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Mercredi 16 mars 2016

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 3

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Louis Bal, Président du Syndicat des énergies renouvelables

Mission d’information commune sur l'application de la loi n° 2015-992
du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

La Mission d’information commune a entendu M. Jean-Louis Bal, Président du Syndicat des énergies renouvelables.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mes chers collègues, nous recevons aujourd’hui M. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables, accompagné de M. Damien Mathon, délégué général.

Créé en 1993, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) regroupe 400 adhérents issus de l’ensemble des filières. Cumulant un parc de plus de 16 500 mégawatts, le solaire photovoltaïque et l’éolien représentent désormais 37,8 % des capacités de production d’énergies renouvelables électriques en France métropolitaine. Les énergies renouvelables représentent actuellement 18,7 % de la consommation – la production d’énergie photovoltaïque, en forte croissance, a augmenté de 17 % l’an dernier – et doivent atteindre 40 % dans le mix électrique en 2030. Tel est, du reste, l’enjeu essentiel de la loi sur la transition énergétique.

Le SER est donc un acteur essentiel de la transition énergétique, et je ne doute pas, monsieur Bal, que vous nous apporterez des données très concrètes sur l’application de la loi. Je citerai quelques-unes de vos études thématiques : « L’état des coûts de production de l’éolien terrestre », « Anticiper le développement du solaire photovoltaïque compétitif », « Les énergies renouvelables au cœur du bâtiment », « Ouvrir de nouvelles perspectives aux énergies marines renouvelables en développant l’éolien flottant ».

Vous nous donnerez votre avis sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), tant attendue, sur l’implantation de l’éolien offshore et sur terre ainsi que sur les incidences de l’éventuelle prohibition de l’implantation d’éoliennes à proximité de tout bâtiment historique. Par ailleurs, je vous indique, ainsi qu’à mes collègues, qu’une table ronde sera consacrée aux bâtiments le 17 mai ; notre rapporteure sera Mme Sabine Buis.

M. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables. Je vous remercie de me recevoir et, à travers ma personne, de recevoir les entreprises du secteur des énergies renouvelables. Je commencerai par rappeler les appréciations positives que nous avons portées sur la loi de transition énergétique, qui est censée nous offrir la visibilité que nous réclamons depuis des années et la stabilité nécessaire au développement de filières industrielles dans le secteur des énergies renouvelables, développement qui a été jusque-là entravé par de multiples stop-and-go.

Tout d’abord, les objectifs inscrits dans le titre Ier de la loi nous semblent réalistes et ambitieux.

Réalistes, car ils sont à la portée non seulement de nos entreprises, mais aussi des collectivités et de l’État. Des projets existent ; chaque filière, selon sa maturité, est mobilisable dans des conditions technico-économiques acceptables. Je veux rappeler, à ce propos, que le coût de production des énergies renouvelables a diminué de manière spectaculaire au cours des dernières années, qu’il s’agisse de la production d’électricité, de chaleur ou de carburants. Cette baisse, particulièrement remarquable dans le domaine du solaire photovoltaïque, concerne désormais le prix des batteries qui permettent de stocker ces énergies.

Ces objectifs sont également ambitieux, car porter la part des énergies renouvelables de 15 % actuellement à 32 % en 2030 nécessitera la mobilisation non seulement des entreprises, des collectivités et de l’État, mais aussi celle des citoyens.

Pour que la loi soit efficace, il est absolument nécessaire que soit publiée le plus rapidement possible la fameuse programmation pluriannuelle de l’énergie, qui doit traduire, pour les années 2018-2023, les objectifs de 2030 dans une trajectoire de développement des filières incluant les moyens financiers consacrés par la collectivité. Un certain nombre de filières – je pense notamment au photovoltaïque – dépendent en effet d’une programmation pluriannuelle d’appels d’offres qui, en l’absence de PPE, pourrait être remise en cause faute de base juridique. Si la PPE n’est pas publiée très rapidement, nous craignons donc un blocage de nos filières. En outre, un signal très négatif serait alors envoyé aux investisseurs et aux industriels.

Je suis néanmoins optimiste, car nous avons pu prendre connaissance, au mois de novembre dernier, dans le cadre du comité de suivi, de projets concernant les énergies renouvelables tout à fait satisfaisants et conformes à l’ambition affichée pour 2030, sauf en ce qui concerne les énergies renouvelables marines, en particulier l’éolien offshore. Les objectifs affichés dans ce domaine sont en effet insuffisamment ambitieux pour justifier les investissements industriels nécessaires pour qu’une filière française puisse se développer et exporter.

Les trajectoires PPE constituent le meilleur moyen de tenir nos engagements européens à l’horizon 2020, de respecter les objectifs inscrits dans la loi pour 2030 et de concourir à la réduction des émissions de CO2. Nous recommandons donc vivement qu’il soit procédé très rapidement à la publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie pour donner de la visibilité au secteur et nous donner les moyens de tenir nos engagements de court et moyen terme.

À ce propos, je tiens à exprimer notre inquiétude s’agissant des exercices PPE qui sont conduits dans les zones non interconnectées, c’est-à-dire les outre-mer et la Corse. À ce stade, ces exercices ne nous paraissent pas suffisamment ambitieux, alors que ces territoires jouissent de gisements d’énergies renouvelables considérables et qu’ils sont alimentés actuellement par une électricité chère et très carbonée. Les conditions devraient donc être réunies pour que s’y développent les énergies renouvelables, dont les coûts de production sont, rappelons-le, très compétitifs, y compris lorsqu’elles sont couplées à des solutions de stockage destinées à soutenir le réseau. Il ressort en effet des projets présentés dans le cadre du récent appel d’offres pour des installations photovoltaïques avec stockage lancé par le ministère de l’environnement que leur prix moyen est inférieur au coût de production de l’électricité dans ces territoires, de sorte qu’il n’y aurait même pas d’impact négatif sur la Contribution au service public de l’électricité (CSPE).

J’en viens maintenant à l’évolution des mécanismes de soutien aux filières renouvelables électriques.

La doctrine de la Commission européenne ayant évolué récemment, chaque État membre doit désormais faire évoluer son soutien aux filières renouvelables électriques en les exposant à la vente sur le marché, accompagnée d’une prime appelée complément de rémunération. Il s’agit d’un enjeu majeur pour les filières électriques renouvelables et d’un changement important pour leurs acteurs, en particulier les PME et les ETI. Je ne vous le cache pas, nous n’étions pas demandeurs d’une telle évolution, mais on peut comprendre que les mécanismes de soutien doivent évoluer. En tout état de cause, la ministre a entendu la profession et lui a proposé un système « marché plus prime » que nous estimons finançable. Les projets de textes que nous avons pu examiner lors de leur passage devant le Conseil supérieur de l’énergie sont la traduction fidèle des discussions que nous avons eues en amont avec l’administration ; nous attendons désormais l’accord de la Commission européenne, saisie pour avis de ces projets.

À ce propos, j’appelle votre attention sur le fait qu’une interprétation particulièrement rigoriste des lignes directrices de la Commission européenne par la Direction générale de la concurrence pourrait conduire, à court terme, à lancer des appels d’offres dits à « neutralité technologique », c’est-à-dire des appels d’offres indifférenciés mettant en compétition les différentes technologies renouvelables. Une telle approche, qui aurait pour seul critère le prix du kilowattheure fourni, priverait la France de la maîtrise de son bouquet énergétique. Or, pour des raisons qui tiennent à la complémentarité des profils de production – certaines filières produisent davantage en été, d’autres plutôt en hiver – et à l’aménagement du territoire, ainsi que pour des raisons industrielles, il nous paraît absolument nécessaire que la France, comme tout autre pays européen, puisse continuer à mener des politiques de soutien filière par filière. Un mix énergétique tire en effet sa résilience de la diversification de ses sources de production.

Notre deuxième recommandation est donc de défendre auprès de la Commission européenne, en particulier de la DG Concurrence, cette nécessaire diversification, qui passe par des politiques de soutien technologie par technologie.

J’en viens à mon troisième point : la simplification des procédures.

Ces dernières années, un certain nombre de nos filières, encore jeunes, étaient étouffées par une réglementation complexe, liée au fait que l’État – et c’est bien compréhensible – a longtemps tâtonné pour trouver les mesures de régulation appropriées. Plusieurs simplifications ont été décidées avant le vote de la loi, laquelle a également apporté sa pierre à l’édifice en créant notamment une autorisation unique pour les filières éolienne, biogaz et électricité ; nous saluons cette avancée.

L’enjeu réside essentiellement, aujourd’hui, dans la cohabitation des éoliennes avec leur environnement proche. Or, nous estimons que le cadre réglementaire actuel tient compte de cet environnement, qu’il s’agisse du patrimoine, des habitations ou du respect de la biodiversité. De fait, peu de filières sont aussi encadrées que l’éolien. Pourtant, dans le cadre du projet de loi relatif à la liberté de la création, au patrimoine et à l’architecture, une disposition adoptée par le Sénat vise à soumettre tout projet éolien en co-visibilité d’un monument historique dans un rayon de dix kilomètres à l’avis conforme de l’Architecte des bâtiments de France (ABF). Si nous respectons les missions de cette profession, il nous semble néanmoins inconcevable de donner un droit de veto à l’ABF, d’autant plus qu’il existe plus de 44 000 monuments historiques dans notre pays. L’encadrement nécessaire à la préservation de notre patrimoine existe déjà. Il faut donc absolument revenir sur cette disposition qui condamnerait le développement d’une forme de production d’énergie indispensable à la réalisation de nos objectifs. Si elle était maintenue en l’état, elle viendrait anéantir les ambitions de la loi de transition énergétique. Même si l’on aboutissait à un compromis qui préserve les possibilités pour l’éolien de se développer, cette nouvelle mesure compliquerait encore l’encadrement réglementaire applicable à cette filière.

Cet exemple illustre combien la cohérence des politiques publiques est nécessaire pour atteindre nos objectifs en matière de transition énergétique. Si chaque enjeu – je pense au patrimoine – est important, il ne faut pas oublier qu’après quinze années de réflexion sur la réglementation applicable aux éoliennes, nous sommes aujourd’hui parvenus à une position équilibrée qu’il convient de préserver.

Notre troisième recommandation est donc de stabiliser le cadre réglementaire applicable aux énergies renouvelables pour ne pas créer de nouveaux freins semblables à ceux qui, par le passé, ont affecté le marché de nos filières.

J’ai souhaité concentrer mon propos sur trois grands enjeux de la loi, dont nous attendons qu’ils se traduisent par des mesures concrètes. Nombre de textes réglementaires d’application doivent encore être publiés, sur lesquels nous émettons des avis dans le cadre du Conseil supérieur de l’énergie, aux réunions duquel nous participons. Je tiens d’ailleurs à souligner, pour conclure, que la ministre a accéléré les consultations sur ces textes.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La présentation de la programmation pluriannuelle de l’énergie au comité de suivi du Conseil national de la transition écologique, qui devait intervenir le 8 mars, a été annulée. Partagez-vous notre inquiétude ou vous a-t-on donné l’assurance que la PPE serait rapidement publiée ?

M. Jean-Louis Bal. La réunion du comité de suivi de la PPE, qui était programmée le 8 mars, a en effet été annulée à la dernière minute, pour des raisons que nous ignorons. Nous sommes extrêmement inquiets. La ministre a annoncé, lors de la réunion du comité de suivi du 19 novembre, une programmation des appels d’offres, notamment pour des installations photovoltaïques. Si la PPE n’est pas publiée, les marchés qui auront été attribués dans ce cadre pourront être remis en cause à tout moment. Nous serions ainsi privés de la visibilité que nous réclamons pour les filières depuis au moins une décennie et que la loi est censée nous apporter.

Mme Martine Lignières-Cassou. Tout d’abord, j’aimerais savoir si les délais d’instruction de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) vous paraissent trop longs, comme le déplorent certains autres acteurs. Ensuite, le seuil retenu pour le lancement d’un appel d’offres résulte de la transposition d’un règlement européen. Ce seuil n’est-il pas trop bas ? Enfin, puisque vous avez déploré le fait que le seul critère pris en compte par la DG Concurrence soit le prix, je souhaiterais savoir si vous défendez la nécessité de prendre en compte les externalités positives des ENR, qu’il s’agisse de la réduction des émissions de CO2 ou de la création d’emplois. Si tel est le cas, avez-vous le sentiment d’être entendus ?

M. Jean-Louis Bal. Les délais d’instruction de la CRE dans le cadre des appels d’offres sont en effet assez longs, mais nous travaillons actuellement avec la Direction générale de l’énergie et du climat, dans le cadre de la préparation des nouveaux appels d’offres, à une évolution des cahiers des charges et des critères d’attribution. Une instruction plus automatique devrait ainsi permettre de réduire considérablement ces délais. Je précise que l’ensemble des délais d’instruction, et pas uniquement ceux de la CRE, doivent être réduits.

M. Damien Mathon, délégué général du Syndicat des énergies renouvelables. La ministre a soumis au Conseil supérieur de l’énergie un projet de décret qui vise à réduire le délai d’instruction global des appels d’offres, dont l’examen par la CRE n’est qu’une étape – le délai de publication au Journal officiel de l’Union européenne, par exemple, est également est assez long. Par ailleurs, une analyse plus industrielle des critères des appels d’offres devrait également contribuer à réduire ces délais.

M. Jean-Louis Bal. S’agissant des seuils retenus pour les appels d’offres, ils sont en effet plus bas que ceux qui sont recommandés par la Commission européenne. Nous souhaitons, quant à nous, que cette directive ne soit pas sur-transposée.

Mme Martine Lignières-Cassou. Avez-vous le sentiment d’être entendus ?

M. Jean-Louis Bal. Pour le moment, non.

Par ailleurs, il nous semble que les diverses externalités, notamment l’aménagement du territoire et la valorisation de ressources agricoles, doivent apparaître dans le cahier des charges des appels d’offres. Il est en effet plus facile de procéder ainsi que de tenter de valoriser de manière comptable chacune de ces externalités, car cela suscite toujours des interprétations différentes. Il convient cependant de souligner que, dans le cadre des appels d’offres pour les installations photovoltaïques, un critère, celui du bilan carbone des matériels utilisés, prend en compte les externalités positives. Il me semble que ce doit être une source d’inspiration pour l’évolution future des cahiers des charges des appels d’offres.

M. Denis Baupin, rapporteur. Tout d’abord, je crois qu’il serait utile que vous nous rappeliez le nombre d’emplois que compte le secteur des énergies renouvelables en France, afin que chacun ait bien conscience de son importance pour l’économie de notre pays. Dans le domaine énergétique, certaines filières suppriment des emplois quand d’autres recrutent ; cela montre le sens du mouvement.

En ce qui concerne la PPE, vous nous avez indiqué que vous étiez satisfait des ébauches dont vous aviez pu prendre connaissance, à l’exception de celle qui concerne l’éolien offshore. Toutefois, les scénarios envisagés reposaient sur deux hypothèses différentes. Toutes deux aboutissaient à 25 gigawatts supplémentaires à l’horizon 2023, mais l’une réservait une part plus importante à l’éolien, l’autre au solaire. D’après ce que nous avons pu comprendre, c’est la seconde hypothèse qui serait retenue. Quel est votre sentiment sur ce choix ?

S’agissant du seuil retenu pour le complément de rémunération, la France aurait, selon vous, sur-transposé la directive européenne relative aux mécanismes de marché des énergies renouvelables. Est-ce bien cela ? Si tel est le cas, il serait utile de le souligner, puisqu’on nous explique, en général, qu’il ne faut surtout pas sur-transposer les directives européennes.

Quelle appréciation portez-vous sur l’éventuelle définition d’un cadre juridique pertinent applicable à l’autoconsommation et à l’autoproduction ? Quelles propositions attendez-vous en la matière ?

Par ailleurs, la loi fixe des objectifs pour l’incorporation d’énergies renouvelables dans le domaine de la mobilité. Jusqu’à présent, il s’agit plutôt d’agrocarburants, mais nous sommes un certain nombre à penser que le gaz et l’électricité peuvent également être concernés. Le SER a-t-il une doctrine sur le sujet ?

Enfin, le Conseil supérieur de l’énergie a émis, hier, un avis favorable à une ordonnance relative à l’intégration du financement participatif dans les critères applicables à l’attribution des appels d’offres concernant les énergies renouvelables. Quelle est l’appréciation du SER sur cette modalité de financement, qui est, selon nous, de nature à renforcer l’acceptabilité des projets ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Je souhaiterais revenir sur la question des outre-mer. Dès lors que, comme vous nous l’avez expliqué, ces territoires représentent un gisement important d’énergies renouvelables, où elles peuvent être produites à un coût très abordable, comment expliquez-vous le blocage actuel et quels dispositifs pourrions-nous mettre en œuvre pour développer ce secteur d’activités qui est source d’emploi ? Par ailleurs, quelles remarques vous inspirent le projet de PPE qui a été proposé pour la Guyane, couvrant les années 2016-2018 et 2019-2023 ?

M. Jean-Louis Bal. Plusieurs organismes évaluent la situation de l’emploi dans le secteur des énergies renouvelables, et tous aboutissent à des résultats différents car ils ne retiennent pas le même périmètre et n’utilisent pas la même méthodologie. Néanmoins, l’outil le plus pertinent en la matière est, me semble-t-il, l’état des lieux des marchés et de l’emploi des énergies renouvelables et de la maîtrise de l’énergie, que l’ADEME publie chaque année. En effet, cette étude ne prend en compte que les emplois directs et ceux des emplois indirects qui sont clairement identifiables. Selon cet état des lieux, le secteur des énergies renouvelables emploie environ 80 000 personnes, soit un peu moins qu’en 2012, puisqu’il en employait alors 100 000. Cependant, la situation varie selon les filières : l’éolien a créé des emplois au cours des deux dernières années, grâce notamment aux mesures de simplification qui ont été prises, alors que la filière photovoltaïque en a détruit, en raison des politiques de stop-and-go qui ont réduit progressivement ce marché. Les perspectives sont néanmoins excellentes pour la filière photovoltaïque, pourvu que la programmation des appels d’offres soit maintenue et la PPE publiée. Nous avons en effet estimé que la réalisation de ces appels d’offres se traduirait par la création d’environ 5 000 emplois. D’autres secteurs connaissent des difficultés, notamment celui du chauffage au bois des habitations individuelles, dont le marché baisse de 20 % par an depuis deux ans, en raison d’un climat trop clément et de la forte baisse du prix des combustibles fossiles. C’est pourquoi nous saluons le fait que la loi ait défini une trajectoire de prix pour la tonne de CO2.

En ce qui concerne les scénarios retenus pour la PPE, M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat, a annoncé, le 4 février dernier, lors du colloque du SER, des chiffres différents de ceux qui avaient été indiqués lors de la réunion du 19 novembre 2015. Les hypothèses évoquées par M. Baupin sont en effet beaucoup moins différenciées, ce qui nous paraît bien plus satisfaisant. En ce qui concerne l’éolien terrestre, nous ne pouvons évidemment qu’être favorables à des scénarios optimistes, mais les dispositions du projet de loi relatif à la liberté de la création doivent nous inciter à la prudence. De fait, pour que de tels scénarios se réalisent, il faut mettre en œuvre la simplification que j’ai évoquée tout à l’heure. Quant au photovoltaïque, seul son coût aurait pu brider les objectifs. Or, nous avons constaté, lors du denier appel d’offres, que ce coût avait considérablement baissé, puisqu’il est en moyenne de 80 euros du mégawattheure. Là aussi, la fourchette haute des scénarios pourrait donc être retenue.

En ce qui concerne les seuils, il y a bien sur-transposition de la directive en ce qui concerne les appels d’offres. Les systèmes tarifaires ou les systèmes de complément de rémunération « guichet » pourraient, me semble-t-il, s’appliquer jusqu’à des niveaux plus élevés que ceux qui ont été retenus. En revanche, je ne crois pas que l’administration ait l’intention de sur-transposer en ce qui concerne le mode de rémunération. L’encadrement comprend en effet deux éléments : le seuil à partir duquel le modèle « marché plus complément de rémunération » est obligatoire et celui à partir duquel l’appel d’offres est obligatoire. À ma connaissance, il n’est pas prévu, pour le moment, que le complément de rémunération soit appliqué automatiquement à partir de seuils plus bas que ceux prévus par la Commission européenne.

M. Denis Baupin, rapporteur. N’est-ce pas le cas des décrets relatifs au photovoltaïque ?

M. Damien Mathon. Prenons le cas du photovoltaïque, puisque la question des seuils ne se pose pas véritablement pour les autres filières : l’éolien bénéficie d’une dérogation et, en ce qui concerne la méthanisation, il existe un débat sur la fixation d’un seuil de déclenchement à 300 kilowatts ou 500 kilowatts. Pour le photovoltaïque, donc, trois seuils ont été fixés : pour les installations de moins de 100 kilowatts, le système de soutien est fondé sur une obligation d’achat « guichet », donc tarifaire ; pour les installations comprises entre 100 et 250 kilowatts, il s’agit d’un système d’appel d’offres qui distribue de l’obligation d’achat et, au-delà de 250 kilowatts, d’un système d’appel d’offres qui distribuera désormais du complément de rémunération. On pourrait – et nous y serions favorables – relever le seuil de 250 kilowatts à 500 kilowatts, de façon à ce que la distribution d’obligations d’achat par la voie de l’appel d’offres dit « simplifié » concerne les installations produisant entre 100 et 500 kilowatts. De fait, peu de projets compris entre 250 et 500 kilowatts seront déposés : l’appel d’offres correspondant concerne clairement des centrales au sol ou de très grandes toitures. Nous pourrions ainsi avoir trois seuils : au-dessous de 100 kilowatts, entre 100 et 500 kilowatts, et au-delà de 500 kilowatts pour le complément de rémunération.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Je ne comprends pas très bien pourquoi vous êtes favorables à un relèvement du seuil de l’appel d’offres simplifié si, comme vous le dites, peu de projets compris entre 250 et 500 kilowatts seront déposés.

M. Damien Mathon. Les candidats ne seront pas très enclins à présenter un projet de 270 kilowatts, par exemple, qui relève d’un appel d’offres à complément de rémunération, alors qu’ils peuvent en présenter deux de 250 kilowatts pour lesquels ils bénéficieront de l’obligation d’achat. Relever le seuil de l’appel d’offres simplifié à 500 kilowatts susciterait donc davantage de projets éligibles.

M. Jean-Louis Bal. J’ajoute que porter le seuil de l’appel d’offres simplifié à 500 kilowatts favoriserait des installations sur bâtiment.

En ce qui concerne l’autoconsommation et l’autoproduction, il est vrai que nous n’avons guère avancé depuis la création, en 2014, d’un groupe de travail par la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC). Ce sujet soulève de nombreuses questions. L’autoconsommation est en train de se développer de manière spontanée, et il conviendrait de l’encadrer sans pour autant la brider. Aussi avions-nous suggéré, dans le cadre du groupe de travail – et cette suggestion avait été reprise par la DGEC dans ses conclusions –, de lancer un appel d’offres afin de faire émerger des projets de démonstration qui permettraient d’évaluer les conséquences au plan juridique et en termes de coût ou d’économie de réseau. Mais, à ma connaissance, l’administration a manqué de temps pour préparer un tel appel d’offres. J’ajoute que, depuis la publication de ce rapport, outre le coût du module photovoltaïque, celui du stockage de l’électricité a beaucoup évolué, si bien que la conception de l’autoconsommation pourrait être complètement révisée. Ainsi, sur certains bâtiments tertiaires, le réseau servirait uniquement de secours à une installation relativement autonome, ce qui soulèverait le problème de la diminution de la rémunération des gestionnaires de réseaux. Cette question mérite donc d’être étudiée de près. La compétitivité croissante du stockage de l’énergie aura également des conséquences sur la conception de l’autoconsommation dans le secteur résidentiel, même si le type de consommation – plus importante le matin et le soir – y est moins en phase avec l’ensoleillement. Du reste, on voit émerger, chez beaucoup de consommateurs, la volonté d’être, sinon autonomes, en tout cas moins dépendants du réseau électrique. Encore une fois, il nous paraît nécessaire de réaliser une expérimentation.

S’agissant de la mobilité, la part des énergies renouvelables dans les transports est actuellement de l’ordre de 8 %, dont 7 % de biocarburants et 1 % d’énergie hydroélectrique provenant de centrales alimentant directement le réseau de la SNCF. La diversification existe donc déjà et elle pourrait se développer davantage encore, mais il faudrait éviter que l’électricité renouvelable soit comptée à la fois dans les transports et dans la production d’électricité. Dans ce domaine, les progrès sont à attendre de ce que l’on appelle les biocarburants avancés, dont nous souhaitons une définition claire. Par ailleurs, il conviendrait que les lourds investissements, de l’ordre de 2 milliards d’euros, qui ont été réalisés dans les biocarburants de première génération ne soient pas remis en cause par la PPE à venir. Enfin, on pourrait assister, dans des proportions que j’ignore, au développement, à court terme, de l’utilisation du biométhane comme biocarburant. Cette possibilité a été évoquée dans les premiers projets de PPE que nous avons pu consulter, mais elle n’est pas chiffrée. Il faut reconnaître que nous avons peu d’expérience en la matière et qu’il est donc difficile d’avancer un chiffre.

En ce qui concerne le financement participatif, nous nous étions félicités qu’il soit facilité par la loi, tout en nous disant défavorables à ce qu’il devienne obligatoire, car cela aurait encore alourdi les différentes procédures. Nous ne sommes pas opposés à l’introduction de ce financement dans les appels d’offres, mais il faudra en examiner les modalités pratiques dans les cahiers des charges car il n’est pas certain qu’à ce stade, le postulant soit en mesure de garantir que le financement sera participatif. En tout état de cause, nous sommes globalement favorables à ce mode de financement, qui ne peut que favoriser l’adhésion des populations et des collectivités au développement des énergies renouvelables.

J’en viens à l’outre-mer. Jusqu’à présent, les blocages sont principalement dus au fait que l’État a imposé, par arrêté, une limitation à 30 % de pénétration en puissance instantanée de l’éolien et du solaire photovoltaïque. Ce pourcentage est, du reste, parfaitement empirique : aucune étude ne le détermine avec précision, car il varie d’un système électrique à un autre, en fonction de la flexibilité des moyens complémentaires. Un relèvement de ce pourcentage département par département est actuellement à l’étude. Toutefois, ce qui permettra un développement beaucoup plus dynamique du renouvelable outre-mer c’est le coût, inférieur au coût de production moyen d’EDF, de l’électricité photovoltaïque et éolienne couplée à un stockage en batterie. Pourrait d’ailleurs s’y ajouter une démarche du type réseaux intelligents et gestion de la demande, qui permettrait de développer un savoir-faire exportable dans beaucoup d’autres îles dans le monde et en métropole.

Quant à la PPE de Guyane, je n’en connais pas les détails, mais il semblerait que ce soit l’une des plus conformes à la loi, dont je rappelle qu’elle fixe un objectif extrêmement ambitieux puisqu’elle prévoit l’autonomie énergétique en 2030. En effet, en Guyane, la situation est relativement favorable, puisque la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité y est de 56 %, grâce à deux barrages hydroélectriques, notamment celui de Petit-Saut. En outre, cette situation est particulièrement propice au développement des énergies renouvelables car l’hydroélectrique est un complément parfaitement approprié aux énergies renouvelables variables, en l’espèce au photovoltaïque, comme me l’a confirmé le directeur d’EDF en Guyane.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Puisque l’on a évoqué la PPE, je souhaiterais savoir comment vous envisagez l’évolution de la consommation d’électricité à l’horizon 2030. Par ailleurs, quelles sont les conséquences sur le secteur des énergies renouvelables de la diminution du prix de l’électricité sur le marché de gros, qui s’établit à 28 euros le mégawattheure ? Ma dernière question a trait à l’amendement au projet de loi relatif à la liberté de la création. Pouvez-vous nous dire quels sont les projets d’éoliennes qui sont actuellement soumis à l’avis de la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) ? L’avis de la commission régionale du patrimoine que le projet de loi tend à créer ne ferait que ralentir la procédure, et je me demande si les auteurs de cet amendement sont bien informés des procédures actuelles, qui sont déjà relativement lourdes.

M. Jean-Louis Bal. Sur le dernier point, vous avez répondu à ma place, Monsieur le président.

Quant à l’évolution de la consommation d’électricité, je tiens à préciser que c’est une question qui échappe à mon domaine de compétence. Toutefois, tout lecteur des rapports de RTE peut se faire une opinion à ce sujet. Dans le secteur résidentiel, la consommation augmente légèrement, en raison de l’apparition de nouveaux usages liés notamment à la multiplication des équipements informatiques, même si l’augmentation due au chauffage électrique diminue depuis l’entrée en vigueur de la RT2012, le chauffage électrique à effet Joule ayant été remplacé par un chauffage avec pompe à chaleur. En revanche, dans les secteurs tertiaire et industriel, on a observé, au cours des dernières années, une diminution de la consommation due, non pas tant à l’augmentation de l’efficacité énergétique qu’à la baisse de l’activité économique. J’ajoute que l’évolution du prix des combustibles fossiles pourrait provoquer des transferts d’usage des chauffages au fioul ou au gaz vers des chauffages par pompe à chaleur. De même, la consommation d’électricité pourrait augmenter en fonction de la part que prendra cette énergie dans les transports, qu’ils soient individuels ou collectifs. Pour ces différentes raisons, je crois que, même dans un contexte de diminution globale de la consommation d’énergie, nous allons assister à une légère augmentation de la consommation d’électricité.

En ce qui concerne le marché de gros de l’électricité, il est vrai que le prix du mégawattheure descend, certains jours, en deçà de 30 euros. Or, à ce prix-là, aucun investissement, dans quelque technologie que ce soit, n’est réalisable. Cette situation ne pourra donc pas perdurer – on assiste, du reste, au déclassement ou à la mise sous cocon de nombreux moyens de production conventionnels, particulièrement de ceux qui concernent les énergies fossiles. Toutefois, je suis bien incapable de vous dire quand les prix remonteront. Pour le moment, cette situation n’a pas d’impact direct sur notre activité car, tant qu’existent des mécanismes de soutien, nous ne sommes pas soumis directement, ou alors de façon marginale avec l’introduction du complément de rémunération, aux variations du marché de gros.

Enfin, je souligne que tous les projets éoliens sont soumis à la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites. J’ajoute que, même dans l’hypothèse où l’on soumettrait, comme cela est proposé dans un sous-amendement, les projets éoliens à la nouvelle commission régionale pour un avis simple, on ralentirait la procédure. De plus, ce serait considérer que le travail de la CDNPS n’est pas satisfaisant. L’adoption de cette disposition ne contribuerait donc pas à la simplification des procédures, qui est un des éléments essentiels de la loi, ainsi que l’a rappelé récemment M. Placé.

M. Denis Baupin, rapporteur. Avez-vous des contacts avec le ministère de la défense pour débloquer la situation sur un certain nombre de sites où des éoliennes pourraient cohabiter avec des radars de la défense ? Comment faire progresser ce dossier ?

M. Damien Mathon. Le pré-projet de décret d’application de la loi de transition énergétique régissant les règles de la cohabitation des éoliennes et des radars militaires est, selon nous, inacceptable, puisqu’il allonge les distances d’implantation des éoliennes et durcit les critères dans le cadre des distances autorisées. Un tel décret, s’il était publié, aurait un impact majeur sur le développement de la filière. Il ne s’agit pas de contester l’utilité des dispositifs de défense, mais nous souhaiterions que l’on prenne le temps de mener une réflexion approfondie sur le sujet, en tirant les enseignements des expériences qui sont menées avec des outils en développement afin de mesurer l’impact réel des éoliennes sur les signaux radars. Quoi qu’il en soit, en l’état actuel des choses, nous souhaiterions que le Gouvernement sursoie à la publication de ce décret car, tel qu’il est rédigé, il constituerait une nouvelle barrière qui entraverait le développement de l’éolien en France.

M. Denis Baupin, rapporteur. Tel n’est pas l’esprit de la loi, dont l’objectif n’est pas la régression énergétique, mais la transition énergétique. Il nous faudra donc examiner cette question.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Ma dernière question portera sur l’éolien offshore auquel ont été attribués 3 000 mégawatts. Quel est le premier parc qui sera réalisé ?

M. Jean-Louis Bal. Il est difficile de vous indiquer un calendrier de réalisation, dans la mesure où les autorisations concernant les trois parcs qui ont été attribués au consortium EDF Énergies nouvelles et associés n’ont pas encore été délivrées, et nous avons toutes les raisons de croire que, lorsqu’elles le seront, elles feront l’objet de recours. La guérilla juridique que nous connaissons sur terre risque d’être transposée sur mer… Dès lors, ces projets, qui devraient être réalisés pour 2018, le seront plutôt en 2020. Les trois premiers devraient être ceux de Courseulles-sur-Mer, Fécamp et Saint-Nazaire. Nous attendons le lancement d’un troisième appel d’offres, car les usines qui ont été ou qui vont être construites ont besoin d’une opportunité de débouchés.

J’ajoute que ces trois premiers projets ont passé le stade de l’enquête publique et qu’ils ont tous recueilli un avis positif. L’acceptabilité totale est, me semble-t-il, inimaginable, mais cette acceptabilité peut être largement majoritaire.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Mission d'information commune sur l'application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Réunion du mercredi 16 mars 2016 à 14 heures

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Marc Goua, M. Alain Leboeuf, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, Mme Béatrice Santais