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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 14 février 2013

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Pierre Morange, coprésident

– Auditions, ouvertes à la presse, sur « les arrêts de travail et les indemnités journalières » :

– M. Cyril de Gasquet, vice-président de la Fédération française de services à la personne et de proximité (FEDESAP), Mme Marie Béatrice Levaux, présidente de la Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM), et M. Jean-Rémy Acar, directeur général, M. Olivier Péraldi, directeur général de la Fédération du service aux particuliers (FESP), et M. Guy Loudière, directeur de la formation

– M. Jean Debeaupuis, directeur général de l’offre de soins (DGOS) du ministère des affaires sociales et de la santé, et M. Éric Sanzalone, chef du bureau de l’organisation des relations sociales et des politiques sociales, M. Christophe Peyrel, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale à la direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l’intérieur, M. Jean-François Verdier, directeur général de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) du ministère de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, et M. Nicolas de Saussure, directeur des rémunérations, de la protection sociale et des conditions de travail

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 31 janvier 2013

La séance est ouverte à neuf heures dix.

(Présidence de M. Pierre Morange, coprésident de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition, ouverte à la presse, de M. Cyril de Gasquet, vice-président de la Fédération française de services à la personne et de proximité (FEDESAP), de Mme Marie Béatrice Levaux, présidente de la Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM), et M. Jean-Rémy Acar, directeur général, et de M. Olivier Péraldi, directeur général de la Fédération du service aux particuliers (FESP), et M. Guy Loudière, directeur de la formation.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012, nous avions abordé la question du régime des indemnités journalières et décidé d’introduire la notion de journée de carence pour les emplois publics, ce qui a provoqué une polémique. La MECSS a alors décidé de confier à la Cour des comptes une étude générale sur la question mal connue des indemnités journalières. La communication remise par la Cour a fait ressortir des dépenses dynamiques et mal maîtrisées, comportant d’importantes zones d’ombre, notamment le coût réellement supporté par les employeurs, difficile à évaluer.

Selon la Cour, 20 % à 30 % de la population active ne serait pas couverte par les indemnités journalières car elles travaillent un nombre d’heures qui est inférieur à celui requis pour y avoir droit. Ce serait notamment le cas des salariés employés à domicile.

Le type de travail représenté par vos organisations est un peu particulier. Nous sommes donc intéressés par votre analyse du système des indemnités journalières dans le prolongement du questionnaire que nous vous avons envoyé.

M. Cyril de Gasquet, vice-président de la Fédération française des services à la personne et de proximité (FEDESAP). Nous éprouvons beaucoup de difficultés à rassembler des chiffres permettant de répondre à vos interrogations. Selon ceux fournis par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère chargé du travail, globalisant tous les services à domicile, y compris les services de soins, notre secteur apparaît comme relativement sinistré en matière d’arrêts de travail et d’accidentologie, derrière le BTP.

Nos intervenants à domicile sont confrontés à trois problèmes principaux : l’insalubrité des locaux où ils travaillent, la fragilité des personnes qu’ils aident, parfois en fin de vie, et la pénibilité de leurs tâches, qui exigent souvent des efforts physiques.

Nous connaissons évidemment mal les lieux concernés, malgré les visites préalables que nous effectuons, et ne pouvons guère évaluer leur degré de dangerosité.

La durée moyenne d’un arrêt de travail lié à un accident du travail est de 49 jours et de 56 jours s’il est consécutif à un accident de trajet.

Le coût moyen d’un accident du travail s’élève à environ 19 000 euros et celui d’un accident de trajet à 23 000 euros.

Mme la rapporteure. Mais vous ne connaissez pas le coût global…

M. Cyril de Gasquet. Non. Et personne, apparemment, ne le connaît.

Nous avons identifié trois profils de risque de maladie professionnelle : les affections liées aux mouvements répétitifs, qui concernent surtout les interventions auprès de personnes handicapées ou très âgées, celles liées au port de charges, provoquant des phénomènes d’usure professionnelle, enfin celles dues aux transmissions cutanées, principalement dans le cas de soins infirmiers et d’hospitalisation à domicile (HAD).

Mme la rapporteure. Notre intérêt pour la question des indemnités journalières ne porte pas seulement sur les conséquences des accidents de travail. Nous voudrions savoir comment vous les appréhendez d’une façon générale, si vous êtes confrontés à des abus en la matière, comment s’opèrent les contrôles…

M. le président Pierre Morange. Et les questions de formation professionnelle feront l’objet d’une mission spécifique du comité d’évaluation et de contrôle dont je serai l’un des deux rapporteurs…

M. Cyril de Gasquet. Nos adhérents sont le plus souvent de toutes petites entreprises, souvent récentes, qui ne font pas facilement remonter l’information.

Toujours selon la DARES, on observe, de 2006 à 2011, une légère progression des accidents de travail dans le secteur des interventions à domicile, toutes catégories de prestations confondues. Mais je ne dispose d’aucun chiffre précis.

M. le président Pierre Morange. L’augmentation, que vous évoquez, de l’accidentologie, se comprend-t-elle en valeur absolue ou en tenant compte de l’accroissement des effectifs employés ? On sait, par exemple, que la HAD a pris beaucoup d’ampleur au cours des dernières années.

M. Cyril de Gasquet. Il s’agit d’une progression en pourcentage, des accidents comme des arrêts de travail. Mais aucune statistique ne permet d’en connaître les causes.

Mme la rapporteure. Quelle est la moyenne d’âge de vos salariés ?

M. Cyril de Gasquet. 45 ans.

M. le président Pierre Morange. Et la proportion de travail à temps partiel ? Il doit exister une relation entre, d’une part, la proximité de l’emploi, sa nature, sa précarité et ses horaires et, d’autre part, les accidents de travail.

M. Cyril de Gasquet. Beaucoup de nos salariés ont plusieurs employeurs. Nous maîtrisons donc mal le nombre d’heures de travail effectuées au total, même si nous sommes bien sûr très attentifs au respect de la réglementation. En outre, la fatigue du salarié à domicile n’avantage personne.

Mme la rapporteure. Mais vous n’en savez pas plus sur la durée de travail, ne serait-ce que la ventilation par tranches de la durée légale…

M. Cyril de Gasquet. Nos salariés sont dits « multi-employeurs » pour environ 70 % d’entre eux. Ce qui peut signifier travailler aussi bien pour un particulier, une entreprise ou une association.

M. le président Pierre Morange. Quelle est la proportion d’arrêts de travail en fonction de cette typologie ? Le fait d’avoir plusieurs employeurs présente-t-il des incidences dans ce domaine ?

M. Cyril de Gasquet. Aucune statistique n’existe.

M. Olivier Péraldi, directeur général de la Fédération du service aux particuliers (FESP). Dans notre secteur professionnel, les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE) sont généralement de création récente et nombreuses, environ 20 000. Selon l’Agence nationale des services à la personne (ANSP), en 2012, 64 % d’entre elles avaient moins de cinq ans d’existence et 50 % moins de trois ans. En outre, 67 % comptaient moins de 10 salariés en équivalent temps plein et 5 % seulement plus de 50 salariés.

La majorité des salariés sont jeunes et multi-employeurs. Leur moyenne d’âge est de 46 ans dans le secteur mais de 35 ans dans nos entreprises ; 35 % exercent au moins deux activités, dont 15 % dans un autre secteur ; 28 % cumulent un emploi direct et un emploi dépendant d’une structure.

Nous manquons d’informations agrégées concernant les arrêts de travail et nous ne pouvons obtenir qu’assez peu d’informations de la part de nos adhérents.

Parmi les arrêts de travail inférieurs à six mois, 9 sur 10 résultent de maladies non professionnelles, 7 % d’accidents du travail, 1,2 % de maladies professionnelles et 0,3 % d’accidents de trajet.

Mais il est très difficile d’approfondir ces données, dont beaucoup relèvent du secret médical et ne sont pas transmises à l’IRCEM, le groupe de protection sociale des emplois de la famille et des services à la personne. Il nous est donc difficile de savoir ce que recouvre cette notion de maladie non professionnelle.

Mme la rapporteure. Or c’est là le cœur du sujet…

Nous avons besoin de connaître la durée des arrêts de travail et la fréquence des contrôles pour parvenir à analyser les comportements par rapport à la maladie et à la protection sociale.

M. Olivier Péraldi. Nous souhaiterions, nous aussi, disposer d’outils d’information efficaces.

Mme la rapporteure. Plusieurs catégories d’acteurs sont concernées : les employés, les entreprises, les médecins, les personnes servies, les caisses de sécurité sociale…

Il est surprenant que les employeurs ignorent à ce point un phénomène qui grève leurs coûts d’exploitation. Il semble que toutes les parties attendent que les informations soient fournies de l’extérieur.

M. Olivier Péraldi. Ce n’est pas tout à fait vrai : nous avons signé une convention collective prévoyant des discussions paritaires en vue d’améliorer la remontée d’informations et de mieux organiser les contrôles.

Mme la rapporteure. Comment se répartissent les arrêts de travail en fonction de leur durée de plus ou de moins de six mois ?

M. Olivier Péraldi. Nous ne savons pas.

M. le président Pierre Morange. Avez-vous plus spécialement étudié les problèmes relatifs à la HAD, qui dispose d’une fédération nationale, laquelle a, nécessairement, porté quelques diagnostics ou procédé à quelques analyses sur un secteur dont la spécificité médicale et médico-sociale appelle une naturelle articulation avec l’assurance maladie ? Dans ces conditions, le principe du secret médical s’apprécie aussi en fonction des stratégies des assureurs et des gestionnaires de risques. C’est bien pourquoi des protocoles de suivi ont été définis dans certaines régions, dont le Pays Basque. On est allé dans cette région jusqu’à examiner les liens entre travail et saisons, afin de prendre en compte des facteurs aussi exogènes à notre problématique récurrente que les tournois de rugby. Ce qui a conduit les caisses primaires d’assurance maladie compétentes à adopter une méthode de travail très affinée permettant d’aborder le caractère économico-social des arrêts de travail à l’aune de l’insertion statistique des modes de vie régionaux et, partant, de distiller une pédagogie innovante propre à rationaliser le recours à ces arrêts. On pourrait imaginer, par une démarche parallèle et par des structures organisées de façon similaire, sinon analogues, selon une coordination obligatoirement concertée avec l’assurance maladie, de bâtir des référentiels d’exploration répondant aussi bien aux intérêts à agir des parties prenantes qu’à la naturelle, et indispensable osmose avec le secteur assurantiel afférent. Qu’en pensez-vous ?

M. Olivier Péraldi. Les exemples que vous avez cités sont certainement très utiles mais nous n’en avons pas connaissance.

Notre approche consiste à mettre en place une articulation permettant, à la fois, de protéger les données personnelles et d’adapter nos stratégies d’entreprise aux questions que soulève la relation entre santé et travail avec, en perspective, tout l’équilibre économique d’un système.

M. le président Pierre Morange. Il faut, pour cela, développer, au plan national, un outil informatique dont l’approche multicritères permettra de satisfaire cet objectif.

M. Olivier Péraldi. J’aurais aimé m’étendre brièvement sur nos perspectives de prévention, justement propres à traiter une partie du problème des arrêts de travail.

Nous avons demandé à l’IRCEM, avec un panel de plus de 3 000 entreprises, d’analyser le volume des arrêts de travail enregistrés par type de structures d’emploi et, surtout, en fonction de leur évolution dans le temps.

Nous avons ainsi constaté une stabilisation du nombre d’arrêts de travail avec une tendance à sa diminution pour passer, en trois ans, de 2008 à 2011, de 57 % à 11 %. Le taux était de 23 % en 2010. Les actions de prévention, de formation et de sensibilisation des entreprises au problème de la santé au travail nous semblent essentielles.

Alors que le nombre de salariés du secteur est passé de 46 000 à 126 000 personnes en quatre ans, nous observons, à partir de 2010, une inversion du taux d’évolution du nombre d’arrêts de travail par rapport à celui des salariés qui avait augmenté au cours des trois années précédentes, et qui est descendu à 7,09 %. C’est évidemment un élément positif qui conforte nos orientations. Nous n’en tirons pas pour autant de conclusions hâtives mais allons poursuivre et affiner l’examen de la question.

La FESP est pilote d’un programme national, jusque-là porté par l’ANSP, pour le développement de la formation en alternance.

Mme la rapporteure. Dans le document que vous nous avez remis, vous demandez, afin de renforcer la protection du salarié, une « ouverture de l’accès aux indemnités journalières » et donc la « suppression de la condition de nombre minimal d’heures travaillées ».

Confirmez-vous le taux de 20 % à 30 % de salariés non couverts par le régime des indemnités journalières ?

M. Olivier Péraldi. Nous ne confirmons ni n’infirmons ce chiffre, fourni par la Cour des comptes. Mais il nous paraît plausible. C’est bien pourquoi notre convention collective, en attente d’extension, a supprimé la condition du nombre d’heures…

Mme la rapporteure. Alors, ce sont les entreprises qui vont payer…

M. Olivier Péraldi. Eh bien… oui…

Mme la rapporteure. Alors que vous ignorez la structure des charges correspondantes ! Ne vous engagez-vous pas à l’aveugle, pour des montants de dépenses collectives qui pourraient s’avérer conséquents ?

M. Olivier Péraldi. Nous pensons simplement qu’il faut progresser sur ce point, qui est important pour la structuration de notre métier et, tout simplement, pour la santé de nos salariés comme de nos entreprises et de notre image.

Mme la rapporteure. Connaissez-vous le nombre de salariés qui se situent en dessous du nombre minimal de 200 heures travaillées par trimestre, ou du moins leur proportion ?

M. Olivier Péraldi. Non.

M. le président Pierre Morange. Vous préconisez donc un saut dans l’inconnu ! On peut certes comprendre la qualité de la démarche, qui s’inscrit dans un parcours de sécurisation professionnelle des salariés. Mais comment ignorer par avance ses conséquences financières ?

M. Olivier Péraldi. Attention : nous proposons de substituer, en faveur d’une incidence sociale positive, une condition à une autre, non de supprimer purement et simplement la première. La nouvelle condition consiste à justifier d’une ancienneté de six mois dans la branche au cours des dix-huit derniers mois. Cela nous semble beaucoup mieux adapté aux réalités de nos métiers, de nos salariés…

Mme la rapporteure. Six mois, c’est assez peu !

M. Olivier Péraldi. À ceci près qu’on ne parle plus d’ancienneté dans l’entreprise mais dans la branche, ce qui traduit une vision réaliste de notre secteur avec un grand nombre de salariés multi-employeurs et à temps partiel.

M. Guy Loudière, directeur de la formation de la FESP. Nous nous inscrivons dans une démarche citoyenne puisque nous créons des référentiels et qu’ainsi nous sensibilisons les jeunes, par exemple aux gestes dits éco-sûrs. Notre fédération a déjà formé 15 000 personnes dans ce domaine.

Mme la rapporteure. De combien, diminuez-vous, par vos actions de formation, les risques d’arrêts maladie ?

M. Guy Loudière. Nous avons répondu à une demande de nos entreprises concernant les arrêts de travail et, liées à eux, les techniques de manutention.

Une étude réalisée dans deux entreprises comptant chacune une centaine de salariés a fait apparaître un taux d’arrêts de travail de longue durée entre 12 % et 13 %.

Nous avons ensuite mis en place un programme de formation spécifique. L’année suivante, le taux descendait à 7 %.

M. le président Pierre Morange. Un programme de formation interne ?

M. Guy Loudière. Non, réalisé par des prestataires extérieurs et titulaires des normes correspondantes.

J’insiste : former et informer le salarié diminue le nombre et la durée des arrêts de travail. Nous nous sommes aperçus que, contrairement à ce que nous croyions a priori, l’impact des déplacements était assez faible et qu’il fallait plutôt se concentrer sur les gestes-postures.

M. Cyril de Gasquet. Nos adhérents consacrent environ 45 % de leur formation à la sécurité et à la santé au travail.

Mme Marie-Béatrice Levaux, présidente de la Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM). Notre secteur professionnel comprend deux branches : celle des assistantes maternelles et celle des salariés employés par des particuliers, d’où l’existence de deux accords collectifs, de deux accords de protection sociale et de prévoyance, le premier signé en 1999 et le deuxième en 2005, de deux accords de formation professionnelle, et la mise en place actuelle d’un accord interbranches relatif à la santé au travail.

On comptait en 2007, 303 663 assistantes maternelles, 9 406 arrêts maladie, soit 3,1 % de la population concernée mais sans savoir si le même salarié s’est, ou non, arrêté plusieurs fois dans l’année. En 2011, le nombre d’assistantes est passé à 339 139 et on dénombrait 16 571 arrêts, soit 4,9 %.

En 2007, le nombre de salariés employés par des particuliers s’élevait à 1 321 850. Il atteignait 1 339 093 en 2011. Les arrêts maladie, en 2007, touchaient 19 237 personnes, soit 1,5 % de l’effectif total. Ils étaient de 28 042 en 2011, soit 2,1 % des salariés.

Quels sont donc les principaux déterminants de ces évolutions ?

L’estimation de la durée moyenne des arrêts tient compte d’un délai de carence de droit commun de sept jours. L’accord de protection sociale et de prévoyance de 1999 prévoyait initialement un délai de onze jours mais il a été ramené à sept jours après négociation. Il est de la même durée pour les assistantes maternelles et traduit une position très ferme des employeurs.

Nous avons mis en place une « table d’expérience » spécifique en liaison avec l’IRCEM afin de calculer, pour les salariés employés par des particuliers, des provisions pour incapacité. La durée des arrêts de travail est, dans notre secteur professionnel, de 8 % inférieure à celle constatée pour l’ensemble des salariés en France.

Nous ne disposons pas encore d’une table comparable pour les assistantes maternelles mais nous savons que la durée moyenne de leur arrêt de travail n’est pas supérieure à celle des salariés.

Nos salariés ont, en moyenne, 2,3 employeurs. Pour beaucoup d’entre eux l’emploi dans notre secteur constitue une variable d’ajustement et relève du temps partiel, y compris pour des fonctionnaires de catégorie C qui, par exemple, jardinent chez leurs voisins, ou pour des employés de la grande distribution, de l’hôtellerie, qui effectuent un autre travail sur un territoire très restreint.

La progression du nombre d’arrêts de travail déclarés se relie, en partie, à l’impact des campagnes d’information et à la simplification des déclarations à la sécurité sociale selon le formulaire du centre d’enregistrement et de révision des formulaires administratifs (CERFA).

L’information est ce qui manque le plus dans un secteur qui compte pourtant, employeurs et salariés confondus, 5 millions de personnes. Notre accord de prévoyance comporte des garanties de prise en charge spécifiques puisqu’il tient compte de la pluralité des employeurs et du temps partiel. Il offre donc aux salariés une protection supérieure à celle de l’assurance maladie et du droit commun. Or, très souvent, les intéressés, employeurs comme salariés, ignorent leurs droits. Nous avons donc, depuis 2000, lancé d’importantes campagnes de communication, notamment au moyen d’un bus itinérant parcourant une quarantaine de villes par an, afin d’exposer quels sont les enjeux de la retraite et de la couverture sociale de la maladie et des accidents du travail. Aussi bien l’augmentation du nombre d’arrêts de travail déclarés résulte-t-elle moins de l’accroissement de la sinistralité que de la prise de conscience du droit et des procédures de déclaration.

Mais on ne connaît pas de façon assez fine les causes des arrêts de travail. On sait seulement que les accidents de travail sont, dans notre secteur, supérieurs de 5 % à ceux de la moyenne nationale et se relient aux accidents domestiques. C’est pourquoi les statistiques de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) peuvent introduire une certaine confusion entre les deux phénomènes. Jusqu’à une période récente, notre secteur était réputé comme supportant la plus grande mortalité par accident.

Nous travaillons à la prise de conscience d’un certain nombre de risques, notamment celui du cancer du sein chez les assistantes maternelles – 98 % étant des femmes – dont le taux est nettement supérieur à celui de la moyenne nationale.

Mme la rapporteure. Est-ce un problème de dépistage ?

Mme Marie-Béatrice Levaux. Non. Pour les assistantes maternelles, le problème serait plutôt dû à la rupture répétée de la relation affective à l’enfant. Des études sont en cours sur ce que nous appelons « les maladies redoutées ». Il faut donc encore rester prudent.

M. le président Pierre Morange. S’agit-il seulement de pathologie mammaire ou plus généralement génitale ?

Mme Marie-Béatrice Levaux. Je ne parle que des cancers du sein déclarés. L’accord de prévoyance de 2005 intégrait déjà cette donnée…

M. le président Pierre Morange. On suspecte donc des pathologies à forte composante psychique originelle, mais qui pourraient être multi-sites, c’est-à-dire également utérines ou ovariennes…

Mme Marie-Béatrice Levaux. Il ne s’agit que des cancers du sein.

Nos accords de prévoyance intègrent aussi les troubles musculo-squelettiques (TMS) auxquels nous consacrons des campagnes de prévention et de sensibilisation.

Les caisses de prévoyance tiennent mieux compte, dans leurs statistiques, des spécificités de notre secteur que les caisses primaires de l’assurance maladie.

J’insiste sur ce point : si 30 % de la population salariée n’accède pas aux indemnités journalières, ce n’est pas faute de dispositif, celui-ci existant chez nous depuis 1999, mais par manque d’information des intéressés et de simplification des procédures de déclaration. Nos campagnes de sensibilisation l’ont démontré.

Mme la rapporteure. La Cour des comptes visait plutôt les personnes non éligibles, notamment en raison d’un nombre d’heures travaillées inférieur au minimum obligatoire. Ne s’agit-il donc pas de personnes effectuant simplement, de-ci de-là, quelques heures de ménage ou de jardinage et donc relevant spécifiquement de votre secteur ?

Mme Marie-Béatrice Levaux. En pratique, la question est de savoir si une personne effectuant un petit temps partiel dans le secteur du ménage va prendre la peine de se déclarer ou si son employeur effectuera une déclaration. Notre accord de prévoyance, je le répète, couvre ces cas et prend en compte des particularités dues à l’étalement du temps de travail. Mais demeure le problème de la simplification administrative, le formulaire CERFA ne présentant aucune spécificité adaptée à notre secteur. C’est pourquoi les déclarations correspondantes sont souvent mal remplies, incomplètes ou même abandonnées. De sorte que le petit nombre d’horaires travaillés, complémentaires à un autre travail, est parfois mis de côté et qu’il est également difficile de fournir les statistiques que vous demandez.

En revanche, nous avons obtenu de Pôle emploi un formulaire dématérialisé adapté aux cas de chômage.

Une personne travaillant pour plusieurs employeurs les différencie souvent par rapport à ses activités principales et activités complémentaires, et n’effectue ses déclarations d’arrêt de travail qu’au titre de son activité principale, qui peut se trouver hors du champ de notre secteur.

Mme la rapporteure. Par exemple, une salariée multi-employeurs qui tombe malade touche des indemnités journalières par le biais de l’entreprise qui l’emploie mais non du particulier chez qui elle travaille…

Mme Marie-Béatrice Levaux. En droit, cette personne peut cumuler les indemnités journalières qui lui sont dues par ses différents employeurs mais, en pratique, elle ne va pas forcément le demander ni solliciter son employeur complémentaire.

De nombreuses femmes qui, par exemple, travaillent comme caissières dans la grande distribution, exercent des activités complémentaires auprès de particuliers. On relève aussi 20 % de personnes cumulant une retraite et un emploi domestique à temps partiel, souvent auprès de personnes très âgées, de « grands aînés ». Ces employés ne déclarent pas nécessairement leurs arrêts maladie.

Plusieurs phénomènes se conjuguent dans notre secteur. La prévention et la formation professionnelle se développent. La « bien-traitance » des personnes est de mieux en mieux prise en compte. L’effort de communication et d’information doit être constant, enfin la simplification des procédures de déclaration doit être améliorée.

Mme la rapporteure. Relève-t-on des abus dans le recours aux arrêts maladie et aux indemnités journalières ? Comment s’opèrent les contrôles ?

Mme Marie-Béatrice Levaux. Rien n’interdit à un particulier employeur de demander une contre-visite. Mais cela se pratique très peu.

Les assistantes maternelles ont une culture collective de leur responsabilité à l’égard des enfants. Elles ne s’arrêtent donc pas facilement de travailler.

Enfin, si la subrogation de l’employeur est courante dans les entreprises, il en va différemment chez les particuliers employeurs, qui préfèrent se reposer sur la caisse primaire ou, au contraire, « s’arranger » avec le salarié, notamment pour les arrêts de moins de sept jours. Nous voyons même des cas où l’employeur verse, sur ses propres deniers, une prestation complémentaire à son salarié. Il existe là un espace de solidarité entre personnes vivant en bonne intelligence.

Il a été envisagé de réduire à cinq jours le délai de carence. La question reste à l’étude pour en mesurer les incidences financières prévisibles.

M. le président Pierre Morange. Nous vous remercions.

La MECSS procède ensuite à l’audition, ouverte à la presse, de M. Jean Debeaupuis, directeur général de l’offre de soins (DGOS) du ministère des affaires sociales et de la santé, et M. Éric Sanzalone, chef du bureau de l’organisation des relations sociales et des politiques sociales, de M. Christophe Peyrel, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale à la direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l’intérieur, et de M. Jean-François Verdier, directeur général de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) du ministère de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, et M. Nicolas de Saussure, directeur des rémunérations, de la protection sociale et des conditions de travail.

M. le président Pierre Morange. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue à l’Assemblée nationale. Nous souhaiterions avoir votre sentiment sur le contrôle, par l’assurance maladie, des arrêts maladie des fonctionnaires d’État, territoriaux et hospitaliers, notamment à la suite du rapport d’évaluation relatif à l’expérimentation de ce contrôle, qui a été remis au Parlement en octobre 2011.

M. Jean Debeaupuis, directeur général de l’offre de soins (DGOS) du ministère des affaires sociales et de la santé. Comme vous le savez, les règles relatives aux arrêts maladie sont communes aux trois branches de la fonction publique.

Les remontées de données sociales dans la fonction publique hospitalière, très décentralisée, font l’objet de travaux méthodologiques et d’enrichissements réguliers. Selon les dernières données publiées par l’Agence technique de l’information hospitalière (ATIH), le taux d’absentéisme du personnel non médical, pour motifs médicaux et maternité, est de l’ordre de 6,2 %. Il est à peu près stable pour l’année 2011, avec une répartition différenciée selon les catégories professionnelles, A, B et C, en fonction des caractéristiques propres à la fonction publique hospitalière.

Nous poursuivons et nous enrichissons, avec la DGAFP et la DGCL, les comparaisons entre les trois fonctions publiques, bien que nos systèmes d’information ne rendent pas ces comparaisons totalement évidentes.

M. le coprésident Pierre Morange. Le taux d’absentéisme de 6,2 % se réfère au personnel non médical. Quel est celui du personnel médical ?

M. Jean Debeaupuis. Un peu moins de 3 % pour les personnels médicaux hors internes, et de l’ordre de 2 %, pour les internes.

L’expérimentation sur les contrôles des arrêts maladie par les médecins conseils des services médicaux de l’assurance maladie a mis du temps à se mettre en œuvre et ses résultats sont pour l’instant mitigés en raison de la complexité des outils de saisie pour transmettre les informations entre les établissements de santé et l’assurance maladie.

Pour autant, si je me réfère aux données de 2012, un peu plus de 15 000 arrêts de travail, ont été saisis par 12 établissements de santé – pour 7 600 fonctionnaires. Sur les 1 000 arrêts contrôlés, 50 environ ont donné lieu à des suites à savoir des constats d’absence à une convocation ou une intervention des médecins conseils.

Au-delà de la complexité que j’ai soulignée, cette expérimentation a manifestement des vertus pédagogiques. Le dispositif de suivi et d’évaluation permettra de juger, à terme, de la pertinence de sa généralisation. Mais nous avons encore besoin de travailler à cette expérimentation, et notamment à la mise en place de liaisons informatiques avec les caisses.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous sommes frappés par la faiblesse de l’effectif testé et le petit nombre des établissements concernés. Comme le soulignait le rapport d’évaluation de cette expérimentation, sa mise en place fut laborieuse. D’ailleurs, il a été proposé de la proroger d’environ deux ans. Mais quand pensez-vous atteindre un régime de croisière, et quand pensez-vous avoir une connaissance à peu près exhaustive de la situation ?

M. Jean Debeaupuis. Nous poursuivons notre travail de pédagogie et de déploiement de cette expérimentation.

Je tiens à ajouter que les établissements utilisent depuis longtemps la possibilité qui leur est offerte de recourir aux médecins agréés de la sécurité sociale, seuls habilités à contrôler les fonctionnaires, qui apportent à peu près les mêmes avantages, en termes de contrôles et de contre-visites effectués auprès des agents. Cela peut d’ailleurs expliquer le démarrage assez lent de cette expérimentation dans notre fonction publique hospitalière. Pour autant, nous incitons les établissements à utiliser plus largement les possibilités mises en place avec l’assurance maladie.

M. le coprésident Pierre Morange. L’incitation sera-t-elle suffisante, selon vous, pour permettre de généraliser cette expérimentation ? Comptez-vous prendre des dispositions plus contraignantes ?

M. Jean Debeaupuis. Nous nous inscrivons dans un dispositif qui intéresse les trois fonctions publiques et, selon moi, il ne faut pas négliger l’aspect pédagogique de la question.

Je pense que le chantier s’étalera au moins sur 1 ou 2 années. Nous attendons en tout cas à une montée en puissance significative.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous nous avez expliqué que l’absentéisme passait de 3 % à 6 % en fonction du personnel concerné. Mais j’imagine que plusieurs paramètres expliquent une telle différence.

M. Jean Debeaupuis. Ces données sont bien connues et tout à fait stables. J’ai évoqué tout à l’heure la différenciation entre les catégories A, B et C. On retrouve à peu près le même gradient entre les catégories les moins qualifiées, les plus exposées aux risques, qu’ils soient physiques ou psychosociaux, et la catégorie A, qui regroupe des professions plus qualifiées comme les professions médicales et les infirmières. Pour des raisons culturelles, le taux d’absentéisme du personnel médical est nettement plus faible que celui du personnel non médical.

Je voudrais par ailleurs insister sur l’instruction, prise par la DGOS et la direction générale de la cohésion sociale, le 9 février 2012, qui concerne les établissements médicosociaux. Celle-ci rappelle les sanctions que peuvent prendre les établissements en cas d’arrêts de travail injustifiés : interruption de rémunération, déclenchement d’une procédure d’abandon de poste. Ces procédures, bien qu’exceptionnelles, sont juridiquement encadrées. Dans le cadre de l’expérimentation du contrôle des arrêts maladies par les services médicaux, ce système de mise en demeure et de sanctions est prévu, même si on peut regretter qu’il soit peu appliqué.

M. le coprésident Pierre Morange. Pourriez-vous être plus précis ?

M. Jean Debeaupuis. Comme vous l’avez vous-même remarqué et comme cela apparaît dans le rapport d’évaluation précité, nous n’en sommes qu’au début de l’expérimentation.

M. le coprésident Pierre Morange. Les problèmes relevés par ce rapport étaient liés au dépassement des délais d’envoi des arrêts, qui s’opposait à l’instruction des dossiers, et à l’insuffisance de certaines informations administratives, comme les adresses ou les données d’état civil. On est en droit de s’étonner que les administrations centrales ne maîtrisent pas de telles questions. Qu’en est-il donc la fonction publique hospitalière ?

M. Jean Debeaupuis. Les personnels sont soumis à des roulements fréquents, soit sur la semaine, soit sur le week-end, parfois avec une alternance jour/nuit. Au-delà des caractéristiques socioprofessionnelles et propres à la fonction publique hospitalière, les arrêts de courte durée sont nombreux. Or ceux-ci sont moins facilement contrôlables. Classiquement, les procédures engagées par les médecins conseils ou les médecins agréés concernent en effet les arrêts longs, sur lesquels les établissements ont renforcé leur action.

J’ajoute qu’avec l’Agence nationale d’appui à la performance (ANAP), nous avons mené une action de gestion/développement des ressources humaines et de gestion du présentéisme, qui porte sur un échantillon significatif d’établissements. Les enseignements tirés de cette action sont pris en compte dans les établissements.

M. le coprésident Pierre Morange. La comptabilité analytique hospitalière
– notamment le modèle de la base d’Angers – pourrait intégrer cette dimension.

Je m’étonne par ailleurs du fait que le taux d’absentéisme de la filière technique et administrative – 6 % – soit le double de celui de la filière médicale – 3 %. On aurait pu imaginer que ce soit l’inverse, dans la mesure où le personnel médical est exposé à des risques bien spécifiques : infections, stress, traumatismes, etc. Avez-vous fait une analyse un peu plus fine des déterminants qui aboutissent à ces chiffres ?

M. Jean Debeaupuis. Oui. Les facteurs qui conduisent à cette situation sont assez connus.

Vous pointez un élément très spécifique, qui est pris en compte depuis de nombreuses années dans les établissements : la prévention et le suivi du risque infectieux. Or, grâce aux mesures de prévention déployées depuis les années 1980, les problèmes infectieux sont devenus exceptionnels, tant pour les personnels médicaux que non médicaux. En revanche, les risques physiques, les risques musculo-squelettiques liés au port de charges, à la manipulation des patients ou à diverses postures (marche, station debout, etc.) et les risques psychosociaux pèsent davantage sur les personnels moins qualifiés, que sont les agents des services hospitaliers ou les aides-soignants, que sur les infirmières et, a fortiori, sur les médecins.

L’approche du risque au travail est très spécifique pour le corps médical, mais il est difficile de dire qu’il est plus exposé que le personnel paramédical avec lequel il travaille.

Mme la rapporteure. Dans le « personnel non médical », vous n’incluez pas que les administratifs ?

M. Jean Debeaupuis. Dans le personnel non médical, il y a 70 % de personnel soignant. Et par « personnel médical », je vise les médecins.

Mme la rapporteure. Il est noté dans le rapport d’évaluation que le contrôle des arrêts de travail de moins de 15 jours a été mis de côté d’emblée. Cela signifierait-il que l’on a besoin de 15 jours pour organiser un contrôle ? Cela paraît énorme ! Il serait utile de réfléchir au moyen d’améliorer l’efficacité des procédures.

Par ailleurs, l’année dernière, une journée de carence a été introduite dans le paiement des indemnités journalières. Depuis, selon la Fédération hospitalière de France (FHF), le nombre d’arrêts maladie aurait diminué de 20 %. Qu’en pensez-vous ?

M. Jean Debeaupuis. Il y a 50 % d’arrêts maladie courts, d’une journée. Or, si les arrêts sont inférieurs à 5 jours, les délais d’intervention font que le contrôle sera peu efficace.

Mme la rapporteure. Le rapport sur le bilan de l’expérimentation fait état de « 15 jours ». Je le cite : « Pour des raisons techniques, les arrêts de moins de 15 jours ont été exclus du contrôle. En effet, compte tenu du circuit de transmission des arrêts des fonctionnaires à leur administration, puis des administrations à la caisse primaire compétente, les arrêts de moins de 15 jours auraient été échus avant de pouvoir faire l’objet d’un contrôle. ».

M. le coprésident Pierre Morange. Êtes-vous sur une logique de 5 jours ou de 15 jours ? Est-ce une erreur de typographie ?

M. Jean Debeaupuis. Je vous propose de vérifier. Ce seuil de 15 jours nous paraît très élevé. En dessous de 5 jours, on comprend bien les raisons pour lesquelles il est difficile d’intervenir. Mais au-delà, il est possible d’exercer les contrôles déjà évoqués.

Sur l’effet du jour de carence, les données dont nous disposons actuellement sont encore très provisoires : elles ne portent que sur un échantillon et sur le premier semestre 2012. Elles seront complétées dans les mois qui viennent.

Dans la fonction publique hospitalière, nous avons constaté un effet mécanique lié au non-paiement du jour de carence, modeste mais significatif en proportion de la masse salariale concernée – 0,2 % de celle-ci.

L’impact qualitatif de l’introduction du jour de carence est beaucoup plus délicat à apprécier. Nous menons et nous vérifions, conjointement avec la FHF, des enquêtes complémentaires pour mieux estimer celui-ci. Nous avons constaté sur le premier semestre 2012 une baisse modeste du taux d’absentéisme dans les établissements, mais il est difficile pour l’instant de la corréler strictement à l’application du jour de carence. En effet, la gestion des ressources humaines peut avoir de nombreux effets. Par exemple, en 2012, la sortie des écoles d’infirmières a été avancée au mois de juillet, dans le cadre de la réforme des formations d’infirmières. Ce processus, plus éventuellement d’autres actions portant sur les différentes composantes de l’absentéisme, ne permettent pas pour l’instant de tirer de conclusions définitives.

Je serais néanmoins tenté de parler d’une modération du taux d’absentéisme dans l’échantillon observé, ce que nous allons essayer de confirmer dans une enquête qui portera sur l’ensemble de l’année 2012 et sera répétée dans le temps.

Mme la rapporteure. Cette évolution modérée est de quel ordre ?

M. Jean Debeaupuis. Une baisse de l’ordre de 0,2 ou 0,3 % du taux d’absentéisme.

M. le coprésident Pierre Morange. J’ai dénoncé tout à l’heure l’insuffisante information dont dispose l’administration en matière d’état-civil, de déclarations, etc. C’est le cas de la fonction publique d’État. La fonction publique hospitalière rencontre-t-elle le même problème ?

Par ailleurs, avez-vous établi une ventilation un peu plus fine de l’absentéisme, en fonction de la taille des établissements de soins ?

M. Jean Debeaupuis. Oui, et les données 2010 de l’ATIH le confirment : la taille et la catégorie d’établissements ont un effet sur l’absentéisme.

Je vais vous donner la durée moyenne des arrêts maladie dans les établissements de santé publics – sachant que dans les établissements à but non lucratif, le taux d’absentéisme est plutôt plus élevé – tous motifs médicaux et non médicaux confondus, y compris la formation.

L’absentéisme des établissements publics est de 6,2 %, comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, auxquels il faut rajouter 1,1 % d’absentéisme pour formation ou autre motif. Sur la moyenne des établissements repérés en 2010, il est donc de 7,3 %.

Dans les établissements privés, il est un peu plus élevé, puisqu’il est en moyenne de 8,2 %.

Revenons sur l’effet que la taille des établissements de santé publics peut avoir sur l’absentéisme. Dans les plus importants, les centres hospitaliers régionaux (CHR) et les centres hospitaliers universitaires (CHU), le taux d’absentéisme est de 7,3 % – 7,4 %. Dans les gros centres hospitaliers, il est de 7 % et, dans les centres hospitaliers intermédiaires, de 6 %. Dans les plus petits établissements, l’absentéisme remonte : dans les centres hospitaliers dont le budget est inférieur à 20 millions d’euros et les anciens hôpitaux locaux, il se situe à 7,4 % – 7,9 %. Par ailleurs, les établissements spécialisés en psychiatrie connaissent un taux d’absentéisme un peu supérieur ; mais c’est un phénomène spécifique, qui n’est pas lié à la taille. Ainsi, les établissements les plus importants et les plus petits sont un peu au-dessus de la moyenne qui, je le rappelle, est de 7,3 %.

Pour les établissements, toutes catégories confondues, le nombre moyen de jours d’arrêt pour motifs médicaux est de 18 jours, dont 10 pour maladie ordinaire. Il est de 7,3 jours pour les agents de catégorie A, de 16,3 jours pour ceux de la catégorie B, et de 22 jours pour les agents de la catégorie C.

M. le coprésident Pierre Morange. Le rapport fait-il état d’une répartition en fonction des régions ?

M. Jean Debeaupuis. Non, mais nous pourrons vous communiquer cette information ultérieurement.

M. Jean-François Verdier, directeur général de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) du ministère de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Je tiens à dire au préalable que les statistiques nous invitent à la prudence dans la mesure où la définition de l’absentéisme diffère considérablement selon les études, le champ d’investigation, les producteurs de données et la période de collecte des informations.

Je préciserai ensuite que les derniers chiffres dont nous disposons pour la fonction publique de l’État sont ceux de 2003, année de la dernière enquête, qui a établi la durée d’arrêt des fonctionnaires pour raison médicale à 13 jours en moyenne. En conséquence, les comparaisons avec les autres fonctions publiques et le secteur privé opérées par la presse depuis cette date sont dénuées, pour nous, de toute valeur scientifique. Une mise à jour est actuellement opérée par nos services depuis quelques semaines, en lien avec l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et les autres ministères, et de nouvelles données seront disponibles en décembre 2013. L’échéance est tardive : c’est pourquoi nous avons eu le souci de procéder au préalable sur la base d’un échantillon.

Une enquête récente, publiée par la DARES du ministère chargé du travail, sur les arrêts pour raison de santé des salariés du secteur privé et du secteur public montre un taux d’absentéisme de 3,7 % pour les agents titulaires de la fonction publique ou bénéficiaires d’un contrat à durée indéterminée (CDI) avec plus d’un an d’ancienneté, et de 2,6 % pour les agents en contrat à durée déterminée (CDD) ou en CDI récent. Ces résultats sont somme toute assez logiques.

Notre expérimentation du contrôle des arrêts maladie a été réalisée sur la base de 132 000 arrêts maladie saisis dans cinq départements – Ille-et-Vilaine, Rhône, Alpes-Maritimes, Bas-Rhin, Puy-de-Dôme – et dans les services de l’administration centrale du ministère de l’économie, échantillon représentatif de 7 % à 8 % du total des fonctionnaires de l’État. Sur ces 132 000 arrêts, les contrôles ont porté sur ceux de plus de 45 jours et sur les arrêts itératifs au cours des douze derniers mois. Comme pour la fonction publique hospitalière, nous avons connu des difficultés au démarrage, pour des raisons administratives et, il faut bien le dire, à cause de la mauvaise volonté de certains services de l’État, mais aussi du fait que la majeure partie des arrêts était déjà échue au moment du contrôle. Ainsi, pour les deux années 2011 et 2012, sur 8 500 arrêts – soit un taux de contrôle de 7 % en tenant compte des arrêts échus –, 5,7 % n’étaient pas médicalement justifiés et ont entraîné, pour l’un d’entre eux, un arrêt de la rémunération et, pour deux ou trois autres, une baisse du traitement de 50 %.

Nous souhaitons étendre cette expérimentation, qui a démarré trop tardivement, pour être en mesure de rendre un rapport définitif en 2014. Nous envisageons même de généraliser ce système à terme. À cet égard, le comité de pilotage que j’anime avec le directeur de la sécurité sociale et la CNAMTS nous a amenés à mettre en place des dispositifs permettant des remontées d’informations plus rapides et des contrôles plus exhaustifs.

Nous suivons, d’un point de vue budgétaire, la mise en place du jour de carence, une économie de 200 millions d’euros nous a été imposée par le ministre du budget dans le cadre de la loi de finances pour 2012. Pour l’année 2012, les ministères ont pu récupérer environ la moitié de cette somme seulement, la mesure ayant été mise en place tardivement, entre mars et juillet 2012 selon les ministères, et l’effet rétroactif n’ayant pas été appliqué avec la même diligence pour éviter un effet trop brutal sur le traitement des agents. Cela semble se traduire non par une diminution des arrêts de courte durée, mais par la transformation par les agents de leur jour de carence en jour de réduction de temps de travail (RTT) afin de ne pas subir un prélèvement sur leur traitement. D’après nos calculs menés sur la base d’une semaine de référence de l’enquête Emploi de l’INSEE, le nombre d’arrêts courts est passé, entre 2011 et 2012, de 1,2 % à 1 % dans la fonction publique d’État. On ne peut donc pas affirmer, à ce stade, que l’instauration du jour de carence ait eu un impact sur l’absentéisme des fonctionnaires d’État, contrairement, semble-t-il, à ceux de la fonction publique hospitalière. Demeure la différence de traitement entre salariés du privé et fonctionnaires pour lesquels le jour de carence n’est pas pris en charge par les mutuelles, ce qui représenterait 1 milliard d’euros supplémentaires de cotisations pour les agents.

M. le coprésident Pierre Morange. Monsieur Debeaupuis, confirmez-vous que la journée de carence a eu une incidence dans la fonction publique hospitalière ?

M. Jean Debeaupuis. Comme je l’ai souligné, les indications très partielles dont nous disposons invitent à la prudence.

M. Christophe Peyrel, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale à la direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l’intérieur. Comme le montrent nos séries statistiques issues des bilans sociaux des collectivités territoriales, le nombre moyen annuel de jours d’absence par agent pour raison de santé est de 23,6 jours pour 2011 – contre 22,4 jours en 2009 et 21,1 jours en 2005. Si nous ne trouvons pas d’explication à la hausse intervenue entre 2009 et 2011, celle observée depuis 2005 est probablement due à l’intégration au sein des collectivités territoriales de près de 130 000 agents de l’État au titre de la décentralisation, principalement des personnels techniques, des ouvriers des services de l’éducation nationale et des agents de l’équipement, catégories pour lesquelles les arrêts maladie sont plus fréquents. La ventilation par type de collectivité fait apparaître, toujours pour l’année 2011, un nombre moyen annuel de jours d’absence égal à 29,9 jours pour les régions, à 21,1 jours pour les départements, y compris les services d’incendie et de secours, et à 24 jours pour les communes et les établissements intercommunaux.

Mme la rapporteure. Le nombre est très élevé pour les régions.

M. Christophe Peyrel. Il l’était déjà en 2009, avec une moyenne de 28,1 jours.

M. le coprésident Pierre Morange. Comment expliquez-vous ces écarts entre collectivités ?

M. Christophe Peyrel. Je vous livre des données brutes issues de bilans sociaux, mais cette situation mériterait effectivement une enquête complémentaire pour en analyser les causes. Je peux néanmoins vous indiquer que, comme dans les deux autres fonctions publiques, le taux d’absentéisme dans la fonction publique territoriale est plus élevé chez les titulaires que chez les non-titulaires. Et les régions emploient précisément moins d’agents non titulaires que les autres collectivités. Cela reste cependant une hypothèse qu’il faudra vérifier.

Enfin, l’expérimentation du contrôle des arrêts maladie par les services médicaux de l’assurance maladie a réellement commencé au début de l’année 2012, en raison de difficultés au démarrage liées à la signature de conventions et au choix du logiciel informatique, comme pour la fonction publique hospitalière. Se sont portés volontaires les communes d’Antibes, du Cannet, de Mandelieu-La Napoule, de Menton et de Saint-Malo, ainsi que le conseil général des Alpes-Maritimes, celui du Bas-Rhin et celui du Rhône, et enfin le conseil régional d’Auvergne. Sur ces neuf collectivités, seuls Menton, Saint-Malo, le conseil général des Alpes-Maritimes et celui du Rhône ont enregistré dans le logiciel les données nécessaires à la mise en œuvre du contrôle. Malgré nos relances régulières, les cinq autres collectivités n’y ont pas procédé, invoquant l’insuffisance de formation et d’assistance technique pour la gestion du logiciel, mais aussi la surcharge de travail. Je n’ose imaginer un tel niveau d’incompétence. J’y vois plutôt un manque d’adhésion : mener des investigations dans les arrêts maladie dérange tout le monde dans la fonction publique, sans doute parce que cette question renvoie au fantasme de la tricherie, mais aussi au tabou du secret médical. Sur ce dernier point, les gestionnaires de ressources humaines ont du mal à agir…

M. le coprésident Pierre Morange. La MECSS dont la grille de lecture est le rapport coût/efficacité, autrement dit la bonne utilisation de l’argent public, n’a aucun état d’âme sur le sujet. À cet égard, l’aspect culturel que vous évoquez nous semble être un mauvais prétexte. Je rappelle que nos préconisations ont pratiquement toujours été votées à l’unanimité, comme sur la lutte contre la fraude sociale et l’interconnexion des fichiers.

À nos yeux, des études plus fines seraient tout à fait pertinentes. En particulier, il serait intéressant de se tourner vers les assureurs qui souvent accompagnent les collectivités territoriales et proposent des primes d’assurance variables en fonction des ratios pour la prise en charge des indemnités journalières. Ces informations nous permettraient d’éclaircir la question.

M. Jean-François Verdier. Je tiens à préciser que l’expérimentation revêtait un caractère obligatoire pour la fonction publique d’État, contrairement aux autres fonctions publiques.

M. le coprésident Pierre Morange. Cette logique d’obligation devrait prévaloir pour l’ensemble des fonctions publiques. Nous sommes bien évidemment preneurs de toutes les préconisations que vous pourriez formuler à notre intention : nous aurons à cœur soit de les traduire par la voie législative, soit d’interpeller le Gouvernement pour que les décrets d’application en instance soient publiés rapidement. J’ai moi-même été à l’initiative du vote, en décembre 2006, d’une disposition visant à assurer l’interconnexion des fichiers dont le décret d’application n’a été publié que quatre ans plus tard !

La séance est levée à onze heures cinq.