Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 12 juin 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 20

Présidence de Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure

– Auditions, ouvertes à la presse, sur « la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) » (Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure) :

– Table ronde réunissant des représentants d’associations œuvrant pour les personnes handicapées, membres du conseil de la CNSA : Mme Malika Boubekeur, conseillère nationale Compensation et autonomie de l’Association des paralysés de France (APF), M. Arnaud de Broca, secrétaire général de la FNATH, association des accidentés de la vie, M. Michel Girard, vice-président de l’Union nationale des familles et amis de malades mentaux (UNAFAM), et Mme Christel Prado, présidente de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI), et M. Thierry Nouvel, directeur général

– Table ronde réunissant des représentants d’associations œuvrant pour les personnes âgées, membres du conseil de la CNSA : M. Romain Gizolme, directeur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), Dr Serge Reingewirtz, président du Syndicat national de gérontologie clinique (SNGC), M. Benoît Jayez, secrétaire général-adjoint de l’Union confédérale des retraités et des préretraités-Force ouvrière (UCR-FO), et M. Francis Contis, président de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA)

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 12 juin 2014

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Malika Boubekeur, conseillère nationale Compensation et autonomie de l’Association des paralysés de France (APF), de M. Arnaud de Broca, secrétaire général de la FNATH, association des accidentés de la vie, de M. Michel Girard, vice-président de l’Union nationale des familles et amis de malades mentaux (UNAFAM), et de Mme Christel Prado, présidente de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI), et M. Thierry Nouvel, directeur général.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Mesdames, messieurs, c’est avec plaisir que je vous accueille à la MECSS, dans un autre cadre que celui dans lequel j’ai l’habitude de travailler avec vous. Vous êtes auditionnés ce matin dans le cadre de nos travaux sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), en vue d’un rapport qui devrait être remis à l’automne. Nous avons déjà travaillé sur la CNSA. Aujourd’hui, elle a dix ans : le moment du bilan est venu, mais dix ans, c’est un peu court pour bâtir un instrument de cette importance.

Au terme de cette décennie, quel bilan dressez-vous de la création de la CNSA ? Quels sont selon vous ses principaux apports ? Sa gestion vous semble-t-elle adaptée ?

Du point de vue de la gouvernance, quel regard portez-vous sur la répartition et l’articulation des compétences et des financements entre la Caisse et les différents acteurs que sont les autorités de tutelle, les agences régionales de santé (ARS), les départements et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ?

La gestion des crédits de la CNSA au niveau local vous paraît-elle satisfaisante ? Comment améliorer l’articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social ?

Aux termes de la loi, la CNSA est chargée de contribuer au financement de l’accompagnement de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, « dans le respect de l’égalité de traitement des personnes concernées sur l’ensemble du territoire ». Quelle appréciation portez-vous sur la mise en œuvre de ces dispositions ? Comment remédier aux disparités d’attribution de la prestation de compensation du handicap (PCH) ? Conviendrait-il d’étendre les moyens et les missions de la Caisse en vue de mieux garantir l’égalité de traitement ?

Nous aimerions aussi vous entendre à propos des MDPH et du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement : que pensez-vous des dispositions destinées à renforcer le rôle de la CNSA et à améliorer la connaissance des coûts et des besoins ? Y a-t-il des mesures dont vous regrettez qu’elles n’y figurent pas ?

M. Arnaud de Broca, secrétaire général de la FNATH, association des accidentés de la vie. Je vous remercie de votre invitation. Je suis relativement nouveau à la CNSA, tout au moins comme titulaire. Dix ans, c’est court en effet pour construire à la fois une Caisse nationale et un réseau local, celui des MDPH ; mais cette simultanéité était bienvenue pour assurer l’efficacité du dispositif par la cohérence entre les deux niveaux, sans doublon.

Comme membre du Conseil de la CNSA, je trouve son fonctionnement, les travaux qu’elle publie, son rôle de coordination et de synthèse des connaissances intéressants. Les rapports que nous examinons lors des conseils sont souvent de qualité et fournissent des données que l’on ne trouve pas ailleurs. Il me semble qu’ils sont le plus souvent consacrés aux personnes âgées.

Sur la gouvernance, j’ai coutume de comparer la CNSA à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), dont le conseil comprend lui aussi des représentants de la FNATH – et ce, depuis 2004, au titre de l’association en elle-même et non plus comme personnalités qualifiées. Le conseil de la CNAMTS n’est plus un conseil d’administration ; il fixe désormais des orientations. Les représentants des associations n’y occupent que trois sièges sur trente-cinq. La gouvernance de la CNSA me paraît beaucoup plus intéressante, car elle a été d’emblée conçue pour garantir la représentation des associations – même s’il se trouve que, du fait des règles de vote et de majorité, nous y sommes souvent minoritaires. Sans doute parce que la Caisse est récente, son fonctionnement fait une large place aux différentes parties prenantes, qu’elles siègent au conseil ou non, groupes de travail, commissions, etc.

Bref, la gouvernance de la Caisse est plus conforme à nos attentes que celle de la CNAMTS, qui se voit réduite à un jeu de rôle entre les acteurs. Certes, les règles de vote ne nous satisfont pas entièrement, mais construire des alliances et des positions communes fait partie du jeu. Il semble donc opportun de conserver la gouvernance en l’état, dans sa spécificité, et même de l’étendre aux branches maladie et accidents du travail / maladies professionnelles (AT/MP) de la sécurité sociale.

En ce qui concerne le dispositif des MDPH, je suis de plus en plus critique et les avis sont de plus en plus négatifs sur leur organisation, leur fonctionnement, leur implication, le rôle des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), les règles de vote. Toutefois, sans la CNSA, la situation serait encore plus catastrophique, car la Caisse joue un rôle important sinon pour harmoniser le réseau, du moins pour lui donner des lignes directrices, et pour diffuser l’information auprès des MDPH. Leurs directeurs en témoignent. Elle mobilise les acteurs et répond à leurs questions sur les problèmes posés par la législation en vigueur. Son action pourrait être encore améliorée et l’égalité territoriale accrue, mais son bilan sur ce point est positif.

J’aimerais surtout insister sur une question qui me tient à cœur, même si j’ai peu de chances d’être entendu : les transferts de charges entre la branche AT/MP et la branche maladie en raison de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. Une commission se réunit tous les trois ans – elle l’a fait il y a peu – pour évaluer les sommes en jeu, conformément à une disposition votée chaque année dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ; elles s’élèvent à un milliard d’euros environ. Il conviendrait d’étudier l’impact sur la CNSA et les MDPH de cette sous-déclaration et de la mauvaise indemnisation des victimes. Nombre de nos adhérents sont amenés à demander à la MDPH une prestation de compensation et des aides alors qu’ils devraient être indemnisés pour le préjudice subi et que ces prestations ne couvrent de toute façon pas la totalité des frais engagés. Quelle victime d’un préjudice corporel accepterait une telle situation ? La branche AT/MP étant financée par les cotisations des employeurs, cela signifie que les responsables n’assument pas entièrement les conséquences du préjudice qu’ils ont causé.

Je profite également de l’occasion pour revenir, même si ce n’est pas le sujet du jour, sur le gel de la revalorisation des rentes AT/MP. C’est là une mesure inadmissible, qui nous renvoie soixante ans en arrière, puisque c’est en 1954 que la FNATH a obtenu la revalorisation annuelle ; c’est même à cette fin qu’elle avait été créée en 1921 et que, à partir de 1927, ses représentants sont venus à la Chambre des députés accompagnés de personnes mutilées pour impressionner les parlementaires de l’époque. Cette décision est incompréhensible pour les personnes concernées – sans parler du gel de la revalorisation des pensions d’invalidité.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous avons pris connaissance du communiqué de la FNATH sur ce point. Sans anticiper sur des informations dont nous ne disposons pas, je tiens à vous dire que nous sommes plusieurs à être intervenus à ce sujet.

M. Arnaud de Broca. S’agissant enfin du secteur médico-social, il me semble, sans être spécialiste de la question, qu’il existe un problème de coordination avec les ARS et de fonctionnement. Le dispositif est loin d’être parfait pour ce qui touche à la gouvernance des associations ; sur les appels à projets, mes collègues sont plus compétents que moi pour vous répondre.

Mme Malika Boubekeur, conseillère nationale Compensation et autonomie de l’Association des paralysés de France (APF). Je suis d’accord avec M. Arnaud de Broca sur la gouvernance innovante de la Caisse, avec ses deux vice-présidences représentant respectivement le monde du handicap et celui des personnes âgées. On la retrouve dans les groupes de travail qui ont émaillé les premiers travaux de la Caisse, destinés à créer des outils et des dispositifs, en particulier à l’intention des MDPH.

Je regrette seulement que ce réflexe de collaboration active avec les associations d’usagers ait été un peu perdu au fil des années. Aujourd’hui, nous ne participons plus aux travaux qu’en bout de course. C’est à mon sens le premier élément à améliorer dans le fonctionnement de la Caisse.

Je regrette ensuite que les travaux et l’ordre du jour des séances du conseil soient toujours consacrés aux mêmes sujets : le secteur médico-social, en particulier le plan d’aide à l’investissement (PAI), et d’une manière générale les financements, surtout destinés aux personnes âgées. Alors que la CNSA est dotée d’une direction de l’autonomie qui fait un excellent travail, il n’en est pas question au conseil, sinon par l’intermédiaire d’une petite commission des aides à la personne, qui nous procure au demeurant des données très intéressantes.

Comment améliorer le rôle et le fonctionnement de la CNSA ? Sa direction de la compensation est chargée d’accompagner les MDPH au quotidien par des dispositifs concrets – formulaires de demande, certificats médicaux, guides d’évaluation, d’aide à la cotation des critères d’éligibilité à la prestation de compensation du handicap (PCH), par exemple –, mais aussi en conseillant les équipes des MDPH lorsque celles-ci prennent leurs décisions, qu’il s’agisse des décisions d’évaluation ou de celles des CDAPH. Des sessions de formation sont organisées à l’intention des équipes pluridisciplinaires. Cet appel des MDPH aux équipes nationales de la CNSA est censé garantir l’équité territoriale. Mais les équipes de la CNSA sont-elles assez nombreuses pour accomplir leur mission jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la mise en œuvre concrète des indications élaborées au niveau national ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. C’est un problème que l’on nous a déjà signalé.

Mme Malika Boubekeur. Le fonctionnement des MDPH en est un autre. Aujourd’hui, la CNSA répartit 60 millions d’euros entre toutes les MDPH du territoire afin de financer leur fonctionnement. Par ailleurs, elle signe une convention d’appui avec chaque conseil général afin de ventiler également les contributions pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la PCH. Nous aimerions que soient enfin mis en œuvre les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) prévus par la loi du 28 juillet 2011 tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, dite « loi Paul Blanc », entre l’État, les conseils généraux, le groupement d’intérêt public MDPH (GIP MDPH) et la CNSA, afin d’assurer à chaque MDPH une base financière et budgétaire et de fixer les apports en personnel et le financement de chacun, idéalement pour trois ans au moins, grâce à un contrat triennal. La convention d’appui pourrait être intégrée au CPOM.

Par ailleurs, les actions de la CNSA sont limitées aux services des MDPH, alors que ce sont d’autres services, ceux du conseil général, qui sont chargés du versement de la PCH et du contrôle de son effectivité. La CNSA ne peut ni former les personnels, ni proposer une extension des missions. Dans le cadre du groupe de travail mené par M. Denis Piveteau, nous avons proposé la création de services d’accompagnement à la mise en œuvre des plans d’aide. Au-delà des situations critiques dont il s’agissait en l’occurrence, nous souhaitons qu’ils concernent toute personne bénéficiant d’un plan personnalisé de compensation.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Nous recevrons M. Denis Piveteau le mois prochain afin qu’il nous parle de ces travaux, mais aussi de son expérience à la tête de la CNSA.

Mme Malika Boubekeur. J’aimerais aborder maintenant le sujet des aides techniques, présentées ces jours-ci dans le cadre du salon Autonomic. Ce secteur est riche d’acteurs très nombreux et très atomisés et, si vous me permettez l’expression, il n’y a pas de pilote dans l’avion. Nous aimerions que la CNSA devienne ce pilote. Elle a déjà créé un observatoire du marché et des prix des aides techniques ainsi qu’un portail, malheureusement disparu, qui centralisait les informations sur ces produits – équipements techniques, fauteuils roulants, nouvelles technologies, etc. En outre, chargée de la compensation, la CNSA a toute légitimité pour coordonner le secteur des aides techniques puisque celles-ci font partie des dispositifs de compensation des conséquences du handicap.

Nous saluons naturellement le renforcement des prérogatives de la CNSA dans le cadre du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, s’agissant en particulier des aidants.

En revanche, nous sommes très inquiets de constater que deux dispositions ont disparu du texte dans la version présentée le 3 juin en Conseil des ministres.

La première concerne la labellisation et le contrôle des maisons départementales de l’autonomie (MDA). Nous avions fait part de notre préoccupation face aux initiatives de certains départements qui installaient des maisons de l’autonomie et leur permettaient, à partir des GIP MDPH, d’accueillir un nouveau public, sans prestation unique de compensation puisqu’il n’en existe toujours pas, ni moyens de fonctionnement supplémentaires. Les premières informations dont nous disposions faisaient état d’une économie de personnel au sein des MDA créées. Mais comment faire plus et mieux avec moins, et en accueillant un public nouveau ? Il avait donc été convenu au moment de la préparation du projet de loi que toute création de MDA serait soumise à un avis conforme des commissions exécutives (COMEX), des conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA) et d’une commission nationale de labellisation. Or cette mesure a disparu ; nous avons déjà fait part de notre inquiétude à la Ministre.

Seconde disparition : celle des CDCA eux-mêmes, équivalents locaux du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), qui devaient être créés à partir des conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées (CDCPH) et des comités départementaux des retraités et personnes âgées (CODERPA).

M. Michel Girard, vice-président de l’Union nationale des familles et des amis de malades mentaux (UNAFAM). La création de la CNSA a constitué une expérience indiscutablement positive. Je regrette seulement qu’elle fonctionne trop souvent comme une simple caisse payeuse, sans grand pouvoir d’intervention sur le terrain. Elle ne peut agir en faveur d’une plus grande équité territoriale entre les MDPH. Certes, elle peut formuler des recommandations, mais il ne s’agit précisément que de recommandations.

Alors que les discussions en cours autour de la réforme territoriale annoncent de possibles interférences dans la mise en œuvre des attributions de la CNSA, je crois qu’il faut au contraire défendre la spécificité des MDPH. Leur caractère propre tendrait à s’estomper, si elles devaient être noyées au milieu des structures d’accueil de personnes âgées, destinées à une population beaucoup plus nombreuse.

Mme Martine Carillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Voulez-vous dire que la CNSA devrait recentrer son activité sur la seule politique du handicap ?

M. Michel Girard. Non, je ne parlais que de l’équité territoriale ; je ne voudrais pas remettre en cause la double mission de la CNSA, qui doit rester compétente à la fois pour le handicap et pour le vieillissement. Je regrette cependant qu’elle affecte parfois ses ressources et répartisse ses crédits de manière peu compréhensible et imparfaite au regard de ses objectifs.

Quant à l’articulation de son action avec les autorités sanitaires, je n’en vois guère. Les éléments novateurs développés par la CNSA ne trouvent pas de débouché concret, car les autorités sanitaires se cantonnent à une approche traditionnelle. C’est regrettable, car le défi du handicap et du vieillissement exige de concevoir des solutions innovantes.

Ce que vient de dire Mme Malika Boubekeur à propos du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement n’a rien de rassurant. Avant d’envisager de nouveaux rapprochements, il faudrait corriger les défauts des maisons départementales des personnes handicapées, conformément à la loi du 28 juillet 2011 précitée qui tendait à améliorer leur fonctionnement. Or, elles continuent de traiter les demandes dans des délais qui s’allongent, faisant la preuve d’une certaine inefficacité.

Les conseils généraux prennent trop souvent la question à la légère alors que l’on est parfois dans le n’importe quoi, sinon dans l’illégalité pure et simple. La CNSA, si elle avait un pouvoir plus grand, pourrait améliorer la situation. En ce domaine, la législation n’envisage souvent qu’une consultation simple des instances représentatives des personnes handicapées, ce qui est lourd de conséquences. Le projet de loi originel ne faisait état que d’un simple avis, sans autre précision… Il n’était même pas indiqué qu’il devait être favorable ! Mais ce n’est sûrement pas un hasard : ceux qui rédigent ce genre de texte savent très bien ce qu’ils font…

Au total, le bilan de la CNSA est positif, mais elle pourrait certainement mieux faire.

Mme Christel Prado, présidente de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI). Je m’associe totalement aux déclarations de la FNATH, de l’APF et de l’UNAFAM. La CNSA est une institution de grande qualité qui, en associant au sein de structures novatrices toutes les parties prenantes, permet une co construction de la politique du handicap. Dans ce dialogue permanent, chacun est amené non seulement à infléchir ses positions, mais aussi à convaincre les autres partenaires. La CNSA a donc produit des résultats intéressants et plutôt rapides, si l’on songe qu’elle n’a que dix ans.

Je serais plus critique sur les liens qu’elle entretient avec ses partenaires. Siégeant dans ses instances, et forte de mon expérience de mère d’enfant handicapé, j’observe le jeu d’acteurs entre la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et la CNSA. Je constate que, par-delà les mots échangés, cette communication n’est pas optimale, voire que ces rapports dégénèrent en une relation de concurrence néfaste pour le fonctionnement de ces institutions.

Quant à l’harmonisation des pratiques, la CNSA ne peut que l’accompagner par ses avis et par ses conseils. Au nom de la libre administration des collectivités territoriales, elle se voit refuser tout moyen d’intervenir par la contrainte pour assurer une meilleure équité territoriale. Le GEVA, guide d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées, devait être l’instrument multidimensionnel qui permette de définir de manière concrète les besoins de la personne handicapée. Or, sur le terrain, cette évaluation n’est pas faite ou reste totalement incomplète. Dès lors, faute d’avoir une vision objective des besoins de la personne en situation de handicap, il est impossible de donner les bonnes réponses aux diverses problématiques.

Pire encore, il n’a même pas été possible d’imposer aux départements, dans les conventions qu’ils signent avec la CNSA, qu’ils établissent chaque année un rapport d’activité sur leur politique du handicap, et suivent pour ce faire un modèle commun. Toute comparaison en est rendue impossible, ce qui est un comble.

Les liens avec les ARS ne sont quant à eux pas tout à fait stabilisés, peut-être parce que leurs relations avec la CNSA sont encore récentes. Sur un même projet, il n’est pas rare que je m’entende dire de la part de la CNSA que des crédits sont débloqués, alors que l’ARS me répond qu’ils ne le sont pas. Il y a forcément quelqu’un qui ment ; mais comme je ne suis pas dans le tuyau, je ne pourrai vous dire qui…

Entre tous les apports de la CNSA, son principal mérite est de permettre la construction d’une culture commune dans l’approche de la compensation et de la perte d’autonomie. C’est à mes yeux un apport majeur, qui nous permet d’envisager de dépasser les politiques de réadaptation ou d’intégration pour viser une véritable politique de l’inclusion. Malheureusement, alors que nous pensions que cette nouvelle culture était acquise, comprise, et qu’il était possible d’aller plus loin, la présentation du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, et la composition même du nouveau Gouvernement, avec deux secrétariats d’État désormais séparés qui ont en charge, pour l’un la famille, les personnes âgées et l’autonomie, pour l’autre les personnes handicapées et la lutte contre l’exclusion, apparaissent comme deux signes récents, particulièrement inquiétants, qui témoignent soit d’une incompréhension, soit d’une volonté politique délibérée de ne pas donner suite aux dispositions de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Je n’ai pas la réponse, mais je m’interroge. Quoi qu’il en soit, je ne vois aucune cohérence entre le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement et la loi de 2005, et pas davantage entre ce projet de loi et la stratégie nationale de santé. Je m’interroge sincèrement sur la pertinence de ce texte, de son calendrier, de ses modalités de financement. Cette loi, si elle n’est pas remise en cohérence avec les autres outils législatifs, sera non seulement totalement inutile, mais elle enverra un mauvais signe à tous les publics concernés, y compris aux personnes âgées, qui y avaient pourtant fondé beaucoup d’espoirs, comme nous-mêmes en avions beaucoup fondés dans la loi du 11 février 2005.

Dans un registre plus positif, je salue les efforts de la CNSA en faveur du public handicapé, car elle facilite à tous les démarches conduites auprès d’elle en appliquant de manière exemplaire les règles européennes dites du « facile à lire et à comprendre » dans l’écriture de ses décisions.

Plusieurs autres sujets me tracassent. Le système d’information partagé pour l’autonomie des personnes handicapées (SipaPH), pourtant très coûteux, ne fonctionne pas. J’aimerais que l’on puisse faire une évaluation de tous les moyens, financiers et humains, qui ont été investis dans un outil dont on ne sait absolument pas quand il fonctionnera, alors même que le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances (IGAS-IGF) d’octobre 2012 sur les établissements et services pour personnes handicapées y voyait un outil majeur pour répondre aux difficultés de mise en œuvre des politiques en faveur des personnes handicapées… Nous sommes loin de ce que les citoyens pourraient attendre en termes de bonne maîtrise des dépenses publiques.

L’exil en Belgique des personnes handicapées constitue un autre sujet de préoccupation. La CNSA finance ainsi, par une enveloppe spécifique allouée à l’ARS du Nord-Pas-de-Calais, l’accueil de 6 000 personnes chez notre voisin. Cela permet à la Belgique de créer pas moins de 4 000 emplois… Autant de richesse qui pourrait prospérer dans notre pays dans ce contexte de chômage massif. Sans parler du bien-être des personnes handicapées – mais qui s’en soucie, à part les associations ? Sinon, la solution aurait été trouvée depuis longtemps.

J’ai été profondément choquée par la ponction de 400 millions d’euros opérée sur les réserves de la CNSA au profit des départements, sans la moindre assurance quant à leur affectation : loin d’avoir uniquement servi la politique en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, ils ont le plus souvent abondé la politique d’insertion et le revenu de solidarité active (RSA), là où les départements avaient les besoins de financement les plus criants. Plus choquant encore, les critères d’attribution ne tenaient aucun compte des politiques de prévention qu’avaient pu mener certains départements pour éviter de trop dépenser : de fait, ils ont été totalement « sortis du radar », et l’on a donné une prime à ceux qui travaillaient mal !

Il est anormal que la CNSA finance des emplois de moniteurs sportifs (STAPS) qui interviennent auprès des personnes handicapées. Ces emplois doivent certes être financés, mais pas sur le budget de la CNSA.

Enfin, je regrette que le programme pluriannuel 2008-2013 de création des places pour un accompagnement adapté du handicap tout au long de la vie, annoncé par le président Nicolas Sarkozy, n’ait finalement connu qu’une exécution partielle, puisque la moitié des places attendent encore de voir le jour. Même si la double tarification complique la mise en œuvre de ces engagements, il faut à tout prix sortir de l’ornière.

M. Thierry Nouvel, directeur général de l’UNAPEI. La CNSA souffre d’avoir un périmètre mal défini. Ainsi, les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) ne sont financés que sur fonds budgétaires, avec une enveloppe fermée, tandis qu’ils pourraient être pris en charge sur le budget de la CNSA. Cette option, qui alignerait la situation des ESAT sur celle des autres établissements, paraît en outre plus susceptible d’une mise en œuvre rapide, d’autant que la perspective d’une décentralisation des ESAT au profit des conseils généraux me semble assez éloignée dans le contexte actuel de réorganisation territoriale.

La CNSA a, entre autres missions, celle de garantir une égalité de traitement sur le territoire, mais elle ne dispose pas d’outils pour le faire. Au contraire, la répartition des crédits suit de manière mécanique des critères de densité de population. À défaut d’être présent partout, l’État pourrait au moins se doter d’instruments autorisant une régulation plus fine dans la perspective d’une nouvelle organisation territoriale.

Au niveau national, la répartition des compétences entre la CNSA et la DGCS n’est pas claire : c’est même un joyeux bazar ! Les circulaires de répartition des crédits sont souvent des circulaires conjointes, rédigées dans le secret d’un bureau. Curieusement, le contenu de ces circulaires budgétaires ne fait l’objet d’aucune discussion au sein du conseil de la CNSA, et pas davantage d’ailleurs avec la représentation nationale, elle aussi totalement absente. La décision finale, certes, relève du ministre ; mais la CNSA pourrait à tout le moins émettre un avis.

Les besoins sont enfin mal évalués et cette méconnaissance est proprement aberrante. Plusieurs rapports ont déjà pointé l’échec du système d’information SipaPH ; non seulement il n’aurait pas véritablement permis de connaître les besoins d’aujourd’hui, mais c’est déjà trop tard : nous avons besoin d’outils qui permettent de faire des projections. Aussi l’UNAPEI a-t-elle entrepris de bâtir une base de données à partir des renseignements qu’elle collecte auprès des établissements de soins. Malgré l’intérêt marqué par plusieurs ARS, la CNSA a cependant refusé de financer cet instrument, au motif que c’est à elle qu’il reviendrait de le développer…

Mme Christel Prado. En quoi elle n’a pas tort !

M. Thierry Nouvel. En attendant, ce sont les ressources propres de l’UNAPEI, c’est-à-dire principalement les cotisations des parents de personnes handicapées, qui sont mises à contribution. Il y a quelque chose qui ne va pas dans ce pays…

Enfin, le récent projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement pâtit de manière flagrante du retrait de la circulaire du Premier ministre du 4 septembre 2012 relative à la prise en compte du handicap dans les projets de loi. Cette circulaire prévoyait de prendre en compte de manière systématique le handicap au stade de la conception des projets de loi. Pour la première fois depuis deux ans, l’étude d’impact préalable aura cependant fait l’impasse sur cette problématique.

Mme Malika Boubeker. Suite à l’intervention de Mme Christel Prado, j’aimerais revenir sur l’abondement par l’État des fonds départementaux de compensation : lors son dernier conseil, la CNSA a voté une enveloppe de 3 millions d’euros alors que Mme Carlotti, la Ministre, nous avait indiqué cette année que la quote-part de l’État s’élèverait à 4 millions d’euros pour 2014.

Premier souci : nous nous retrouvons avec une enveloppe moindre. Second souci : ces trois millions d’euros sont ponctionnés sur l’enveloppe dévolue à l’APA et à la PCH, c’est-à-dire une enveloppe déjà dédiée aux départements pour financer la compensation des conséquences du handicap dont nous savons qu’elle est déjà insuffisante par rapport aux besoins.

Alors que le financement de l’APA pèse déjà sur les budgets des conseils généraux et que la PCH commence aussi à le faire, puisque le taux de couverture atteint 40 %, venir ponctionner sur cette enveloppe insuffisante les 3 millions d’euros destinés à abonder les fonds départementaux de compensation dont le rôle est de financer les restes à charge pour les personnes, souvent suite à l’intervention de la prestation de compensation, c’est vraiment une double peine : on ponctionne sur une enveloppe déjà amoindrie.

C’est pourquoi je voulais compléter les propos de Mme Christel Prado et revenir sur l’avis du CNCPH concernant le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. La CNSA n’a pas de prérogatives pour agir sur certaines réglementations. Nous aimerions que les rôles de la DGCS et la CNSA puissent s’adapter pour être cohérents.

Prenons l’exemple du tarif de la prestation de compensation « aide humaine » qui est insuffisant quand le salarié est engagé de gré à gré. La CNSA n’a absolument pas le pouvoir de relever ce tarif car c’est du ressort de la DGCS, alors que c’est elle qui est amenée chaque jour à en constater l’insuffisance.

Comme l’indiquaient Mme Prado et M. Nouvel, il est nécessaire que les informations mais aussi les prérogatives respectives de la CNSA et de la DGCS soient mises en cohérence et en commun pour que tous les acquis de la loi du 11 février 2005, dont le droit à compensation, puissent vraiment se concrétiser.

Autre exemple : il n’existe toujours pas de prestation de compensation dédiée aux enfants et c’est la prestation de compensation pour adulte que l’on propose aux enfants. La CNSA le constate ; la DGCS le constate également, mais à un autre niveau ; tous les travaux sur cette question se sont arrêtés en 2008 et ils n’ont jamais repris.

Voilà encore un exemple de la nécessité d’une bonne cohérence, d’une bonne gestion et d’une bonne mise en synergie de deux services : l’un, la CNSA, qui constate tous les jours sur le terrain les conséquences d’une loi non aboutie parce que des décrets sont venus limiter ce droit ; l’autre, l’administration centrale, qui a le pouvoir de régler ces difficultés.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Je vous remercie les uns et les autres pour vos contributions qui rejoignent largement celles qui ont déjà été apportées dans le cadre de cette Mission.

Grâce à votre regard particulier, vous avez éclairé certains sujets. Sans y revenir, je dirai que vos propos et l’histoire récente de la CNSA montrent que l’inaboutissement de certaines réformes conduit sinon à une paralysie du système du moins à une gêne dans son fonctionnement : difficultés d’évaluations de besoins, problèmes de périmètres et de circulation de l’information.

Nous reprendrons vos propositions dans le rapport qui devrait permettre de faire évoluer la CNSA vers une nouvelle étape. On ne saurait se passer de la CNSA dont vous avez rappelé toute l’importance qu’elle a prise dans le paysage : non seulement ses travaux sont de qualité mais tout le secteur attend d’être mieux accompagné et de trouver cette garantie d’équité.

Créée en 2004, la CNSA a une histoire récente et il fallait le temps que la confiance s’installe entre les acteurs. Nous recevrons M. Denis Piveteau, son directeur, et M. Alain Cordier, son premier président, qui ont été à l’origine d’un travail de fond qui nécessite d’être poursuivi. Nous pouvons les remercier d’avoir tenu à poser les bases d’un fonctionnement solide. Il nous reste à construire la suite, pour ne pas rester au milieu du gué, ce qui aurait des conséquences – vous en avez évoqué quelques-unes – qui seraient très préjudiciables.

Merci, une fois encore, pour vos contributions qui ont repris certains sujets abordés dans d’autres auditions, ce qui montre une réelle cohérence d’approche entre les uns et les autres. Nous essaierons de faire en sorte que le rapport en témoigne et soit suivi d’effets : dix ans plus tard, les choses ne peuvent pas rester en l’état, il faut passer à une nouvelle étape et vous nous avez apporté un éclairage sur ce qu’elle devrait être.

Nous allons à présent recevoir les représentants du secteur des personnes âgées. Tout au long de ces auditions, nous alternons entre personnes âgées et personnes handicapées car il est intéressant de voir comment les réflexions se croisent et s’enrichissent. Nous aurons matière à faire des propositions qui, nous le souhaitons, permettront d’avancer.

La MECSS procède ensuite à l’audition, ouverte à la presse, de M. Romain Gizolme, directeur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), du Dr Serge Reingewirtz, président du Syndicat national de gérontologie clinique (SNGC), de M. Benoît Jayez, secrétaire général-adjoint de l’Union confédérale des retraités et des préretraités-Force ouvrière (UCR-FO), et de M. Francis Contis, président de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), et M. Yves Vérollet, délégué général.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Messieurs, je vous remercie de votre présence à cette table ronde organisée par la MECSS, en vue du rapport qu’elle prépare sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Après avoir auditionné plusieurs organismes au cours des dernières semaines, et juste avant vous les représentants des associations œuvrant pour les personnes handicapées, nous vous entendrons sur vos activités relatives aux personnes âgées.

Notre travail fait suite à divers rapports et travaux déjà réalisés sur ce sujet. Au terme de dix ans d’existence de la CNSA, il nous a paru utile de faire le point et, surtout, de voir comment améliorer encore l’action de cette institution désormais très reconnue et appréciée dans le champ social et médico-social.

Quel bilan tirez-vous de l’action de la CNSA dans vos champs d’activité respectifs et quels sont, selon vous, ses principaux apports ? Comment envisageriez-vous son évolution ? Sa gestion vous paraît-elle adaptée ? L’équilibre entre les membres de son conseil vous paraît-il satisfaisant ? Que pensez-vous de la création d’un Haut Conseil de l’âge, proposée dans le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement ?

D’autre part, quel regard portez-vous sur la répartition et l’articulation des compétences et des financements entre la CNSA et les différents acteurs, qu’il s’agisse des ARS, des autorités de tutelle, des MDPH et des départements eux-mêmes, qui sont encore chefs de file dans leur territoire, même si on ne sait pas encore aujourd’hui ce qu’ils deviendront ? La gestion au niveau local des crédits de la CNSA vous paraît-elle satisfaisante, ainsi que l’articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social ? Quelles mesures faudrait-il proposer pour décloisonner ces deux secteurs ? De telles mesures existent-elles déjà ou faudrait-il aller plus loin ?

Aux termes de la loi, la CNSA est chargée de contribuer au financement de l’accompagnement de la perte d’autonomie – qui concerne à la fois les personnes âgées et les personnes handicapées –, dans le respect de l’égalité de traitement des personnes sur l’ensemble du territoire. Quel est votre point de vue à cet égard ? Comment remédier aux disparités dans l’attribution de l’APA ? Comment améliorer la répartition de l’offre et la connaissance des coûts des établissements et services médico-sociaux (ESMS) ?

Sans doute aurez-vous aussi des choses à nous dire sur l’évaluation et la connaissance des besoins des personnes âgées et des personnes handicapées.

M. Romain Gizolme, directeur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA). Je vous remercie de votre invitation et vous présente les excuses de M. Pascal Champvert, qui n’a pu être parmi nous aujourd’hui.

Pour l’Association des directeurs au service des personnes âgées, le bilan des dix premières années de fonctionnement de la CNSA est plutôt positif, notamment en termes de régulation et de pilotage des politiques d’autonomie. L’AD-PA tient en outre à souligner l’originalité de la gouvernance de la CNSA, notamment quant à la composition de son conseil. Cette collégialité permet en effet une importante production de documents, qui contribue à une meilleure connaissance des besoins du secteur. Elle permet également des débats de qualité entre les acteurs de ce secteur et assure ainsi à notre association une force de proposition déterminante.

Ce bilan positif n’exclut cependant pas certaines réserves.

La première porte sur les systèmes d’information, déjà largement évoqués lors des précédentes auditions. La cause en est un manque de moyens techniques et humains, malgré les réelles améliorations constatées ces dernières années. À cet égard, la création de cinq équivalents temps plein, financés sur le budget de la CNSA et affectés à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), évoquée lors du dernier conseil de la CNSA, fait débat.

Nos réserves portent également sur la gestion, au vu notamment de la sous-consommation des crédits destinés aux personnes âgées, récurrente – malgré des progrès – depuis la création de la CNSA. Ce point reste, selon nous, très problématique.

Enfin, une autre difficulté tient à la représentativité des membres du conseil, où les représentants de l’État disposent presque à eux seuls de la majorité.

Pour ce qui est des perspectives d’avenir, il nous paraît essentiel de préserver, sinon de renforcer, l’originalité de la composition de la CNSA – notamment en réduisant le nombre de voix dont dispose l’État.

Par ailleurs, nous serions favorables à une augmentation des pouvoirs de la CNSA, notamment en termes de contrôle et dans le sens d’une remontée des informations provenant des ARS et des départements. Il conviendrait également de renforcer son rôle de pilote des politiques d’autonomie, notamment pour assurer une vision plus claire des crédits alloués aux départements et de leur utilisation, en particulier pour veiller à l’égalité de leur répartition sur l’ensemble du territoire.

La CNSA est également le lieu où nous pouvons penser et construire ensemble la perspective, fondamentale pour l’avenir, d’une prestation universelle d’autonomie, que certains désignent comme la prise en charge du « cinquième risque ».

Dr Serge Reingewirtz, membre du conseil d’administration du Syndicat national de gérontologie clinique (SNGC). Le Syndicat national de gérontologie clinique, présidé par Michel Salom, représente les médecins de terrain et est connu par deux outils d’évaluation médico-administrative et économique. Il est en effet à l’origine de la grille « autonomie gérontologique groupes iso-ressources » (AGGIR), qui évalue le besoin d’aide pour les actes de la vie quotidienne, et de l’évaluation PATHOS, qui permet de mesurer les besoins médicaux et techniques des personnes résidant en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Ces outils d’évaluation, destinés à déboucher sur une tarification, se sont également révélés être des outils de pilotage de la qualité : on a en effet constaté que la valorisation de certains axes générait dans les établissements des actions permettant de lutter, par exemple, contre la dénutrition, phénomène qui concerne 40 % des résidents d’EHPAD.

Pour ceux qui peuvent y accéder, la CNSA assure une certaine proximité avec les professionnels, les usagers, les élus et les administrations. C’est une agence à taille humaine, où l’accueil est de qualité et où l’on trouve des interlocuteurs disponibles. C’est donc, telle que nous la percevons, une agence en bonne santé. Elle est, en outre, bien au fait des problématiques des personnes âgées et ne limite pas son action au contrôle ou à la réglementation.

Au-delà des outils et réglementations qu’elle propose, cependant, la CNSA reste très peu connue des médecins et des paramédicaux – à peine plus que l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) ou l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP). Il serait à cet égard intéressant qu’elle pilote le lien entre l’évaluation des besoins, les obligations réglementaires et recommandations visant les établissements et intervenants, et les moyens alloués. Souvent, en effet, les acteurs de terrain sont confrontés à une double injonction : faute d’évaluation des moyens nécessaires pour se conformer aux obligations qui leur incombent, les soignants se trouvent en situation d’échec. Il conviendrait donc, sous peine de schizophrénie, de remettre à plat toutes ces situations afin de donner aux acteurs concernés les moyens de réaliser les objectifs très élevés qui leur sont assignés.

Dès 2018, alors qu’il y avait, dix ans plus tôt, deux fois plus d’aidants naturels que de personnes aidées, ces deux groupes seront à égalité numérique, après quoi le nombre de personnes aidées connaîtra une augmentation exponentielle, tandis que le nombre d’aidants naturels diminuera. Il y a là un pari pour l’avenir, que la CNSA doit prendre en compte.

Un autre enjeu est celui de la démographie médicale et paramédicale. Si l’on trouve encore aujourd’hui des médecins qui se déplacent dans les établissements, voire au domicile des personnes âgées, il n’est pas certain que ce sera encore le cas demain. Là encore, une réflexion s’impose.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Qu’en est-il de la démographie paramédicale ?

Dr Serge Reingewirtz. Devant votre Mission, un chercheur a déclaré qu’il ne connaissait pas les besoins à venir en infirmiers. On voit bien sur le terrain que ces besoins existent – ainsi du reste que pour d’autres professions paramédicales, comme les psychomotriciens ergothérapeutes. Y aura-t-il assez d’aidants professionnels, compte tenu de l’évolution de la population âgée, tant à domicile que dans les lieux d’hébergement ? De fait, si l’on sait compter le nombre d’infirmières nécessaires pour l’hôpital, on ne sait guère le faire pour les autres situations.

En troisième lieu, les études de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ont montré que le taux d’accidents de travail dans le secteur des services aux personnes âgées avait dépassé celui du secteur du bâtiment : l’aide aux personnes âgées se situe ainsi à la première place à cet égard, ce qui n’est pas sans incidence sur ce secteur, notamment en termes salariaux.

Il conviendrait donc que la CNSA puisse avoir une dimension d’anticipation et puisse tester des solutions. Elle est en effet capable de réunir les personnes compétentes et de susciter des propositions visant à anticiper les problématiques que nous voyons émerger.

Pour rapprocher les dimensions médicale et médico-sociale, le plus efficace est de réunir les acteurs de ces deux dimensions : dès qu’ils acceptent de se retrouver autour de la table, les solutions surgissent, alors qu’on peut faire la navette pendant cinq ans si on laisse les uns nous renvoyer aux autres.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Cela signifie-t-il qu’il faut imaginer des conventions ou des passerelles ? Vos travaux ou ceux de la CNSA font-ils apparaître des solutions qui existeraient déjà ou des propositions susceptibles d’améliorer la situation ?

Dr Serge Reingewirtz. La CNSA est très bien placée pour réunir autour d’une table les acteurs du ministère de la santé, de la Haute Autorité de santé (HAS) et de la DGCS, et pour poser les problèmes : prenons-nous en charge la situation à laquelle nous sommes confrontés et que sommes-nous capables de faire ensemble ? On ne réglera certes pas tous les problèmes en même temps et il conviendra sans doute de hiérarchiser nos actions.

Enfin, la CNSA devrait avoir les moyens d’assumer des missions qui relèvent du service public. Les aides techniques, par exemple, qui se développent rapidement et contribuent à l’indépendance et à l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, doivent être connues pour être utilisées, ce qui suppose que l’on puisse avoir accès à une base de données indépendante. Il en existe aujourd’hui plusieurs, dont certaines sont même reconnues à l’échelle européenne, mais la CNSA ne dispose pas du financement nécessaire qui lui permettrait, à partir d’informations provenant des fournisseurs de solutions technologiques, d’assurer ce service public sous la forme d’une base de données accessible aux utilisateurs et aux professionnels.

Une évaluation indépendante de ces solutions technologiques devrait également être accessible. De fait, à la différence de ce que propose la HAS pour les médicaments et les dispositifs médicaux, il n’existe pas de moyens d’évaluation pérennes pour les outils d’aide à la vie ou d’aide aux personnes handicapées, qui ne sont pas pris en charge au titre de l’assurance maladie. Au-delà donc du titre V du budget de la Caisse, qui permet l’expérimentation, la CNSA devrait pouvoir financer ce service public qui lui permettrait d’offrir aux professionnels et aux utilisateurs une information indépendante sur les solutions, produits et services disponibles.

M. Benoît Jayez, secrétaire général adjoint de l’Union confédérale des retraités et des préretraités–Force ouvrière (UCR-FO). Je suis ici aujourd’hui essentiellement en ma qualité de représentant du Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA)  et le premier point que je veux souligner est le problème que représente la désignation des administrateurs et des grands électeurs de la CNSA. Lors de sa création, un an après la canicule de 2003, la CNSA a été très décriée, y compris par le Conseil économique et social et le CNRPA, et c’est par son travail qu’elle a obtenu la reconnaissance dont elle bénéficie aujourd’hui. Ayant déjà vocation à intervenir à la fois dans le domaine des personnes âgées et dans celui des personnes handicapées, elle est appelée à se voir confier une autre fonction, actuellement exercée par les conseils généraux – ce qui risque de faire débat lors de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement.

Comme l’ont dit les personnes qui m’ont précédé, nous ne contestons pas la composition de la CNSA, mais la sur-représentation de l’État - la seule présence de ses représentants suffit presque à le rendre majoritaire. L’avenir dépend du contenu de la future loi d’adaptation de la société au vieillissement. La création d’un Haut Conseil de l’âge entraînera inévitablement la disparition du CNRPA et donc celle du mot « retraités », qui avait une grande importance pour les intéressés.

En accord avec l’Assemblée des départements de France (ADF), les organisations figurant au sein du CNRPA ont insisté sur la nécessité que l’entité amenée à le remplacer en représente bien toutes les composantes actuelles, à savoir à la fois les organisations syndicales et les associations de personnes âgées. Certes, cela exigera une gestion différente, ce qui peut poser un problème de fond, mais pour nous, l’essentiel est que les associations de personnes âgées soient bien représentées. La question, déjà évoquée en Conseil des ministres, ne manquera pas de se poser à l’Assemblée nationale.

Nous devons également nous interroger sur la nécessaire représentation des personnes âgées au sein des départements quand les comités départementaux des retraités et personnes âgées (CODERPA) auront disparu. La question est d’importance, ce qui explique que, notamment lors des discussions que nous avons eues avec Mme Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie dans le précédent Gouvernement, nous nous soyons initialement opposés à la disparition du mot « retraités » dans l’intitulé du Haut Conseil de l’âge.

Ayant émis les quelques réserves qui précèdent, je conclurai en répétant que, passée l’opposition générale qu’avait suscitée sa création, chacun s’accorde aujourd’hui à reconnaître l’efficacité de la CNSA.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. À quelle opposition faites-vous allusion ?

M. Benoît Jayez. À celle qui s’est manifestée lors de la création de la CNSA, intervenue peu de temps après la canicule de 2003. À l’époque, tout le monde était contre le principe de cette création – et même contre l’instauration d’une journée de solidarité en faveur des personnes âgées.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Je me souviens effectivement de la réaction de rejet qui s’était manifestée en 2004 mais qui, à mon sens, ne portait pas tant sur le principe même de création de la Caisse que sur ses modalités de financement et les incertitudes qu’elles pouvaient susciter. L’une des principales questions portait sur la sanctuarisation des crédits – sujet toujours sensible.

M. Francis Contis, président de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA). Je m’exprime ici en tant qu’administrateur de la CNSA et porte-parole de quatre des fédérations faisant partie de la branche « aide à domicile », à savoir l’Union nationale d’aide à domicile en milieu rural (UNADMR), la Fédération nationale d’aide à domicile (ADESSA), la Fédération nationale des associations de l’aide familiale populaire-Confédération syndicale des familles (FNAAFP-CSF) et l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), que je préside.

L’UNA regroupe un millier de structures adhérentes sur l’ensemble du territoire national : des associations, mais aussi des mutuelles gestionnaires de services d’aide à domicile, et des centres communaux d’action sociale (CCAS). Nous avons émis 84 propositions dans le cadre du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, dont certaines y ont été reprises ; nous tâcherons de faire en sorte que les autres reçoivent le soutien de parlementaires lors de l’examen du texte.

Nous proposons un nouveau rôle pour la CNSA. Considérant que la Caisse a fait ses preuves, l’UNA estime qu’il convient désormais de lui confier d’autres attributions. Nous avons déjà signé avec elle une convention de trois ans, appelée à être renouvelée très prochainement, intitulée « Programme de modernisation » et qui a permis l’évolution de la gestion et de la qualité des services de nos associations. Nous ne pouvons que nous féliciter d’une telle coopération, qui a conduit les auditeurs externes désignés à émettre le vœu que la convention en question soit renouvelée, ses résultats leur paraissant excellents.

Nous entretenons donc un vrai partenariat avec la CNSA. En dépit des critiques auxquelles je m’associe sur la surpondération des voix dont bénéficie l’État au sein du conseil, ce qui pose parfois problème, le fait est que le dialogue entre l’UNA et la CNSA est réel, ce qui nous conduit à applaudir à la disposition, inscrite dans le projet de loi, visant à consacrer le rôle de maison commune de l’autonomie de la CNSA. Par ailleurs, nous estimons que la Caisse peut jouer un rôle transversal de pilotage national consistant à assurer l’équité territoriale, pour l’heure inexistante, en matière d’aide aux personnes âgées. La CNSA peut avoir une action de régulation, d’harmonisation des pratiques et des financements allant au-delà de son rôle actuel, mais également au-delà de celui que prévoit de lui accorder le projet de loi en matière de prévention et de perte d’autonomie. Mme Delaunay nous avait donné sur ce point les explications auxquelles nous nous attendions, mais qui ne nous satisfont pas. Nous ne devons pas nous laisser arrêter par des blocages institutionnels – je me garderai de citer telle collectivité, agence ou même caisse de sécurité sociale… La CNSA peut également proposer des évolutions dans la répartition de la part nationale de l’APA. Elle peut aider à l’amélioration des recueils d’information – alors que, pour l’heure, nous sommes aveugles – et à l’évolution de nos bases de données afin de doter les conseils généraux et la Caisse de nouveaux indicateurs ; elle sera de son côté à même d’émettre des recommandations fondées sur des informations plus qualifiées et plus objectives.

Vous avez parlé à l’instant de la sanctuarisation des recettes. Vous ne pouvez imaginer quelle a été notre indignation quand nous avons constaté que la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) pouvait ne pas être utilisée comme elle avait été votée. Dès la rentrée, nous allons à nouveau interpeller sur ce sujet, et très au-delà du conseil de la CNSA. Il est en effet inadmissible que les moyens alloués à la Caisse soient mal déployés – c’est un euphémisme –, surtout quand on sait quels sont les besoins, et à quel point ces moyens seraient utiles pour mettre en œuvre des expérimentations en matière technologique, sociale et tarifaire.

Vous avez également évoqué la convergence entre l’aide et le soin. Nous allons précisément rencontrer cet après-midi le cabinet de Mme la ministre de la santé pour discuter de cette affaire, en particulier de la difficulté qu’il y a actuellement à associer le secteur sanitaire et le secteur médico-social dans des actions communes : il n’y a pas, sur ce point, de convergence naturelle. Il nous semble que les dispositifs de coordination pourraient être mieux utilisés, que les ARS pourraient jouer un rôle plus efficace – pour le moment, elles ne donnent pas au domicile la place qu’il devrait occuper, celle du premier centre de soins et du lieu de vie majeur des personnes âgées. Sur ce point, le projet de loi peut être amélioré, notamment en ce qui concerne les services polyvalents d’aide et de soins à domicile. Le développement de dispositifs comme les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD) pourrait permettre de faire évoluer certains métiers en les rendant plus transversaux, au bénéfice d’une meilleure coordination autour de la personne âgée – car ce qui se fait aujourd’hui fait plutôt penser à une noria qu’à une action coordonnée. Sur tous ces sujets, la CNSA pourrait se rendre irremplaçable, en ce qu’elle est un lieu d’objectivation où l’ensemble des acteurs peuvent se rencontrer, se reconnaître et évoluer ensemble.

J’en viens à la gouvernance de la CNSA, que nous souhaitons renforcer, comme nous l’avons fait savoir lors de l’élaboration du projet de loi. Cette instance doit devenir plus décisionnaire qu’aujourd’hui et jouer le rôle transversal qu’elle est seule à pouvoir assumer. Bien sûr, elle doit aussi rester l’endroit où se retrouvent tous les acteurs évoluant auprès de la personne âgée : nous ne voulons pas nous trouver confinés dans je ne sais quelle instance de surveillance ou « comité Théodule », nous tenons à rester membres du conseil de la CNSA rénovée. Pour l’heure, même si nous ne sommes pas majoritaires, au moins sommes-nous entendus. L’élargissement du conseil de la CNSA, s’il a lieu, ne doit pas se faire au détriment des secteurs que nous représentons ici. Le conseil est aujourd’hui une instance d’orientation. Nous sommes ouverts à l’idée de la constitution d’un bureau qui se réunirait plus régulièrement et préparerait les réunions du conseil, mais nous tenons à ce que celui-ci garde ses attributions décisionnaires.

Par ailleurs, les nombreuses commissions qui composent la CNSA ne constituent pas un obstacle à son bon fonctionnement. Elle se saisit annuellement de thématiques, ce qui présente l’avantage de nous donner des idées et de fournir des rapports utiles auxquels il peut être donné suite. En cela également, la CNSA nous paraît irremplaçable. Notre secteur serait très déçu de ne pas voir son rôle renforcé, et ne manquerait pas de le faire savoir. Nous avons déjà suffisamment de sujets de déception, celui-ci serait de trop !

M. Yves Vérollet, délégué général de l’UNA. Mon président a été très complet ; je me contenterai d’un mot sur le financement de la CNSA. Au-delà de la CASA, il importera de rééquilibrer les choses dans le cadre de la réforme et de réduire l’écart entre le financement national et le financement local. Il n’est pas normal que les départements financent l’APA à hauteur de 70 %, ce qui revient à dire que chaque département finance ses propres besoins en dépendance.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Les réflexions que vous venez de faire rejoignent en grande partie celles que nous avons déjà entendues de la part des intervenants vous ayant précédés. Dix ans après sa création, la CNSA occupe une place que chacun reconnaît, grâce au travail de grande qualité qu’elle accomplit. Cependant, elle se trouve à un moment de son histoire où elle doit s’adapter afin de pouvoir disposer des moyens qui lui permettront d’accompagner concrètement les évolutions de son domaine d’action. Effectivement peu connue à l’origine, elle a pris le temps de construire patiemment sa place, jusqu’à gagner la reconnaissance qui lui est aujourd’hui légitimement due.

J’ai bien entendu vos préoccupations et, si je ne sais dans quelle mesure elles seront prises en compte, vous avez eu raison de souligner l’indispensable attention qui devra être portée au secteur des personnes âgées. Je souhaite que vous nous transmettiez les propositions que vous dites avoir formulées, dont nous prendrons connaissance avec intérêt.

M. Francis Contis. Nous les avons déjà transmises à bon nombre de parlementaires, mais nous vous les communiquerons à nouveau.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Ces documents nous aideront à formuler nos propres propositions lors de la rédaction de notre rapport.

Le projet de loi pour l’adaptation de la société au vieillissement apporte un certain nombre de réponses – pas forcément toutes celles que vous attendez, mais en étant patient et persévérant, on finit toujours par se faire entendre et par obtenir des avancées, d’autant que les sujets que vous avez évoqués font l’unanimité.

La question de l’évaluation des besoins et des systèmes d’information est une question très complexe. Des travaux sont en cours, avec des délais de réalisation dont la longueur annoncée n’a rien d’étonnant au vu de l’importance de la tâche. Sur ce point aussi, nous apporterons notre contribution, et nous avons auditionné des personnes qui ont souligné l’importance de mener à bien ce chantier, compte tenu du déficit d’information qui constitue un frein à l’action qui pourrait être menée.

M. Francis Contis. Un travail est déjà engagé depuis plusieurs années au sein de la CNSA en vue de parvenir à une harmonisation des sources d’information provenant des différents acteurs amenés à rendre des services au domicile : l’objectif est de faire converger les systèmes d’information afin de les mettre à disposition de tous – notamment les ARS et les collectivités territoriales. Les autres fédérations d’aide à domicile y sont associées. Nous pouvons donc raisonnablement espérer disposer dans quelques années d’informations bien meilleures qu’aujourd’hui.

Il est un autre point sur lequel la CNSA nous paraît pouvoir progresser rapidement, à savoir celui de l’indispensable réforme des modes de financement, et de la réflexion à mener en ce sens. Sur ce point, la Caisse constituerait un partenaire très intéressant, au-delà des collectivités territoriales.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Tout à fait. Vous avez également souligné la nécessité d’anticiper sur certains sujets, ce que les travaux effectués par la Caisse permettent souvent. Sa composition associant de multiples acteurs donne lieu à des échanges de grande qualité, ce qui permet de dégager un consensus et d’avancer.

M. Yves Vérollet. Vous avez évoqué tout à l’heure le Haut Conseil de l’âge. Je veux dire qu’ayant moi-même siégé au Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie et au Haut Conseil de la famille, j’ai eu l’occasion de me rendre compte à quel point l’apport de ces instances était utile. En ce qui concerne le Haut Conseil de l’âge, vous aurez à régler, en tant que parlementaires, la question du rôle des uns et des autres. Il ne faudrait pas que la CNSA, qui regroupe différents partenaires et exerce des attributions à la fois dans le domaine de la gestion et dans celui de la réflexion, se trouve dévitalisée par une autre structure. On peut envisager que le Haut Conseil de l’âge fasse de la « recherche fondamentale », tandis que la CNSA s’occupe de « recherche appliquée ». En tout état de cause, il faudra veiller à une bonne répartition des rôles.

M. Francis Contis. Gardons-nous, en effet, d’un effet de « siphonnage » ! Au demeurant, une fois le problème posé, il n’est pas bien difficile à régler : il suffit pour cela de penser à placer des garde-fous.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Je vous remercie pour vos interventions. N’hésitez pas à nous transmettre des documents complémentaires que nous pourrons utiliser lors de la rédaction de notre rapport. Nos travaux se poursuivront en principe jusqu’à l’automne, afin de permettre la réalisation d’un vrai travail de fond à un moment où la Caisse a besoin de sentir que nous portons un certain nombre de ses propositions.

La séance est levée à onze heures cinquante-cinq.