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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 8 novembre 2012

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 01

Présidence de M. Pierre Morange, coprésident

– Auditions, ouvertes à la presse, sur « le financement de la branche famille » :

– Présentation de la communication d’étape de la Cour des comptes à la MECSS sur « le financement de la branche famille » : M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Michel Braunstein, conseiller maître, M. Noël Diricq, conseiller maître, et Mme Loguivy Roche, conseiller référendaire

– Audition de M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales et de la santé, et de Mme Carole Bousquet, chef du bureau de la synthèse financière

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 8 novembre 2012

La séance est ouverte à neuf heures.

(Présidence de M. Pierre Morange, coprésident de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition, ouverte à la presse, de M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Michel Braunstein, conseiller maître, M. Noël Diricq, conseiller maître, et Mme Loguivy Roche, conseiller référendaire, sur leur communication d’étape sur « le financement de la branche famille ».

M. le coprésident Pierre Morange. Nous accueillons aujourd’hui, pour une audition portant sur la présentation du rapport d’étape de la Cour des comptes relatif au financement de la branche famille, M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, M. Michel Braunstein, conseiller maître, M. Noël Diricq, conseiller maître, et Mme Loguivy Roche, conseiller référendaire.

Vous êtes ici chez vous, madame, messieurs, tant la MECSS et la Cour des comptes ont pris l’habitude de travailler ensemble depuis 2004. Je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue M. Jean-Marc Germain, coprésident de cette mission, qui accompagne le Président de la République à la cérémonie de signature des premiers contrats d’avenir.

Je vous remercie, monsieur le président Durrleman, d’avoir bien voulu, dès aujourd’hui, faire la présentation du rapport d’étape que la Cour des comptes nous a remis ce lundi. Avant d’aborder la question précise du financement de la branche famille, je rappelle le calendrier de nos travaux.

Sous la précédente législature, la MECSS avait fait deux demandes d’enquête à la Cour des comptes. Au mois de juillet dernier, celle-ci a répondu à la première d’entre elles, relative aux arrêts de travail et aux indemnités journalières pour cause de maladie. La MECSS s’est saisie de cette communication et a nommé rapporteure Mme Bérengère Poletti, qui commencera ses auditions le 22 novembre prochain en accueillant de nouveau le président Durrleman. Les travaux de la mission sur cette question dureront jusqu’au début de l’année prochaine.

La seconde demande de la MECSS à la Cour des comptes concernait le sujet plus délicat du financement de la branche famille. Notons, étant donné la conjoncture de crise et l’importance des missions qui incombent à cet organisme, la pertinence des choix que notre mission a effectués sous la précédente législature, dans le respect de la règle d’unanimité. La nature du sujet exige un calendrier particulier. Il a en effet paru opportun à la Cour comme à la MECSS de procéder en deux étapes. La première phase, très courte, commence avec la remise du rapport d’étape et vient s’intercaler avant le début des travaux sur les arrêts de travail. Elle permettra à la MECSS d’indiquer à la Cour des comptes les orientations à privilégier dans son travail sur le rapport définitif qu’elle devra remettre au mois de mars ou avril prochain. Nous procéderons à quelques auditions liminaires : la Cour des comptes, puis le directeur de la sécurité sociale, aujourd’hui ; le président délégué du Haut Conseil à la famille, M. Bertrand Fragonard, et la directrice générale de la cohésion sociale, Mme Sabine Fourcade, la semaine prochaine. Nous clôturerons cette première étape le jeudi 13 décembre par l’audition du président du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF.

Ce calendrier est justifié par la labilité du contexte. Nous ne savons pas encore quelle forme exacte prendront les réformes annoncées, et nos travaux devront s’ajuster aux propositions de l’exécutif et à la réponse législative à laquelle elles donneront lieu. D’ici au 13 décembre, nous aurons une vision plus claire de la suite à donner à la réflexion sur le financement de la branche famille.

En attendant, grâce à la diligence de la Cour des comptes, nous bénéficions, avec ce rapport d’étape, d’une base solide de travail. J’en tirerai, pour ma part, quelques enseignements essentiels. Par son universalité, la branche famille représente la quintessence de notre système de protection sociale, dont elle subit toutes les évolutions. À ce titre, elle constitue un laboratoire pour l’avenir du système entier, ce qui rend particulièrement important, pour la MECSS, de s’y pencher.

La Cour des comptes souligne que le financement de la branche famille souffre d’une certaine fragilité, son rapport d’étape évoquant un « financement brouillé » et la « difficulté de soutenabilité » de la politique familiale. Avant de vous laisser la parole pour vous permettre d’expliquer comment vous en êtes arrivés à ce grave constat, je vous pose tout de suite les questions qui me sont venues à la lecture de votre rapport.

En quoi les évolutions passées ont-elles fragilisé le financement de la branche famille ? Comment la progression des charges de la branche famille a-t-elle conduit à l’apparition d’un déficit structurel ? Compte tenu du caractère universel de ses prestations, trouvez-vous opportun que les cotisations patronales constituent la principale source de financement de la branche famille ? Un consensus semble se dégager sur la nécessité de trouver des ressources pérennes, dynamiques et lisibles, adossées à une assiette large, qui se substitueraient au « financement brouillé » actuel, particulièrement délicat à gérer dans un contexte d’endettement et de crise économique.

Une comparaison internationale pourrait nourrir la réflexion au sein de la MECSS. Comment le financement de la politique familiale est-il assuré dans les autres pays européens ? Existe-t-il une particularité de la France dans ce domaine ?

Enfin, afin de faire le meilleur usage possible de la substantifique moelle de vos travaux, nous souhaiterions que votre deuxième rapport comprenne une liste exhaustive des préconisations déjà formulées par la Cour des comptes en matière de rationalisation des dépenses et de financement de la branche famille.

M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes. Les travaux de la Cour des comptes dressent un état des lieux du financement de la branche famille à partir d’une perspective historique : celle de sa décorrélation progressive du monde du travail dont elle est issue.

La politique familiale de le France a une double origine : le monde de la fonction publique et des services publics d’une part, où des sursalaires familiaux ont été instaurés dès le XIXe siècle, et celui de l’entreprise privée d’autre part, le patronat démocrate chrétien du Nord de la France faisant appel au même dispositif pour compenser les charges familiales des ouvriers. Cette double origine a progressivement donné lieu à la mise en place, dans les années 1930, de mécanismes mutualisés de versement des sursalaires familiaux. En 1939, le code de la famille consacre la dissociation entre les notions de sursalaire et de prestations familiales, et le versement de ces dernières est étendu à tous les actifs. La sécurité sociale créée en 1945 reprend cet acquis en l’intégrant à un système global de protection sociale d’inspiration bismarckienne – et non beveridgienne – qui consiste à prendre en charge les risques dans un cadre professionnel. La famille étant certes un risque heureux, mais également une charge et une dépense supplémentaire, la sécurité sociale inclut et élargit le dispositif de prestations familiales.

Cette origine explique que la politique familiale ait été d’emblée entièrement financée par des cotisations patronales. Dans les années d’immédiat après-guerre, leur taux s’élève à 16,75 %, mais leur plafonnement les rend dégressives. L’évolution du financement de la politique familiale est ensuite marquée par une baisse régulière des cotisations familiales au bénéfice des branches maladie et vieillesse, et en même temps par leur déplafonnement progressif qui fait disparaître la dégressivité. Ce double mouvement est achevé dans les années 1980, avant que les années 1990 ne marquent un changement de paradigme. La création en 1991 de la contribution sociale généralisée, la CSG, permet de basculer 23 % des recettes de la branche sur ce nouveau prélèvement qui frappe un éventail très large de revenus. Ce changement majeur signe le début d’une réforme qui reste inaboutie dans la mesure où, lorsque la CSG a été augmentée, les nouvelles recettes ont été affectées à d’autres branches de la sécurité sociale.

Entre 1991 et 2010, la branche famille est ainsi alimentée essentiellement par deux sources : des cotisations patronales déplafonnées dont le taux reste constant à 5,4 % et une CSG dont le taux également constant est de 1,08 % sur les revenus d’activité et de 1,10 % sur les revenus du capital. La structure du financement est alors solide. Cette logique de financement à deux piliers, certes inégaux, est ensuite perturbée par la politique d’allégement des charges sociales et sa nécessaire compensation. La branche famille bénéficie ainsi, plus qu’aucune autre, des apports d’une fiscalité affectée, mais cette fiscalisation rampante tient plus des circonstances que d’une véritable cohérence.

Le financement de la branche famille repose ainsi aujourd’hui sur trois piliers : les cotisations patronales, la CSG et la fiscalité affectée.

Les cotisations, qui gardent le taux de 5,4 % et restent entièrement assises sur les salaires, représentent quelque 65 % du financement de la branche, soit 33 milliards d’euros environ.

La CSG représente un pilier fragilisé. À partir de 2010, une part de ses recettes affectées à la branche famille est en effet transférée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, dans le cadre des reprises organisées du déficit de la sécurité sociale. Deux contraintes organiques et constitutionnelles expliquent ce transfert : d’une part, la CADES ne pouvant plus être prolongée, l’amortissement de la dette doit impérativement être achevé avant 2025 ; d’autre part, ne peuvent être affectées à la CADES que des ressources pérennes et à base large. Plutôt que d’augmenter le taux de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, fixé à 0,5 % depuis 1996, le choix des pouvoirs publics fut de basculer sur la CADES 0,28 point de CSG. Le poids de ce prélèvement dans l’architecture de financement de la branche famille a par conséquent diminué, passant de 25 à 18 %.

La part de la fiscalité affectée a, au contraire, très fortement progressé pour représenter aujourd’hui 15 % de ses ressources, soit 8 milliards d’euros environ. Ce troisième pilier constitue un « terrain miné ». Un tableau figurant à la page 29 du rapport montre en effet l’extrême instabilité de l’affectation des taxes, leur extraordinaire diversité et leur incohérence. Jusqu’à cette année, une part des taxes sur le tabac était ainsi affectée au financement de la branche famille et non à l’assurance maladie, aberration désormais corrigée. Au-delà des incohérences, la pérennité de certaines taxes n’est pas assurée dans la mesure où leur assiette est vouée à disparaître. C’est notamment le cas des taxes affectées à la branche famille en 2010, en compensation du transfert de CSG au bénéfice de la CADES.

L’évolution récente du dispositif, fruit d’une série de décisions ponctuelles, témoigne de l’interruption du mouvement de réforme. L’abaissement du poids des cotisations patronales avait été continu jusque dans les années 1990. La mise en place de la CSG au début des années 1990 a esquissé une nouvelle voie, mais son extension au bénéfice d’autres branches n’a pas permis de la suivre. Les décisions prises depuis visent à parer à l’urgence en assurant, année après année, un équilibre ou un moindre déséquilibre de la branche, mais ne s’inscrivent plus dans une perspective de réforme. C’est pourquoi nous qualifions le financement de la branche famille de « brouillé ».

Si nous estimons ce financement fragile, c’est d’abord parce qu’étant très largement dépendant des revenus d’activité, il est particulièrement sensible à la conjoncture économique. Les cotisations patronales, qui représentent 65 % des ressources de la branche, ne sont pas les seules en cause : si l’on y ajoute l’assiette « revenus d’activité » de la CSG et la taxe sur les salaires affectées à la branche famille, on arrive à un total de plus de 80 % des ressources directement tributaires des revenus d’activité. Au lieu de consolider la branche, les évolutions de son financement l’ont ainsi au contraire rendue encore plus dépendante du contexte économique.

La fragilité du financement s’explique également par un effet de ciseaux entre la croissance des charges et celle des produits. Longtemps, la branche famille a fait figure de bon élève au sein du système de sécurité sociale, dégageant systématiquement des excédents
– fruit d’une démographie constante et d’un produit intérieur brut (PIB) en progression – qu’il s’agissait alors de ne pas laisser grossir à l’excès. Les mécanismes de régulation internes à la branche y contribuaient également : depuis 1995, l’évolution des prestations et des plafonds pour les prestations sous condition de ressources est ainsi indexée non plus sur les salaires, mais sur l’inflation. Entre 1978 et 1992, le système n’a connu que deux années de déficit. Depuis 1992, en revanche, il en a connu douze. La croissance des produits s’est en effet ralentie, alors que celle des charges s’est accélérée, moins sous l’effet de la démographie – les allocations sont restées stables ou faiblement croissantes – qu’à cause de la création de nouvelles allocations extrêmement dynamiques, destinées en particulier à aider à la garde des enfants. En même temps, des transferts importants ont été opérés depuis la branche famille vers d’autres branches de la sécurité sociale, notamment vers la branche vieillesse, par le biais de l’assurance vieillesse des parents au foyer, l’AVPF, et vers le Fonds de solidarité vieillesse, par le biais des majorations de pensions pour enfants. L’effet structurel de ciseaux qui en résulte se traduit par un déficit régulier et aussi important que celui des autres branches de la sécurité sociale. Son montant – 2 600 millions d’euros en 2011 – semble a priori modeste par rapport à ceux de la branche maladie ou vieillesse, largement supérieurs. Mais rapporté aux charges de la branche, il représente 4,7 %, chiffre très proche de celui de l’assurance maladie qui dépasse légèrement 5 %.

Le problème de soutenabilité durable de la branche famille doit ainsi être l’horizon de toute réflexion sur son financement. Cette logique suppose de s’intéresser non seulement aux recettes, mais également aux dépenses de la branche, l’objectif de leur maîtrise devant s’imposer ici comme ailleurs. Dans le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, le RALFSS, la Cour des comptes montre ainsi que des économies peuvent être dégagées dans le domaine des prestations familiales sous condition de ressources, en particulier sur le complément de libre choix du mode de garde (CMG) de la prestation d’accueil au jeune enfant, la PAJE. Une deuxième piste de réforme porte sur l’articulation des mécanismes fiscaux et des prestations sociales au sein de la politique familiale dont le poids global, évalué à 3,8 % du PIB, excède la seule branche famille qui n’en représente que 2,8 %. Améliorer la gestion du dispositif pourrait également se révéler bénéfique : le RALFSS de septembre 2011 montre ainsi que la complexité du système des prestations familiales est source de coûts supplémentaires.

Le rapport d’étape permet de mettre l’état des lieux en perspective avec l’histoire de la branche et les tendances lourdes qui l’affectent. C’est à la lumière de cette évolution, responsable du décalage structurel entre les produits et les ressources de la branche, qu’il faut envisager la réforme possible de son financement.

M. le coprésident Pierre Morange. Quels remèdes peut-on apporter à ces failles ? Plutôt que de se reprocher les erreurs passées, le sujet invite plutôt à se tourner vers l’avenir pour tenter de retrouver un financement en adéquation avec les charges de cette branche à prétention universelle. Au-delà des mesures incontournables d’économie, faut-il recourir aux recettes pourvues d’une assiette large, telles que la CSG – qui présente l’inconvénient d’être adossée à l’activité et donc à la conjoncture économique – ou la taxe sur la valeur ajoutée – qui risque de produire des effets négatifs sur la consommation ?

L’hypothèse d’une budgétisation est également à étudier, dans la mesure où le renouvellement des générations s’inscrit dans une stratégie d’intérêt national. Un foyer sur deux ne payant pas d’impôts, il convient toutefois de s’interroger sur les capacités contributives de la Nation. Avez-vous d’ores et déjà des éléments de réflexion sur ce scénario ?

M. Antoine Durrleman. Financer la politique familiale essentiellement par des cotisations patronales est une spécificité française qu’on ne retrouve pas à l’étranger, notamment en Allemagne, pays le plus proche du nôtre en termes d’organisation de la protection sociale. En Allemagne, la politique familiale – qui représente 3 % du PIB – est adossée non à la sécurité sociale mais directement au budget de l’État. Elle passe surtout par des prestations et très peu par des services, alors que notre politique combine les deux logiques. Nos dispositifs de garde des jeunes enfants ou de prise en charge des moins de dix-huit ans au sein de différentes structures d’animation et d’accompagnement n’ont pas d’équivalents en Allemagne.

La réflexion sur l’évolution du système de financement de la branche famille peut s’organiser autour de deux modèles.

Le premier – auquel on se limite généralement – consiste à l’envisager dans le cadre d’une organisation structurelle inchangée. La sécurité sociale reste alors pilotée par les partenaires sociaux qui tirent leur légitimité de ce que son financement est encore assuré à hauteur de deux tiers par les éléments de salaire différé que représentent les cotisations patronales. En restant dans cette logique – qui préside à l’organisation de la CNAF et du réseau des caisses d’allocations familiales, les CAF –, et au-delà des efforts d’économie et de régulation de la dépense, il faut trouver des ressources suffisamment dynamiques pour compenser la croissance des charges. Sans avoir complètement exploré cette question difficile, nous sommes convaincus que la quête de la recette miracle s’apparenterait à celle du Graal. Il faudra nécessairement faire appel à un mélange de recettes, qu’on peut concevoir de différentes façons. Un financement à assiette large serait cohérent avec la logique universaliste de la branche, telle qu’elle a été mise en place à partir de 1978. La CSG, initialement destinée à la branche famille, obéissait à l’origine à cette considération. Mais aujourd’hui que ce robinet arrose beaucoup de platebandes, il a perdu de sa logique contributive. Au-delà du niveau de la CSG, la répartition de son produit constitue une question en soi qui mérite d’être explorée.

La deuxième piste de réflexion, toujours à cadre inchangé, est de distinguer, à l’intérieur de la branche famille, différentes catégories de prestations. Si la branche obéit depuis toujours à une volonté de redistribution horizontale, entre familles avec et sans enfants, elle porte de plus en plus, depuis les années 1970, une logique de redistribution verticale, entre familles aux niveaux de revenus différents. Dès lors, les prestations familiales sous condition de ressources devraient-elles être financées d’une manière différente de celles qui sont universelles ? Cette distinction peut-elle servir d’élément de structuration d’un dispositif de financement différencié ?

Plusieurs pistes sont donc possibles à organisation inchangée : chercher à construire, rebus sic stantibus, un système de recettes en adéquation avec la dynamique de la branche, ou bien distinguer des blocs de prestations aux logiques de financement différentes.

Le deuxième terme de l’alternative consiste à changer de paradigme pour ne plus affecter à la branche des ressources dédiées, mais la financer par des dotations de l’État, la CNAF et les CAF continuant à piloter le réseau. Il ne s’agit plus, dès lors, de spécifier des ressources pour des types de dépenses particuliers, mais de consacrer une partie du budget de l’État – alimenté par les prélèvements les plus divers – à la branche famille, pour financer les prestations familiales, à la manière de ce qui se fait déjà pour l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, et une partie des aides au logement. Ce modèle se rapprocherait davantage du système allemand.

Nous n’avons étudié en détail aucune de ces solutions, restant au niveau d’un état des lieux. Mais nous indiquons en fin de rapport les différentes pistes possibles, bien plus nombreuses que celles qu’on a l’habitude d’évoquer.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je vous remercie pour cette présentation éclairante. Nous avons récemment reçu des parlementaires allemands qui nous ont interrogés sur nos politiques sociales, et en particulier familiales. Le système allemand exclut en effet les services, se concentrant sur les prestations. En tout état de cause, la natalité française n’est certainement pas étrangère à ces aides à la garde des enfants, et il est important d’en tenir compte. Notre système touche aujourd’hui à ses limites, et il faudra le dépasser. À nous d’élaborer des propositions concrètes à partir de cet état des lieux que vous avez dressé. Mais la comparaison avec l’Allemagne ne nous est pas forcément défavorable : les députées allemandes – il s’agissait surtout de femmes – regardaient ainsi notre modèle avec envie, considérant qu’il fallait s’en inspirer.

M. Antoine Durrleman. Nous nous sommes limités à l’analyse du financement de la branche famille. Par sa continuité, sa prévisibilité pour les familles et par la diversité de ses modes d’action, la politique familiale est évidemment un élément clé de notre force démographique. Mais elle n’explique pas à elle seule la natalité. Notre société est accueillante, et si les familles françaises ont autant d’enfants, c’est en grande partie en raison de l’évolution du droit civil. Depuis plus de trente ans, le code civil napoléonien connaît en effet une révolution silencieuse, jamais reconnue comme telle, qui consacre la reconnaissance d’une pluralité de modèles familiaux, alors que le modèle familial reste beaucoup plus traditionnel en Allemagne. Cette évolution joue un grand rôle dans notre dynamisme démographique.

Cependant, nous n’avons pas analysé la politique familiale en tant que telle car on sait qu’il ne faut y toucher que d’une main tremblante.

M. le coprésident Pierre Morange. Cette mise en perspective conduit à relativiser l’importance des prestations familiales, même si elles restent essentielles. Notre collègue Marie-Françoise Clergeau l’avait d’ailleurs souligné dans son rapport sur l’évaluation de la politique familiale, et en particulier de la PAJE. Les sociologues auditionnés avaient alors évoqué cette révolution silencieuse liée au code civil. Nos collègues parlementaires allemands restent néanmoins fascinés par notre modèle, et tout particulièrement par le système de la prise en charge au sein des maternelles, qui n’existe pas en Allemagne et qui suscite l’admiration.

Mme Gisèle Biémouret. Vous avez mentionné la possibilité de dégager des économies en simplifiant la gestion de la branche. Les modèles de prise en charge des enfants et les structures d’accueil – centres de loisir associés à l’école, les CLAE, centres aérés associatifs ou communaux – sont en effet très variables selon les départements, voire les communes, et il faudrait peut-être en envisager l’harmonisation.

En même temps, en tant qu’élue du département rural du Gers, je constate que la CAF incite les communes, même les plus petites, à mettre en place des micro-crèches et autres modes de garde, alors qu’elles ne peuvent pas forcément en assumer le coût. Prendre en charge toutes ces structures au niveau des communautés de communes serait peut-être plus efficace en termes financiers.

M. Antoine Durrleman. Nous menons en ce moment, avec les chambres régionales des comptes, une enquête sur les modes d’accueil de la petite enfance, de zéro à trois ans, qui devrait aboutir l’an prochain. Des études de terrain dans les communes et les départements, au sein des CAF, de la direction générale de la cohésion sociale du ministère chargé des affaires sociales, de la CNAF et de la direction de la sécurité sociale, tentent de mettre en lumière le fonctionnement du système, les problèmes rencontrés et les solutions possibles. Nous constatons en effet la politique incitative et volontariste des CAF dont le budget d’action sociale a augmenté ces dernières années de 7 à 8 % par an. Nous nous intéressons au fonctionnement des différentes structures, à la participation des parents, à l’articulation entre scolarisation pré-maternelle et modes de garde, dans l’espoir d’apporter sur l’ensemble de ces sujets des éclairages novateurs.

M. Michel Braunstein, conseiller maître à la sixième chambre de la Cour des comptes. L’enquête permettra notamment d’élucider un point qui nous intrigue depuis quelques années, à savoir le taux d’occupation des crèches de 70 %.

M. le coprésident Pierre Morange. Monsieur Braunstein, pourriez-vous également préciser les sommes susceptibles d’être dégagées par une rationalisation des modes de gestion ?

M. Michel Braunstein. Nous avons donné des indications chiffrées. Le CMG représente quelque 5 milliards d’euros, dont environ 200 millions profitent au premier décile et 1,2 milliard au dernier. L’ensemble des prestations sous condition de ressources dessinent une courbe en U qui montre que les familles les plus favorisées sont aidées à la même hauteur que les familles les plus défavorisées.

Il n’y a quasiment pas un RALFSS où nous n’aurions pas évoqué les sujets relatifs à la famille. Dans le RALFSS de 2010, nous avons ainsi proposé d’évaluer les dépenses fiscales bénéficiant aux parents isolés en vue de les réorienter vers les familles monoparentales les plus défavorisées. Seules 600 000 d’entre elles, sur un total de 1,4 million, bénéficiaient d’une aide fiscale, les autres ne payant pas d’impôts. Sur les 415 millions d’euros de cette dépense fiscale, 25 % profitaient aux 10 % les plus aisés, dont le revenu fiscal de référence était supérieur à 46 000 euros par an. Parmi les bénéficiaires, nous avons même mentionné le cas d’un ménage isolé qui avait un revenu fiscal de référence de 17 millions d’euros par an.

Dans le RALFSS de 2007, nous recommandions la forfaitisation du supplément familial de traitement versé aux agents publics, qui représente 1,5 milliard d’euros et qui croît avec l’indice de rémunération jusqu’aux échelles lettres, de sorte qu’un professeur agrégé bénéficie d’un supplément familial de traitement bien plus élevé qu’un agent administratif ou un ouvrier de service.

M. Antoine Durrleman. Une véritable trace de sursalaire !

M. Michel Braunstein. Enfin, depuis dix ans, la Cour a plusieurs fois recommandé la fiscalisation des majorations de pensions pour les parents de trois enfants, qui permettrait de dégager 500 à 600 millions au profit de l’État. Nous avons même envisagé la forfaitisation de la majoration, car 10 % appliqués aux revenus d’un ménage d’agrégés représentent bien plus que 10 % appliqués à ceux d’un ménage d’agents de catégorie C.

M. le coprésident Pierre Morange. Je vous remercie pour ce rappel synthétique. Sans vouloir préjuger les priorités du futur rapport définitif, j’insiste sur la nécessité d’y inclure une comparaison avec nos voisins européens.

Quel est votre sentiment sur les différents scénarios ? Parmi les hypothèses, vous avez évoqué des taxations de type environnemental ; quelle serait la pertinence de ce type de prélèvements, souvent évoqués en lien avec les préoccupations écologiques et la nécessité de mettre en place de nouveaux modes de fonctionnement économique ? J’ai cru comprendre que vous les jugiez fragiles, les taxes de type comportemental ayant par définition vocation à disparaître, dans la mesure où leur objectif est de changer le comportement taxé. Les estimez-vous suffisamment stables ?

M. Antoine Durrleman. Dans la structure globale de nos prélèvements obligatoires, la fiscalité environnementale pèse bien moins lourd que dans d’autres pays, y compris l’Allemagne.

M. le coprésident Pierre Morange. Ses produits y sont-ils affectés à des dispositifs à vocation sociale ?

M. Antoine Durrleman. Il n’y a pas d’affectation d’impôts à la sécurité sociale en Allemagne ; elle bénéficie uniquement de dotations budgétaires et de prélèvements à base professionnelle, les impôts alimentant le budget des Länder et du Bund.

Au cours des dernières années, la Suède a fait très fortement basculer sa taxation du travail sur la taxation environnementale, cette dernière ayant été durcie et diversifiée pour constituer un ensemble de recettes qui jouit d’une certaine stabilité. L’Allemagne, elle, a choisi un autre mode de dégrèvement du travail en transférant une partie des charges patronales sur la TVA.

M. le coprésident Pierre Morange. Mais a-t-on suffisamment de recul pour évaluer ce modèle étranger ? Certes, l’assiette du prélèvement est suffisamment diversifiée pour lui donner une durabilité, mais dans la mesure où sa vocation comportementale est clairement affichée, cette assiette ne reste-t-elle pas fragile ? Ces taxes ne scient-elles pas la branche sur laquelle elles sont assises ?

M. Antoine Durrleman. Les émissions de CO2 en Suède ont baissé de 20 % pendant que le PIB augmentait de 25 %. La diminution de l’assiette – positive en soi – a donc été compensée par le dynamisme économique, et je n’ai pas le sentiment que le système de protection sociale suédois soit à l’agonie.

M. le coprésident Pierre Morange. Le souci de compétitivité pousse malgré tout la Suède à accomplir de gros efforts en matière de rationalisation de la dépense publique.

L’état des lieux que vous avez effectué nourrira notre réflexion. Nous procéderons à plusieurs auditions complémentaires afin de vous proposer, d’ici à la fin de l’année, quelques axes directeurs pour la rédaction du rapport définitif. Le temps est compté, le cadre législatif mouvant, et nous devrons tenir compte des mesures que le Gouvernement risque de prendre. Il ne faut pas se contenter de faire des rapports intellectuellement brillants, mais tâcher de traduire notre réflexion en propositions concrètes qui serviront le travail législatif.

M. Antoine Durrleman. À la suite du dépôt du rapport de M. Gallois, le Premier ministre a saisi mardi le Haut Conseil du financement de la protection sociale d’une demande d’expertise quant au financement de la branche famille, que le Haut Conseil devra fournir pour le 1er mai prochain ; il serait judicieux de coordonner nos travaux.

M. le coprésident Pierre Morange. Ce haut conseil, tout juste mis en place au mois de septembre, a déjà proposé une note synthétique de quelque quatre-vingts pages. Il faudra impérativement veiller à la coordination entre les travaux de la Cour des comptes, de la MECSS, du Haut Conseil et du Gouvernement lui-même qui compte s’en inspirer. Le « rapport Gallois » s’inscrit également dans cette logique d’analyse des recettes pouvant contribuer au financement de notre protection sociale. Les questions de compétitivité-coût et de compétitivité hors coût sont en effet indissociables.

M. Antoine Durrleman. Comptez-vous auditionner la présidente du Haut Conseil du financement de la protection sociale ?

M. le coprésident Pierre Morange. Ce sera une audition incontournable.

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède ensuite à l’audition, ouverte à la presse, de M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales et de la santé, et de Mme Carole Bousquet, chef du bureau de la synthèse financière.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales et de la santé, et Mme Carole Bousquet, chef du bureau de la synthèse financière.

La Cour des comptes vient de nous présenter son rapport d’étape sur un thème que notre mission avait choisi lors de la précédente mandature, le financement de la branche famille de la sécurité sociale. Elle rendra son rapport définitif en mars prochain. Dans l’intervalle, nous souhaitons affiner notre réflexion sur la situation de la branche, c’est pourquoi nous avons souhaité vous auditionner.

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales et de la santé. Le rapport d’étape de la Cour des comptes retrace l’histoire des modes de financement de la branche famille, puis aborde les projections financières pluriannuelles. Nous partageons son analyse rétrospective de la diversification des recettes de la branche depuis le début des années 1990. Aujourd’hui, on constate en effet une stabilisation de la part des différents financements : environ deux tiers sont issus des cotisations sociales, 18 % de la CSG et 15 % d’impôts et taxes affectés.

La Cour estime que l’évolution de ce financement a été subie, notamment en matière d’affectation de recettes fiscales. Nous voudrions nuancer cette analyse. Comme les autres branches de la sécurité sociale, la CNAF bénéficie d’un panier de recettes compensant les allégements de charges successifs. Cette évolution de son mode de financement a conduit à abaisser le coût du travail et je crois qu’il faut la lire de façon positive : depuis de nombreuses années, l’État recherche des recettes qui ne pèsent pas sur le coût de travail tout en permettant de financer les différentes branches de la sécurité sociale.

Par ailleurs, si le rapport de certaines de ces recettes avec la sécurité sociale peut sembler indirect, on constate tout de même que 50 % d’entre elles sont liées à la taxe sur les salaires, ce qui est cohérent au regard du financement de la protection sociale. Il en va de même pour les recettes issues de la taxation du tabac ou pour certains prélèvements sociaux.

Il faut donc faire la part des choses. On ne peut affirmer, au motif qu’elle s’est faite au fil de l’histoire, que la fiscalisation n’a pas de sens et qu’elle se résume à une accumulation de recettes sans cohérence. Si l’on regarde le détail de la composition du panier de recettes, plusieurs contributions sont tout à fait logiquement affectées aux différentes branches.

La Cour remarque ensuite que l’opération de reprise des déficits du régime général par la CADES s’est traduite par une baisse des recettes issues de la CSG et par l’affectation d’autres recettes à la branche famille. Il conviendrait à cet égard de distinguer une analyse centrée sur l’opération elle-même, qui a en effet pour conséquence une perte globale pour la branche famille dans la mesure, notamment, où certaines de ces recettes ne sont pas pérennes, et une analyse de l’ensemble des recettes affectées à la branche au moment de cette opération puis en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2012, en loi de finances rectificative pour 2012 et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2013. Autant le bilan est négatif pour l’opération CADES stricto sensu, avec une perte de l’ordre de 450 millions d’euros en 2013, autant il apparaît globalement favorable à la branche famille lorsque l’on considère tous les prélèvements qui lui ont été affectés. L’apport de recettes par la LFSS pour 2012 s’établit à environ 700 millions d’euros, dont 500 millions issus de la taxe sur les salaires. Le Gouvernement l’a souligné dans ses différentes présentations du PLFSS pour 2013 : il a la volonté claire d’apporter à la branche famille des recettes complémentaires permettant de limiter l’impact de la perte de CSG due à l’opération CADES. Il convient donc de tempérer la vision de la Cour selon laquelle cette opération aurait provoqué une fragilisation importante de la branche : cette évolution a été compensée par l’affectation de recettes substantielles.

M. le coprésident Pierre Morange. En réponse à nos questions, la Cour a estimé que certaines recettes destinées à compenser les 0,28 point de CSG affectés à la CADES, notamment les prélèvements sur les produits assurantiels, allaient connaître une réduction « en sifflet ». On ne peut contester cette précarisation. S’il y a bien compensation à l’euro près pour l’année en cours, conformément à la décision du Conseil constitutionnel, l’interrogation soulevée pour les années suivantes n’est pas que métaphysique. De la question des ressources financières dépend la légitimité d’une politique familiale.

M. Thomas Fatome. Dans la préparation du PLFSS pour 2013 et les arbitrages concernant l’affectation des recettes aux différentes branches, la direction de la sécurité sociale a veillé à ce que la branche famille reçoive un montant substantiel de recettes compensant l’opération CADES. De ce point de vue, le projet pour 2013 est pleinement satisfaisant puisque le solde est positif. Dans une perspective pluriannuelle, nous devrons continuer d’examiner comment faire bénéficier la branche de contributions complémentaires car la question se posera.

Les projections figurant en annexe du PLFSS montrent en effet que le déficit se maintiendra, en dépit d’un redressement substantiel puisque l’horizon de déficit est d’un peu plus de 1 milliard d’euros en 2017 et que le retour à l’équilibre, si l’on prolonge des tendances, aurait lieu en 2020.

M. le coprésident Pierre Morange. Ces chiffres sont adossés sur des prévisions économiques quelque peu fragiles !

M. Thomas Fatome. La Cour des comptes retient une hypothèse d’évolution de la masse salariale plus pessimiste. Pour notre part, nous construisons les projets de loi de finances, les PLFSS et la programmation pluriannuelle sur les hypothèses retenues par le Gouvernement, soit une augmentation de la masse salariale de 2,3 % en 2013 puis un retour à 4 % en 2014.

Nous prenons également en compte des facteurs structurels : certaines dépenses de la branche famille connaîtront un rythme annuel d’augmentation inférieur à 3 %. À titre d’exemple, la montée en charge de la PAJE est derrière nous. Si l’évolution de la masse salariale est au rendez-vous, on peut donc tabler sur un retour à l’équilibre de la branche. A contrario, dès lors que l’on retient des hypothèses inférieures à celles du Gouvernement, il est évident que toutes les branches rencontreront des problèmes de financement. Quelle que soit l’évolution des assiettes, notre système de protection sociale a besoin d’une croissance économique lui permettant de financer ses dépenses.

Bref, les prévisions du Gouvernement, moins pessimistes que celles que retient la Cour, permettent d’envisager une réduction du déficit et un retour vers l’équilibre de la branche famille.

M. le coprésident Pierre Morange. La loi de 1975 a donné un caractère universel aux prestations familiales. Depuis 1991, une partie du financement de la branche est assurée par la CSG, qui a vocation à devenir un élément central se substituant aux cotisations adossées uniquement sur l’activité. Mais aujourd’hui, alors que la question de la productivité et de l’allégement des charges est au cœur du débat public, la part cumulée des prélèvements sur l’activité dans le financement de la branche famille s’élève à 80 %.

On assiste par ailleurs à un effet de ciseaux entre la croissance des charges liée à l’augmentation des prestations et l’évolution des recettes, sachant que les hypothèses sur lesquelles s’appuient les prévisions sont pour le moins optimistes au vu la situation financière internationale.

Ces questions font l’objet d’un large consensus. En conséquence, n’est-il pas temps de mener une réflexion stratégique pour assurer des sources de financement plus pérennes et plus dynamiques et pour optimiser et rationaliser la dépense publique dans le domaine de la famille ? Il ne s’agit pas de rationner la prestation, mais de faire en sorte qu’elle soit plus efficiente et plus juste pour répondre aux idéaux de la République et à la stratégie démographique nationale. Quelles sont les pistes explorées par la direction de la sécurité sociale ?

M. Thomas Fatome. Le pacte de compétitivité présenté par le Gouvernement vise précisément à soutenir l’activité et l’emploi, donc à accroître la masse salariale, ce qui consolidera sans doute les prévisions en matière de recettes.

Concernant la branche famille, les sujets de réformes posés concernent trois aspects.

Premièrement, le mode de financement est un point prioritaire de la réflexion du Haut Conseil du financement de la protection sociale, qui a récemment été saisi par le Premier ministre.

M. le coprésident Pierre Morange. Confirmez-vous la date de livraison des conclusions du Haut Conseil ?

M. Thomas Fatome. Mai 2013.

Deuxièmement les dépenses. À la suite de la conférence sociale, des travaux de concertation vont s’engager entre les partenaires sociaux sur différents sujets, dont la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Parallèlement, la ministre déléguée chargée de la famille a souhaité lancer une concertation avec l’ensemble des usagers de la branche famille sur le service public rendu aux familles, en particulier en matière de garde d’enfants.

Troisièmement les objectifs fixés dans la convention d’objectifs et de gestion (COG). Les négociations que nous avons engagées avec la CNAF sur la nouvelle COG ne portent pas, bien entendu, sur les prestations légales, mais sur le Fonds national d’action sociale (FNAS), dont les dépenses sont assez dynamiques puisque la précédente COG se fondait sur un rythme de progression annuelle de 7,5 %, et sur le Fonds national de gestion administrative (FNGA), qui assure les coûts de gestion de la branche.

M. le coprésident Pierre Morange. Fixerez-vous des objectifs précis en termes de rationalisation ? La MECSS a eu l’occasion de traiter le sujet des coûts de gestion. Nous avons participé assez efficacement, je crois, à une amélioration de ces coûts pour l’assurance maladie et nous souhaitons qu’il en soit de même pour la branche famille.

M. Thomas Fatome. La précédente COG avait fixé à la branche des missions en augmentation, notamment la gestion du revenu de solidarité active (RSA). Il a fallu faire face au choc de la crise économique, qui a provoqué un afflux important. La montée du chômage constitue une pression sur les CAF en matière d’accueil du public et de traitement des dossiers des minima sociaux.

Après le bilan approfondi qui a été fait de la précédente COG, nous sommes entrés dans une phase de dialogue technique avec les équipes de la CNAF pour identifier les paramètres classiques de négociation – prévision des départs en retraite, productivité des caisses, etc. À ce stade, je n’ai pas mandat précis de négociation concernant les coûts de gestion. La direction de la sécurité sociale met bien entendu l’accent sur la nécessaire contribution de la branche famille, comme des autres branches, aux efforts réalisés en matière de coûts de gestion par l’ensemble de la sécurité sociale, et ce dans le cadre général fixé pour l’État et ses opérateurs.

M. le coprésident Pierre Morange. Quand pensez-vous parvenir à des objectifs quantifiés ?

M. Thomas Fatome. Avant la signature de la convention d’objectifs et de gestion au premier trimestre 2013.

M. le coprésident Pierre Morange. La MECSS aura donc l’occasion de revenir sur le sujet et de s’assurer de la mise en œuvre des préconisations qu’elle a formulées au sujet, par exemple, de l’allocation de parent isolé ou des allocations logement, et qui ont trouvé, depuis, une traduction législative. La bonne utilisation des deniers publics exige en effet que l’on justifie d’un isolement économique pour bénéficier d’une aide. J’ai d’ailleurs adressé une question écrite à ce sujet – à laquelle il n’a toujours pas été répondu – car je souhaite que l’on effectue un bilan de la mise en œuvre de la disposition votée lors de l’examen du PLFSS pour 2012.

Une attention particulièrement aiguë devrait être portée, dans le cadre des COG, aux systèmes informatiques. La MECSS a déjà abordé plusieurs fois ce sujet. Vous le savez, les systèmes d’information de l’assurance maladie ne sont pas encore totalement efficients et la date de leur mise à niveau, nous a dit M. Van Roekeghem l’année dernière, a été repoussée à 2014.

Je ne m’inquiète pas de l’échéancier par obsession personnelle, mais parce qu’il est illusoire de s’assurer de la bonne utilisation de l’argent public si l’on n’a pas la maîtrise de l’information. Dans le paysage particulièrement touffu de notre protection sanitaire et sociale, l’absence d’interconnexion et de coordination des systèmes d’information ne laisse aucune possibilité de rationalisation et de traçabilité de l’effort public en faveur de la solidarité républicaine.

M. Thomas Fatome. Le rapport de la Cour des comptes a relevé cette année des progrès dans le pilotage des systèmes d’information à la CNAF. Il faut également souligner que les différentes adaptations, tant en termes de construction de référentiels unifiés au niveau national que d’offre de téléservices aux familles sur les sites caf.fr et mon-enfant.fr, permettent de déployer une offre assez satisfaisante.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans ma circonscription, c’est totalement inopérant. Au-delà de ce cas local, il ne serait peut-être pas inintéressant de prévoir un audit sur ces questions dans le cadre de la COG.

M. Thomas Fatome. Les systèmes d’information seront une priorité de la COG. Cela étant, les personnes qui cherchent une offre de garde peuvent aujourd’hui savoir, sur le site mon-enfant.fr, quelles sont les assistantes maternelles à proximité et les géolocaliser. Progressivement, l’offre de services s’enrichit, dépassant la seule détermination du droit à prestations et du versement.

Ajoutons que la précédente COG a été menée au moment de la départementalisation des CAF, dont le pilotage n’a pas été une mince affaire même s’il s’est déroulé dans de bonnes conditions à la fois en termes de dialogue social et de services aux assurés. Avec les caisses départementales, nous avons désormais un paysage stabilisé.

M. le coprésident Pierre Morange. Est-il prévu que la prochaine COG mette un accent particulier sur l’articulation entre les espaces territoriaux départementaux et les caisses d’allocations familiales, notamment pour la gestion de la population bénéficiant du RSA ? Dans bien des cas, on n’a pas l’impression d’un suivi très individualisé.

M. Thomas Fatome. Il faut savoir ce que l’on demande aux CAF.

M. le coprésident Pierre Morange. Mon propos n’est pas d’exiger d’elles de nouvelles missions dont elles n’en ont pas forcément les moyens, mais de m’assurer que la COG fixe des objectifs de rationalisation et de coordination. Il est inutile de créer des comités Théodule : nous savons tous que si l’on faisait fonctionner correctement l’ensemble des organisations existantes, on n’aurait besoin d’aucun moyen supplémentaire. Voilà pourquoi il me semble judicieux d’exiger des différents acteurs une coordination périmétrique dans le champ de l’action sociale relevant de la compétence de la branche famille.

M. Thomas Fatome. Nous rencontrons en effet ces sujets dans le partenariat avec les conseils généraux. Les CAF deviennent aussi des acteurs importants en matière de politique du logement. Elles ont besoin de s’ancrer dans des partenariats locaux.

S’agissant du RSA, il ne leur est demandé que de le liquider, ce qu’elles font. Certains conseils généraux demandent davantage dans le cadre de partenariats plus approfondis. Si cela peut fonctionner ainsi, il faut s’en féliciter. Mais les responsabilités des uns et des autres doivent rester bien identifiées.

Pour en revenir à vos interrogations sur les recettes et les dépenses de la branche famille, je ne crois pas, je le répète, à une assiette miracle, et ce quelle que soit la branche. La diversification des modes de financement a un sens au regard de l’universalité des prestations mais elle restera connectée de près ou de loin à l’évolution de la richesse nationale, donc à une dépense.

La direction de la sécurité sociale tient à ce qu’un lien soit maintenu entre une contribution des employeurs et le financement de la branche famille. Pour certains, les entreprises n’ont aucune raison de contribuer à cette branche. Il y aura probablement un débat, dans le cadre des travaux du Haut Conseil, pour savoir si la part de l’employeur est trop importante ou non et si l’on peut envisager des évolutions. Néanmoins, dans la mesure où la politique familiale représente un apport à la croissance économique, à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle et plus généralement à la démographie de notre pays, il ne semble pas illégitime que les entreprises continuent de participer au financement de la branche. Une mesure drastique, outre les difficultés de financement qu’elle entraînerait, poserait un problème de cohérence. Mais il s’agit là d’arbitrages très politiques qui interviendront au regard des conclusions du Haut Conseil. Les organisations syndicales tiennent elles aussi au maintien de la contribution des employeurs au financement de la branche famille.

M. le coprésident Pierre Morange. Parmi les différentes hypothèses, il y a non seulement l’adoption d’une assiette plus large, plus stable et plus lisible, mais aussi la budgétisation totale ou partielle, à l’instar de ce qui se fait outre-Rhin. La direction de la sécurité sociale a-t-elle réalisé un comparatif européen qui pourrait étayer nos réflexions ?

M. Thomas Fatome. Je vérifierai s’il existe un benchmark européen récent.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons mandaté la Cour des comptes pour un tel travail mais rien n’interdit de croiser les informations.

M. Thomas Fatome. Toujours est-il que la direction de la sécurité sociale est très dubitative quant à un schéma de budgétisation. On voit mal quel pourrait être l’apport en termes de pilotage de la dépense et de lisibilité, et une telle évolution serait difficilement acceptable par les partenaires sociaux. Le conseil d’administration de la CNAF et le réseau des CAF ont montré leur capacité à s’adapter, que ce soit pour faire face à la crise ou pour prendre en charge de nouvelles prestations.

L’idée sur laquelle se fonde cette hypothèse est que l’universalité des prestations justifie une affectation au budget de l’État, mais sa réalisation présenterait des inconvénients considérables. Mis à part la satisfaction intellectuelle, on distingue mal les avantages que cela pourrait avoir pour la conduite des politiques publiques aujourd’hui assumée par la sécurité sociale.

Enfin, la budgétisation totale de la branche famille interdirait une logique de gestion globale des risques de la sécurité sociale, où, même si les difficultés financières des dernières années ne le laissent pas apparaître, la branche famille devrait plutôt dégager des excédents tandis que la branche retraite et la branche maladie sont structurellement soumises à une pression croissante.

M. le coprésident Pierre Morange. Cela étant, les impôts et taxes affectés ou la CSG sont, de fait, des produits fiscaux affectés pour partie au financement de la branche famille.

M. Thomas Fatome. Certes, mais la CSG est par nature entièrement affectée à la sécurité sociale.

Nous avons sur ces sujets un désaccord de fond avec la Cour des comptes. Celle-ci considère que l’affectation de recettes fiscales à la sécurité sociale pose une question car ces revenus, selon elle, reviennent naturellement à l’État : c’est méconnaître que certains impôts et taxes affectés ont vocation à financer directement la sécurité sociale. Nous avons lutté de longues années pour qu’il en aille ainsi de l’ensemble des droits sur le tabac, ce qui est le cas aujourd’hui. L’article 3 du PLFSS pour 2013 clarifie également différentes recettes croisées entre l’État et la sécurité sociale. Il est légitime que le produit des taxes dites « comportementales » revienne à cette dernière. Il est tout aussi légitime que la branche famille, qui est partie intégrante de la sécurité sociale, reçoive des recettes fiscales sans que cela soulève pour autant la question de la budgétisation.

Pour en revenir aux dépenses, outre les facteurs qui vont dans le sens d’une modération structurelle, de nombreux travaux réalisés ces dernières années permettent d’envisager des économies. La concertation consécutive à la conférence sociale apportera un éclairage à ce sujet. Le complément de libre choix d’activité (CLCA) fait également l’objet d’une réflexion qui peut avoir un impact financier, selon que l’on envisage de le resserrer ou non, ou de le répartir davantage entre l’homme et la femme.

M. le coprésident Pierre Morange. Le resserrement de la période du congé parental moyennant une augmentation de la prestation est un thème ancien. Avez-vous élaboré des simulations économiques ?

M. Thomas Fatome. Nous avons effectué des travaux techniques sur les différents scénarios pour le Haut Conseil de la famille et nous les avons mis à jour. Nous les transmettrons volontiers à votre Mission, sachant que le Gouvernement a choisi de soumettre ce sujet à la concertation.

M. le coprésident Pierre Morange. Existe-t-il d’autres éléments concernant les dépenses ?

M. Thomas Fatome. À ce stade, il n’y a pas de décisions concernant des mesures d’économies. La branche famille délivre à la fois la prestation universelle des allocations familiales, des prestations de garde d’enfants, des prestations d’action sociale liées aux crèches. Beaucoup de leviers sont donc disponibles. Le Gouvernement fait de l’action en faveur des familles les plus vulnérables une priorité, comme le montre la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire. Il y a dès lors des arbitrages à faire en matière de redistribution verticale ou d’objectifs concernant la garde d’enfants.

Nous sommes néanmoins attentifs à un point : si la dépense publique en matière de politique familiale est assurément élevée par comparaison avec les autres pays européens, on ne saurait la déconnecter de performances très satisfaisantes en termes de démographie ou de taux d’activité des femmes. On ne peut avoir une vision seulement budgétaire des dépenses de la branche famille, il faut également considérer leur impact très fort sur la redistribution
– comme l’ont démontré les travaux de l’INSEE, notamment – mais aussi sur la démographie, donc sur croissance économique de notre pays.

M. le coprésident Pierre Morange. Quoi qu’il en soit, voyez-vous une hiérarchie dans les mesures d’économies éventuelles pour combler le déficit ?

M. Thomas Fatome. L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) a traité dans un travail récent un sujet que le rapport de la Cour des comptes ne développe pas et qui relève de la problématique de mise en cohérence des politiques de l’État et des politiques de la branche famille : la question des allocations logement et du partage financier entre l’État et la branche. L’IGAS estime à juste titre que le pilotage de ces dépenses n’est pas pleinement satisfaisant, ne serait-ce qu’en termes de travail administratif. C’est pourquoi, d’ailleurs, la CNAF s’emploie à affiner ses prévisions en coordination avec le ministère du logement.

Il me semble donc qu’une éventuelle mise à plat des domaines de rationalisation ne doit pas oublier le champ des prestations logement, où il existe des partages historiques entre le financement par l’État et le financement par la branche famille selon que les prestations correspondent à des allocations sans enfants ou avec enfants.

À l’heure actuelle, la direction de la sécurité sociale n’a pas de mandat politique pour avancer sur ce point auquel on ne pense pas toujours s’agissant de la branche famille mais pour lequel la question des relations et des financements croisés entre l’État et la sécurité sociale se pose. Ce pourrait être un thème des prochains travaux de la Cour des comptes.

M. le coprésident Pierre Morange. J’ai adressé récemment une question écrite à la ministre des affaires sociales et de la santé et au ministre délégué chargé du budget pour attirer leur attention sur le fait que le mécanisme permettant le croisement de tous les fichiers des organismes sociaux, désormais opérationnel, ne permet que le contrôle de l’éligibilité aux droits et n’est mis en œuvre qu’au cas par cas. Je réitère la demande que j’avais faite lors de la modification législative qui avait institué ce répertoire : il ne s’agit pas seulement de vérifier l’éligibilité aux droits, il s’agit aussi de vérifier les montants attribués. Sans la connaissance de ces montants, comment juger de la pertinence de l’attribution des moyens publics pour répondre aux objectifs sanitaires et sociaux ?

En outre, aucun croisement automatique n’a lieu avec les fichiers du fisc, alors que ce serait un des meilleurs moyens de lutte contre la fraude fiscale, évaluée entre 40 et 50 milliards d’euros.

Enfin, quand la sécurité sociale sera-t-elle capable d’échanger des informations avec les systèmes sociaux des collectivités territoriales ? Les compétences des régions, départements et communes en la matière aboutissent à une multitude d’actions. Il ne s’agit pas ici d’en contester la pertinence mais, lorsque chaque acteur ignore ce que font les autres acteurs, cela se traduit par une inefficience.

Vous mentionniez, par exemple, le partage des compétences en matière d’aides au logement. Sans interconnexion des données de la branche famille et des collectivités territoriales, on est condamné à l’échec compte tenu de l’effet de ciseaux que j’évoquais.

Certes, ce dispositif n’est pas la pierre philosophale. Mais il aurait au moins un effet démultiplicateur sur la bonne utilisation de l’énergie publique au service de nos concitoyens.

M. Thomas Fatome. Comme vous le savez, le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) au déploiement duquel nous travaillons a deux objectifs : vérifier que les personnes qui ont droit à des prestations y ont bien accès...

M. le coprésident Pierre Morange. ...et mettre en évidence les zones d’ombre : certaines zones de précarité sont scandaleusement ignorées de la République. Seul le croisement des données permettra de les identifier et d’apporter des réponses au lieu de faire, dans certains cas, de mauvaises attributions.

M. Thomas Fatome. Il y a en effet deux aspects : l’accès aux droits et la lutte contre la fraude. Le déploiement des outils se poursuit. C’est une entreprise qui nécessite un investissement important et qui a quelques années derrière elle.

M. le coprésident Pierre Morange. Je confirme ce dernier point : la disposition législative remonte à 2006 !

M. Thomas Fatome. Le répertoire existe et il fonctionne.

M. le coprésident Pierre Morange. Quand y intégrerez-vous les montants versés ?

M. Thomas Fatome. Ce point fait partie des travaux que nous avons engagés avec les caisses. Cela dit, dans la mesure où nous disposons la plupart du temps de l’information sur les droits de l’assuré et sur les prestations dont il bénéficie, nous pouvons en déduire automatiquement les montants.

M. le coprésident Pierre Morange. Pourtant, l’accès direct aux montants améliorerait grandement la lisibilité et la traçabilité des dossiers.

M. Thomas Fatome. Ce n’est pas totalement neutre.

M. le coprésident Pierre Morange. Je n’ai pas dit que c’était neutre. Sur le plan technique, néanmoins, la difficulté ne semble pas insurmontable.

M. Thomas Fatome. Aucune ne l’est.

M. le coprésident Pierre Morange. « Là où il y a une volonté, il y a un chemin. » Étant de nature tenace, je ne vous lâcherai pas ni sur la question des montants, ni sur l’articulation avec les collectivités territoriales, ni sur l’automaticité du croisement avec le fisc.

M. Thomas Fatome. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a validé ces mécanismes. Nous privilégions pour notre part des croisements ciblés avec les données fiscales, par exemple pour détecter des logements fictifs en recueillant les données du cadastre ou encore pour lutter contre le travail illégal.

Le partage des données avec les collectivités locales est pleinement justifié mais le débat dépasse les frontières de la sécurité sociale. La CNIL sera sans doute très vigilante.

M. le coprésident Pierre Morange. Je le sais d’autant mieux j’ai rapporté le projet de répertoire national commun de la protection sociale devant elle. Elle a validé le croisement des fichiers avec les collectivités dans la mesure où les personnels qui traitent ces informations sont habilités de façon nominale et où les règles de confidentialité sont strictement assurées.

J’insiste sur ce sujet car il existe des zones d’ombre en matière de politique familiale. Il est anormal que certaines familles monoparentales, faute d’information, ne puissent revendiquer leurs droits. Du fait de leur connaissance du terrain, les collectivités disposent de l’information. Si je souhaite que l’interconnexion se fasse, c’est pour que les idéaux de la République soient une réalité au quotidien.

Je vous remercie d’avoir bien voulu répondre à nos questions sur un sujet particulièrement mouvant, puisqu’il est au cœur des préoccupations de l’exécutif et du Parlement.

La séance est levée à onze heures quarante-cinq.