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Commission des affaires sociales

Mardi 18 novembre 2014

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 18

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Examen pour avis, ouvert à la presse, des articles 15 à 17 du projet de loi relatif à la réforme de l’asile (n° 2182) (M. Jean-Louis Touraine, rapporteur pour avis

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 18 novembre 2014

La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission)

La Commission des affaires sociales examine, pour avis, sur le rapport de M. Jean-Louis Touraine, les articles 15 à 17 du projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile (n° 2182).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Chers collègues, chacun s’accorde à reconnaître que notre dispositif en matière de droit d’asile est à bout de souffle. Il faut donc le rendre à la fois plus efficace et plus équitable : c’est ce à quoi tend ce projet de loi.

Notre commission se cantonnera aux articles relevant de sa compétence, les articles 15 à 17, qui concernent les conditions matérielles d’accueil des demandeurs : accès à un hébergement, droit à une allocation et besoins sanitaires en particulier.

La commission des lois, saisie au fond, examinera ce texte mardi 25 novembre. Le débat en séance publique se tiendra du 9 au 11 décembre.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Madame la présidente, chers collègues, ce projet de loi est effectivement essentiel : il faut sauver le droit d’asile, dont tous les acteurs sont aujourd’hui à bout. L’Europe menace de sanctionner la France si nous n’apportons pas de réponses plus efficaces et plus rapides aux demandeurs d’asile.

Cet épuisement est le résultat d’un phénomène constaté dans tous les pays européens, mais que nous n’avons pas su traiter de façon adéquate au cours de la dernière décennie : la très forte augmentation, année après année, de la demande d’asile. Nous avons connu d’autres moments de forte hausse, mais cela ne durait souvent que peu. Or, ces dernières années, l’accroissement est continu : la demande de protection internationale s’est ainsi accrue de 85 % entre 2007 et 2013.

Notre système est à bout de souffle : les délais de réponse sont très excessifs – jusqu’à deux ans ! Or le statut de réfugié politique n’est accordé que dans 20 % des cas. Ces seuls chiffres posent problème : cette procédure n’est-elle pas dévoyée par certains demandeurs ?

Les coûts sont également très excessifs : les places d’hébergement sont complètement saturées, ce qui a conduit à multiplier les dispositifs d’urgence – comme les nuitées d’hôtel – tous plus coûteux les uns que les autres.

Les suites données aux dossiers sont insatisfaisantes : les réfugiés ont attendu deux ans pendant lesquels ils n’avaient pas accès à l’emploi, mais même une fois le statut de réfugié obtenu, l’organisation n’est pas bonne ; l’hébergement et l’accès à l’emploi demeurent des questions difficiles. Leur renaissance, dans un pays où ils sont enfin protégés, ne se fait donc pas dans les conditions que l’on pourrait souhaiter.

Quant à ceux qui sont déboutés, ils multiplient les recours et invoquent souvent des questions sanitaires ; et, au bout de quatre ans, on réalise qu’il est difficile de les raccompagner dans leur pays d’origine car ils se sont peu à peu implantés en France. Ce sont des problèmes sans issue : ils restent définitivement sans papiers, dans des hébergements de fortune et sans accès à un travail légal. Rien de cela n’est satisfaisant.

La France s’enorgueillit à juste titre d’avoir été – depuis la Révolution – l’un des premiers pays à porter haut cette tradition, cette valeur humaniste de l’accueil des personnes menacées. Ce principe est repris dans le préambule de la Constitution de 1946, qui dispose que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Il est renforcé par nos engagements internationaux, notamment la Convention de Genève du 28 juillet 1951, comme par nos engagements européens : le « paquet asile » de directives adoptées le 26 juin 2013 en représente la dernière traduction juridique.

Pour des raisons de justice et d’efficacité, pour protéger efficacement ceux qui cherchent légitimement asile dans notre pays, ce qui implique de mieux distinguer asile, immigration économique, aide sanitaire – questions différentes qui ne peuvent pas être traitées par le même dispositif –, nous avons le devoir de réformer notre dispositif d’asile. Nous devrions ainsi mettre, progressivement, un terme aux dérives graves que nous connaissons aujourd’hui.

Nous connaissons aujourd’hui un afflux massif de personnes qui souhaitent immigrer dans notre pays pour des raisons économiques, et qui espèrent – à tort ou à raison – que le dispositif du droit d’asile leur offrira des conditions plus enviables que celles réservées aux simples immigrants économiques. De même, certaines personnes malades passent par le droit d’asile au lieu de s’intégrer au dispositif des « étrangers malades » qui, au regard de l’urgence, de la pathologie, des possibilités de soins dans le pays d’origine, autorise l’accueil d’une personne malade.

Le dispositif de l’asile se trouve ainsi encombré, ce qui est préjudiciable aux personnes menacées dans leur pays, et donc authentiques demandeurs de la protection.

Les chiffres montrent d’ailleurs que la France reçoit des ressortissants de pays divers, mais pas principalement des pays où les menaces sont les plus grandes : nous recevons un nombre légèrement croissant, mais toujours faible, de Syriens et d’Afghans ; en revanche, nous recevons un nombre très considérable de personnes venues d’Europe de l’Est, de Russie, de Chine… Les menaces que font peser sur leurs citoyens les régimes politiques en place dans ces différents pays ne sont pas du tout les mêmes. Certains demandeurs d’asile sont donc plutôt victimes d’une mauvaise orientation. Il est légitime que leur dossier soit étudié sereinement et complètement ; mais cela ne doit pas se faire au détriment des personnes qui ont vocation à devenir réfugiées politiques. Or cet afflux de demandes de toutes natures empêche notre procédure actuelle de distinguer les authentiques demandeurs d’asile.

Le délai pour aboutir à une décision est, je l’ai dit, très long : deux ans, quelquefois plus même en cas de recours supplémentaire. Une telle situation est mauvaise pour tous, ceux qui sont acceptés comme ceux qui sont déboutés – s’il faut éloigner une personne de notre territoire, il vaut mieux que cela soit fait avant qu’elle ne soit insérée. Une décision rapide est donc préférable à tous égards.

De plus, de tels délais impliquent que les gens demeurent dans nos dispositifs d’hébergement pour des périodes très longues. Si nous parvenons à tenir un délai de réponse de neuf mois, alors les places en CADA (centre d’accueil de demandeurs d’asile) pourront accueillir plus de deux fois plus de personnes, puisque la rotation sera grandement accélérée.

Il faut aussi noter que les demandeurs d’asile se concentrent pour l’essentiel dans un très petit nombre de régions. La moitié d’entre eux sont en Île-de-France et en région Rhône-Alpes : c’est plus que ces deux régions ne peuvent accueillir ; tous les dispositifs sont saturés, et les agents ne savent plus où donner de la tête. Cela diminue les chances des demandeurs d’asile, dont le dossier ne peut pas être examiné avec la sérénité souhaitable. L’un des objectifs du projet de loi est donc une meilleure répartition des demandeurs d’asile sur le territoire. Cela implique d’être quelque peu directif : il n’est pas acceptable que, s’il existe des places dans un centre d’hébergement dans une région, les demandeurs d’asile ne soient pas orientés vers ces places-là. Il est souhaitable que la grande majorité des demandeurs soient accueillis dans les centres d’hébergement dédiés : ceux-ci proposent en effet aussi une aide sanitaire, sociale, administrative, avec notamment des interprètes. Les agents aident les demandeurs à constituer leur dossier et les préparent pour leur audition devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Il n’est bien sûr pas question d’interdire à qui que ce soit d’habiter hors de ces centres, par exemple lorsque quelqu’un a de la famille en France : mais il est alors naturel que l’accès aux moyens d’accompagnement ne soit pas aussi complet. Il n’est pas possible d’organiser dans toutes les villes de notre pays l’équivalent de ce qui peut être efficacement concentré dans des centres spécialisés.

Ces objectifs sont, vous le voyez, multiples : rendre la procédure plus équitable et plus efficace, faire mieux valoir les droits des demandeurs d’asile, mieux répartir les demandeurs d’asile sur le territoire…

Nous examinons ici les articles 15 à 17 du projet de loi, qui portent principalement sur les conditions d’hébergement, sur les conditions d’attribution de l’allocation et sur la vulnérabilité des personnes qui demandent l’asile.

Changer les conditions d’hébergement, c’est d’abord favoriser les CADA et accroître progressivement le nombre de places qu’ils proposent, jusqu’à ce qu’il soit suffisant ; c’est aussi réduire la durée de séjour dans les CADA – par des décisions plus rapides, mais aussi en rendant effective la libération de la place dès la décision rendue. Il n’est pas normal que des déboutés du droit d’asile continuent d’occuper une place dans un CADA : cette occupation indue prive un demandeur d’asile de l’aide et de l’accompagnement dont il a besoin. Attention, je n’ai pas dit qu’il ne fallait pas aider les déboutés à trouver un autre hébergement, au contraire ! Mais il faut éviter les solutions développées dans l’urgence, inefficaces, mal maîtrisées, et dont le coût est exorbitant.

Un lieu d’hébergement sera, je l’ai dit, proposé de façon quelque peu directive, ce qui ne me semble pas choquant : les endroits vers lesquels seront dirigés les demandeurs sont ceux qui leur permettront d’avoir les plus grandes chances d’obtenir une réponse positive, s’ils la méritent, puis de s’insérer au mieux dans notre société. Nous agissons là dans l’intérêt des demandeurs d’asile eux-mêmes. La plupart des pays européens adoptent cette attitude : en Allemagne, par exemple, ils sont assignés à résidence dans un Land, qu’ils n’ont pas le droit de quitter pendant le temps de l’examen de leur dossier. Nous ne proposons rien de tel : les demandeurs d’asile restent libres de leurs mouvements, même s’ils doivent pouvoir en permanence être convoqués à partir de leur centre d’attache, pour éviter toute perte de temps.

Se pose également la question de la vulnérabilité, devenue plus aiguë avec le temps. Les conditions de son examen vont enfin être formalisées, comme nous y incitent les directives européennes. Les demandeurs d’asile étaient autrefois le plus souvent des hommes seuls, qui venaient de pays en guerre ; aujourd’hui, de plus en plus, ce sont des familles avec des enfants, des mineurs isolés ou des femmes seules qui ont subi des violences et savent qu’elles peuvent faire valoir leurs droits dans notre pays. Il faut tenir compte de la vulnérabilité particulière de ces personnes : pour cela, il faut identifier les problèmes et proposer une aide spécifique.

Enfin, le projet de loi instaure une allocation unique, qui prend en considération la charge de la famille : aujourd’hui, une personne seule perçoit la même allocation qu’une personne isolée avec trois enfants. C’est injuste, vous me l’accorderez : les besoins ne sont évidemment pas les mêmes. Cette nouvelle allocation devra permettre que chacun ait des conditions de vie décentes pendant le temps de l’examen du dossier de demande d’asile.

M. Denys Robiliard. Au nom du groupe SRC, je voudrais commencer par rappeler que d’autres pays consentent des efforts bien plus conséquents que les nôtres pour accueillir des personnes protégées par le Haut commissariat aux réfugiés : pensons à certains pays d’Afrique, pensons au Liban ou à la Jordanie qui accueillent des réfugiés, notamment syriens, par centaines de milliers, voire par millions. Au Liban, c’est une situation ancienne : beaucoup de réfugiés palestiniens sont installés depuis plus de cinquante ans.

En Europe, certains pays sont plus exposés que nous, à commencer par l’Italie – inutile de rappeler ici le nom de Lampedusa – ou l’Allemagne.

Il faut également apprécier notre situation dans une perspective historique : dans les années 1980, on a également constaté un afflux de demandeurs d’asile – plus de 50 000 personnes par an parfois. Le gouvernement de Michel Rocard avait résolu les problèmes posés par des mesures techniques temporaires.

Notre dispositif est ancien, puisqu’il est né avec la loi du 25 juillet 1952. Il comprend principalement deux institutions, l’OFPRA et la CNDA, qui sont autonomes et reconnues pour leur indépendance mais aussi pour leur efficacité – même si, aujourd’hui, la nécessité de leur accorder davantage de moyens apparaît évidente.

Je souligne ici qu’une personne qui se voit refuser le statut de réfugié, ou le bénéfice de la protection subsidiaire, n’est pas nécessairement un fraudeur : la personne qui saisit l’OFPRA doit apporter la preuve qu’elle répond aux critères définis pour se voir accorder l’un de ces statuts. Elle peut ne pas réussir à administrer cette preuve sans pour autant avoir fraudé. Certaines situations sont extrêmement délicates, et connaître la vérité n’est pas toujours facile.

La méthode qu’adopte ce projet de loi est intéressante : une concertation a été menée, puisque, avec Mme Valérie Létard, notre rapporteur a été chargé d’une mission par le ministre de l’intérieur ; le Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale a également mené une mission, sous la conduite de Mme Dubié et de M. Richard. Ces rapports constituent des bases utiles pour notre discussion.

Je me félicite enfin – avant que le temps ne me manque – de certaines avancées de ce texte, en particulier dans les articles dont nous sommes saisis. Il est important de se fixer l’objectif que tous les demandeurs – contre un tiers seulement aujourd’hui – bénéficient de notre dispositif national d’accueil, même ceux qui relèvent la procédure « Dublin ». La familialisation de l’allocation constitue également un véritable progrès.

M. Bernard Perrut. Au nom du groupe UMP, je veux d’abord dire combien nous sommes tous attachés au droit d’asile : accueillir les personnes qui courent de graves périls dans leur pays d’origine est l’honneur de la République. Toutefois, notre organisation actuelle est déficiente, comme l’a très bien montré notre rapporteur : notre dispositif ne permet plus de distinguer les demandeurs d’asile authentiques dans un amoncellement de demandes qui dévoient nos règles. Les demandes d’asile ont très fortement augmenté depuis 2007, et l’inadaptation de notre système engendre même des inégalités entre les demandeurs ; les procédures sont lentes et les conditions d’hébergement mauvaises. Aujourd’hui, 30 000 dossiers sont en attente à l’OFPRA : ce n’est pas rien. Le constat est dur.

Une réforme est donc souhaitable, et nous ne pouvons que nous réjouir de la volonté du Gouvernement de rendre notre procédure plus humaine, plus efficace et plus équitable, ainsi que de se pencher sur la question des coûts.

Certaines mesures proposées vont dans le bon sens. C’est le cas de l’instauration d’une allocation unique, par la fusion de l’allocation mensuelle de subsistance (AMS) et de l’allocation temporaire d’attente (ATA). La nouvelle allocation, familialisée, devrait être plus équitable. C’est également le cas avec la mise en place d’un hébergement directif, qui devrait permettre de rééquilibrer la densité des demandeurs d’asile sur le territoire, puisque, aujourd’hui, ils sont surtout concentrés en Île-de-France, sur la frontière orientale et en région Rhône-Alpes. Cela pose des problèmes de coût, notamment à cause des nombreux appels au 115.

On peut toutefois s’interroger sur certains aspects. Ainsi, le barème de l’allocation unique sera défini par décret : le groupe UMP aimerait donc connaître le contenu de ce texte avant de se prononcer. Il y aura un gestionnaire unique, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), ce qui apportera de la clarté et allégera la charge de ceux qui versent aujourd’hui les différentes allocations. Mais qui nous dit que cette nouvelle gestion permettra une rationalisation de la dépense ? C’est un véritable sujet : disposez-vous d’évaluations chiffrées ?

Le caractère familial de l’allocation, si justifié soit-il, risque de faire exploser la dépense : n’est-ce pas encourager l’arrivée de familles entières ? C’est une question que je pose bien sûr avec la plus grande prudence.

Le dispositif d’hébergement directif part d’une bonne intention, mais peut-il suffire ? Sera-t-il efficace ? Prenons l’exemple de Calais : des crédits supplémentaires ont été dégagés la semaine dernière encore par le Gouvernement pour loger 500 demandeurs d’asile supplémentaires à Calais. Or ces demandeurs souhaitent, nous le savons bien, gagner l’Angleterre : l’hébergement directif a-t-il un sens dans cette situation ? C’est là encore une question que nous nous devons de poser.

Comment gérer le problème des déboutés qui restent en CADA ? Près de 40 000 déboutés du droit d’asile demeurent chaque année sur notre territoire. Certains articles de presse évoquent la création de lieux d’aide et de préparation au retour pour ces déboutés : qu’en est-il ? Ces lieux seront-ils financés ?

Vous évoquez les graves inconvénients actuels de nos hébergements, et notamment leur trop faible nombre. Mais avec quels moyens allez-vous créer des places nouvelles ?

Enfin, sur la vulnérabilité, je vous approuve : c’est effectivement crucial. Un accompagnement est nécessaire.

M. Arnaud Richard. Au nom du groupe UDI, je veux d’abord dire qu’honorer notre tradition d’asile, c’est être fidèle aux valeurs qui fondent notre République et qui continuent à la faire vivre. Mais nous avons tous conscience des carences manifestes de notre système d’asile. Ces insuffisances rendent notre dispositif inefficace, inégalitaire et incapable d’absorber les demandes d’accueil justifiées, à la suite de guerres civiles ou de crises régionales. Elles incitent également au détournement de la procédure d’asile à des fins de migration économique, au détriment des personnes qui en ont réellement besoin. En définitive, notre capacité à accueillir dignement et efficacement les plus fragiles s’en trouve fragilisée.

Ce constat est connu et partagé ; l’asile a fait l’objet d’un rapport de Mme Létard et de M. Touraine. Jeanine Dubié et moi-même avons également, dans le cadre du CEC, rendu un rapport sur ce même sujet, avec notamment la participation de Denys Robiliard.

Nous examinons cet après-midi les articles 15 à 17 de ce projet de loi. J’ai en particulier déposé, avec Mme Dubié, un amendement sur l’article 15 ; reprenant l’une des propositions de notre rapport, il tend à créer un système d’information et de suivi de la situation des demandeurs d’asile, qui rassemblerait l’ensemble des informations utiles et serait ouvert à tous les acteurs intervenant dans la procédure.

L’article 15 prévoit un examen par l’OFII de la vulnérabilité du demandeur d’asile, celle-ci pouvant avoir une incidence sur le choix d’un futur hébergement. Ces dispositions sont très floues : le Gouvernement pourrait-il nous faire connaître les modalités de cet examen et les moyens de détection de cette vulnérabilité ?

Les travaux parlementaires sur le sujet de l’asile ont été de grande qualité. Ce projet de loi est largement attendu, et j’espère qu’il nous permettra de sortir par le haut des difficultés que connaît aujourd’hui notre système d’asile.

Mme Véronique Massonneau. La France se doit de se conformer aux nouvelles obligations européennes en matière d’asile. La situation actuelle est insatisfaisante, et les demandeurs d’asile en sont les premières victimes : les demandes sont beaucoup trop concentrées sur trois grandes régions et les délais sont trop longs, voire insupportables.

Ce texte semble afficher des objectifs consensuels, à commencer par la réduction des délais. Il ne faudrait pas que nous nous contentions de gérer des flux. La France est signataire de la Convention de Genève, et l’asile est un droit consacré par la Constitution.

La seule modalité d’hébergement sera le CADA, y compris pour les personnes placées sous la procédure dite « Dublin ». La prise en charge des demandeurs d’asile en CADA relève aujourd’hui de l’aide sociale : les demandeurs d’asile en situation de précarité ont le droit de bénéficier d’un hébergement et d’un accompagnement au sein d’un établissement spécialisé. C’est pour l’État une dépense obligatoire : les crédits prévus dans les budgets doivent être suffisants pour couvrir les besoins.

En supprimant la référence à l’aide sociale, l’article 16 remet en question cet état de fait : les CADA devront par conséquent assurer les missions définies par la loi tout en relevant d’une dépense facultative de l’État. L’entrée de la personne dans le centre d’hébergement doit faire l’objet d’une double décision : celle de l’État qui se prononce sur l’admission à l’aide sociale, et celle du directeur de la structure.

Il est indispensable que les lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile proposent des prestations d’hébergement et d’accompagnement socio-juridique, et qu’un lien solide soit établi avec les partenaires institutionnels ou associatifs du lieu d’implantation afin d’assurer un accès effectif aux soins, à la scolarité pour les enfants ou encore à des activités adaptées aux personnes vulnérables.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit dix cas de procédures accélérées. Cela pourrait conduire à une augmentation significative du nombre de ces procédures, et dès lors à une dégradation importante de la qualité de la détermination du besoin de protection. Dans la plupart des cas, ce n’est pas l’OFPRA qui décide du mode de procédure, mais l’autorité préfectorale. Il faut donc limiter les cas de procédures accélérées aux fraudes sur l’identité, aux demandes manifestement infondées et aux personnes qui font l’objet d’une procédure en rétention.

Le mécanisme des ordonnances – qui permet au président et aux présidents de section de la CNDA de régler rapidement les affaires dont la nature ne justifie pas l’intervention d’une formation collégiale – doit être supprimé, car il fera double emploi avec la procédure accélérée.

Le recours suspensif examiné en formation collégiale constituant une garantie prévue à l’article 46 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013, il doit être étendu aux décisions d’irrecevabilité. Toutes les catégories de demandeurs d’asile, y compris ceux dont la demande est examinée de façon accélérée, doivent bénéficier d’un examen en formation collégiale.

Il nous faudra également traiter du droit à la formation et au travail.

J’espère que le débat sera à la hauteur des enjeux. La France a été une terre d’asile, et elle doit le rester.

Mme Dominique Orliac. Le groupe RRDP considère ce projet de loi comme important. Je regrette toutefois le débat idéologique qui s’est parfois engagé au sujet, par exemple, de l’aide médicale d’État. L’AME, nous avons encore pu le constater lors de la discussion du budget pour 2015, est parfois brandie comme une sorte de cocktail explosif ; ce n’est pas ainsi que nous réglerons les conditions de l’asile de façon digne et humaine. Loin de moi l’idée de faire de l’angélisme ou de fermer les yeux sur la réalité, mais je doute qu’il y ait tant d’abus qu’on l’entend dire parfois ! Le personnel hospitalier étudie scrupuleusement tous les dossiers et contrôle que les conditions requises pour bénéficier de l’AME sont réunies.

Nous sommes fiers de notre longue tradition d’accueil, et il nous faut assumer notre rôle. Nous ne sommes ni un pays vache à lait, ni un pays fermé à ceux qui nous demandent l’asile. Il ne faut jamais oublier que derrière chaque dossier de demande d’asile se cache un drame personnel, des difficultés immenses qui nous paraîtrait, à nous, insurmontables. Quitter son pays en espérant trouver ailleurs une vie meilleure : voilà qui est bien difficile à imaginer pour nous toutes et tous, qui sommes privilégiés de vivre dans le confort que la France nous procure.

Le groupe RRDP se prononcera sur ce texte à l’issue des débats parlementaires. Il présente d’ores et déjà de nombreuses avancées.

L’article 15 prévoit un accès à l’hébergement et à une allocation, ainsi que l’accès à la santé et à l’éducation. Nous, radicaux, sommes des humanistes et cet article nous paraît donc pertinent. L’article 16 nous semble également aller dans la bonne direction. Enfin, l’article 17 est un article de coordination, qui n’appelle aucune remarque particulière.

Mme Chaynesse Khirouni. C’est l’honneur et la grandeur de la France que d’accueillir ceux qui, persécutés dans leurs pays, cherchent un refuge pour bâtir une nouvelle vie. L’accueil des demandeurs d’asile est conforme à notre histoire ; c’est l’une des valeurs essentielles de notre République. Ce n’est, comme l’a rappelé M. le ministre de l’intérieur, ni une « action de générosité » ni « une forme de mauvaise conscience ».

Depuis dix ans, en raison des différents conflits à travers le monde, en raison des persécutions, nous assistons à une augmentation soutenue du nombre de demandeurs d’asile. Or force est de constater que la France ne peut plus proposer des conditions d’accueil dignes.

Nous regrettons que la droite n’ait pas pris la mesure de ce problème, notamment en créant des places d’hébergement en CADA et en assurant un accompagnement des demandeurs ou en réduisant les délais de traitement des demandes.

Aujourd’hui, le système est saturé et les difficultés se concentrent sur certains territoires. Les droits fondamentaux des demandeurs d’asile ne sont plus garantis. Cette situation renforce la stigmatisation des réfugiés et de leurs familles.

Parce que souvent les femmes et les enfants sont les premières victimes, il était plus que temps de proposer une réforme globale du droit d’asile. Ce projet de loi a donné lieu à une large concertation. De très nombreuses associations de terrain, en contact quotidien avec les demandeurs d’asile, se sont impliquées et attendent des débats parlementaires un certain nombre d’améliorations. Il me semble pour ma part important d’examiner toutes les situations avec rigueur, mais aussi avec bienveillance et empathie. Les possibilités de placement en procédure accélérée doivent à mon sens être limitées. De même, la procédure de clôture me paraît porter une atteinte trop importante au principe du droit d’asile. Nous devons accroître la création de places d’hébergement. Enfin, je souhaite que nous puissions avoir un débat apaisé sur l’accès au marché du travail par les demandeurs d’asile.

M. Dominique Dord. Nous partageons tous l’idée qu’accorder l’asile est l’une des valeurs fondamentales de la République.

Il me semble néanmoins qu’il y a dans nos débats un absent de marque : aucune référence n’a été faite aux pratiques des autres pays européens, notamment sur les sujets dont nous sommes saisis, à savoir la question de l’hébergement et celle de l’allocation.

Or nos concitoyens nous reprochent ces politiques françaises déconnectées de celles de nos voisins, alors que l’afflux massif de demandeurs d’asile concerne tous les pays. On peut regretter, d’ailleurs, l’absence de toute réponse européenne commune.

Pourriez-vous, monsieur le rapporteur, éclairer le débat en nous donnant des éléments de comparaison ? Comment procèdent nos voisins européens ?

Mme Hélène Geoffroy. Merci de la qualité de votre travail, monsieur le rapporteur.

Nous ne pouvons que nous féliciter des objectifs de cette réforme : transposer les directives européennes et accélérer les procédures d’examen des demandes d’asile, afin de fluidifier le dispositif d’hébergement. Accueillir les personnes en difficulté de manière aussi digne que possible est l’honneur de notre pays. Nous faisons face, dans nos villes, à des demandes d’intervention extrêmement nombreuses, notamment lorsque des familles ont des enfants scolarisés. Souvent, ce sont des drames qui se déroulent.

Comment envisagez-vous d’impliquer les associations dans ce dispositif de premier accueil ? La mise en place d’un schéma national, décliné régionalement, et qui inclurait l’ensemble des lieux d’hébergement, me paraît une très bonne idée. Le critère de la disponibilité des places dans l’orientation vers un lieu d’accueil peut-il s’articuler avec l’établissement d’un mécanisme de détection des besoins des demandeurs, afin que leur situation sanitaire et familiale soit prise en considération ?

Comment peut-on permettre au demandeur d’asile de bénéficier d’un accompagnement socio-juridique, en plus de la mise à l’abri ?

Dans votre projet de rapport, vous évoquez la question des déboutés du droit d’asile et une expérimentation qui pourrait permettre de les héberger temporairement. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

M. Élie Aboud. La droite aborde ce problème de façon très apaisée : vous n’avez entendu ici aucune intervention dogmatique. L’article 15 contient même, je veux le dire, des avancées intéressantes. Nous ignorons toutefois la façon dont ce projet de loi sera appliqué. Or ce qui pose problème aujourd’hui, c’est la distinction entre les vrais demandeurs d’asile, menacés dans leur pays, et ceux qui utilisent la demande d’asile comme circuit pour obtenir un titre de séjour.

Vous dites, monsieur Robiliard, qu’on ne peut pas comparer la France au Liban. Effectivement, dans ce pays que je connais bien, plus de 50 % de la population sont des réfugiés ! Certains en sont aujourd’hui réduits à vendre leurs organes pour survivre. La situation est extraordinairement difficile. Imaginons que la France reçoive trente millions de demandeurs d’asile…

Monsieur le rapporteur, certains demandeurs d’asile n’ont pas besoin, à leur arrivée, de nos prestations sociales ou de nos allocations ; mais cette situation change parfois avec le temps. A-t-on prévu des telles évolutions ?

M. Michel Liebgott. Je veux moi aussi témoigner de mon expérience de député élu d’une zone frontalière : l’afflux de réfugiés, venus des pays de l’Est notamment, est réel. Ils sont accueillis dans des conditions souvent indignes, par exemple dans des hôtels bas de gamme de zones artisanales ou industrielles – ce qui remet ensuite en cause le bon fonctionnement de ces zones – ou dans des centres-villes dont c’est souvent la seule activité le week-end. Cela entraîne des réactions xénophobes ; ce fut en particulier le cas à Hayange, commune qui a été gagnée par le Front national. Nous devons donc nous interroger sérieusement sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile. C’est l’honneur de ce Gouvernement d’avoir, en deux ans, créé déjà 4 000 places supplémentaires. Ce projet de loi contribuera largement, j’espère, à accroître encore nos capacités d’accueil, et permettra de renforcer le suivi social. L’hébergement en hôtel n’est à coup sûr pas la meilleure situation possible.

Il me paraît important de traiter le cas des familles entières, au lieu de n’accueillir que des individus. En Lorraine, terre d’immigration, beaucoup d’hommes sont arrivés seuls, et n’ont pu faire venir leur famille que plusieurs années plus tard. Cela ne me paraît pas souhaitable : des demandeurs d’asile viennent en France chassés de leur pays par le danger, et non pas par plaisir ou par caprice ; il est légitime que les familles soient au complet.

M. le rapporteur. Merci beaucoup, chers collègues, pour votre intérêt et vos interventions constructives.

La France n’est effectivement pas le pays le plus sollicité : d’autres zones du monde font face à des situations beaucoup plus angoissantes. Cela nous oblige plus encore à honorer notre tradition et à nous donner les moyens d’accueillir dignement ceux qui nous demandent l’asile et de leur apporter une réponse dans des délais décents.

Je n’accuse personne de la situation actuelle. Peu à peu s’est installé un affrontement entre ceux qui insistent sur les droits, les procédures, les recours, et ceux qui souhaitent appliquer les règles de façon stricte. Le pilotage politique des uns et des autres a été déficient.

C’est pourquoi nous voulons repartir sur des bases nouvelles, en donnant toute leur chance aux demandeurs d’asile, et même en leur offrant des droits supplémentaires. Mais ces droits s’accompagnent de certains devoirs – se soumettre, par exemple, aux propositions de localisation, se rendre aux convocations, accepter les conséquences des décisions de l’OFPRA, de la CNDA et des éventuelles instances de recours.

Par rapport à d’autres pays européens, nous n’avons pas à rougir ; mais nous pouvons regretter notre manque de rigueur et d’efficacité, et donc finalement les insuffisances de la protection accordée à ceux qui rencontrent les plus grandes difficultés.

La comparaison européenne, que nous avons réalisée au cours de la concertation préalable qui a abouti au rapport que j’ai rédigé avec Valérie Létard, a bien démontré qu’aucun pays européen n’avait trouvé la solution idéale. Nulle part n’a encore été atteint un équilibre parfait entre laxisme et autoritarisme.

Les modalités sont, bon an mal an, assez comparables. Toutefois peu de pays sont obligés d’avoir recours à des solutions de fortune en quantité aussi importante que nous. La plupart du temps, les demandeurs sont principalement accueillis dans des centres où les personnes sont conduites de façon directive, avec parfois une limitation de leurs déplacements, afin qu’ils soient disponibles pour l’administration pendant le temps de la procédure.

Certains pays ont des délais d’examen des dossiers beaucoup plus brefs que nous, et c’est la raison pour laquelle l’Europe recommande un délai de neuf mois, qui peut être tenu, même en préservant tous les recours.

Les allocations sont évidemment variables ; la comparaison n’est pas aisée, car elles recouvrent des choses différentes : selon les pays, elles peuvent ainsi couvrir ou pas l’alimentation et les besoins usuels, prendre en considération ou pas les charges de famille… la France se situe plutôt dans la moyenne : sans être la plus généreuse, elle n’est pas non plus la plus pingre.

Partout, la question des personnes déboutées constitue un vrai problème. Tous les pays européens sont confrontés aux mêmes difficultés : une partie des déboutés demande un retour volontaire ; une autre partie se laisse convaincre et accepte un retour accompagné ; mais un nombre important de gens reste, sans papiers, dans le pays où ils ont effectué leurs démarches. Il faut donc ici faire preuve d’imagination : nous ne disposons d’aucun modèle prêt à appliquer.

La procédure « Dublin » prévoit que la demande d’asile est traitée dans le pays par lequel le demandeur est entré en Europe, même s’il change de pays. Les moyens d’identification actuels le permettent. Certes, elle est imparfaite et demandera à être perfectionnée. Certains pays sont beaucoup plus exposés que d’autres, en raison de leur situation géographique : l’Italie est aujourd’hui submergée, et essaye de ne pas enregistrer les demandes d’asile pour diriger les personnes vers d’autres pays… La France connaît une situation globalement équilibrée entre les demandeurs qui nous reviennent et ceux que nous renvoyons dans d’autres pays. Nous respectons donc nos engagements.

La familialisation de l’allocation fait, je crois, consensus parmi nous. Il faut prendre en considération la demande familiale dans son ensemble, sans laisser de côté les enfants.

L’allocation sera en effet fixée par décret. Certes, cela crée une incertitude ; mais l’évolution dans le temps sera aussi plus facile. Cela me paraît donc la moins mauvaise formule possible. Nous vous tiendrons informés des propositions précises du Gouvernement sur ce futur décret.

L’hébergement directif sera-t-il efficace ? Je l’espère sincèrement. Cette volonté a été partagée par tous lors de la concertation, ce qui m’a surpris : nous avons eu l’accord des collectivités locales, des maires notamment, mais aussi des pouvoirs publics – il reviendra aux préfets de piloter et d’organiser la répartition – et même de la plupart des associations, dont il faut souligner qu’elles sont beaucoup plus impliquées dans notre procédure d’asile qu’elles ne le sont dans d’autres pays. Il est donc essentiel, je le souligne ici, que les associations s’approprient ce projet de réforme. Il sera possible de se soustraire à cet hébergement, mais les demandeurs perdront alors certaines prérogatives.

Certes, certaines zones demeureront sous tension : l’Île-de-France, Calais en sont des exemples. Mais nous devrions néanmoins voir décroître les déséquilibres dans des proportions importantes.

Vous posez la question du budget. Bien sûr, l’augmentation du nombre de place en CADA a un coût, et il faudrait aussi davantage d’agents à l’OFPRA, à l’OFII, voire à la CNDA. Nul n’ignore que nous ne pouvons pas nous montrer dispendieux : nous espérons donc compenser ces dépenses par les économies que permettra le raccourcissement de la procédure – qui est, comme on le voit, vital.

La vulnérabilité, vous avez raison, n’est pas définie par les textes européens, et pas davantage par le projet de loi. Les détails se trouveront donc dans les décrets. La compréhension de la vulnérabilité peut évoluer avec le temps – ainsi, on a davantage conscience aujourd’hui de la gravité extrême des mutilations sexuelles – et le renvoi au décret permettra d’éviter d’avoir à réécrire la loi sous peu, lorsque d’autres vulnérabilités apparaîtront.

Les procédures accélérées ne sont pas examinées dans la précipitation, le travail n’est pas bâclé ; cette formule signifie simplement que les éléments à disposition ne permettent pas d’imaginer qu’il soit nécessaire d’ajouter des pièces au dossier. Certains demandeurs sont acceptés après une procédure accélérée : celle-ci ne constitue donc pas une forme de refus anticipé, mais un moyen de ne pas encombrer nos structures lorsqu’il est possible d’arriver à une décision rapide.

Les CADA débordent, et il est nécessaire, nous en avons tous conscience, d’accroître le nombre de places offertes. En revanche, leur variété ne doit pas être accrue, me semble-t-il. En cherchant à assouplir notre dispositif, nous irions à l’encontre de notre but, qui est avant tout d’être en mesure de donner une réponse rapide à la demande formulée. Si les personnes peuvent être accompagnées là où elles sont logées, et notamment si un interprète est présent, nous y arriverons. Si nous essayons de satisfaire chaque personne de façon laxiste, nous n’y arriverons pas. Cette petite contrainte me paraît très acceptable si elle dure peu : neuf mois ne paraissent pas trop longs – il s’agit tout de même de gens qui veulent entièrement refaire leur vie, dans un nouveau lieu, parce qu’ils sont menacés dans leur propre pays.

Pour fixer l’orientation vers telle ou telle ville, il sera essentiel – le projet de loi l’indique – de prendre en considération l’ensemble des besoins d’une famille. Il y a des besoins familiaux – s’il y a des enfants en bas âge, le CADA doit être proche d’une école. Il y a des besoins sanitaires – proximité d’un hôpital par exemple. Mais il peut aussi exister des difficultés fortes d’insertion, et il ne faut pas multiplier dans un même lieu le nombre de personnes difficiles. Il peut encore exister des conflits ethniques, auxquels il faut prêter attention. Certains doivent être protégés pendant leur séjour en CADA, et certains ne peuvent même pas séjourner en CADA, car il existe des mafias internationales qui en veulent à leur vie. Tous ces impératifs entrent en ligne de compte.

J’en viens à la question de l’évolution dans le temps. Certaines personnes favorisées, qui disposent de moyens financiers et qui avaient une bonne situation dans leur pays, auront des facilités pour s’insérer ; mais, sans travail, sans aide, elles peuvent se trouver rapidement dans des situations de grande précarité. Cela pourra amener à reconsidérer leur hébergement et leur allocation. Mais si nous maintenons le cap des neuf mois, le nombre de cas difficiles devrait diminuer.

Je conclus en vous remerciant à nouveau de ces échanges enrichissants. Nous croyons tous ici au renforcement des droits fondamentaux des demandeurs d’asile, tout en donnant à notre pays les moyens de pérenniser son action. Pour cela, l’asile ne doit pas être confondu avec d’autres voies possibles d’immigration. Notre ambition est de redonner du lustre aux valeurs généreuses de la République. Cette réforme devrait permettre d’accueillir ceux qui le méritent dans les conditions les plus dignes. La France doit redevenir un modèle.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous partageons tous cette volonté.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 15 : Conditions d’accueil des demandeurs d’asile

La Commission est saisie de l’amendement AS12 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il est souhaitable que le demandeur d’asile joue un rôle actif et puisse, par conséquent, formuler des demandes et des observations. Voilà pourquoi je propose, par cet amendement, qu’il ait la possibilité de faire valoir sa situation personnelle auprès de l’OFII.

M. le rapporteur. Je comprends le sens de votre amendement. Il faut préciser le texte pour permettre au demandeur d’asile de présenter, éventuellement, une nouvelle demande d’allocation ou d’hébergement si sa situation personnelle ou familiale a évolué depuis la demande initiale. Pour autant, je ne pense pas que l’alinéa 6 de l’article 15 soit l’endroit le plus approprié. Cette précision aurait davantage sa place après la description des différentes modalités d’hébergement, ou lorsque l’on traite de l’allocation. Je vous propose donc de replacer l’amendement un peu plus loin dans le texte.

M. Denys Robiliard. En attendant, je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission examine alors l’amendement AS31 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Contrairement à ce qui semble ressortir du texte, le dispositif national d’hébergement ne se limite pas à l’hébergement. C’est ainsi qu’aujourd’hui, les demandeurs d’asile hébergés en CADA sont très concrètement et très efficacement accompagnés par les travailleurs sociaux. Cet accompagnement facilite la présentation des dossiers et la réunion des preuves nécessaires pour faire valoir leurs droits.

M. le rapporteur. Dans un monde idéal, toute personne devrait pouvoir bénéficier de toutes les modalités d’accompagnement souhaitables. Dans notre monde réel, le schéma national d’hébergement a pour mission de recenser la répartition des places d’hébergement. Voilà pourquoi le texte du Gouvernement se limite à cet aspect des choses.

Bien sûr, cela ne signifie pas que les demandeurs d’asile ne bénéficient pas d’un accompagnement – accompagnement qui est en effet plus complet dans les CADA que dans les autres structures. Mais l’adoption de votre amendement rendrait plus complexe et donc moins efficace le schéma national d’hébergement, qui ne sera déjà pas simple à mettre en place. Mon avis est donc défavorable.

M. Jean-Louis Roumegas. Nous soutenons l’amendement de notre collègue et nous ne comprenons pas pourquoi il serait inopportun d’insister sur le fait que l’accompagnement des demandeurs d’asile est une nécessité. Cet accompagnement, qui est prévu par la loi permet, notamment, d’assurer la fluidité du dispositif de la demande d’asile.

M. Bernard Perrut. C’est un amendement de bon sens, qui va dans l’intérêt des personnes qui vont être accueillies et dans celui des collectivités locales. Lorsque l’on prévoit d’installer un lieu d’hébergement dans une commune, le premier souci devrait être d’abord de chercher s’il y a notamment une école ou des services sociaux à proximité.

Récemment, le préfet du département du Rhône m’a proposé d’implanter un CADA sur une petite commune rurale. Je lui ai alors demandé comment on allait accompagner les familles, et où les enfants iraient à l’école. Il faut s’interroger avant, pour que cet accompagnement se fasse dans des conditions correctes.

M. Denys Robiliard. J’observe, monsieur le rapporteur, que le texte ne revient pas sur l’expression « dispositif national d’accueil », qui remonte à 1975.

J’observe aussi que, dans votre propos introductif, vous avez relevé le fait qu’aujourd’hui, les demandeurs d’asile étaient concentrés en Île-de-France et en Rhône-Alpes. Dans ces régions, les associations et les avocats spécialisés ne manquent pas, et il est possible de trouver des relais, même en dehors des lieux d’hébergement.

L’idée du Gouvernement, à travers le système d’affectation « dirigée » du dispositif national d’accueil, est de répartir la charge entre les régions. Cela rend d’autant plus nécessaire la mise en place d’un accompagnement. Dans la construction de ce dispositif, il faut considérer les capacités d’hébergement, mais aussi les capacités d’accompagnement. Il s’agit donc bien d’un dispositif d’accueil, et pas simplement d’hébergement.

Je rappellerai enfin que les CADA font très bien leur travail, pour un prix de journée inférieur à celui d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).

M. le rapporteur. Il y a trois situations : les personnes qui vont dans les CADA tels qu’ils existent aujourd’hui, celles qui iront dans les CADA de demain implantés dans les nouveaux territoires, et celles qui – c’est une liberté qui leur est laissée – sont dans des dispositifs hors CADA.

Dans les CADA actuels, l’accompagnement existe. Il est efficace, opportun, et il n’est pas mis en cause.

Dans les CADA de demain, cet accompagnement sera développé au fur et à mesure des implantations, qui se feront en accord avec les élus locaux. Il n’y aura pas de CADA en zone totalement rurale, loin de tout centre urbain. Mais l’étude des dispositifs environnants est une chose, et l’accompagnement offert en interne pour les personnes hébergées en est une autre. En conséquence de quoi, les familles avec des enfants en bas âge ne seront pas dirigées vers des CADA éloignées des écoles. On prendra en compte tel ou tel élément, qui fera partie des caractéristiques de chaque CADA, et permettra de guider, en amont, l’orientation des demandeurs d’asile.

En revanche, et c’est pour cela que je maintiens mon avis défavorable, demander d’emblée que le même niveau d’accompagnement soit offert à des personnes hors CADA n’est pas réaliste, c’est hors de notre portée. En outre, ce n’est pas ainsi que l’on pourra encourager les demandeurs à aller principalement en CADA.

Cet amendement est donc contraire à l’esprit de la loi et à la volonté d’orienter rapidement les demandeurs vers des centres dédiés. L’accompagnement doit rester plus important, plus complet, prioritaire pour ceux qui vont vers un dispositif concentré, adapté et organisé. On ne peut pas offrir le même niveau de qualité d’accompagnement à des personnes dispersées.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement AS13 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Cet amendement, qui tire la conséquence du fait que le dispositif d’hébergement est aussi un dispositif d’accueil, prévoit la consultation du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale. L’amendement précédent ayant été repoussé, par cohérence, je vais retirer celui-ci.

Cela dit, cet amendement AS13 sera repris en Commission des lois, et dans l’hémicycle. La question est centrale. En effet, depuis 1975, nous disposons d’un dispositif d’accueil, et pas simplement d’un dispositif d’hébergement. Je ne saurais accepter une régression de la loi, laquelle affiche par ailleurs une volonté de progresser en ce domaine, notamment en mettant en oeuvre la directive « accueil ».

M. le rapporteur. Dans cet amendement, vous proposez que l’on demande également l’avis du ministre chargé de l’asile, du ministre chargé du logement et du ministre chargé des affaires sociales et de la santé. C’est incompatible avec notre volonté d’accélérer et d’améliorer l’efficacité des procédures. Chaque fois que l’on demande qu’une décision soit interministérielle, on peut s’attendre à ce que les délais ne soient pas respectés. Mieux vaut s’assurer que le ministère en charge est doté des compétences et des moyens d’agir de façon juste et adaptée.

L’amendement est retiré.

La Commission est alors saisie de l’amendement AS17 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Monsieur le rapporteur, exiger une consultation supplémentaire et une prise de décision dans un cadre interministériel ne me paraît nullement antagonique avec l’objectif de raccourcir les délais de traitement des demandes d’asile. Au contraire, c’est le moyen de bien intégrer toutes les données nécessaires pour construire convenablement le dispositif et faire qu’il soit le plus efficient possible.

De la même façon, l’amendement AS17 a pour objectif de faire participer l’ensemble des acteurs locaux, au niveau régional, à la programmation de l’ensemble des lieux d’hébergement.

M. le rapporteur. Ma réponse sera la même que pour l’amendement précédent. Il est clair que le schéma régional est l’objet d’une concertation entre les services de l’État et les élus régionaux qui ont, les uns et les autres, la faculté de s’entourer des avis qui leur semblent opportuns. Mais soumettre la décision à des consultations multiples d’unions, de fédérations, de regroupements des usagers, de gestionnaires des établissements ralentira la prise de décisions. Au final, faute de construire de nouveaux CADA dans les temps, on pérennisera l’état actuel, marqué par la saturation des lieux d’hébergement et l’insuffisance des capacités d’accueil.

Mon avis est défavorable. L’adoption de cet amendement freinerait toute évolution en multipliant les acteurs à consulter, alors même que l’on peut faire confiance aux services des élus locaux et à ceux de l’État pour s’entourer des avis nécessaires – qui varieront d’ailleurs selon les conditions géographiques et l’état des équipements. J’ajoute que la France se singularise par rapport aux autres pays européens par l’implication beaucoup plus forte des associations, qui font naturellement le lien entre les uns et les autres.

Monsieur Robiliard, il est légitime d’avoir des doutes sur l’efficacité de telle ou telle mesure et je partage le désir d’avoir la plus large concertation possible. Mais à un certain moment, il faut savoir l’arrêter pour pouvoir avancer. Avis défavorable, donc.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission en vient à l’amendement AS18 de M. Denys Robiliard

M. Denys Robiliard. Cet amendement traite de l’affectation des demandeurs d’asile. En France, le dispositif est presque exclusivement géré par des associations. Il me paraît donc important, pour le bon fonctionnement du système, qu’il y ait un minimum de dialogue entre l’OFII et les lieux d’hébergement, et que le directeur donne son accord au moment de l’entrée du demandeur d’asile dans la structure. Cela permet de vérifier la capacité du CADA ou du centre d’hébergement d’urgence à prendre en charge la personne ou les familles. C’est ensuite l’expression du fait que l’on est dans le cadre d’un partenariat et pas dans une simple administration.

M. le rapporteur. Il importe que les demandeurs d’asile aient les mêmes droits, et que quelqu’un ne soit pas discriminé parce qu’il n’a pas l’heur de plaire à un directeur d’établissement. Par ailleurs, si on adopte un système directif d’hébergement, lequel semble faire l’unanimité, il faut éviter que les directeurs puissent choisir leurs résidents. Les résidents doivent être ceux que l’autorité globale et initiale leur a attribués. Après, il est toujours possible au directeur, comme le texte le prévoit clairement, de renvoyer un résident qui ne se comporterait mal, qui créerait des nuisances ou qui ne se rendrait pas aux convocations. Des procédures existent à cette fin.

Monsieur Robiliard, votre souhait peut donc être satisfait, mais a posteriori, c’est-à-dire après que la personne a été hébergée. Il ne faudrait pas que l’on fasse des procès d’intention aux directeurs.

Donc, avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement AS14 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard.  Cet amendement étant lié à la problématique de l’hébergement, je considère qu’il a été défendu. Il s’agit, cette fois-ci, de faire préciser par la loi que tous les lieux d’hébergement proposent des prestations d’hébergement et d’accompagnement socio-juridique.

J’ai bien entendu M. le rapporteur et je m’étonne du sens que prend notre discussion. Je n’avais pas compris en effet que ce projet de loi nous faisait passer d’un dispositif d’accueil à un dispositif d’hébergement, ce qui constitue selon moi une régression. Je ne crois pas que tel soit le souhait du Gouvernement.

M. le rapporteur. Les CADA, ou du moins les structures du même type, sont intégrées dans un schéma d’hébergement et d’accompagnement, et les personnes qui y sont hébergées bénéficient même d’un accompagnement renforcé et de dispositifs bien organisés. En revanche, les personnes hébergées dans d’autres types de structures n’auront pas la garantie de bénéficier du même niveau d’accompagnement.

L’accompagnement sera amélioré pour les personnes en institutions organisées, mais l’inégalité perdurera pour ceux qui se trouvent dans des situations très marginales, avec l’espoir que, demain, ces situations marginales disparaîtront.

M. Christophe Cavard. Nous trouvons le texte plutôt intéressant dans son ensemble. Pour autant, l’aspect directif de l’hébergement – qui, selon vous, a recueilli une certaine unanimité – ne doit pas aboutir à pénaliser les personnes ou les familles qui auraient fait le choix d’être accueillies en dehors des CADA. Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, je demande au rapporteur de bien nous expliquer la finalité de ce choix directif. S’agit-il de mieux accompagner ou de mieux contrôler – je suis un peu provocateur – les demandeurs d’asile ?

M. le rapporteur. Dans certains pays européens, les demandeurs d’asile n’ont pas d’autre choix que d’aller dans les centres, où leur situation est examinée. Dans d’autres pays, ils se trouvent dans situation comparable à celle de la France. La philosophie de ce projet est de faire prendre conscience aux demandeurs d’asile qu’ils retireront davantage de bénéfices à se rendre dans un lieu d’hébergement où tout est organisé sur place, de la visite médicale initiale à la prise en charge sociale, à l’octroi d’une allocation, en passant par l’hébergement. La contrainte assez modeste, surtout pour une durée de séjour inférieure à neuf mois.

Quand on a été maltraité dans son pays, qu’on demande l’asile dans un autre pays et que ce dernier nous héberge, nous nourrit, nous sert une allocation et prend en charge la procédure, il est naturel d’accepter les modalités prévoyant que l’on est en mesure de répondre aux convocations, d’être là au moment où l’interprète est présent…

Au cours de ma pratique personnelle, j’ai vu un certain nombre de demandeurs d’asile qui, lorsque leur demande est épuisée, font valoir l’autorisation à bénéficier du dispositif d’étranger malade, mais ne viennent jamais à aucun rendez-vous. Je ne pense pas que ces personnes, si elles sont dispersées dans la nature, doivent bénéficier d’un accompagnement au quotidien.

Si on accepte tous les avantages, on doit s’accommoder des petites contraintes qui les accompagnent, c’est-à-dire être à la disposition des services de la République française – et ce n’est pas rien quand on connaît le montant que cela représente.

Oui, nous souhaitons renforcer toutes les chances et toutes les modalités d’accompagnement pour ceux qui seront dans les différents centres où ils seront orientés, mais pas pour les autres. Ceux-ci garderont la liberté d’être hébergés ailleurs, mais ils ne pourront pas prétendre bénéficier d’un accompagnement renforcé par rapport à ce qui existe aujourd’hui. Cela ne signifie pas que l’on va diminuer l’accompagnement de ces demandeurs d’asile, mais que nous n’avons clairement pas les moyens de le renforcer. La même somme investie dans des CADA rendra service à bien plus de demandeurs d’asile que si elle l’était dans des nuitées d’hôtel ou des accompagnements dispersés.

Je n’appelle pas cela une perte de liberté – même si on a tous notre définition de la liberté. L’important est de donner aux demandeurs d’asile toutes les chances d’être reconnus comme réfugiés politiques s’ils ont vraiment été mis en péril dans leur pays.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine ensuite l’amendement AS19 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. À partir du moment où l’on souhaite offrir une place à tout demandeur d’asile, il faut une montée en puissance du système d’hébergement. Celle-ci ne peut se faire spontanément, d’autant que cela demande des moyens budgétaires et que l’on sait déjà que, pour 2015, nous ne les avons pas. Mais cela se fera progressivement et il convient de bien afficher l’objectif poursuivi, à savoir que l’hébergement de principe doit être le CADA et non les structures d’hébergement d’urgence.

M. le rapporteur. Ce projet de loi introduit une certaine souplesse s’agissant des dispositifs d’hébergement, mais il ne prévoit pas que les demandeurs d’asile occupent des places en CHRS de droit commun ni dans des établissements d’urgence. Ce serait nuire aux chances des demandeurs d’asile car ces lieux ne leur sont pas adaptés, et cela limiterait l’accès des personnes en grande précarité dans ces mêmes lieux. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est alors saisie de l’amendement AS23 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. On sait bien que dans la pratique, certains demandeurs d’asile ne partent pas spontanément des lieux d’hébergement au terme de leur parcours, et qu’il faut les y contraindre. Aujourd’hui, deux voies sont possibles : devant les juridictions administratives et devant les juridictions judiciaires.

Je rappelle que le dispositif national d’accueil est un dispositif public, mais qui associe des partenaires privés, et que les demandeurs à l’expulsion sont en général des associations. Voilà pourquoi il me semble qu’il n’y a pas lieu de s’adresser à un juge administratif. D’où cet amendement qui vise à attribuer les décisions d’expulsion à la juridiction judiciaire.

Par ailleurs, même si je sais que le juge administratif doit statuer dans un délai bref, on ne peut pas demander à celui-ci de travailler toujours et uniquement dans l’urgence. En effet, cela se répercute sur le reste du contentieux car, à moyens identiques, les priorités doivent réaffectées. De ce fait, par exemple, le contentieux fiscal ou celui du droit de l’urbanisme est retardé. Autant aller devant le juge de proximité – comme je le propose dans l’amendement suivant – à savoir devant le tribunal d’instance ou le tribunal de grande instance, qui peut statuer dans un délai comparable à celui de la juridiction administrative, tout en étant plus adapté.

M. le rapporteur. Le projet de loi a résolu la question : on ne peut pas assimiler ce type d’hébergement à un domicile privé. La juridiction administrative est donc plus adaptée que la juridiction civile.

Le résident qui n’a plus le droit de rester dans cet hébergement pourra présenter ses arguments dans le cadre de la procédure de mise en demeure. Et ce n’est que si ce préalable échoue que l’expulsion sera demandée en justice, le préfet étant bien sûr responsable de la procédure contentieuse.

En assimilant le demandeur d’asile au locataire d’un appartement privé, cet amendement, ainsi que le suivant, aboutiraient, s’ils étaient retenus, à diluer la capacité de décider face à des personnes qui veulent rester abusivement dans ce type de logement. Mon avis est donc défavorable.

M. Denys Robiliard. Ce n’est pas en effet une question de rapports locatifs. Mais on n’en est pas moins dans des rapports de droit privé, puisque le demandeur ou l’association gestionnaires sont des personnes privées.

Ensuite, il n’y a qu’un tribunal administratif par région et il est donc plus compliqué de s’y rendre. Par respect pour les personnes, il faut faire intervenir un juge de proximité.

Enfin, même s’il n’y a pas de rapports locatifs, il y a bien un domicile. De ce point de vue, le juge du domicile est plus naturellement le juge judiciaire que le juge administratif. Et ce n’est pas le juge judiciaire qui permettra aux gens de s’incruster. La juridiction civile fait droit aux demandes d’expulsion qui lui sont présentées par les CADA.

M. le rapporteur. Quand les associations interviennent, elles le font par délégation de service public, et pas comme des acteurs privés.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine ensuite l’amendement AS22 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je considère qu’il a été défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement AS25 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. La directive « accueil » du 26 juin 2013 prévoit l’obligation de fournir des informations aux demandeurs d’asile sur les organisations ou les groupes de personnes qui assurent une assistance juridique spécifique, et sur les organisations susceptibles de les aider ou de les informer sur les conditions d’accueil dont ils peuvent bénéficier.

Or rien n’est explicitement prévu par le projet de loi dans ce domaine même si, dans la pratique, sur les territoires, le premier accueil est organisé sous la forme de plateformes d’accueil pour demandeurs d’asile, gérées soit directement par l’OFII, soit délégué pour tout ou partie à des associations. Il convient donc de transposer dans le texte cette obligation d’information qui pèse sur la France.

M. le rapporteur. L’information la plus complète et la mieux organisée est tout à fait souhaitable au niveau de la plateforme d’accueil, l’OFII pouvant passer des conventions avec des associations spécialisées si nécessaire.

Cet amendement peut enrichir le texte, et je donne un avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission examine l’amendement AS15 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Cet amendent traite de l’appréciation de la vulnérabilité, concept développé par la directive « accueil ».

Cette vulnérabilité est consubstantielle à la personne du demandeur d’asile, et se révèle parfois dans le temps. Une femme qui a été victime de viol peut avoir des difficultés à en parler, surtout dans certaines conditions. Au cours de son audition, le directeur de l’OFII a indiqué que la détection de la vulnérabilité se ferait au cours d’un entretien et que si une famille entière se présentait, l’entretien serait familial. Vous pouvez imaginer que la femme n’évoquera pas la question, notamment devant son mari…

Il faut donc prévoir dans le dispositif que cette vulnérabilité pourra être constatée à tout moment et par des personnes extérieures à la gestion des demandeurs d’asile. Je pense, par exemple, aux soignants et aux médecins qui sont amenés à intervenir dans le cadre du droit commun.

La suppression pure et simple des alinéas 21 à 26 n’est pas satisfaisante, je le concède, mais le modèle développé par le projet, en raison du caractère un peu trop « administratif » de l’évaluation de la vulnérabilité, ne l’est pas non plus. Voilà pourquoi, monsieur le rapporteur, si vous souhaitez que l’on retravaille cette question, je serai à votre disposition et je retirerai mon amendement.

M. le rapporteur. Je suis favorable à ce que la vulnérabilité puisse être évaluée et prise en compte à tous les stades de la procédure. En revanche, la suppression des alinéas 21 à 26 ne me semble pas être le moyen le plus approprié d’y parvenir.

Un peu plus loin dans le texte, j’ai déposé un amendement qui précise qu’en cas de besoin, à tout moment de la procédure, les médecins de l’OFII peuvent être sollicités pour évaluer la vulnérabilité des demandeurs d’asile – ou leurs besoins médicaux. On pourrait éventuellement partir de là et le compléter dans le sens suggéré par M. Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est alors saisie de l’amendement AS27 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. L’amendement pose la question de savoir qui doit apprécier la vulnérabilité. L’OFII a une certaine prétention à le faire, mais l’OFPRA aussi. En effet, l’OFPRA connaît la situation de chaque pays, et donc les traumatismes qu’ont pu traverser les demandeurs d’asile de ces pays. Par ailleurs, à l’occasion de l’instruction de la demande de reconnaissance du statut de réfugié – comme de la protection subsidiaire –, il est à même de connaître les raisons pour lesquelles le demandeur sollicite l’asile, et donc d’identifier certaines vulnérabilités.

Est-ce à l’OFPRA de s’organiser de façon à lui-même détecter la vulnérabilité ? Je n’ai pas pu interroger le ministre sur ce point. Je m’adresse donc à vous.

M. le rapporteur. Vous indiquez avec raison, monsieur Robiliard, que cela supposerait que l’OFPRA s’organise. Or dans l’immédiat celui-ci n’est pas apte à répondre totalement à la demande. Le rapport de M. Richard et de Mme Dubié insistait sur la nécessité de solliciter davantage les médecins de l’OFII pour évaluer aussi bien la vulnérabilité que les besoins médicaux des demandeurs d’asile. Les médecins de l’OFII dépendent naturellement de cet organisme, mais leur déontologie les écarte de tout soupçon. Je crois qu’ils peuvent accompagner et aider les demandeurs d’asile en toute indépendance et de façon très objective.

J’aurais tendance à dire qu’il vaut mieux confier ces différentes missions à un seul organisme, quitte à lui accorder des moyens supplémentaires et davantage de médecins à répartir sur le territoire, plutôt que de créer plusieurs dispositifs concurrents les uns des autres qui seraient de nature à nouveau à complexifier et donc à ralentir notre système qui s’apparente déjà à une « usine à gaz ».

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Denys Robiliard. Je le retire. J’observe toutefois qu’il ne s’agit pas de complexifier un système, mais d’en choisir l’opérateur, et qu’à ce stade, la discussion est ouverte.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS16 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard.  Cet amendement prévoit que le demandeur d’asile sera informé de la possibilité de réaliser un bilan de santé et social dans le système de santé de droit commun. En effet, le nombre des médecins de l’OFII est très limité, et je doute que la situation puisse changer rapidement et de façon significative. L’idée est de mettre en place un outil qui facilite le diagnostic de la vulnérabilité.

M. le rapporteur. On peut adopter cet amendement sous la forme que vous indiquez. Mais il risque d’être redondant avec l’amendement AS24 qui propose que l’on écrive que « Chaque fois que nécessaire, les médecins de l’OFII procèdent à l’examen médical du demandeur ». À moins que l’on précise, à l’amendement AS24, que « cette information doit être délivrée aux demandeurs d’asile ».

M. Denys Robiliard.  Nous ne sommes pas sur le même ordre d’idées. Je pense, pour ma part, que les médecins de l’OFII ne suffiront pas. En effet, le nombre des demandes d’asile tourne autour de 50 000 par an. Voilà pourquoi je propose que l’on ait recours à des médecins du secteur privé.

La Commission rejette l'amendement.

La Commission examine l’amendement AS24 du rapporteur.

M. le rapporteur. La vulnérabilité n’est pas toujours détectée au départ, et le médecin qui sera amené à se prononcer doit avoir à la fois des compétences médicales et la connaissance des décisions à prendre. Il doit savoir apprécier, notamment, si certaines des personnes déboutées du droit d’asile – soit 80 % des demandeurs – peuvent ou non bénéficier d’un suivi médical approprié dans leur pays d’origine et, si ce n’est pas le cas, bénéficier du dispositif « étranger malade » pris en charge en France.

Les médecins généralistes français ne peuvent pas se prononcer parce qu’ils n’ont pas les connaissances géopolitiques et de médecine internationale pour savoir que dans tel ou tel pays africain, il y a ou non accès à la dialyse, aux traitements des tuberculoses multi résistantes, etc. Jusqu’à présent, seuls les médecins de l’OFII semblent à même de décider.

Dans le passé, les médecins des Agences régionales de santé (ARS) ont rempli ce rôle, mais les résultats furent très mauvais. Tout en étant de très bons médecins, ils ne connaissaient pas les pays d’origine. Entre l’ARS Bourgogne, l’ARS Île-de-France et l’ARS Rhône-Alpes, des décisions complètement opposées ont été prises pour les mêmes problèmes pathologiques posés par des demandeurs d’asile. Il convenait d’introduire un minimum d’homogénéité dans le système.

M. Denys Robiliard. On est bien d’accord que cet examen se fera avec l’accord du demandeur ?

M. le rapporteur. Bien sûr.

M. Denys Robiliard. La rédaction pourrait faire croire qu’il s’agit d’un examen obligatoire. Or le texte prévoit des sanctions quand le demandeur ne satisfait pas aux demandes de l’administration. Il serait donc opportun de faire apparaître l’accord du demandeur. En conséquence, je vous propose de rectifier l’amendement AS24 en ajoutant, après le mot « procèdent », les mots : « , avec son accord , … »

M. le rapporteur. Je suis favorable à cette rectification.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

La Commission est alors saisie de l’amendement AS26 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Cet amendement ne devrait pas poser de difficultés, dans la mesure où il consiste à reprendre la définition figurant à l’article 21 de la directive pour définir les personnes considérées comme vulnérables. Bien que cette définition ne soit pas exhaustive, cet amendement aiderait les personnes qui appliquent la loi et qui, de ce fait, n’auraient pas besoin de se reporter à la directive. La liste me paraît en effet assez illustrative et très concrète.

M. le rapporteur. Il est prévu que ce soit le décret, et non la loi, qui précise les critères de vulnérabilité. Ce dispositif a l’avantage d’introduire une certaine souplesse, car la vulnérabilité peut être appréciée différemment selon les périodes et selon les demandeurs.

Certains des éléments listés dans cet amendement sont assez évidents. Mais cela n’empêche pas un certain flou. Par exemple, quel niveau de handicap veut-on prendre en compte lorsque l’on parle des personnes handicapées ? De la même façon, on ne précise pas ce que sont les formes graves de violences psychologiques.

Laisser au décret la possibilité de rentrer dans les détails paraît plus prudent. En outre, laisser un peu de liberté d’appréciation à chacun permet de traiter les dossiers au cas par cas.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Très sincèrement, Monsieur Robiliard, je ne crois pas que ce soit du domaine de la loi. Ainsi, hors contexte, je ne sais pas ce qu’est une « maladie grave ».

M. Denys Robiliard. Je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS28 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. La décision d’orientation des demandeurs d’asile est importante, dans la mesure où l’administration a quasiment la possibilité d’imposer un lieu de résidence au demandeur d’asile. Voilà pourquoi je considère qu’il faut préciser les critères à prendre en compte, parmi lesquels la vie privée et familiale du demandeur, ses besoins, et prévoir de recueillir l’avis de l’intéressé. Je ne pense que cela pose la moindre difficulté, ni n’entraîne le moindre coût.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Si j’ai bien compris cet amendement, l’autorité administrative pourrait subordonner le bénéfice des conditions matérielles d’accueil à l’acceptation d’un hébergement par le demandeur, mais après avoir pris en compte la vie privée et familiale de celui-ci, et accueilli ses observations. Cela me semble un peu trop flou pour pouvoir l’inscrire dans la loi. Par ailleurs, l’alinéa 29 de l’article 15 stipule déjà que l’hébergement proposé est  déterminé après examen des besoins du demandeur.

M. Denys Robiliard. Je suis un peu étonné d’entendre que la notion de vie privée et familiale serait floue. D’une part, cette notion apparaît dans le texte de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. D’autre part, on la retrouve dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) – articles relatifs aux titres de séjour, à la carte de séjour et à la carte de résident.

La notion est donc bien connue de l’administration, du ministère de l’intérieur et utilisée quotidiennement dans les préfectures. L’OFII la connaît parfaitement. Le fait de l’introduire dans ce texte alors qu’elle a un contenu bien normé et qu’elle fait l’objet d’une jurisprudence abondante serait, selon moi, très utile à l’administration. Je ne vois pas où est le problème.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement AS29 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Le texte a prévu une affectation directive du demandeur d’asile. Dans la mesure où c’est la France qui offre un accueil, il me semble légitime que les conditions de cet accueil soient déterminées par l’autorité administrative. Mais le projet va au-delà, en obligeant le demandeur à solliciter une autorisation d’absence. Celle-ci pourrait faire l’objet d’un décret et tout manquement pourrait avoir de lourdes conséquences. Je ne comprends pas – ou plutôt, je comprends trop bien.

D’après ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur, la raison d’être du projet de loi est de réduire la durée de la procédure. Si la réforme produit les effets attendus, une personne accueillie dans un lieu d’hébergement ne devrait pas y rester plus de neuf mois, ce qui est assez court. Dans ces conditions, pourquoi instaurer un régime d’absence qui contraindra le personnel des lieux d’hébergement à faire des pointages ? Pourquoi instituer un dispositif qui va remettre en question les principes de l’intervention sociale qui fondent la relation entre un travailleur social et un demandeur d’asile ? Les procédures seront complexifiées, dans la mesure où il faudra recueillir l’avis préalable. D’où l’apparition d’un contentieux spécifique, dont nous n’avons vraiment pas besoin aujourd’hui.

On cherche à raccourcir les délais et à économiser les moyens, ce qui suppose d’être plus opérationnels, de pouvoir se concentrer sur la demande d’asile afin d’y répondre le plus rapidement possible. Selon moi, un tel dispositif va à l’encontre de tous ces objectifs.

M. le rapporteur. Ce n’est pas en laissant les gens aller et venir en fonction de leur humeur du moment et en leur permettant de s’absenter pendant des durées prolongées que l’on aboutira à ce résultat. Par ailleurs, dans la situation de pénurie que nous connaissons, il est impensable de laisser une place vacante, alors qu’elle pourrait être occupée par quelqu’un d’autre. Je maintiens donc qu’il est indispensable que les demandeurs d’emploi restent dans l’hébergement qui leur a été proposé, et que s’ils sont absents de façon répétitive, ils en subissent les conséquences, à l’instar de celui qui quitterait son internat à sa guise. Bien évidemment, les demandeurs peuvent avoir toutes sortes de raisons de s’absenter, qu’elles soient familiales, professionnels ou d’une autre nature. Il leur suffira de prévenir le centre qui, en fonction du temps d’absence, pourra disposer ou non de leur chambre.

Je rappelle que, lors de la procédure de concertation préalable, la plupart des associations et des travailleurs sociaux se sont prononcés en faveur d’un tel dispositif. En effet, un petit pourcentage des demandeurs d’asile désespère les travailleurs sociaux par des manquements répétés. La moindre des choses serait que les demandeurs préviennent quand ils partent, et fassent connaître leurs motivations. Il est clair qu’ils vont devoir observer une certaine discipline. C’est triste, mais c’est la vie.

M. Jean-Louis Roumegas. Monsieur le rapporteur, votre explication ne tient pas. Vous dites que lorsque l’on est hébergé dans un établissement, la moindre des choses est de prévenir lorsque l’on s’absente. Certes, et d’ailleurs, une telle évidence relève du règlement intérieur. Mais ce n’est pas du tout ce que prévoit l’alinéa 30. Cet alinéa dispose en effet que : « Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles l’absence du lieu d’hébergement peut être subordonnée à une autorisation de l’autorité administrative ».

On a ainsi dépassé les règles de bonne gestion des populations sur les lieux d’hébergement, pour s’orienter vers un régime d’assignation à résidence – laquelle est en outre soumise à un pouvoir administratif, et même pas judiciaire.

Je suis donc d’accord avec notre collègue Robiliard. Nous allons devoir retravailler cet aspect du texte, car il est fondamental.

M. le rapporteur. Pourquoi faire un procès d’intention au Conseil d’État ? Pourquoi fixerait-il des conditions anormalement coercitives ? Cela n’a jamais été dans sa philosophie.

M. Jean-Louis Roumegas.  Lorsque vous vous déplacez, demandez-vous une autorisation au Conseil d’État ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il faut dire que M. le rapporteur n’est pas demandeur d’asile …

M. le rapporteur. Si je l’étais, je demanderai l’autorisation au directeur du centre. Et en tant que médecin dans un hôpital, je demande l’autorisation de m’absenter au directeur de l’hôpital. Quand je m’absente du territoire français, je demande l’autorisation de le faire. Je m’en porte bien et je trouve cela normal. J’observe d’ailleurs que ceux de mes collaborateurs qui ne l’ont pas fait ont fini par avoir des ennuis.

Un minimum de règles doit être respecté, y compris par les demandeurs d’asile. La simple correction exige que celui qui bénéficie des avantages que lui offre la France s’informe sur les conditions dans lesquelles il peut entrer et sortir de l’établissement dans lequel il est hébergé. Et s’il ne les respecte pas, il se met en difficulté.

M. Denys Robiliard. Monsieur le rapporteur, il se trouve que cette proposition a fait réagir un très grand nombre d’associations dans un sens extrêmement négatif.

M. le rapporteur. Lesquelles ?

M. Denys Robiliard. Je ne vais pas vous en faire la liste maintenant. Disons que parmi elles, il y en a certaines qui hébergent des demandeurs d’asile.

Je pense que la demande des associations portait sur un dispositif permettant de tirer les conséquences d’un abandon, par le demandeur d’asile, du CADA ou du lieu d’hébergement. C’était effectivement nécessaire. Le problème est que ce texte assimile le lieu d’hébergement à un internat que l’on ne pourrait quitter qu’avec une autorisation. Il porte donc atteinte à la liberté d’aller et venir.

L’alinéa 31 précise par ailleurs que : « Cette autorisation n’est pas requise lorsque le demandeur d’asile doit se présenter devant les autorités administratives ou les juridictions ». Cela signifie que dans tous les autres cas, elle peut l’être.

On limite ainsi considérablement, et par voie de décret, les allées et venues des demandeurs d’asile. La durée de l’absence n’est pas précisée et aucune raison d’absence autre que les convocations devant les autorités administratives ou les juridictions n’est évoquée. Avec les alinéas 30 et 31, on peut aboutir à un régime semi carcéral ! Ce n’est pas acceptable, et je pense d’ailleurs que cela pose un problème constitutionnel.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous ne pouvez pas parler de régime semi carcéral, monsieur Robiliard !

M. Denys Robiliard. Le terme était peut-être excessif. Je le retire. Il n’empêche qu’il y a là une atteinte à la liberté d’aller et venir. Je considère que, par ces dispositions, on rompt avec le modèle français qui était celui de l’accueil des demandeurs d’asile …

M. le rapporteur. On rompt avec la pagaille !

M. Denys Robiliard. Non, avec la liberté ! Et on s’oriente, je le crains, vers des procédures comme celles en vigueur en Grèce, où les demandeurs d’asile sont dans des camps.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Robiliard, ces sujets vous tiennent à cœur autant qu’à nous. Mais il faut se garder de tout excès, qui risquerait de nous desservir.

Nous avons tous eu affaire à des demandeurs d’asile. Moi-même, j’ai prêté foi au discours de l’un d’entre eux, qui était en train de faire réexaminer sa demande d’asile. Le problème était qu’il avait court-circuité les associations qui s’occupaient de lui. Vous souhaitez supprimer l’alinéa 38 qui permet, entre autres, de limiter ou suspendre le bénéfice des conditions matérielles d’accueil si le demandeur d’asile a présenté une demande de réexamen de sa demande d’asile. Mais c’est seulement une disposition destinée à éviter la pagaille. Et cela ne me choque pas, monsieur Robiliard.

M. Denys Robiliard. Madame la présidente, vous êtes libre de ne pas être choquée, et je suis libre d’avoir une appréciation différente de la vôtre.

M. Jean-Louis Roumegas. Je ne mets pas en doute les intentions du rapporteur, ni son appréciation. Mais tel qu’il est rédigé, le texte pose un réel problème. On s’apprête à adopter des règles de résidence infiniment plus dures pour les demandeurs d’asile que pour les étrangers, y compris en situation irrégulière.

On comprend bien l’intérêt pratique qu’il y a à fixer un lieu de résidence pour les demandeurs d’asile. Mais soumettre à autorisation administrative le fait de pouvoir quitter ou pas cette résidence est inédit dans notre droit, et ne correspond pas au principe de bonne gestion des capacités d’hébergement que vous avez précédemment mis en avant.

Personnellement, je suis choqué. Notre collègue Robiliard a eu raison de tirer la sonnette d’alarme. Pourquoi les demandeurs d’asile, qui sont dans une procédure parfaitement encadrée, seraient-ils soumis à des conditions encore plus restrictives, alors même qu’ils ont a priori des raisons encore plus valables que les autres étrangers de venir chez nous ?

M. Arnaud Richard. C’est tout à fait à votre honneur de vous faire l’avocat inflexible des libertés publiques, et je comprends le doute de nos collègues. Simplement, l’objet de ce texte est de redonner du sens au droit d’asile, car le dispositif actuel est en train d’exploser.

Redonner du sens, cela veut dire accueillir les demandeurs d’asile dans de bonnes conditions – de temps, d’accueil – et aménager leur éventuelle insertion. Pour cela, je pense, comme le rapporteur, qu’il convient de remettre un peu d’ordre. Bien sûr, on peut avoir besoin d’explications. J’ai moi-même indiqué tout à l’heure dans mon propos que s’agissant de la vulnérabilité, le texte était assez flou, et je pense que le Gouvernement devra apporter certaines précisions à nos collègues de la majorité.

Mme Joëlle Huillier.  Décider, à l’alinéa 30, qu’ « un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles l’absence du lieu d’hébergement peut être subordonnée à une autorisation de l’autorisation administrative », ne me choque pas. Mais préciser, à l’alinéa 31, que l’autorisation « n’est pas requise lorsque le demandeur d’asile doit se présenter devant les autorisations administratives ou les juridictions », me choque. Cela signifie en effet que le demandeur d’asile peut s’absenter pour une demi-journée, voire une journée pour se rendre à certaines convocations, mais que s’il s’absente un peu plus pour d’autres raisons, cela posera un problème.

Je pense que c’est davantage une question de forme. Selon moi, il est nécessaire de fixer les conditions dans lesquelles les demandeurs d’asile doivent déposer des autorisations. Nous savons très bien en effet que certains quittent leur lieu d’hébergement, parfois pendant plusieurs mois, sans demander d’autorisation et qu’on conserve leur place parce qu’ils ont laissé toutes leurs affaires dans leur chambre. Peut-être faudrait-il que le décret en Conseil d’État précise la durée d’absence autorisée.

M. le rapporteur. Le décret précisera les choses en temps et en heure. Effectivement, la situation est différente pour quelqu’un qui s’est absenté quarante-huit heures, et pour quelqu’un qui est parti pendant un mois. Clairement, les conséquences ne seront pas les mêmes.

L’alinéa 31 ne fait que préciser ce qui va de soi puisque, de toutes façons, les responsables du centre d’hébergement sont prévenus lorsque, par exemple, le demandeur d’asile est convoqué à l’OFPRA ou à la CNDA. Mais j’imagine que cette précision a été apportée pour éviter que quelqu’un ne se présente pas à certaines convocations en prétextant qu’il n’a pas reçu l’autorisation de quitter le centre.

La Commission rejette l’amendement AS29.

La Commission est alors saisie de l’amendement AS30 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Le demandeur d’asile ne pourra pas être hébergé dans certains établissements. Or l’hébergement et un droit inconditionnel pour toutes les personnes sans-abri, quelle que soit leur situation familiale ou administrative. Les alinéas 32 et 33 reviennent sur ce principe fondamental.

Je ne suis pas non plus pour l’anarchie, et j’accepte qu’il y ait un certain nombre de contraintes. Je conçois que celui qui abandonne son logement encourt certaines sanctions. Mais que cela remette en question la façon dont, ensuite, s’appliquera le droit à l’hébergement d’urgence, ne me paraît pas de bonne politique.

M. le rapporteur. Je ne pense pas que l’on puisse supprimer les alinéas 32 et 33 qui répondent à une certaine logique, selon laquelle la personne qui a refusé l’hébergement qui lui a été proposé n’a pas tous les droits. Le refus ou l’abandon d’un hébergement doit avoir des conséquences.

J’entends bien que quelques-uns contestent le fait qu’une décision donne des droits, et considèrent que tout le monde doit avoir tous les droits. Mais dans un État de droit, on définit toujours les droits associés à telle ou telle décision.

Peut-être la rédaction du Gouvernement a-t-elle besoin d’être précisée – en particulier la formule « Sans préjudice de l’article L.345-2-2 du code de l’action sociale et des familles… ». Mais dans la même logique d’efficacité et pour encourager les gens à tenir compte des recommandations qui leur sont faites, il faut que le fait d’avoir refusé l’hébergement proposé ou de l’avoir abandonné ait des conséquences.

M. Arnaud Richard. Le rapport sur la politique d’accueil des demandeurs d’asile, que j’avais rédigé avec Mme Dubié et que l’un de vous a évoqué, faisait suite à un autre rapport sur l’hébergement d’urgence que j’avais préparé avec Mme Danielle Hofmmann-Rispal. À cette occasion, nous nous étions aperçus qu’un pourcentage extrêmement substantiel des centres d’hébergement d’urgence était « ambolisé » par les déboutés du droit d’asile. Cette situation, qui n’est pas satisfaisante, est connue de tous.

Cher collègue Robiliard, je ne crois pas que l’on puisse dire que ce texte constitue une entaille au principe d’inconditionnalité de l’hébergement, auquel nous sommes tous attachés, et dont tous les Présidents de la République ont affirmé l’importance. Il s’agit juste de mettre nos textes en cohérence.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie des amendements AS32 et AS33 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je considère que ces amendements ont déjà été défendus.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement ces amendements.

La Commission est alors saisie de l’amendement AS34 du même auteur.

M. Denys Robiliard. L’idée est d’introduire de la souplesse dans un dispositif dont je reconnais la légitimité. Mais il est tout aussi légitime, pour un demandeur d’asile, de faire valoir qu’il a d’autres possibilités d’hébergement, sans que cela ait des conséquences négatives pour lui.

J’ajoute, à l’adresse de M. Richard, que c’est également ce que proposait le rapport d’information du CEC, selon lequel il fallait « préserver la possibilité pour le demandeur d’asile d’être hébergé en dehors du dispositif d’accueil (sans suppression de l’allocation temporaire d’accueil) s’il peut être hébergé par un proche. »

M. le rapporteur. Je pense que M. Robiliard a tout lieu d’être satisfait, dans la mesure où l’autorité administrative « peut » subordonner le versement de l’allocation à l’acceptation d’hébergement. On ne dit pas que l’allocation sera systématiquement supprimée aux demandeurs d’asile qui n’iront pas dans l’hébergement proposé. Il y aura une évaluation au cas par cas.

Les demandeurs qui auront opposé un refus totalement injustifié – souvent des personnes qui abusent du droit d’asile et font en sorte de faire durer la procédure – pourront se voir supprimer le versement de leur allocation. Mais ce ne sera pas le cas de ceux qui ont de bonnes raisons de ne pas aller dans le centre proposé, par exemple parce qu’ils sont déjà hébergés dans leur famille.

M. Denys Robiliard. Je crois, monsieur le rapporteur, que votre lecture est erronée. Mon amendement porte sur l’alinéa 45, qui commence ainsi : « Le demandeur d’asile, qui a accepté les conditions matérielles d’accueil proposées » …. « peut bénéficier d’une allocation pour demandeur d’asile ». Cela signifie que la condition du bénéfice de cette allocation est d’avoir accepté les conditions matérielles d’accueil proposées ». Et c’est là tout le problème.

M. le rapporteur. Revenez un peu en arrière, à l’alinéa 29, qui commence ainsi : « L’autorité administrative « peut » subordonner le bénéfice des conditions matérielles d’accueil » … » à l’acceptation par le demandeur d’asile de l’hébergement proposé » … Cela signifie que le demandeur d’asile qui n’aurait pas de place en CADA et qui voudrait aller dans sa famille qui est à même de l’héberger pourra y aller et continuera à recevoir son allocation.

M. Denys Robiliard. Cela veut donc dire que l’on peut accepter mon amendement.

M. le rapporteur. Non, dans la mesure où, s’il était adopté, tous les demandeurs d’asile auraient droit de toucher l’allocation. Or notre souhait est d’accorder cette allocation à tous les demandeurs d’asile, sauf à une partie de ceux qui n’acceptent pas les conditions qui leur sont proposées.

M. Denys Robiliard. La rédaction actuelle fait que celui qui n’aura pas accepté les conditions matérielles d’accueil proposées alors qu’il avait de bonnes raisons de le faire ne touchera pas l’allocation.

M. le rapporteur. Il faut appliquer conjointement les deux alinéas 29 et 45. Ainsi, on comprend que l’autorité administrative accordera systématiquement l’allocation aux demandeurs d’asile qui iront dans le lieu d’hébergement proposé, et de façon moins systématique aux autres.

Ce serait une erreur d’accepter votre amendement, qui met par ailleurs en cause la directivité de l’orientation du demandeur. Je précise que cette directivité joue aussi bien pour les centres que pour les régions. Et ceux d’entre vous qui viennent de régions sursaturées seront contents lorsque l’on aura rétabli un meilleur équilibre au niveau national.

M. Jean-Louis Roumegas. L’adoption de l’amendement de M. Robiliard ne rendrait pas automatique le versement de l’allocation au demandeur. L’alinéa 45 deviendrait en effet : « Le demandeur d’asile « peut » bénéficier d’une allocation pour demandeur d’asile s’il satisfait à des critères d’âge et de ressources. »

Inversement, et M. Robiliard a raison, si la condition exprimée dans la proposition relative n’est pas acceptée, le demandeur d’asile perd tout droit à l’allocation.

M. le rapporteur. C’est l’autorité administrative qui décide. Ce n’est plus un droit, mais une possibilité.

M. Jean-Louis Roumegas. Ce qui pose problème, c’est la création d’un pouvoir administratif en matière d’hébergement et d’allocation. On s’oriente vers un système très coercitif à l’égard de personnes qui ne sont pas clandestines et qui ont volontairement accepté la procédure de la demande d’asile.

M. le rapporteur. C’est à vous que cela pose un problème. Mais c’est un bénéfice pour les demandeurs d’asile, et en particulier pour ceux qui deviendront des réfugiés : ils seront hébergés dans des centres, auront un dossier, seront accompagnés ; en moins de neuf mois ils sauront à quoi s’en tenir, et certains d’entre eux pourront recommencer leur vie.

Pour d’autres, notamment pour les sans-papiers, ce sera plus difficile. Mais je vous rappelle que le but de la loi est de décourager l’utilisation indue de la procédure de demande d’asile par des gens qui pourraient légitimement demander le statut d’immigré ou d’étranger malade. Comme ils n’ont pas à passer par cette procédure, ils n’ont pas non plus à percevoir l’allocation des demandeurs d’asile.

Enfin, vous dites que les demandeurs d’asile auraient moins de droits que les sans-papiers. Ce n’est pas exact !

M. Denys Robiliard. J’observe qu’on ne peut pas savoir d’emblée, parmi les demandeurs d’asile qui sera reconnu réfugié, qui bénéficiera d’une protection subsidiaire et qui sera débouté. C’est un risque. Je l’admets néanmoins car il n’y a pas de dispositif parfait.

Ensuite, je ne pense pas faire une interprétation erronée de l’article L.744-9, puisque c’est celle qui figure dans l’exposé des motifs, que je cite : « L’article L.744-9 a pour objet l’allocation pour demandeur d’asile, « réservée » aux demandeurs d’asile ayant accepté l’offre globale de prise en charge et notamment son volet d’hébergement. »

Cela pose un problème dans la mesure où aujourd’hui, on n’est pas capable de proposer une place d’hébergement à chaque demandeur d’asile. Qu’est-ce qui va faire que l’on va attribuer une place à certains, qui pourront donc bénéficier de l’allocation, et pas à d’autres ? Qu’en sera-t-il de ceux qui auraient la possibilité de se loger en dehors du dispositif national d’accueil ? Il est donc nécessaire d’introduire une certaine souplesse dans la loi. C’est l’objet de ma proposition.

M. le rapporteur. Cette souplesse existe. Le texte ne prévoit pas que seuls les gens qui sont en CADA toucheront l’allocation, mais que la toucheront ceux qui ont accepté les conditions d’accueil, quelles que soient celles-ci. Ainsi, dans une région où les CADA sont saturés, ce sera une autre forme d’hébergement. Mais il est vrai que, par ailleurs, ce texte crée un certain lien entre l’acceptation d’un mode d’hébergement et la totalité des prérogatives. Et c’est votre droit de le contester.

Vous l’avez compris, je suis défavorable à l’amendement de M. Robiliard.

La Commission rejette l’amendement AS34.

Elle examine ensuite l’amendement AS21 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur. L’allocation ne doit pas tenir compte seulement des adultes, mais aussi de l’ensemble des membres de la famille. Dans une famille avec enfants, l’allocation doit donc être proportionnellement plus importante que dans une famille sans enfants. J’observe que cette façon de procéder est encouragée au niveau européen.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Tout en en comprenant parfaitement l’objectif, je m’interroge sur la recevabilité financière de cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est alors saisie de l’amendement AS35 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. L’article 14 substitue à la notion de « séjour autorisé » la notion de « droit au maintien sur le territoire ». Or la portée de ces deux notions risque d’être interprétée de façon différente et il ne faudrait pas que cela pose problème pour la prise en charge des demandeurs d’asile.

M. le rapporteur. La modification du titre de séjour n’entraîne pas la perte du bénéfice de la CMU. Quelle est votre crainte ?

M. Denys Robiliard. Actuellement, on remet d’abord au demandeur d’asile une autorisation provisoire de séjour, et ensuite un récépissé de trois mois renouvelable qui vaut titre de séjour. Demain, on lui remettra une attestation établissant qu’il sollicite l’asile.

Selon le projet de loi, cette attestation vaudra « droit au maintien sur le territoire » durant la durée de la procédure d’asile. Mais il n’est pas certain qu’il soit considéré comme un titre de séjour au sens du code de la sécurité sociale, lui permettant d’accéder à l’assurance maladie, et notamment à la CMU. Une clarification s’impose donc.

J’ajoute que je trouve dommage de passer d’une notion positive, le droit au séjour, à une notion négative, le droit au maintien sur le territoire, et que je déposerai des amendements sur ce point.

M. le rapporteur. La CMU est accordée sur simple preuve de convocation à la préfecture. Les demandeurs d’asile en bénéficient donc d’office. Le ministère de l’intérieur nous l’a d’ailleurs confirmé.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Sur le site de la Caisse primaire d’assurance maladie, ameli.fr, parmi les bénéficiaires des dispenses relatives à la stabilité de la résidence, figurent « les demandeurs d’asile, y compris de l’asile territorial, les demandeurs du statut de réfugié, et les personnes admises au titre de l’asile ou reconnues réfugiées ». Il suffit donc au demandeur d’asile de produire son récépissé pour obtenir la CMU de base.

M. Denys Robiliard. Aujourd’hui, les choses sont très claires et les demandeurs d’asile ne rencontrent aucune difficulté. Simplement, le projet de loi remplace le « droit au séjour » par le « maintien sur le territoire », ce qui n’est pas pareil. Comme je crains que ce remplacement n’entraîne des problèmes d’interprétation et, partant, des difficultés pour les demandeurs d’asile, j’ai déposé cet amendement.

M. le rapporteur. Défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est alors saisie de l’amendent AS36 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS5 de M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Aujourd’hui, en termes d’échange d’informations, il n’y a qu’une seule application, DN@, qui n’est pas consultable par certains acteurs, en particulier l’OFPRA, la CNDA ou Pôle emploi. Il en résulte une saisie parcellaire et non harmonisée des informations relatives à la situation des demandeurs, et des lacunes dans les interconnexions qui rendent possibles les situations d’indus évoquées par le rapporteur.

L’objectif est de disposer d’un système d’information qui soit ouvert en consultation et en saisie à l’ensemble des acteurs gérant les différents aspects de la situation des personnes, que ce soit l’OFII, l’OFPRA ou la CNDA. La mention de l’ouverture des droits à la CMU pourrait s’y ajouter.

Il s’agit de construire un outil intégré, permettant la visibilité de l’ensemble du public des demandeurs d’asile et la gestion des droits des personnes d’une manière rapide, efficace et efficiente. Des outils semblables ont été mis en place en Suède, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, et constituent une avancée réelle.

C’est une des propositions adoptées à l’unanimité par le CEC, que nous avions faites Mme Dubié et moi-même. Cela explique que nous soyons les coauteurs de cet amendement.

M. le rapporteur. Il est tout à fait légitime de vouloir se doter d’un outil de pilotage plus précis, plus complet. Aujourd’hui, les données dont nous disposons sont insuffisantes, s’agissant notamment de ce que deviennent ensuite les demandeurs d’asile. Un système d’information et de suivi serait donc opportun.

Le problème de cet amendement est qu’il ne peut pas être recevable, dans la mesure où il crée des charges supplémentaires et que, pour l’instant, on n’a pas trouvé le moyen de créer cette nouvelle structure en ayant en regard les moyens nécessaires.

Pourrait-on mettre au point, d’ici à la séance publique, une autre proposition qui n’entraînerait pas de charges additionnelles ? En on en profiterait pour préciser davantage les finalités du système, les modalités d’accès et le contrôle dévolu au magistrat.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je crains fort que cela n’entraîne des charges additionnelles.

M. Arnaud Richard. J’ai entendu parler, en 2003, d’un amendement relatif au droit à l’information sur les retraites, qui n’était pas gagé mais qui a abouti à la création du GIP Info Retraite, lequel constitue une avancée majeure dans la gestion du système de retraites. Si l’histoire pouvait se répéter, nous progresserions grandement dans la gestion du droit d’asile en France. Cela dit, je retire l’amendement AS5.

L’amendement est retiré.

La Commission émet alors un avis favorable à l’adoption de l’article 15 modifié.

Article 16 : Réglementation applicable aux centres d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA)

La Commission est saisie de l’amendement AS37 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Les premiers alinéas de l’article 16 font sortir les CADA du code de l’action sociale et de la famille. Je ne comprends pas pourquoi. Cela me semble même inquiétant, dans la mesure où il s’agit pour moi d’une dépense obligatoire de l’État.

M. le rapporteur. Le Gouvernement a voulu simplifier le fonctionnement des CADA et limiter les contentieux, mais cela n’affecte en rien les droits – en particulier sociaux – de l’ensemble des résidents. Si vous avez des craintes à cet égard, nous pourrons demander plus de précisions.

M. Denys Robiliard. Je voudrais juste comprendre pourquoi on retire les CADA du code de l’action sociale et des familles.

M. le rapporteur. Nous en reparlerons. Peut-être pourriez-vous retirer votre amendement ?

M. Denys Robiliard. Je le retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine alors l’amendement AS40 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Nous abordons ici le problème de la domiciliation, récurrent en matière d’asile.

Il se trouve qu’au tout début de la procédure, tant que le demandeur d’asile n’est pas dans le dispositif d’hébergement, il n’a pas d’adresse. Or pour pouvoir recevoir les convocations, répondre et participer à la procédure de détermination de son statut, il faut en avoir une.

Le projet de loi dispose, à l’alinéa 34 de l’article 19, que ce problème sera réglé par décret. Mais pourquoi ne pas se servir de ce qui existe ? Je pense au dispositif mis en place par la loi du 5 mars 2007, sur le droit à domiciliation des sans domicile stable.

M. le rapporteur. Cet amendement aurait plutôt sa place à l’article 19, au niveau de l’alinéa 45, où l’on traite de la domiciliation des demandeurs d’asile. En attendant, j’émets un avis défavorable.

M. Denys Robiliard. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS44 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je considère que cet amendement est défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine alors l’amendement AS39 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Le projet de loi distingue les demandeurs d’asile qui ne sont pas sous procédure dite « Dublin » de ceux qui y sont : j’entends par là les personnes dont la France pense que c’est à un autre État de l’Union européenne de déterminer si elles sont susceptibles d’avoir le statut de réfugié ou si elles nécessitent une autre protection internationale.

Cette distinction, qui se retrouve dans les conditions matérielles qui sont faites aux demandeurs d’asile, constitue une application erronée du droit européen, comme l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 27 septembre 2012. Il serait bien d’en tenir compte, dans la mesure où nous devons transposer les normes européennes dans notre droit national, et de faire cesser une telle distinction.

M. le rapporteur. Les étrangers de la procédure « Dublin », qui attendent d’aller dans un autre pays européen où la procédure de demande d’asile va être analysée, ne restent en France que de façon très transitoire. Vers quel type d’hébergement faut-il donc les orienter ?

La loi prévoit de ne pas les maintenir systématiquement en CADA, dans la mesure où l’accompagnement qui y est assuré est plutôt réservé à d’« authentiques » demandeurs d’asile en France. Ces personnes sont en attente de voyage vers un autre pays européen, et la procédure de demande d’asile en France n’est même pas engagée.

Avis défavorable.

M. Denys Robiliard. On ne peut pas raisonner à partir de la notion « d’authentique demandeur d’asile » qui, juridiquement, n’existe pas. Il y a des demandeurs d’asile, dont certains seront reconnus comme réfugiés, et d’autres pas. Pour autant, ce sont tous des demandeurs d’asile.

M. le rapporteur. Ils sont d’authentiques demandeurs d’asile, mais pas en France …

M. Denys Robiliard. Mais vous anticipez ! Une personne qui fait l’objet d’une procédure Dublin est une personne dont la France va solliciter la réadmission, par un autre État, au motif que le règlement dit « Dublin III » s’applique, et que c’est donc à cet autre État de l’examiner. Simplement, on ne sait pas, pendant le cours de cette procédure, ce qu’il adviendra.

Plus fondamentalement, deux notions me paraissent devoir entrer en ligne de compte.

D’une part, aujourd’hui, l’asile a nécessairement une dimension européenne. C’est une des conséquences de l’espace Schengen. Nous transposons des directives européennes. Par conséquent, en rédigeant la loi, nous devons respecter non seulement les directives, mais l’ensemble du droit communautaire : c’est une même politique.

D’autre part, vous n’avez pas répondu à propos de la distinction que vous opérez s’agissant des droits des demandeurs d’asile. Pour le droit communautaire, le demandeur d’asile, qu’il soit dans n’importe quel État membre, est un demandeur d’asile et doit être traité comme tel, là où il se trouve, y compris quand deux États membres discutent entre eux de celui qui examinera, en fin de compte, sa demande d’asile. La distinction française est donc contraire au droit communautaire et elle ne me paraît pas devoir l’être plus longtemps. Comme nous sommes en train de transposer, au travers de ce projet de loi, deux directives européennes de juin 2013, la directive « procédures » et la directive « accueil », autant en profiter pour se mettre d’aplomb par rapport à l’ensemble des normes communautaire.

M. le rapporteur. Le droit communautaire ne définit pas dans quel lieu d’hébergement doivent aller les demandeurs d’asile. Ce n’est pas de son ressort.

Par ailleurs, il est indiqué à l’alinéa 15 de cet article 16 : « à l’exception des personnes dont la demande d’asile relève d’un autre État membre au sens de l’article L.742-1 … » Ce sont clairement des personnes dont toute la procédure sera traitée dans un autre État. Il y a donc une certaine logique à faire en sorte de réserver aux personnes qui demandent l’asile en France les moyens importants mis en place dans les CADA, plutôt qu’à celles qui attendent un billet d’avion pour aller dans un autre pays où leur demande va être examinée.

M. Denys Robiliard. Selon le droit communautaire, le demandeur d’asile est le même, quel que soit l’État membre dans lequel il se trouve. Ce demandeur d’asile doit donc être traité comme tel et non discriminé par rapport aux autres demandeurs d’asile, dans quelque État qu’il se trouve. Après, le dispositif mis en place relève effectivement de l’État membre. Mais une personne sous la procédure dite « Dublin » est tout de même un demandeur d’asile, même si la France pense – mais c’est la procédure qui le dira – que sa demande doit être examinée par un autre État.

Voilà pourquoi il ne doit pas être traité différemment des autres demandeurs d’asile dont la France estime que c’est à elle d’examiner la demande. Il ne doit pas y avoir de discrimination entre deux demandeurs d’asile au sens du droit communautaire. C’est ce qui ressort de l’arrêt rendu en 2012 par la CJUE.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS45 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il est défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16.

Article 17 : Coordination

La Commission est saisie de l’amendement AS41 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je pense qu’il serait plus opportun de traiter ailleurs de l’importante question de l’accès des demandeurs d’asile au marché du travail. Je retire donc mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 17.

Après l’article 17

La Commission examine l’amendement AS43 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Il convient que la domiciliation puisse être établie par ce projet, sans qu’il soit nécessaire de renvoyer à un décret. Je vise, de ce point de vue, le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté qui propose d’unifier les trois régimes de domiciliation - généraliste, AME et admission au séjour asile. On pourrait le faire à cette occasion.

M. le rapporteur. En raison des charges additionnelles que cela entraînerait, le ministère n’a pas souhaité que l’on unifie les trois régimes de domiciliation. Je me range à son avis, d’autant qu’à mon sens, la domiciliation par les associations répond aux besoins. En outre, ses conséquences ne seraient pas que financières. En effet, les CCAS ont clairement exprimé leur volonté de ne pas avoir à remplir cette nouvelle mission. J’émets donc un avis défavorable.

M. Denys Robiliard. Ce n’est pas une augmentation de charges, puisqu’il s’agirait de mettre en place un dispositif unique et commun à différentes institutions. Qu’il y ait des réticences de la part de certains, je le comprends. Mais que ce soit une charge supplémentaire pour la collectivité, non. Le nombre des bénéficiaires ne sera pas modifié. Simplement, il n’y aura plus trois procédures avec trois interlocuteurs, mais une seule.

Le Gouvernement explique à l’envi qu’il faut simplifier le droit : pour une fois qu’on a l’occasion de le faire en remplaçant trois dispositifs par un seul, allons-y !

M. Arnaud Richard. Nous avions fait une proposition assez similaire. Je considère que M. Robiliard a raison de proposer un tel amendement. Je voterai donc cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est alors saisie de l’amendement AS42 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je le retire.

L’amendement est retiré.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous avons terminé l’examen des articles sur lesquels notre Commission était saisie pour avis.

La réunion s’achève à vingt heures quarante.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 18 novembre 2014 à 17 heures 15

Présents. – M. Élie Aboud, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane, Mme Sylviane Bulteau, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, M. Richard Ferrand, Mme Hélène Geoffroy, Mme Joëlle Huillier, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, Mme Dominique Orliac, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard,
M. Jean-Louis Roumegas, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Jean-Louis Touraine

Excusés. - M. Stéphane Claireaux, Mme Jacqueline Fraysse, M. Christian Hutin, M. Jean Leonetti, Mme Bérengère Poletti