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Mission d’information sur les immigrés âgés

Mardi 2 juillet 2013

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 17

Présidence de M. Denis Jacquat

– Examen du rapport : vote et autorisation de publication

– Présences en réunion

La séance est ouverte à seize heures quinze.

La mission d’information examine le rapport en vue de son vote et de son autorisation de publication.

M. le président Denis Jacquat. Nous voici arrivés au terme de notre mission. La semaine dernière, notre rapporteur Alexis Bachelay vous a présenté les principales orientations de son rapport, qui vous a été adressé jeudi dernier.

Je vous rappelle qu’à la fin de notre séance, nous aurons à voter sur le rapport et à en autoriser la publication, conformément aux dispositions de l’article 145 de notre Règlement.

M. Alexis Bachelay, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, j’ai été très honoré d’avoir été le rapporteur de cette mission d’information sur les immigrés âgés, créée le 20 novembre 2012 par la Conférence des présidents, à la suite de la visite que le Président Bartolone a effectuée, en compagnie de plusieurs collègues députés, dans un foyer Adoma, ex-SONACOTRA, de Bobigny.

Je veux tout de suite remercier Denis Jacquat dont la présidence a permis à la mission de travailler dans de très bonnes conditions, de façon consensuelle et apaisée. Je tiens également à remercier les membres de la mission qui ont régulièrement participé aux auditions comme aux visites de terrain. Si nos travaux se sont aussi bien déroulés, c’est aussi grâce à votre investissement et à votre participation régulière.

Nous avions fait le choix, au cours de notre réunion constitutive du 16 janvier dernier, de nous intéresser à la situation des immigrés des pays tiers à l’Union européenne âgés de plus de cinquante-cinq ans. Ne pas restreindre le champ de nos travaux aux personnes de plus de soixante-cinq ans et examiner la situation des immigrés au cours des années qui précèdent l’âge de départ en retraite était en effet le moyen de cerner les problèmes qui alimentent, en amont, les difficultés qui surviennent ensuite, notamment en raison des conditions de fin du parcours professionnel.

Les immigrés des pays tiers âgés de plus de cinquante-cinq ans représentent aujourd’hui plus de 800 000 personnes, les plus de soixante-cinq ans représentant près de 350 000 personnes, dont 205 000 hommes et 145 000 femmes. Deux tiers des plus de soixante-cinq ans viennent d’un pays du Maghreb – 127 000 Algériens, 65 000 Marocains et 37 000 Tunisiens. 140 000 de ces immigrés de plus de soixante-cinq ans ont acquis la nationalité française.

Parce que la question du vieillissement des immigrés âgés, prise dans son acception la plus large, n’avait jamais fait l’objet d’une mission d’information en tant que telle, il nous est apparu utile de procéder à de nombreuses auditions et de nous déplacer, autant que le temps nous l’a permis, sur le terrain. Aussi avons-nous entendu plus d’une centaine de personnes venant d’horizons très divers : représentants d’administrations nationales et locales, de caisses de sécurité sociale, professeurs et chercheurs, acteurs associatifs, gestionnaires de foyers de travailleurs migrants, médecins et travailleurs sociaux sont venus à l’Assemblée nationale et ont répondu à nos questions.

Nous avons aussi entendu les principaux ministres intéressés par le sujet : le ministre de l’intérieur, la ministre des affaires sociales et de la santé, la ministre de l’égalité des territoires et du logement, la ministre de la culture et de la communication, la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, et, enfin, le ministre délégué chargé de la ville. Ces auditions ont été l’occasion de faire connaître aux ministres les différentes propositions formulées devant nous, en même temps qu’elles nous ont permis de prendre connaissance des sujets qu’ils considèrent comme prioritaires.

Ouvertes à la presse et parfois au public, ces auditions ont été suivies par les personnes engagées auprès des immigrés et des personnes âgées défavorisées. Certaines d’entre elles ont même été diffusées dans des « cafés sociaux » et ont donc pu être regardées par des immigrés âgés. De nombreux intervenants sont spontanément entrés en contact avec plusieurs membres de la mission : ils nous ont fréquemment soumis des contributions ou de la documentation de qualité, qui ont permis d’enrichir le rapport. Il ne m’est pas possible de tous les remercier mais je tiens à vous dire que j’ai pu mesurer les attentes que nos travaux ont fait naître. Nous ne devons pas décevoir ces attentes.

Nous avons par ailleurs effectué plusieurs déplacements, en région parisienne, dans le Rhône, dans le Gard, en Moselle, ainsi qu’en Algérie et au Maroc. Ces visites de terrain, d’un grand intérêt, ont été l’occasion de se rendre en foyer de travailleurs migrants (FTM) et de rencontrer des immigrés âgés, hommes et femmes, ainsi que de nombreux responsables associatifs intervenant auprès de ces personnes. Ces déplacements ont aussi permis d’échanger avec les responsables des services déconcentrés de l’État et des collectivités territoriales qui participent à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques destinées aux immigrés âgés. Je me réjouis qu’à l’occasion de notre déplacement en Algérie et au Maroc, nous ayons pu discuter avec les autorités publiques et les acteurs sociaux des deux principaux pays d’origine des immigrés issus des pays tiers.

Avant de vous présenter les principales propositions que je formule dans le but d’améliorer la situation des immigrés âgés, je voudrais vous faire part de quelques constats
– qui font l’objet d’un consensus au sein de notre mission.

Le premier d’entre eux est que la présence en France des immigrés des pays tiers, venus y travailler à partir des années 1950 dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics (BTP), des industries de transformation, notamment automobile, ou comme saisonniers agricoles, a longtemps été considérée comme temporaire. Alors même que la France tentait d’attirer des travailleurs et des familles d’immigrés européens, une place à part était souvent réservée aux immigrés venus du Maghreb et d’Afrique subsaharienne. La perception d’une installation temporaire a motivé la mise en place de politiques de logement et d’action sociale tendant à maintenir ces immigrés à l’écart de la société. Dans les entreprises, cette vision a contribué à les cantonner aux emplois les moins qualifiés et les plus pénibles. Ces immigrés ont connu des carrières hachées et subi plus que les autres travailleurs des épisodes de chômage. Le « mythe du retour » a longtemps fragilisé le séjour en France des immigrés aujourd’hui âgés.

Néanmoins, leurs droits ont été progressivement renforcés, notamment grâce aux luttes sociales dont ils furent les acteurs. Le droit de mener une vie familiale normale, et donc d’être rejoint par sa famille dans le pays d’accueil, leur a notamment été reconnu. Ce n’est toutefois que depuis la fin des années 1990 que l’égalité est la règle pour l’accès à l’ensemble des droits sociaux, sans condition liée à la nationalité.

Au total, la contradiction, trop longtemps entretenue, entre un « enracinement » en France et des politiques fondées sur le diagnostic erroné d’une présence temporaire a constitué la caractéristique principale de cette histoire migratoire singulière. Aujourd’hui, il apparaît qu’une part significative de ces immigrés vieillit dans des conditions difficiles, voire indignes.

Tout d’abord, leurs ressources sont bien souvent inférieures à celles de la population non immigrée. Le montant moyen des pensions des retraités nés à l’étranger résidant en France s’élevait, en 2012, à environ 700 euros par mois quand le montant moyen des pensions versées par le régime général pour une carrière complète s’élevait à un peu plus de 1 000 euros par mois. Autre indicateur, le montant moyen des pensions versées par le régime général en Algérie ou au Maroc à des personnes qui y sont nées se situe autour de 300 euros par mois. Dernier exemple : parmi les 422 000 bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) relevant du régime général en 2012, 162 000, soit près de 40 %, étaient nés à l’étranger. Parmi ceux-ci, 60 % étaient originaires d’un pays du Maghreb.

Ensuite, il est apparu que les populations immigrées âgées souffrent d’un « mal-logement » manifeste. Je vais revenir sur la question bien particulière des personnes habitant en foyer de travailleurs migrants. Je veux néanmoins préciser que la majorité des immigrés âgés vit dans l’habitat diffus, et parfois dans des conditions insatisfaisantes. À cet égard, d’après un recensement de 2009, si deux tiers des ménages français occupent des logements de bonne qualité, cette proportion n’est que de 45 % pour les immigrés des pays tiers.

Souvent, les populations immigrées vivent en quartiers « politique de la ville ». Ainsi, les immigrés et descendants d’immigrés représentent plus de la moitié de la population des zones urbaines sensibles (ZUS).

30 000 personnes immigrées âgées vivent en habitat privé indigne, qui correspond à des « locaux ou installations utilisés aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi [qu’à des] logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé ».

Si 78 % des personnes âgées non immigrées sont propriétaires de leur logement, cela n’est le cas que de 55 % des immigrés âgés de plus de cinquante-cinq ans et de 37 % des immigrés âgés originaires des pays tiers.

De nombreuses personnes entendues par la mission ont souligné que, généralement, les populations immigrées âgées accèdent insuffisamment à leurs droits. À cet égard, il me semble utile de réfuter d’emblée l’idée trop largement répandue selon laquelle les immigrés constitueraient une charge excessive sur les comptes sociaux. Loin d’abuser de leurs droits, ils en sont en effet trop souvent éloignés. De nombreux acteurs associatifs ont souligné l’importance du défaut d’information en la matière et des cas d’abandon de demandes en cours de procédure.

En outre, les immigrés âgés rencontrent de nombreux problèmes sanitaires et d’accès aux soins. D’après les résultats de l’Enquête santé et protection sociale (ESPS) conduite en 2000-2002, les étrangers seraient de façon générale en moins bonne santé que les Français. Une autre étude, réalisée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a récemment mis en évidence la surmortalité élevée, à Paris, des étrangers entre soixante et soixante-dix ans, en particulier des femmes d’origine subsaharienne ainsi que des hommes originaires d’Afrique du Nord. Ces problèmes de santé tiennent notamment à la pénibilité des conditions de travail de nombreux migrants aujourd’hui âgés. Certains d’entre eux paient à présent le prix de leur exposition, des années durant, au plomb, à l’amiante, aux solvants chlorés, à la silice ou encore aux poussières de bois et aux pesticides.

L’isolement social rend plus difficile l’accès aux informations sur les ressources médicales disponibles ou sur les filières de soins : par exemple, les femmes immigrées maghrébines semblent sous-représentées dans le dépistage des cancers. La communication entre le patient et le médecin peut également être rendue malaisée par une maîtrise insuffisante de la langue ou les différences de représentations culturelles des maladies et des soins.

Ces problèmes d’accès aux soins traduisent les difficultés d’insertion au plan local mais aussi la précarité financière de ce public : la faiblesse des ressources explique que les immigrés âgés soient environ quatre fois plus nombreux que le reste de la population à bénéficier de la couverture maladie universelle (CMU) et cinq fois plus nombreux à bénéficier de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C).

Nos travaux nous ont permis de mettre le doigt sur une réalité pas toujours bien connue : les femmes immigrées âgées, dont 145 000 sont originaires d’États tiers à l’Union européenne et ont plus de soixante-cinq ans, connaissent des situations de grande précarité et d’isolement. Ces difficultés s’expliquent d’abord par la modicité de leurs ressources, résultat de carrières professionnelles très heurtées. Elles bénéficient par ailleurs généralement de modestes pensions de réversion, conséquence de la faiblesse des pensions de retraite perçues par leur mari. Je veux également rappeler que 67 % des bénéficiaires de l’ASPA versée à des personnes ne percevant aucune pension de retraite contributive sont des femmes.

Par ailleurs, les femmes connaissent parfois des difficultés d’intégration supérieures à celles rencontrées par les hommes, dans la mesure où elles n’ont souvent pas pu bénéficier d’une insertion professionnelle et n’ont donc pas toujours pu tisser de liens en dehors de la cellule familiale.

La population immigrée vieillissante souffre, dans l’ensemble, d’une intégration imparfaite dans la société. Cette situation s’explique d’abord, à mon sens, par le traitement réservé aux populations immigrées au moment de leur arrivée en France, notamment par leur mise à l’écart du reste de la société. Ensuite, la barrière de la langue constitue un obstacle à une pleine intégration en même temps qu’elle participe de la difficulté à accéder à l’ensemble des droits. Enfin, le sentiment d’être l’objet de discriminations est nettement plus fort chez les populations non européennes, même si l’impression d’être traité différemment en raison de son origine concerne, à des degrés variables, tous les immigrés.

Nos travaux ont fait une place importante à la situation des immigrés âgés vivant en foyer, dont 35 000 ont plus de soixante-cinq ans. Ces derniers, souvent appelés chibanis même si ce terme recouvre une réalité plus large, cumulent souvent les difficultés que je viens d’évoquer. Nous en avons rencontrés, notamment à Gennevilliers, Colombes ou Vaulx-en-Velin. À chaque fois, nous avons pu mesurer à quel point leurs conditions de logement étaient précaires. Aujourd’hui souvent retraités, ils vieillissent dans des chambres de 7,5 mètres carrés – parfois un peu plus –, peu confortables et pas toujours autonomes. Nombre d’entre eux sont souffrants, voire handicapés. Ces foyers connaissent de surcroît des problèmes préoccupants d’entretien, de sécurité et, pour certains d’entre eux, de suroccupation.

Nous avons pris la mesure de la solitude de ces hommes, « célibatairisés » selon l’expression consacrée, qui souffrent en silence d’un isolement encore plus marqué que le reste des immigrés âgés, à tel point que le sociologue Omar Samaoli, que nous avons entendu, les a qualifiés de « marginaux de l’immigration ». Leur situation spécifique appelle des réponses fortes, sur lesquelles je vais revenir.

Il est bien évidemment regrettable que la transformation des foyers en résidences sociales, décidée dès 1997 puis plusieurs fois prorogée, ait pris un tel retard. Quelques chiffres suffisent pour s’en convaincre : d’une part, alors qu’entre 1997 et 2001, 326 foyers devaient être transformés, seuls 111 l’ont effectivement été ; d’autre part, sur les 680 foyers recensés en 1997, seuls 47 % ont, à ce jour, fait l’objet d’une transformation. C’est dire l’urgente nécessité de reprendre et d’accélérer le plan de traitement.

Au total, nous devons reconnaître que nombre d’immigrés des pays tiers ne vieillissent pas bien dans notre pays. Nous avons le devoir de leur garantir les conditions d’une vieillesse digne en France, dans leur pays d’origine pour ceux qui souhaitent y résider à titre principal, ou entre les deux pour ceux qui pratiquent la « navette » – et ils sont nombreux. Pour y parvenir, j’ai choisi d’orienter notre action autour de quatre axes principaux, que je vais vous présenter maintenant.

En premier lieu, je souhaite que nous œuvrions en faveur d’une meilleure intégration. Celle-ci passe avant tout par la reconnaissance du rôle des populations immigrées dans l’histoire nationale. Il est manifeste que cette histoire est mal connue, parfois même des enfants et petits-enfants des immigrés désormais âgés. Reconnaître ce chapitre du récit national me semble être une marque de reconnaissance indispensable envers les immigrés âgés et le préalable à toute politique publique efficace. J’ajoute qu’il me paraît malaisé de vouloir favoriser l’intégration des plus jeunes sans reconnaître aux anciens la place qui est la leur dans notre société. C’est pourquoi nous devons montrer à tous ceux qui ne reconnaissent pas la France comme leur pays, alors qu’ils y sont pourtant souvent nés, que leurs parents et grands-parents sont des membres à part entière de la communauté nationale, parce qu’ils ont participé à la reconstruction du pays et qu’ils continuent à y jouer un rôle social.

La valorisation de la mémoire de l’histoire de l’immigration, que j’appelle de mes vœux, a récemment trouvé un point d’ancrage dans la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI), créée en 2006. Au regard du rôle de la CNHI dans la transmission de l’histoire de l’immigration, il me paraît important de conforter, pour les années à venir, les crédits qui lui sont accordés. Il me semble par ailleurs que la valorisation de l’histoire de l’immigration passe par l’identification de « lieux de mémoire », correspondant par exemple aux anciens lieux de travail des populations immigrées, ou à l’utilisation, lors des opérations de rénovation urbaine, d’une fraction de la ressource mobilisée pour le recueil, l’exposition et la conservation de la mémoire des quartiers concernés. Je me félicite que ces projets aient été accueillis favorablement tant par la ministre de la culture et de la communication que par le ministre délégué à la ville – lesquels ont d’ailleurs déjà parfois intégré certaines de nos préconisations dans le travail de leur ministère.

Enfin, il est fondamental de disposer d’un bon outil statistique pour connaître les réalités quantitatives et mieux apprécier les difficultés rencontrées par les immigrés en général et par les immigrés âgés en particulier. Nous avons proposé de faire évoluer le Haut Conseil à l’intégration (HCI) dans cette direction. Il semble que le Gouvernement y réfléchisse. Pour l’instant, le travail du HCI a été suspendu et nous appelons de nos vœux, soit sa continuation sous d’autres formes, soit sa transformation en institut plus adapté au recueil et au travail sur les statistiques. C’est le sens de la proposition que nous formulons dans le rapport.

Nous devons par ailleurs assurer les conditions d’une meilleure intégration à l’échelle nationale. Il serait pertinent d’aménager le cadre juridique du regroupement familial afin d’en faire bénéficier les familles des immigrés âgés les plus isolés, dans le cadre d’une procédure dérogatoire. Bien entendu, il ne s’agirait pas de modifier de fond en comble les règles encadrant le regroupement familial, mais de mieux prendre en compte des situations d’isolement inacceptables.

Je pense aussi que nous pourrions faciliter l’acquisition de la nationalité française des ascendants de Français présents sur le territoire depuis vingt-cinq ans au moins, accélérer le traitement des demandes de naturalisation formulées par les personnes de plus de soixante ans et résidant en France depuis dix ans au moins, et envisager de mettre en place, dans les préfectures, des guichets réservés aux demandeurs âgés, « très démunis face à la complexité des procédures administratives » selon les termes employés par le ministre de l’intérieur devant la mission. La question de l’accueil en préfecture est très importante, et nous souhaitons que le Gouvernement fasse des propositions en s’appuyant sur nos préconisations et sur celles formulées par notre collègue Matthias Fekl dans le rapport sur la sécurisation des parcours des ressortissants étrangers en France, remis au Premier ministre en mai dernier.

Nous devons également favoriser l’intégration des populations immigrées à l’échelon local. Dans cette perspective, il me semble qu’il conviendrait de mieux articuler aux actions des caisses de sécurité sociale et des collectivités territoriales les programmes régionaux et départementaux d’intégration des populations immigrées (PRIPI-PDI). En effet, ces outils de cadrage déconcentrés des actions financées par le budget de l’État ont modestement pris en compte la situation des immigrés âgés depuis trois ans. Ces programmes permettent de mobiliser des crédits européens destinés à l’intégration des personnes immigrées âgées, crédits dont la pérennité n’est pas garantie au-delà de 2013. Il faut donc que la France obtienne le maintien de ces financements, qui concernent un domaine dans lequel elle peut être exemplaire en Europe : en s’assumant comme société d’immigration, elle trace l’avenir pour toute l’Union. En retour, l’Union doit contribuer à cette tâche.

En deuxième lieu, il est de notre devoir de garantir aux immigrés âgés des conditions de logement adaptées. C’est un point extrêmement important de notre rapport et nos préconisations en la matière sont nombreuses. Nous devons à la fois adapter le bâti au vieillissement et à la dépendance de cette population, et garantir un accès à des services
– notamment à domicile – assurant le « bien vieillir ».

Il est temps d’en finir avec cette anomalie que constitue le vieillissement en foyer de travailleurs migrants. Je souhaite par conséquent que le plan de traitement des foyers de travailleurs migrants (PTFTM) dont j’ai rappelé l’état d’avancement, soit mené à son terme. Tous les foyers, soit environ 340 – dont 200 ne font l’objet d’aucun projet à ce jour – doivent à présent être transformés en résidences sociales, à commencer par ceux d’entre eux qui logent une part significative d’immigrés retraités et qui sont le plus éloignés des normes de logement modernes et adaptées au vieillissement. J’attire votre attention sur cette proposition que nous demandons à Adoma et aux autres bailleurs de reprendre. Il n’est pas possible que le plan de traitement concerne en priorité des foyers dans lesquels il n’y aurait qu’une faible part d’immigré âgé. Il faut reconsidérer la question et faire de l’accueil des immigrés âgés un paramètre fondamental du plan de traitement. Nous devons également prendre garde que les opérations de transformation ne se traduisent pas par la disparition des espaces collectifs au sein des établissements, essentiels au maintien des liens sociaux, ainsi que l’a rappelé la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

De même, il apparaît nécessaire de repenser les règlements intérieurs des foyers et des résidences sociales – conformément à ce nous appelons, au sein de la mission, une charte nationale des bonnes pratiques – en raison de leur rigueur excessive et de rappeler le principe fondamental du droit au respect de la vie privée dans les espaces privatifs. Toutes les mesures qui, dans les règlements intérieurs, contreviendraient à ces principes, doivent être supprimées.

Nous devons également mieux insérer dans la ville les structures accueillant des immigrés âgés, notamment en invitant les communes à soutenir les actions menées par les gestionnaires de foyers de travailleurs migrants et de résidences sociales à destination de leurs résidents et en s’appuyant, de manière générale, sur ces initiatives pour améliorer l’accès aux droits et aux services sociaux des personnes immigrées résidant à proximité de ces structures. Nous souhaitons enfin que l’on rappelle aux bailleurs sociaux que les immigrés résidant en foyer ont le droit, comme tous les résidents d’une commune, d’accéder à un logement social. Jusqu’à présent, ils en sont exclus, ce qui constitue une discrimination.

En troisième lieu, nous devons faire bénéficier les immigrés des droits sociaux ouverts aux personnes âgées. C’est un volet essentiel de notre rapport. Comme je l’ai rappelé, ce public souffre d’un accès insuffisant aux droits, aux soins et, plus généralement, aux services publics de droit commun – ce qui infirme les idées reçues selon lesquelles les personnes immigrées seraient de grandes consommatrices de droits.

Cette action d’inclusion sociale suppose de mobiliser les caisses de sécurité sociale comme les responsables locaux des politiques d’accompagnement du vieillissement et leurs partenaires associatifs. La participation des immigrés âgés eux-mêmes à la définition des dispositifs qui les concernent constituerait une garantie d’efficacité.

Il faut tout d’abord garantir l’accès des immigrés âgés à leurs droits.

La première étape consiste à éviter les ruptures de droits lors du passage à la retraite. Pour y parvenir, sans doute conviendrait-il de généraliser les « rendez-vous des droits » organisés par certaines caisses de sécurité sociale et de faire figurer l’accès des immigrés âgés aux droits comme une priorité dans les conventions d’objectifs et de gestion (COG) liant les caisses de sécurité sociale à leur autorité de tutelle. Je me félicite à cet égard que la lutte contre le non-recours aux droits soit désormais une priorité du Gouvernement.

Ensuite, il faut mieux insérer les immigrés âgés dans les schémas gérontologiques. La prise en compte des personnes âgées immigrées par les conseils généraux est aujourd’hui inégale : certains schémas gérontologiques ne définissent aucune action à l’égard des populations immigrées âgées, alors même qu’elles sont nombreuses dans les départements concernés.

Il apparaît aussi nécessaire de sécuriser les partenariats des pouvoirs publics avec les acteurs associatifs, tant ces derniers disposent d’une bonne connaissance des populations immigrées et des difficultés auxquelles elles sont confrontées. Je souhaite donc que des partenariats soient mis en place entre les associations d’aide aux immigrés âgés et les caisses de sécurité sociale, mais aussi que les subventions publiques à destination des associations soient inscrites dans un cadre pluriannuel afin que ces dernières puissent agir de façon pérenne. Je sais que dans le cadre de l’action menée par le ministre en charge de la politique de la ville, cette proposition a déjà reçu un écho favorable.

Il me semble que nous devrions donner aux immigrés âgés la possibilité de participer au « développement social local », qui vise à définir les politiques locales par la base et à inciter les bénéficiaires à en devenir les acteurs. Cela rejoint la volonté du ministre délégué à la ville, selon lequel le rôle social des personnes âgées dans les quartiers relevant de la politique de la ville doit être valorisé.

Il faut aussi garantir l’accès des immigrés âgés à la prévention sanitaire et aux soins. Dans cette perspective, l’accompagnement social vers les soins doit être renforcé à travers la mise en place de financements dédiés aux centres de santé sur la base de projets locaux. En outre, l’accès à la CMU-C et à l’assurance complémentaire santé (ACS) doit être facilité. Par exemple, le seuil de la condition de ressources ouvrant le droit à la CMU-C pourrait être relevé.

Il convient également d’inscrire le vieillissement des immigrés dans les actions menées contre les maladies neurodégénératives. Aussi apparaît-il nécessaire de fixer dans le prochain plan Alzheimer des objectifs de dépistage précoce des maladies neurodégéneratives des personnes âgées originaires des États tiers à l’Union européenne et de définir les référentiels adaptés.

Je suis convaincu qu’il faut faire de l’accès aux soins à domicile, qui se fonde sur la complémentarité entre action professionnelle et action non professionnelle, le plus souvent issue du cercle familial, une priorité. Je propose que soit engagée une concertation avec les fédérations d’associations de soins et de services à domicile afin de diffuser les meilleures pratiques pour faciliter le maintien à domicile des personnes âgées immigrées et défavorisées.

En quatrième et dernier lieu, il nous revient de permettre aux immigrés âgés de choisir librement le lieu de leur résidence une fois à la retraite.

Tout d’abord, il me paraît fondamental d’écarter le soupçon de fraude qui pèse trop souvent sur les immigrés vivant dans l’aller-retour. Je souhaite que les contrôles opérés par les organismes de sécurité sociale soient plus respectueux des droits et des personnes, que la formation des agents de contrôle des caisses de sécurité sociale soit améliorée, que les obligations des caisses, notamment en matière de notification et de motivation des décisions, et de délais, soient rappelées à tous les acteurs concernés, ou encore que les règles de recouvrement des sommes versées indûment soit homogénéisées.

Je souhaite aussi que la condition d’antériorité de résidence permettant aux étrangers non communautaires de bénéficier de l’ASPA soit ramenée de dix ans à cinq ans.

Par ailleurs, je considère que le Gouvernement doit publier sans tarder les décrets d’application des articles 58 et 59 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite « loi DALO », qui créent une « aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine » (ARFS). Ce sujet a fortement interpellé les membres de la mission.

Cette aide à la réinsertion familiale et sociale devait permettre à un étranger extracommunautaire, vivant seul, âgé de plus de soixante-cinq ans, résidant en France depuis quinze ans au moins et logeant dans un foyer de travailleurs migrants, de percevoir une aide sociale dans son pays d’origine s’il décidait d’y résider durablement. Il était prévu que son montant serait équivalent à celui de l’ASPA à laquelle il aurait droit s’il restait dans notre pays.

Il se trouve qu’aucun décret d’application n’a été pris au cours des six années passées. Pourtant, cette aide serait utile au petit nombre de personnes en grande difficulté qui vieillissent en foyer et qui semblent « prisonnières » de leur situation. L’étude d’impact estimait à 17 000 personnes le nombre des bénéficiaires potentiels de cette aide. On peut considérer que depuis, il faudrait y ajouter quelques milliers de personnes qui ont désormais plus de soixante-cinq ans. En tout état de cause, vous l’avez bien compris, cela représenterait une fraction peu importante au regard de l’ensemble des immigrés âgés des pays tiers vivant dans notre pays.

À la lumière des nombreux témoignages que nous avons recueillis, il semble que l’articulation avec le droit de l’Union européenne ne constitue pas la raison principale de la carence du pouvoir réglementaire en la matière. Il est en effet possible de faire bénéficier de l’ARFS le public ciblé par cette aide : il suffit de publier les décrets d’application. Je me félicite que la ministre des affaires sociales et de la santé ait demandé à ses services de réfléchir aux moyens de parvenir à une solution à court terme.

Il semble également indispensable d’aménager le cadre juridique de la carte de séjour portant la mention « retraité » afin de garantir à ses titulaires le bénéfice des prestations sociales en France, et notamment des prestations d’assurance maladie, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il est en effet choquant que des retraités ayant travaillé plusieurs décennies dans notre pays, y ayant cotisé et dont les pensions de retraite continuent de faire l’objet de prélèvements ne puissent bénéficier, lors de leurs séjours en France, que de soins inopinés.

Par ailleurs, notre déplacement en Algérie et au Maroc a confirmé notre sentiment qu’il est souhaitable de renforcer la coopération entre la France et les pays d’origine des migrants issus d’États tiers à l’Union européenne, afin de créer des synergies dans l’accompagnement du vieillissement. Nous devons réexaminer les conventions de sécurité sociale et actualiser, notamment, la convention de sécurité sociale liant la France et l’Algérie. Je précise que l’actualisation de la convention qui lie la France et le Maroc a eu lieu en 2007, qu’elle est entrée en application depuis le 1er janvier 2011 et qu’elle permet une meilleure prise en charge des Marocains résidant en France et des Français résidant au Maroc.

Enfin, permettre le libre choix entre la France et le pays d’origine signifie aussi garantir aux populations immigrées la possibilité de choisir le lieu de leur inhumation. Aussi nous faut-il mettre en place suffisamment d’« espaces confessionnels » dans les cimetières et veiller à leur bonne répartition sur le territoire. Je me félicite que le ministère de l’intérieur prépare actuellement une nouvelle circulaire sur ce sujet fondamental.

Je n’ai pu, évidemment, vous présenter qu’une synthèse de ce rapport et de ses principales propositions. Il y en a au total quatre-vingt-deux, qui se répartissent selon les quatre grands axes que j’ai présentés. L’ensemble de ces propositions visent à permettre aux immigrés âgés de vivre librement et dignement leur vieillesse en France, dans leur pays d’origine, ou entre les deux pays.

Je vous invite à adopter le rapport et ses préconisations, fruit de notre travail collectif. Enfin, je propose que le rapport s’intitule : « Une vieillesse digne pour les immigrés âgés, un défi à relever en urgence ».

M. le président Denis Jacquat. Merci, monsieur le rapporteur.

Mme Martine Pinville. Je tiens à saluer le travail réalisé par notre rapporteur et notre président, avant d’aborder certains des domaines auxquels je me suis plus particulièrement intéressée.

L’existence d’une surmortalité chez les immigrés âgés prouve que ceux-ci rencontrent de véritables problèmes de santé et d’accès aux soins. Il faudra le prendre en compte dans nos travaux, notamment lorsque nous préparerons les prochaines lois de financement de la sécurité sociale. De la même façon, nous devrons lutter contre l’isolement et la perte d’autonomie de ces populations par les mesures que nous pourrons prendre, par exemple, en matière de logement.

Ce rapport nous amènera donc à mieux adapter les textes de loi à la situation des immigrés âgés. Mais au-delà, il jouera un rôle de sensibilisation auprès des collectivités, des structures ou des institutions qui interviennent auprès de ces publics.

M. Philippe Vitel. Je retrouve, dans les propositions qui ont été formulées, l’état d’esprit dans lequel nous avons travaillé et les points sur lesquels nous avons insisté.

Je ferai néanmoins une remarque concernant l’ARFS. Nous pouvons en effet lire dans le rapport qu’il conviendrait d’« adopter les décrets permettant l’attribution aux résidents les plus défavorisés des foyers de travailleurs migrants de " l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine " ». La formulation utilisée me semble manquer de vigueur. Il y a en effet une urgence absolue à débloquer cette ARFS, ce qui permettrait d’ailleurs de résoudre un certain nombre des problèmes que nous avons soulevés.

M. Kheira Bouziane. Je me joins aux félicitations et aux remerciements qui ont été adressés au président et à notre rapporteur, dont je salue l’énergie communicative.

Ce travail a eu le mérite de faire la lumière sur une situation que nous ne connaissions pas forcément bien. Il dresse un constat complet et formule des propositions très précises afin d’améliorer la prise en charge de cette population et de lui redonner sa dignité.

Je me contenterai de faire une suggestion qui intéresse à la fois à l’Assemblée nationale et le Gouvernement. Pour que ce travail ne reste pas lettre morte, il faudrait que nous définissions des délais – qui peuvent être discutés – à l’issue desquels les progrès réalisés et les solutions apportées aux problèmes qui ont été soulevés seraient évalués. Il s’agirait donc de mettre en place un suivi de nos préconisations.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je me félicite tout d’abord de ce que le Président de l’Assemblée nationale ait eu l’idée de cette mission. C’est en effet la première fois que notre Assemblée se penche sérieusement sur cette question.

Je félicite ensuite notre président et notre rapporteur. Nous avons travaillé tous ensemble, tout en étant membres de partis différents, dans de très bonnes conditions. Ce n’est pas toujours le cas.

Je ferai une remarque de forme. Depuis onze ans que je siège à l’Assemblée, toutes les missions auxquelles j’ai participé se terminent de la même manière, que je trouve très décevante : nous recevons le rapport au dernier moment, alors même que nous y avons travaillé des mois durant !

Quoi qu’il en soit, je ne dirai pas grand-chose de plus que mes collègues sur ce rapport.

Je suis d’accord avec notre collègue Philippe Vitel : il faut que les décrets sur l’ARFS soient très rapidement pris.

J’observe ensuite que notre rapporteur a bien repris dans le rapport tout ce que nous avions dit sur l’accès à la naturalisation et la barrière linguistique. Il faudra suivre de très près la future circulaire du ministère de l’intérieur pour que ces personnes, si elles le souhaitent, puissent bénéficier de la nationalité française, même si elles ne parlent pas la langue. Je n’ai jamais accepté que mon grand-père meure apatride après avoir passé soixante ans dans ce pays.

Enfin, nous n’avons pas beaucoup parlé des 145 000 femmes âgées immigrées, que nous connaissons mal. Voilà pourquoi je reprends l’idée, qui avait été évoquée lors de notre dernière réunion, de confier à l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), par exemple, une enquête pour mieux appréhender la situation de ces femmes. Nous en avons rencontré quelques-unes à Vaulx-en-Velin ou au « café social » mais, la plupart du temps, celles-ci vivent seules, en dehors de tout. Elles sont encore plus isolées que les hommes, qui arrivent tout de même à se regrouper. Peut-être devrions-nous ajouter des dispositions spécifiques pour les femmes.

Sur le reste, bravo au président, au rapporteur et à tous les membres de cette mission. Ce fut vraiment une belle mission !

M. le président Denis Jacquat. Merci, chère collègue. Je me ferai l’écho auprès du président de l’Assemblée nationale de votre remarque sur la transmission des rapports.

Mme Françoise Dumas. Je voudrais moi aussi saluer ce travail exemplaire et préciser que j’ai été très fière d’accueillir une délégation de notre mission dans le Gard. Il était important de pouvoir appréhender l’ensemble de la situation des immigrés âgés.

Ce travail a été exemplaire par la diversité des champs étudiés et par le nombre des problématiques abordées. Tout un pan de notre société a ainsi été mis à jour. Ce fut l’occasion de s’intéresser à des personnes qui sont les plus éloignées de leurs droits. Mais notre regard pourrait aller au-delà des personnes immigrées, vers certaines personnes âgées qui sont également éloignées de leurs droits, rencontrent des problèmes de santé et souffrent d’isolement. Ce travail est pour moi une invitation à concevoir autrement l’accès aux droits des Français vieillissants.

À ce propos, le vieillissement de la population nous amènera à chercher de nouvelles façons d’envisager le logement social. Il sera nécessaire de créer les conditions de l’intimité et du partage, du vivre ensemble et du respect de la vie privée. La formule des logements sociaux partagés me paraît constituer une très bonne piste de travail, notamment dans les quartiers défavorisés. Bien au-delà, c’est une façon de repenser les conditions d’accueil et d’accompagnement dans le milieu associatif, et un très bon moyen de créer des emplois et de recréer du lien social. Dans le cadre du travail que nous allons engager sur la politique de la ville et le développement social des quartiers, il faudra prendre en compte cette demande.

Mais revenons aux immigrés âgés. Nous devrons poursuivre notre travail de mémoire, ce qui ne pourra que favoriser l’intégration de personnes qui ne se sentent pas encore totalement françaises : aussi bien les travailleurs immigrés eux-mêmes, qui ont contribué au redressement économique de la France, que leurs enfants et leurs petits-enfants. C’est ce qu’il faut faire pour que notre République retrouve tout son sens.

M. Pouria Amirshahi. Je voudrais moi aussi me féliciter de l’ambiance qui a caractérisée nos travaux et notre débat de ce jour. Celui-ci est important pour la France comme pour les pays dont sont originaires les immigrés âgés dont nous parlons, où il a d’ailleurs été très suivi.

Il est essentiel d’intégrer dans la mémoire nationale ce que sont les immigrés et, plus généralement, ce que l’immigration a apporté à la communauté nationale. Le fait que pour la première fois, ce débat ait lieu ici, à l’Assemblée nationale, a été déterminant. Et nous sommes allés au-delà, en formulant des propositions concrètes.

L’idée d’un comité de suivi a été évoquée. Mais on pourrait aussi envisager, selon un calendrier à déterminer, que chaque ministère, ou le Gouvernement pris dans son ensemble, fasse le point sur chacune des propositions que nous avons faites. Cela nous permettrait de savoir si notre rapport a été suivi d’effets. Il ne faudrait pas qu’il finisse dans un tiroir ou sur une étagère. Bien sûr, on ne peut pas tout faire tout de suite, mais rien n’empêche d’étudier la façon de mettre en œuvre, au fur et à mesure et de façon efficace, les différentes mesures qui ont été préconisées.

Ce serait aussi le moyen de prouver que la reconnaissance envers les populations immigrées est en train de se matérialiser. Ce serait, pour les immigrés âgés comme par leurs enfants et petits-enfants, une manifestation du respect de la parole donnée.

Nous pourrions également envisager de communiquer ce rapport aux pays dont sont issus beaucoup de ces immigrés âgés. Là-bas, au Maghreb, en Afrique de l’Ouest, l’émigration de travail est souvent un sujet de débat : comment, après une longue période de colonisation, la France a-t-elle traité chez elle les ressortissants de ces pays, qui ont pourtant contribué à sa reconstruction ? Ce serait une réponse à leur apporter. J’ai appris que le président et Alexis Bachelay avaient déjà accordé quelques interviews. Je peux vous dire, pour m’être rendu dans ces pays, que notre travail y a eu un grand écho.

Mais nous devons bien faire comprendre qu’il s’agit, pour beaucoup d’immigrés âgés, de rejoindre le droit commun, et non pas de bénéficier d’une quelconque discrimination positive. Il ne faut pas nourrir la rumeur selon laquelle les immigrés pourraient être avantagés par rapport aux nationaux. Dans le contexte actuel, il est important d’expliquer ce qu’il en est.

Il faut enfin faire savoir que certaines préconisations, notamment dans le domaine de la santé, sont extensibles à l’ensemble des personnes âgées. Car nous menons là une bataille pour le droit commun. Si le rapport de notre mission permettait de faire progresser les droits, économiques, sociaux, civiques et civils dans notre pays, nous aurions franchi un grand pas et la Nation toute entière nous en serait reconnaissante.

M. Matthias Fekl. Je commencerai par saluer le travail de notre président et de notre rapporteur.

L’apport de cette mission est d’abord d’avoir tordu le cou à un certain nombre d’idées reçues. Je vise plus particulièrement celle selon laquelle les étrangers en général et les immigrés âgés en particulier pèseraient de façon excessive sur l’équilibre de nos comptes sociaux. Ce n’est pas le cas. Plus généralement, ce rapport constitue une mine d’informations et de données très intéressantes.

Ensuite, les propositions faites par la mission sont très pragmatiques. Certaines d’entre elles peuvent être mises en œuvre rapidement. Je pense notamment aux mesures réglementaires que le Gouvernement va devoir prendre en urgence.

Enfin, la philosophie d’ensemble de la mission rejoint ce que j’ai essayé de faire dans le rapport que j’ai remis au Premier ministre : trouver un équilibre en matière de politique d’immigration. Il s’agit, d’une part, de lutter avec fermeté contre l’immigration illégale et, d’autre part, de tout faire pour renforcer l’intégration des étrangers en situation régulière qui ont droit, à ce titre, à une reconnaissance et à des droits positifs – accueil en préfecture, pluriannualité des titres de séjour, notamment pour les étrangers malades, etc.

M. Daniel Vaillant. Tout ce qui a été dit est juste : ce rapport est excellent et le président et le rapporteur ont très bien travaillé. Je me réjouis moi aussi de la création de cette mission. Lors de la précédente mandature, je me souviens d’avoir accueilli des délégations de travailleurs migrants âgés, sans avoir été en mesure de leur répondre. Je me réjouis donc que ce rapport existe, que quatre-vingt-deux propositions aient vu le jour et que l’on puisse avancer sans perdre de temps.

Ces quatre-vingt-deux propositions peuvent être hiérarchisées dans le temps et selon les priorités gouvernementales. Mais il faut les mettre en œuvre : un rapport n’a pas vocation à rester lettre morte. Une fois que nous l’aurons adopté, notre rapport sera remis au Président de l’Assemblée nationale. Il serait peut-être bon d’y préciser, en annexe, quels sont les ministères concernés. Dans quelques mois, nous pourrions faire le point avec le ministre des relations avec le Parlement pour voir où l’on en est, concrètement, de ces propositions.

Enfin, un débat sur la mise en œuvre de ces propositions pourrait utilement avoir lieu avec les acteurs concernés intervenant sur le terrain. Car la question n’est pas close et pour moi, une des meilleures manières de lutter contre l’immigration illégale et les filières clandestines est de favoriser – tout en maîtrisant les flux – l’immigration légale. En effet, quand on ferme la porte à l’immigration légale, on favorise l’immigration illégale.

Nous devons continuer à travailler. La naturalisation est une piste, notamment pour nos anciens qui le souhaitent. Mais c’est aussi une piste pour l’immigration d’aujourd’hui et celle de demain. Car dans quelques années, nous aurons à nous préoccuper d’autres immigrés âgés, qui seront sans doute bien différents de ceux d’aujourd’hui.

En conclusion, je me félicite du travail accompli à un bon rythme par cette mission, par le rapporteur et le président. Je crois que nous pouvons en être fiers.

M. le président Denis Jacquat. Demain matin, quand il lui remettra son rapport, notre rapporteur pourra relayer certains de vos messages auprès du Président de l’Assemblée nationale.

M. Pierre Aylagas. Bien que n’étant pas membre de cette mission, je me félicite moi aussi que l’on ait choisi ce thème, et je félicite le président et le rapporteur ainsi que tous les membres de la mission pour leur travail. Si je prends la parole, c’est parce que je suis député des Pyrénées-Orientales et que dans mon département, et surtout dans mon village, il y a beaucoup d’immigrés d’origine espagnole, aujourd’hui âgés, qui ont travaillé toute leur vie dans le monde agricole, et dont la retraite est très faible.

Ma question porte sur la proposition n° 80 « Réaffirmer par voie de circulaire la nécessité de procéder à des regroupements confessionnels dans les cimetières après avoir évalué les besoins sur l’ensemble du territoire ».

Le cimetière de la commune dont je suis maire possède depuis plusieurs décennies un « carré israélite ». Or, depuis qu’il existe, une seule personne y a été enterrée. Pour des raisons d’intégration, ceux qui pourraient être concernés préfèrent être inhumés « comme tout le monde ». Mais l’année dernière, un musulman m’a dit qu’il souhaiterait être enterré dans un « carré musulman ». Faut-il en créer un ? Peut-être pas, précisément pour des raisons d’intégration ?

Mme Kheira Bouziane. Il faut que les citoyens aient le choix.

Mme Hélène Geoffroy. Je tenais moi aussi à souligner la qualité de ce rapport et le travail qui a été accompli. Ces six mois ont été pour nous très formateurs. Quelles que soient nos idées sur la question, quelle que soit notre histoire politique, nous nous sommes retrouvés sur les constats. J’espère que nous nous retrouverons sur les conclusions.

Je voudrais par ailleurs insister sur la grande honnêteté du rapport et sur sa fidélité par rapport aux débats que nous avons eus. Les quatre-vingt-deux propositions auxquelles il a abouti tiennent compte à la fois de l’histoire de l’immigration, de l’importance du devoir de mémoire, des problèmes liés au vieillissement et de la façon dont ces personnes âgées immigrées peuvent s’insérer dans notre société. Celles-ci, nous l’avons compris, sont indissolublement liées à notre histoire nationale et la plupart d’entre elles ont la volonté de rester en France – ou, du moins, de faire des allers et retours entre leur pays d’origine et la France.

Je n’ai pas de question particulière à poser, mais je formule le vœu que notre rapport ne reste pas lettre morte. Comme nous nous y sommes engagés, nous allons le présenter sur nos territoires, et vérifier que ses préconisations sont bien suivies d’effets. Il faut dire que nous sommes très attendus par les associations et par toutes les personnes qui ont suivi nos travaux. Si les préconisations de ce rapport se concrétisent, nous aurons réussi et contribué à écrire un beau moment de notre histoire.

Bien entendu, je voterai ce rapport.

M. le président Denis Jacquat. Ce concert de louanges traduit bien l’état d’esprit qui nous a réunis pendant six mois. Nous n’avons pas oublié que ces personnes sont venues dans notre pays pour travailler au développement industriel de notre pays ou pour travailler en milieu rural. Ces personnes sont au seuil de leur vie. Pour la plupart, elles ont choisi de vivre durablement dans notre pays. Nous devons les respecter, les aider, leur montrer que le mot « France » s’écrit en majuscules.

M. le rapporteur. Monsieur Alaygas, la question des « carrés confessionnels » a été abordée prudemment par la mission. Nous avons préconisé de réaffirmer la nécessité de procéder à des regroupements confessionnels dans les cimetières « après avoir évalué les besoins sur l’ensemble du territoire ». Par principe, faudrait-il refuser les « carrés confessionnels » ? Je pense que ce n’est pas possible, puisqu’il y en a déjà et qu’en vertu du principe de laïcité, soit on accorde à toutes les religions constituées les mêmes droits, soit on ne les accorde à aucune d’entre elles.

Mais j’irai plus loin. Selon moi, le fait que des personnes de confession musulmane, présentes depuis très longtemps sur notre territoire mais nées dans un autre pays, veuillent être enterrées en France est une preuve d’intégration et d’enracinement et non la marque d’une volonté communautaire ou séparatiste.

Nous n’avons pas à juger du souhait d’être enterré dans un « carré confessionnel ». Simplement, cette possibilité existe dans notre pays. Voilà pourquoi il a semblé à la mission que la religion musulmane devait être traitée comme les autres religions. Cela dépend bien sûr des besoins et des demandes. Mais si nous ne répondons pas à ces demandes, les intéressés se feront enterrer au pays. Cela ne peut se faire que dans le cadre d’un dialogue avec les élus locaux, qui sont décideurs en la matière.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Le Sénat a adopté, il y a deux ans, une proposition de loi sur la législation funéraire. Le texte voté précisait que les communes qui manquaient de place dans les cimetières pouvaient enlever les tombes qui n’étaient pas entretenues et mettre les restes des corps dans des ossuaires. Or, cette pratique est absolument interdite par les religions juive et musulmane. C’est pourquoi, quand ils n’ont pas de famille en France, les intéressés préfèrent se faire enterrer au pays – ce que l’on peut tout de même essayer d’éviter.

M. le rapporteur. Je voudrais maintenant réagir à l’intervention de Françoise Dumas qui remarquait que cette mission s’intéressait aux personnes les plus éloignées du droit et des services publics.

Dans mon rapport, j’ai plusieurs fois fait référence au rapport de M. Thierry Tuot, qui oppose « société inclusive » et « société des droits ». En effet, s’il est nécessaire de donner des droits, il faut faire en sorte que ces droits aient des chances de bénéficier aux personnes à qui ils sont destinés. Si les dispositifs mis en place s’adressent à des personnes défavorisées et précarisées, ils auront du mal à atteindre leurs objectifs d’inclusion et de réintégration de ces personnes. Évidemment, ce qui vaut pour les immigrés âgés vaut aussi pour toutes les personnes âgées qui seraient dans des situations équivalentes – faibles pensions de retraite, « mal-logement », etc.

Nous pensons porter une vision inclusive de la société. Nous nous adressons, bien au-delà des immigrés âgés, à toutes les personnes qui connaîtraient des difficultés similaires. Nous espérons que notre travail pourra inspirer, notamment, les services sociaux, les caisses de sécurité sociale pour que toutes les personnes retraitées aient accès au droit commun.

Plusieurs d’entre vous se sont enfin demandé si ce rapport ne risquait pas de rester lettre morte et s’il était possible de transformer ces préconisations en politiques publiques. Certains ont suggéré que l’on mette en place des groupes de suivi. Daniel Vaillant a fait une proposition intéressante : s’adresser au ministre en charge des relations avec le Parlement pour lui demander de faire le point au bout de quelques mois. C’est en tout cas comme cela que je conçois le travail que nous avons mené. Même si la mission s’arrête aujourd’hui, après un vote que je souhaite unanime, j’espère, en tant que rapporteur, que nous travaillerons avec le Gouvernement et que nous l’inciterons à mettre en œuvre nos préconisations.

J’ai déjà interrogé M. Manuel Valls sur l’accueil en préfecture ou Mme Marisol Touraine sur les contrôles effectués par les caisses de sécurité sociale dans les foyers de travailleurs migrants. Nous pourrions demander aux ministères concernés de nous proposer un calendrier.

Mais nous pouvons également utiliser les textes législatifs à venir, comme le projet de loi présenté par Mme Cécile Duflot sur le logement et l’urbanisme ou le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014, pour donner une suite, par l’intermédiaire d’amendements, à certaines de nos préconisations. Cela dit, j’attire votre attention sur le fait que nombre de nos préconisations peuvent passer par la voie réglementaire. Plusieurs d’entre elles ont même déjà été mises en œuvre de cette façon. C’est ainsi qu’une circulaire du ministère de l’intérieur, qui a été publiée la semaine dernière et qui vient d’être envoyée aux préfets, prévoit l’attribution d’une carte de résident permanent aux immigrés âgés de plus de soixante ans ou qui ont déjà effectué deux renouvellements de leur carte de résident.

Vos inquiétudes sont tout à fait légitimes. Mais croyez bien que je n’ai pas l’intention de ranger le rapport dans mon armoire et de ne pas suivre l’action du Gouvernement en la matière. Je suis relativement confiant, dans la mesure où des contacts ont déjà été pris et certaines mesures déjà décidées. Nous pouvons donc raisonnablement espérer la mise en œuvre de l’intégralité de ces préconisations, dans un laps de temps qui reste évidemment à déterminer. Si vous êtes intéressés, nous pourrons mener collectivement ce travail de surveillance et d’évaluation.

M. Sergio Coronado. Nous savons tous que les rapports se perdent parfois dans les sables. En tant que jeune parlementaire, je ne sais pas ce qui est prévu. Mais ne serait-il pas possible de mettre en place un groupe de suivi pendant la durée de la mandature ? Il se réunirait régulièrement et permettrait d’évaluer, en fonction de ce qui a été préconisé, les avancées, les retards ou les difficultés. Ce n’est pas parce que le rapport aura été adopté que le travail sera terminé. Pour moi, il s’agit bien plus d’un point de départ que d’un aboutissement.

M. le rapporteur. Demain à onze heures, à l’Hôtel de Lassay, je remettrai officiellement, au nom de la mission, notre rapport au Président Claude Bartolone. Vous êtes évidemment conviés à ce moment que l’on a voulu un peu solennel, puisque l’on y a invité également les personnes entendues par la mission, y compris les immigrés âgés que nous avons rencontrés.

Ce rapport a suscité des attentes et des réactions nombreuses et je pense que, de ce fait, nous avons un devoir moral vis-à-vis des populations immigrées âgées. Je crois savoir que le Président Bartolone a l’intention de proposer, pour certaines missions parlementaires, un droit de suite et une procédure d’évaluation des mesures préconisées. Ce serait l’équivalent des rapports d’application des lois, qui interviennent six mois après leur entrée en vigueur. Cela va dans le sens de la revalorisation du rôle du Parlement que le Président Bartolone appelle de ses vœux.

Je souhaite, comme je le dirai demain dans mon intervention, que notre mission soit l’occasion d’expérimenter cette nouvelle façon de procéder : aller au-delà de la remise du rapport pour assurer la continuité de l’action publique et faire un point d’étape au bout de quelques mois.

M. le président Denis Jacquat. Les anciens députés qui sont présents savent qu’auparavant, il n’y avait aucune mission de contrôle ni de suivi des lois. C’est un ancien président de la commission des affaires sociales, M. Michel Péricard, qui a souhaité ardemment leur mise en place. Ainsi, dans le cadre des textes sur les retraites dont j’ai souvent été le rapporteur, sur les PLFSS ou les projets de loi, des missions de suivi ont été créées. Chaque année, nous avons fait le point, en examinant les préconisations et les propositions les unes après les autres. En l’occurrence, si l’on veut que les rapports des missions soient efficaces, il faut procéder de la même façon. Mais je ne me fais aucun souci : ce sera un des messages que délivrera demain notre rapporteur.

Je vais maintenant mettre aux voix le rapport.

Le rapport est adopté à l’unanimité.

J’en viens à l’autorisation de publication du rapport.

La publication du rapport est autorisée à l’unanimité.

Le rapport sera donc publié, conformément à l’article 145 du Règlement de notre assemblée.

Ce vote à l’unanimité est un premier signal positif. Je serai à vos côtés pour faire en sorte que ce rapport aboutisse. Les rapports ne sont pas faits pour rester dans une bibliothèque ou dans un tiroir. Il faut qu’ils se traduisent dans les faits. C’est une façon de montrer à la population que nous travaillons pour le bien de la France.

La question des immigrés âgés est un sujet sensible, mais nous n’avons eu, à aucun moment, de divergences ni dans la façon de travailler, ni dans l’échange de nos idées. Ce fut une mission exemplaire.

Merci à tous.

La séance est levée à dix-sept heures quarante.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 2 juillet 2013 à 16 heures 15

Présents. - M. Pouria Amirshahi, M. Alexis Bachelay, Mme Kheira Bouziane, M. Sergio Coronado, Mme Françoise Dumas, M. Matthias Fekl, Mme Hélène Geoffroy, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Denis Jacquat, Mme Martine Pinville, M. Daniel Vaillant, M. Philippe Vitel

Assistait également à la réunion. - M. Pierre Aylagas