean-Marc Agnés. Oui, comme d’autres grandes plateformes internet qui ont des moyens et une visibilité très forts et prennent une part de plus en plus importante dans cette activité.

M. Éric Straumann, corapporteur. Comment fonctionne votre activité ? Quel est votre taux de marge ?

M. Jean-Marc Agnés. Nous mettons à disposition un logement et fournissons des services qui l’accompagnent – accueil à l’appartement, assistance pendant le séjour du locataire, ménage, inventaire et état des lieux à l’entrée et la sortie. Les taux de marge sont plus importants pour les courts séjours – où ils atteignent au maximum 30 %, TVA comprise – que pour les séjours de longue durée, où taux de marge et honoraires sont semblables à ceux de la location classique.

M. Éric Straumann, corapporteur. Est-ce vous que les clients paient, ou les propriétaires ? Est-ce vous qui encaissez la taxe de séjour ?

M. Jean-Marc Agnés. C’est nous, en effet, qui encaissons la taxe de séjour et la reversons à la mairie de Paris pour le compte des propriétaires. C’est du reste un engagement que prennent les membres de notre syndicat lors de leur adhésion.

M. Éric Straumann, corapporteur. Combien payez-vous chaque année à la ville de Paris ?

M. Jean-Marc Agnés. Le montant n’est actuellement pas très élevé. Il doit, au total, se situer entre 100 000 et 200 000 euros.

M. Alain Cartraud, vice-président du SPLM. Une partie de notre chiffre d’affaires provient de séjours de moyenne et de longues durées, dans lesquels la part du loyer est beaucoup plus importante que celle de la commission, alors que cette dernière a un plus grand poids pour les séjours de courte durée. Ainsi, une partie de notre chiffre d’affaires, de l’ordre de 200 millions d’euros, correspondant à des séjours de plusieurs mois à un an au titre de la résidence principale qui ne sont pas imposables à la taxe de séjour.

M. Jean-Marc Agnés. Celle-ci n’est due, en effet, que pour des séjours de moins de 90 jours.

M. Alain Cartraud. Ce seuil de 90 jours correspond à la définition même de la location saisonnière.

M. Jean-Marc Agnés. Au-delà s’applique la fiscalité classique, avec la taxe d’habitation.

M. Éric Straumann, corapporteur. Que pensez-vous de la taxe de séjour ? Ce système fonctionne-t-il bien ? N’avez-vous pas trop de difficultés à collecter cette taxe ?

M. Jean-Marc Agnés. La collecte est très facile et nous ne rencontrons pas de problèmes particuliers. Nous l’avons systématisée au cours des trois dernières années auprès des professionnels – la taxe était relativement peu payée auparavant.

Mme Monique Rabin, corapporteure. Est-ce le fait que vous vous soyez réunis en syndicat professionnel qui simplifie la collecte ?

M. Jean-Marc Agnés. Oui.

Mme Monique Rabin, corapporteure. Pour résumer, vous avez donc une double activité, l’une touristique, l’autre de logeur traditionnel.

M. Jean-Marc Agnés. Exactement.

M. Éric Straumann, corapporteur. Le mécanisme de la taxe de séjour vous satisfait-il ? Si on le supprime, vous risquez d’être soumis à d’autres formes de fiscalité.

M. Jean-Marc Agnés. Pour nous, ce système est simple et nous n’avons pas de difficultés à le mettre en œuvre. Cependant, d’autres aspects de la fiscalité qui s’applique ou pourrait s’appliquer à l’activité de la location saisonnière ou meublée ont sans doute un plus grand potentiel que la taxe de séjour.

M. Éric Straumann, corapporteur. À savoir ?

M. Jean-Marc Agnés. Aujourd’hui, la partie transparente du marché n’est pas très importante et il existe des moyens simples pour réduire le marché officieux. Par ailleurs, l’inégalité vis-à-vis de la fiscalité est assez forte entre les différents acteurs de ce marché.

M. Éric Straumann, rapporteur. Avez-vous déjà fait l’objet d’un contrôle portant sur le recouvrement et le paiement de la taxe de séjour ?

M. Jean-Marc Agnés. Non et, à ma connaissance, les autres professionnels non plus.

M. Alain Cartraud. L’inégalité fiscale qui existe entre les acteurs va au-delà de la taxe de séjour. On trouve d’un côté des acteurs locaux, qui sont des sociétés situées à Paris, où elles gèrent des appartements, et qui ne peuvent pas expatrier leur centre de décision. Ces sociétés sont soumises à la TVA sur 100 % du prix du séjour. Elles collectent et reversent la taxe de séjour, et leurs bénéfices sont soumis à l’impôt sur les sociétés. Elles emploient de nombreux salariés – compte tenu des services d’accueil et de nettoyage offerts, dix appartements génèrent un emploi : les 4 000 appartements gérés par nos adhérents représentent 400 emplois, qui entraînent le paiement de charges sociales.

Les autres acteurs sont des plateformes internet souvent situées à l’étranger et offshore. Pour ces opérateurs, 1 000 ou 1 500 appartements génèrent un emploi.

Il y a une véritable inégalité fiscale entre ces plateformes et les sociétés gérant des appartements. Il est facile pour nous de collecter et de payer la taxe de séjour, mais nous ne comprenons pas pourquoi ces autres acteurs ne seraient pas redevables de la TVA pour 100 % du prix du séjour, comme c’est le cas pour une chambre d’hôtel, au lieu de n’être imposés que sur la commission due par le propriétaire – et non pas sur celle due par le client touriste.

Il faut aujourd’hui réduire cette inégalité fiscale, cause de concurrence déloyale de la part de ces plateformes qui ont potentiellement des moyens très importants.

Cette inégalité fiscale tient à une simple inégalité de réglementation : tous ceux qui collectent les loyers sont soumis à la loi Hoguet et doivent être titulaires d’une carte de gestion. Relevant d’une profession réglementée et soumis à une obligation de conseil renforcé, les acteurs régis par la loi Hoguet sont transparents. Nous conservons le récapitulatif des loyers versés au propriétaire et avons obligation de lui transmettre, qui devrait l’inciter à déclarer les loyers.

Les plateformes internationales, en revanche, ne sont pas soumises à la loi Hoguet, alors qu’elles encaissent les loyers. On comprend mal pourquoi les acteurs locaux, qui sont de petits acteurs, subissent les contraintes d’une réglementation sévère, encore renforcée par les nouvelles dispositions de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR). Bien évidemment, nous ne nous opposons pas, à ces dispositions, mais nous nous interrogeons sur ces différences de traitement.

Mme Monique Rabin, corapporteure. Une réflexion est engagée au niveau européen sur la possibilité de collecter la taxe là où la richesse est produite, ce qui apporterait une réponse à la question que vous soulevez – à supposer que l’on trouve en Europe une majorité pour adopter cette mesure.

M. Éric Straumann, corapporteur. Avec un client en Asie du Sud-Est, un appartement à Paris et un ordinateur en Californie, nous sommes dans un monde virtuel et on peut se demander où la richesse est créée.

Quelles sont les contraintes imposées par la loi Hoguet ? Pensez-vous que, compte tenu de ce texte, les plateformes soient dans l’illégalité ?

M. Alain Cartraud. La loi Hoguet s’applique à toute personne qui est en situation d’intermédiation entre un locataire et un propriétaire. Cette situation d’intermédiation existe à l’évidence lorsque l’on encaisse le loyer.

Il y a deux manières d’être annonceur. On peut se contenter de diffuser une annonce en laissant le client s’adresser directement au propriétaire ; on peut aussi encaisser le loyer, ce qui revient déjà, quoi que l’on en dise, à intervenir dans la relation contractuelle, d’autant que le loyer, sur la plupart des plateformes dont nous parlons, n’est reversé que 24 à 48 heures après l’arrivée du client, si celui-ci estime que l’appartement correspond bien à son descriptif.

Ne pas se soumettre à la loi Hoguet alors que l’on encaisse le loyer, cela revient à considérer que l’on n’est pas en situation d’intermédiation au motif qu’on laisse au propriétaire le soin de rédiger lui-même son annonce. Il me semble que ce n’est pas une bonne analyse.

On peut trouver, dans les conditions générales de ces plateformes, une clause selon laquelle la société en question « ne peut pas contrôler et ne contrôle pas le contenu des annonces ni l’état, la légalité ou le caractère adapté des hébergements ». Pour moi, cela ne suffit pas pour se soustraire à la loi Hoguet.

Un professionnel soumis à cette loi fait nécessairement preuve de transparence, du fait des contrôles qui s’imposent à lui. La loi l’oblige à contracter une assurance responsabilité civile professionnelle et à justifier d’une garantie financière, laquelle lui est délivrée par une caisse de garantie qui, en contrepartie, vient le contrôler, vérifier que ses écritures sont bien tenues, qu’il s’acquitte de son obligation de conseil renforcée – par exemple, qu’il s’assure que le propriétaire paie la taxe de séjour.

M. Éric Straumann, corapporteur. En pratique, que proposez-vous ?

M. Alain Cartraud. Que tous les professionnels, acteurs français ou plateformes internationales, soient soumis aux mêmes règles : aux dispositions pertinentes de la loi Hoguet. Celle-ci gère les agents immobiliers ; or nous, qui ne pratiquons que la location meublée, nous considérons bien comme des agents immobiliers.

Toujours selon les conditions générales de l’acteur leader que vous avez cité, l’administration fiscale américaine l’oblige à collecter les taxes en amont du versement du loyer au propriétaire et à s’assurer que toute personne qui dépose une annonce sur son site a bien déclaré ses revenus. Les propriétaires sont tenus de lui fournir un formulaire IRS W-9, pour les Américains, et un formulaire IRS W-8 approprié, pour les étrangers, faute de quoi il est en droit de retenir les loyers dus aux propriétaires jusqu’à ce que ces documents lui soient transmis, et de retenir les impôts et taxes dus sur les loyers qu’il devra verser aux propriétaires.

M. Éric Straumann, corapporteur. Voilà une piste très intéressante que nous allons creuser : ne pourrait-on imposer à ces plateformes, qui réalisent des chiffres d’affaires significatifs, de créer une personne morale en France – qui existe déjà dans le cas dont nous parlons –, et de se soumettre à la loi Hoguet et à ses conséquences en termes de transparence fiscale ?

M. Jean-Marc Agnès. En ce qui concerne la transparence fiscale, la taxe de séjour ne représente qu’une petite partie des revenus à déclarer ; l’essentiel correspond aux revenus locatifs des propriétaires. L’obligation de vérifier que ces derniers sont déclarés à l’administration fiscale est lourde d’enjeux.

À l’heure actuelle, nous renseignons les propriétaires sur les revenus locatifs qu’ils ont perçus par notre intermédiaire ; nous ne verrions aucun inconvénient à fournir cette information au fisc. Cette obligation pourrait s’imposer à tous les acteurs ; les enjeux seraient alors très importants.

M. Éric Straumann, corapporteur. L’opérateur auquel nous faisons allusion a déclaré 20 000 à 25 000 logements à Paris, qui échappent très probablement à la taxe de séjour. Ses représentants ne l’ont d’ailleurs pas nié. Sans compter l’impôt sur le revenu, même si cet aspect n’intéresse pas notre mission.

Mme Monique Rabin, corapporteure. Avez-vous commencé d’appliquer les dispositions de la loi ALUR relatives aux obligations des intermédiaires ? Qu’en pensez-vous ?

M. Jean-Marc Agnès. La loi ne fait pas encore sentir ses effets puisque les décrets d’application et le nouveau règlement municipal ne sont pas parus. Cela dit, deux aspects nous gênent beaucoup.

D’abord, la « libéralisation » de la location de la résidence principale jusqu’à quatre mois par an est, à nos yeux, l’exemple type de la fausse bonne idée. Cette disposition risque en effet de faire exploser le marché, car, outre les propriétaires, vont s’engouffrer dans la brèche des occupants qui n’ont pas le droit de sous-louer leur logement, sachant que la régulation sera impossible.

Ensuite, nous regrettons beaucoup que la possibilité de louer le premier pied-à-terre ou la première résidence secondaire dans les mêmes conditions que la résidence principale n’ait pas été retenue. Nous espérons pouvoir obtenir des assouplissements à ce sujet dans le cadre du règlement municipal. Car une vraie résidence secondaire, par définition, ne va pas revenir sur le marché : si son propriétaire l’a achetée, c’est parce qu’il en avait besoin.

M. Alain Cartraud. Sur ce point également, l’inégalité de traitement entre acteurs est flagrante. Si louer sa résidence principale pendant quatre mois devient le seul moyen de pratiquer la location touristique, les loueurs vont déclarer de fausses résidences principales. Et comment vérifier que la location a duré quatre mois et non quatre mois et un jour, cinq mois ou six mois ? Alors qu’il suffit aujourd’hui de constater la location pour établir l’infraction, il faudra désormais prouver un cumul de locations supérieur à 120 jours ; c’est impossible, sauf à avoir un régulateur pour chaque appartement.

Selon le procureur de New York, deux tiers des annonces de location publiées dans la ville sont illégales. Demain, à Paris, ce sera pareil. Quoi de plus facile que de prétendre qu’un logement est sa résidence principale ? Quoi de plus facile, pour un locataire, que de le sous-louer sans l’autorisation du propriétaire ? Ou de le sous-louer plus cher qu’il ne le loue, contrairement à la loi de 1989 ?

Toute une activité non déclarée va ainsi se développer, favorisée par ces plateformes offrant 25 000 ou 30 000 logements. Ainsi, le marché officiel va se réduire à peau de chagrin pendant que le marché non officiel va devenir pléthorique.

Paradoxalement, la loi autorise la location de la résidence principale pendant quatre mois, alors que l’on n’a théoriquement que cinq semaines de congé, et un pied-à-terre, un vrai – car nous ne militons pas pour que l’on puisse déclarer un produit d’investissement comme pied-à-terre ! –, ne peut être loué ne serait-ce qu’un jour alors que, par définition, il est vide une partie de l’année, contrairement à la résidence principale.

M. Jean-Marc Agnès. Nous souhaitons que des mesures soient prises afin de mieux contrôler le marché. La concurrence ne nous pose pas de problème, mais il faut que tous soient soumis à la même règle du jeu.

Ces mesures pourraient s’articuler autour d’obligations déclaratives des propriétaires, les professionnels et les grandes plateformes assurant le relais, en vue de garantir une régulation à peu près efficace.

M. Éric Straumann, corapporteur. Merci de cet éclairage très intéressant.

Mme Monique Rabin, corapporteure. Vos propos nous incitent à réfléchir à l’évaluation de la loi ALUR.

M. Alain Cartraud. Un marché non régulé n’est profitable pour personne. On cherche aujourd’hui à protéger le consommateur, y compris par des dispositions européennes. De fait, le consommateur est parfaitement protégé lorsqu’il s’adresse à un professionnel de l’immobilier, car cette relation est encadrée par un dispositif incluant des obligations de conseil renforcées – diagnostic de performance énergétique, état des lieux, etc.

On ne peut transférer ce marché vers un marché de particulier à particulier, vers une économie du troc ou une économie collaborative qui n’est plus fiscalisée. Le peu d’entreprises restantes va payer tous les impôts, pour une toute petite part de l’activité.

Mme Monique Rabin, corapporteure. Selon vous, cette très forte libéralisation du marché est-elle directement liée au développement d’internet ?

M. Alain Cartraud. Pas vraiment : nos sociétés sont nées en 2002-2003, donc avec internet, et, à l’origine, 100 % de notre commercialisation passait par nos sites, car nous nous adressions à 95 % à des étrangers qui n’avaient pas d’autres moyens d’accéder à nos offres. La révolution est venue de l’investissement de fonds dans des sociétés qui, aujourd’hui, auraient la valorisation boursière d’Alstom, ce qui leur permet de préempter tout le marché sans respecter les règles existant dans chaque pays.

M. Jean-Marc Agnès. On est en train d’accomplir un miracle : externaliser l’industrie touristique, la dernière dont on pensait qu’elle subirait ce sort. Les marges vont sortir du pays.

M. Vincent Regnouf. On peut aussi déplorer l’absence de réglementation adaptée à cette explosion, du point de vue réglementaire mais aussi fiscal.

Le problème n’est pas spécifique à la France – nous avons mentionné New York. De fait, le législateur et les pouvoirs publics de différents pays – Espagne, États-Unis – font en quelque sorte des zigzags, parce qu’ils sont confrontés à une nouvelle activité dont les effets sur l’emploi et la fiscalité sont considérables, mais dont ils ne connaissent pas exactement les tenants et aboutissants.

Alors que le rythme de développement d’internet est rapide et ses cycles économiques très courts, le temps de la législation est plus long, ce qui permet certes d’adapter les règles mais peut être problématique quand le décalage se chiffre en années.