Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 24 octobre 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 02

Présidence de M. Pierre Morange, coprésident

– Audition, ouverte à la presse, sur « le financement de la branche famille » :

– Mme Mireille Elbaum, présidente du Haut Conseil du financement de la protection sociale, M. Laurent Caussat, secrétaire général, et M. Fabrice Lenseigne, secrétaire général adjoint

– M. François Fondard, président de l’Union nationale des associations familiales, et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

– M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales et de la santé 14

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 24 octobre 2013

La séance est ouverte à neuf heures quarante.

(Présidence de M. Pierre Morange, coprésident de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Mireille Elbaum, présidente du Haut Conseil du financement de la protection sociale, M. Laurent Caussat, secrétaire général, et M. Fabrice Lenseigne, secrétaire général adjoint.

M. le coprésident Pierre Morange. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui Mme Mireille Elbaum, présidente du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFPS), accompagnée de M. Laurent Caussat, secrétaire général, et M. Fabrice Lenseigne, secrétaire général adjoint.

Madame la présidente, dans le cadre de la mission qui vous a été confiée par le Gouvernement sur le financement de la protection sociale, nous croyons savoir que vous devriez fournir un certain nombre de réflexions pour le début de l’année prochaine, en particulier sur la branche famille et le coût du travail. Pouvez-vous nous faire part de vos premières conclusions ?

M. Jérôme Guedj, rapporteur. Le rapport d’étape « sur la clarification et la diversification du financement des régimes de protection sociale », remis le 7 juin, comporte des pistes intéressantes sur la branche famille. D’abord, le HCFPS estime nécessaire de répondre aux enjeux de clarification du financement de la protection sociale. Ensuite, il présente un certain nombre de pistes sur l’introduction de davantage de progressivité dans le prélèvement, la limitation des mesures dérogatoires, les prélèvements sur les revenus du patrimoine, la fiscalité environnementale et les taxes comportementales.

Madame la présidente, une budgétisation plus avancée du financement de la branche famille vous paraît-elle pertinente ?

Quelles sont les pistes pour une articulation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) avec les exonérations de cotisations sur les bas salaires dites « Fillon » ?

M. le coprésident Pierre Morange. Selon M. Sterdyniak et deux autres économistes auditionnés la semaine dernière, les quelque 20 milliards d’euros au titre du dispositif CICE pourraient être mieux identifiés en prenant la forme d’exonérations de cotisations patronales pour le financement de la politique de la famille. Quel est votre sentiment sur ce sujet ?

Mme Mireille Elbaum, présidente du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFPS). Ce sujet n’a pas été examiné par le HCFPS, mais pourra l’être s’il fait l’objet d’une saisine.

Nous avons travaillé sur la clarification du financement et la diversification des ressources de tous les régimes de protection sociale, et non de la seule branche famille, considérant cette dernière comme un cas spécifique. En effet, les transferts doivent être envisagés sous l’angle de l’ensemble des branches.

Ce travail a été réalisé à ressources constantes pour les régimes de protection sociale et à prélèvements constants supportés par les entreprises et les ménages. Aussi n’avons-nous pas traité à proprement parler de la question de l’allégement net du coût du travail pesant sur les entreprises. En effet, à la suite à la création du CICE, ce que nous a demandé le Premier ministre est de présenter des pistes de clarification et de diversification.

Notre rapport s’inscrit donc dans le cadre qui nous a été fixé, c’est-à-dire sans prendre en compte les effets macroéconomiques d’un allégement net du coût du travail. En effet, si les incidences macroéconomiques possibles des différentes pistes de clarification et de diversification se situent à la marge, les effets de l’allégement net du coût du travail et de son financement s’apprécient en termes de compétitivité, de croissance et d’emploi. Sur ce sujet, nous nous sommes donc contentés d’un simple rappel.

Actuellement, le HCFPS mène un travail sur les besoins de financement des régimes de protection sociale à long terme, sur la base des travaux conduits par le Conseil d’orientation des retraites (COR), le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) et le Haut Conseil de la famille (HCF). En prenant en compte les nouvelles mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014, ce travail, dont les conclusions seront rendues en janvier, nous fournira une vision globale de la protection sociale, en abordant plusieurs problématiques, en particulier les moyens du retour à l’équilibre à long terme, la dynamique de l’endettement, les modes d’indexation à législation constante, etc.

Le processus d’universalisation des droits aux prestations familiales a conduit à une situation originale de la branche famille. Nous avons remis en question la classification qui nous était proposée dans la lettre de saisine du Premier ministre nous demandant de distinguer les mécanismes d’assurance et les mécanismes de solidarité. Comme l’a montré notre travail, la solidarité et la redistribution sont au cœur de l’ensemble de notre protection sociale, tant au plan économique que du point de vue de la jurisprudence communautaire et, par conséquent, la distinction entre assurance et solidarité est pour le moins contingente et discutable dans ce travail de clarification des modes de financement.

Selon nous, un critère fondé sur le degré d’universalisation des droits garantis aux personnes couvertes paraît plus pertinent pour guider la réflexion sur la clarification et les principes de financement à l’échelle de l’ensemble de la protection sociale. Les assurances sociales assurent une solidarité et une redistribution, mais conservent une notion de contributivité au regard du lien entre contributions dans le cadre d’un régime professionnel et prestations reçues, même si ce lien est souvent très détendu par les mécanismes de solidarité. En outre, des critères de résidence donnent droit à un certain nombre de prestations, caractérisées par une unicité de gestion et de barème. Ainsi, un seul type de prestation est attribué à l’ensemble des citoyens ou des résidents dans le cadre d’un régime unifié. Notre constat est donc que le financement des prestations familiales s’est certes diversifié, mais reste encore assuré à hauteur de 65 % par des cotisations employeurs.

Le système de retraite français répond clairement à une logique contributive. Un raisonnement à l’échelle non plus des branches, mais des risques, montre que le chômage, l’exclusion renvoient à plusieurs dimensions, de même que la maladie avec une branche maladie orientée vers l’universalisation, mais une couverture complémentaire de plus en plus professionnalisée. En définitive, le cas d’espèce est bien la branche famille en raison de l’universalisation des prestations et de son mode de financement.

Ce contexte nous a conduits à examiner plusieurs scénarios de modification possibles du financement de la branche famille allant dans le sens d’une réduction de la part incombant aujourd’hui aux cotisations employeurs, scénarios à répartition constante des financements. Toutes les branches – y compris la branche vieillesse, contributive – bénéficient d’un certain nombre d’impôts et taxes affectés. C’est ainsi que nous avons envisagé les permutations possibles entre les impôts et taxes affectés à la branche vieillesse et les cotisations sociales patronales de la branche famille. Nous avons aussi pensé qu’il serait logique que le produit des taxes comportementales soit réaffecté à la branche maladie, ce qui nous a tout naturellement amenés à envisager des scénarios de permutation à trois.

M. le coprésident Pierre Morange. Ce mouvement est déjà engagé depuis quelque temps.

Mme Mireille Elbaum. Certes, mais une partie de la fiscalité sur le tabac est affectée à la branche famille.

M. le rapporteur. À l’inverse, vous proposez de réaffecter une partie des impôts et taxes de la branche vieillesse à la branche famille.

Mme Mireille Elbaum. Ou à la branche maladie, d’où une permutation à trois.

Néanmoins, le premier scénario de clarification est limité par le montant des impôts et taxes affectés à la branche vieillesse, puisque nous raisonnons à financement constant. Aussi seule une partie des cotisations employeurs famille serait-elle concernée. Au demeurant, une partie des membres du HCFPS considère justifié de laisser une part des cotisations employeurs à la branche famille pour marquer l’intérêt des entreprises à la politique familiale française qui permet un haut niveau de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle et la mobilisation dans de bonnes conditions de la main-d’œuvre féminine.

Une troisième famille de scénarios consisterait en une augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) au bénéfice de la branche famille, avec un transfert de cotisations sociales patronales de la branche famille vers la branche vieillesse et une diminution des cotisations sociales vieillesse à la charge des salariés.

M. le rapporteur. Ce serait, selon vous, plus simple que le mécanisme cher à Henri Sterdyniak consistant à augmenter uniformément les rémunérations brutes.

Mme Mireille Elbaum. Si l’augmentation des rémunérations brutes est très séduisante sur le papier, la direction générale du travail (DGT), à laquelle nous avons demandé de l’étudier, estime que l’absence de motif d’intérêt général suffisant pour remettre en cause l’ensemble des contrats individuels de travail et la négociation sur les salaires entraîne un risque d’inconstitutionnalité. En effet, compte tenu de la progressivité des cotisations sociales employeurs, retenir cette piste impliquerait de modifier les clauses de rémunération de l’ensemble des contrats de travail existants pris individuellement. En outre, une telle disposition ne pourrait concerner les contrats de travail futurs s’ils portent sur des rémunérations supérieures au salaire minimum.

M. le coprésident Pierre Morange. Si je résume votre propos, la distinction entre assurantiel et solidarité peut difficilement être retenue. Une clarification s’impose pour rendre tout son sens à notre système de protection sociale. Le curseur des prélèvements patronaux peut être placé en regard de la participation minimale des entreprises au titre de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Et la piste évoquée par M. Sterdyniak, sur laquelle la DGT émet des réserves sur le plan constitutionnel, serait pour le moins complexe. Pour toutes ces raisons, la clarification d’un mécanisme assez peu lisible constituerait une piste pertinente, avec une traduction au niveau de la branche famille.

Selon la Cour des comptes, il existe des gisements d’économies considérables. Le Haut Conseil du financement de la protection sociale a-t-il travaillé sur ces pistes ?

Mme Mireille Elbaum. Comme le Conseil d’orientation des retraites, Le HCFPS va se situer avant tout dans une dynamique de long terme, à horizon 2020-2025.

M. le coprésident Pierre Morange. M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil de la famille, a relativisé le déficit de la branche famille à l’horizon 2020-2025, la considérant structurellement équilibrée pour des raisons de dynamique démographique.

Mme Mireille Elbaum. Une grande part des déficits est liée à la problématique des recettes, et l’ensemble des dépenses de la protection sociale a tendance à s’infléchir. Dans une perspective de long terme, il faut s’interroger sur l’écart entre la dynamique tendancielle des dépenses et celle des recettes. Dans ce cadre, ce n’est pas un secret de dire que le sujet est celui de la santé. En matière de retraites, les projections du COR montrent à long terme, dans les scénarios plutôt favorables économiquement, un écart relativement limité – lequel sera réduit grâce aux mesures de rééquilibrage de la réforme des retraites. Or selon les premiers travaux que nous a remis le HCAAM, cet écart est assez substantiel en matière de maladie et il existe même un lien positif entre les dépenses de maladie et la croissance économique. Par conséquent, le redressement spontané dans un scénario favorable pour les retraites ne joue pas de la même façon en matière de maladie.

M. le coprésident Pierre Morange. Les projections élaborées par le HCAAM jusqu’en 2060 sont contestées par certains car elles sont adossées à des hypothèses économiques relativement optimistes.

D’autre part, il semble difficile de faire des analyses sur la base des données en matière de natalité et de mortalité car ces dernières sont très instables sur une échelle d’un demi-siècle.

Mme Mireille Elbaum. Nous allons reprendre les projections du HCAAM et du COR. Les cinq scénarios du COR fournissent une palette extrêmement large des conséquences induites par un ralentissement ou une reprise de la croissance. Nous allons appréhender l’ensemble de ces scénarios pour en évaluer l’impact plus ou moins favorable sur l’équilibre à long terme de la protection sociale. Mais je répète que l’amélioration de la croissance économique a un impact plus favorable sur les finances des retraites et du chômage que sur les finances de la maladie.

Il existe une déconnexion très forte entre les prestations familiales et le revenu moyen des actifs. Aussi est-il raisonnable d’examiner les perspectives sinon d’une indexation, du moins d’un mode de revalorisation globale différent. Les dernières évolutions économiques ne remettent pas en cause la palette des scénarios que nous décrivons.

Quant aux projections de long terme pour le risque famille, elles sont difficiles à réaliser puisqu’elles concernent des personnes qui ne sont pas nées. Néanmoins, même si les scénarios économiques sont sources d’incertitude, j’ai tendance à penser que les projections à 2060 ont un sens pour le débat économique et social peut être aussi important que les projections à moyen terme dans un environnement économique fluctuant.

M. le rapporteur. Selon la Cour des comptes, le financement de la branche famille par les cotisations patronales est pertinent au regard de la part des dépenses consacrées par cette dernière à la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale – la Cour chiffre à 13 milliards d’euros la somme consacrée par la branche famille aux modes de garde. Cet argument vous paraît-il recevable, sachant que toutes les dépenses de protection sociale ont indirectement, selon certaines personnes auditionnées, des effets en matière de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ?

Mme Mireille Elbaum. Je ne crois pas légitime de vous donner mon sentiment personnel. Ces arguments ont été discutés au sein du HCFPS qui les a jugés fondés. Néanmoins, dans cette volonté de clarification et de simplification, la recomposition des impôts et taxes affectés entre les branches ne pourra être réalisée en totalité sans un « big bang » avec la CSG et les cotisations vieillesse des salariés. Il serait peut-être intéressant de procéder à une clarification pour une partie, avant de décider d’aller jusqu’au bout.

En tout état de cause, notre analyse devra être réactualisée au vu des décisions prises dans le cadre de la réforme des retraites et du PLFSS 2014, dont certaines clarifications sont inspirées de nos propositions et d’autres ne les reprennent pas entièrement. Lors de la réforme des retraites, la question a été posée de savoir si un signal devait être envoyé aux salariés en baissant leurs cotisations vieillesse. Cette question se pose d’ailleurs également pour les employeurs.

M. le coprésident Pierre Morange. Comme l’a souligné M. Fragonard, un enfant sur cinq vit dans la précarité. La budgétisation, en permettant de concilier dynamique démographique et logique de redistribution, n’est-elle pas en définitive la solution ?

Mme Mireille Elbaum. Il me semble que la notion de budgétisation devrait, elle aussi, être clarifiée. Tous les risques sociaux ont un lien avec la lutte contre la pauvreté, qu’ils soient financés de façon assurantielle ou par d’autres types de financement. La question de fond n’est pas la source de financement, elle est de savoir si l’on veut des ressources identifiées qui ont un lien avec ce risque, ou si c’est le budget de l’État qui doit le financer.

M. le coprésident Pierre Morange. Le HCFPS a-t-il progressé dans cette réflexion ?

Mme Mireille Elbaum. Non, il a considéré le risque famille comme faisant partie des risques sociaux de la protection sociale. Dans ce cadre, la branche famille est financée essentiellement par les cotisations patronales, mais aussi par toute une série d’impôts et taxes affectés.

M. le rapporteur. Les scénarios de clarification que vous proposez sont-ils susceptibles de monter en puissance ou nécessiteront-ils – pour reprendre votre expression – un « big bang » ? Je pense plus particulièrement au scénario du transfert de cotisations patronales de la branche famille vers la branche vieillesse, de la réduction des cotisations vieillesse à la charge des salariés et de l’augmentation de la CSG au bénéfice de la branche famille.

Mme Mireille Elbaum. La première question sera de savoir s’il faut baisser les cotisations vieillesse des salariés pour le principe, alors que le risque vieillesse est important.

La seconde question sera de déterminer à quelle hauteur la CSG serait augmentée en contrepartie. En effet, cette mesure signifierait un alourdissement du prélèvement sur les revenus du patrimoine, des chômeurs et des retraités. Or la fiscalité des revenus du patrimoine a considérablement été accrue ces dernières années. En outre, on peut se demander s’il faut accroître le prélèvement sur les chômeurs dans la période actuelle. Enfin, s’il est séduisant d’utiliser cette marge de manœuvre potentielle s’agissant des retraités, le risque est celui d’une complexité accrue des prélèvements.

M. le rapporteur. L’Assemblée vient d’adopter un amendement de notre collègue Jean-Marc Germain demandant au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les réformes envisageables du financement de la protection sociale au regard en particulier des objectifs de progressivité des prélèvements sociaux et fiscaux.

Votre rapport aborde la question de la CSG progressive. Tout en en présentant les difficultés, vous estimez qu’une clarification, y compris au niveau européen, entre ce qui relève de l’impôt et ce qui relève de la cotisation permettrait de faire avancer les choses et d’exclure tout problème constitutionnel. Vous mentionnez également les moyens qui permettraient d’introduire une progressivité.

Dans la palette des scénarios dont vous disposez, lequel a vocation à introduire une plus grande progressivité ? En particulier, en cas de réduction des cotisations vieillesse compensée par une augmentation de la CSG, l’enjeu ne serait-il pas d’introduire concomitamment une CSG progressive ?

M. le coprésident Pierre Morange. Comptez-vous rendre vos conclusions au mois de janvier ?

Mme Mireille Elbaum. Vous disposerez simplement des projections à la mi-janvier. Comme je l’ai dit, les transferts entre branches changent le constat – le PLFSS en cours de discussion prévoit d’affecter à la branche famille une part accrue de CSG et de taxes sur les stocks-options.

Notre système de protection sociale est très redistributif, en raison essentiellement de l’importance des prestations sociales : prestations en nature, notamment d’assurance maladie, prestations sous conditions de ressources et prestations sans conditions de ressources. Une progressivité plus importante des prélèvements donne lieu à réflexion puisque, paradoxalement, ce sont les cotisations employeurs qui sont progressives. Les membres du HCFPS ont considéré que notre système est avant tout basé sur des effets redistributifs via les prestations et que la progressivité des cotisations employeurs découle logiquement de l’objectif en matière d’emploi.

À l’avenir, le vieillissement de la population nous amènera probablement à envisager des prélèvements supplémentaires sur les ménages avec davantage de progressivité. Rendre la CSG progressive impliquerait de prendre en compte l’ensemble des revenus du ménage, alors que la force de cette contribution actuellement est l’automaticité du prélèvement à partir de la fiche de paie. Ainsi, même si cette piste paraît souhaitable, le risque d’inconstitutionnalité fait qu’il est plus facile actuellement d’envisager la progressivité à travers les cotisations sociales.

M. le coprésident Pierre Morange. Merci, madame la présidente.

La MECSS procède ensuite à l’audition, ouverte à la presse, de M. François Fondard, président de l’Union nationale des associations familiales, et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui M. François Fondard, président de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires à l’UNAF, que nous souhaiterions interroger sur le financement de la politique de la famille et sur les scénarios de réforme envisagés par l’UNAF. Je cède donc dès à présent la parole au rapporteur, M. Jérôme Guedj.

M. Jérôme Guedj, rapporteur. Je sais que vous ne manquerez pas de mentionner l’état actuel de la situation, et notamment la fragilisation du financement de la branche famille, mais je vous propose de centrer votre exposé liminaire sur les points suivants : est-il opportun que les cotisations patronales continuent à représenter plus des deux tiers des sources de financement de la branche famille alors que les prestations servies sont universelles ? Est-il pertinent d’affecter des taxes à cette branche ? Parmi les scénarios de réforme, une fiscalisation des recettes de la branche vous paraît-elle une évolution nécessaire ? La budgétisation de certaines dépenses relevant de la solidarité est-elle souhaitable ? La CSG actuelle – à taux unique – est-elle la recette la plus adaptée pour financer la branche famille ? Les perspectives d’introduction d’une progressivité de cette contribution vous semblent-elles intéressantes ou vous inquiètent-elles au contraire ? L’attribution de recettes fiscales complémentaires est-elle envisageable ?

Vous l’aurez compris, notre réflexion porte uniquement sur les recettes de la branche famille, et non sur la maîtrise des dépenses que le tarissement de ces recettes pourrait rendre nécessaire.

M. François Fondard, président de l’Union nationale des associations familiales (UNAF). Je vous remercie, monsieur le président et monsieur le rapporteur, d’avoir invité l’UNAF à se prononcer sur le financement de la branche famille et ses évolutions possibles. Je commencerai par évoquer l’évolution de ses recettes et de son financement, puis je répondrai à vos questions.

La branche famille est financée par trois types de ressources. La première provient des cotisations sociales patronales, qui représentent actuellement 65 % des recettes de la branche, soit 33 milliards d’euros dont 23 milliards issus des entreprises du secteur privé, et 10 milliards du secteur public et de régimes particuliers. Quant au taux de cotisation consacré à la branche famille, il n’a cessé de diminuer au fil des décennies, souvent au profit des autres branches. Et ce mouvement se poursuivra en 2014 puisque le taux actuel de 5,4 % sera diminué de 0,15 point afin de compenser une augmentation du même ordre de la cotisation patronale vieillesse. En outre, compte tenu de la politique d’allégement des coûts sur les bas salaires, ces 5,4 points de cotisation ne correspondent plus désormais qu’à un taux nominal : ainsi la cotisation patronale sur les salaires inférieurs à 1,65 SMIC s’étale-t-elle de 1,3 % pour 1,1 SMIC à 4,8 % pour 1,5 SMIC dans les entreprises de moins de vingt salariés et, pour les mêmes niveaux de SMIC, respectivement entre 1,6 % et 4,8 % dans les entreprises de plus de vingt salariés. Ainsi, pour les salaires situés entre 1 SMIC et 1,6 SMIC, le taux de cotisation moyen effectif s’élève à 2,6 %. Et ce mouvement pourrait se poursuivre avec l’instauration du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) qui vise à un allégement du coût du travail pour la masse salariale correspondant aux salaires de moins de 2,5 SMIC.

La deuxième source de recettes est issue d’une partie du produit de la CSG, dont la branche famille a bénéficié dès son instauration en 1991. Le taux de CSG affecté à la branche famille est resté stable jusqu’en 2010 : il était jusqu’alors de 1,08 % pour la CSG assise sur les revenus d’activité salariée et de 1,1 % pour la CSG assise sur les revenus du capital. Puis, en 2011, 0,28 point de la part de CSG affectée à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a été transféré à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). De ce fait, la CSG ne représente plus qu’environ 18 % des produits de la branche famille, soit 9,7 milliards d’euros en 2012, alors qu’elle en constituait 24 % en 2010. Cela étant, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 prévoit une augmentation de la part de CSG revenant à la CNAF, portant son taux à 0,87 %, quelle que soit l’assiette, hormis celle des jeux. L’adoption de cette mesure apporterait à la branche famille une recette supplémentaire de 791 millions d’euros.

Enfin, troisième et dernière source de financement, les impôts et taxes affectées ont vu leur part progresser fortement parmi les ressources de la branche famille, notamment en raison de la compensation des allégements de cotisations sur les bas salaires. Ainsi la fiscalité représente-t-elle désormais 15 % des ressources de la branche, soit environ 8 milliards d’euros. Et entre 2006 et 2011, jusqu’à seize impôts et taxes ont vu une part de leur produit affecté à un moment donné à la branche famille. Ce paquet fiscal est en constante évolution – comme l’illustre une nouvelle fois le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 qui, outre la CSG, prévoit le transfert de recettes supplémentaires issues d’une demi-douzaine de taxes et contributions diverses pour un montant de 1,6 milliard d’euros.

Je vais à présent tenter d’apporter des réponses à vos interrogations.

S’agissant de la pertinence du financement de la branche famille par les cotisations patronales, les arguments avancés par les représentants des entreprises en faveur de la suppression totale de la cotisation patronale de 5,4 % versée à la branche famille sont principalement de deux ordres : ils citent, d’une part, le handicap de compétitivité-prix qu’induit cette cotisation pour les entreprises et, d’autre part, la disparition depuis 1978 de toute condition d’activité professionnelle pour pouvoir bénéficier des prestations familiales – la substitution d’une logique de solidarité nationale à celle de la solidarité professionnelle justifiant selon les représentants patronaux un financement de la branche par l’impôt. Si ces arguments sont recevables, l’UNAF considère cependant que le financement de la branche famille par des cotisations patronales pourrait trouver sa légitimité dans le fait qu’elles représentent la participation des employeurs à l’effort fourni par les salariés pour concilier vie familiale et vie professionnelle. En cela, il ne s’agit pas de charges sociales mais bien de la contribution des entreprises à une politique publique dont elles sont très directement bénéficiaires. Il s’agirait ainsi de refonder la légitimité de ces cotisations, qui ne repose plus sur sa logique historique.

La Cour des comptes relève d’ailleurs dans son rapport de mai 2013 à la MECSS sur le financement de la branche famille que « ces actions ont un impact positif sur le taux d’activité et contribuent ainsi au dynamisme global du marché du travail et à l’augmentation de la croissance potentielle. Les entreprises bénéficient directement au premier chef de la politique ainsi conduite en termes de meilleure productivité individuelle de leurs salariés ayant la charge d’enfants ».

Dans le même rapport, la Cour des comptes présente un tableau actualisé de données fournies dans le projet de rapport de M. Yves Bur, récapitulant l’ensemble des prestations familiales tendant à favoriser la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. S’appuyant pour ce faire sur une hypothèse haute et sur une hypothèse basse qui ne prend en considération que les prestations destinées aux seuls actifs, la Cour souligne que « Les dépenses concernées sont très loin d’être négligeables. Elles se situent pour 2011 dans une fourchette d’un peu plus de 10 à près de 15 milliards d’euros, à comparer à un total de prestations légales et d’action sociale servies par la branche la même année de 38,7 milliards d’euros, soit entre 25 et 38 % de ce total ou encore entre 19 et 29 % de l’ensemble des charges techniques de la branche (52,8 milliards d’euros) ». La Cour ajoute qu’« en termes de financement, ces montants représentent de l’ordre de 1,4 à 1,8 point de cotisation patronale famille. Ces actions ont donc un impact positif sur le taux d’activité et contribuent ainsi au dynamisme global du marché du travail et à l’augmentation de la croissance potentielle. Les entreprises bénéficient directement au premier chef de la politique ainsi conduite en termes de meilleure productivité individuelle de leurs salariés ayant la charge d’enfants ». L’UNAF ajoute qu’en termes de gouvernance, c’est précisément ce lien avec l’activité professionnelle qui justifie l’actuelle organisation institutionnelle des caisses d’allocations familiales, caractérisée par la présence de représentants des employeurs et de salariés dans les conseils d’administration.

Vous nous interrogez également sur la pertinence du financement de la branche famille par des taxes affectées. Historiquement, l’UNAF a toujours plaidé en faveur d’un financement par des cotisations sociales, s’appuyant en cela sur un raisonnement plus concret et pragmatique que théorique : le financement par cotisation est simple, lisible et facilement compréhensible ; il s’agit d’un financement affecté qui ne risque pas d’être remis en cause chaque année au gré des lois de finances et de financement de la sécurité sociale ; les cotisations sont perçues par la branche recouvrement de la sécurité sociale ; enfin, ce mode de financement ne fait pas intervenir le budget de l’État.

Plus récemment, avec la généralisation des aides familiales et l’apparition de prestations familiales sous conditions de ressources à objet redistributif, l’UNAF a admis le principe d’un financement par la solidarité nationale – c’est-à-dire par l’impôt – de certaines prestations de sécurité sociale non contributives ou dites de solidarité. Elle a notamment jugé acceptable le basculement de la part salariale des cotisations sociales vers la CSG – contribution qui présente l’avantage de reposer sur une assiette plus large que les cotisations sociales, englobant les revenus de remplacement et ceux du capital. Le produit de la CSG, comme celui des cotisations, est affecté à la sécurité sociale selon des clés de répartition par branche et cette contribution est prélevée par les Urssaf. Elle est en revanche moins lisible que les cotisations du fait de l’application de taux réduits et de taux différant selon les assiettes concernées.

Le recours à la CSG est cohérent avec la généralisation progressive de la branche famille, mais aussi de l’assurance maladie qui bénéficie de 70 % des recettes tirées de la CSG. La difficulté réside cependant dans le fait que cette contribution finance plusieurs postes de dépenses concurrents : non seulement ces deux branches de la sécurité sociale mais aussi le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et la CADES.

Quant à la TVA, peut-elle contribuer au financement de la branche famille, sachant qu’en 2013, 8,7 milliards d’euros de TVA nette seront rétrocédés à la branche maladie de la sécurité sociale en remplacement des TVA « sectorielles » qui pesaient auparavant sur les produits pharmaceutiques et les fournisseurs de tabac ? L’UNAF juge inacceptable de compenser une éventuelle baisse des cotisations patronales par une augmentation de la TVA : car non seulement cela aurait un effet récessif sur la consommation des ménages mais en outre, cela ne ferait qu’amplifier le mouvement de fiscalisation des ressources de la branche famille. Qui plus est, la TVA n’est pas familialisée.

Plus fondamentalement, tout renforcement de la fiscalisation des ressources de la branche famille porte en lui un risque de budgétisation d’une part importante de ses recettes – évolution à laquelle l’UNAF est opposée. Il est certes possible d’y affecter certaines recettes fiscales, à l’image des taxes « comportementales » dont le produit est reversé à l’assurance maladie. Mais il convient d’assurer un minimum de cohérence entre cette fiscalité affectée et les différentes finalités de la branche famille.

En ce qui concerne les scénarios de réforme, l’UNAF juge envisageable le transfert partiel des cotisations sociales sur d’autres ressources, à condition que ces dernières soient suffisamment dynamiques pour garantir la pérennité du financement de la branche famille. Cela supposerait que leur indexation soit elle-même dynamique, ce qu’il est difficile de garantir dans la mesure où elle est soumise aux aléas des besoins de financement de l’État. Comme nous l’avons déjà souligné, nous sommes très réticents au financement de la branche famille par la TVA, impôt qui pèse lourdement sur les familles et qui conserve un caractère anti-redistributif. Il nous paraîtrait donc plus acceptable d’augmenter une nouvelle fois la part de la CSG dans le financement de la branche famille, même s’il est regrettable que ce prélèvement ne tienne pas compte des charges familiales.

Quant à savoir si la fiscalisation des recettes de la branche famille est une évolution nécessaire, il est indispensable mais non moins préoccupant que le budget de l’État finance la compensation de toute nouvelle exonération de charges car cela suppose une réduction des interventions de l’État dans d’autres domaines – ce qui peut s’avérer tout aussi préjudiciable aux familles. Qui plus est, on peut douter que la compensation des exonérations de cotisations ayant été instaurées depuis 1993 ait véritablement été intégrale.

Plus encore, la démultiplication des impôts et taxes affectés au financement de la branche famille est telle que celui-ci est devenu illisible et fragile : illisible tout d’abord, comme en témoigne par exemple l’article 15 du PLFSS qui prévoit l’affectation à la branche famille de la taxe perçue sur les appels des jeux télévisés ou en ligne – recette amenée à se tarir dans la mesure où l’État mène par ailleurs une politique de prévention de l’addiction aux jeux en ligne. On peut par ailleurs s’interroger quant à la pertinence de l’affectation d’une telle taxe à la branche famille. Illisible, ce financement est également fragile, car la branche famille se retrouve à la merci des tours de passe-passe opérés chaque année en lois de finances et de financement de la sécurité sociale – tels que le retrait de certaines ressources et la compensation de la perte qui en résulte par un panier de taxes, à l’affectation desquelles ne semblent présider aucune logique ni aucune vision à moyen terme.

En l’état actuel du financement de la branche famille, l’attribution de recettes fiscales complémentaires ne permet plus de compenser la progression dynamique de certaines prestations, dont celles liées à la petite enfance qui correspondent à une dépense de l’ordre de 12 milliards d’euros – somme comparable à celle que représentent les allocations familiales. De plus, la branche famille a fait l’objet de transferts importants au bénéfice du FSV et de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). De sorte que si, entre 1978 – année de la généralisation des prestations familiales à l’ensemble de la population – et 1992, la branche famille n’a été déficitaire qu’à deux reprises, elle l’a en revanche été une douzaine de fois depuis cette date. Enfin, la pérennité de la crise économique a révélé l’une des faiblesses de notre système de financement de la branche famille – comme des autres branches de la sécurité sociale – qui repose sur les cotisations patronales et sur la CSG, c’est-à-dire sur une assiette salariale. De ce fait, l’essentiel des recettes de la branche famille dépend très largement de la conjoncture économique.

Si l’on explique généralement le succès de la politique familiale par sa permanence et sa continuité, la fragilité du financement du système des prestations familiales fait peser une lourde hypothèque sur la poursuite de la performance de cette politique. Il est donc indispensable d’allouer des recettes complémentaires à la branche famille même si, en période de crise, l’UNAF fait preuve d’une attitude responsable, consentant aux efforts nécessaires au rétablissement de la branche. La politique familiale ayant fait la preuve de son efficacité, elle ne doit pas être remise en cause par une action qui s’appuierait uniquement sur un ajustement des dépenses.

Enfin, vous nous interrogez quant à l’éventualité d’une budgétisation de certaines dépenses de la branche famille relevant de la solidarité : si une telle solution est simple à appliquer sur les plans juridique, technique et financier, elle ferait cependant sortir la politique familiale du champ de la sécurité sociale, ce qui constituerait une remise en cause très significative du modèle institué en 1945. Une telle évolution ne paraît pas souhaitable à l’UNAF – pas même une sélection de certaines dépenses de la branche relevant de la solidarité, qui conduirait à revenir à une prise en charge des majorations de pension pour enfants à charge par le FSV et à s’interroger sur la nature exacte de certaines prestations familiales.

En conclusion, je rappellerai que le déficit de la branche famille est artificiel et que cette dernière ne serait pas dans une telle situation s’il ne lui avait pas fallu supporter le poids des majorations de pension.

M. le rapporteur. Nous vous remercions pour la précision de vos réponses. Vous semblez accorder du crédit aux analyses de la Cour des comptes sur la part des dépenses supportées par la branche qui permettent la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle : comment pourrait-on, selon vous, compenser une diminution de 1,8 point de cotisations patronales affectées à la branche famille ? Je précise à cet égard qu’une compensation par le budget de l’État correspond davantage à une fiscalisation qu’à une budgétisation – fiscalisation que l’on constate notamment dans le PLFSS 2014 qui prévoit une baisse de 0,15 point des cotisations patronales pour la branche famille, en compensation de l’augmentation des cotisations vieillesse des mêmes employeurs.

M. le coprésident Pierre Morange. La Cour des comptes conclut ses deux rapports commandés par la MECSS en affirmant que la solution à la question du financement de la branche famille réside plutôt dans la recherche d’économies que dans la définition d’une nouvelle assiette de prélèvements qui ne pénaliserait pas trop la compétitivité des entreprises par un alourdissement du coût du travail. L’UNAF a-t-elle des propositions à formuler quant aux gisements d’économie possibles, sachant que tant la Cour des comptes que la MECSS en ont identifié deux : le revenu de solidarité active (RSA) et l’aide personnalisée au logement (APL) ?

M. François Fondard. Considérant qu’une part du financement de la branche famille doit continuer à incomber aux entreprises au titre de leur contribution à l’effort de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, nous évaluons à environ 2 % les cotisations devant restant à leur charge, contre 5,4 % actuellement. Cependant, sachant que l’État compense déjà à hauteur de 2,8 % les exonérations de cotisations familiales des employeurs, notamment les exonérations de charges sur les bas salaires et pour l’aide à domicile, le reste à charge de cotisations des entreprises est de 2,6 %, de telle sorte que le reste à compenser serait assez faible. Il convient cependant que ces compensations soient bien identifiées.

M. le coprésident Pierre Morange. Tenez-vous compte dans ce calcul du CICE ?

M. François Fondard. Non.

M. le coprésident Pierre Morange. Il me paraît important de le souligner pour la pédagogie de nos débats.

M. François Fondard. Absolument, d’autant plus qu’au titre de ce crédit d’impôt, sont prévues des compensations de charges jusqu’à 2,5 SMIC, ce qui signifie que la participation des employeurs au financement de la branche famille va encore diminuer en deçà des 2,6 % et, par conséquent, que le débat sur la diminution des cotisations patronales n’a plus lieu d’être.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous donnez ainsi davantage de crédit au dernier scénario, évoqué dans un article très récent du journal Les Échos, de basculement du CICE sur une baisse de charges au titre de l’objectif de réduction du coût du travail.

M. François Fondard. Certes, mais le mécanisme du CICE tiendra compte d’une partie des compensations d’exonérations de cotisations déjà prises en charge par l’État. Il nous faudra donc calculer à quoi cela correspond exactement.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans le second rapport commandé par la MECSS à la Cour des comptes, cette dernière fait état des marges de manœuvre extrêmement limitées dont nous disposons quant au mode idéal de financement de la branche famille. La Cour considère en effet que ni la CSG ni la TVA ni encore une taxe écologique ne présentent d’avantage relatif particulier en termes d’impact sur le coût du travail. De telles conclusions nous ayant laissé sur notre faim, nous avons donc demandé à plusieurs économistes s’ils les partageaient. La Cour des comptes a également souligné que dans le cadre de notre réflexion sur la pérennité du financement de la branche famille, il convenait de ne pas négliger la question des gisements d’économies potentiels – elle nous en a d’ailleurs transmis une liste « à la Prévert ». Parmi eux, elle a notamment évoqué le RSA et l’APL qui représentent des volumes budgétaires conséquents. C’est pourquoi la MECSS, s’appuyant sur la notion de dépendance économique, a formulé à leur sujet des préconisations qui se sont traduites sous forme d’amendements aux PLFSS précédents, visant au contrôle de l’éligibilité à ces prestations, et dont la mise en application n’est pas encore tout à fait effective. Qu’en pensez-vous ?

M. François Fondard. L’UNAF considère qu’il n’y a pas lieu de réaliser des économies sur le RSA dans la mesure où cette prestation est particulièrement importante pour les 14,1 % de la population qui vivent sous le seuil de pauvreté. Non seulement le RSA et l’APL nous paraissent indispensables à ces familles mais il conviendrait même de les renforcer. Cela étant, nos moyens budgétaires sont limités.

M. le coprésident Pierre Morange. Il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause le RSA ou l’APL. Une réflexion a même été engagée sur l’éventuelle fusion entre le RSA, la prime pour l’emploi (PPE) et d’autres dispositifs. En revanche, nous songeons à exercer un contrôle de l’éligibilité à ces prestations.

M. François Fondard. On s’aperçoit que si l’essentiel des publics ayant droit au RSA socle le perçoivent effectivement, près de 60 % des publics éligibles au RSA activité ne réclament pas leur droit à prestation, compte tenu de la complexité du dispositif, et notamment de celle des formulaires à remplir. Il est néanmoins important d’exiger un minimum d’informations aux demandeurs afin de vérifier leur éligibilité à ces prestations. S’il s’agit d’éviter la fraude, la CNAF a cependant montré dans ses rapports que cette fraude restait très minoritaire.

Pour avoir également travaillé au sein du Haut Conseil de la famille sur les aides au logement relevant du budget de l’État, l’UNAF s’est aperçue que l’aide à la pierre, familiale et individuelle il y a de nombreuses années, est devenue une aide fiscale à la construction de logements à disposition future des familles – tous les ministres du logement ayant institué leur propre dispositif. Or, compte tenu des sommes conséquentes qu’elles représentent, il conviendrait d’en évaluer l’efficacité : si elle est certes avérée en termes de construction de logements, elle ne l’est pas nécessairement en termes d’accessibilité des familles à la propriété.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous remercions, monsieur le président, d’avoir répondu à nos questions de manière aussi synthétique et exhaustive. Nous n’hésiterons pas à vous auditionner à nouveau, notre objectif étant avant tout d’établir un état des lieux, compte tenu des craintes qui s’expriment quant à la pérennité de la branche famille : une pérennité qui suppose un engagement financier de la Nation en termes d’espèces sonnantes et trébuchantes.

La MECSS procède enfin à l’audition, ouverte à la presse, de M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales et de la santé.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous accueillons maintenant M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales et de la santé.

Monsieur le directeur, nous voudrions vous demander de dresser un état des lieux du financement de la branche famille, mais aussi de nous faire part de vos réflexions, sur les recettes comme sur les dépenses. Il existe de multiples mécanismes de compensation pour les entreprises : que reste-t-il finalement à leur charge ? D’autre part, la presse a évoqué une transformation du CICE en baisse de cotisations sociales : qu’en pensez-vous ?

M. Jérôme Guedj, rapporteur. Nous souhaiterions également connaître le sentiment de la direction de la sécurité sociale (DSS) sur les perspectives de plus grande fiscalisation du financement de la branche famille.

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales et de la santé. Il est d’abord intéressant de noter que la part des cotisations patronales représenterait, avec l’adoption du PLFSS, 61,7 % du total des recettes de la branche famille, puisque ce taux diminue sous l’effet de la baisse de 0,15 point des cotisations patronales, compensée par l’affectation de recettes nouvelles et par l’apport du milliard d’euros lié à la baisse du quotient familial. C’est une étape supplémentaire d’une évolution structurelle longue : au début des années 1990, la branche famille était financée à 90 % par des cotisations patronales ; aujourd’hui, nous sommes tout juste au-dessus de 60 %.

L’article 15 du PLFSS, qui vient d’être voté, peut donner l’impression d’une grande complexité des tuyaux de financement de la sécurité sociale : c’est inhérent à la diversité des recettes, mais aussi au choix – pertinent – de limiter les recettes partagées entre l’État et la sécurité sociale. Longtemps, les flux croisés entre l’État et la sécurité sociale étaient multiples : nous nous rappelons tous ces tableaux abominables avec des flèches dans tous les sens… Il n’y a plus aujourd’hui qu’une seule recette partagée : la TVA nette. Cela nous oblige à procéder à des réaffectations de recettes entre les caisses de la sécurité sociale : il y a donc un peu de tuyauterie, suivant l’expression consacrée, mais c’est tout de même une clarification des champs respectifs des recettes de l’État et de la sécurité sociale.

Quant aux perspectives, vous ne serez pas surpris d’apprendre que la DSS rejoint le diagnostic de la Cour des comptes et estime que, pour réfléchir au financement de la branche famille, il faut d’abord s’efforcer de ramener ses comptes à l’équilibre. C’est le but des mesures annoncées par le Premier ministre au mois de juin, et intégrées au PLFSS : représentant près de 800 millions d’euros nets d’économies à l’horizon 2017, elles permettront d’améliorer substantiellement l’équilibre de la branche. En 2017, le déficit sera d’un milliard d’euros, contre un peu moins de 3 milliards en 2013 : c’est un effort considérable. Les prestations de la branche famille sont moins dynamiques que l’évolution de ses recettes : si la croissance se révèle conforme aux prévisions, elle pourra donc revenir à l’équilibre.

Aux efforts sur les dépenses s’ajoute une amorce de désendettement, puisque, compte tenu de l’amélioration du solde de la branche retraite et du FSV à l’horizon 2018, l’article 14 du PLFSS intègre les déficits de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de la CNAF dans le champ des reprises de la CADES.

Mme Mireille Elbaum vous a certainement fait part de façon détaillée des travaux du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFi-PS), et je n’y reviens pas. Le Haut Conseil continuera à réfléchir en 2014, mais nous disposons déjà là d’une base de travail substantielle qui a mis en avant des notions et des diagnostics, qui ne sont pas consensuels, mais dont nous pourrons discuter avec les partenaires sociaux.

À ce stade, nous n’avons été saisis d’aucune demande de réflexion sur un éventuel transfert du CICE vers des baisses de cotisations. Aujourd’hui, le CICE est déconnecté de la mécanique des cotisations sociales : il est possible de savoir dans quelle mesure les allégements généraux et le CICE permettent de réduire les charges fiscales et sociales des entreprises, mais on ne peut pas facilement aller beaucoup plus loin.

Sur une éventuelle budgétisation accrue de la branche famille, je suis très réservé. La Cour des comptes le dit : cela n’apporterait rien en termes de lisibilité ou de responsabilité ; cela ne renforcerait pas notre crédibilité à assurer un équilibre de la branche, puisqu’il n’existerait plus d’équilibre… Nous comprenons la difficulté de piloter des prestations « de guichet » – allocation aux adultes handicapés (AAH) par exemple – mais la budgétisation ne nous paraît pas une réponse pertinente aux problèmes rencontrés.

Certains observateurs ou partenaires sociaux estiment que les entreprises n’ont pas à financer la branche famille. Je suis d’un avis plus nuancé : il faut prendre en considération tous les apports de la politique familiale, en termes de taux d’activité des femmes, de natalité, d’équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle, de conditions de travail dans l’entreprise… Il ne me paraît donc pas illégitime que les employeurs soient mis à contribution pour financer la branche famille. Certes, un débat politique doit déterminer à quelle hauteur, et selon quelles modalités, mais les évolutions, je l’ai dit, ont déjà été massives depuis trente ans. Il me semblerait en tout cas quelque peu illogique que les entreprises ne participent pas du tout au financement de la branche famille.

M. le rapporteur. Pour compenser le milliard d’euros que représente la baisse de 0,15 point des cotisations patronales, de nouvelles ressources – fiscales – ont été attribuées à la branche famille : quelles sont-elles précisément ?

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales et de la santé. À l’horizon 2017, nous serons d’ailleurs à une baisse de 0,30 point, soit 2 milliards d’euros.

L’étude d’impact de l’article 15 du PLFSS pour 2014 présente ces modifications : la baisse des cotisations familles représente une perte de 1,159 milliard d’euros pour la branche. Pour la compenser, nous modifions les clés de répartition des allégements généraux entre les différentes branches, ce qui rapporte 194 millions ; la taxe sur les véhicules de société, initialement affectée à la Mutualité sociale agricole (MSA), est transférée à la CNAF, ce qui représente 893 millions d’euros ; la contribution sur les stock-options ainsi que celle sur les jeux et les paris, à hauteur respectivement de 489 et 231 millions d’euros, sont également affectées à la CNAF. Nous modifions la répartition des recettes de la CSG, ce qui bénéficie à la CNAF à hauteur de 791 millions d’euros. En revanche, dans le cadre de la simplification de la répartition des recettes entre les branches, la branche famille perd 471 millions d’euros de prélèvements sur le capital, et 53 millions d’euros de taxes sur les salaires.

Nous avons bien conscience qu’une telle présentation donne une impression d’extrême complexité. Mais il faut regarder l’article 15 dans son ensemble : les réaffectations de recettes que nous opérons entre CNAM, CNAF, FSV et CNAV simplifient l’affectation de différents prélèvements – forfait social, prélèvement social sur le capital… Les droits sur le tabac sont également rendus à la MSA, qui en était historiquement bénéficiaire.

M. le rapporteur. Le Haut Conseil a présenté plusieurs scénarios d’évolution, dont certains modifieraient largement notre système. Quel est le regard de la DSS sur ces propositions qui, il faut bien l’avouer, paraissent très complexes au profane ? Quelle est la faisabilité des clarifications proposées ?

M. Thomas Fatome. C’est un sujet délicat, qui paraît technique mais qui est in fine politique, puisqu’il s’agit d’opérer des choix de financement de différentes branches, de répartition de la charge du financement entre différents acteurs, d’équilibre entre pouvoir d’achat et compétitivité également.

Il nous semble donc qu’il faut aller plus loin dans l’analyse de ces différents sujets, et bien mesurer leurs possibles conséquences pour la feuille de paie des salariés, puisqu’il s’agit de jouer sur les cotisations sociales et sur la CSG. Pour éviter une baisse de pouvoir d’achat, le rapport du Haut Conseil évoque d’ailleurs la piste d’une augmentation généralisée des rémunérations, ce qui paraît juridiquement très compliqué.

Je ne voudrais pas donner l’impression de botter en touche, mais le sujet est extrêmement complexe, et en tout état de cause, il faudrait bien mesurer les conséquences de clarifications massives. Il n’existe pas, comme l’a écrit Malinvaud il y a longtemps déjà, d’assiette miracle, ni d’ailleurs plus généralement de solutions miracle. Là encore, le retour à l’équilibre nous ouvrirait de plus grandes marges de manœuvre pour aborder ces sujets.

M. le coprésident Pierre Morange. La légitimité de la participation des entreprises au financement de la branche famille fait plutôt consensus. Du fait des compensations, elle est d’ailleurs plutôt de 2,6 % que de 5,4 %, initialement définis dans les textes : la Cour des comptes rappelle donc de façon insistante qu’il faudrait intégrer les différentes exonérations dans les budgets.

Dans le rapport que la MECSS lui a commandé, la Cour conclut que les différents scénarios de modifications des assiettes et des prélèvements auraient des effets plus ou moins similaires sur le coût du travail. Il est donc nécessaire de dégager plutôt des économies !

Parmi les gisements d’économies, la MECSS, comme la Cour, estiment qu’il faudrait s’intéresser à certaines prestations – dont le principe est naturellement légitime, et qu’il ne s’agit pas de remettre en question – dont le volume financier est important : il nous semble nécessaire de mieux contrôler notamment l’attribution du RSA et de l’APL. Certaines modifications législatives ont été récemment effectuées, à la suite des préconisations de la MECSS : en avez-vous déjà mesuré l’efficacité ?

M. Thomas Fatome. Je commence par rappeler que certaines prestations sont gérées par les caisses d’allocations familiales pour le compte de l’État.

Le directeur général de la CNAF a fait récemment le point sur la lutte contre la fraude. La branche est très attentive à ce sujet, inscrit dans la convention d’objectifs et de gestion (COG), et obtient des résultats, tant en exploitant les données dont elle dispose que par des contrôles sur place. Depuis plusieurs années, l’ensemble des acteurs agissent, notamment par le partage de fichiers. Le plan de redressement des comptes de la branche famille intègre d’ailleurs 100 millions d’euros obtenus par la lutte contre la fraude à l’horizon 2016.

M. le coprésident Pierre Morange. La procédure de requête systématique, avec croisement automatique des fichiers fiscaux, doit permettre de contrôler non seulement la légitimité de l’ouverture des droits, mais surtout l’intégration des sommes reçues. Les contrôles en seraient grandement améliorés… Des promesses de mise en œuvre d’un tel dispositif ont été faites sous la législature précédente : cela permettrait, en réaffectant certaines sommes, de mieux répondre aux situations des allocataires qui en ont vraiment besoin. C’est un problème que je continuerai d’évoquer tant qu’il ne sera pas réglé.

En matière de prestations légales, avez-vous identifié des gisements d’économies ?

M. Thomas Fatome. Je crains de vous décevoir, monsieur le président… Nous sortons d’un travail assez approfondi sur ces sujets, dans le cadre des travaux du Haut Conseil de la famille présidé par Bertrand Fragonard ; le Premier ministre a déjà annoncé des mesures au mois de juin dernier. Notre priorité est – cela ne vous étonnera pas – le vote et l’application du PLFSS, qui prévoit un montant substantiel de 800 millions d’euros d’économies.

La DSS, certes très attentive aux problèmes budgétaires, est très attachée à ce que d’éventuelles mesures d’économie ne remettent pas en cause la structure de nos politiques familiales et des prestations, qui peuvent certes être jugées complexes mais ne répondent pas si mal aux objectifs pour lesquelles elles ont été conçues – redistribution, garde d’enfants…

En dehors du domaine des prestations légales, la COG signée avec la branche famille prévoit une croissance des crédits de 7,5 % en moyenne par an – effort considérable pour nos finances publiques. Mais c’est, je crois, un investissement pertinent : si l’on devait faire des économies, il faudrait néanmoins préserver la logique et l’efficacité des politiques familiales.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans mon esprit, il ne s’agit pas de diminuer les crédits, mais bien de mieux les utiliser.

M. Thomas Fatome. C’est ce que nous faisons avec le PLFSS pour 2014 : par exemple, nous augmentons le complément familial et l’allocation de soutien familial, nous ajustons les conditions de versement de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE)… Nous allons donc dans le sens que vous souhaitez : le recentrage des aides sur les familles qui en ont le plus besoin. Nous verrons s’il est possible d’aller encore plus loin.

M. le rapporteur. L’Assemblée vient d’adopter un amendement de Jean-Marc Germain selon lequel le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur la réforme du financement de la protection sociale. Il s’agit notamment de s’interroger sur la progressivité du prélèvement social. La DSS y réfléchit-elle de son côté ?

Dans le contexte européen, quelle est par ailleurs votre doctrine sur la définition de la CSG comme cotisation ou comme imposition ?

M. Thomas Fatome. La CSG, dans l’ensemble, n’est pas dénuée de progressivité – vous le savez, les différents taux, les différentes exonérations, la non-déductibilité partielle de l’impôt sur le revenu… constituent des éléments de progressivité. C’est évidemment là un sujet délicat, qui doit donner lieu à un débat politique.

Nous considérons aussi que le débat doit prendre en considération à la fois les recettes et les dépenses : aujourd’hui, les prestations françaises sont extrêmement redistributives, et pas seulement grâce à des prestations ciblées. Peut-on dès lors financer un système de dépenses très redistributif avec un prélèvement qui cesserait d’être, comme l’actuelle CSG, large et assez peu redistributif ? Cela me paraît très difficile.

Enfin, je suis assez favorable à la définition de la CSG comme cotisation que propose le Haut Conseil : cela fait le lien avec son affectation. C’est l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), alors que le Conseil constitutionnel considère que la CSG appartient aux « impositions de toutes natures ». Il faudrait donc, en droit, faire évoluer le statut de la CSG. Nombre de nos prélèvements ont un statut mixte – c’est également le cas du forfait social ; le critère de l’affectation, qui est celui adopté par la CJUE, nous semble présenter certaines vertus.

M. le coprésident Pierre Morange. J’en reviens à la nécessité de dégager des économies, ce qui veut dire aussi rationaliser la dépense publique. La MECSS a posé avec une certaine insistance des questions sur des sujets qui peuvent sembler marginaux, mais qui permettraient d’améliorer l’efficience de la dépense publique.

Nous avons ainsi posé aux différentes branches des questions sur leurs systèmes informatiques, mais nous n’avons reçu à peu près aucune réponse. Nous n’avons reçu qu’une réponse très partielle de la branche famille, après avoir pourtant très lourdement insisté sur le sujet lors d’une audition. Les licences coûtent tout de même quelque 30 millions d’euros annuels à la seule branche famille, qui pourrait pourtant utiliser des systèmes libres. Nous aimerions donc être tenus au courant du « dialogue compétitif » en cours – on peut d’ailleurs se demander si c’est vraiment la procédure la plus pertinente. Nous attendons également les réponses des autres branches.

Nous souhaitons donc très ardemment que la DSS appuie notre demande. Dans le cas inverse, je me devrais de me saisir de mes pouvoirs spéciaux de contrôle sur pièces et sur place. Et soyez assuré que je n’hésiterais pas une seule seconde !

M. Thomas Fatome. Je transmettrai le message.

M. le coprésident Pierre Morange. Quels systèmes informatiques utilise la DSS ? Les préoccupations sont-elles les mêmes ?

M. Thomas Fatome. Nous sommes modestement 240 agents, et notre système informatique est géré par la direction informatique du ministère.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est donc un sujet de moindre importance, mais je souhaiterais néanmoins quelques informations.

Notre rapport sur le financement de la branche famille devrait être rendu au mois de mars. Nous serons attentifs à tous les éléments complémentaires que vous jugeriez utile de nous transmettre, notamment à propos des systèmes informatiques mais surtout de la systématisation des échanges de données entre les organismes sanitaires et sociaux et le fisc. Je souhaiterais donc que vous nous fournissiez un échéancier précis de la mise en œuvre de cet engagement des pouvoirs publics. La lutte contre la fraude fiscale et sociale est, je crois, un objectif qui fait consensus.

M. Thomas Fatome. Comptez sur nous. S’agissant du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) auquel vous faites allusion, sa montée en charge se poursuit, et nous serons à même de vous en rendre compte.

M. le coprésident Pierre Morange. La MECSS y attache un très grand prix.

Merci, monsieur le directeur.

La séance est levée à douze heures dix.