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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mardi 13 mai 2014

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Pierre Morange, coprésident

– Auditions, ouvertes à la presse, sur « le transport de patients » (M. Pierre Morange, rapporteur) :

– M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins, et Mme Véronika Levendof, responsable des relations avec le Parlement, M. Franck Duclos, directeur délégué aux politiques sociales de la Mutualité sociale agricole (MSA), et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires, M. Gérard Quévillon, président du Régime social des indépendants (RSI), et M. Pascal Perrot, médecin conseil national

– M. Thierry Schifano, président de la Fédération nationale des transporteurs sanitaires (FNTS)

– M. Samuel Pratmarty, sous-directeur par intérim de la régulation de l’offre de soins, Mme Perrine Ramé-Mathieu, cheffe du bureau du premier recours, et Mme Élise Riva, adjointe au bureau du premier recours à la direction générale de l’offre de soins (DGOS) au ministère des affaires sociales et de la santé

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mardi 13 mai 2014

La séance est ouverte à neuf heures.

(Présidence de M. Pierre Morange, coprésident de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition, ouverte à la presse, de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins, et Mme Véronika Levendof, responsable des relations avec le Parlement, M. Franck Duclos, directeur délégué aux politiques sociales de la Mutualité sociale agricole (MSA), et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires, M. Gérard Quévillon, président du Régime social des indépendants (RSI), et M. Pascal Perrot, médecin conseil national.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Mesdames, messieurs, la MECSS vous remercie de répondre toujours rapidement à nos sollicitations répétées.

Différents rapports ont traité de la question du transport de patients. La dépense en forte hausse de ce poste est principalement liée à quatre grands facteurs structurels : l’augmentation de la population frappée par des affections de longue durée, le développement des prises en charge ambulatoires, la restructuration de l’offre hospitalière et les regroupements des plateaux techniques qui peuvent augmenter les distances à parcourir, et une offre de transports mal construite n’apportant pas nécessairement une réponse pertinente à la demande.

La Cour des comptes estime possible d’économiser 450 millions d’euros au minimum à travers trois grands axes de rationalisation du dispositif : le strict respect du référentiel de prescription permettrait de récupérer 220 millions d’euros, la réforme du système de garde ambulancière 100 millions d’euros et le contrôle des liquidations de factures 120 millions d’euros. Nous souhaiterions entendre vos réactions sur ces éléments.

M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). De 2,3 milliards d’euros en 2003, les dépenses liées au transport de patients sont passées à 4 milliards d’euros en 2013. Leur place au sein des dépenses de l’assurance maladie s’est donc accrue, dans un contexte de forte maîtrise de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

Cette croissance varie fortement selon le mode de transport utilisé : la dépense est stable pour les véhicules sanitaires légers (VSL), elle s’élève à 800 millions d’euros depuis dix ans. Elle a augmenté de 700 millions d’euros pour les ambulances, passant de 900 millions d’euros en 2003 à 1,6 milliard d’euros en 2013, tout en demeurant à peu près stable depuis 2010 ; en revanche, les dépenses de taxi ont triplé, passant de 500 millions d’euros en 2003 à 1,5 milliard d’euros en 2013.

L’usage des ambulances et des taxis permet aux transporteurs de dégager des marges plus importantes que l’utilisation d’un VSL : il est logique que les acteurs économiques optimisent l’utilisation des véhicules, en choisissant en priorité ceux qui sont les plus rentables. De fait, par le passé, notamment au moment de la loi sur la réduction du temps de travail, les ambulances ont été fortement favorisées, au détriment des VSL. Nous essayons aujourd’hui de revenir sur cet état de fait, mais ce changement ne peut être que progressif
– c’est un sujet socialement délicat.

Quant aux tarifs des taxis, ils sont fixés par les préfets et échappent donc à la régulation exercée par la CNAMTS. Dans les zones urbaines, ces tarifs rémunèrent notamment le temps d’immobilisation du véhicule : c’est le résultat de négociations sur les composantes tarifaires très bien menées, à mon sens, par les représentants des taxis au niveau départemental, même si ceux-ci ne sont pas forcément de cet avis. Les variations de tarifs entre les départements sont importantes, et les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) cherchent à négocier des ristournes, ce qui n’est pas toujours facile.

Il faudrait également se pencher sur l’évolution du nombre de personnes susceptibles d’être transportées.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Nous sommes donc dans un système où c’est l’offre qui détermine la demande, alors que c’est l’intérêt du patient, et donc la demande, qui devrait prévaloir. On peut notamment s’étonner de l’absence de contingentement séparé des VSL et des ambulances. En matière de transports assis professionnalisés (TAP), on peut également regretter l’atomisation des centres de décision
– la CNAMTS est chargée du conventionnement, les ARS (agences régionales de santé) donnent un agrément aux entreprises de transport, les préfets délivrent les autorisations de stationnement des taxis. Voilà un de ces problèmes de gouvernance dont nous sommes coutumiers. Il n’est pas certain que les deniers publics soient utilisés au mieux !

M. Frédéric Van Roekeghem. Il n’est pas forcément inutile de répéter, même si vous-même ne l’ignorez évidemment pas, que la CNAMTS n’a jamais été responsable du pilotage de l’offre de transport.

Les variations de l’offre selon les départements sont importantes : la densité d’ambulances et de VSL varie de 1 à 4, celle de taxis de 1 à 5.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Comment expliquez-vous cette hétérogénéité ?

M. Frédéric Van Roekeghem. Elle provient, d’une part, des transformations de VSL en ambulances, qui sont permises par les textes, d’autre part, des politiques d’augmentation du nombre de licences de taxi, récemment pointées par les professionnels dans le cadre du rapport de M. Thomas Thévenoud. On ne peut que constater que le pilotage de l’offre varie beaucoup selon les départements. Vous avez raison, c’est bien l’offre qui détermine ici la demande : dans certains cas, on a recours au taxi, voire à l’ambulance, quand aucun VSL n’est disponible.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Ce recours au taxi est-il parfois organisé ou bien est-il lié à une véritable carence ?

M. Frédéric Van Roekeghem. Il n’est pas anormal que les acteurs économiques cherchent à optimiser leurs gains.

Cette situation bien connue est la conséquence d’un pilotage macroéconomique dont il faut bien reconnaître qu’il est imparfait et qu’il induit des dépenses qui ne sont pas toujours justifiées, notamment au regard des référentiels de transport qui ont été mis en place progressivement. Les chiffres que j’ai donnés montrent que nous avons plutôt développé le transport de malades assis que le transport de malades couchés. N’oublions pas non plus que le nombre de malades susceptibles d’être transportés s’accroît.

Nos études montrent que ce sont les transports itératifs qui coûtent le plus cher. Ainsi, l’insuffisance rénale chronique est l’une des sources de dépense les plus importantes : 17 % des dépenses concernent en effet des patients dialysés. En l’occurrence, nous connaissons la bonne stratégie, mais nous rencontrons, collectivement, des difficultés pour la mettre en œuvre : il faudrait développer la greffe avec donneur vivant, à l’instar de certains pays, notamment du nord de l’Europe. C’est la solution qui offre au patient la meilleure qualité de vie, et c’est sans doute aussi la solution la plus économique médicalement – la Haute Autorité de santé est en train de le vérifier – et en termes de transports puisque les patients n’ont plus besoin d’aller se faire dialyser. Par ailleurs, et bien que ce soit une priorité pour les ARS, nous n’avons pas suffisamment développé la dialyse péritonéale, une très bonne technique qui supprime tout à fait le besoin de transport. À terme, on peut espérer le développement de l’auto-dialyse : là non plus, il n’y aurait plus de transport. L’évolution des techniques médicales et l’optimisation de la prise en charge compte tenu des coûts peuvent donc faire diminuer de façon substantielle les besoins de transport.

Les coûts de transport des patients dialysés varient très substantiellement entre les territoires, allant de 9 300 euros à 30 000 euros, sachant que le montant moyen des remboursements de transports s’élève à 13 000 euros par an et par patient. Cela s’explique facilement : le coût le plus élevé correspond aux patients résidant en Creuse, qu’il faut transporter soit à Clermont-Ferrand, soit à Limoges. La CPAM de la Creuse travaille donc, en liaison avec l’ARS, pour mettre en place, dans des conditions satisfaisantes, un poste de dialyse à Guéret. C’est tout le problème de l’organisation d’une offre de soins de bonne qualité.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Il faudrait également mieux choisir le moyen de transport en fonction de l’état du patient.

Où en est le partage de l’information, et notamment du référentiel national des transports, entre les caisses primaires et les ARS ?

M. Frédéric Van Roekeghem. Ce référentiel – dont on pourrait d’ailleurs se demander pourquoi il n’existait pas encore – a, vous le savez, été développé progressivement par la CNAMTS, et il est aujourd’hui quasiment exhaustif. Sur le principe, nous sommes tout à fait disposés à le partager ; en pratique, c’est un vrai travail que d’ouvrir les systèmes d’information.

Toutefois, il est nécessaire de s’interroger sur le processus administratif – dont chacun s’accorde à considérer qu’il est peu productif – de répartition des tâches entre les caisses primaires et les ARS. Celles-ci ne sont pas, me semble-t-il, absolument attachées à l’idée de réaliser des tâches administratives parfois lourdes, dès lors qu’elles continuent de les encadrer. Par ailleurs, nous ferions de grands progrès en évitant les allers et retours entre les organismes payeurs et les ARS, dans l’attente, par exemple, de l’enregistrement d’un changement de chauffeur ou d’une modification de véhicule. Les transporteurs considèrent ces parcours administratifs comme peu performants.

Sur ce sujet, qui ne me semble pas stratégique pour les ARS dès lors qu’elles demeurent responsables du cadre général, il me semblerait possible que les caisses primaires agissent par délégation des ARS pour enregistrer des organismes. Parallèlement, nous pouvons ouvrir nos bases de données et le référentiel des transports.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quelle est la position des ARS sur ce sujet ?

M. Frédéric Van Roekeghem. Aucun problème particulier n’a surgi lors de nos discussions au ministère. Le vrai problème, c’est la mise en œuvre informatique : il faut créer une interface entre des systèmes d’information différents, et ce n’est pas nécessairement très simple.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Puisqu’il semble y avoir consensus sur le principe, en combien de temps estimez-vous que ce partage pourrait être effectif ?

M. Frédéric Van Roekeghem. Je ne suis pas aujourd’hui en mesure de vous donner une réponse. Le projet de référentiel national de transport a débuté en 2008 : il est maintenant opérationnel, mais cela ne s’est pas fait en quelques mois.

Chacun s’accorde à considérer que le dispositif actuel de pilotage, trop éclaté, n’est pas suffisamment efficace. Nous sommes d’accord pour ouvrir nos bases de données à tous les services de l’État qui en auraient besoin, au-delà du ministère de la santé, par exemple au ministère de l’intérieur : nous n’avons aucune raison de conserver par-devers nous ce travail qui a été réalisé et qui est mis à jour par les CPAM. En revanche, nous attendons encore certains arbitrages, notamment sur notre proposition dont la mise en œuvre permettrait que les CPAM agissent sur délégation des ARS, afin de simplifier le dispositif et de le rendre plus efficace. Cela nécessiterait peut-être un aménagement juridique, et relève donc du Gouvernement.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Il nous reviendra donc de harceler le Gouvernement pour que ce dispositif consensuel soit réellement mis en place ! Avez-vous des informations sur la révision de l’indice national de besoins de transports sanitaires de la population, exprimé en nombre de véhicules par habitant ? Si l’on ne le met pas à jour, on risque d’empêcher toute rationalisation du système.

M. Frédéric Van Roekeghem. Je ne dispose pas d’information sur ce sujet. Il vous faudra interroger le Gouvernement.

Il faut, je le redis, bien distinguer transports sanitaires et taxis, dont il semblerait aujourd’hui que les représentants de la profession souhaitent une meilleure maîtrise de l’évolution de ce parc. Les autorisations de stationnement accordées par les maires donnent droit au conventionnement par l’assurance maladie après deux ans d’exercice. Je peux comprendre l’attrait théorique de l’idée de libéraliser les taxis, afin de créer des emplois, mais il ne faut pas perdre de vue qu’en zone rurale, les taxis sont financés à 80 % par des deniers publics. Il faut donc éviter une erreur conceptuelle sur ce point : nous sommes, pour notre part, même si cela ne paraît ni très moderne ni très libéral, favorables à une bonne maîtrise des autorisations de stationnement dans les endroits où la demande privée n’est pas en mesure de les solvabiliser.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Sur la garde ambulancière, qui constituait l’un des axes de la réflexion de la Cour des comptes, quel est votre point de vue ? Plusieurs rapports ont montré qu’il était nécessaire de rationaliser le dispositif.

M. Frédéric Van Roekeghem. La garde ambulancière relève de la responsabilité des ARS.

Il existe de très nombreux rapports sur la garde ambulancière et ses rapports avec les SDIS (services départementaux d’incendie et de secours), certains dénonçant la création de carences ambulancières, voire de carences fictives. Aujourd’hui, l’article 66 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2012 vise à privilégier l’un ou l’autre des opérateurs, de manière à éviter les doubles interventions et à responsabiliser les acteurs. Cette organisation peut fonctionner : certaines villes ont mis en place un coordinateur, qui permet de déclencher l’intervention des uns ou des autres en fonction de l’occupation réelle des véhicules, en particulier des ambulances de garde. Il est possible, j’en suis persuadé, d’améliorer encore largement la situation, ce qui passe par une meilleure coopération des deux systèmes. Les ARS, qui disposent de pouvoirs de régulation, ont les moyens de l’améliorer.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Cela repose le problème de l’articulation entre les ARS, qui délivrent les agréments des transporteurs, et la CNAMTS, qui a le pouvoir de conventionner.

M. Frédéric Van Roekeghem. Nous mettons en place les conventionnements en fonction des besoins. Les secteurs de garde relèvent des ARS.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. La Cour des comptes a signalé que le retrait par l’ARS de l’agrément d’une entreprise de transport de patients entraîne automatiquement son déconventionnement, mais que l’inverse n’est pas vrai.

M. Frédéric Van Roekeghem. Le retrait de conventionnement est un sujet complexe, pour les professionnels de santé en général et pour le secteur du transport sanitaire en particulier. Il existe une disposition législative qui autorise l’assurance maladie, en particulier en cas de fraude, à déconventionner unilatéralement un professionnel. Malheureusement, le décret d’application n’est jamais paru. Aujourd’hui, nous ne pouvons donc déconventionner un professionnel que par la voie conventionnelle – c’est une procédure contradictoire, donc longue – ou bien à la suite d’une décision des pouvoirs publics, en particulier une décision judiciaire.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Le référentiel de prescription de transport de 2006 est-il respecté ? La Cour estime qu’il y a là un gisement d’économies.

Où en sont, par ailleurs, les réflexions sur l’inclusion du transport de patients dans le budget des hôpitaux, dans une logique de responsabilisation financière ?

M. Frédéric Van Roekeghem. Force est de constater qu’il existe de fortes disparités entre départements pour des patients souffrant des mêmes affections, et qu’elles ne sont pas explicables par des différences de leur état de santé : le taux de recours à l’ambulance pour les patients dialysés varie ainsi de 2 % à 37 %. On ne peut qu’en conclure que l’arrêté du 23 décembre 2006, que nous avions favorisé, est incorrectement appliqué, du fait notamment de l’indisponibilité de certains modes de transport : cela nous ramène au problème du pilotage de l’offre.

Comment optimiser la dépense tout en agissant dans l’intérêt du patient et en respectant sa liberté de choix inscrite dans la convention entre l’assurance maladie et les transporteurs de patients ? L’enjeu est d’autant plus crucial que nous devrons réaliser 10 milliards d’économies nouvelles dans les quelques années à venir.

D’abord, en incitant les prescripteurs eux-mêmes à respecter davantage les référentiels. En 2013, deux tiers des transports sont prescrits par des praticiens exerçant en établissement de soins – 51 % dans des établissements publics et 12 % dans des établissements privés –, et un tiers le sont par les médecins de ville, en général libéraux. La solution la plus efficace réside vraisemblablement dans la dématérialisation de la prescription de transport, qui pourrait alors se rapporter systématiquement au référentiel de 2006. Nous y travaillons avec les transporteurs, afin d’optimiser, dans un premier temps, leurs modalités de facturation. Il faudrait, dès 2014, expérimenter cette prescription dématérialisée, sans doute d’abord chez les médecins de ville, qui sont déjà très informatisés, mais aussi dans les établissements de soins.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. En agissant avec les établissements de soins, qui concentrent un nombre important de prescripteurs et des capacités technologiques, on doit pouvoir obtenir des effets importants.

M. Frédéric Van Roekeghem. En tout cas, il faut, c’est sûr, continuer à travailler avec les prescripteurs, afin qu’ils connaissent et respectent mieux le référentiel de 2006. La dématérialisation de la prescription nous permettrait également de disposer plus rapidement de l’information, comme elle permettrait aux transporteurs d’améliorer leur chaîne de liquidation et son coût.

Nous avons également proposé, dans notre rapport sur l’évolution des charges et produits de l’assurance maladie paru en juillet 2014, la mise en place, pour les patients transportés de façon régulière, qui représentent le poste de dépenses le plus important, d’une carte de transport précisant le mode de transport – assis ou couché – autorisé, et donc remboursé, par l’assurance maladie. C’est une solution assez simple, qui n’a pas encore été expérimentée, car elle nécessite sans doute des ajustements juridiques, mais qui a montré son efficacité dans d’autres cadres. Elle permettrait à la fois, au transporteur, de connaître la situation des patients et, à l’assurance maladie, de veiller au respect du référentiel. J’ai demandé que l’on commence à examiner les conditions dans lesquelles cette carte pourrait être mise en œuvre. Cela implique naturellement une information individuelle des transporteurs.

Quant à l’inclusion des frais de transport dans les budgets des hôpitaux, elle est déjà réalisée dans certains cas, notamment pour les transports inter-hospitaliers.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Les procédures d’appel d’offres qui en résultent suscitent, on le sait, des craintes chez les transporteurs.

M. Frédéric Van Roekeghem. La question de l’appel d’offres est, en effet, sensible à un double titre pour les transporteurs. D’une part, ils n’interviendraient pas dans la détermination du mode de transport, qui doit être le plus pertinent ; d’autre part, seules quelques entreprises emporteraient l’appel d’offres. Or le secteur du transport sanitaire est composé de nombreuses entreprises, qui craignent d’être écartées et donc de perdre beaucoup de chiffre d’affaires.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Ces inquiétudes sont compréhensibles : près de 5 000 entreprises sont concernées, et les deux tiers d’entre elles emploient moins de dix salariés. Aucune ne peut réaliser tous les transports nécessaires. Il faudrait au moins un cahier des charges clair et opposable, prenant en considération les caractéristiques du secteur, et notamment le grand nombre de toutes petites entreprises. Cela permettrait de les sécuriser économiquement, comme de mieux répondre à l’intérêt du patient, tout en permettant la meilleure gestion possible des deniers publics.

Le principe, énoncé par la loi, du choix du transport le moins onéreux vers le centre le plus proche doit prévaloir sur celui de la liberté de choix du patient.

M. Frédéric Van Roekeghem. C’est un sujet qui devra être abordé avec la profession. Les très vives réactions que nous avons constatées sont très certainement le signe d’une concertation imparfaite.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Il faut, en tout cas, trouver une solution satisfaisante pour tous.

M. Frédéric Van Roekeghem. Absolument. Cela nous renvoie à la question de l’organisation de l’offre.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. La lutte contre la fraude fait également partie des thèmes de réflexion de la MECSS. Où en êtes-vous ?

M. Frédéric Van Roekeghem. Comme dans toute profession, un petit nombre d’acteurs du secteur du transport de patients fraudent : leur facturation ne correspond pas à des prestations réellement servies. Nous réalisons régulièrement des programmes de contrôle et de détection.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. De quel type de contrôles s’agit-il ?

M. Frédéric Van Roekeghem. Ce sont des contrôles ciblés : nous choisissons les entreprises en fonction de divers critères – anomalies de prescription ou de facturation, par exemple. Ainsi, en avril 2013, nous avons lancé le contrôle de 468 entreprises de transport, dont 229 sociétés de transport sanitaire, 235 sociétés de taxis et 4 sociétés mixtes. Ces contrôles sont encore en cours, mais nous avons d’ores et déjà déposé quinze plaintes pénales.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quel est le pourcentage des contrôles ayant révélé une fraude ?

M. Frédéric Van Roekeghem. Je ne saurais pas vous citer le chiffre de tête, mais dans la mesure où il s’agit de contrôles ciblés, les taux de contrôles positifs sont relativement élevés. En 2013, par exemple, à la suite des contrôles engagés antérieurement, nous avons déposé cinquante-huit plaintes pénales, prononcé soixante-quatorze pénalités financières et engagé quinze procédures conventionnelles contre des entreprises de transport de patients. En 2012, nous avions déposé soixante et onze plaintes pénales.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Parmi ces plaintes pénales, combien ont été suivies d’effet ?

M. Frédéric Van Roekeghem. Nous effectuons un suivi des plaintes déposées, mais la durée d’instruction est longue, du fait notamment de la complexité des textes – en moyenne, de l’ordre de trois à quatre ans. En outre, les stratégies des parquets sont variables, en fonction de leurs moyens et du nombre de plaintes déposées.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quel est le volume financier des fraudes détectées ?

M. Frédéric Van Roekeghem. En 2013, vingt et une sanctions pénales ont été prononcées et nous estimons le préjudice détecté à un peu moins de 20 millions d’euros.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Et qu’avez-vous pu récupérer ?

M. Frédéric Van Roekeghem. Je n’ai pas le chiffre ici, mais je vous le communiquerai.

Pour résumer, dans un premier temps, nous identifions les risques ; dans un deuxième temps, nous déclenchons des contrôles ; dans un troisième temps, en fonction de la gravité des manquements constatés, nous nous orientons soit vers une plainte pénale, soit vers une déclaration d’indu et l’application d’une pénalité financière. Cette seconde procédure fonctionne convenablement ; si seulement des fautes de facturation sont détectées, une commission ad hoc se réunit ; en cas de fraudes, une décision est prise directement par le directeur de la caisse. La procédure judiciaire est, bien sûr, beaucoup plus longue.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. La Cour des comptes évalue les indus à une centaine de millions d’euros.

M. Frédéric Van Roekeghem. Cette évaluation remonte aux travaux de certification de nos comptes effectués l’an dernier par la Cour, sur la base d’un échantillonnage qui n’avait pas été jugé satisfaisant par les caisses primaires. Cette année, en accord avec la Cour, nous avons constitué un ensemble de vérificateurs venus de l’ensemble des caisses, et nous avons pris 888 dossiers traités dans le cadre de la certification. Une quarantaine d’entre eux présentent des anomalies de facturation, parfois tout à fait minimes : assez rarement, des sommes que nous aurions dû verser ; beaucoup plus souvent des indus. J’ai repris personnellement ces dossiers, et il est exact qu’il existe, surtout pour des transports sur de faibles distances, des facturations qui ne correspondent pas au kilométrage réel.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Cela montre la nécessité d’une géolocalisation des véhicules. Quand sera-t-elle effective ?

M. Frédéric Van Roekeghem. La géolocalisation constitue une première solution que nous avons négociée avec les transporteurs sanitaires. Elle doit être intégrée dans le système de liquidation, ce qui nécessite des travaux important sur les systèmes d’information. Une autre solution consisterait à imposer que le point de départ et le point d’arrivée soient indiqués de façon plus précise dans les prescriptions, et par voie informatique, ce qui renvoie à la prescription de transport dématérialisée.

Pour l’année 2015, j’ai demandé à mon responsable du contrôle de développer l’expérimentation en cours sur la mise sous accord préalable et la mise sous objectifs des prescripteurs qui, à notre sens, ne respectent pas le référentiel de 2006, ce qui concerne une quarantaine de prescripteurs dans différentes régions. Nous envisageons de généraliser cette expérience, de façon similaire à ce que nous faisons pour les arrêts de travail – autant que faire se peut, puisque ce sont les médecins conseils qui seront sollicités et que cette mise sous objectifs serait assez consommatrice de ressources.

Il me semble également, et nous devrons en discuter avec la Cour lors du prochain exercice de certification, qu’il est très difficile d’extrapoler à l’ensemble des prestations d’assurance maladie, et plus encore au seul secteur du transport de patients, les fraudes ou erreurs constatées sur quelques dizaines de dossiers sur un millier. Du point de vue statistique, la fourchette situe entre zéro et 2,5 %, ce qui fait une énorme différence !

Il n’en reste pas moins que cet examen fait apparaître, plus que des fraudes massives de certains transporteurs, de petites fraudes au kilométrage réparties entre de multiples transporteurs. Il faut donc mettre en place un contrôle spécifique : j’ai demandé au docteur Pierre Fender, directeur du contrôle contentieux et de la lutte contre la fraude de l’assurance maladie, de s’en occuper, avec les caisses primaires. Certaines d’entre elles l’exercent d’ores et déjà, et il s’agira donc de généraliser ces bonnes pratiques afin de maîtriser au mieux ce type de risque. Ce n’est pas facile : les facturations sont très nombreuses, et il est nécessaire de cibler les contrôles.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Nous attendons les résultats chiffrés de ces différentes procédures.

Monsieur Franck Duclos, la MSA s’est également, je crois, engagée dans un contrôle des référentiels de prescription de transport.

M. Franck Duclos, directeur délégué aux politiques sociales de la Mutualité sociale agricole (MSA). Pour la MSA, les dépenses de transport représentent un peu plus de 300 millions d’euros, dont 80 % au titre des affections de longue durée (ALD).

Jusqu’en 2012, nous effectuions des contrôles aléatoires, dont les résultats étaient stables d’une année sur l’autre, ce qui montrait que les comportements ne changeaient pas. Cette année, nous avons mis en place une logique de ciblage, à partir de différents critères. Malheureusement, les résultats de l’exercice 2013 sont très peu satisfaisants, puisque nous avons détecté moins de fraudes qu’auparavant – nous sommes à 80 % seulement de nos résultats de l’année précédente. Nous allons donc analyser ces résultats très décevants et retravailler notre méthodologie.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Vous êtes-vous concentrés sur les médecins de ville ou plutôt sur les établissements de soins ?

M. Franck Duclos. Nous avons effectué un contrôle sur ces deux acteurs mais les établissements de soins prescrivant plus de transports, les contrôles y sont, c’est normal, plus nombreux.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Lorsque des infractions sont constatées, votre politique est-elle la même que celle de la CNAMTS ? Portez-vous systématiquement plainte ?

M. Franck Duclos. En règle générale, nous n’allons pas jusqu’à déposer une plainte pénale, sauf lorsque la CNAMTS nous associe à certains dossiers.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Pourquoi ?

M. Franck Duclos. C’est une démarche technique, dont nous n’avons guère l’habitude.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. C’est aussi une démarche pédagogique, et il paraît indispensable de déposer plainte quand c’est justifié ! Il serait bon que tous les organismes agissent de la même façon, et la MECSS sera vigilante sur ce point.

Avez-vous une stratégie de sensibilisation des transporteurs et des patients, qui doivent saisir toute l’importance de ce sujet pour une bonne gestion des deniers publics ?

M. Franck Duclos. C’était bien la logique que nous entendions faire passer en mettant en place des contrôles ciblés, les contrôles aléatoires ne modifiant pas, semble-t-il, les comportements. Nous allons donc faire évoluer nos pratiques.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Sur les autres sujets déjà évoqués, avez-vous des réflexions particulières ? La MSA gère une population d’assurés assez spécifique, très concernée en particulier par le problème des déserts médicaux.

M. Franck Duclos. Nous sommes associés, depuis le début de l’année, au programme PRADO Orthopédie (programme d’accompagnement du retour à domicile), lancé par l’assurance maladie. À notre sens, ce type de programme peut créer des dépenses de transport supplémentaires, mais le bilan est globalement positif pour l’assurance maladie, car des économies sont réalisées ailleurs. Tout cela mériterait d’être quantifié.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Avez-vous des réflexions en cours sur le covoiturage, par exemple ? Cette mutualisation du transport pourrait se révéler très utile lorsque les centres de soins sont lointains, et cela n’attenterait en rien à la dignité des malades. Nous avons évoqué le cas des malades atteints d’insuffisance rénale, mais on pourrait aussi citer les malades traités pour un cancer.

M. Franck Duclos. Nous n’avons pas travaillé sur ce sujet.

M. Frédéric Van Roekeghem. La CNAMTS, pour sa part, souhaite favoriser le transport partagé et l’utilisation du véhicule personnel de l’assuré. Une expérimentation, en lien avec un centre de lutte contre le cancer (CLCC), a été réalisée dans l’est de la France qui a été maintenant élargi à huit CLCC. Il s’agit notamment de vérifier que la tarification des parkings des établissements hospitaliers demeure correcte, car des tarifs trop élevés découragent l’usage du véhicule personnel. Il faut également simplifier la facturation et le remboursement de l’usage du véhicule personnel, surtout si cet usage est régulier.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Ce programme sera-t-il opérationnel en 2015 ?

M. Frédéric Van Roekeghem. Nous ferons un bilan en fin d’année, mais nous espérons effectivement le généraliser en 2015.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Qu’en est-il des questions de prise en charge du transport dans le secteur médico-social ?

M. Frédéric Van Roekeghem. C’est un sujet d’une extrême complexité. Actuellement, la prise en charge est régie par l’article L. 344-1-2 du code de l’action sociale et des familles, ainsi que par l’article R. 314-208 du même code. Ce second article, qui dispose que les frais sont inclus dans le budget d’exploitation de l’établissement médico-social et financés dans ce cadre par l’assurance maladie, est issu du décret du 15 septembre 2010, lui-même résultat des réunions en 2009 d’un groupe de travail rassemblant la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), les conseils généraux, la CNAMTS et les associations de personnes handicapées. Ce texte est d’une application difficile, et il ne paraît pas totalement satisfaisant, notamment au regard des coûts de transport pour les malades, en particulier lors des sorties en fin de semaine.

Le décret relatif aux enfants handicapés se rendant dans des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) ou des centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP), dont les frais de transport sont normalement pris en charge, est en attente d’examen au Conseil d’État. L’article R. 314-121 du code de l’action sociale et des familles précise que des dotations globales peuvent être mises en œuvre. Toutefois, là aussi, l’arrêté interministériel qui devrait fixer le montant maximal des frais n’est pas publié.

Si les textes sont si complexes, et si certains ne sont toujours pas publiés, c’est bien parce que le sujet est très délicat : l’enjeu financier est important, mais il y a surtout un enjeu social. Ainsi, la circulaire ministérielle du 27 juin 2013 relative à la diffusion du guide de prise en charge des frais de transport de patients, qui se bornait à rappeler les bonnes pratiques et les règles aujourd’hui applicables, en réaffirmant notamment l’encadrement des frais de transport liés aux sorties temporaires à but thérapeutique, et en rappelant que celles-ci n’étaient pas prises en charge, a provoqué de très fortes réactions des familles et des associations. Cela m’a conduit à surseoir aux contrôles mis en place et à demander au ministère de la santé le réexamen de ces textes et de leur applicabilité.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Existe-t-il une évaluation financière ?

Mme Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins (CNAMTS). Le grand nombre de financeurs – l’assurance maladie, mais aussi les conseils généraux, parfois les familles – rend difficile une telle évaluation. Les dotations de transport étant incluses dans les dotations des établissements médico-sociaux, il est d’autant plus compliqué d’avoir une photographie claire.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. A-t-on une idée, au moins approximative, des sommes consacrées au transport par l’assurance maladie, les collectivités territoriales, les familles ?

Mme Mathilde Lignot-Leloup. Non, l’assurance maladie ne dispose pas de tels chiffres. Pour vous répondre, il faudrait effectuer un travail avec le ministère, notamment la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), la CNSA ou d’autres.

L’ANAP (Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux) essaye actuellement d’inciter les établissements médico-sociaux à mieux piloter cette dépense de transport, et à réaliser des économies, dans le but de mieux maîtriser le budget des établissements mais aussi le reste-à-charge des patients. Elle a organisé des séminaires sur ce thème, et appuie concrètement les établissements, afin de permettre un partage des meilleures pratiques.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Monsieur le président du Régime social des indépendants, quelles sont vos réflexions sur tous ces sujets ?

M. Gérard Quévillon, président du régime social des indépendants (RSI). Pour ma part, je surveille de près la question des appels d’offres, qui peuvent entraîner de véritables problèmes. La ville de Cherbourg, que je connais bien, comptait une vingtaine d’entreprises de transport sanitaire il y a quinze ans ; aujourd’hui, il n’y en a plus que quelques-unes, mais ce sont de grosses entreprises. Elles se sont équipées, à grands frais, en véhicules médicalisés : il est, en effet, souvent nécessaire d’amener des patients jusqu’à Caen. La grande crainte de ces entreprises, c’est que l’appel d’offres ne désigne qu’une ou deux d’entre elles : que deviendront les autres ?

Nous estimons également, depuis des années, qu’il faudrait réguler le nombre de taxis chez les transporteurs sanitaires. Pour compter parmi nos adhérents aussi bien des taxis traditionnels que des taxis ambulanciers, nous constatons que la situation est conflictuelle. Aujourd’hui, 40 % du parc des entreprises d’ambulances sont des taxis, car chaque petit village a son enseigne de taxi, dont le transport sanitaire représente une part importante de l’activité. Cela déséquilibre tout ce secteur économique, et certaines entreprises, même importantes, commencent à connaître de grandes difficultés.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Évidemment, le RSI est tiraillé entre des intérêts contradictoires s’agissant des taxis, dont il faudrait, selon vous, contingenter l’offre. Selon la Cour des comptes, le transport de patients représenterait pour cette profession un chiffre d’affaires annuel moyen supérieur à 30 000 euros. Mais l’intérêt de la nation est bien que la demande conditionne l’offre, et non l’inverse. Avez-vous des pistes de réflexion en matière de contrôle de l’offre de TAP par taxi ?

M. Gérard Quévillon. À Cherbourg, une clinique privée a choisi une autre méthode que celle de l’appel d’offres : elle a négocié un tarif et organisé une sorte de tour de garde entre toutes les entreprises de la région, qui interviennent ainsi successivement.

M. Pascal Perrot, médecin conseil national (RSI). En 2013, les dépenses de transport du RSI représentaient 179 millions d’euros, dont 56 % liées à des malades atteints d’ALD. Cela renvoie à la structure de la population concernée ; il serait d’ailleurs intéressant de distinguer, au sein de nos assurés, les auto-entrepreneurs.

Depuis 2009, le taux d’évolution annuel des dépenses est passé de 9 % à 5,4 % en 2010, puis à 3,7 % en 2013. Si l’on regarde l’évolution de chaque moyen de transport, on retrouve les chiffres de la CNAMTS : les dépenses d’ambulance sont plutôt stables, tandis que les dépenses de taxi augmentent énormément. En 2005, le taux d’utilisation des taxis s’élevait à 27 % ; en 2013, ce taux est de presque 41 %. En revanche, les VSL sont passés de 39 % à 17 %.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quelle est votre réflexion sur ce point ? Il faut une formation spécifique pour conduire un VSL, ce qui n’est pas le cas pour les taxis ; la tarification du second est pourtant supérieure à celle du premier !

M. Pascal Perrot. Pour nous, le problème principal réside dans la mise en œuvre de contrôles ciblés.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Le meilleur moyen de contrôler est, semble-t-il, de le faire à la sortie de l’hôpital, mais cela nécessite la mobilisation de services nombreux, ce qui n’est pas facile à réaliser.

M. Pascal Perrot. La prescription du transport doit rester, comme vous l’avez mentionné, avant tout médicale. Les effectifs du RSI sont faibles – 128 médecins conseils seulement, avec un périmètre aussi large que celui des autres régimes. Nous devons donc choisir nos priorités. En 2012, les services médicaux ont émis 31 000 avis ; en 2013, nous avons modifié nos priorités, et le nombre de ses avis a baissé à 27 000. Or, alors que les taux de refus étaient de près de 21 % en 2012, ils étaient de 21,25 % en 2013 avec une moindre émission d’avis. Le ciblage reste donc l’élément clé.

Nous avons également mis en place, depuis 2011, un contrôle des transports de malades en ALD prescrits par des spécialistes.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Le RSI dépose-t-il des plaintes pénales, et organise-t-il des poursuites administratives ?

M. Pascal Perrot. Nous avons mis en place, depuis deux ans, un département de lutte contre la fraude. Nous déposons des plaintes pénales quand cela nous paraît nécessaire.

Nous vérifions particulièrement que les transporteurs de patients affiliés au RSI qui seraient en arrêt de travail, avec des indemnités journalières, ne reçoivent pas, dans le même temps, des remboursements de transport.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Ne rencontrez-vous pas des problèmes de conflits d’intérêts ?

M. Pascal Perrot. Jusqu’à présent, non.

S’agissant des plaintes pénales contre des transporteurs, nous n’avons pas encore assez de recul pour vous répondre. Nous sommes déjà allés jusqu’à déposer une plainte pénale pour d’autres professions que les taxis – des pharmaciens, par exemple.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Monsieur Frédéric Van Roekeghem, quel est votre sentiment sur la politique tarifaire des VSL, des taxis et des ambulances ?

M. Frédéric Van Roekeghem. En moyenne, un transport en VSL coûte à l’assurance maladie 32 euros ; un transport en taxi, 40 euros ; un transport en ambulance, 95 euros. Bien sûr, les patients transportés sont différents ainsi que les trajets, puisque les sociétés de transporteurs, souvent mixtes, savent optimiser l’usage des véhicules.

L’assurance maladie a quelque peu changé sa politique par rapport aux années précédentes. Il nous semble que les décisions, prises au début des années 2000, de favoriser plutôt l’ambulance et d’ouvrir plus largement le transport de patients aux taxis ont eu des conséquences économiques regrettables, que nous avons déjà mentionnées : forte augmentation de la dépense d’ambulance et explosion de la dépense de taxi, compte tenu du fait que le nombre de véhicules s’accroît substantiellement.

Dorénavant, il faut donc payer, plus que du chiffre d’affaires, du service et de la marge, en évitant d’utiliser les ambulances lorsque ce n’est pas souhaitable – il y a un gain important lorsque le malade voyage assis plutôt que couché –, et en veillant à développer l’offre de VSL plutôt que la substitution par les taxis. Le dernier accord signé avec les transporteurs a fortement revalorisé la marge sur les trajets courts, de manière à éviter que les VSL ne soient pas utilisés lorsque les trajets étaient trop courts car cette marge était jusque-là négative.

Nous ne maîtrisons pas, je l’ai rappelé, la tarification des taxis. Nous sommes davantage favorables à payer le service plutôt que la sous-productivité organisationnelle, dont résulte notamment l’attente par les transporteurs des patients qui sortent des établissements de soins. Nous sommes donc plutôt favorables à une tarification forfaitaire kilométrique et de prise en charge. Par ailleurs, presque toutes les caisses ont maintenant renégocié au niveau local, pour l’année 2013, des remises sur les dépenses de taxi : elles ont obtenu en moyenne 3 % de remise supplémentaire. Toutefois, la complexité de la tarification, notamment en matière de retour à vide ou de transport partagé, rend les contrôles difficiles.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Je vous remercie de la précision de vos réponses au cours de cette audition, ainsi que des éléments d’information que vous voudrez bien nous communiquer ultérieurement, qui seront fort utiles à la rédaction de notre rapport.

La MECSS entend ensuite M. Thierry Schifano, président de la Fédération nationale des transporteurs sanitaires (FNTS).

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Nous avons maintenant le plaisir d’accueillir M. Thierry Schifano, président de la Fédération nationale des transporteurs sanitaires, la FNTS.

Le transport des patients est un poste non négligeable sur le plan financier, puisqu’il représente une dépense de 4 milliards d’euros pour l’exercice 2013. Il a fait l’objet, en septembre 2012 dans le cadre du contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale, d’un rapport de la Cour des comptes visant, non pas à contester la légitimité d’une dépense qui découle d’une prescription médicale, mais à connaître sa structuration et les facteurs de son dynamisme, afin de définir les moyens de sa rationalisation.

La croissance de cette enveloppe est, on le sait, liée au vieillissement de la population, au développement des affections de longue durée, à celui de l’hospitalisation à domicile et de la chirurgie ambulatoire et à la restructuration des plateaux techniques. Mais elle est aussi liée à une offre considérée par certains experts comme insuffisamment construite pour s’adapter aux besoins des patients.

La Cour affirme qu’il est possible de réaliser 450 millions d’euros d’économies sur cette dépense, en agissant sur trois axes : un meilleur respect du référentiel de prescription, une réforme de la garde ambulancière et une amélioration du contrôle de la facturation.

Nous aimerions connaître votre sentiment sur ces pistes de réflexion et sur l’organisation de l’offre de soins dans un cadre budgétaire chaque jour plus contraignant. Quelles sont, selon vous, les pistes de rationalisation de l’offre de transport, tant au regard des véhicules – ambulances, VSL, taxis – que de la gouvernance, aujourd’hui partagée entre le préfet, l’ARS et la caisse primaire d’assurance maladie, qui permettraient d’optimiser la prescription de transport sanitaire ?

M. Thierry Schifano, président de la Fédération nationale des transporteurs sanitaires (FNTS). Je voudrais dire d’emblée que j’adhère à l’intégralité des observations de la Cour des comptes.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. C’est là faire preuve d’un esprit de responsabilité dont je vous félicite, monsieur le président.

M. Thierry Schifano. Je parviens au même montant d’optimisation de la dépense que la Cour – je préfère, en effet, parler d’optimisation, plutôt que de rationalisation ou d’économies. Je ne conteste pas que la dépense de transport de patients souffre de certaines dérives, quoi qu’on soit loin des clichés véhiculés par certains médias. Le transport de patients manque d’une véritable organisation au sein de la chaîne de soins, alors qu’il en est un des maillons. Le pilotage de cette dépense manque de lisibilité du fait que le prescripteur n’est pas le financier, que l’utilisateur n’est pas le payeur, et que le payeur n’est parfois pas réceptif aux demandes. Aujourd’hui, en raison d’un défaut d’organisation des flux de transport, mais également de la gestion des lits hospitaliers, le taux d’utilisation de nos véhicules varie entre 45 % et 50 %, ce qui ne signifie pas pour autant que nos salariés ne soient pas occupés le reste du temps.

Avant 2008, l’assurance maladie compensait tout enchérissement de nos charges par des revalorisations tarifaires. Depuis cette date, la situation économique ne permettant plus une telle compensation, notre fédération collabore, avec la Fédération nationale des artisans ambulanciers et la Fédération nationale des ambulanciers privés, à l’élaboration de propositions d’optimisation dans le cadre d’un plan stratégique. Nous avons, nous aussi, dégagé des pistes qui devraient nous permettre, non seulement d’augmenter nos marges, mais surtout de porter le taux de remplissage de nos véhicules à 70 %, soit le taux d’utilisation moyen de tout outil industriel, afin de pouvoir baisser nos tarifs.

L’élaboration de ce plan nous a enseigné que nous n’y arriverions pas seuls. Ramenés à la dépense totale de l’assurance maladie, les 4 milliards d’euros du transport de patients ne représentent que 3 % à 3,5 %. Or, en tirant ce fil de la chaîne de soins, on obtient une vision de son organisation globale. C’est forts de ce constat que nous prétendons contribuer par nos réflexions à une meilleure organisation du système de soins. C’est aussi la raison pour laquelle l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) nous a accompagnés dans l’élaboration de ce plan stratégique.

Nous avons d’abord travaillé sur la régulation des flux hospitaliers en mettant en place, dans différents hôpitaux, des expérimentations en vue d’évaluer la gestion des transports hospitaliers. À cet égard, il faut savoir que 65 % des patients quittent l’hôpital par leurs propres moyens. Sur les 35 % qui utilisent les transports, 80 % sont transportés en ambulance et 20 % en transport assis.

Un gros point noir tient au défaut d’anticipation et d’organisation des sorties hospitalières, qui provoque une concentration des transports autour de quatorze heures et une congestion des urgences hospitalières. Toutefois, la régulation des flux de transport commence surtout par une meilleure gestion des lits hospitaliers. Aujourd’hui, les familles sont moins disponibles pour venir chercher le patient à l’hôpital. C’est la raison pour laquelle nous proposons que soient aménagés au sein des établissements des salons d’accueil, où le patient qui vient par ses propres moyens pourra attendre qu’un lit se libère, accomplir les premières formalités administratives et mieux connaître l’établissement. C’est là une première proposition de régulation des flux.

S’agissant du transport proprement dit, nous proposons de réduire le temps consacré par les transporteurs sanitaires aux formalités administratives, qui désorganise toute la filière, grâce au recours accru aux outils de dématérialisation. Une messagerie sécurisée permettrait de transmettre les données relatives au patient aux intervenants en soins de suite ou au médecin généraliste. S’il ne s’agit pas d’une source d’économie directe, c’est un moyen de contribuer à décongestionner les urgences, en tout cas de souligner la nécessité de réfléchir à une nouvelle organisation.

Nous préconisons, par ailleurs, un véritable effort de coordination des services, notamment en ce qui concerne les consultations. Nous avons constaté, pour ne donner que cet exemple, que certains patients dont l’état nécessitait trois dialyses hebdomadaires pouvaient effectuer quatre déplacements, voire cinq, par manque de coordination entre les différents services intervenant dans leur pathologie. Grâce à la mise en place d’une telle coordination, l’hôpital de Martigues a d’ores et déjà réussi à réduire de 3 % son budget « dialyse ».

Nous recommandons également que les rendez-vous de consultation tiennent compte de paramètres tels que le lieu d’habitation du patient. Cela aurait l’avantage, non seulement d’améliorer la qualité du service, mais également de réduire significativement son coût. Par exemple, en évitant de convoquer à Paris, aux heures de pointe, une personne qui habite en banlieue, on lui épargne une fatigue excessive et une tarification majorée de 75 %. Il suffirait d’installer un programme d’aide à la consultation.

Si nous proposons ces pistes d’optimisation, c’est que, pour toutes les raisons que vous avez évoquées – vieillissement de la population, développement des maladies chroniques, restructuration des plateaux techniques – les dépenses de transport de patients sont appelées à connaître une croissance située entre 2 % et 6 %.

Dans le même esprit, nous avons mis en place des expérimentations de covoiturage. Cette modalité de transport, que nous préconisons depuis des années, représente aujourd’hui 13 % du montant de la dépense de transport de patients et est utilisée par 30 % des patients. Le covoiturage a été organisé pour assurer notamment le transport de patients nécessitant des traitements par hémodialyse, une rééducation fonctionnelle, une chimiothérapie et radiothérapie, soit les postes de dépense les plus importants dans le domaine du transport assis. Nous avons estimé que ce mode de transport, outre qu’il a un impact positif sur l’environnement, permettrait à l’assurance maladie d’économiser 150 millions d’euros par an. En effet, le transport de trois patients dans le même VSL permet une réduction tarifaire de 45 % et celui de deux patients se traduit par un abattement de 25 %.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Il ne s’agit là que d’une projection.

M. Thierry Schifano. Cette expérimentation a été mise en place dans trois établissements, l’un de chimiothérapie et deux de rééducation fonctionnelle.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Comment serait-il possible de généraliser cette expérimentation au plus tard au début de l’année 2015 ?

M. Thierry Schifano. Le fonctionnement de ce système suppose une organisation commune à l’ensemble de la filière. C’est la raison pour laquelle nous avions proposé, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, que les établissements de santé puissent passer des accords avec l’agence régionale de santé afin que les sommes ainsi économisées leur soient reversées. En effet, l’hôpital étant le prescripteur et non pas le payeur, il n’a aucun intérêt à mettre en place un système qui serait pour lui une contrainte supplémentaire.

Nos expérimentations ont démontré qu’en coordonnant le travail des différents acteurs, on pouvait atteindre un taux de transports sanitaires en covoiturage de 90 %. L’exemple le plus marquant est celui d’un centre de rééducation fonctionnelle dont, il y a cinq ans, 90 % des transports étaient effectués en ambulance, principalement parce que le chirurgien prescripteur prescrivait autant de transports que de séances quotidiennes de rééducation. Or sur trente séances, par exemple, le transport en ambulance était le seul élément qui ne changeait jamais. D’où l’idée de demander au chirurgien de ne prescrire de déplacements que pour les cinq premières séances, laissant au médecin rééducateur le soin de déterminer si les séances suivantes devaient mobiliser un transport allongé ou assis covoituré.

Depuis 2011, nous avons engagé avec l’assurance maladie tout un travail pour développer le transport en VSL. Auparavant, notre alerte s’agissant des taxis n’était pas entendue.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. On peut s’interroger sur le système de vases communicants entre les ambulances et les VSL ainsi que sur l’augmentation du recours au taxi, qui en font aujourd’hui le deuxième poste de dépense en matière de transport des patients.

M. Thierry Schifano. Je ne suis pas d’accord.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. C’est pourtant ce que le directeur général de la CNAMTS vient de nous rappeler et ce qui ressort du rapport de la Cour des comptes.

M. Thierry Schifano. La Cour des comptes a comptabilisé, pour plus de cinq millions de bénéficiaires, soixante-cinq millions de trajets effectués, quinze millions étant assurés en ambulance et cinquante-huit millions en transport assis – vingt-cinq millions par VSL, vingt-cinq millions par taxi. Les quinze millions de transports en ambulance représentent une dépense de 1,3 milliard d’euros, les vingt-cinq millions de transports en VSL une dépense de 800 millions d’euros, et les vingt-cinq millions de transport en taxi une dépense de 1,5 milliard d’euros. S’il y a un système de vases communicants, il opère entre VSL et taxis plutôt qu’entre VSL et ambulances.

Si les dépenses des transports en ambulance sont à ce niveau, c’est que la tarification et la prestation ne sont pas du tout les mêmes, et diminuer la durée moyenne des hospitalisations n’y changera rien. Ce qu’il faut, c’est un référentiel de prescription de transport qui soit exact. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas de faire du chiffre d’affaires grâce aux transports en ambulance ; c’est que nos entreprises soient pérennes et puissent jouer leur rôle. Il ne faut pas oublier que nous faisons travailler 54 000 salariés, sur des emplois non délocalisables et offrant des voies d’insertion fortes.

Un autre chiffre à mettre en regard des 4 milliards d’euros dépensés en transport de patients est la marge moyenne du transport sanitaire : en 2013, elle était de 0,8 %.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Pour quel nombre d’entreprises ?

M. Thierry Schifano. Environ 5 400 entreprises.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Contre 4 660 entreprises employant 46 000 salariés en 2006 ?

M. Thierry Schifano. Oui.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Les deux tiers comptaient alors moins de dix salariés. Est-ce toujours le cas ou a-t-on observé un phénomène de concentration ?

M. Thierry Schifano. Non, le secteur n’a pas encore trouvé les moyens de se restructurer, vraisemblablement par crainte des conséquences du dépassement des différents seuils sociaux : peu osent franchir le seuil de dix ou de vingt salariés, et 4 % seulement ont dépassé les cinquante salariés. Engager une réflexion sur les moyens d’harmoniser ces seuils nous permettrait de trouver des voies d’optimisation, sans pour autant remettre en cause le dialogue social dans l’entreprise. Il est vrai qu’une entreprise de cinquante et un salariés et une de trois cents salariés ne sont pas au même niveau.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Pour revenir au système des vases communicants, on a tout de même constaté qu’il en existait un entre VSL et ambulance.

M. Thierry Schifano. C’est précisément ce point que je conteste. Je vous rappelle que le transport de patients est une prescription médicale : c’est le médecin qui juge, en son âme et conscience, si le patient doit être transporté en ambulance ou en VSL.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Je vous interrogeais plutôt sur la possibilité pour une entreprise de transport sanitaire de demander la transformation d’un VSL en ambulance. Quelle est votre position sur le sujet ?

M. Thierry Schifano. Nous demandons clairement que le transporteur sanitaire ne puisse pas modifier son VSL en ambulance.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Êtes-vous partisan d’un système de double contingentement, l’un pour les ambulances et l’autre pour les VSL ?

M. Thierry Schifano. Oui.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quel est votre sentiment sur la géolocalisation ?

M. Thierry Schifano. Nous y sommes favorables : d’abord, elle permettra d’optimiser l’utilisation de nos flottes, ensuite, elle assurera la traçabilité de la facturation de nos prestations, car nous n’avons rien à cacher. Qui plus est, c’est un outil essentiel de la dématérialisation que nous appelons de nos vœux. Elle pourra également apporter une aide dans le secteur de l’urgence pré-hospitalière. Pour toutes ces raisons, l’avenant n° 7 à la convention nationale entre l’assurance maladie et les transporteurs sanitaires privés, que nous venons de signer, pose de façon forte le principe de la géolocalisation.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Les transports de patients en taxi relèvent d’un système de tarification spécifique. Ils mobilisent un volume financier supérieur à celui des transports en VSL, alors qu’ils requièrent une qualification moindre. Quelle est la position de votre fédération sur ce sujet dans une optique de rationalisation ?

M. Thierry Schifano. Notre fédération a proposé plusieurs pistes de réflexion ; certaines n’ont pas eu de suite, du fait de l’action de certains groupes de pression.

Afin de favoriser le transport des personnes en mobilité réduite, le TPMR, nous avions proposé que le lumineux du taxi donne droit à assurer un TPMR. Encore faut-il distinguer entre le taxi qui fait du transport de patients de façon ponctuelle et celui dont plus de 90 % du service relève de l’assurance maladie. L’objectif de cette proposition était de sortir de la tarification distincte des prestations assurées par les taxis afin d’aller vers une tarification commune aux VSL et aux taxis. Cette ligne n’a pas été suivie, mais nous continuons à préconiser une harmonisation de la tarification de ces prestations. Je sais cependant qu’aborder cette question de façon frontale serait aller droit à l’échec.

Aujourd’hui, beaucoup de conventions départementales passées par l’assurance maladie avec les entreprises de taxis ne sont pas conformes au code de la sécurité sociale. Un conventionnement plus rigoureux permettrait d’éviter qu’on puisse basculer du VSL au taxi. Parallèlement, toutes les entreprises de transport sanitaire qui renonceraient à leur service de taxis pourraient bénéficier d’une autorisation de transport en VSL non cessible et non transformable.

Ce qui est regrettable, ce sont les caricatures qui affirment qu’il n’existe plus de transport en VSL, alors que les chiffres de la Cour des comptes prouvent que c’est faux. Je rappelle que c’est l’assurance maladie qui, en 1995, a décidé de se conventionner avec des entreprises de taxi pour des raisons que je n’approuve pas ; les entreprises de transport sanitaire n’ont fait suivre en proposant des prestations de taxi.

Aujourd’hui, les conditions sont réunies pour remettre à plat le système et nos propositions ont d’abord pour objet d’indiquer une voie de progression.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quelle est votre position quant à la possibilité pour les établissements de soins de lancer des appels d’offres et la budgétisation au sein de l’hôpital des dépenses de transport de patients ? Quelles sont, par ailleurs, vos propositions de réforme de la garde ambulancière, qui fait l’objet de vives critiques, notamment de la part de la Cour des comptes ?

M. Thierry Schifano. Il est trop tôt pour autoriser les établissements de santé à lancer des appels d’offres. Les entreprises de transport ne sont pas prêtes, et on risquerait de voir apparaître des opérateurs spécifiquement organisés, qui trouveraient là leur unique mode de financement. À ce jeu, beaucoup d’entreprises pourraient se retrouver au tapis.

Commençons par explorer les voies d’optimisation de la dépense que nous avons proposées. Cela laissera aux entreprises le temps de se préparer à franchir une nouvelle étape d’ici quatre à cinq ans.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Il s’agirait, en somme, de laisser au marché le temps de se réorganiser.

M. Thierry Schifano. Tout à fait. Les pistes que nous avons indiquées devraient déjà permettre d’économiser entre 450 et 500 millions d’euros, soit plus de 12 % de la dépense en transport de patients. Du reste, avec une marge de 0,8 % des entreprises, quelle remise les établissements de santé pourraient-ils espérer ?

N’oublions pas non plus que les entreprises de transport de patients souffrent bien davantage de la crise dans les pays qui ont adopté le système de l’appel d’offres que chez nous, où les amortisseurs sociaux ont fonctionné. Notre secteur n’a encore licencié personne, ce qui n’est pas le cas chez nos amis espagnols, par exemple.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Il est bien évident qu’une rationalisation de l’offre aura des impacts économiques et sociaux, mais cet argument ne vaut pas face à l’intérêt général.

M. Thierry Schifano. Ce n’est pas ce que j’ai dit. Je veux simplement souligner que notre modèle économique a été mis en place dans un contexte de croissance de 7 % à 8 %.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Entre nous, il s’agissait d’une croissance artificielle puisque assise sur la dépense publique et sans recettes correspondantes. Cette situation perdure depuis.

M. Thierry Schifano. Je suis d’accord avec vous, et nous le payons aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle en m’engageant à contribuer à l’optimisation de la dépense, j’en suis venu à évoquer un nouveau modèle économique. S’il ne s’agissait, à l’origine, que de renouveler le transport de patients, je pense de plus en plus que c’est tout le système de santé, voire l’ensemble de notre pays, qui a besoin d’un nouveau modèle économique. La crise que nous traversons n’est pas ponctuelle : je suis persuadé que nous sommes partis pour une dizaine d’années de croissance très faible.

S’agissant de la garde ambulancière, je partage la conviction de la Cour des comptes qu’elle doit être réformée, sans approuver les modalités qu’elle propose. Nos organisations professionnelles pensent préférable de financer les urgences pré-hospitalières en regroupant les crédits soins de ville et les crédits MIGAC (missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation) de l’assurance maladie dans une même enveloppe dont la gestion serait assurée à travers un contrat d’objectifs. Un système viable pour les entreprises passe par la réorganisation des secteurs de garde, qui doivent être différents entre la nuit profonde et la journée, et surtout par le déblocage du verrou administratif qui empêche d’adapter l’outil d’exploitation à l’offre.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Que pensez-vous de l’éventualité de confier, dans certains territoires à très faible densité de population, l’ensemble de la mission de garde ambulancière aux SDIS, le secours à la personne constituant déjà plus de 50 % de leur activité ?

M. Thierry Schifano. Pour nous, la solution n’est pas d’exclure les transporteurs sanitaires de la réponse en nuit profonde, mais de basculer en gestion « H24 » de l’urgence pré-hospitalière via une réorganisation globale de son fonctionnement. Cela pourrait nous conduire à faire appel aux pompiers durant la nuit profonde, quand les appels d’urgence sont rares, et de les désengager de la journée. En effet, c’est durant la journée, et non la nuit, qu’on observe des carences ambulancières.

C’est donc toute l’organisation qui doit être repensée. On pourrait imaginer, dans ce cadre, une offre de transport variable selon les différents secteurs de garde dans le même département. Certaines ARS ont d’ailleurs déjà lancé une réflexion sur ce sujet. L’institution d’un coordinateur ambulancier, financé par la profession, serait l’élément clé d’une telle organisation.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Cette fonction de coordination de l’ensemble des services d’urgence ne devrait-elle pas plutôt être exercée par des plateformes téléphoniques communes aux SAMU (services d’aide médicale urgente) et aux SDIS, dont la généralisation est prônée par certains ?

M. Thierry Schifano. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous sur ce point. Aujourd’hui, les transporteurs sanitaires exercent une compétence clairement déterminée et il convient de ne pas la brader.

Nous militons, pour notre part, pour la mise en œuvre d’une plateforme virtuelle et autonome. Les expérimentations que nous avons mises en place prouvent que ce modèle fonctionne. Une fois que le médecin régulateur a décidé de recourir à tel ou tel mode de transport, le coordinateur ambulancier organise ce transport, en s’adressant d’abord au transporteur sanitaire puis, en cas d’indisponibilité de celui-ci, au SDIS, via le centre 15. C’est ainsi que l’on prendra véritablement en charge la carence ambulancière.

En tout état de cause, il faut procéder à des expérimentations, les évaluer, et d’après les résultats de ces évaluations, soit les généraliser, soit proposer d’autres modèles d’organisation.

Dans une telle organisation, l’enveloppe globale destinée à la garde ambulancière doit assurer aux entreprises une rentabilité suffisante pour financer ce coordinateur. Celui-ci ne serait que le bras armé du médecin régulateur.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Il pourrait même mobiliser un véhicule de secours et d’assistance aux victimes ?

M. Thierry Schifano. Tout à fait.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Ce coordinateur ambulancier financé par les entreprises privées de transport sanitaire ne serait-il pas juge et partie, sur un marché où règne une concurrence féroce, avec des risques de constitution de monopoles ?

M. Thierry Schifano. Je dirais, sous forme de boutade, que le seul monopole dans ce domaine est celui des SDIS. Quand un marché compte plus de 5 000 acteurs, il ne peut pas y avoir de situation de monopole. Il s’agit d’une organisation à laquelle ne participeraient que des entreprises volontaires et aucune entreprise de transport sanitaire ne pourrait en être exclue. Par ailleurs, ce n’est pas le coordinateur ambulancier qui passerait les marchés : il aurait simplement pour mission d’organiser un « tour de rôle ».

Nos incubateurs ont prouvé qu’une telle organisation permettrait de réduire le nombre de carences de plus de 75 %. Les expérimentations devraient démarrer courant 2014 dans une dizaine de départements, étant entendu que tous peuvent s’engager dans cette voie pour peu qu’ils soient structurés.

Nous pensons que le recours à la géolocalisation et une organisation réformée assurant une plus grande fluidité permettraient d’absorber 5 % de volume supplémentaire en deux ans. Tel est notre engagement.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quel est l’état de votre réflexion en ce qui concerne la fraude dans le secteur du transport de patients ? Les sanctions prévues vous semblent-elles adaptées ?

M. Thierry Schifano. Il faudrait d’abord s’entendre sur ce qu’on entend par « fraude ». Quelqu’un qui falsifie une prescription médicale ou facture des prestations de transport qu’il n’a pas effectuées n’a droit à aucune indulgence.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Nous sommes bien d’accord : la fraude se définit par son caractère intentionnel. En cela, elle se distingue de l’erreur, qui n’est jamais intentionnelle. Si l’erreur une fois établie n’appelle que la récupération de l’indu, la fraude doit, elle, être sanctionnée, la sanction ayant une fonction pédagogique et dissuasive.

Vous approuvez donc le fait que les fraudes puissent être sanctionnées tant sur le plan administratif que pénal ?

M. Thierry Schifano. Je suis même favorable à des mesures conservatoires telles que la suspension d’activité.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Vous ne seriez donc pas opposé au recours à des procédures de flagrance ?

M. Thierry Schifano. Tout à fait. Tout cela peut être débattu au sein des commissions de concertation.

Cela dit, la fraude ne représente que 1 % à 2 % de la dépense globale, ce qui est déjà trop. Puisque vous avez déjà fait le distinguo, j’insiste sur la nécessité de ne pas classer les indus dans la fraude. Je rappelle que nos prestations sont prescrites et que la prescription médicale est intangible. C’est en développant la géolocalisation et en sécurisant notre facturation qu’on supprimera la question du kilométrage.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quel serait, à vos yeux, le délai raisonnable de mise en œuvre d’une dématérialisation des données permettant de contribuer à la fois à l’efficience économique, à la rationalisation des moyens de contrôle et à l’optimisation des ressources humaines ?

M. Thierry Schifano. Je souhaiterais un processus en deux étapes : une première étape serait consacrée à la dématérialisation de la facture et de l’annexe, qui devrait être réalisée d’ici au 1er janvier 2015. Restera le problème de la capture de la signature du patient. La dématérialisation de la prescription médicale devra être réalisée dans un deuxième temps, celle-ci posant des problèmes d’intangibilité de la prescription et d’indus. Nous ne pouvons être que parrains, et non acteurs de cette deuxième étape.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Je vous remercie pour la précision de vos réponses.

La MECSS auditionne enfin M. Samuel Pratmarty, sous-directeur par intérim de la régulation de l’offre de soins, Mme Perrine Ramé-Mathieu, cheffe du bureau du premier recours, et Mme Élise Riva, adjointe au bureau du premier recours, à la direction générale de l’offre de soins (DGOS) au ministère des affaires sociales et de la santé.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Monsieur le sous-directeur, mesdames, vous connaissez l’objet des travaux de la MECSS, plus que jamais d’actualité en ces temps de disette budgétaire. La rationalisation des moyens et l’optimisation sont désormais une grille de lecture, qui est la raison d’être de notre mission. C’est dans ce contexte que nous avons engagé une réflexion sur le transport de patients.

Vous savez que les dépenses prises en charge à ce titre en 2013 représentent quelque 4 milliards d’euros, soit environ 2,1 % des dépenses d’assurance maladie. Leur progression dynamique, supérieure à celle des autres postes de dépenses de l’assurance maladie, s’explique par le développement des affections de longue durée (ALD), par le recours croissant à la prise en charge ambulatoire et à l’hospitalisation à domicile, ainsi que par la restructuration de l’offre de soins et des plateaux techniques, d’une part, mais aussi par une offre de transport mal construite et hétérogène, tant sur le plan tarifaire que sur le plan territorial, marquée par une sédimentation d’inadaptations et par l’absence de coordination entre une multiplicité d’acteurs – DGOS, agences régionales de santé (ARS), préfets, caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) – qui ne partagent pas toujours leurs données, d’autre part. M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la CNAMTS, vient de nous confirmer qu’il était prêt à mettre à disposition ses banques de données constituées à son initiative, corroborant le manque de coordination en matière de protection sanitaire et sociale constaté par la MECSS.

Le rapport Rénovation du modèle économique pour le transport sanitaire terrestre remis en septembre 2010 au ministère de la santé et des sports par M. Didier Eyssartier, le rapport de la Cour des comptes de septembre 2012 ou le rapport de M. Gérard Dumond et M. Jean-Claude Mallet, sur les transports sanitaires, qui n’a jamais été publié mais dont la MECSS a eu connaissance par le truchement de la Cour des comptes, font tous état de l’existence de marges de manœuvre sur ces dépenses de 4 milliards d’euros. Des efforts fermes et durables de rationalisation et d’optimisation, que ce soit sur le référentiel de prescription, la garde ambulancière ou le contrôle des facturations, permettraient de faire 450 à 500 millions d’euros d’économies par an.

Nous venons d’auditionner M. Thierry Schifano, président de la Fédération nationale des transporteurs sanitaires (FNTS), qui a validé les grands axes de cette analyse et qui rejoint nombre des préconisations qui ont été faites, pourvu qu’elles soient mise en œuvre dans le cadre d’une politique proactive.

La situation de nos finances publiques et l’objectif du Gouvernement de réaliser quelque 10 milliards d’euros d’économies sur l’enveloppe des dépenses sociales doivent conduire l’État à accélérer la manœuvre, d’autant que les différents responsables sont dans d’assez bonnes dispositions. Quelles sont les modalités privilégiées par la DGOS, non plus tant au travers d’expérimentations, puisque le temps nous est désormais compté, mais sur le plan opérationnel ?

M. Samuel Pratmarty, sous-directeur par intérim de la régulation de l’offre de soins à la direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère des affaires sociales et de la santé. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. Jean Debeaupuis, le directeur général de l’offre de soins, qui m’a demandé de le suppléer.

Permettez-moi d’abord de préciser le rôle de la DGOS dans la régulation des transports de patients, puisque plusieurs administrations se partagent cette fonction, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle locale.

La DGOS a vocation à réguler l’offre de transports conjointement avec la direction de la sécurité sociale (DSS) et la CNAMTS. Toutefois, sa compétence ne s’étend pas à l’ensemble du champ, puisqu’elle n’intervient pas en matière de tarification de l’activité ni de régulation des enveloppes budgétaires correspondantes. Elle est essentiellement en charge de la réglementation de l’activité de transport, qu’elle soit relative aux agréments des entreprises, aux autorisations de mise en service des véhicules ou à l’organisation territoriale. Ce rôle spécifique s’explique par le fait que la DGOS est compétente en matière de régulation globale de l’offre de soins : les transports de patients sont un maillon de la chaîne.

La DGOS est également compétente en matière de régulation des transports urgents – SAMU et SMUR (services mobiles d’urgence et de réanimation). Qui plus est, même si cela n’entre pas dans ses attributions officielles, elle assure, de fait, un rôle de veille et d’animation au profit du réseau des ARS, qui ont trouvé en elle l’interlocuteur naturel pour répondre à leurs questions relatives aux transports.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. La multiplicité des compétences et des acteurs dessine, en effet, un paysage particulièrement complexe, dans lequel s’inscrivent également les départements, pour ce qui concerne les SDIS, et le ministère de l’intérieur, s’agissant des taxis ou de la sécurité civile.

M. Samuel Pratmarty. L’action de la DGOS s’inscrit principalement dans deux directions, qui contribueront à la mise en œuvre du plan global d’économies de l’assurance maladie et permettront une rationalisation de la dépense en matière de transports de patients.

L’une est l’amélioration de l’organisation de la prescription, et surtout de la commande de transports en interne aux établissements de santé. Les établissements de santé sont les premiers prescripteurs et les principaux destinataires de transports de patients ; ils ont donc un rôle à jouer dans la régulation de la dépense de transports. Il y a là un « nœud » essentiel et stratégique sur lequel il faut consentir des efforts. M. Thierry Schifano l’a sans doute fait valoir, et à juste titre, cette commande de transports en interne aux établissements n’est pas suffisamment organisée ; elle peut être source de perte de temps pour les transporteurs, pour les malades et pour les services, donc de surcoûts de fonctionnement pour les entreprises sanitaires, qui entraînent eux-mêmes des hausses de tarifs.

L’idée générale est qu’une meilleure organisation de la commande de transports permettrait de fluidifier ces transports, de gagner du temps, de faire des économies d’échelle, et in fine de mieux maîtriser la tarification.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Nous connaissons les solutions, à peu de chose près. L’ANAP a fait plusieurs études sur le sujet, et les préconisations des professionnels rejoignent d’ailleurs celles de la puissance publique. Le contexte est donc particulièrement favorable à cette rationalisation. Sachez qu’à la MECSS, le mot « économies » a une connotation positive.

Le directeur général de la CNAMTS estime que, dans le cadre de la dématérialisation, il faut mettre en œuvre une pédagogie auprès des prescripteurs, essentiellement les médecins libéraux de ville. Nous voyons bien que celle-ci bute sur l’enceinte des établissements de soins. En tant que direction du ministère de tutelle, la DGOS a une autorité plus forte pour le faire. Puisque nous connaissons les solutions, quand comptez-vous les mettre en œuvre ?

M. Samuel Pratmarty. Nous avons une idée de ce que pourrait être la bonne organisation, même si elle ne nous semble pas nécessairement applicable à toutes les situations. Tout l’enjeu est de la diffuser, c’est-à-dire d’aligner les pratiques sur ce modèle « cible » qui fait globalement consensus. Pour les établissements hospitaliers, cela implique une transformation non négligeable de leur organisation interne, puisque cela nécessite de repenser entièrement le circuit des patients en leur sein. Une telle transformation ne pourra pas se faire du jour au lendemain. Certains établissements y sont toutefois parvenus. À cet égard, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nîmes constitue un modèle du genre, prouvant que c’est possible pour peu que l’on s’en donne les moyens. Nous sommes en train de réfléchir, à partir de réussites de ce type, à la manière de généraliser ce mode d’organisation et ces pratiques.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. C’est une spécialité française que de construire des cathédrales sur le papier et de ne pas savoir passer à l’action, sans doute parce que la volonté politique – quelle que soit la majorité au pouvoir – fait défaut. Pour dire les choses comme elles sont, c’est un constat d’impuissance que nous faisons. Puisque les solutions sont identifiées, ne faisons pas des résistances humaines une raison suffisante pour différer la réforme dans le temps, d’autant que les contraintes économiques et financières ne nous laissent plus de marge de manœuvre. Nous avons l’obligation de faire 10 milliards d’euros d’économies dans les dépenses sociales sans attendre des réformes structurelles, trop longues à porter leurs fruits. Nous avons des solutions intelligentes et opérationnelles, dont la généralisation, moyennant une marge d’adaptation, pourrait constituer une ambition collective. C’est la raison pour laquelle j’insiste pour que vous nous donniez des précisions sur l’agenda.

M. Samuel Pratmarty. Je comprends votre préoccupation, mais je ne peux vous fournir de précisions sur ce point. La question centrale est celle de l’intérêt à agir pour l’établissement de santé.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quelle est la position de la DGOS sur l’intégration du poste « transports de patients » dans le budget hospitalier, voire sur la procédure de l’appel d’offres pour passer des marchés de transport, qui suscite quelques réticences chez les transporteurs ?

M. Samuel Pratmarty. À modèle d’organisation et de financement constant, les établissements de santé ont intérêt à agir – comme le montre l’exemple du CHU de Nîmes. Mais pour que cet intérêt soit bien compris par l’ensemble des acteurs, il faudrait leur confier des leviers ou les faire bénéficier d’une forme d’intéressement. Cela pose notamment la question du transfert de la responsabilité soit de l’enveloppe budgétaire, soit de la commande de transports – le cas échéant dans le cadre d’un appel d’offres –, soit les deux, ce qui serait plus logique. Cette modalité d’organisation a déjà été expérimentée, sans grand succès puisque nous ne sommes pas parvenus à l’ancrer dans le réel. Nous n’excluons cependant pas de refaire des propositions en ce sens lorsque le sujet sera mûr.

Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, nous avions envisagé l’expérimentation d’appels d’offres groupés à l’échelle territoriale, à l’initiative d’une ARS, d’une CPAM ou d’un établissement de santé. Cette approche avait fait consensus et suscité un certain intérêt. Malheureusement, le contexte défavorable créé par la hausse de la TVA sur les véhicules sanitaires légers (VSL) a parasité la bonne volonté des uns et des autres, et l’expérimentation n’a pu être menée jusqu’à son terme. Sans doute le secteur n’était-il pas tout à fait préparé non plus.

Il faut rappeler que nous avons affaire à un secteur très éclaté, qui compte beaucoup de petites entreprises exploitant peu de véhicules. La généralisation des appels d’offres à une échelle territoriale, même plus réduite, se traduirait donc par l’éviction d’un certain nombre d’entre elles. C’est en fait la consolidation du secteur qui est en jeu. La question est de savoir par où commencer : faut-il attendre que le secteur ait lui-même opéré cette consolidation pour introduire les appels d’offres ou bien mettre en œuvre les appels d’offres pour permettre cette consolidation ? Il ne m’appartient pas de trancher cette question sensible, mais c’est, à l’évidence, une question sous-jacente.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Le rendez-vous avec les transporteurs sanitaires, qui avait été reporté, est-il reprogrammé ?

M. Samuel Pratmarty. À ce stade, tout est gelé.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Ce n’est pas l’offre qui conditionne la demande, mais l’inverse, surtout lorsque le financement est public. Lorsque la volonté politique est forte, il y a des marges de manœuvre ; en l’espèce, elles existent. Il importe donc que l’exécutif nous fournisse un calendrier de mise en œuvre plus précis.

Permettez-moi de vous citer un exemple. Il y a quelques années, le cabinet McKinsey avait proposé ses services à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) pour l’aider à rationaliser l’offre de soins, et notamment la gestion des files d’attente aux urgences, où le temps d’attente moyen était d’une douzaine d’heures, dans une fourchette d’une à deux heures jusqu’à dix-huit. Par une simple amélioration de la gestion de file, la technique du cabinet aurait permis d’améliorer l’accueil et de diminuer ce temps d’attente. Les réserves émises par l’institution vis-à-vis de ces cabinets privés, réserves liées à sa culture publique, m’avaient conduit à inviter le cabinet à assurer une prestation « test » presque gracieuse. Celle-ci a fait la preuve de son caractère opérationnel, puisqu’elle a permis de diminuer le temps d’attente de 40 % en l’espace de trois mois à l’hôpital Beaujon. On peut donc aboutir à des résultats tangibles pour peu qu’il existe une volonté politique forte.

M. Samuel Pratmarty. Nous en sommes convaincus. Cet exemple a d’ailleurs fait tâche d’huile, puisque nous avons mis en œuvre un programme d’accompagnement des établissements gérant des services d’urgences. D’ici à un an, près de 160 structures devraient bénéficier de cet accompagnement à travers le territoire, notamment dans l’idée de réduire les temps d’attente. Mais, encore une fois, cela s’inscrit dans le cadre d’une organisation globale à l’intérieur des établissements. Vous voyez donc que l’idée a prospéré.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quel est votre sentiment sur les autres éléments de réflexion de la Cour des comptes, notamment en ce qui concerne l’organisation ?

Les éléments qui pourraient contribuer à une rationalisation, tels que le covoiturage, en sont encore au stade expérimental. La pertinence nécessiterait à la fois un partage de la gouvernance et une coordination, c’est-à-dire le partage du répertoire national de transports. Selon M. Frédéric Van Roekeghem, cela ne devrait pas poser problème dès lors qu’une convention permet de l’organiser.

Il importe également de revoir l’arrêté de 1995 sur le ratio véhicule par habitant. Actuellement, les ambulances et les VSL sont soumises à un plafond global, du fait de la possibilité qu’ont les entreprises de transformer un VSL en ambulance. Il n’existe donc pas de contingentement de l’offre, ce qui empêche de gérer l’héritage, qui se caractérise à la fois par une offre excédentaire sur une partie du territoire national, une hétérogénéité et une dispersion de l’offre. Le rapport de 1 à 4 que nous observons sur le parc d’ambulances ne se fonde sur aucune explication rationnelle, ce qui suscite frustrations et procès d’intention.

M. Samuel Pratmarty. La question présente plusieurs aspects. Je dirais que l’actuelle organisation globale du travail, qui commande la répartition des compétences entre les différentes administrations en charge du secteur, est le fruit de l’histoire et d’arbitrages successifs. Elle n’est peut-être pas toujours adaptée aux enjeux du moment, mais il ne m’appartient pas de la commenter. C’est dans le cadre de cette répartition institutionnelle que s’inscrit le travail de la DGOS. Nous nous efforçons de nous coordonner au maximum avec la DSS et la CNAMTS, et de faire en sorte que cette répartition parfois éclatée des compétences soit la plus transparente possible, du point de vue des transporteurs de patients comme de celui des gestionnaires locaux, qu’il s’agisse des CPAM ou des ARS. Les transports sanitaires font ainsi partie des dix priorités du programme de gestion du risque ; il s’agit bien de coordonner et de mutualiser nos politiques respectives. À cadre organisationnel constant, et sans nier les limites de ce dernier, je pense que nous pouvons faire en sorte d’assurer la transparence du dispositif en dépit de sa dispersion.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. En ce qui concerne l’articulation des actions des SAMU et des SDIS, une vingtaine de départements seulement disposent désormais de plateformes téléphoniques communes. Peut-on espérer que leur nombre progresse dans les six prochains mois ? Ce modèle de plateforme a fait la démonstration de son efficacité dans certains dispositifs. Que ce soit en termes de ventilation entre transports d’urgence ou d’articulation avec la garde ambulancière, il permet une rationalisation des moyens mis en œuvre pour répondre à la diversité des prescriptions médicales. L’intervention du régulateur trouve donc ici sa légitimité.

M. Samuel Pratmarty. Permettez-moi d’exprimer une nuance sur cette question des plateformes communes. Nous y sommes bien entendu favorables. Pour autant, nous ne les considérons pas comme la solution par excellence. Ce n’est pas notre priorité. Nous nous attachons avant tout à l’amélioration de l’interconnexion entre SAMU et SDIS, qui nous semble être le principal enjeu. La création de plateformes peut favoriser des mutualisations et des gains en effectifs, essentiellement d’ailleurs sur les fonctions support. En tout cas, nous ne disposons pas d’évaluations objectivées des économies réelles qu’elle a pu entraîner.

Mme Perrine Ramé-Mathieu, chef du bureau du premier recours. Les gains sont minimes. Seuls les outils sont mutualisés ; encore chaque équipe conserve-t-elle souvent ses effectifs et ses systèmes d’information. En dehors des locaux, il n’y a donc pas vraiment de mutualisation. En réalité, ce qui prime n’est pas tant le regroupement physique sur un lieu que la qualité de l’interconnexion et la capacité d’articuler et de coordonner les acteurs et les missions sur le terrain.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Le vrai problème est le passage de l’information à la coordination. Pouvez-vous nous en dire plus sur le calendrier de mise en œuvre de cette interconnexion ?

La nature ayant horreur du vide, les compétences des uns et des autres se sont étendues. Les SDIS se sont ainsi éloignés de leur cœur de métier : le secours aux personnes représente désormais 55 % de leur activité. D’où l’intérêt de la coordination pour la rationalisation des moyens.

La Cour des comptes a préconisé des pistes pour la garde ambulancière. En dessous de quatre déplacements, qui correspondent au seuil de vitalité économique pour les transports de patients, l’exercice est déficitaire pour le transporteur. Ne serait-il pas plus pertinent de renoncer à y affecter des sommes par voie conventionnelle – le coût est tout de même de 360 euros pour douze heures de garde –, et d’utiliser les moyens existants, c’est-à-dire les SDIS ? Cette solution est préconisée à la fois par la Cour des comptes et par le rapport d’information de l’Assemblée nationale de juillet 2009, présenté par MM. Georges Ginesta, Bernard Derosier et Thierry Mariani sur le financement des SDIS.

M. Samuel Pratmarty. L’organisation territoriale de l’offre de transports est la deuxième direction de notre action. Dans ce cadre, nous travaillons sur la rationalisation de l’organisation et du financement de la garde ambulancière, qui est un enjeu majeur en termes d’amélioration du fonctionnement des transports de patients. Nous avons donc proposé – ce que le Parlement a adopté dans le cadre de l’article 66 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 – une expérimentation permettant aux ARS de déroger aux règles relatives à l’organisation de la garde ambulancière, mais aussi à son financement et à sa tarification. Nous partageons, en effet, le constat de l’inadaptation de ces règles, qui sont uniformes et ne tiennent pas compte des besoins et des spécificités locales. Quant au modèle de financement, il n’est adapté qu’aux secteurs de garde où l’activité tourne autour de deux ou trois transports par garde. En deçà de ce point d’équilibre, la garde est insuffisamment rémunérée ; à partir de cinq à six transports par garde, le modèle n’est pas non plus adapté.

L’expérimentation va permettre aux ARS qui le souhaitent de mettre en œuvre, dans une relative liberté, des règles alternatives qui leur paraissent plus adaptées avec les acteurs concernés, transporteurs sanitaires et SAMU. Ce projet fait consensus entre nous ; les fédérations de transports sanitaires, notamment la FNTS, coopèrent sur le sujet. Nous avons préparé un décret en Conseil d’État qui viendra préciser les conditions d’application de l’article 66 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. La longue concertation à laquelle il a donné lieu a permis de faire émerger entre les acteurs concernés un consensus propre à garantir une application réelle du dispositif. Cela devrait permettre à cette expérimentation de ne pas sombrer dans les mêmes difficultés que la précédente. Un certain nombre d’ARS sont d’ores et déjà volontaires pour y participer.

Mme Perrine Ramé-Mathieu. Et d’autres y réfléchissent.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Vous voudrez bien nous en adresser la liste.

M. Samuel Pratmarty. Le décret n’ayant pas été publié, il n’y a pas encore eu d’appel à candidatures officiel, mais nous savons qu’un certain nombre d’ARS sont intéressées par le dispositif. Nous sommes donc confiants quant à l’intérêt qu’elles vont y porter. Dans ce cadre, le rôle des SDIS en matière de transport de patients pourra être précisé. Vous l’avez dit, le transport n’est pas leur rôle premier : les deux seuls cas dans lesquels les SDIS sont compétents sont l’évacuation des victimes de sinistres et la carence ambulancière. Selon nous, il n’y a pas de raison de sortir de ce cadre. En revanche, on peut envisager de leur confier un rôle particulier au cas par cas, notamment dans les territoires où l’activité est très réduite. Cela fait partie des pistes qui pourront être explorées dans le cadre de l’expérimentation.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. De fait, les SDIS sont déjà sortis de leur cadre naturel, puisque les déplacements pour secours à personne représentent 55 % de leur activité. Le coût de fonctionnement n’est pas du tout le même, l’armement étant différent – deux personnes pour une ambulance, contre quatre pour un camion de pompiers. Les coûts des SDIS vont de 300 euros à 1 200 euros selon les estimations de l’Assemblée des départements de France (ADF) – d’où les réflexions en cours sur l’allègement de l’armement, qui appelle tout de même un certain nombre de réserves.

J’en viens à un autre sujet important : le contrôle et la lutte contre la fraude. Le ministère des affaires sociales en général, et la DGOS en particulier, ont-ils une stratégie en la matière ? Quels en sont les axes prioritaires, sachant que des dispositions législatives ont été adoptées à cet effet dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale ? Mentionnons également les comités départementaux de lutte contre la fraude, où siègent le préfet, les magistrats compétents, les établissements publics et les institutionnels. Il ne s’agit pas de désigner une profession à la vindicte populaire ; mais comme dans toute activité humaine, il existe une fraction marginale qui se comporte mal ; la sanction est donc essentielle pour que la vertu des uns ne soit pas polluée par les turpitudes des autres.

Quelles sont les remontées d’information dont vous disposez sur ce sujet ?

M. Samuel Pratmarty. Je suis d’autant plus à l’aise sur le sujet que la DGOS n’est pas en charge de l’organisation des contrôles. Bien évidemment, nous sommes favorables aux contrôles, qui sont nécessaires. Nous sommes coresponsables du contrôle sur les établissements de santé, et nous veillons à ce qu’il soit mis en œuvre rigoureusement. Lorsque c’est nécessaire, ces contrôles sont étendus au champ des transporteurs de patients. Je ne suis pas en mesure de vous en dire davantage. Mais à chaque fois que l’assurance maladie ou la DSS nous sollicitent sur le sujet, nous nous efforçons de leur apporter notre aide.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Où en sont les expérimentations sur l’individualisation de la prescription hospitalière ? Si l’on veut faire en sorte que le référentiel de prescription du transport de patients soit correctement suivi à l’intérieur d’un dispositif hiérarchique clairement individualisé, et puisque nous avons pris acte d’une certaine concentration des dépenses de transport dans les hôpitaux, il faut une identification du prescripteur, afin qu’il y ait une philosophie partagée. Sur des cas standardisés, la règle doit être la même partout.

M. Samuel Pratmarty. La prescription est individualisée. Ce qui ne l’est pas encore totalement, c’est le suivi et le contrôle de la prescription par praticien.

Aujourd’hui, nous sommes capables d’évaluer les dépenses induites de manière collective par un établissement de santé. Pour être plus précis et plus efficaces, il nous faudrait pouvoir individualiser les prescriptions par praticien à l’intérieur de l’établissement de santé. Les praticiens se sont vu proposer des numéros RPPS – répertoire partagé des professionnels de santé – qui permettront de les identifier. Nous nous heurtons néanmoins à deux difficultés : d’abord, tous les praticiens n’ont pas le réflexe de l’utiliser, même si, en principe, il devrait être affiché automatiquement sur les prescriptions ; ensuite, les systèmes d’information de l’assurance maladie ne permettent pas encore de traiter l’ensemble de ce flux d’informations et d’en extraire des statistiques fiables et précises par individu. Nous y travaillons.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Quel est l’objectif ? Le sujet est bien l’individualisation du prescripteur. Il n’est pas insensé de vouloir savoir qui prescrit quoi ; la démarche n’a rien d’inquisitorial. Si l’on veut vraiment avoir une logique de permanence des soins, de rationalisation, de standardisation des procédures et d’équité de traitement sur le territoire, cette individualisation est nécessaire. Dès lors que nous sommes dans un dispositif hiérarchique, l’autorité – et donc le ministère – doit exiger que le dispositif soit appliqué sous peine de sanction. Ce processus devrait d’ailleurs s’inscrire dans un calendrier précis.

M. Samuel Pratmarty. Nous avons pris du retard par rapport aux échéances fixées. Nous avons prévu de rappeler aux établissements et aux prescripteurs la nécessité d’utiliser systématiquement le numéro RPPS.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Connaissez-vous le pourcentage d’utilisation de ce numéro RPPS ?

M. Samuel Pratmarty. Je ne l’ai pas en tête, mais je vous le transmettrai.

Nous avons prévu, disais-je, de rappeler cette règle dans les prochains mois. Cela fait partie des objectifs que nous nous sommes donnés dans le cadre du programme de gestion du risque. Mais l’échéance n’a pas été fixée à ce stade.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. En ce qui concerne la fraude, les poursuites pénales doivent être systématiques lorsque la fraude est identifiée. Cette philosophie a-t-elle été « matérialisée » par une lettre à tous les directeurs d’ARS ? Il serait légitime que l’autorité de tutelle fasse en sorte que la pédagogie de la sanction soit la même en tout point du territoire.

M. Samuel Pratmarty. Je n’ai pas la réponse à cette question. Je vais me renseigner et vous la ferai parvenir.

M. le coprésident Pierre Morange, rapporteur. Je vous remercie d’avoir répondu à nos questions. Si vous avez des attentes particulières à formuler, auxquelles nous pourrions répondre dans le cadre législatif ou réglementaire, n’hésitez pas à nous en faire part. Nous aurons à cœur de les porter.

La séance est levée à douze heures trente-cinq.