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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

La fiscalité des hébergements touristiques

Mercredi 28 mai 2014

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 19

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-François Martins, adjoint à la Maire de Paris, chargé des sports et du tourisme

Présidence
de Mme Monique Rabin, rapporteure de la Mission

Mme Monique Rabin, rapporteure. Nous recevons aujourd’hui M. Jean-François Martins, adjoint à la Maire de Paris en charge du tourisme, et ce après avoir reçu le Directeur des affaires financières de la Ville de Paris. Nous avons souhaité vous rencontrer compte tenu du travail que vous avez effectué sur la question des meublés touristiques. Il s’agit pour nous de vous entendre de manière à compléter la première audition plus technique que nous avions menée.

M. Jean-François Martins, adjoint au Maire de Paris, chargé du sport et du tourisme. Au-delà des meublés touristiques, la question concerne l’intégralité des hébergements hôteliers, de la question de la fiscalité à celle de leur encadrement réglementaire.

C’est évidemment pour la ville de Paris, qui accueille 47 millions de touristes par an, un enjeu fondamental. Nous devons avoir un cadre réglementaire incitatif pour poursuivre notre croissance touristique, car nous allons devoir être capables d’augmenter notre capacité hôtelière. Nous devons disposer de tous les éléments pour le faire et dans le même temps, faire participer les afflux de touristes à l’ensemble des politiques publiques dont ils sont bénéficiaires : de la propreté à la sécurité en passant par les transports en commun. La question de la fiscalité se pose donc.

Comment une ville comme Paris, qui se doit d’être au rendez-vous des pratiques touristiques innovantes et qui se trouve en concurrence au moins avec les grandes capitales européennes, peut-elle intégrer les nouveaux modes de collaboration économique, les nouveaux formats d’offre, y compris hôtelière ? Vous voyez ce à quoi je fais référence.

Très rapidement, quelques éléments concernant la taxe de séjour. Elle est forfaitaire à Paris depuis 1993 et a rapporté 40,3 millions d’euros en 2013 au budget de la Ville. Elle est, comme le cadre de la loi nous le permet, d’un montant forfaitaire par catégorie d’hôtel. Elle s’élève à 1,5 euro pour les 5 étoiles et les 4 étoiles, à 1 euro pour les 3 étoiles, à 0,78 euro pour les 2 étoiles et à 0,42 euro pour les 1 étoile, c’est-à-dire les catégories 5, et à 0,20 euro pour les autres, c’est-à-dire pour les autres hôtels, les résidences, les meublés, les campings – que nous avons en faible nombre à Paris – et les ports de plaisance également (à 20 euros par nuit). Nous avons fait le choix, notamment pour des questions d’efficacité de la collecte, de passer au régime forfaitaire. En effet, le recouvrement de la taxe de séjour au réel est très long et compliqué là où le régime forfaitaire permet des performances de collecte assez justes, étant entendu que l’abattement de 40 % est à Paris un peu surévalué dans la mesure où le taux d’occupation moyen des hôtels y est de 79 %, et a tendance à augmenter avec la catégorie de l’hôtel. Ainsi, plus les hôtels sont prestigieux et plus leur taux d’occupation est bon et ils bénéficient tout de même de l’abattement de 40 % dans le calcul du forfait. Cet abattement correspond à la différence entre le nombre de nuitées théorique permises par leur capacité et celles qui vont leur être effectivement prélevées.

À Paris, la taxe de séjour est essentiellement hôtelière. Près de 1 986 hôtels sont aujourd’hui déclarés dans la capitale, 1 782 sont imposés au titre de la taxe de séjour, le reste faisant l’objet d’exonérations au titre des deux premières années d’exploitation. Au total, 1 826 établissements sont imposés. Nous avons donc également 42 établissements de type résidences qui sont concernés.

La procédure de collecte de la taxe de séjour a été dématérialisée depuis 2012. Sur paris.fr, les hôteliers disposent d’une plateforme sur laquelle ils peuvent télédéclarer et transmettre l’ensemble des informations permettant d’évaluer leur taxe de séjour. Le cas particulier des meublés et chambres d’hôtes se pose en d’autres termes car nous faisons alors face à une vraie difficulté d’évaluation de leur nombre et de leur typologie. Nous savons qu’il y a une sous-déclaration des meublés touristiques à la fois parce que leur régime fiscal est exigeant pour ceux qui en sont les propriétaires et en raison des contraintes que nous avons volontairement mises en œuvre à Paris – et que nous assumons – à savoir que la transformation de logements en meublés touristiques implique une compensation au mètre carré près dans les secteurs déficitaires en logements, de sorte que la création de meublés touristiques ne détruise pas de l’habitat résidentiel.

Maintenir une offre de logement locatif à Paris est en effet notre enjeu. Jusqu’à maintenant le propriétaire devait compenser dans « les secteurs prioritaires », demain nous demanderons à ce que ces compensations se fassent dans l’arrondissement même car le risque est grand que le centre de Paris et, en particulier, les six premiers arrondissements, ne deviennent de plus en plus des arrondissements de meublés touristiques et non plus d’habitations. Aujourd’hui la priorité de la ville de Paris est de produire du logement résidentiel.

M. Charles de Courson. Et pour ce qui est des chambres d’hôtes ?

M. Jean-François Martins. La situation est un peu différente. Nous entretenons avec les propriétaires de chambres d’hôtes des relations qui se rapprochent de celles que nous avons avec l’hôtellerie car elles se situent dans un cadre professionnel, encadré. Nous avons avec eux une certification.

M. Charles de Courson. Combien compte-t-on de chambres d’hôtes à Paris ?

M. Jean-François Martins. Il y a à Paris 663 chambres d’hôtes meublées et déclarées, ce qui, nous en sommes conscients, est bien évidemment très faible pour une ville de 2,3 millions d’habitants. Nous disposons aujourd’hui de sept agents chargés de la vérification et de trouver les éventuelles chambres d’hôtes non-déclarées.

M. Charles de Courson. Et vous en trouvez beaucoup ?

M. Jean-François Martins. Oui, malgré tout, mais pas suffisamment. On se situe aux alentours de 200 meublés touristiques non déclarés que nous découvrons par an.

M. Éric Straumann, rapporteur. Ils sont pourtant relativement faciles à détecter. Il suffit d’aller sur un site internet et de regarder les appartements qui sont mis sur le marché.

M. Jean-François Martins. Il y a une différence pour nous entre la location meublée touristique et les pratiques de location de courte durée de la résidence principale. Ce sont les mécanismes de destruction de résidences principales dans Paris qui suscitent notre inquiétude. Nous ne sommes pas opposés par principe à la location par des propriétaires ou des locataires de leur résidence principale pour une courte durée quand ils n’y sont pas. Par contre, très différente est la situation de l’investisseur locatif qui achète un appartement meublé à Paris pour en faire un meublé touristique – c’est-à-dire en réalité de l’hôtel, mais avec les services en moins – et qui va le louer à la semaine à des prix excessivement élevés et dans des quartiers excessivement prisés, ce qui, in fine aboutit à la destruction de logements. C’est la raison pour laquelle nous avons des règles strictes de compensations et que nous essayons autant que possible de ne pas assurer la promotion de ces modes d’hébergement touristique.

M. Éric Straumann, rapporteur. Quels sont les moyens dont vous disposez lorsque vous détectez ce type de logements non déclarés ?

M. Jean-François Martins. Mon collègue adjoint au logement Ian Brossat serait plus fondé que moi pour vous répondre mais nous pouvons bien évidemment les soumettre au régime fiscal de l’hôtellerie notamment en ce qui concerne la taxe de séjour et les vérifications de compensation, sous peine de pénalités qui sont très élevées.

M. Charles de Courson. Comment on peut imposer une telle contrepartie. Sur quelle base juridique ?

M. Jean-François Martins. Sur la destination de parcelle et de mètre carré.

M. Jean-François Martins. La chambre d’hôte et le meublé touristique sont des dispositifs un peu différents. Pour ce qui est de la chambre d’hôte, on conserve de l’habitat résidentiel avec une partie qui est à usage d’hébergement touristique. Le meublé touristique est un appartement acheté très cher sur l’Île de la cité, par exemple, loué parfois plusieurs milliers d’euros la semaine à une famille américaine ou russe de passage à Paris.

M. Charles de Courson. Il est très facile de louer son appartement, il y a des sites dédiés.

M. Éric Woerth, rapporteur. Cela devient une activité commerciale, ce n’est plus l’usage d’un bail.

M. Jean-François Martins. Cela relève plus de la politique du logement que de la politique touristique. J’assume, en tant qu’adjoint au tourisme, d’affirmer que la capacité hôtelière et d’hébergement à Paris doit passer par l’hôtellerie et non par la destruction de logements. La question est de savoir comment préserver et protéger des appartements, qui, au moment où ils sont vendus, prendraient une vocation de meublés touristiques temporaires, avec pour conséquence de faire disparaître des habitants de Paris, et notamment du cœur de Paris. C’est notre politique du logement, et elle est traduite à la fois dans le PLU et dans le PLH.

Par ailleurs, il y a un point sur lequel les hôteliers nous alertent assez régulièrement, c’est le fait que la taxe de séjour soit l’un des derniers prélèvements dont ils doivent s’acquitter de façon annualisée. En termes de trésorerie et en termes psychologiques, c’est un système assez brutal car ils paient en une fois la taxe de séjour sur l’ensemble de leurs nuitées de l’année ce qui représente un montant assez important. Ce point fait partie des améliorations législatives et réglementaires. On pourrait par exemple passer à la trimestrialisation.

Mme Monique Rabin, présidente et rapporteure. Vous parlez d’amélioration législative, mais en l’occurrence ce point n’est-il pas du ressort de la Ville ?

M. Jean-François Martins. Non ce n’est pas elle qui décide des modalités du versement.

M. Jean-François Martins. Je vais maintenant aborder le sujet qui vous intéresse le plus, à savoir celui des nouvelles formes d’hébergements et la position de la ville. Nous sommes dans une situation particulière car les hôtels parisiens affichent un taux d’occupation de 79 % et sont donc très rentables. Le problème réside dans le déficit de capacité hôtelière. La croissance de l’activité touristique passera par la possibilité d’héberger de nouveaux touristes. Nous avons donc un plan hôtels pour développer la capacité hôtelière à Paris. Cela concerne 12 000 chambres sur la métropole dans les six ans qui viennent.

Mais nous considérons toute opportunité créatrice d’hébergement touristique plutôt avec bienveillance. Ces nouvelles modalités, qu’elles se nomment Airbnb ou Sejourning – qui est une start-up incubée dans le welcomecitylab, l’incubateur de la Ville de Paris – sont regardées avec une relative bienveillance. D’une part, parce qu’elles apportent une offre hôtelière supplémentaire et d’autre part parce que dans un marché hôtelier parisien où les prix sont globalement élevés – avec une nuitée aux alentours de 170 euros – ces acteurs permettent une offre hôtelière à bas coût. Le prix des nuitées est compris entre 59 et 69 euros. C’est à Paris une entrée de gamme intéressante pour accueillir des publics pour lesquels il serait difficile de venir. Nous avons beau faire des efforts sur la construction d’auberges de jeunesse et favoriser les hôtels à bas coût, les dispositifs de type location de très courte durée de sa résidence principale à travers des sites internet d’économie collaborative permettent des offres pas chères qui nous intéressent car nous ne souhaitons pas avoir exclusivement une clientèle touristique de luxe à Paris. De ce point de vue-là, nous trouvons un intérêt réel à ces plateformes.

Pour autant, si nous les reconnaissons comme activité hôtelière, il faut qu’elles en respectent les règles du jeu. La première d’entre elles étant que ces plateformes ont vocation à être dans l’assiette et à collecter la taxe de séjour. Elles offrent un hébergement de type hôtelier à des touristes qui vont être usagers des politiques publiques parisiennes tout en n’étant pas des imposables parisiens. La taxe de séjour permet de compenser ce déséquilibre. Deuxièmement, nous devons travailler avec elles sur des systèmes de détection d’offres locatives présentées comme temporaires mais qui en réalité ne le sont pas et détruisent du logement. Tant que l’on reste dans le cadre de la résidence principale que le propriétaire souhaite louer quelques jours car il part en vacances ou n’est pas chez lui, ces dispositifs sont à nos yeux plutôt intéressants. Si cela devient un dispositif qui permet de louer à très fort coût et de nourrir la spéculation immobilière à Paris, alors nous nous y opposerons.

Ce que nous souhaitons trouver, y compris avec les opérateurs avec lesquels nous essayons de travailler en bonne intelligence, c’est un compromis pour mettre en place un système de détection des appartements qui seraient loués plus de 90 jours par an – peut-être 140 si nous nous référons à la définition de la résidence principale retenue par la loi ALUR – voire d’interdiction, pour que ceux-ci passent dans une autre catégorie, à savoir le meublé touristique et soient ainsi soumis à une fiscalité différente et avec les obligations que j’ai mentionnées précédemment.

M. Charles de Courson. A quel titre se ferait la taxation des plateformes ?

M. Jean-François Martins. Au même titre que celle des hôteliers aujourd’hui, lesquels déclarent et collectent la taxe de séjour qui est en fait, même si cela est théorique, payée par les touristes qui fréquentent l’hôtel. Les hôtels la collectent et l’intègrent dans le prix. L’élasticité-prix de la gamme hôtelière parisienne permet d’ailleurs largement aux établissements de l’amortir très facilement et de manière indolore. Il n’y a donc pas de raison que ces plateformes ne soient pas elles aussi collecteurs dans la mesure où elles assurent la transaction financière entre celui qui loue temporairement et celui qui va prendre possession quelques jours d’un appartement. Elles sont donc fondées à et capables de collecter une part de cette transaction au titre de la taxe de séjour.

M. Charles de Courson. Du fait qu’elle soit forfaitaire, la taxe de séjour est-elle bien imputée sur la facture ?

M. Jean-François Martins. Comme elle est forfaitaire, il ne me semble pas que la taxe de séjour figure en toutes lettres sur les factures d’hôtel à Paris.

M. Charles de Courson. Ma question en appelle une autre car cela pourrait vouloir dire que les hôteliers bénéficieraient d’une recette supérieure à ce qu’ils reversent ! Cela pose aussi la question du montant de la taxe.

M. Jean-François Martins. La construction du prix d’une chambre d’hôtel à Paris ne se fait pas en fonction du montant de la taxe de séjour. Les prix se construisent à partir de prix de marché, ce dernier étant d’ailleurs globalement mondial ou tout au moins européen. Ce ne sont pas les 1 euro ou 1,5 euros de taxe de séjour qui font la différence. Ceci dit, nous sommes une capitale relativement attractive en termes de taxe de séjour par rapport aux grandes capitales européennes.

M. Éric Straumann, rapporteur. Airbnb m’a transmis une étude sur le marché parisien. Est-ce que vous êtes en discussion avec eux sur le reversement de cette taxe de séjour ? Peut-être avez-vous entendu parler de l’accord qu’ils ont passé avec la ville de San Francisco, qui permet apparemment à la ville de dégager 260 millions de dollars par an de recettes.

Mme Monique Rabin, présidente et rapporteure. En tant qu’adjoint au tourisme, considérez-vous que la taxe de séjour est dissuasive ? Vous avez déjà un peu répondu à cette question tout à l’heure en rappelant que le taux de la taxe de séjour en France est relativement faible au regard d’autres capitales européennes. Que penseriez-vous d’un système à l’allemande où la taxe de séjour serait fixée en pourcentage du coût de la chambre puisque vous avez souligné la faiblesse de la taxe portant sur les établissements hôteliers de luxe ? Je voudrais aussi savoir si vous avez décidé d’affecter votre taxe de séjour à une opération particulière dans le domaine du tourisme. Ma dernière question porte sur la collecte de la taxe de séjour. Que penseriez-vous d’un mouvement qui irait vers la collecte de cette taxe par les services de l’État ?

Charles de Courson. Qu’en est-il des contentieux et de leur coût du fait que la taxe de séjour n’est pas un impôt bénéficiant des modes de recouvrement forcé dont bénéficient les impôts de droit commun ?

Mme Monique Rabin, présidente et rapporteure. L’élargissement de l’assiette a aussi été évoqué au cours de plusieurs auditions. D’aucuns nous ont dit que certains équipements touristiques et la restauration pourraient être soumis à la taxe de séjour a également été évoquée. Quel est votre avis à ce sujet ?

M. Jean-François Martins. L’expérience de San Francisco est bien évidemment suivie avec beaucoup d’intérêt car elle montre que l’on peut être une ville au cœur de la Silicon Valley où a lieu l’essor des grands géants de l’Internet et, pour autant, faire preuve de responsabilité fiscale à l’égard de ces grands groupes. Ils ont vocation à rentrer dans le droit commun, y compris sur la question fiscale. J’attire votre attention sur le fait qu’à New York également, les intentions de la ville d’attaquer Airbnb, notamment pour ses activités qui appelleraient le reclassement de particuliers en acteurs commerciaux ont incité cette plate-forme à retirer 6 000 annonces à New York. Airbnb a donc démontré qu’il était en mesure d’identifier et de distinguer ce qui, dans son pool d’appartements, serait de l’ordre de la location temporaire de ce qui relèverait de la pratique spéculative ou du meublé touristique de longue durée. Cela signifie que c’est possible. Je regarde notamment avec attention la méthode qui a été retenue à San Francisco. Il y a eu un compromis au terme d’un dialogue en bonne intelligence entre les différents acteurs. C’est ce dont nous souhaitons nous inspirer. Je rencontrerai d’ailleurs les acteurs du marché la semaine prochaine pour une réunion de travail afin d’étudier avec eux leur capacité à collecter la taxe de séjour et à détecter ce qui relève de la location temporaire ou pas. L’idée pour nous est donc vraiment de travailler avec les opérateurs de manière partenariale et de faire preuve de bonne volonté en espérant que nous aurons la même bonne volonté en retour.

La taxe de séjour est-elle dissuasive aujourd’hui ? Je ne pense pas qu’elle le soit. Ce qui est le plus dissuasif à Paris aujourd’hui, c’est la difficulté à trouver une chambre. Nous avons donc besoin de mobiliser une capacité hôtelière plus importante. Cette question recoupe en réalité celle de l’élasticité-prix. Or, pour des chambres en catégorie 1, soit des chambres à plusieurs centaines d’euros, je ne crois pas qu’une taxe de séjour à 1,5 euro la nuit soit particulièrement dissuasive, surtout au vu du taux de remplissage des hôtels.

Les 40 millions d’euros que nous collectons sont effectivement fléchés. Ils font l’objet d’un élément hors bilan dans l’état de nos recettes. Les deux plus grandes parts sont affectées aux investissements de voirie pour les piétons, les transports en commun, les bus, les espaces civilisés, tout ce qui fait la qualité de l’espace public parisien, car Paris est une ville de tourisme d’espace public. Le deuxième point important est notre subvention à l’office de tourisme et des congrès de Paris, qui s’élève à 7,5 millions d’euros et qui elle aussi est fléchée sur les recettes de la taxe de séjour, tout comme une partie de notre contribution à la Préfecture de police de Paris. En effet, la présence massive de touristes à Paris génère des questions de sécurité et des besoins de renforts de police en particulier sur les sites sensibles que sont le Louvre, les Champs-Elysées et Montmartre pour ne citer que ceux-là. Le reste est intégralement fléché et je tiens à votre disposition le document récapitulatif si vous souhaitez consulter l’état des finances de la ville.

Quant à l’élargissement de l’assiette de la taxe de séjour, plusieurs questions se posent. Mener des politiques publiques qui permettent de maintenir une bonne qualité d’accueil dans une ville ayant un fort patrimoine à entretenir, avec des enjeux en matière de transports en commun et qui est par ailleurs une métropole ville-monde nécessite des ressources. Une partie de ces ressources viennent de l’État et sont en train de se tarir. Or, nous voulons maintenir, notamment par le biais des investissements, Paris au rang de capitale du tourisme. De ce point de vue-là, l’élargissement de l’assiette est à regarder avec précaution mais avec intérêt.

Une première chose est évidente : c’est l’intégration des opérateurs de type « Airbnb ». Il y en a une deuxième qui est celle du montant de l’abattement forfaitaire. Il devrait se situer aux alentours de 21 % contre 40 % aujourd’hui compte tenu du taux d’occupation moyen des hôtels à Paris. Si demain nous devons nous poser des questions sur le montant, sur l’assiette, sur le périmètre de la taxe de séjour, plusieurs éléments doivent selon nous rester à l’esprit : le premier est relatif à la fourchette de la taxe selon la catégorie d’hôtel car nous avons besoin de mécanismes incitatifs vers les hôtels de plus faible catégorie alors que nous n’avons pas trop de difficulté à ce que des palaces se créent à Paris.

Par contre, là où les tarifs de chambres ne sont pas très élevés, la taxe de séjour ne doit pas être dissuasive, par exemple sur les auberges de jeunesse ou sur des hôtels à 0 ou 1 étoile. Nous souhaitons en effet continuer à en construire. Il faut donc que nous gardions la gradation que nous permet le système actuel.

Cela me permet donc de répondre à votre question concernant le système allemand ad valorem qui répondrait à cette exigence, c’est-à-dire que l’on respecte la proportionnalité du prix avec le montant payé.

Le deuxième élément consiste à garder une capacité d’ajustement local et de ne pas en faire une taxe nationale. J’imagine que la situation hôtelière parisienne n’est pas celle de toutes les villes de France. Ainsi la situation qui permet aujourd’hui aux collectivités locales de la collecter et de l’ajuster à la réalité de leur monde hôtelier est la bonne.

Concernant les établissements de restauration, c’est une hypothèse que nous n’avons pas étudiée et cela ne fait pas aujourd’hui a priori partie de nos intentions pour une raison plus politique que budgétaire. La question fiscale chez les restaurateurs est éminemment sensible. Les ajustements divers et variés de taux de TVA au cours des cinq dernières années nous incitent à faire preuve de prudence.

M. Éric Woerth, rapporteur. L’offre de type Airbnb a-t-elle suscité une réaction d’ordre politique ou professionnelle chez les hôteliers ? Évaluez-vous le manque à gagner en termes de taxe de séjour dû à ce type d’hébergement ?

M. Charles de Courson. Avez-vous une idée du taux de fraude ?

M. Jean-François Martins. Nous ne connaissons pas le taux de fraude, mais aujourd’hui la situation d’Airbnb en elle-même ne peut pas être considérée comme frauduleuse. Je dispose aujourd’hui de plusieurs chiffres sur le nombre de nuitées d’Airbnb à Paris, ils vont de 20 000 à 60 000 par an. Si l’on est à 20 000 nuitées hôtelières, même si je me mets sur la catégorie intermédiaire à 1 euro, le manque à gagner n’est pas si important que cela… La vraie question est plutôt celle du sentiment de distorsion de concurrence à l’égard des hôteliers. Ils demandent que les nouveaux acteurs respectent un certain nombre de règles du jeu. Tout d’abord le même cadre fiscal, la taxe de séjour en faisant partie, ainsi qu’un certain nombre d’autres contraintes que l’on demande aux hôteliers. Nous essayons de les rassurer sur le fait qu’il y a de la place pour tout le monde à Paris mais il est important, si l’on s’interroge sur l’assiette, de s’assurer que tous soit effectivement bien au même régime. C’est presque plus une question de principe qu’une question d’intérêt fiscal pour la ville, sauf si évidemment l’on passe à un régime à l’allemande.

M. Éric Woerth, rapporteur. Vous ne percevriez cette taxe que sur des appartements qui seraient loués par leur propriétaire tout à fait régulièrement, pas de manière épisodique.

M. Jean-François Martins. La légitimité de la taxe de séjour vient du fait que vous êtes un touriste, vous venez à Paris ou dans une autre ville où vous allez profiter d’une ville propre, sécurisée, avec des transports en commun…

M. Charles de Courson. Les propriétaires qui louent devraient déclarer leurs revenus locatifs quand ils se situent au-dessus du seuil. Ne faudrait-il pas avoir un système de déclaration par ces plateformes directement au fisc, qui ferait un recoupement comme on en fait sur les salaires, et vous enverrait la feuille pré-imprimée où figurerait ce montant ? Ce serait un système simple, il n’y aurait même pas de déclaration à faire.

M. Éric Straumann, rapporteur. Si c’est pour un montant d’un ou deux euros, le coût de gestion va être élevé… Ce qu’on pourrait imaginer, c’est une fiscalité forfaitaire qui permettrait au propriétaire d’être libéré de l’impôt y compris de la taxe de séjour.

M. Jean-François Martins. Nous pouvons demander à tous les loueurs de remplir des déclarations et de les renouveler régulièrement. Nous aurions alors les moyens de contrôler ceux qui n’auraient pas déclaré. Ou nous avons l’option qui consiste à dire que ce sont les opérateurs qui sont à la fois collecteurs et déclarants sur les transactions financières. En tant qu’élu local je n’ai pas la responsabilité de l’impôt sur le revenu et je vous laisse maîtres d’évaluer ce qui est juste en la matière. Pour la taxe de séjour, je considère qu’à partir du moment où ce sont les opérateurs à travers lesquels passe le flux, comme un hôtelier sait le faire, ils pourraient dire à la fin de l’année « J’ai fait tant de nuitées, je dois collecter et reverser tant au titre de la taxe de séjour… ». Les biens loués sur cette plateforme sont tous géolocalisés, par définition, donc tout cela est techniquement et technologiquement possible. Je crois aussi que c’est économiquement et politiquement possible comme l’exemple de San Francisco l’a démontré. Je crois qu’il y a plus à attendre des opérateurs que d’un système déclaratif.

M. Éric Straumann, rapporteur. Je me demande comment San Francisco arrive à collecter 240 millions de dollars par an auprès d’Airbnb alors que Paris est une ville plus touristique… Cela doit tout de même représenter une part significative des nuitées.

M. Charles de Courson. C’est le taux qui est beaucoup plus élevé.

M. Jean-François Martins. Oui, et d’autre part le marché de la location de résidence principale de courtes durées y est beaucoup plus mûr que le marché français. Airbnb est présent en France depuis 12 à 18 mois alors que San Francisco est leur berceau historique. Même si vous regardez la disponibilité du nombre de chambres par rapport à New York ou à San Francisco, Paris est encore un peu en retard. Une fois le marché arrivé à maturité, et une fois qu’on l’aura considéré à l’échelle de la métropole c’est-à-dire à l’échelle des départements de la petite couronne, on arrivera très probablement dans quelques années, sous réserve que cet acteur reste l’acteur majoritaire, à des montants identiques, surtout si la taxe est fixée ad valorem et pas à un forfait de un ou deux euros.

M. Éric Straumann, rapporteur. La ville de Berlin a pris une mesure drastique pour éviter que des logements ne soient affectés à une activité hôtelière, elle l’a interdit.

M. Jean-François Martins. Les hôteliers sont vraiment inquiets, comme tout secteur quand arrive un saut technologique et une innovation de rupture mais le message qu’ils nous adressent est surtout celui de l’égalité de traitement. Nous devons traiter le sujet de manière urgente pour ne pas nous trouver dans une situation identique à celle qui a abouti aujourd’hui à la crise entre les taxis et les VTC… Nous avons intérêt à trouver un terrain d’entente qui assure aux uns les bénéfices que la technologie leur apporte : l’agilité et les prix, et aux autres que ces nouveaux entrants sont soumis aux mêmes règles du jeu que les acteurs traditionnels, notamment d’un point de vue fiscal.

M. Éric Woerth, rapporteur. Les hôteliers voient leurs marges diminuer du fait des réservations via d’autres types de plateformes…

M. Jean-François Martins. Le caractère monopolistique des agences de voyages en ligne nuit beaucoup plus à leur rentabilité que les nouveaux acteurs de type Airbnb. Les commissions sont excessives car le marché est monopolistique.

M. Éric Straumann, rapporteur. Le ministre M. Arnaud Montebourg porte un projet visant à empêcher les clauses abusives. Booking, par exemple, impose que les touristes ne puissent pas accéder à un prix inférieur que celui proposé sur la plate-forme par le biais d’un autre mode de distribution.

M. Charles de Courson. Quid du contentieux en matière de taxe de séjour ?

M. Jean-François Martins. Nous n’avons pas de difficulté pour connaître l’offre hôtelière. Nous avons un problème sur les meublés touristiques et en partie sur les chambres d’hôte car ce tissu est extrêmement diffus. Mais en ce qui concerne les hôtels, le travail effectué par la préfecture, notamment pour des questions historiques de salubrité, et le suivi des permis de construire nous permettent de connaître tous les hôtels parisiens. Nous disposons ainsi d’une cartographie très fine. Nous connaissons donc le potentiel imposable à la taxe de séjour et notre service de télédéclaration en facilite le recouvrement. Et comme l’hôtellerie représente 95 % du produit, le contentieux n’est pas vraiment un sujet pour nous. En tout état de cause, il s’agit d’un mécanisme contentieux traditionnel.

M. Charles de Courson. Votre collaborateur nous avait parlé d’un nombre assez faible de recours contentieux, de l’ordre d’une vingtaine.

M. Jean-François Martins. Entre le classement Atout France, l’Office de tourisme et la Préfecture, nous connaissons précisément les opérateurs et ils le savent. Nous avons donc des systèmes de relance et de contentieux assez précis. En 2014, sur les 1 994 déclarations, nous avions 88 situations de préjudice après une relance aller-retour. En 2013, on dénombre 15 dossiers de contentieux sur 2 000 établissements. C’est faible et identique aux années précédentes. On est aux alentours d’une vingtaine. Le montant des préjudices avoisine en général 120 000 euros par an, sur un produit annuel de 40 millions. C’est donc infinitésimal.