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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

La fiscalité des hébergements touristiques

Mercredi 25 juin 2014

Séance de 12 heures

Compte rendu n° 24

– Audition, ouverte à la presse, de M. Laurent DUC, président de la branche hôtellerie de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) et de M. Vincent DOLLÉ, directeur des affaires économiques, fiscales et des nouvelles technologies de l’UMIH.

Présidence
de Mme Monique Rabin, co-rapporteure

Mme Monique Rabin, présidente et rapporteure. Nous travaillons sur l’évolution potentielle de la fiscalité des hébergements touristiques et il était donc très important pour nous de recueillir le point de vue des hôteliers, notamment sur la taxe de séjour.

M. Laurent Duc, Président de la branche hôtellerie de l’UMIH. Je suis Président de l’hôtellerie française à l’UMIH, qui est l’organisation majoritaire des hôtels-cafés-restaurants. La branche hôtelière représente à peu près la moitié du parc des hôtels classés. L’hôtellerie française comprend environ 20 000 hôtels. Il y avait 17 000 hôtels classés dans le précédent classement ; il y en a 14 000 dans le nouveau. Ce parc comprend à la fois des hôtels indépendants, des hôtels filiales de chaînes et des hôtels indépendants franchisés. Ce sont donc trois types d’hôtellerie différents. Le parc d’hôtels compte 40 % d’hôtels franchisés et d’hôtels filiales et 60 % d’hôtels indépendants. C’est l’inverse pour le parc de chambres.

Mme Monique Rabin. Vous avez commencé à évoquer les caractéristiques principales de l’hôtellerie. Avant d’aborder plus précisément les questions qui nous préoccupent et qui sont d’ordre fiscal, avez-vous une observation particulière à formuler ?

M. Laurent Duc. Nous sommes aujourd’hui la partie émergée de l’iceberg que tout le monde voudrait solliciter. Nous avons l’impression d’être les seuls représentants du tourisme en France. Les hébergements touristiques sont très divers, mais ce sont toujours hôteliers que l’on taxe. Pour prendre un exemple que je connais bien, celui de la région lyonnaise, il est plus facile de collecter la taxe de séjour auprès de 220établissements hôteliers qu’auprès de 1 000 meublés. Dans la collectivité de communes du Grand Lyon, 95 % de la taxe de séjour est collectée par les hôteliers et 5 % seulement par d’autres types d’hébergement alors que les hôteliers n’accueillent que 50 % des touristes. Il y a également des gîtes, des chambres d’hôtes, des résidences de tourisme et des meublés touristiques qui échappent à toute assiette fiscale ou tout simplement à toute assiette de collecte touristique, alors que pourtant la loi le prévoit.

Il s’agit là d’un premier constat. On peut ensuite faire le bilan de ce que l’hôtellerie a subi depuis cinq ans. La TVA y est passée de 5,5 à 7 %, puis de 7 à 10 %. Par ailleurs, les chiffres des observatoires nationaux montrent une stagnation de l’offre et des prix TTC. Ainsi, en dépit des augmentations de TVA, nous n’avons pas augmenté nos prix depuis quatre ans. Cela s’explique par le fait que nous nous situons dans un prix de marché. On peut facilement comparer les prix entre hôtels, et nous sommes obligés de nous adapter à la demande du consommateur. Il s’agit donc d’autant d’augmentations qui viennent réduire les marges.

M. Vincent Dollé. Et ce alors que le taux de TVA dans l’hôtellerie était à 5,5 % depuis le 1er janvier 1994. La plupart de nos interlocuteurs l’oublient et font l’amalgame avec la restauration qui était elle à 5,5 % depuis 2009 seulement. On peut même ajouter que dans le cadre du contrat d’avenir de 2009, l’hôtellerie a financé, comme la restauration, la rénovation du dialogue social mais sans avoir les mêmes marges de manœuvre que le secteur de la restauration dont le taux de TVA est passé de 19,6 % à 5,5 %. La situation de l’hôtellerie est donc aujourd’hui très problématique.

M. Laurent Duc. Il faut ajouter à cela les nouveaux moyens de commercialisation, à savoir les opérateurs en ligne. Leurs commissions sont établies sur les prix TTC et non pas sur le HT. Seul l’État pourrait car ce n’est pas un hôtel isolé qui pourra attaquer Expedia ou Booking, respectivement domiciliés aux États-Unis et aux Pays-Bas. Notre TVA a donc augmenté, ce qui a entraîné une diminution de notre marge et dans le même temps, la commission versée - que les hôteliers n’ont pas les moyens de négocier - a elle aussi augmenté. À euros constants, j’ai calculé que nous avions perdu 3,88 points de marge, ce qui est considérable.

Mme Monique Rabin. Face à cette situation, vous n’êtes donc pas très enclins à voir la taxe de séjour augmenter…

M. Vincent Dollé. La taxe de séjour n’est malheureusement pas le seul élément à prendre en compte lorsque l’on parle de fiscalité… Pour commencer, nous considérons que la taxe de séjour relève de la fiscalité locale mais il faut également rappeler qu’en 2011 l’hôtellerie a été marquée par la suppression de l’exonération sur les avantages nourriture.

Notre branche a, depuis l’arrêt Parodi de 1946, pour obligation de nourrir ses salariés Nous bénéficiions à ce titre d’une exonération de charges patronales qui s’élevait à environ 28 % du SMIC. Depuis le 1er janvier 2011 cette exonération de charges patronales a été supprimée pénalisant l’hôtellerie, au même titre que la restauration, puisqu’elle a aussi pour obligation de nourrir ses salariés. D’autres secteurs d’activité qui ne sont pas soumis à cette obligation disposent eux, via le mécanisme du titre restaurant, d’exonérations de charge. La situation est donc tout à fait paradoxale : le seul secteur d’activité ayant en France l’obligation de nourrir ses salariés est le seul ne pouvant pas bénéficier d’exonérations.

Mme Monique Rabin. Vous soulevez là un point intéressant…

M. Laurent Duc. Je souhaiterais à présent revenir sur la taxe de séjour. Elle est déterminée par rapport à un classement hôtelier. Ainsi, quid des hôtels qui ne sont pas classés ? Elle était basée sur un précédent texte de 1986, lequel avait des hôtels 0 étoile. Les cinq étoiles qui ont été créés il y a maintenant cinq ans ont été ajoutés sans pour autant en changer l’assiette.

Il y a surtout un caractère assez inégal dans la taxe additionnelle départementale : lorsque vous êtes déjà soumis à une taxe de séjour, le département peut prélever jusqu’à 10 % du montant de cette taxe de séjour. C’est donc la double peine. On distribue à tout un département ce que l’effort local avait déjà produit. Si je prends le cas des collectivités de communes, on arrive à équilibrer la situation mais lorsque vous n’avez qu’une seule ville et que le département décide, cela n’est pas le cas. Je reprends l’exemple de Lyon et de Villeurbanne : il n’y avait pas de taxe de séjour à Villeurbanne alors qu’il y en avait une à Lyon. C’étaient donc les hôtels de Lyon qui collectaient la taxe de séjour pour la ville de Villeurbanne puisque le département récupérait 10 % qu’il redistribuait à l’ensemble des communes. C’est complètement inégal. Y ajouter là-dessus une taxe nationale, une idée qui a la vie dure, paraît donc ubuesque.

On nous compare à l’Allemagne et aux autres pays collectant des taxes locales de séjour mais le problème est que l’on ne compare pas la fiscalité dans son ensemble. On parle par exemple des 5 % de taxe de séjour à Berlin mais la fiscalité d’une entreprise hôtelière outre-Rhin n’est absolument pas la même. À la taxe de séjour, il faut ajouter en France le droit de terrasse, le droit à l’ombre, le droit d’enseigne, etc. Tout cela n’existe pas là-bas. En Italie, vous n’avez par exemple pas d’impôt sur les immeubles commerciaux. Il ne faut donc pas simplement regarder ce que le consommateur va payer mais l’ensemble de la fiscalité de l’entreprise en matière d’exploitation.

Nous allons finir avec une hôtellerie qui sera le jouet de fonds de pension qui ne seront pas nationaux. Nous n’avons plus les moyens d’amortir nos exploitations et nos loyers sur une seule entité franco-française. Nous sommes contraints de faire appel à des tiers ayant des portefeuilles garantissant la sécurité financière. Moi-même, je pense être l’un des derniers représentants de l’hôtellerie indépendante. Quand les hôteliers de ma taille vendent, ils vendent à des fonds car cela leur permet d’équilibrer leurs charges et d’avoir une vraie garantie.

M. Vincent Dollé. L’hôtellerie est un secteur à forte intensité de main-d’œuvre. La durée conventionnelle de travail dans notre branche n’est pas de 35 heures mais de 39 heures puisque la convention collective établit que 4 heures supplémentaires garanties s’ajoutent aux 35 heures. Cela est naturellement antérieur à la mise en place de la loi TEPA. Lorsqu’ont été supprimées les exonérations de charges qui avaient été instaurées par la loi TEPA, les chefs d’entreprise n’ont eux pas eu la possibilité de supprimer ces heures supplémentaires. Elles ont là encore été pénalisées par une augmentation de la fiscalité. L’hôtellerie est également un secteur caractérisé par d’importants actifs immobiliers. Or la taxe de séjour pèse aujourd’hui très largement sur ceux-ci. L’hôtellerie est donc du fait de cette double caractéristique doublement pénalisée par.

M. Laurent Duc. Je souhaiterais revenir sur l’assiette de la taxe de séjour, sur son utilisation ainsi que sur les opérateurs en ligne. On va aujourd’hui chercher chez ceux qui ne sont pas délocalisables, à savoir, les hôteliers, des financements supplémentaires. Or, aujourd’hui 40 % de notre parc de chambres est vendu et commissionable à l’extérieur du pays.

Il existe deux modèles économiques, le modèle commissionable et le modèle marchand. Le modèle marchand est celui d’Expédia, un opérateur qui réserve une chambre à l’hôtelier. Quand il la vend 100 euros à un client, l’argent que ce dernier débourse « part » aux États-Unis. 45 jours plus tard, Expédia reverse 75 euros à l’hôtelier. 25 euros disparaissent donc complètement du PIB ou de l’assiette de l’hôtellerie. C’est un milliard d’euros par an qui sortent ainsi du pays. On est donc en train de chercher 150 millions d’euros pour financer les transports en commun de la région parisienne en créant une taxe de deux euros de alors qu’un milliard d’euros de commissions ne sont pas taxés et partent directement à l’étranger.

L’autre modèle économique est celui de Booking. Booking a son siège aux Pays-Bas et prend une commission nationale moyenne de 17 %. Elle s’échelonne de 15 % à 25-26 %. Elle fait l’objet de négociations avec certains groupes mais c’est le taux le plus élevé qui est payé par les indépendants. Ces commissions ne sont soumises à aucun impôt, pas même à la TVA.

M. Vincent Dollé. Et ce alors qu’il faut rappeler que nous sommes nous sur une activité non-délocalisable. C’est qui plus est sur le territoire national que se fait la création de richesse. Ces agences-là ne créent pas de richesse et d’emplois. Nous faisons donc face à des agences qui pratiquent l’évasion fiscale, ou tout du moins l’optimisation fiscale, tout en ne créant absolument aucune richesse et aucun emploi sur le territoire.

M. Laurent Duc. Les OTA (online travel agencies) sont aujourd’hui les intermédiaires d’un marché biface là où nous traitions avant avec des agences de voyage. Les gens qui réservent sur Booking ou sur tout autre site similaire pensent que c’est gratuit. L’approche commerciale consiste à dire « Vous ne paierez pas moins cher » puisque de toute façon, les hôteliers sont liés par une clause de parité tarifaire. Ce marché de dupe se fait aux frais de l’hôtellerie et aux frais de l’État. C’est donc un point qui doit à mon sens être revu.

Si vous regardez Airbnb, c’est encore pire. On ne sait pas s’ils sont agents immobiliers… Je n’ai rien contre l’économie collaborative mais quand certains appartements situés sur les Champs-Elysées sont mis en location pour 3 000 euros par jour, on n’est plus dans ce cadre. 20 000 chambres sont à louer tous les jours sur Paris.

Mme Monique Rabin. On nous dit que le prix moyen d’une chambre à Paris sur Airbnb se situe aux alentours de 70 euros.

M. Laurent Duc. Je sais que vous avez reçu Nicolas Ferrary. Tant que l’on est sur de l’économie collaborative, que les gens louent tout ou partie de leur habitation principale, pas de problème, à condition de ne pas être dans une situation de sous-location. Mais il est sûr qu’ils ne sont pas soumis à la taxe de séjour…

Mme Monique Rabin. Et pas d’impôt sur le revenu…

M. Laurent Duc. Sur ce point, lorsque je pose la question au Ministère concernant l’impôt sur le revenu, la réponse qui m’est faite est la suivante : « Ce n’est pas parce que l’on fait de la publicité pour son appartement que l’on en tirera nécessairement des revenus. » Connaissez-vous beaucoup de personnes qui dépensent en frais de publicité sans avoir la volonté d’en tirer des revenus ?

Par ailleurs, Airbnb est soumis, sur le territoire américain, à une obligation de déclaration des revenus des gens pour lesquels l’entreprise loue. Cette obligation est clairement mentionnée sur leur site aux États-Unis. « Si vous êtes ressortissant des États-Unis et si vous vivez sur le territoire américain, vous devez remplir telle déclaration que nous transmettrons ensuite au fisc américain. » Mais cette obligation n’existe pas en France. Toute cette assiette-là disparaît donc.

Prenons mon cas. Je suis binational. Imaginons que j’ai un compte en Allemagne. L’Allemagne ne déclare alors que mes revenus placés. Si je mets de l’argent sur mon compte en Allemagne, la banque ne me dira rien. Pour échapper à l’impôt, qu’est-ce que je fais ? J’achète un appartement que je loue via Airbnb. Au lieu de donner mon compte en banque français qui sera visible par le fisc, je donne les coordonnées de mon compte allemand ! J’échappe alors à toute fiscalité. Airbnb est située aux États-Unis et reverse l’argent aux loueurs où ils le souhaitent.

M. Vincent Dollé. Là encore, nous ne demandons pas au législateur de prendre des dispositions puisqu’elles existent déjà. Nous demandons une stricte application de la loi pour toutes ces formes d’hébergement dont la plupart sont aujourd’hui dans l’illégalité la plus totale. Pour commencer parce que cela crée une distorsion de concurrence et une inégalité entre les différents acteurs mais aussi parce que, pire encore, on fait peser sur les acteurs visibles le poids de la fiscalité dont on a besoin. Cela devient insupportable pour les hôteliers.

Mme Monique Rabin. Nous avons effectivement déjà identifié le problème que vous soulevez. Nous formulerons des propositions pour réussir à taxer Airbnb et les plateformes similaires.

M. Vincent Dollé. La taxe de séjour est aujourd’hui applicable aux hôtels, aux résidences de tourisme, aux meublés touristiques, aux villages de vacances, aux campings, aux gîtes, aux ports de plaisance, etc. Tous les meublés de tourisme devraient donc s’acquitter d’une taxe de séjour. Or, dans les faits…

M. Laurent Duc. Un premier pas a été franchi avec la loi ALUR pour responsabiliser les plateformes de type Airbnb qui doivent demander au propriétaire de déclarer sur l’honneur qu’il respecte la réglementation. La déclaration sur l’honneur a certainement une portée judiciaire importante mais dans les faits, son impact est nul. Faisons comme les Américains, imposons à Airbnb de déclarer les montants perçus par les propriétaires.

M. Vincent Dollé. Si l’on fait aujourd’hui le constat que les outils législatifs existent mais qu’ils sont contournés, il faut alors imaginer un système contraignant et qui assure un meilleur contrôle de ces formes d’hébergement.

Mme Monique Rabin. Sur le papier effectivement tout le monde est taxable. Mais on voit dans les faits que l’on ne peut pas identifier l’offre. Nous sommes d’accord avec vous sur la philosophie : il faut que le système soit équitable pour les différents acteurs. Mais la taxe de séjour telle que ne peut fonctionner. Nous sommes obligés d’inventer un autre système.

M. Laurent Duc. Revenons sur le cas d’Airbnb. Imaginons que je vais travailler à Bruxelles et que je laisse mon appartement parisien en location sur la plateforme le temps de mon séjour. Quand je loue via une régie, je suis soumis à un prélèvement libératoire car je me trouve à l’extérieur du pays. Or sur Airbnb ce n’est pas le cas. Ainsi, les étrangers qui louent massivement leurs appartements sur Airbnb dans le centre de Paris échappent même au prélèvement libératoire. L’État se prive là d’une énorme recette. Et à côté de cela le législateur veut ajouter une taxe de séjour que nous ne sommes même pas capables de collecter... Les hôtels parisiens sont confrontés à cette concurrence qui relève du travail dissimulé quand, par exemple, le personnel de maison sert les hôtes. Ce n’est plus de l’économie collaborative à proprement parler. Cela ne concerne par exemple pas une personne au SMIC et qui arrondirait ses fins de mois en louant une chambre chez elle. Une personne dans cette situation n’aurait de toute façon pas les moyens d’être propriétaire à Paris.

Faisons un peu de politique fiction et imaginons une taxe de séjour nationale collectée par l’État. Cela poserait un problème politique car la taxe de séjour est le pré carré des maires. D’aucuns l’utilisent bien mais d’autres l’utilisent pour voyager, pour faire des jumelages, etc. Si l’on récupérait ne serait-ce que l’impôt sur les locations meublées en Île-de-France, on n’obtiendrait pas 150 millions d’euros mais bien plus.

M. Vincent Dollé. Nous souhaiterions également une meilleure visibilité et que les professionnels qui s’acquittent de la taxe de séjour soient davantage associés aux prises de décisions par les municipalités. Il est en effet relativement facile, pour un maire, de justifier de l’utilisation de la taxe de séjour. Les professionnels, qui connaissent très bien leur métier et la promotion touristique, pourraient apporter des idées utiles aux municipalités.

Un autre point heurte également les hôteliers : lorsque les offices de tourisme font la promotion d’hébergements qui ne sont pas en conformité avec la législation en vigueur. Les professionnels se disent alors qu’eux paient la taxe de séjour, laquelle vient alimenter via l’office de tourisme la promotion d’établissements qui eux ne s’en acquittent pas et qui sont en infraction avec la réglementation. Nous pensons notamment aux meublés et aux chambres d’hôtes.

M. Laurent Duc. Nous pensons également aux hôtels non classés qui échappent à la taxation… Parce que si vous êtes un hôtel non classé, vous vous présentez comme vous voulez sur les sites mais vous vous acquittez de la taxe de séjour sur la base du 0 étoile. C’est une inégalité flagrante.

Mme Monique Rabin. Il faut effectivement régler cette affaire de classement…

M. Laurent Duc. À l’heure actuelle, c’est l’hôtellerie classée qui paye la taxe de séjour en fonction de son classement. Ce n’est pas le cas d’un beau palace en haut d’une montagne comme il y en sur la Côte d’Azur, mais qui n’est pas classé.

M. Vincent Dollé. Sur la taxe de séjour, puisque nous savons que l’amendement STIF va être discuté cet après-midi, nous aimerions préciser un point. Nous venons de clôturer les Assises du tourisme présidées par M. Laurent FABIUS et nous pensions qu’un nouveau souffle allait être donné à l’hôtellerie et à la promotion du tourisme. Si l’amendement est adopté dans le PLFR 2014, cela signerait quasiment la fin des Assises du tourisme pour les hôteliers. Il ne faudrait pas leur demander de continuer à croire à ce projet alors que cinq jours plus tard une taxe vient les pénaliser, alors qu’une grande partie de l’hébergement ne joue pas le jeu d’un point de vue fiscal. Cela suscite chez nos adhérents une véritable levée de boucliers.

Mme Monique Rabin. Cet amendement ne fait pas l’unanimité.

M. Laurent Duc. Vous risquez de créer un précédent. Pourquoi la région Rhône-Alpes ne financerait-elle pas un TER entre Genève et Lyon par une taxe supplémentaire ? Pourquoi Paris et pas les autres ? Aujourd’hui, 750 millions d’euros de la promotion touristique sont collectés par les régions au titre des Comités Régionaux du Tourisme pour l’animation des réseaux. Où va cet argent ? Il faut ajouter les comités départementaux, tout cela sur les taxes locales. Seuls 80 millions d’euros sont dépensés par l’État.

Si vous regardez le processus complet, nous nous achetons tous le même mot sur Google. Lyon achète le même mot, la Région Rhône Alpes achète le mot, il en va de même pour le Rhône et pour l’hôtel. Ces quatre acteurs achètent tous le même mot et paient pour cela. Nous-mêmes renchérissons Google. Si je monte aujourd’hui une centrale de réservation française, je vais être soumis à des obligations françaises et mon résultat sera bien différent de celui de Google puisque je vais payer la TVA et des charges en France. Nous discutions de ce problème avec Fleur Pellerin qui a été Ministre de l’Économie numérique et qu’elle est aujourd’hui en charge du tourisme. Elle fait le lien entre ces deux sujets mais cela reste un problème.

Le risque est que nous devenions des prestataires. Expedia, disent avoir dépensé 500 millions d’euros sur le contenu pour pouvoir valoriser les destinations touristiques là où nous cherchons deux millions d’euros pour pouvoir finir le site d’ATOUT France. La Catalogne a dépensé 320 millions d’euros pour la promotion de la Région là où nous ne mettons que 80 millions d’euros. À l’international, quand nous nous retrouvons dans des salons, nous sommes un peu les parents pauvres et ce alors que nous sommes soi-disant la première destination touristique mondiale. Il faut que nous nous en donnions les moyens. Si nous avons l’impression que cela fonctionne aujourd’hui c’est parce que, tels de grands chefs cuisiniers, nous nous reposons sur nos acquis et sur notre renommée. Les chefs se disent « Les gens viennent manger chez moi pour la cuisine ». Demain les gens viendront parce qu’ils auront lu des avis en ligne et ils ne viendront plus si l’accueil n’est pas souriant. La France risque de se retrouver demain dans cette situation. Si nous ne réagissons pas, nous ne serons qu’un prestataire du tourisme international.

M. Vincent Dollé. La taxe de séjour est un sujet important et est une véritable préoccupation pour les hôteliers. Mais il ne fait pas non plus passer sous silence, lorsque l’on parle de la fiscalité des hébergements touristiques, l’augmentation de la fiscalité locale observée au cours des dernières années et qui est souvent due au fait que l’hôtellerie gère de nombreux actifs immobiliers. Nous avons eu successivement la création de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée en remplacement de l’ancienne taxe professionnelle…

Mme Monique Rabin. Oui mais cela allait dans le sens d’un allégement…

M. Vincent Dollé. Effectivement, mais cela a conduit, dans notre secteur d’activité, à un alourdissement de cette contribution puisque la taxe professionnelle portait essentiellement sur les activités industrielles. Dans la mesure où l’hôtellerie est une activité de service, la CVAE a largement augmenté.

Je souhaiterais également citer la création d’une taxe additionnelle à la CVAE qui est destinée au financement des CCI. Là encore, cela concourt à alourdir la fiscalité qui pèse sur les hôteliers. La création de la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE) – même s’il s’agit de la reprise de la TSA et de la TSE – a abouti à une augmentation des barèmes, et a conduit nombre de municipalités qui n’appliquaient pas de TSA et de TSE à appliquer une TLPE. Les hôtels sont là très clairement pénalisés. Souhaitant être visibles pour les voyageurs, ils ont en effet des devantures assez importantes, or il s’agit là de l’assiette de la TLPE… On pourrait aussi évoquer l’augmentation généralisée des droits de terrasse, de la taxe de balayage, de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères… Sur deux ou trois ans, les hôteliers ont in fine été confrontés à une augmentation de la fiscalité locale de 15 % en moyenne.

M. Laurent Duc. En ce qui concerne la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, un établissement hôtelier paie en moyenne entre 2 500 et 3 000 euros de taxe, mais les collectivités n’enlèvent qu’une seule poubelle, comme pour n’importe quel immeuble. La taxe n’a plus de sens et nous sommes obligés de payer une collecte privée.

M. Vincent Dollé. On peut aussi parler de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Nous avons des statistiques en provenance de l’Union Nationale de la Propriété Immobilière selon lesquelles elle a augmenté de 21 % en cinq ans. Les experts s’accordent qui plus est à dire que la révision des valeurs locatives va conduire à une augmentation de 24 % d’ici 2018. Tous ces éléments s’ajoutent les uns aux autres. Soit on augmente les taux, soit on élargit les assiettes. Cela conduit, alors que les chiffres d’affaires n’ont pas progressé car les politiques tarifaires, contraintes par le pouvoir d’achat et par une meilleure connaissance de l’offre par les clients, sont extrêmement tendues, à une diminution du résultat avant impôt et donc, in fine, à de moindres rentrées fiscales en termes d’impôt sur les sociétés.

Mme Monique Rabin. Vous êtes à la tête d’une fédération qui couvre l’ensemble du territoire. Avez-vous des exemples de collectivités dans lesquelles vous avez pu constater une bonne affectation de la taxe de séjour ?

M. Laurent Duc. Dans la mienne, 100 % du produit de la taxe de séjour est affecté au Bureau des congrès. Nous sommes passés à Lyon d’une collecte effectuée par la ville à une collecte effectuée par la collectivité urbaine, dans toutes les villes se trouvent des hébergements touristiques, mais l’affectation de cette ressource est dirigée à 100 % vers un office du tourisme intercommunautaire qui est un bureau des congrès pour la promotion touristique de la Ville.

Mme Monique Rabin. Et cela fonctionne bien ?

M. Laurent Duc. Oui, car aujourd’hui la totalité de la collecte est affectée à la promotion touristique de la Ville.

Mme Monique Rabin. Les professionnels sont-ils associés au Bureau des congrès ?

M. Laurent Duc. Oui mais il s’agit principalement des hôteliers car, comme je vous l’ai expliqué, les autres formes d’hébergements ne paient presque pas de taxe de séjour.

Mme Monique Rabin. Comment la profession hôtelière est-elle impliquée dans les CCI, puisqu’elles sont composées d’élus et de professionnels qui prennent les grandes décisions stratégiques ?

M. Laurent Duc. Je suis moi-même membre de ma CCI. Je pense que les CCI ont été bâties sur un modèle d’un autre âge, sur une économie du commerce et de l’industrie alors qu’aujourd’hui nous sommes à l’heure des services. Nos métiers sont donc les parents pauvres des CCI. Les commissions tourisme existent mais quand vous parlez d’international dans une CCI - sujet pour nous primordial puisque 20 % de nos clients sont étrangers - on n’entend par là que l’exportation. On ne joue pas suffisamment sur l’attractivité. Même dans des régions à forte intensité touristique, les CCI sont contrôlées par l’industrie et c’est là un vrai problème pour les services.

Mme Monique Rabin. Avez-vous bénéficié du CICE ?

M. Laurent Duc. Cela a plus profité à la restauration qu’à l’hôtellerie puisque l’hôtellerie a du bâti.

M. Vincent Dollé. Nous en avons bénéficié mais beaucoup de PME n’ont pas préfinancé le CICE et vont donc tout juste commencer à en percevoir les fruits après avoir clôturé leur exercice 2013.

M. Laurent Duc. La loi TEPA était infiniment plus intéressante pour nous car dans la convention collective, nous étions à 39 heures avec 4 heures supplémentaires. Tous nos salariés y avaient donc droit. Ils ont été lésés : ils ont perdu 15 à 25 euros par mois et ont été imposés. Les femmes de chambre au SMIC ne payaient pas d’impôt il y a trois ans de cela, aujourd’hui, à salaire équivalent, paient 150 euros.

Mme Monique Rabin. Les articles 1 et 2 du PLFRSS que nous avons ce matin adoptés en commission des finances devraient il me semble apporter une réponse à ce problème. Mais la non-taxation d’heures supplémentaires pose un problème de principe car cela signifierait qu’il y a des heures qui ne sont pas fiscalisées…

M. Laurent Duc. Sauf que ces heures-là sont chez nous fiscalisées par la branche… Quand on travaille dans un restaurant, on a besoin d’une certaine flexibilité vis-à-vis des clients. Nous étions prêts à payer ce temps supplémentaire. Tous nos salariés sont donc aux 39 heures. C’est la raison pour laquelle une femme de chambre préfère travailler dans un hôtel où elle sera payée 39 heures plutôt que pour une société de nettoyage où elle ne sera payée que 35 heures.

Mme Monique Rabin. Pour terminer, avez-vous évalué le rapport de l’amendement STIF qui sera étudié cet après-midi ? Vous avez affirmé que si tous les meublés d’Île-de-France étaient taxés, cela pourrait rapporter un milliard d’euros…

M. Laurent Duc. Non, il s’agit de deux informations différentes. Le milliard correspond à ce que gagnent les opérateurs en ligne qui ne sont pas taxés. Si l’on taxait les meublés d’Île-de-France comme les hôteliers le sont, ne serait-ce qu’en ne prenant que la taxe de séjour, vous pourriez la reverser au STIF sans avoir besoin d’instaurer une taxe additionnelle sur les hôtels.

M. Vincent Dollé. Cela éviterait accessoirement que les prix de l’immobilier à Paris flambent car ce marché entretient aussi naturellement la spéculation immobilière dans la capitale. C’est presque devenu une profession aujourd’hui. Certaines personnes ont plusieurs appartements en location et en vivent. Par ailleurs, je suis très dubitatif quant à un prix moyen de la nuitée de 70 euros car lorsque l’on regarde les études qualitatives qui ont été menées sur le sujet, on s’aperçoit que le recours aux locations meublées de courte durée concerne plus les CSP+ qui souhaitent retrouver un peu d’authenticité par rapport au parc hôtelier.. Vous imaginez bien que ces catégories ont des budgets qui sont beaucoup plus importants que 70 euros par nuit. C’est un point sur lequel nous souhaitons insister.

Mme Monique Rabin. Merci beaucoup à vous d’avoir répondu à nos questions.