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Commission des affaires sociales

Mercredi 19 novembre 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 19

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Examen, ouvert à la presse, de la proposition de loi de M. Jean-Christophe Lagarde relative au financement de la recherche oncologique pédiatrique par l’industrie pharmaceutique (n° 1187) (M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur)

– Examen, ouvert à la presse, de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement (n° 1637) (Mme Annie Le Houerou, rapporteure)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 19 novembre 2014

La séance est ouverte à neuf heures quarante.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission)

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, avant d’entamer nos débats, je tiens à vous signaler la présence parmi nous de deux députées allemandes qui participent au programme « séjour de contact ». Ce programme, organisé alternativement en France et en Allemagne depuis 1998, est un séjour d’immersion qui vise à familiariser tour à tour les députés français et allemands avec les modes de travail parlementaire des deux pays. Nos collègues allemandes ont été reçues en début de semaine dans la circonscription de leur « député hôte ».

J’ai donc le plaisir d’accueillir Mmes Elke Ferner et Ursula Groden-Kranich. Mme Elke Ferner, députée SPD de la Sarre, membre de la commission de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse et secrétaire d’État parlementaire auprès de la ministre fédérale de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse, a été reçue par Mme Martine Martinel, députée de la Haute-Garonne. Mme Ursula Groden-Kranich, députée CDU/CSU du land de Rhénanie-Palatinat, membre de la commission de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse, a été reçue par notre collègue Isabelle Le Callennec.

Chères collègues, soyez les bienvenues parmi nous. (Les membres de la Commission applaudissent.)

Nous avons aujourd’hui un programme particulièrement chargé puisqu’il comporte l’examen de deux propositions de loi inscrites à l’ordre du jour de la séance publique de la semaine prochaine : le mardi 25 novembre, à l’issue de la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), pour la proposition de loi sur le stationnement des handicapés, et le jeudi 27, dans le cadre de la niche du groupe UDI, pour le texte relatif au financement de la recherche oncologique pédiatrique.

Nous commençons par celui-ci.

La Commission des affaires sociales examine, sur le rapport de M. Jean-Christophe Lagarde, la proposition de loi relative au financement de la recherche oncologique pédiatrique par l’industrie pharmaceutique (n° 1187)

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je souhaite la bienvenue à M. Jean-Christophe Lagarde, qui a rejoint notre commission pour cette occasion. J’en profite pour le féliciter d’être devenu le président de l’UDI.

Avant de lui donner la parole, je rappelle que cette proposition de loi fait appel à l’humain. Tous, nous avons reçu des messages très poignants sur ces cancers qui touchent des enfants, même si, évidemment, la mort n’a pas de prix, quel que soit l’âge de la personne.

C’est pourquoi je souhaite que nos débats se tiennent dans le calme : toute parole doit être respectée. N’oublions pas que les Français nous regardent en direct aujourd’hui sur ce sujet éprouvant qui suscite beaucoup d’émotion.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Mes chers collègues de la Commission des affaires sociales, permettez-moi tout d’abord de vous dire mon plaisir d’être accueilli aujourd’hui au sein de votre commission pour vous soumettre ma proposition de loi.

Il s’agit d’un texte auquel je suis particulièrement attaché, compte tenu des raisons que vous avez évoquées, madame la présidente : né sur le constat de situations difficiles en services d’oncopédiatrie, il a été construit en partenariat avec des associations de parents et des chercheurs.

Je remercie le groupe UDI d’avoir permis son inscription à l’ordre du jour et je vous remercie de l’attention que vous portez à ce sujet.

Je souhaite tout d’abord évoquer la situation des enfants touchés par le cancer dans notre pays. Je décrirai ensuite l’organisation et les moyens de la recherche oncologique pédiatrique en France avant de vous démontrer en quoi le dispositif que je propose permettra des avancées significatives dans ce domaine, au point, je l’espère, de vous convaincre de l’adopter.

Le cancer pédiatrique se caractérise par ses nombreuses particularités. Près de 2 500 enfants et jeunes de moins de dix-huit ans sont touchés par un cancer chaque année. Si le taux de guérison est élevé chez les enfants – de l’ordre de 80 % après cinq ans –, il est bien plus faible chez les adolescents, proche de 50 %. De plus, 40 % des jeunes ayant guéri de leur cancer en conserveront des séquelles toute leur vie. Il s’agit toujours, évidemment, de situations terribles pour les familles. Près de la moitié des cancers de l’enfant interviennent avant l’âge de cinq ans.

En dehors des leucémies, dont le traitement explique l’essentiel des guérisons – la leucémie est le cancer le plus aisé à guérir chez l’enfant –, les cancers pédiatriques concernent un très faible pourcentage de la population mais dans bien des cas, il n’existe pas de traitement par une molécule mise sur le marché. Nous sommes face à des maladies rares, pour le traitement desquelles le développement et la commercialisation de médicaments ne sont pas rentables pour les industries pharmaceutiques.

Il revient donc à la collectivité de favoriser et, surtout, de financer directement la recherche sur ces pathologies particulières : la puissance publique le fait déjà, il est vrai, mais insuffisamment encore. D’où la proposition de loi que je vous soumets.

À l’article 1er, le texte propose d’instaurer une contribution assise sur les bénéfices de l’industrie pharmaceutique en France pour financer la recherche oncologique pédiatrique : en deux mots, une taxe sur les bénéfices tirés des produits rentables permettrait de financer la recherche sur des produits qui ne le sont pas.

À l’article 2, il vise à renforcer la personnalisation des traitements des enfants et des adolescents. Je le reconnais volontiers, la France consent déjà des efforts substantiels pour financer la recherche contre le cancer. L’Institut national du cancer (INCa) finance, pour plus de 100 millions d’euros, des programmes de recherche de grande qualité, déclinant les orientations des plans cancer successifs. L’INCa estime allouer à la recherche oncologique pédiatrique près de 10 % de ses ressources annuelles, ce qui est honorable par rapport au pourcentage de la population concernée, mais finalement assez peu au regard de la complexité de ces pathologies et surtout du faible intérêt industriel qui résulte de leur rareté.

Le Plan cancer en cours, qui couvre la période 2014-2019, revendique la prise en charge des cancers pédiatriques comme une priorité. Toutefois, l’essentiel des mesures tient à l’accompagnement et à la prise en charge des malades, non à la recherche de médicaments.

Certes, notre pays participe activement aux programmes internationaux de séquençage génomique des tumeurs, en insistant sur la nécessité de porter une attention particulière à celles affectant les enfants. Comme je le rappelle dans mon rapport, la France s’est portée candidate pour assurer le séquençage de sept tumeurs, dont trois sont particulières aux enfants. L’ambition est de bénéficier, à cette fin, d’un financement européen, dans le cadre du programme Horizon 2020, en cohérence avec le troisième Plan cancer qui vise le séquençage complet des cancers pédiatriques d’ici à 2019.

L’INCa a également mis en place le programme, appelé AcSé – accès sécurisé aux thérapies ciblées innovantes –, qui permet des partenariats avec des industriels qui mettent à disposition une molécule qui a l’autorisation de mise sur le marché ou en est encore au stade du développement. La puissance publique prend en charge les tests cliniques pour l’adaptation de cette molécule au cancer pédiatrique, dans le cadre des centres labellisés d’essais cliniques de phases précoces (CLIPP) et, en cas de réussite, l’industriel rachète le coût de ces développements et s’engage à fournir la molécule aux centres français qui en feraient la demande. Il s’agit d’un partenariat gagnant-gagnant très positif.

Là encore, la démarche que je propose consiste non pas à nier les efforts déjà consentis – bien au contraire, je les salue ! – mais à souligner qu’avec un peu de moyens supplémentaires nous pouvons accompagner la logique du plan cancer et la parachever en ce qui concerne les enfants et les adolescents.

D’autant que le moment est propice pour l’adopter.

En effet, ce texte injecterait des fonds au profit d’une recherche oncologique qui a beaucoup évolué et semble particulièrement prometteuse : c’est donc maintenant qu’il faut l’irriguer.

Ce travail sur le financement de la recherche oncologique pédiatrique m’a donné l’occasion de rencontrer nombre de chercheurs, d’institutions et d’associations. Tous ont décrit les formidables avancées de ces deux dernières décennies, permises par l’introduction de nouvelles méthodes de traitement et les perspectives ouvertes par le séquençage génétique. Ces travaux permettent en particulier d’identifier le mode de développement et de diffusion de cellules cancéreuses sur le fondement d’anomalies non pas d’un organe que l’on soignerait en tant que tel de son cancer, mais du paysage génétique. Schématiquement, des découvertes sur le cancer du poumon chez les adultes permettent ainsi, par analogie, d’identifier des voies de traitement du cancer pédiatrique du cerveau. Cette révolution est fascinante ! Mais précisément, nous devons l’accompagner, afin de tenir compte spécifiquement de la situation des enfants et adolescents.

Pourquoi ? Tout d’abord parce que le contexte de progrès généralisés dans la lutte contre les cancers rend encore plus insupportable l’absence de solution ou de progression significative sur tel ou tel cancer particulièrement rare. Ensuite, parce que ces avancées analogiques ne doivent pas faire de la recherche sur le cancer adulte la voie d’entrée essentielle pour la recherche pédiatrique. Nous ne devons pas nous contenter d’attendre des découvertes chez les adultes pour espérer des résultats chez les enfants. Il faut concentrer des moyens nouveaux au profit de la recherche pédiatrique. L’INCa le fait : avec un peu plus de ressources, il pourrait faire davantage encore.

La proposition de loi que je vous présente aujourd’hui permettra de lever environ 30 millions d’euros par an. Compte tenu des avancées du Plan cancer, je vous proposerai par amendement d’en réduire le montant à quelque 10 millions.

Grâce à cette ressource supplémentaire, chaque année, l’INCa pourra financer des programmes particulièrement attendus, visant notamment à favoriser la réponse à des appels à projets scientifiques afin de couvrir tout le spectre oncologique pédiatrique. L’absence de ces appels à projet empêche aujourd’hui les équipes de chercheurs de s’intéresser à ces cancers pédiatriques. Ces programmes tendraient également à systématiser la recherche translationnelle individuelle, afin de permettre le recours le plus large possible à des essais de traitement in vitro sur des cellules cancéreuses du patient cultivées en laboratoire en vue de renforcer l’individualisation des traitements, à soutenir l’équipement pour le séquençage à haut débit de cellules cancéreuses et à mieux accompagner les familles qui souhaitent participer à des travaux de recherche épidémiologique aujourd’hui inexistants.

Ce sont autant de projets majeurs qui avanceraient considérablement avec l’adoption de cette proposition de loi.

Mme Michèle Delaunay. Chacun est concerné par la cancérologie pédiatrique. Nous sommes toutefois conduits à émettre quelques réserves sur le texte

Sa rédaction contient trois impropriétés. La fréquence des cancers pédiatriques est en réalité à peu près stable : les études très anciennes ne pouvant être considérées comme fiables, on ne saurait conclure à une augmentation notable de la fréquence des cancers pédiatriques. De plus, comme vous l’avez vous-même rappelé, monsieur Lagarde, les progrès thérapeutiques sont réguliers, voire spectaculaires, alors que la rédaction du texte pourrait laisser à penser le contraire. Enfin, beaucoup est fait en matière de cancers pédiatriques et le troisième Plan cancer – vous l’avez noté – incite à les inclure plus largement dans des essais thérapeutiques labellisés.

Trois raisons médicales président à nos réserves. Premièrement, cette proposition de loi oppose la recherche pédiatrique en oncologie à la recherche générale en oncologie, alors que chacun sait que les lisières sont floues et que, vous l’avez remarqué, ce qui profite à la recherche pédiatrique peut profiter à la recherche chez l’adulte et inversement. C’est notamment le cas des recherches aux plans moléculaire et fondamental.

Il nous paraît d’autant moins opportun d’opposer les deux recherches que – et nous avons également consulté des chercheurs et des spécialistes – la part de financement mise dans la recherche oncopédiatrique est égale ou supérieure à la fréquence de ces cancers.

Deuxièmement, la notion d’individualisation prête à discussion : les cliniciens qui ont lu le texte ont tenu à souligner que tous leurs traitements sont individualisés. Les protocoles thérapeutiques sont adaptés à la constitution de chaque enfant et tiennent compte de chaque paramètre. L’individualisation véritable ne peut être atteinte qu’à l’échelon génétique – vous l’avez noté –, c’est-à-dire par séquençage : or les études sur les thérapies ciblées, qui sont en cours et dont on attend de grands progrès, sont correctement soutenues.

Troisièmement, le texte laisse entendre que la cancérologie pédiatrique souffrirait d’une insuffisante collaboration avec l’étranger. Ce n’est pas vrai. En oncologie, tout essai thérapeutique concluant est immédiatement partagé par la communauté scientifique internationale au sein des centres européens et mondiaux.

De plus, le texte nous paraît mettre en cause la communauté oncopédiatrique, alors que son investissement est énorme, compte tenu des drames vécus par les familles, qu’il convient d’accompagner.

Je tiens enfin à rappeler que l’industrie pharmaceutique participe déjà à la recherche, sous la forme d’une taxation de 1,6 % de son chiffre d’affaires net. Si nous créons une nouvelle taxe, je redoute que les industries pharmaceutiques ne se sentent dédouanées de leur contribution habituelle. Par ailleurs, ce sont, dans la plupart des cas, les industries pharmaceutiques qui introduisent dans les essais thérapeutiques de nouvelles molécules, dont un petit nombre seulement est issu de la recherche publique. Je crains, alors que la recherche des industries pharmaceutiques est déjà bridée par la rareté relative de ces tumeurs, qu’une nouvelle taxe ne les incite à ralentir leurs efforts en la matière, ce qui serait contraire à l’objectif poursuivi par le texte.

Tout en partageant le sens profond de cette proposition de loi, c’est donc avec des réserves que nous l’avons abordée : chaque cas de cancer pédiatrique représente un drame considérable. Loin de nous l’idée de montrer du doigt les familles qui, prêtes à tout pour sauver leur enfant malade, se tournent vers l’étranger où on leur fait miroiter de nouvelles thérapies : que chacun sache que si celles-ci ne sont pas reprises par la communauté scientifique, c’est que leur efficacité n’est pas démontrée.

M. Jean-Pierre Door. Les cancers pédiatriques constituent un sujet particulièrement grave qui dépasse les frontières politiques et concerne tous nos concitoyens : c’est le cas général des grandes questions de santé publique, comme l’indique le succès des collectes qui sont organisées par les différentes associations qui se consacrent à ces questions.

En matière de cancers pédiatriques, comme Mme Delaunay l’a rappelé, des progrès indéniables ont été accomplis. La prise en charge des cancers des enfants et des adolescents s’est structurée depuis une dizaine d’années via une trentaine de centres spécialisés régionaux et la mise en place d’organisations hospitalières interrégionales dans le domaine de l’oncologie pédiatrique.

Monsieur Lagarde, vous avez également évoqué les différents appels à projet référencés par l’INCa qui visent à améliorer la prise en charge des cancers des jeunes enfants, dont le plan cancer 2014-2019 fait une priorité.

Ces progrès ne sont pas suffisants, c’est sûr : il faut aller plus loin.

Votre proposition d’une meilleure individualisation des traitements, afin d’améliorer les chances de survie, semble intéressante. Vous proposez également la mise en place d’un fonds destiné à la recherche sur les cancers pédiatriques. Alors qu’une contractualisation est proposée aux laboratoires pour les inciter à prendre toute leur part dans cette recherche, la création, à l’article 1er du texte, d’une taxe sur l’industrie pharmaceutique n’est pas sans nous interroger. Comme Mme Delaunay l’a rappelé, celle-ci est déjà soumise à près de onze taxes, contre une moyenne de trois dans les autres pays. La création d’une nouvelle taxe pourrait avoir un effet contreproductif, surtout dans une période de croissance quasiment nulle, et affaiblir aux yeux des industriels du secteur pharmaceutique l’attractivité de la France.

Ne conviendrait-il pas, plutôt que de créer une nouvelle taxe sèche, d’envisager un dispositif incitatif à effet constant, prévoyant, par exemple, une baisse, au bénéfice des industriels qui favoriseraient la recherche en oncologie pédiatrique, des autres taxes qui les affectent ? Une telle démarche gagnante-gagnante inciterait l’industrie pharmaceutique à investir dans le domaine de l’oncologie pédiatrique.

Si nous sommes favorables à l’objectif d’un texte grave, qui nous touche tous, nous nous interrogeons en revanche sur la taxation supplémentaire qu’il prévoit, surtout en cette période difficile au plan économique : il ne faut pas affaiblir, je le répète, l’attractivité industrielle de la France en matière pharmaceutique.

À la fin de son examen, je formulerai la position du groupe UMP sur le texte.

M. Arnaud Richard. Aux yeux du groupe UDI, ce texte permettra d’apporter une réponse forte à la lutte contre les inégalités face au cancer, une priorité, comme l’a rappelé notre collègue Jean-Pierre Door, mise en avant par le Président de la République lors de la présentation du Plan cancer 2014-2019.

Chacun sait que l’excellence de notre système de santé se mesure à sa capacité à garantir un accès équitable à des soins de qualité et à l’innovation thérapeutique, afin d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies et de les guérir.

Nous avons tous conscience de l’impérieuse nécessité d’enrayer une spirale négative dramatique : le taux de mortalité des enfants victimes du cancer ne baisse plus depuis le milieu des années 1990 alors même que le taux de cancers des enfants augmente de 1 % à 3 % chaque année.

C’est pourquoi, je tiens à le dire sans détours à nos collègues socialistes : leurs amendements de suppression ne sont pas à la hauteur du débat que nous avons souhaité susciter en déposant cette proposition de loi.

Le texte de Jean-Christophe Lagarde vise en effet à apporter une réponse à une triple carence en matière de recherche oncologique pédiatrique et de prise en charge des enfants et des adolescents atteints de cancer.

Il s’agit tout d’abord de pallier une mobilisation insuffisante de la recherche en matière d’oncologie pédiatrique en développant un fonds de financement spécifiquement destiné à une recherche indépendante en faveur des enfants victimes du cancer.

En effet, comme le rapporteur l’a souligné lors de son intervention, l’Institut national du cancer alloue à la recherche oncologique pédiatrique 10 % de ses ressources annuelles. C’est un effort budgétaire significatif de la recherche publique mais insuffisant eu égard à la complexité des pathologies concernées et du désintérêt – le mot est fort, c’est vrai – du secteur privé pour ces maladies, qui ne peut s’expliquer, malheureusement, que par l’absence de rentabilité.

Il s’agit ensuite d’améliorer les chances de guérison des enfants atteints de cancers rares faisant partie des maladies dites « orphelines », pour lesquels les traitements sont inadaptés, en favorisant l’individualisation des traitements des cancers pédiatriques.

Enfin, si la lutte contre les cancers pédiatriques est érigée en priorité par le troisième Plan cancer 2014-2019, nous déplorons que les mesures dévolues spécifiquement à la recherche oncologique pédiatrique se résument au seul financement du séquençage de tous les génomes tumoraux pédiatriques.

En instaurant une taxe sur le chiffre d’affaires des laboratoires, trente-deux fois moins élevée que les taxes inscrites dans le PLFSS 2014, cette proposition de loi permettrait de recueillir 10 millions d’euros par an, une somme essentielle pour accompagner la logique du Plan cancer et permettre à la recherche sur les cancers pédiatriques de profiter du formidable mouvement de progrès réalisé en matière de lutte contre le cancer.

Oui, la recherche sur les cancers pédiatriques doit être davantage soutenue sans attendre 2019 et le prochain Plan cancer.

Les perspectives de progrès thérapeutiques sont prometteuses et l’enjeu est immense pour les enfants et les adolescents touchés par cette maladie : c’est pourquoi notre groupe soutiendra sans réserve cette excellente proposition de loi.

M. Jean-Louis Roumegas. Les dispositions du texte appellent plusieurs remarques.

Le retard en termes de médicaments dont souffre le traitement des cancers des enfants a plusieurs causes, notamment le manque d’intérêt des laboratoires pharmaceutiques à les développer pour des raisons de rentabilité et l’absence d’essais cliniques pédiatriques – les enfants ne sont pas prioritaires. Nous avions déjà observé une inégalité entre les hommes et les femmes s’agissant des tests médicamenteux qui sont essentiellement effectués sur des sujets masculins. Il existe une inégalité similaire entre les enfants et les adultes.

Toutefois, la solution proposée par le texte nous paraît insatisfaisante. La contribution de l’industrie pharmaceutique est fixée de façon globale : si nous sommes favorables à son augmentation, nous ne le sommes pas, en revanche, à la création d’une nouvelle contribution qui ne serait pas lisible tout en étant inefficace à orienter la recherche de l’industrie pharmaceutique.

Le principe même d’une contribution fléchée créerait un précédent : d’aucuns demanderaient bientôt pourquoi la loi n’oriente les taxes que vers les cancers pédiatriques et non vers les maladies orphelines en général. L’INCa, du reste, n’est pas favorable à cette contribution spéciale, dont il serait pourtant le bénéficiaire. La définition de la place des enfants dans la recherche sur le cancer doit s’inscrire dans les plans cancer qui ont vocation à définir la stratégie nationale en la matière et au sein desquels il est effectivement important de s’assurer de la place réservée aux cancers des enfants.

Il faut donc inscrire la question dans une réflexion plus globale sur la façon d’inciter les laboratoires pharmaceutiques à orienter leur recherche vers les thérapies non rentables. Certains pays ont mis en place des prix à l’innovation qui pourraient remplacer la politique des brevets en rendant attractive la recherche pour les laboratoires, sans les rendre complètement dépendants une fois les solutions trouvées.

Enfin, il faut s’interroger sur les causes de l’émergence de cancers de plus en plus précoces chez l’enfant.

J’ai rendu un rapport d’information sur les perturbateurs endocriniens : la communauté scientifique a mis en évidence le risque de cancers précoces chez les populations vulnérables – femmes enceintes et enfants en bas âge – exposées à ces toxiques. Ne faut-il pas mener une politique de précaution et éviter l’exposition des populations les plus vulnérables à ces toxiques qui sont sans doute une des causes de l’émergence de cancers précoces ?

Le groupe écologiste ne peut soutenir ce texte en l’état.

Mme Isabelle Le Callennec. La prise en charge des cancers pédiatriques est annoncée comme une priorité du Plan cancer 2014-2019. Parmi les axes d’action figurent l’accompagnement global par-delà les soins et la continuité de vie pour l’enfant et ses proches. Je tiens à souligner, à cet égard, le travail formidable réalisé par les associations qui entourent les familles.

Un autre axe d’action – c’est l’objet de cette proposition de loi – est l’amélioration de l’accès des enfants et des adolescents à l’innovation et à la recherche, amélioration qui exige des moyens financiers importants et de la méthode.

Le texte propose de taxer l’industrie pharmaceutique : monsieur Lagarde, avez-vous exploré d’autres voies ? En effet, la taxe prélevée sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques, dont les effectifs sont en baisse depuis cinq ans, pèsera pour 42 millions d’euros par an sur ces laboratoires.

S’agissant de la méthode, imaginez-vous une recherche à l’échelle européenne ? Nous nous sommes tous réjouis de l’exploit de la mission Rosetta : est-il possible d’espérer une collaboration aboutie sur la recherche et donc une mutualisation des moyens au plan européen ?

M. Michel Issindou. Chacun a été peu ou prou concerné par ce sujet sensible. Qui n’a pas rencontré des parents en plein désarroi, touchés par la maladie de leur enfant ?

Mme Delaunay a évoqué les réserves que nous inspire ce texte : non seulement la recherche progresse, mais, de plus, l’industrie pharmaceutique a déjà été largement taxée – argument que l’UMP a repris. Il est donc délicat de nous demander de voter en faveur d’une proposition de loi qui instaure une nouvelle taxe alors qu’on nous reproche sans cesse de taxer l’industrie pharmaceutique. Toutefois, ce qui me gêne le plus, est le « saucissonnage » de la recherche que le texte entraîne. Bien que n’étant pas un spécialiste de ces questions, j’ai la faiblesse de penser que la recherche sur le cancer est un tout qui suscite chez les chercheurs la même volonté d’aboutir, que les malades soient jeunes ou adultes : les chercheurs ne les trient pas. Il faut conserver à la recherche son caractère universel. Le cancer est combattu avec la même force, quel que soit l’âge de ceux qui en sont atteints.

Telles sont les raisons pour laquelle notre groupe ne souhaite pas voter en faveur de ce texte.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je tiens à rappeler que nous avons trouvé l’UDI à nos côtés pour voter un amendement au PLFSS pour 2015 favorisant les génériques aérosols – les industries pharmaceutiques y étaient opposées.

C’était courageux de sa part.

M. Arnaud Robinet. Je tiens à remercier M. Lagarde de s’être penché sur un sujet important qui concerne un grand nombre de nos concitoyens. Toutefois, plusieurs points du texte suscitent des interrogations de notre part.

Pourquoi, tout d’abord, avoir déposé votre texte en plein milieu du débat sur le PLFSS ? Il eût été plus judicieux de l’introduire dans le cadre de celui-ci ou dans celui du projet de loi Santé, dont nous serons saisis au mois de janvier prochain.

Vous ciblez la question du financement de la recherche en France. Chacun peut regretter les baisses de crédits qui affectent la recherche publique. Les chercheurs des laboratoires labellisés, et, plus particulièrement, des centres de recherche que sont l’INSERM et le CNRS, sont inquiets.

S’agissant de la taxe instaurée par le texte, M. Richard a fait observer que, n’étant que de 0,15, elle est trente-deux fois inférieure aux taxes déjà mises en place dans le cadre des différents PLFSS. La droite et la gauche ayant considéré, depuis de trop nombreuses années, l’industrie pharmaceutique comme la variable d’ajustement des recettes de la caisse d’assurance maladie, il me paraît dangereux de rajouter une taxe supplémentaire, même modique, à celles qui pèsent déjà sur l’industrie pharmaceutique.

Je partage les propos de M. Door, sur la stratégie du gagant-gagnant, qui entre dans le cadre des discussions organisées au sein du Comité interassociatif sur la santé (CISS) entre l’État et l’industrie pharmaceutique. Cette stratégie, qui repose notamment sur des mesures d’ordre fiscal, vise à permettre aux différents acteurs de partager les moyens de parvenir ensemble aux objectifs fixés.

Il ne faut pas non plus écarter la question du financement européen : les États membres doivent avancer ensemble sur ces questions.

La question du prix du médicament est également posée – nous l’avons vu dans le cadre de l’examen du PLFSS. Il faut savoir que l’industrie pharmaceutique ne refuse pas de s’engager dans des recherches uniquement pour des raisons de rentabilité. C’est pourquoi le groupe UMP a demandé la création d’une mission d’information sur le prix du médicament, en vue de prendre en compte la recherche et les investissements réalisés par les différents laboratoires.

Ce texte nous permet en tout cas de souligner la qualité de l’expertise de nos équipes de recherche en matière oncologique.

Mme Françoise Dumas. Le texte ne nous paraît pas apporter des réponses pertinentes à la question, réelle, du manque de financement de la recherche oncologique générale et pédiatrique en particulier.

Un enfant qui est atteint d’un cancer souffre d’une pathologie qui, en dépit des progrès considérables réalisés par la science médicale, continue d’être mortelle, quelles que soient les générations qui en sont atteintes.

La dignité et le niveau d’implication des patients, des familles et des équipes médicales sont remarquables. Nous ne pouvons que les en féliciter et nous montrer dignes de leur combat – du reste, nombreux sont les Français membres d’associations nationales ou internationales spécialisées sur ces sujets.

La force des communicants ne doit pas primer sur la cohérence dans la lutte ni l’émotion suscitée par les cas individuels sur la coordination nationale et globale de la recherche. Il n’est pas pertinent d’opposer la recherche pédiatrique à la recherche générale. Rien ne nous dit que les traitements de demain ne seront pas issus de recherches complètement différentes. Seule une vision d’ensemble de la recherche médicale et oncologique permettra de réaliser de réels progrès en la matière. Les orientations fiscales ne peuvent ni ne doivent être les principaux outils d’une politique de recherche, car ce serait prendre le risque d’un désengagement des laboratoires.

C’est pourquoi le troisième plan cancer, qui est une des priorités du Président de la République, répond à une vision d’ensemble et comprend des mesures qui, bien qu’insuffisantes, contribueront fortement à lutter contre le cancer, notamment chez les enfants. Des partenariats européens et les centres de recherche et d’essais au sein d’un dispositif national spécifique de lutte contre les cancers rares de l’enfant sont les instruments d’une politique cohérente et efficace. C’est ainsi que nous parviendrons à réaliser le séquençage complet du génome des tumeurs de l’enfant, peut-être avant la fin du plan.

C’est en apportant une vision claire, en assurant un environnement stable et en favorisant la collaboration internationale que nous y parviendrons.

M. Fernand Siré. Les enfants sont différents des adultes : on a fait d’ailleurs du traitement des enfants une spécialité – la pédiatrie.

De plus, lorsqu’un enfant est atteint d’une pathologie, il n’est pas malade seul : son environnement est atteint, qu’il s’agisse de sa famille ou de ses camarades d’école. La prise en charge est donc particulière.

Le simple fait d’évoquer la question est important.

Il faut toutefois se montrer réaliste : les laboratoires n’ont pas les moyens, pour des raisons de rentabilité, de faire de la recherche sur les médicaments destinés spécifiquement aux enfants.

Si ce texte n’apporte pas toutes les solutions, il constitue une avancée. Je tiens cependant à préciser que je suis favorable non pas à une taxation supplémentaire mais à une détaxation des laboratoires qui s’engagent à procéder à des recherches sur les médicaments oncologiques et généraux destinés aux enfants.

M. Bernard Accoyer. Nous ne pouvons que réserver un accueil positif à une proposition de loi soutenue par des familles cruellement touchées. Nous ne pouvons qu’encourager la recherche en oncologie et en oncologie pédiatrique. En la matière, il convient de rendre hommage à la communauté scientifique française particulièrement active qui met constamment en œuvre les avancées thérapeutiques de la communauté de la recherche internationale.

Il n’en reste pas moins que l’instauration d’une nouvelle taxe et son affectation à une pathologie oncologique particulière ouvre la voie à une sorte de compétition des financements entre les différents cancers, les diverses pathologies, les malades eux-mêmes, et les familles de malades, ce qui pose un sérieux problème éthique.

Compte tenu de la « surtaxation » subie aujourd’hui par l’industrie pharmaceutique française par rapport à ses concurrentes européennes, la nouvelle contribution ne constitue pas une solution et menace même l’avenir de la recherche en France. Alors que notre pays était en pointe dans ce secteur, je rappelle qu’il enregistre désormais des délocalisations.

Grâce au séquençage des génomes tumoraux prévu par le troisième Plan cancer, nous détiendrons la clef du traitement d’un grand nombre d’affections tumorales malignes et par conséquent de nombreux cancers de l’enfant. Le sujet est donc d’ores et déjà pris en compte.

À vrai dire, nous avons surtout besoin d’un débat sur l’accès durable à l’innovation médicamenteuse en France. Le dernier PLFSS n’a pas permis d’en discuter alors même que nous sommes engagés dans des mécanismes qui, à terme, pourraient restreindre cet accès. Le débat a eu lieu concernant le traitement de l’hépatite C ; il devra se tenir au sujet des médicaments biotechnologiques. Nous devons concentrer nos efforts sur ce sujet.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Accoyer, pour la première fois, le PLFSS pour 2015 aborde la question de l’accès à l’innovation dans plusieurs de ses articles.

M. Élie Aboud. Contrairement à ce que j’ai entendu, la mortalité et la morbidité augmentent aujourd’hui en matière d’oncologie pédiatrique alors que, globalement, la recherche publique française, autrefois classée parmi les premières du monde, ne figurera bientôt plus dans les quinze premières de ce palmarès. De son côté, la recherche privée ne s’est jamais intéressée à l’oncologie pédiatrique parce que le secteur n’est tout simplement pas rentable.

Monsieur le rapporteur deux éléments me gênent dans votre proposition de loi.

Si je suis heureux de constater aujourd’hui que mes collègues socialistes et écologistes déclarent leur solidarité avec l’industrie pharmaceutique confrontée à de nombreuses difficultés, je regrette que l’alinéa 3 de l’article 1er exclue de l’assiette de la nouvelle taxe le chiffre d’affaires réalisé au titre des spécialités génériques. Certains laboratoires ne font aucune recherche et se contentent de faire des affaires avec des molécules existantes. Ces entreprises ne consentent aucun effort en matière de recherche, et elles seraient dispensées de payer la nouvelle contribution : c’est un peu fort de café ! Pourquoi leur faire ce véritable cadeau ?

L’alinéa 4 de l’article 1er prévoit par ailleurs le taux de la contribution due au titre du chiffre d’affaires réalisé en 2013 et 2014. Je suis troublé par le fait que la taxe puisse s’appliquer à l’activité d’années passées et que vous lui donniez ainsi un effet rétroactif.

Il reste que, hormis ce qui concerne ces deux remarques de fond, je suis pleinement solidaire de cette proposition de loi.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Aboud, je me permets de vous signaler que les laboratoires qui ne produisent que des médicaments génériques et qui n’investissent pas dans l’innovation ne bénéficient pas du crédit impôt recherche.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Des problèmes nous sont aujourd’hui posés qui dépassent largement ceux des cancers infantiles. Nous vivons en effet une véritable révolution de l’industrie du médicament et du financement par cette dernière de la recherche et du développement.

La médecine de demain subdivisera les patients, notamment en cancérologie, en une multitude de groupes et de sous-groupes de plus en plus réduits pour choisir les traitements les plus efficaces et les moins toxiques. Cette évolution se produit alors que l’on constate un recul de l’innovation et des bénéfices de l’industrie pharmaceutique – la plupart des médicaments les plus vendus tombent en effet dans le domaine public. M. Aboud a eu raison de souligner qu’il serait paradoxal d’exonérer de la nouvelle contribution les laboratoires produisant des médicaments génériques, car ils ne font que bénéficier de la recherche des autres. L’industrie pharmaceutique met aujourd’hui sur le marché un nombre insuffisant de médicaments nouveaux pour compenser les pertes liées au transfert dans le domaine public de ses produits qui se vendent le mieux.

Plutôt que d’envisager la mise en place d’une nouvelle taxe, sachant qu’une partie importante sera affectée à sa collecte et servira à contrôler son utilisation, mieux vaudrait s’interroger sur les freins au développement de nouvelles molécules destinées à des populations peu nombreuses. Il faudrait par exemple réfléchir avec les instances de régulation afin qu’elles adoptent des critères d’essais moins exigeants et permettent qu’il soit possible, pour certaines pathologies, de bénéficier des dérogations accordées aux médicaments orphelins.

Nous devrions aussi nous interroger sur la question des brevets. Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, l’Office européen des brevets ne permet pas de breveter des méthodes de traitement ; or ces médicaments ciblés sont de plus en plus souvent prescrits après recours à des tests compagnons. L’on devrait également se poser des questions sur la durée de protection des brevets. Elle est aujourd’hui limitée à vingt ans à compter du dépôt alors que dix ans passent en général entre le dépôt du brevet et l’autorisation de mise sur le marché. Autrement dit, la protection n’est effective que durant dix ans ce qui est totalement insuffisant pour amortir les frais de recherche et de développement, sauf à accepter des prix du médicament insupportables pour l’assurance maladie.

M. Jean-Pierre Barbier. Sur le fond, nous sommes évidemment tous favorables à cette proposition de loi déposée en 2013. Malheureusement, entre 2013 et aujourd’hui, deux PLFSS ont été adoptés qui ont eu des conséquences dramatiques pour l’industrie pharmaceutique. On peut donc craindre que l’instauration d’une nouvelle taxe ait aujourd’hui l’effet inverse de celui recherché : l’industrie risque de renoncer à la recherche et au développement encore plus qu’elle ne le fait déjà.

Je regrette également vivement que le futur projet de loi de santé publique que nous devons examiner au début de l’année 2015 n’aborde à aucun moment la question des maladies orphelines ou de l’oncopédiatrie. Il faut réparer cet inconcevable oubli.

Afin que les taxes soient mieux fléchées vers l’oncopédiatrie, la proposition de loi doit absolument être reprise, soit à l’occasion d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, soit lors du PLFSS pour 2016 ?

Comme M. Jean-Pierre Door, je souhaite que nous opérions à taxation constante pour l’industrie pharmaceutique tout en assurant une meilleure orientation des crédits vers l’oncopédiatrie et les maladies orphelines.

M. Dominique Dord. Si je ne puis que compatir et comprendre la souffrance des enfants concernés et de leurs parents, je dois aussi dire mon malaise. En effet, je ne vois pas comment il serait possible d’individualiser une cause aussi douloureuse soit-elle. Il existe beaucoup d’autres affections médicales à travers le monde auxquelles une réponse médicale suffisante n’est pas apportée. Dès lors, comment cibler une seule cause et opérer le découpage auquel procède la proposition de loi ?

Nous devons en conséquence à la fois remercier M. Jean-Christophe Lagarde de porter ce sujet sur la place publique, et probablement nous abstenir de voter ce texte.

M. Bernard Perrut. Si les progrès dans la lutte contre le cancer sont constants, si l’espérance de vie moyenne des enfants atteints s’améliore quelque peu, les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Je ne sais pas si la solution de financement proposé par notre collègue est la meilleure mais, en tout état de cause, il faut agir. Le Plan cancer 2014-2019 qui a fait des cancers pédiatriques une priorité est-il insuffisant alors que ces maladies demeurent la deuxième cause de mortalité chez les enfants et la troisième pour les adolescents ? Dans une société telle que la nôtre, bouleversée par les progrès scientifiques et technologiques, nous devons nous donner les moyens d’avancer sur ce sujet. S’il ne s’agit pas nécessairement d’adopter immédiatement la solution financière proposée, nous devons, quoi qu’il en soit, marquer notre volonté de faire des progrès sur une véritable question de société au cœur de l’humain.

M. le rapporteur. À ceux qui ont relevé que la proposition de loi ajoutait une taxe à une autre, je rappelle que ce texte a été rédigé en 2013, c’est-à-dire avant l’adoption du dernier PLFSS, mais que le calendrier propre aux « niches » parlementaires n’a pas permis de l’examiner avant ce mois de novembre.

J’insiste sur le fait que je n’ai pas prétendu que le Plan cancer n’abordait pas le sujet des cancers pédiatriques. Je constate cependant qu’un certain nombre de ces cancers ne sont aujourd’hui pas ou peu traités ou explorés.

Madame Delaunay, je note que la plupart des réserves que vous avez exprimées portent plus sur l’exposé des motifs de la proposition de loi que sur son dispositif même. Si l’on enregistre une fréquence stable des cancers pédiatriques, je constate qu'en ce qui concerne les cancers pédiatriques, pas une molécule nouvelle n’a été mise sur le marché au cours de ces dernières années, ce qui relativise la notion de progrès scientifique en la matière.

Je n’ai en rien cherché à opposer la recherche menée au profit des adultes et celle appliquée aux enfants. J’ai au contraire indiqué que la première pouvait bénéficier à la seconde. Néanmoins, il me paraît regrettable qu’il n’existe quasiment pas de recherche spécifique en oncologie pédiatrique. Cela s’explique car les laboratoires pharmaceutiques ne se mobilisent que lorsqu’ils envisagent la production de médicaments qui pourraient être rentabilisés, ce qui est parfaitement compréhensible.

Je souhaite rendre systématique la recherche translationnelle individuelle : il s’agit de mener des recherches in vitro sur des cellules malades. Des équipes de chercheurs sont intéressées, mais les financements manquent. Des résultats permettraient de faire avancer la recherche fondamentale et la capacité de soigner individuellement les malades.

Pour ce qui concerne la collaboration avec l’étranger, madame Delaunay, vous avez raison, mais l’exposé des motifs a été rédigé en 2013.

À aucun moment, je ne mets en cause les oncopédiatres auxquels je souhaite seulement donner des perspectives et des moyens. Les familles sont confrontées à des drames, mais que dire des médecins qui doivent leur expliquer qu’on ne peut offrir à un enfant autre chose que des soins palliatifs parce qu’il n’existe pas de recherches sur un cancer spécifique ?

Monsieur Jean-Pierre Door, les moyens manquent pour l’oncologie pédiatrique en particulier, c’est la raison pour laquelle je présente cette proposition de loi. La contribution que je souhaite mettre en place constitue bien une taxe supplémentaire, mais si nous trouvons un autre moyen de financement, je ne m’y opposerai pas. En 2013, il ne me paraissait pas anormal de prélever une taxe sur des activités rentables pour financer une activité qui ne l’était pas. Il est vrai que, depuis la rédaction de la proposition de loi, a été créée la contribution additionnelle au taux de 1,6 %. Que l’on procède en faisant des économies ou en incluant la contribution nouvelle dans une autre taxe, il faut en tout état de cause flécher des crédits sans quoi les cancers pédiatriques resteront orphelins. Je note qu’une fraction du produit de 320 millions d’euros attendu de la contribution additionnelle doit par exemple participer au financement de l’organisme de gestion du développement professionnel continu. Cela me semble à tout le moins constituer un objectif plus éloigné de l’industrie du médicament que le financement de la recherche en oncologie pédiatrique. J’ajoute que les découvertes effectuées par la recherche profiteront à l’industrie pharmaceutique qui tirera en conséquence profit la nouvelle taxe.

Monsieur Richard, je vous remercie d’avoir souligné les carences du système actuel. Nous avons l’occasion d’y remédier d’une manière ou d’une autre. Aujourd’hui, nous ne faisons des progrès que sur les cancers que nous savons déjà soigner, et leur taux de guérison augmente. En revanche, rien n’évolue concernant certains cancers pour lesquels nous n’avons pas de réponse thérapeutique. Ainsi, nous enregistrons un taux de survie proche de 0 % concernant la tumeur maligne des tissus mous chez l’enfant, autrement appelée rhabdomyosarcome, ou le gliome malin infiltrant du tronc cérébral, ou encore certaines formes de leucémies.

Monsieur Roumegas, l’essentiel reste bien le fléchage des crédits sans lequel il n’y aura pas d’appel à projets et pas de fonds disponibles c’est-à-dire pas d’équipes qui se consacrent au sujet. Le fléchage n’est pas une innovation ; il se pratique déjà pour d’autres priorités comme la maladie d’Alzheimer, le sida…

Vous avez également à juste titre évoqué la précocité des cancers. Ce phénomène mérite que l’on s’y penche. Or il n’existe pas aujourd’hui d’étude épidémiologique systématique en la matière. On n’interroge pas les familles pour savoir si leur mode de vie ou d’autres éléments ont favorisé le développement de la pathologie.

Mme Isabelle Le Callennec. Par exemple au sujet des lignes à haute tension !

M. le rapporteur. Évidemment, le séquençage génétique constitue une priorité et une urgence, mais il ne peut être le seul volet d’action. Or dans le Plan cancer, en matière pédiatrique, c’est l’unique élément retenu jusqu’en 2019. Un financement dans le cadre d’Horizon 2020, le programme européen pour la recherche et l’innovation permettrait toutefois de faire avancer les études épidémiologiques ou par exemple l’immunothérapie, un champ qui doit encore être exploré concernant les enfants.

Monsieur Issindou, la guérison est en effet de plus en plus certaine pour plusieurs types de cancers peu nombreux mais qui touchent un grand nombre d’enfants. Le taux de létalité des autres cancers reste stable faute de moyens thérapeutiques appropriés.

Monsieur Robinet, j’avais déposé des amendements visant à introduire les dispositions de la proposition de loi dans le PLFSS. Pour des raisons que je ne parviens toujours pas à comprendre, ils ont été déclarés irrecevables en application de l’article 40 de la Constitution.

Madame Dumas, je ne réagis pas dans l’émotion, et je ne cherche pas à répondre à une émotion. Il me semble cohérent de vouloir que la recherche travaille dans un domaine dans lequel elle n’a pas les moyens de s’aventurer aujourd’hui. Peut-être le dispositif que je vous propose n’est-il pas le plus pertinent ? Je ne suis habituellement pas membre de votre commission, et vous saurez mieux que moi améliorer le texte qui vous est soumis. Je souhaite seulement que nous entamions sur ce sujet une réflexion collective et que les choses progressent. Rien ne nous dit que la recherche concernant les adultes aboutira à des résultats concernant les cancers pédiatriques. La recherche est par nature incertaine ; gardons-nous de ne chercher que dans une seule voie !

M. Siret a rappelé qu’il était intellectuellement insatisfaisant de laisser croire que la recherche relative au cancer des adultes permettrait de résoudre tous les problèmes des cancers des enfants. Il existe une médecine généraliste et une médecine pédiatrique : ce n’est pas pour rien. Les spécificités liées à l’enfant sont nombreuses : elles ne concernent pas seulement le dosage d’une molécule mais aussi, par exemple, la génétique. Monsieur le député, vous proposez de détaxer plutôt que de taxer. J’adhère de façon générale à ce raisonnement, mais vous ne parviendrez pas à financer par la détaxation une équipe de recherche qui ne se trouve pas dans un laboratoire.

Monsieur Accoyer, si nous bénéficions des crédits du plan Horizon 2020, nous parviendrons à financer le séquençage génétique. Sans cela, nous n’en aurons pas les moyens, et il n’y aura pas de séquençage – nous ne saurons ce qu’il en est qu’au mois de janvier prochain. Si ce financement intervient, la contribution que je propose peut se faire à un taux moindre. J’ai en conséquence déposé un amendement en ce sens, et un autre afin que la taxe n’entre en vigueur qu’en janvier 2016.

Monsieur Aboud, l’un de mes amendements prévoit que la taxe ne portera plus sur les chiffres d’affaires de 2013 et de 2014. Je suis partagé concernant votre remarque sur la contribution des entreprises produisant des génériques. Une logique consiste à ne pas reprocher à ceux qui ne font aucune recherche de ne pas en faire sur l’oncologie pédiatrique. Une autre consiste à considérer essentiellement le fait qu’ils ne font aucune recherche. Nous pourrons en débattre.

Monsieur Barbier, la taxe porte sur le chiffre d’affaires, et non sur la recherche elle-même. Il est préférable d’être au clair sur ce point. J’espère que notre débat permettra d’appeler l’attention sur un sujet qui mériterait de se retrouver dans la future grande loi de santé.

Monsieur Dominique Dord, l’individualisation d’une cause est possible parce que cette dernière a été oubliée jusqu’à aujourd’hui et qu’elle n’a bénéficié d’aucuns crédits. La société se doit de répondre à ce problème spécifique.

M. Perrut a raison : nous pouvons amender le Plan cancer. C’est bien cela que je cherche à faire. Plus globalement, nous sommes confrontés à un problème de société. Je ne conçois pas que nous renoncions à soigner parce ce que la production de médicaments ne sera pas rentable. Une famille peut entendre qu’une maladie ne se soigne pas parce que l’on n’a pas découvert de remède ; comment lui expliquer que l’on est démuni parce que l’on en a jamais cherché ? Si la solution que j’ai ébauchée pour mieux guérir nos enfants confrontés à une maladie mortelle n’est pas satisfaisante, je vous invite à l’amender afin que nous trouvions ensemble une réponse satisfaisante.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je rejoins M. Roumegas sur la création d’une nouvelle taxe : je n’ai rien contre son principe, mais nous ouvrons une porte qui pourrait être utilisée pour d’autres maladies. Nous le savons, les industries privées ne s’engagent pas sans certitude d’un retour rapide sur investissement. Pour citer un exemple très récent, le test rapide de diagnostic du virus Ebola a été élaboré par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) avant d’être développé dans le secteur privé.

En matière de recherche, je veux rappeler que la majorité actuelle est loin d’être restée inactive. Je citerai deux mesures importantes.

Nous avons permis la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Quelques parlementaires de l’opposition nous ont d’ailleurs rejoints sur le sujet, notamment M. Vialatte.

En juin 2014, la procédure d’accès aux essais cliniques a été simplifiée. Le délai d’attente qui pouvait atteindre mille jours a été réduit à soixante jours. La convention signée par Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, M. Arnaud Montebourg, alors ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, et Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, profitera aussi aux enfants. Elle était très attendue par les établissements de santé publics et privés, et par les industries du secteur. En la matière, n’oublions pas cependant les parents qui peuvent légitimement hésiter devant une innovation thérapeutique.

J’ajoute que le troisième Plan cancer contient également des mesures favorisant la recherche contre les cancers pédiatriques. Je pense au programme d’accès sécurisé à des thérapies ciblées innovantes (AcSé) lancé en 2013, ou aux Centres labellisés INCa de phase précoce (CLIPP).

Monsieur Lagarde, vous souhaitez la mise en place d’un protocole particulier pour les enfants ou les adolescents âgés de moins de dix-huit ans. Cette barrière de l’âge me gêne, même si elle correspond à la majorité légale. La lecture de l’article 2 me paraît tout simplement douloureuse parce que nous regrettons de la même façon qu’un protocole particulier ne soit pas mis en place lorsqu’il s’agit d’un malade de dix-huit ans et six mois ou lorsqu’il s’agit d’un autre qui atteindra sa majorité dans quelques mois.

Pour conclure, permettez-moi de rappeler que ce sujet nous touche tous profondément, que nous choisissions de nous abstenir ou de voter pour ou contre ce texte.

La Commission en vient à la discussion des articles.

Article 1er : Instauration d’une contribution finançant la recherche pédiatrique

La Commission est saisie d’un amendement AS1 de Mme Michèle Delaunay, de suppression de l’article.

Mme Michèle Delaunay. En l’état, pour des raisons d’ordre médical et parce que nous sommes réticents à la création d’une nouvelle taxe, nous ne sommes pas favorables à la proposition de loi. Mais ne vous méprenez surtout pas : comme Mme la présidente l’a dit, nous souhaitons évidemment soutenir et accompagner la recherche en oncologie pédiatrique.

Monsieur Lagarde, vous n’avez bien sûr pas voulu opposer la recherche en oncologie pédiatrique à la recherche oncologique générale, mais c’est ce qui résulte de votre proposition de loi puisqu’un seul des deux secteurs recevrait le produit de la nouvelle taxe. Pourtant les tumeurs orphelines existent aussi chez l’adulte, et certaines sont ignorées de la recherche. En tant qu’oncologue, j’ai personnellement pris en charge le mélanome : pendant trente ans, aucune molécule nouvelle n’a été découverte pour le guérir. Aujourd’hui, seules les thérapies ciblées font légèrement frémir les courbes de survie.

Dans les unités d’oncopédiatrie, des essais thérapeutiques sont proposés à quasiment tous les enfants. Il ne s’agit pas systématiquement de tester des molécules nouvelles : il peut s’agir de mixer radiothérapie et chimiothérapie classique, de choisir entre radiothérapie et abstention, entre chirurgie seule et chirurgie plus radiothérapie… Les cocktails peuvent être très différents.

Vous nous avez parlé des cas où il n’y avait pas de traitement du tout. La plupart du temps, il s’agit de cas où le diagnostic est posé à un stade auquel tout traitement deviendrait délétère voire létal. Le traitement de référence du gliome du tronc cérébral est par exemple la radiothérapie même si le taux de guérison est faible et que les risques existent. On peut citer le cas très récent d’une enfant qui, à la demande des parents, a été opérée par un médecin australien – au Luxembourg, cependant, ce qui interroge. Le rhabdomyosarcome se traite uniquement par la chirurgie qui, chez l’adulte, est complétée par la chimiothérapie utilisée très prudemment chez l’enfant en raison de ses conséquences sur un organisme en développement. Il n’est pas possible de considérer qu’il existe plus de situations sans traitement en oncopédiatrie qu’en oncologie en général. La thérapeutique peut être dépassée dans les deux cas ; il s’agit d’une expérience malheureuse que vivent tous les oncologues.

Nous proposons la suppression de l’article 1er pour tous les arguments déjà développés.

M. Dominique Dord. La mécanique de notre commission va conduire à rejeter l’article 1er, ce qui reviendra à « jeter à la poubelle » la proposition de loi de M. Lagarde. Il me semble que cette conclusion brutale ne reflète pas la teneur du débat qui vient de se tenir.

Nous ne devons pas donner le sentiment que la question posée par M. Lagarde ne nous intéresse pas. Peut-être pourrait-il revenir devant nous d’une manière ou d’une autre afin que nous puissions au moins lancer un appel à projets afin d’apporter une solution ? En réalité, un consensus fort existe bien parmi nous ; il faudrait qu’il se manifeste d’une manière ou d’une autre.

M. Jean-Pierre Door. Je l’ai rappelé : des progrès sont intervenus dans le traitement des cancers pédiatriques. Des appels à projet ont été lancés par l’INCa, dans le cadre du Plan cancer 2009-2013, et le Plan cancer 2009-2014 présente le traitement du cancer des enfants comme une priorité. Il faut néanmoins aller plus loin. C’est pourquoi je suis choqué par la première phrase de l’exposé des motifs de cet amendement, aux termes de la laquelle la proposition de loi ne serait « pas opportune ». Celle-ci me semble très opportune, au contraire, et je me réjouis que nous en débattions. Je demande donc à mes collègues de repousser l’amendement.

En l’espèce, c’est le financement qui pose problème. Taxer le chiffre d’affaires des laboratoires revient à taxer tout le monde, même les nombreux laboratoires français et internationaux qui ne mènent aucune recherche dans le domaine oncologique et pédiatrique. Il faut s’adresser à l’industrie pharmaceutique et à la recherche publique spécialisées pour trouver des fonds. Nous pouvons formuler des propositions en ce sens.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ne vous arrêtez pas à la première phrase de l’exposé des motifs de l’amendement. Les suivantes expliquent les raisons pour lesquelles on peut juger la proposition de loi peu opportune.

M. Jean-Louis Roumegas. L’amendement, qui tend à supprimer l’article, invite à prendre une position brutale, qui ne reflète pas la réalité de nos débats. D’un autre côté, la rédaction de la PPL n’est pas satisfaisante. La meilleure solution serait que Mme Delaunay retire son amendement et que le rapporteur propose avant la séance publique une rédaction plus consensuelle, au terme d’un travail auquel nous sommes prêts à participer. À défaut, nous nous abstiendrons tant sur l’amendement que sur la PPL.

M. Élie Aboud. Madame Delaunay, je m’étonne que vous proposiez de supprimer l’article, alors que vos analyses rejoignent quasiment celles du rapporteur. À vous entendre, il n’existe aucune différence, en matière d’oncologie, entre le monde adulte et celui de la pédiatrie.

Mme Michèle Delaunay. Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit !

M. Élie Aboud. Vous savez comme moi que beaucoup d’enfants malades, qui ne sont pas traités dans des centres universitaires ou des instituts de cancérologie, bénéficient d’une solidarité associative mais non des progrès de la recherche médicale.

Je pense, comme M. Door, qu’on entre dans un cercle vicieux si l’on taxe les laboratoires qui ne mènent pas de recherche pédiatrique, pour aider ceux qui s’y consacrent. Mieux vaut initier un cercle vertueux, en engageant l’industrie pharmaceutique à s’impliquer dans cette recherche.

M. Arnaud Richard. L’exposé sommaire de l’amendement est maladroit. La première phrase paraît particulièrement violente, quand on songe aux difficultés que rencontrent les familles. Sur le sujet, Mme Delaunay m’a paru aussi docte que mal à l’aise. Il est regrettable que la majorité n’entende pas le signal qu’a envoyé M. Lagarde en déposant la PPL.

Une solution serait de détaxer les laboratoires menant une recherche offensive en matière d’oncologie pédiatrique. On peut aussi engager une démarche européenne sur les maladies orphelines, afin de constituer des cohortes plus importantes.

Enfin, je rappelle que, même si ces amendements de suppression sont adoptés, le texte sera examiné en séance publique.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Est opportun ce qui vient à propos. Dès lors que la recherche pédiatrique avance, ce dont le rapporteur est convenu lui-même, il me paraît moins violent de juger que des dispositions ne viennent pas à propos, que de prévoir dans la loi une limite à l’âge de dix-huit ans.

M. Jean-Pierre Barbier. L’amendement de suppression est brutal, car il ferme la porte à toute discussion, exclut toute ouverture et n’envisage aucune solution. Pourquoi le groupe socialiste ne formule-t-il pas des propositions, par exemple sur le mode de taxation ? Dès lors qu’il est majoritaire, il sait que celles-ci peuvent aboutir, et apporter du réconfort et de l’espoir aux familles.

M. Michel Issindou. Nous ne sommes pas mal à l’aise sur ce sujet. Sur le fond, la proposition de M. Lagarde est bonne, mais, dès lors que nous écrivons la loi, nous sommes contraints d’effectuer un choix binaire. Nos collègues de l’UMP reconnaissent qu’il serait malvenu de taxer l’industrie pharmaceutique. Il faut résoudre le problème autrement. C’est pourquoi je suggère à M. Largarde de retirer son texte et de poursuivre sa réflexion.

Mme Chaynesse Khirouni. Il est difficile de se positionner sur un sujet aussi délicat, ce que M. Door a exprimé en termes plus mesurés que M. Richard. Comme M. Issindou, je pense que le rapporteur doit retirer le texte et revenir à ce sujet dans un autre cadre.

Mme Michèle Delaunay. En aucun cas, je n’ai cherché à être docte. Simplement, je ne veux pas laisser dire qu’un enfant atteint d’un gliome du tronc cérébral a été laissé sans proposition thérapeutique, ce qui ne se produit qu’en raison d’une extension de la tumeur ou de l’endroit où elle se situe.

Je ne suis pas mal à l’aise à l’égard de la proposition de loi qui porte sur un sujet auquel nous sommes évidemment tous sensibles. Le médecin que je suis partage le désarroi des parents. Je conviens aussi qu’il y a une brutalité intrinsèque au fait de répondre par oui ou par non à une proposition.

À mon sens, le débat doit se poursuivre, mais, outre les réserves médicales que j’ai formulées, je ne crois pas qu’il faille ajouter à la taxe existant un montant fléché vers la recherche sur les tumeurs pédiatriques, alors que l’industrie pharmaceutique est à l’origine de toutes les propositions de molécules.

Si la proposition de loi était retirée, je serais heureuse d’envisager d’autres options, pour avancer sur un sujet qui dépasse les clivages partisans.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Même si nous votons l’amendement, le groupe UDI pourra présenter ce texte dans sa niche parlementaire.

M. le rapporteur. Le groupe UDI a la possibilité de présenter des textes une fois par an, en novembre. Si vous repoussez le texte, nous devrons attendre un an avant d’en proposer un autre. Je rappelle en outre que, la proposition induisant un risque de dépense, le président de la commission des finances m’oppose systématiquement depuis 2013 les dispositions de l’article 40. C’est dire que mon groupe ne dispose pas d’une marge de manœuvre importante.

Quoi qu’il en soit, je ne revendique aucune paternité sur cette PPL, dont je ne fais pas une affaire politique. Je ne suis pas spécialiste du sujet. Je ne suis pas membre de votre commission. Je n’ai contesté ni le premier Plan cancer, lancé par Jacques Chirac, ni le deuxième, dont l’initiative revient à Nicolas Sarkozy. Je constate seulement que, dans le troisième Plan, le sujet n’est toujours pas traité, en dépit de certaines avancées.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Même si nous rejetons la proposition de loi, le groupe UDI pourra la maintenir, dans sa niche parlementaire du 27 novembre, auquel cas elle sera discutée en séance publique.

L’autre solution, si la Commission décide qu’il faut la retravailler, serait que son auteur la retire en vue de l’intégrer à un meilleur véhicule législatif, comme la loi de santé.

M. Élie Aboud. Si le groupe UDI présente la PPL en séance publique, elle ne sera pas adoptée. Il faut donc trouver une solution médiane. Je propose que le groupe maintienne le texte et que nous chercherions à amender.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Si M. Lagarde ne retire pas la PPL, nous devrons nous prononcer sur l’amendement de suppression, qui a de fortes chances d’être adopté. La proposition de loi sera donc supprimée en commission.

Le plus simple serait d’aller au bout de la démarche législative. Lorsque la ministre sera dans l’hémicycle, nous pourrons lui poser toutes les questions nécessaires. Nous lui demanderons notamment quel est le véhicule législatif le plus approprié pour inscrire des propositions relatives à l’oncologie pédiatrique.

M. le rapporteur. Je n’ai pas dit qu’il n’y avait pas d’avancées – l’AcSé et les CLIPP en font partie –, mais celles-ci sont limitées à certaines situations.

Je pense aussi, Madame Delaunay, qu’il faut éviter de personnaliser le débat et de mettre l’émotion en avant. Je ne l’ai fait en aucune façon. On peut toutefois s’interroger sur les raisons – probablement de sécurité juridique – qui peuvent amener un médecin à intervenir au Luxembourg plutôt qu’en France mais ce débat doit être tenu par ailleurs.

À aucun moment, je n’ai dit qu’il n’existait pas de traitement de référence. On peut recourir à la radiothérapie pour traiter le gliome, mais, dans ce cas, on atteint, à l’issue du traitement, un taux de létalité proche de 100 %. Un tel échec impose de rechercher d’autres voies. De même, c’est parce qu’on est désarmé face aux tumeurs malignes des tissus mous, qu’on se penche sur d’autres solutions que le séquençage génétique.

Je ne discerne nulle brutalité dans le processus législatif, puisque personne n’est obligé de voter en faveur de la suppression de l’article 1er. Le plus simple serait de formuler d’autres propositions.

Si, avant le 27 novembre, certains d’entre vous trouvent un dispositif plus adapté et plus consensuel – en proposant des économies dans d’autres domaines, une addition à la taxe de 1,6 % ou une modification du Plan cancer –, je m’en réjouirai. Mais nous ne pouvons pas nous abriter derrière l’argument selon lequel la recherche privée, seule à même de trouver des thérapies, n’a pas à s’exercer si elle n’est pas rentable.

J’ai entendu la proposition de M. Richard tendant à détaxer les laboratoires qui travailleraient sur certains sujets. Nous partageons les mêmes interrogations face au fait qu’une partie des problématiques spécifiques aux cancers pédiatriques ne soit pas prise en compte, bien que 10 % de la recherche oncologique soit consacrée à la pédiatrie. Le problème va bien au-delà des messages de parents ou des demandes d’associations que vous avez pu recevoir. Il s’agit de savoir quelle réponse la société apporte à une question de santé.

Si vous adoptez l’amendement de suppression, vous renoncerez du même coup aux amendements tendant à régler la question de la rétroactivité ou à diviser le montant de la taxe par trois. Nous cherchons actuellement 10 millions. Mais il en faudra davantage si nous ne sommes pas retenus dans le programme Horizon 2020.

Si, comme je le crains, le texte n’est pas adopté en commission, nous le soutiendrons néanmoins dans l’hémicycle, car la discussion doit se poursuivre, tant que nous n’aurons pas trouvé de solution. Il nous reste une semaine pour chercher des réponses consensuelles.

Je suis prêt, cependant, à retirer ma PPL, après avoir consulté le président de mon groupe, si la conférence des présidents propose d’inscrire un texte sur ce sujet en février ou mars.

Mme la présidente Catherine Lemorton. La conférence des présidents ne crée pas de jurisprudence de ce type. Lorsque le texte sera examiné dans l’hémicycle, nous aurons tout loisir de nous entretenir avec la ministre, mais je suggère au rapporteur de se mettre d’ores et déjà en rapport avec elle.

M. Arnaud Richard. Une autre solution serait que la Commission vote le texte à l’unanimité pour obliger le Gouvernement à prendre position.

M. Jean-Pierre Door. Tous les groupes sont d’accord pour que le débat ait lieu. Des propositions ont été faites de part et d’autre. Mme Delaunay considère qu’on peut faire avancer la recherche oncologique pédiatrique. De notre côté, nous avons formulé des propositions en matière de financement. La ministre nous répondra dans l’hémicycle. En attendant, pour éviter que la suppression de l’article 1er soit mal interprétée, je demande à Mme Delaunay de retirer son amendement.

M. le rapporteur. Je me suis rapproché du ministère de la santé, ce qui était mon rôle. J’ai demandé – en vain – à auditionner le directeur général de la santé. À mon sens, l’administration sous-estime l’importance du problème.

Même si une PPL n’est pas adoptée, elle peut donner lieu à une déclaration du Gouvernement. En tout cas, je juge indispensable que les parlementaires marquent leur volonté d’avancer sur un sujet resté trop longtemps au point mort.

J’ai rencontré en revanche les représentants de l’INCa, qui m’ont semblé ouverts au fléchage. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas laisser les choses en l’état. Nous avons tous été sensibles à cette cause. Il faut agir vite.

La Commission adopte l’amendement AS1.

L’article 1er est ainsi supprimé.

En conséquence, les amendements AS6, AS4 et AS5 du rapporteur sont désormais sans objet.

Article 2 : Protocole particulier en faveur des enfants ou adolescents de moins de 18 ans atteints d’un cancer

La Commission en vient à l’amendement AS2 de Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement AS2.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

Article 3 : Compensation des pertes des éventuelles pertes de recette pour les organismes de sécurité sociale

La Commission aborde l’amendement AS3 de Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement AS3.

En conséquence, l’article 3 est supprimé.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je rappelle que le texte sera examiné en séance publique le 27 novembre.

La Commission en vient ensuite à l’examen, sur le rapport de Mme Annie Le Houerou, de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement (n° 1637).

Mme Annie Le Houérou, rapporteure. « Faire un pas de plus pour faciliter la vie de tous les jours des personnes concernées par le handicap » : tel est, selon le sénateur Didier Guillaume, le but de cette proposition de loi.

Notre pays compte 12 millions de personnes en situation de handicap, lequel constitue une préoccupation majeure du Gouvernement. Une circulaire impose d’ailleurs qu’il soit pris en compte, de manière transversale, dans toute politique publique.

Quand elle était ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, Mme Marie-Arlette Carlotti a indiqué que le chemin vers l’accessibilité universelle visait à éliminer tous les obstacles dans l’accès concret à la cité, au sens large du terme. On ne peut parvenir à une société inclusive qu’en offrant une plus grande autonomie aux personnes atteintes d’un handicap ou ayant des difficultés à se déplacer, afin qu’elles puissent trouver un emploi et mener une vie sociale et culturelle.

Dès octobre 2012, l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle a suggéré de réexaminer la législation relative au stationnement des véhicules des personnes handicapées et aux redevances y afférent, pour limiter la fatigabilité de ces personnes et pour favoriser leur accès à l’autonomie.

La proposition de loi tend à apporter deux améliorations essentielles à l’article L. 241-3-2 du code de l’action sociale et des familles. Elle autorisera les titulaires de la carte de stationnement pour personne handicapée à stationner sur toutes les places, réservées ou non. Ce stationnement sera gratuit. Néanmoins, les parcs de stationnement concédés pourront continuer à être payants. Enfin, la limitation de la durée de stationnement sera allongée et ne pourra être inférieure à douze heures.

La mise en œuvre de ces dispositions interviendra deux mois après la promulgation de la loi, ce qui laissera aux autorités compétentes le temps d’intégrer ce nouveau principe dans leur politique de stationnement.

Selon l’Association des paralysés de France (APF), 245 communes offriraient déjà ce stationnement gratuit. En somme, le texte généralise une pratique existant au cas par cas, afin d’éviter toute inégalité territoriale.

Cette amélioration législative ne doit pourtant pas occulter le fait que la quantité de places réservées et aménagées devient insuffisante. Le nombre de personnes dont la capacité et l’autonomie de déplacement à pied sont réduites – critère qui justifie l’attribution d’une carte de stationnement pour personne handicapée par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) – croît à mesure que la population vieillit. Il existe 1,5 million de cartes en circulation, pour 38 millions de permis de conduire. D’après l’APF, Paris compte 50 000 bénéficiaires de la carte, pour 5 000 places réservées et aménagées. Il faut donc adapter le quota actuel de 2 % de places situées sur les voies ouvertes à la circulation publique. C’est ce à quoi tend la proposition de loi.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le monde du handicap attend ce texte. Il faut reconnaître au Gouvernement le mérite de s’être saisi d’un dossier dans lequel peu d’avancées sont intervenues depuis 2005.

Mme Joëlle Huillier. Le Président de la République s’est engagé à faire du handicap une préoccupation majeure de l’action du Gouvernement. Dès septembre 2012, M. Jean-Marc Ayrault a demandé à ses ministres que chaque projet de loi comporte dans ce domaine des dispositions spécifiques. Ce fut le cas des textes relatifs aux emplois d’avenir, au contrat de génération et à la scolarisation des enfants.

Votée à l’unanimité par le Sénat, la proposition de loi, qui s’inscrit dans le droit-fil des engagements du Président de la République, vise à améliorer la vie quotidienne des personnes en situation de handicap, en leur permettant de stationner gratuitement sur tout emplacement, réservé ou non. Cette facilité est également offerte à ceux qui les accompagnent. Bien qu’aucune limitation de durée ne soit prévue, les autorités compétentes pourront encadrer ce dispositif, pourvu qu’une plage de stationnement de douze heures soit garantie. Des dispositions spécifiques peuvent également être prévues pour les parcs de stationnement disposant de bornes d’entrée et de sortie accessibles par les personnes handicapées depuis leur véhicule.

Grâce à ces dispositions, les personnes souffrant d’un handicap vivront mieux dans notre société. Elles accéderont plus facilement aux divers services de la ville, ce qui palliera en partie le retard intervenu dans l’application de la loi du 11 février 2005. Dans 245 villes, le stationnement sur les emplacements réservés ou adaptés est totalement ou partiellement gratuit. C’est le cas à Paris, Lyon, Lille, Toulouse, Dijon, Clermont-Ferrand, Bordeaux ou Saint-Étienne, première ville à avoir mis en place, dès 1988, la gratuité du stationnement sans limitation de durée.

Reste qu’actuellement, la carte de stationnement pour personnes handicapées peut être photocopiée, achetée frauduleusement sur internet ou utilisée après le décès du bénéficiaire, dysfonctionnements qui, en limitant le nombre de places disponibles, porte préjudice aux personnes atteintes d’un handicap. Ce document doit donc être sécurisé. Le Gouvernement a fait savoir qu’une réflexion sur la dématérialisation des cartes est en cours.

Il va de soi que le groupe SRC votera la proposition de loi.

M. Élie Aboud. Voilà des années que nous attendons sur le sujet une réglementation nationale, afin de généraliser des dispositions appliquées par de nombreuses communes.

Il faut cependant résoudre d’autres difficultés. Actuellement, quand, sur le parking d’une grande surface, une personne non autorisée se gare sur une place réservée aux personnes handicapées, les vigiles privés ne peuvent pas la verbaliser. Seule l’autorité communale est habilitée à le faire, ce qui explique que ces places soient systématiquement occupées. Il serait bon d’engager une réflexion sur ce point avant la discussion en séance publique.

L’objet de la proposition de loi est consensuel. Un dispositif de même type avait été proposé, par voie d’amendement, par M. Damien Abad, quand nous avons examiné la proposition de loi de M. Gérald Darmanin. Notre position sur ces questions est transpartisane : le 3 novembre dernier, nous nous sommes tous insurgés contre la ponction de 29 millions opérée par l’État sur le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).

M. Arnaud Richard. L’accessibilité des personnes handicapées est au cœur du maintien de la cohésion sociale de notre pays. Nous nous devons d’éliminer les barrières qui peuvent entraver l’accomplissement personnel ou professionnel des personnes handicapées.

Des progrès ont déjà été réalisés en direction d’une accessibilité universelle, améliorant la qualité de vie des personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie. Pourtant, malgré les engagements pris, la France accuse encore un retard par rapport aux objectifs fixés.

La présente proposition de loi a le mérite de préserver la dynamique amorcée. Dans une approche pragmatique, elle prévoit en faveur des handicapés un accès gratuit et sans limite de temps à toutes les places de stationnement ouvertes au public, faisant écho aux initiatives déjà engagées par des centaines de communes en France.

Alors que, le 10 juillet 2014, nous avons déjà adopté une loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, je regrette que nous devions de nouveau légiférer, procédant par petites touches. Toutes les politiques de la nation devraient être au contraire mobilisées dans le cadre d’une politique globale du handicap.

Cette méthode progresserait grâce à des rendez-vous réguliers avec les parties prenantes, de façon à définir en amont des solutions consensuelles. Il aurait ainsi été possible de favoriser les initiatives locales et les expérimentations, tout en conservant la souplesse nécessaire aux collectivités. En étant proposée sous la forme d’un projet de loi, la mesure aurait également fait l’objet d’une estimation de son impact financier, qui fait précisément défaut aujourd’hui.

Cela étant, le groupe UDI soutiendra cette proposition de loi qui facilitera assurément la vie quotidienne des personnes handicapées.

Mme Véronique Massonneau. Je me félicite que notre commission se penche à nouveau sur la question de la mobilité des personnes en situation de handicap. Trop reste à faire depuis la loi du 11 février 2005, et vous partagerez certainement ce constat avec moi. La mise aux normes des installations publiques et des établissements recevant du public est loin d’atteindre les objectifs fixés : seuls 330 000 établissements sur plus de un million sont aux normes, nous indiquait il y a quelques semaines Mme Ségolène Neuville la secrétaire d’État chargée des handicapés et de la lutte contre l’exclusion.

Mais quel est le signal envoyé lorsque des ordonnances sont prises pour repousser une énième fois les délais d’obligation de mise aux normes qui arrivaient à échéance le 1er janvier prochain?

Quel est le signal envoyé lorsqu’on abandonne l’objectif du transport pour tous pour se contenter de l’accessibilité de seuls « points prioritaires » ? Vous le comprendrez comme moi, les associations sont mécontentes, les personnes en situation de handicap sont malheureusement encore loin de jouir des mêmes droits et libertés que le reste de nos concitoyens. Car l’égalité est bien ce qu’elles réclament à juste titre, sans traitement de faveur.

Comment compenser les contraintes d’une situation de handicap sans accorder de traitement de faveur, voilà une tâche compliquée. C’est bien ce qui pose problème à ce texte, qui a le mérite d’avoir pour objectif une intention honorable. En effet, les places de stationnement réservées manquent, les associations le disent. Les places sont souvent trop étroites, les limites de durée de stationnement sont contraignantes pour ces personnes dont les temps de déplacement sont nécessairement plus longs. Il reste beaucoup à faire.

Revers de la médaille : les cartes de stationnement pour personnes handicapées sont parfois distribuées trop facilement, utilisées abusivement. La gratuité acquise par cette carte risquerait d’amplifier ce phénomène, au détriment des personnes dans le besoin au regard du peu de places existantes.

J’ajoute que les personnes à mobilité réduite ne doivent pas être considérées nécessairement comme des personnes démunies, et c’est ce que semble supposer cette proposition de gratuité.

Si je salue donc l’objectif de ce texte, je demande que celui-ci soit considéré dans une vision plus globale de la politique d’accessibilité : cesser les reculs permanents et enfin appliquer les engagements déjà pris maintes fois par les pouvoirs publics. Je pense notamment à l’accessibilité des transports en commun, qu’elle soit la même pour tous ! Parallèlement, continuons à développer les emplacements de stationnement réservés, à développer nos offres en faveur de ces personnes. Et enfin, n’oublions pas l’importance de l’éducation, de la sensibilisation de nos concitoyens à cette question de l’accessibilité, qui pâtit encore trop souvent du manque de considération envers les personnes à mobilité réduite.

Le groupe écologiste soutiendra l’adoption de la proposition de loi.

Mme Dominique Orliac. La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 a constitué une avancée significative pour les droits des personnes en situation de handicap, notamment en réaffirmant le principe d’accessibilité pour tous.

Puis est venu le projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées dont nous avons débattu récemment au sein de notre commission puis de notre assemblée. Voici donc une nouvelle proposition de loi émanant du Sénat et votée par ce dernier en décembre 2013 et concernant les personnes en situation de handicap.

L’accessibilité, selon la délégation interministérielle aux personnes handicapées, doit permettre « l’autonomie et la participation des personnes ayant un handicap, en réduisant, voire en supprimant, les discordances entre leurs capacités, leurs besoins et leurs souhaits d’une part, et les différentes composantes physiques, organisationnelles et culturelles de leur environnement d’autre part ». Dès lors, la mobilité passe par une plus grande accessibilité des lieux.

Si des questions de mobilité ont été traitées dans le dernier texte législatif dont nous avons été saisis, cette proposition de loi vient tout de même améliorer ce dispositif en permettant une meilleure accessibilité, source d’une meilleure insertion sociale, professionnelle ou encore éducative.

Car, combien de fois avons-nous vu des places de parking occupées par des voitures ne portant aucune carte ou des places occupées par des véhicules stationnées avec les feux de détresse censés indiquer un arrêt temporaire ?

Il faut rappeler que d’après l’Association des paralysés de France (APF), le nombre des cartes de stationnement est estimé à 1,5 million pour environ 38 millions de permis de conduire. La gratuité illimitée pour les personnes handicapées existe déjà dans une centaine de villes, mais une généralisation à toute la France serait appréciable à l’heure où la politique d’accessibilité universelle connaît un second souffle. Au vu du nombre de cartes de stationnement, il est évident que le nombre des places de parking réservées devrait être largement augmenté.

Depuis quelques années, on observe également une recrudescence des pratiques abusives et même frauduleuses à la carte de stationnement pour personne handicapée. Si les abus n’ont pas été chiffrés, l’APF estime qu’une carte sur trois serait fausse ou utilisée de manière frauduleuse. Sur ce sujet, l’éducation de nos concitoyens doit jouer un rôle plus grand.

La présente proposition de loi poursuit un objectif légitime. Elle va dans le bon sens. Même s’il préférerait que le texte s’inscrive dans une approche plus globale, le groupe RRDP en soutiendra l’adoption.

Mme Marie-Arlette Carlotti. Je soutiendrai moi aussi l’adoption du texte. J’étais auprès de Didier Guillaume quand il en proposa l’adoption au Sénat, et l’obtint à l’unanimité. Ne se prononçant ni pour, ni contre, le Gouvernement avait alors adopté une position de sagesse.

Car un accès plus facile à l’ensemble des places de parking ne doit pas empêcher le développement de places réservées aux personnes en situation de handicap. Les faux et usages de faux en matière de cartes de stationnement seraient aussi moins nombreux si la procédure de délivrance dans les préfectures n’était pas aussi archaïque. En remplaçant la fiche cartonnée découpée avec les ciseaux, la dématérialisation devrait sécuriser à moyen terme la délivrance de ces titres. Enfin, je suis toujours gênée par la stigmatisation positive, même si je reconnais que la mesure proposée a le mérite de montrer que la société va de l’avant dans le sens d’une plus grande inclusion.

Le soutien à cette proposition de loi constituera un bon signe à la veille de la conférence nationale du handicap. À cet égard, je ne peux laisser dire que la politique du handicap serait faite à la petite semaine. Tout le monde y a au contraire apporté sa pierre, toutes tendances politiques confondues. La grande loi-cadre du 11 février 2005 en a fixé les grandes lignes. Mais nous avons mis en place, en 2012, un comité interministériel du handicap, avant que se tienne la conférence nationale. Même si ce sont de petites touches, elles vont dans la bonne direction.

Le Gouvernement s’est vu contraint de recourir aux ordonnances, car les choses ne bougeaient guère. En réunissant architectes, petits commerçants, organisateurs de transport et de tourisme, associations de personnes en situation de handicap, il est parvenu à définir des compromis. Mais ces premières solutions valables pour deux ou trois ans ne remettent pas en cause l’objectif de long terme.

Mme la présidente Catherine Lemorton. La question des agendas d’accessibilité programmés (Ad’AP) dépasse elle aussi les clivages politiques, l’UDI partageant le constat de la majorité parlementaire sur la faible mise en œuvre à l’approche de leur entrée en vigueur programmée au 1er janvier 2015.

M. Jean-Pierre Barbier. Le sentiment est partagé que la mesure proposée est une bonne mesure. La gratuité envisagée ne vise pas une catégorie de population, mais prend seulement en compte les difficultés d’accès aux moyens de paiement. Elle encourage ainsi les collectivités territoriales à les rendre plus accessibles.

L’arbre ne doit cependant pas cacher la forêt. L’État s’en tire à bon compte en laissant les communes ou EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) supporter la charge de la gratuité. La baisse dramatique des dotations de l’État au profit des collectivités territoriales me rend moins optimiste que mes collègues sur la mise en œuvre des Ad’AP dans ces conditions financières dégradées.

Parallèlement, des prélèvements ont été effectués sur les crédits de l’Association de gestion des fonds pour l’insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) et du FIPHFP, à raison de 87 millions d’euros sur trois ans. S’il faut se réjouir du contenu de ce texte, qui constitue une réelle avancée, il faut donc rester également vigilant sur les ponctions financières qui affectent le domaine du handicap.

Tout en soutenant le texte, je regrette qu’il relève d’une politique des petits pas plutôt que d’une réelle ambition.

M. Christophe Sirugue. Nous sommes en face d’un dilemme. Comment reconnaître des droits spécifiques à des personnes qui doivent demeurer des citoyens à part entière et relever en principe du droit commun ? Comme rapporteur du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances en matière de mobilité, j’ai été frappé par le manque de places réservées aux personnes en situation de handicap, alors que les collectivités territoriales craignant que les obligations en ce domaine ne cessent de croître, souhaitent un assouplissement des normes.

La durée de stationnement constitue aussi une question difficile. Les personnes en situation de handicap peinant à se déplacer, il ne faut pas ajouter de l’injustice à l’injustice. De ce point de vue aussi, si la proposition de loi n’apporte pas toutes les solutions, elle va cependant dans le bon sens.

M. Michel Issindou. La loi du 11 février 2005 a permis une avancée significative. Chacun l’a mise en œuvre à son rythme. Ce n’est pas une réussite complète, car les besoins de financement sont considérables.

La présente proposition de loi apporte une pierre supplémentaire à l’édifice. Elle a un contenu intelligent, car elle ne cède pas à la compassion et se tient à l’écart de toute demande de régime particulier. Moins que la gratuité, c’est la possibilité de stationner son véhicule sur laquelle elle met l’accent.

Je constate que, dans nos villes, les places réservées sont plutôt bien respectées, dans l’Isère tout au moins. Les Français ont pris conscience de leur vraie fonction. La fraude à la carte de stationnement pour personne handicapée doit être réduite, mais elle affecte prioritairement les grandes villes. En tout état de cause, sur le contenu de la proposition de loi, les positions de la droite et de la gauche convergent.

Mme la rapporteure. Je me réjouis du soutien apporté au texte, mais je dois répondre sur quelques points.

Quant au reproche qu’il relèverait d’une politique à la petite semaine, je souligne que le président de la République a fixé le cadre d’une politique globale, reprise par les Premiers ministres successifs, qui ont demandé aux ministres de prendre en compte la dimension du handicap dans les textes qu’ils préparent. Cette transversalité a été suivie d’effets positifs, comme l’ont montré de récents projets de loi.

Concernant la loi du 11 février 2005, les sénatrices Mme Claire-Lise Campion et Mme Isabelle Debré ont dressé le constat du retard dans sa mise en application, tant au plan national que dans les collectivités territoriales ou encore dans les intercommunalités à qui a été transférée la compétence en matière d’accessibilité. Le gouvernement a pris le taureau par les cornes en faisant adopter la loi du 10 juillet 2014 sur la base de laquelle a été prise l’ordonnance du 26 septembre 2014. Quatre décrets s’en sont ensuivis, facilitant la mise en œuvre des Ad’AP.

Quant aux places réservées aux personnes en situation de handicap, elles doivent être augmentées. Ce texte répond en partie au problème. La gratuité offre une facilité de plus, lorsque les moyens de paiement comme les horodateurs sont peu accessibles.

Cela permettra également de pallier le manque de places aménagées spécifiquement pour les personnes handicapées. Les personnes âgées peuvent aussi connaître des difficultés de mobilité sans que s’impose à elles la nécessité de disposer de 3,3 mètres pour sortir de leur voiture, si elles n’ont pas de fauteuil roulant.

Des campagnes efficaces ont eu lieu contre l’usage abusif des places de stationnement des handicapés : sous le mot d’ordre « Si tu prends ma place, prends mon handicap », les voitures des occupants sans macaron étaient couvertes d’une bâche.

S’agissant de la verbalisation du stationnement illégal, il me semble important que les vigiles ne soient pas compétents pour dresser des contraventions de quatrième classe, mais que seules les personnes habilitées puissent au contraire faire respecter la loi. Le personnel des supermarchés peut d’ailleurs aussi les appeler. Je rappelle que l’amende pour stationnement gênant sur une place réservée a été récemment portée de 35 euros à 135 euros et que la voiture peut être désormais mise en fourrière. Les sanctions sont donc dissuasives.

Quant à la gratuité, je confirme qu’elle est conçue comme un outil et comme une incitation à évoluer, non comme une fin en soi.

La falsification des cartes de stationnement constitue une vraie question. L’Imprimerie nationale travaille sur le sujet depuis 2013, pour automatiser et sécuriser la délivrance de ces cartes. Le résultat sera bientôt disponible et devrait rendre plus difficile toute falsification, notamment les duplications abusives grâce à des photocopieurs sophistiqués. Car trop de cartes frauduleuses circulent encore.

La baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales, à raison de 1,9 %, et les prélèvements sur l’AGEFIPH et le FIPHFP ne sauraient constituer un argument audible pour justifier le refus de financer la mise en accessibilité. La volonté politique en matière de handicap doit être au contraire affirmée. Les prélèvements concernés ont d’ailleurs servi à rémunérer des contrats aidés en faveur des personnes handicapées.

Cette proposition de loi changera, à la fois, la vie quotidienne des élus et des personnes handicapées. Sa mise en œuvre sera très rapide puisque les collectivités territoriales auront deux mois pour se mettre en conformité. La politique des petits pas participe aussi des grandes avancées.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er : Gratuité de toutes les places de stationnement pour les personnes titulaires de la carte de stationnement pour personnes handicapées

La Commission examine, en présentation commune, les amendements AS3, AS2 et AS4 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Telle qu’elle est formulée, la nouvelle rédaction du troisième alinéa de l’article L. 241-3-2 du code de l’action sociale et de la famille ne comprendrait plus la deuxième phrase de cet alinéa, qui permet aux autorités compétentes d’accorder d’autres avantages que la gratuité du stationnement liés à la carte de stationnement pour personne handicapée. Cette dernière précise : « Elle permet, dans les mêmes conditions, de bénéficier des autres dispositions qui peuvent être prises en faveur des personnes handicapées par les autorités compétentes en matière de circulation et de stationnement ».

Le rapporteur du Sénat voulait, lui aussi, éviter cette suppression.

M. Jean-Pierre Barbier. J’y suis favorable. Quant à la baisse des dotations aux collectivités territoriales, je souligne qu’elle ne s’élève pas à 1,9 % mais à 30 % ou 40 %. Dans une intercommunalité de 41 communes, elle peut atteindre 6,6 millions d’euros sur trois ans. Cela ne pourra pas être sans conséquence sur les mesures en faveur de l’accessibilité.

Mme la rapporteure. Quand la dimension du handicap est prise en compte lors d’un aménagement de voirie, cela n’induit pas forcément de coût supplémentaire. Je ne crois pas que cet argument soit audible.

La Commission adopte successivement les amendements AS3, AS2 et AS4.

Elle adopte ensuite l’article 1er modifié.

Article 2 : Gage

La Commission maintient la suppression de l’article.

Elle adopte ensuite l’ensemble de la proposition de loi à l’unanimité.

La séance est levée à douze heures trente.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 19 novembre 2014 à 9 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Joël Aviragnet, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, Mme Marie-Arlette Carlotti, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Philip Cordery, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Françoise Dumas, M. Richard Ferrand, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Patrick Gille, M. Henri Guaino, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, M. Laurent Marcangeli, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, Mme Dominique Orliac, Mme Luce Pane, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. François Vannson, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – M. Ibrahim Aboubacar, M. Stéphane Claireaux, Mme Jacqueline Fraysse, M. Christian Hutin, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Monique Orphé, M. Jean Jacques Vlody