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Commission des affaires sociales

Mercredi 28 janvier 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 28

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Examen, ouvert à la presse, de la proposition de loi de M. Marcel Bonnot relative à la maladie de Lyme (n° 2291) (M. François Vannson, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 28 janvier 2015

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission procède, sur le rapport de M. François Vannson, à l’examen de la proposition de loi relative à la maladie de Lyme (n° 2291).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, nous allons examiner aujourd’hui la proposition de loi de MM. Marcel Bonnot, François Vannson et plusieurs de leurs collègues relative à la maladie de Lyme, qui sera débattue en séance publique jeudi 5 février dans le cadre de la niche UMP.

La maladie de Lyme, maladie vectorielle transmise par une piqûre de tique, a été mise en évidence aux États-Unis durant le dernier quart du XXsiècle. C’est la maladie à vecteur la plus fréquente aux États-Unis et dans certains pays tempérés de l’hémisphère Nord. Avec le réchauffement climatique et les modifications de comportement, elle semble aujourd’hui connaître une croissance forte en Europe, notamment en France.

Cette maladie est difficile à diagnostiquer tant du fait de la très grande diversité des symptômes, qui peuvent être dermatologiques, arthritiques, cardiaques, neurologiques et parfois oculaires, que des imperfections des tests sérologiques existants. Outre leurs souffrances physiques, les personnes qui en sont atteintes se plaignent du manque d’intérêt de la société à leur égard, mais aussi à l’égard de la maladie.

La question qui nous est soumise soulève donc un réel problème. Elle a fait l’objet d’une résolution européenne en août dernier, résolution dont M. Marcel Bonnot avait pris l’initiative et que M. François Vannson avait rapportée devant la Commission des affaires européennes.

Faut-il aller plus loin que cette réponse européenne en légiférant sur le sujet ? C’est tout l’objet de notre débat d’aujourd’hui et je laisse immédiatement la parole à notre rapporteur.

M. François Vannson, rapporteur. Madame la présidente, chers collègues, permettez-moi tout d’abord de vous dire mon plaisir d’être accueilli aujourd’hui au sein de votre commission pour vous soumettre la proposition de loi relative à la maladie de Lyme déposée par notre collègue Marcel Bonnot. Il s’agit d’un texte auquel je suis particulièrement attaché, né du constat de situations difficiles auxquelles nos concitoyens sont confrontés.

Quelques mots en préambule sur la situation relative à la maladie de Lyme et les enjeux y afférents avant d’aborder le dispositif prévu par la proposition qui vous est soumise et qui intervient alors qu’un rapport du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) portant sur ce thème a été publié en décembre dernier.

La maladie de Lyme, ou borréliose de Lyme, a été mise au jour aux États-Unis au cours du dernier quart du XXsiècle. À la suite d’une hausse conséquente d’arthrites inflammatoires à Lyme, ville américaine située dans l’État du Connecticut, des recherches ont montré la présence de bactéries dans le tube digestif de tiques.

Il s’agit d’une zoonose transmise par les tiques du genre Ixodes, cette appellation évoquant la fixation importante de la tique sur son hôte : le terme provient du grec Ixodes, qui signifie gluant. Les tiques en cause sont différentes selon les zones. En Europe, il s’agit d’une tique Ixodes ricinus. Présentes dans les forêts et les habitats ouverts tels que les pâtures, leur densité est fonction de plusieurs facteurs : associations végétales, hygrométrie, cycles saisonniers, diversité des hôtes.

Après avoir repéré son hôte en réagissant à divers stimuli (vibration de l’air, température…), la tique saute sur lui, s’y accroche à son insu et se gorge de sang. Au cours du processus de gorgement, les bactéries présentes chez l’hôte sont ingérées par la tique par le biais du sang, tandis que les bactéries présentes chez elle sont transmises par les glandes salivaires.

Les tiques du genre Ixodes transmettent plusieurs agents pathogènes. L’agent responsable de la maladie de Lyme est ainsi une bactérie relevant de la famille des spirochètes (littéralement « long cheveux, crinière »), dénommée Borrélie ou Borrelia.

Dix-sept espèces ont été identifiées, dont cinq ont un pouvoir pathogène certain pour l’homme. Ces cinq espèces pathogènes sont présentes en Europe, chacune de ces espèces induisant des conséquences différentes, avec des manifestations arthritiques, neurologiques ou cutanées.

Plusieurs enjeux sont associés à la maladie de Lyme : les difficultés liées au diagnostic clinique et biologique, les voies de traitement, la cartographie et la nécessaire prévention.

En premier lieu, la maladie de Lyme présente la particularité d’être difficile à diagnostiquer. Le principe de base fondamental en matière de maladie de Lyme est la confrontation de la clinique, de l’épidémiologie et de la biologie. Cette confrontation se justifie tout d’abord en raison de la complexité de l’analyse clinique et de difficultés liées à la sérologie.

La maladie de Lyme se caractérise en effet par la succession de trois phases associées à des manifestations cliniques variées conduisant la communauté médicale et scientifique à une extrême prudence dans la délivrance du diagnostic. L’importance d’Internet comme source d’informations pour nombre de patients pourrait conduire à une mésinterprétation des symptômes constatés. Les manifestations symptomatiques pourraient être attribuées à tort à la maladie de Lyme, ce qui aboutirait à une perte de chance pour la prise en charge des patients.

Cet enjeu se pose notamment s’agissant du caractère chronique de la maladie dont la reconnaissance divise la communauté médicale et scientifique. Cette situation est difficile à vivre pour certains patients. Devant l’absence de réponses à leur détresse physique et morale, les patients sont confrontés à une errance médicale, voire suspendent leurs activités privées ou professionnelles en raison des douleurs et des fatigues, sans compter qu’ils peuvent tomber dans la dépression. Le rapport du Haut Conseil de la santé publique propose une démarche scientifique permettant de caractériser la chronicité de la maladie.

L’analyse biologique, au travers principalement de la sérologie, se révèle également difficile. Le diagnostic biologique est effectué après la constatation des manifestations cliniques de la maladie. Il repose sur deux tests réalisés en deux étapes : un test de dépistage avec la technique ELISA et un test de confirmation par immunoempreinte, notamment avec le test « Lyme Western Blot ». Leur fiabilité est aujourd’hui mise en question, ce que confirme le rapport du Haut Conseil de la santé publique. Aussi des recherches doivent-elles être lancées pour améliorer l’existant.

S’agissant du traitement, des divergences apparaissent également. Si tout le monde s’accorde à reconnaître qu’une antibiothérapie est efficace au stade primaire de la maladie, les avis sont plus partagés lorsqu’il est question du caractère chronique et des traitements associés. D’un côté, il y a la crainte légitime du corps médical d’attribuer à tort des manifestations symptomatiques à la maladie de Lyme. De l’autre, il y a le désarroi de patients pour lesquels l’antibiothérapie prolongée, hors les recommandations des experts, ou le suivi d’un traitement alternatif peut se traduire par une amélioration de l’état clinique, voire une quasi-guérison. Questions ô combien délicates à trancher !

La cartographie des zones à risque constitue aussi un sujet important pour l’ensemble des acteurs. En France, on recense ainsi 27 000 cas par an, contre environ 65 000 à 85 000 en Europe. Cette cartographie pourrait être complétée par une étude plus complète faisant ressortir le taux de tiques infectées, ou par un recensement plus fin des maladies de Lyme dûment diagnostiquées.

Enfin, dernier enjeu et non des moindres : la prévention. Tous les acteurs s’accordent sur l’impérieuse nécessité d’informer sur les modalités de prévention primaire (vêtements longs, répulsifs) comme secondaire (retrait de la tique). Force est de constater que ni les patients ni le corps médical ne semblent sensibilisés à ces mesures simples, mais très efficaces, pour lutter contre la transmission de la Borrelia.

Pour conclure, j’aimerais souligner l’intérêt de cette proposition de loi.

On pourra objecter que le dispositif de cette proposition est d’ores et déjà satisfait par la publication du rapport du Haut Conseil de la santé publique en décembre 2014, dont je me félicite au demeurant. Circonstancié et fort bien documenté, il constitue en effet une feuille de route attendue par les patients, les professionnels de santé et les autorités sanitaires des autres pays européens confrontés à des situations similaires.

Il a toutefois fallu l’adoption définitive d’une proposition de résolution européenne, à l’initiative de M. Marcel Bonnot et de votre rapporteur, et le dépôt de la présente proposition le 14 octobre 2014 pour précipiter la publication le 4 décembre dernier de ce rapport tant attendu… pourtant adopté le 28 mars 2014 ! C’est la preuve que le politique, en s’étant emparé du sujet, a permis de faire avancer les choses, avec notamment la publication de ce rapport qui remet en cause un certain nombre de certitudes établies par la conférence de consensus de 2006 sur les méthodes de diagnostic et de traitement de cette maladie.

Cela étant, ce rapport constitue non pas l’achèvement, mais bien la première étape d’une politique de santé destinée à assurer efficacement la prise en charge de la borréliose de Lyme en termes de prévention, de diagnostic et de traitement.

Les conclusions du HCSP ne visent pas à mettre fin aux controverses scientifiques, elles appellent au contraire un approfondissement de ces questions. Le Parlement doit pouvoir s’assurer que ces objectifs seront poursuivis dans l’intérêt de nos concitoyens.

Il importe de rassembler en un seul document les données relatives à la maladie de Lyme, les vecteurs de sa transmission, ainsi que l’adéquation de l’offre de soins aux besoins de prise en charge. C’est tout l’enjeu de l’article 1er proposant la remise d’un rapport qui pourrait être un point d’étape des mesures prises dans la continuité des préconisations du HCSP.

Avec l’article 2, c’est le rôle des professionnels de santé qui doit être amplifié grâce à la prise en compte de la maladie de Lyme dans le cadre de la formation continue.

Les articles 3 et 4, proposent de lancer un plan national consacré à la borréliose de Lyme. Ce plan, étalé sur cinq ans, couvrirait tous les aspects, depuis la surveillance épidémiologique jusqu’à la prise en charge des patients, en passant par une politique de prévention adéquate.

L’existence de controverses scientifiques ne doit pas constituer un abcès de fixation. Les différentes démarches diagnostiques et thérapeutiques doivent pouvoir être retenues ou écartées au terme d’examens, de débats, d’évaluations dans un climat apaisé. Les conclusions et recommandations qui en résulteraient doivent pouvoir également être largement diffusées et expliquées. Tel est l’enjeu de cette proposition de loi.

Il y a quelques mois, la commission des affaires sociales avait tacitement adopté la proposition de résolution européenne : j’espère qu’il en sera de même aujourd’hui pour cette proposition de loi attendue par de nombreux malades et praticiens.

Mme Chaynesse Khirouni. Monsieur le rapporteur, je tiens à vous remercier de nous permettre d’avoir un débat apaisé sur cette question importante qu’est la maladie de Lyme.

Depuis plusieurs mois, nous sommes en effet nombreux à avoir été saisis de cette question par des concitoyens atteints de cette pathologie, mais aussi par les associations de malades qui effectuent un travail important de soutien envers les personnes atteintes mais aussi en matière de sensibilisation des pouvoirs publics et de la communauté médicale – je pense notamment à « Lyme sans frontières », « Lympact » ou encore « France Lyme ». Ils attendent maintenant du Gouvernement des mesures concrètes qui doivent être mises en œuvre sans tarder.

Le groupe Socialiste républicain et citoyen partage le principal objectif de cette proposition de loi déposée par plusieurs de nos collègues du groupe UMP et qui vise à mieux diagnostiquer, soigner et prévenir la borréliose de Lyme, maladie causée par les piqûres et les morsures de tiques. Cette zoonose, identifiée en 1975 dans le comté de Lyme, aux États-Unis, est bien connue en milieu rural, les forestiers et les chasseurs étant les principaux groupes à risque. Elle s’est développée en Europe ces dernières années.

L’infection est parfois asymptomatique, mais peut provoquer des complications invalidantes dans les stades tertiaires de la maladie. Il convient de souligner que l’évolution de la maladie est favorable lorsqu’elle est diagnostiquée et traitée précocement. Il demeure donc primordial que les tests de dépistage permettent réellement un diagnostic fiable.

En qualité de parlementaires, il ne nous appartient pas de trancher les controverses médicales et les débats cliniques. Il nous faut être modestes sur ces questions et prescrire des mesures qui relèvent du domaine de la loi et non de celui du règlement ou des circulaires.

Plusieurs expertises ont été conduites en France pour actualiser les connaissances sur cette maladie infectieuse dont le diagnostic, parfois délicat, repose toujours sur un faisceau d’indices à la fois cliniques, biologiques et épidémiologiques. Je pense notamment à la conférence de consensus en 2006 ou à l’avis du Haut Conseil de la santé publique en 2010.

Compte tenu des débats et questionnements en cours, la ministre des affaires sociales et de la santé a saisi une nouvelle fois le Haut Conseil de la santé publique en juillet 2012 et un rapport a été publié en décembre 2014, soit quelques semaines après le dépôt de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur.

C’est pourquoi notre groupe estime que votre proposition d’établir un nouveau rapport, dans un délai de deux ans, pourrait s’avérer contre-productive et pourrait même retarder la mise en œuvre de mesures concrètes pour prévenir cette maladie vectorielle et pour soigner les malades. Nous estimons que le rapport du HCSP constitue une expertise particulièrement poussée qui prend la mesure de cette maladie et formule des préconisations particulièrement importantes.

Le Haut Conseil rappelle les précautions à prendre en compte pour le diagnostic, en particulier pour l’interprétation de la sérologie. Les difficultés diagnostiques rencontrées peuvent en outre être liées aux performances des tests en raison de la variabilité des réactifs, mais aussi de la diversité des espèces de Borrelia en Europe et de la possible interférence d’autres agents infectieux transmis par les tiques.

Le HCSP recommande de revoir les performances des réactifs, notamment en termes de sensibilité et de spécificité analytique, en tenant compte de la composition antigénique. Des travaux sont engagés par la Direction générale de la santé, en lien avec le Centre national de référence des Borrelia (CNR), l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) pour identifier les points de fragilité des tests et les possibilités de renforcer leur fiabilité d’emploi.

Pour tenter de préciser le cadre de certaines formes polymorphes persistantes mal définies, le HCSP recommande par ailleurs des études cliniques, épidémiologiques et diagnostiques, associées à des études sociologiques, ainsi que la mise en place d’essais cliniques randomisés sur les traitements antibiotiques. De telles études s’inscrivent essentiellement dans des projets de recherche multidisciplinaires portés par des organismes de recherche publics.

Nous souhaitons que le Gouvernement saisisse le plus rapidement possible des organismes comme l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et mette en œuvre rapidement les propositions du Haut Conseil.

Enfin, le Haut Conseil préconise – et c’est pour notre groupe une proposition importante – d’associer davantage les patients et les associations. Il rappelle les dix-neuf propositions du Comité des sages dans le cadre de l’élaboration du projet de loi relatif à la stratégie nationale de santé, notamment celle visant à « accroître le rôle et l’implication des usagers et de leurs représentants dans l’amélioration du système de santé. » Il s’agit en effet de promouvoir leur plus grande participation à la définition des politiques publiques, notamment territoriales, à reconnaître leur rôle, à associer les usagers et leurs proches à la définition des indicateurs de performance du système et à renforcer la prise en compte de leur point de vue.

Ainsi, ce partenariat bien conduit pourrait instaurer avec les associations de patients un dialogue et une communication clairs sur les incertitudes et les imperfections diagnostiques actuelles, les avancées de l’épidémiologie, mais aussi les risques éventuels liés à des traitements, à des molécules ou à des associations de molécules.

Mes chers collègues, nous reviendrons sur l’ensemble des dispositions de cette proposition de loi lors de l’examen des articles, mais je souhaite rappeler que si nous en partageons les objectifs, force est de constater que l’essentiel des propositions portées dans ce texte est en cours de déclinaison. Le temps n’est plus à la rédaction d’un rapport, mais à la mise en œuvre de mesures attendues par les malades et les associations. L’examen de cette proposition de loi, la semaine prochaine, dans l’hémicycle, va permettre au Gouvernement de nous présenter les mesures qu’il entend mettre en œuvre rapidement.

M. Bernard Accoyer. Je remercie MM. Marcel Bonnot et François Vannson pour les initiatives qu’ils ont prises ces dernières années afin d’inciter les pouvoirs publics à agir face à ce problème de santé publique. La borréliose de Lyme, maladie très fréquente en Europe occidentale et en Amérique du Nord, ne cesse de progresser. Avec 30 000 à 40 000 nouveaux cas chaque année, la France n’échappe pas à cette zoonose, l’est du pays étant particulièrement touché, et notamment les régions Rhône-Alpes, Champagne, mais aussi dans l’Auvergne et le Centre. L’évolution climatique et la reforestation expliquent sans doute ce phénomène.

Bien que nous soyons nombreux au sein du groupe à n’avoir pas signé cette proposition de loi, nous soutenons la démarche de leurs auteurs. En effet, même s’il ne revient pas au législateur de voter une loi sur chaque maladie – ces problématiques relèvent du pouvoir exécutif et du pouvoir réglementaire –, nos collègues ont eu raison de déposer cette proposition de loi face à l’inaction du Gouvernement ! J’ai moi-même eu recours dans un passé récent à la procédure de la résolution afin de faire reconnaître les effets de la consommation du cannabis sur la santé mentale.

La maladie de Lyme présente des spécificités que les pouvoirs publics doivent prendre en compte pour faire face à l’évolution des pathologies associées. En effet, les connaissances sur cette maladie sont pour le moins insuffisantes. La communauté scientifique elle-même attend que le réservoir – où prospère le spirochète à l’origine de la maladie – soit mieux connu. De la même façon, une meilleure connaissance est nécessaire sur les multiples agents bactériologiques ou viraux qui sont probablement transmis en même temps que la bactérie à l’origine de la maladie de Lyme. Tous ces travaux de recherche sont indispensables, d’autant que, comme l’ont montré les chercheurs au cours des dernières décennies, le contact avec un agent infectieux peut avoir des conséquences immédiates, secondaires, voire lointaines – et même des incidences psychologiques et psychiatriques ! La recherche clinique est également tout à fait indispensable. Il revient aux pouvoirs publics de faire en sorte que les tests sérologiques et diagnostiques, dont la fiabilité est actuellement insuffisante, soient améliorés.

Par ailleurs, il est urgent que les pouvoirs publics agissent en matière de prévention, mais aussi d’information des populations et de la communauté médicale, comme l’a d’ailleurs souligné le HCSP. Les recommandations issues de la conférence de consensus ne sont pas admises par tous, car l’imprécision du tableau clinique et l’incertitude du diagnostic conduisent à des réponses thérapeutiques variables. Or cette maladie peut avoir des complications durables et invalidantes, et les réactions aux différents traitements antibiotiques, uniques ou répétés, sont elles aussi très diverses. Dans ce contexte, il est normal que les malades et leurs familles se tournent vers les médecines parallèles, voire que l’on assiste à des réactions irrationnelles.

J’ajoute que cette situation engendre des conflits entre la communauté scientifique, la communauté médicale et certains malades. Le professeur Perronne, qui fait autorité en la matière, appelle lui aussi de ses vœux des décisions fortes du Gouvernement. L’oratrice précédente prétend que tout est en ordre ; or le futur projet de loi de santé ne comprend aucune disposition sur la maladie de Lyme ! C’est la raison pour laquelle il est impérieux d’adopter à l’unanimité cette proposition de loi qui prévoit la prise en charge de cette maladie !

Mme Dominique Orliac. Permettez-moi, Monsieur le rapporteur, de vous remercier pour votre travail qui a débouché sur cette proposition de loi relative à borréliose de Lyme, maladie infectieuse due à une bactérie et transmise par une piqûre de tique. Comme cela a déjà été dit, cette zoonose, identifiée en 1975 dans le comté de Lyme aux États-Unis, est bien connue en effet en milieu rural. Elle est aujourd’hui très fréquente dans l’est de la France, les forestiers et les chasseurs étant les principaux groupes à risque.

J’ai bien étudié cette proposition de loi, et j’aimerais revenir sur plusieurs points.

L’article 1er invite le Gouvernement à présenter au Parlement un rapport relatif aux modalités de prise en charge des personnes atteintes de la maladie de Lyme et infections associées ainsi que ses aspects chroniques. Ce rapport comporterait également un bilan de la capacité des unités de consultation et d’accueil en secteur hospitalier ainsi qu’une évaluation des besoins prévisibles en moyens et personnels qualifiés pour les dix années suivantes, une cartographie des zones à risque, les modalités de transmissions ainsi que celles de dépistage et de traitement de la maladie.

Toutefois, il me semble que l’estimation de l’incidence de la maladie de Lyme en France est d’ores et déjà réalisée par l’Institut de veille sanitaire dans le cadre de ses missions grâce au réseau de médecins Sentinelles, et qu’elle est donc accessible sur le site internet de l’InVS.

L’article 2 prévoit que la maladie de Lyme constitue, en matière de formation médicale continue, un des thèmes nationaux prioritaires mentionnés au 1° de l’article L. 367-3 du code de la santé publique. Concernant cet article, il me semble plus utile de mettre en place une sensibilisation de l’ensemble des professionnels de santé, parallèlement à l’information à destination du public. En outre, il me semble que l’élaboration des programmes de formation ne relève pas de la loi.

Les articles 3 et 4 instituent un plan national pour la maladie de Lyme mis en œuvre sur cinq ans, de 2015 à 2020, qui portera notamment sur la veille sanitaire, le dépistage, le diagnostic, l’information du public et des professionnels.

À cet égard, je m’interroge sur l’implication et le domaine de recherche et d’action de l’Institut de veille sanitaire. Là encore, il me semble qu’il s’agit d’une des missions réalisée actuellement par l’InVS.

En conclusion, si nous reconnaissons que la maladie de Lyme devient un véritable problème de santé publique, nous nous posons des questions sur l’utilité de découper la santé en tranches. Au surplus, le futur projet de loi santé devrait prendre en compte les points abordés dans cette proposition de loi. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, parfaitement conscient de la gravité de cette maladie et de la détresse des malades, considère que ce sujet doit être pris à bras-le-corps par les pouvoirs publics. Néanmoins, nous estimons qu’un grand nombre de points abordés par cette proposition de loi ne relèvent pas de la loi.

Mme Michèle Delaunay. Si la maladie de Lyme est un réel problème de santé publique, je ne pense pas qu’elle relève d’une proposition de loi, car les interrogations soulevées par notre rapporteur, au demeurant fort légitimes, renvoient au milieu académique. Aussi la préconisation de notre porte-parole, Mme Khirouni, visant à demander aux pouvoirs publics d’interpeller l’INSERM et autres organismes de recherche pour développer des appels à projet me semble-t-elle préférable.

En bref, le groupe Socialiste, républicain et citoyen souscrit aux objectifs poursuivis par cette proposition de loi – meilleur diagnostic de la maladie, suivi des malades, amélioration des tests –, mais considère que c’est la voie académique qui doit prévaloir.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous sommes tous très souvent sollicités dans nos circonscriptions par des personnes atteintes de la maladie de Lyme, préoccupées par la façon dont elle est traitée en France.

Nous ne partons pas de rien : le rapport du HCSP du mois de décembre formule des recommandations – prise en charge médicale, performance des outils diagnostiques, recherche clinique, enquêtes sociologiques – et des travaux ont été engagés par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) et l’InVS. Cette proposition de loi a le mérite de fixer les objectifs que nous partageons tous – amélioration des connaissances et des modalités de prise en charge, formation des intervenants – et de proposer un plan national.

Ce plan est d’autant plus nécessaire que le projet de loi de Mme Touraine n’aborde pas ce problème de santé publique – je lui ai d’ailleurs adressé une question écrite sur le sujet le 16 décembre dernier, mais j’attends toujours la réponse… J’espère qu’elle pourra nous apporter des informations la semaine prochaine en séance publique, et nous dire quels véhicules vont permettre de progresser et de répondre aux attentes des patients et du monde médical.

Cette proposition de loi permet de poser le débat, et l’opposition est parfaitement dans son rôle. J’espère que des éléments de consensus seront trouvés.

M. Olivier Véran. Cette proposition de loi est l’occasion de débattre d’une maladie, dont on a beaucoup entendu parler ces derniers temps. Cette zoonose évolue très lentement, elle est multisymptomatique, et le corps médical n’y est pas suffisamment sensibilisé.

Notre collègue Accoyer a raison de demander un renforcement de la lutte contre les tiques, mais je l’invite aussi à lutter contre ses propres tics – je sais qu’il comprendra mon humour –, sachant que les pouvoirs publics agissent déjà contre la maladie de Lyme, un plan ayant été proposé en ce sens.

Dans nos circonscriptions, certains malades nous disent regretter que le diagnostic de la maladie ne soit pas posé suffisamment tôt ni de façon fiable. Dans certains pays européens, notamment en Allemagne, des centres privés réalisent des diagnostics que nous ne saurions pas faire en France. Comme l’a dit Mme Khirouni, il faut être modeste sur notre capacité de réaliser des diagnostics dans de bonnes conditions. Notre pays gagnerait donc à regarder les méthodes diagnostiques qui existent à l’étranger.

Je remercie nos collègues de l’opposition de nous permettre d’aborder cette question de santé publique. Néanmoins, comme l’a souligné Mme Delaunay, la réponse se situe davantage au niveau de la recherche scientifique – sinon, nous déposerions des propositions de loi sur toutes les maladies métaboliques ou infectieuses responsables de grandes souffrances pour les malades.

J’appelle donc à la prudence. Cela dit, je serais le premier à signer un plan maladies rares qui intègre la maladie de Lyme.

M. Bernard Perrut. Monsieur le rapporteur, comme la proposition de résolution que vous avez présentée devant la Commission des affaires européennes, cette proposition de loi a pour but d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur une maladie que nous connaissons tous dans nos circonscriptions, où nous sommes régulièrement interpellés par ceux qui en sont atteints.

Votre rapport a montré le caractère insuffisant de la surveillance au niveau européen, et vous évoquez la nécessité d’aller plus loin, notamment dans le domaine de la recherche. La Commission européenne contribue à hauteur de 15,6 millions d’euros à des projets de recherche liés à la maladie de Lyme. La recherche avance-t-elle ? Cet effort est-il suffisant, notamment dans le cadre du programme européen 2014-2020 ? Bref, l’Europe prend-elle la mesure de ce problème de santé publique ?

Vous indiquez aussi que la campagne d’information et de dépistage doit être améliorée, et que le test utilisé en France est moins efficace que ceux utilisés dans d’autres États membres de l’UE. Pourquoi est-il moins efficace ?

Cette proposition de loi a plusieurs mérites. Elle se donne comme objectif une meilleure évaluation du nombre de cas, ce qui permettra de comprendre les disparités d’un département à l’autre. Elle vise en outre à éclaircir les modalités de transmission, à s’assurer de la fiabilité des diagnostics sérologiques, et à mieux informer sur les traitements proposés.

Pour autant, faut-il une proposition de loi ? Je pense que le ministère de la santé et les instances en charge du suivi des maladies auraient dû prendre conscience plus tôt de la nécessité absolue de lutter contre cette maladie.

M. Michel Liebgott. J’interviendrai ici en qualité de député « territorialement compétent », l’Est de la France étant particulièrement touché par la maladie de Lyme. On dénombre dans certaines études jusqu’à 635 000 cas chroniques identifiés ou supposés, ce qui paraît considérable mais est sans doute excessif.

L’examen de cette proposition de loi a le mérite de nous permettre de poser un diagnostic, tout le monde n’étant pas forcément informé que les tiques sont à l’origine de cette maladie. Cela étant, il ne me paraît pas opportun d’adopter des dispositions législatives en la matière. Il ne faut pas créer un climat de psychose. Mieux vaudrait diffuser les informations disponibles et collaborer avec les associations compétentes, telles « Lyme sans frontières », qui œuvre dans ma circonscription ainsi qu’en Belgique. En effet, si le diagnostic de la maladie est difficile à établir, le traitement de la première phase de cette pathologie est simple et efficace. Il est donc d’autant plus regrettable que des gens souffrent de pathologies très lourdes, parce que le diagnostic n’a pu être établi à temps.

M. Dominique Dord. Je remercie le rapporteur d’avoir soulevé cette question, même si l’on peut se demander si son traitement relève d’une proposition de loi.

Je suis surpris qu’il soit fait mention dans l’exposé des motifs de ce texte de diagnostics erronés alors qu’une maladie aussi grave est en cause. Je suis également surpris que l’on ne soit pas aujourd’hui en mesure de proposer au niveau mondial un dépistage systématique alors que cela devrait constituer la priorité absolue. Enfin, je suis tout aussi étonné que le rapport de notre rapporteur ne présente aucune comparaison mondiale. Cela nous permettrait de ne pas « réinventer » des mesures déjà en vigueur dans d’autres pays mais plutôt de nous associer à leurs efforts.

Mme Bernadette Laclais. Il me paraît important que nous débattions de ce sujet ce matin même si son traitement ne relève pas forcément d’un texte législatif. Pour ma part, je n’ai pas attendu que cette proposition de loi soit déposée pour interroger la ministre de la santé, le 2 septembre dernier, et obtenir d’elle une réponse le 28 octobre.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est là toute la différence entre la majorité et l’opposition !

Mme Bernadette Laclais. Non, il n’y a aucune différence en la matière. C’est une question de calendrier et il faut environ un mois et demi pour obtenir une réponse du Gouvernement. Celle qu’il m’a fournie est d’ailleurs très claire : elle propose d’attendre la publication du rapport du Haut conseil – qui a été remis au Gouvernement depuis lors. Le débat de la semaine prochaine nous permettra de connaître avec précision les intentions du Gouvernement à l’égard des préconisations formulées dans ce rapport. J’espère que les décisions qu’il prendra répondront aux attentes des malades et des associations car cette maladie, lorsqu’elle se développe, est très douloureuse et invalidante. Ce qui doit nous réunir ce matin, c’est donc la volonté de progresser ensemble en ce sens, peu importe que cela passe par l’adoption de mesures législatives, de dispositions réglementaires ou d’un plan d’action gouvernemental.

M. Élie Aboud. L’examen de telles propositions de loi présente l’avantage de nous permettre de nous concentrer sur une maladie peu connue. Certains collègues de la majorité ont parlé de confusion entre la fonction du législateur et celle de la communauté médicale. Mais la confusion règne au sein même de cette dernière, car alors que la maladie de Lyme devrait relever des infectiologues, on ne les voit pas intervenir en phase aiguë de la maladie. Et cette maladie étant poly-viscérale, on ne sait qui en est le spécialiste. J’estime donc pour ma part que cette infection, qui est transmissible, relève de la santé publique – domaine auquel la loi ne devrait pas être étrangère, surtout lorsqu’aucune décision n’est prise par les pouvoirs publics. Cette proposition de loi a le mérite de nous alerter et je regrette que la majorité ne soit pas favorable à son adoption.

Mme Kheira Bouziane. Comme bon nombre d’entre nous, j’ai été sensibilisée au problème que représente cette maladie. Madame Le Callennec, moi qui ai interrogé la ministre de la santé le 16 septembre 2014, j’ai obtenu sa réponse le 28 octobre dernier. Compte tenu de la trêve des confiseurs, les délais sont normaux ; patientez encore un peu. Ainsi que l’a fait savoir la ministre à Chaynesse Khirouni hier dans le cadre des questions orales sans débat, vous obtiendrez de toute façon une réponse lors du débat de la semaine prochaine.

Le directeur général de la santé avait commandé un rapport en 2012 qui vient d’être publié. Un temps d’analyse est nécessaire avant que le Gouvernement ne passe à l’action. Je ne puis donc vous laisser accuser celui-ci d’être inactif, monsieur Accoyer, d’autant que Mme Khirouni nous a appelés à un débat apaisé. Mais le Gouvernement vous le confirmera lui-même la semaine prochaine.

M. Jean-Pierre Door. Je remercie les collègues signataires de cette proposition de loi de nous rappeler l’existence de cette maladie. Ce texte ne peut être que bénéfique aux nombreux patients touchés par cette pathologie malheureusement très handicapante, sournoise et souvent méconnue. Pour répondre à Dominique Dord, il me semble que le Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies, l’ECDC de Stockholm, est bien au fait de son importance et que de nombreuses actions sont menées au niveau européen. Par contre, la France se montre effectivement très frileuse et n’a guère avancé en ce domaine.

Quant à savoir si le recours à la loi était nécessaire, la question est posée. Mais le débat de ce matin a le mérite de mettre en lumière l’existence de cette maladie et de nous permettre de lutter contre le déni de sa gravité. Bien que je ne sois pas signataire de ce texte, je le soutiens et regrette que la majorité n’en fasse pas autant, car cela aurait pu mettre en alerte le Haut conseil de santé publique et le Gouvernement.

Mme Valérie Boyer. Je m’étonne que cette maladie fort répandue ne fasse pas l’objet d’un dépistage plus sérieux. Cette question devrait à mon sens être débattue lors de l’examen du projet de loi de santé publique.

Compte tenu de la manière dont cette maladie se transmet à l’homme, je m’étonne que dans les zones urbaines densément peuplées, les espaces verts ne soient pas désherbés au motif que l’on ne doit pas utiliser de pesticides ou que les parcs soient mal arrosés pour des raisons d’écologie urbaine. Or les tiques peuvent proliférer à foison dans de telles conditions. Il conviendrait que les élus locaux veillent à éviter une telle prolifération.

Enfin, si je suis signataire de cette proposition de loi, j’aurais souhaité que l’on pousse plus loin l’analyse en présentant des comparaisons internationales et que l’on propose des mesures plus ambitieuses en faveur du dépistage et du traitement de ce fléau.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je rejoins ceux d’entre nous qui considèrent que le législateur ne peut appréhender notre système de santé maladie par maladie. Ainsi, j’ai opposé avec regret un refus à notre collègue Francis Vercamer qui souhaitait que notre Commission auditionne des spécialistes lors de la journée de l’épilepsie, le 11 février prochain. En ma qualité de présidente de la Commission, je suis sollicitée toutes les semaines par de nombreuses associations qui expriment le souhait d’être auditionnées sur telle ou telle maladie. Or s’il me peine de leur opposer un refus systématique, nous ne pouvons cependant ouvrir une telle boîte de Pandore sans quoi il nous faudrait auditionner des associations du lundi au vendredi toutes les semaines.

S’agissant de la maladie de Lyme, ce problème de santé publique est connu depuis longtemps : le Haut conseil de santé publique et des instances telles que l’Institut national de veille sanitaire s’en sont saisis. Le ministère des affaires sociales y a même consacré une page entière de son site internet. Mais encore une fois, nous ne pouvons consacrer à chaque maladie une proposition de loi. Cela étant, je félicite le rapporteur d’avoir soulevé la question ce matin.

M. Marcel Bonnot. Il est certain que les maladies qui doivent être prises en compte par la recherche médicale sont nombreuses et celle de Lyme n’est pas des moindres. Mais s’arrêter à un simple constat, c’est faire la preuve de son incapacité. Cette maladie me semble exiger de nous une réaction accomplie car elle touche non seulement la France mais aussi l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche et les pays de l’Est. Or ils ont pris la mesure de la gravité du problème : la France ne peut donc rester en retrait à cet égard.

Monsieur le rapporteur, comme votre région, le Doubs est particulièrement affecté par le développement des tiques et les conséquences de leurs morsures sur les habitants. Cependant, le développement préoccupant de la maladie dite de Lyme, qui trouve son origine aux États-Unis, ne s’arrête pas à nos frontières et concerne tout autant et dans des proportions comparables nos voisins européens. De même, le nuage de Tchernobyl ne s’est-il pas arrêté à la frontière suisse ni à la frontière allemande mais a pu déborder, quoi qu’on en ait dit, sur notre territoire. C’est pourquoi j’avais déjà déposé une proposition de résolution européenne qui fut alors adoptée à l’unanimité des membres de la commission des affaires européennes.

J’ai souhaité poursuivre ce travail commun en déposant sur le bureau de notre assemblée cette proposition de loi et ne peux que me réjouir qu’elle soit aujourd’hui discutée devant la commission des affaires sociales. Si je connaissais les risques des morsures de tiques, ce qui m’a amené à envisager de soumettre ce texte à notre Assemblée, c’est la détresse d’une mère qui, face aux difficultés qu’elle rencontrait, m’a sensibilisé au cas de sa fille, Océane. Cette dernière, après avoir contracté la maladie de Lyme, a dû se faire opérer en urgence d’une tumeur au cerveau. Le cas de cette adolescente qui m’est proche m’a interpellé et invité à examiner de plus près les conséquences de cette maladie et sa dimension mondiale, que nous ne pouvons plus ignorer.

Ainsi, face au développement de ce fléau, il m’a paru urgent d’agir, au niveau européen tout d’abord, afin que cette question de santé publique soit enfin prise en compte avec toute l’attention nécessaire et que les malades ne se sentent plus délaissés par les pouvoirs publics.

Monsieur le rapporteur, je me réjouis du travail constructif qui a été le vôtre : il a permis d’apporter les améliorations nécessaires au texte initial afin de lui conférer toute sa dimension et de lui donner toutes les chances d’emporter un vote favorable, voire l’unanimité de votre commission. En effet, si les initiatives que vous avez été plusieurs à mentionner ont permis la publication du rapport du Haut Conseil de la Santé Publique en décembre dernier, je note que les recommandations qui y figurent rejoignent les préoccupations de la présente proposition de loi. Aussi, si je me réjouis de la publication de ce rapport, celui-ci ne marque qu’une première étape qu’il est nécessaire de compléter par des mesures d’ordre législatif. C’est en tout cas ce qui me semble ressortir des auditions du corps médical, du corps scientifique et des associations qu’a menées le rapporteur.

La maladie, la douleur et la souffrance n’ayant pas de couleur politique, il est de notre responsabilité commune de permettre à la recherche et au monde scientifique et médical de poursuivre plus avant les travaux qui doivent être menés, d’agir rapidement en faveur de la prévention et de la vulgarisation des bons comportements à adopter et de compléter la cartographie dont on dispose afin qu’elle couvre l’ensemble du territoire national. C’est en ce sens que je vous propose de soutenir le texte qui vous est soumis aujourd’hui.

M. le rapporteur. Je tiens à mon tour à remercier Marcel Bonnot d’avoir déposé cette proposition de loi. Cela fait en effet plusieurs mois déjà que nous travaillons ensemble de façon constructive. Ce qui motive la présence de nombreux collègues ce matin en réunion, c’est que nous avons tous été dans nos circonscriptions, à un moment ou à un autre, sensibilisés à des cas de détresse.

Madame Khirouni, s’il me paraît utile d’adopter une proposition de loi en la matière, c’est que cela ne me paraît nullement incompatible avec la conduite d’une politique de santé publique plus affirmée ni avec la publication en décembre dernier du rapport du Haut conseil de la santé publique. Cette proposition de loi inscrit dans le marbre les étapes à suivre pour intensifier la communication des pouvoirs publics sur le sujet.

Aujourd’hui, les patients sont plongés dans une grande détresse et nos concitoyens s’informent par le biais d’internet et des réseaux sociaux, frisant parfois le syndrome de l’auto-médication. Or de telles pratiques alimentent les rumeurs, ce qui est préjudiciable à une analyse sereine de la situation. Parallèlement, la communauté médicale a plusieurs doctrines en la matière, parmi lesquelles celles du professeur Perronne et du professeur Jaulhac. Les médecins portant des appréciations différentes sur la prise en charge et le traitement de la maladie, il importe de dissiper la confusion. Cette proposition de loi est donc aussi l’occasion pour le Parlement de discuter, d’enrichir et d’amender les propositions figurant dans les rapports tels que celui qui a été publié par le Haut conseil de la santé publique et, parallèlement, de contrôler l’action du Gouvernement. Cela a permis de mettre en évidence à quel point il était urgent que les différents acteurs concernés aient des échanges afin de lever des incertitudes, sources d’inquiétudes parfois inutiles.

Je suis d’accord avec vous, madame Khirouni, quant à la nécessité de guider et d’épauler les associations : les plateformes de rencontre prévues dans cette proposition de loi permettraient justement d’y parvenir.

Je vous remercie de votre soutien, monsieur Accoyer. Tout le monde s’accorde à dire que le nombre de cas recensés s’élève à environ 27 000 en France, et qu’il se situe entre 65 000 et 85 000 à l’échelon européen. Point important d’ailleurs, cette proposition de loi prévoit l’établissement d’une cartographie de la maladie – mesure à laquelle le professeur Jaulhac est favorable. Cela nous permettrait à la fois de mieux recenser les zones à risque et d’apporter les éléments factuels nécessaires à l’engagement de nouveaux programmes de recherche.

Il est vrai, Madame Orliac, qu’il n’est pas nécessaire de recourir à la loi pour prévoir un plan de formation. Cela étant, une proposition de loi peut être de nature à inciter à aller plus loin dans des domaines comme celui-ci. Et lorsque Marcel Bonnot et moi avons déposé notre proposition de résolution européenne, des travaux ont été lancés par la suite, ce dont nous nous réjouissons. Cette première étape a donc permis de faire progresser la situation.

Madame Delaunay, monsieur Véran, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il appartient aux scientifiques d’apporter les réponses médicales à ce problème et qu’il n’est pas question de nous ingérer dans leurs travaux. Nous pourrions cependant proposer de modifier la composition de la Conférence de consensus, ainsi que nous l’ont proposé plusieurs de vos confrères, afin que différentes « doctrines » puissent y être représentées et peut-être évoluer. Nous pourrions aussi y travailler avec la création de groupes de travail multidisciplinaires.

Monsieur Perrut, nous nous réjouissons que des moyens aient été engagés au niveau européen. Notre proposition de résolution européenne visait à faire en sorte que la maladie de Lyme ne soit pas oubliée dans le cadre de la recherche sur les maladies infectieuses. À cet égard, nous avons déjà relevé de bons signaux.

La communauté médicale est en désaccord en ce qui concerne la fiabilité des tests. Et là encore, nos travaux ont incité l’INSERM à se saisir de la question. On peut néanmoins affirmer à ce stade que si l’utilisation des tests est pertinente, c’est surtout au cas par cas et en fonction de l’évolution de la maladie et du moment où le test est réalisé. Les deux outils que sont Elisa et le Western blot ne sont pas forcément antagonistes mais doivent être utilisés à un moment judicieux.

S’agissant du dépistage proprement dit, nous considérons qu’il n’est valable que sous certaines conditions. Tout d’abord, on peut faire un test et être porteur de la borréliose de Lyme sans pour autant être malade – et la maladie ne se déclenchera pas forcément. Ensuite, un dépistage peut s’avérer inutile s’il a été effectué trop précocement. Il est donc apparu que le dépistage systématique risquait de susciter des dépenses de santé très élevées sans pour autant produire les résultats escomptés. Tout le monde s’accordant à dire aujourd’hui que le budget de la santé est dans un état fort dégradé, il importe d’orienter la dépense vers les actions les plus efficaces pour contrer cette maladie. Nous souhaiterions enfin que les laboratoires s’efforcent de mieux expliquer la nature des tests qu’ils proposent et qu’ils en améliorent les notices.

La question de la déclaration obligatoire de la maladie a également été soulevée : c’est la même logique que pour les tests. En France, on ne déclare une maladie que si elle présente un réel danger. Or toutes les voies de transmission de la maladie de Lyme n’ont pas été clairement établies par la communauté médicale. Ce n’est notamment pas le cas de la voie de transmission par transfusion sanguine. En outre, les poches de sang sont traitées de sorte que le risque de transmission par cette voie est quasiment nul – et aucune publication à ce jour n’a pu démontrer le contraire. Par ailleurs, la maladie n’est pas sexuellement transmissible. Il n’est donc pas opportun de rendre systématique et obligatoire la déclaration de cette maladie qui n’est tout de même pas le virus Ebola. Il est en revanche tout à fait positif de créer un réseau sentinelle plus efficace et plus performant, ce afin d’alimenter les statistiques dans la recherche.

Il me semble ainsi avoir également répondu à MM. Liebgott, Door et Aboud ainsi qu’à Mme Bouziane.

Pour conclure, il ne me paraît pas inutile que le Parlement remplisse son rôle de mouche du coche, quel que soit le Gouvernement en place.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

TITRE PREMIER
DE L’AMÉLIORATION DE LA CONNAISSANCE DU NOMBRE, DES BESOINS ET DES MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE DES PERSONNES ATTEINTES DE LA MALADIE DE LYME ET DE TROUBLES APPARENTÉS

Article premier : Demande de rapport relatif aux personnes atteintes de la borréliose de Lyme

La Commission examine l’amendement AS2 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le rapport prévu à l’article 1er doit permettre d’établir un état des lieux de la littérature scientifique portant sur l’ensemble des modalités de transmission de la maladie. C’est pourquoi nous vous proposons de nous en tenir à une rédaction d’ordre général de cet article.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS7 du même auteur.

M. le rapporteur. Le terme de « dépistage » n’est pas approprié. Mieux vaut s’en tenir à celui de « diagnostic ».

M. Élie Aboud. Je regrette le dépôt d’un tel amendement, compte tenu de l’enjeu de santé publique que nous avons évoqué.

M. le rapporteur. C’est parce que nous considérons que le diagnostic inclut le dépistage que nous avons déposé cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article premier.

TITRE II
DE LA FORMATION DES INTERVENANTS

Article 2 : Formation médicale continue

La Commission aborde l’amendement AS3 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement rédactionnel tend à mettre la proposition de loi en conformité avec les dernières évolutions législatives du code de la santé publique.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 : Mise en place d’un plan national pour la borréliose de Lyme

La Commission rejette l’article 3.

Article 4 : Déclinaison du plan national pour la borréliose de Lyme

La Commission rejette l’amendement rédactionnel AS4 du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS5 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le dépistage systématique ne semble pas indiqué s’agissant de la maladie de Lyme. C’est pourquoi nous proposons de supprimer le quatrième alinéa de l’article 4.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS6 du rapporteur.

M. le rapporteur. Nous proposons de supprimer la déclaration obligatoire de la maladie, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 4.

Article 5 : Compensation des charges pour les organismes de sécurité sociale et pour l’État

La Commission rejette l’article 5.

Puis elle rejette l’ensemble de la proposition de loi.

M. Jean-Pierre Door. À titre personnel, j’ai été très touché par l’intervention de l’auteur de cette proposition de loi, M. Marcel Bonnot, qui nous a fait part du cas d’un proche. La Commission des affaires sociales serait sortie renforcée si elle avait adopté cette proposition de loi. Cela n’aurait engagé qu’elle mais elle aurait ainsi envoyé un signal positif. Je regrette que la majorité rejette ce texte au motif qu’il a été proposé par l’opposition.

Mme Chaynesse Khirouni. Je déplore ces propos dans la mesure où nous avons affirmé à plusieurs reprises que nous partagions le diagnostic établi par le rapporteur et les objectifs poursuivis au travers de ce texte. En outre, nous sommes un certain nombre, à gauche comme à droite, à considérer qu’il n’était pas efficace de recourir à la loi pour atteindre ces objectifs.

Il a été affirmé que le Gouvernement n’avait pris aucune décision s’agissant de cette maladie. Or je rappelle que la ministre chargée de la santé a saisi le Haut conseil de la santé publique en juillet 2012 et que ce dernier a publié son rapport en décembre 2014. Je rappelle également que si notre majorité comprend la démarche du rapporteur, elle considère qu’il n’est plus temps de publier des rapports mais d’agir. Lorsqu’elle a été interrogée, dans le cadre de la séance des questions orales sans débat de ce mardi, la ministre a indiqué que le Gouvernement suivrait les recommandations du rapport du Haut conseil. Enfin, vous n’avez cessé de parler d’urgence : oui, nous sommes dans l’urgence mais en proposant la publication d’un rapport dans un délai de deux ans, vous ne faites que reporter l’action à dans trois ans environ. C’est pourquoi notre groupe demande au Gouvernement d’agir. Et nous souhaitons que la semaine prochaine dans l’hémicycle, la ministre, s’engage sur les recommandations du Haut conseil.

M. le rapporteur. Chère collègue, nous convenons tous du fait qu’il convient d’agir dès maintenant. Si nous proposons qu’un rapport d’étape soit remis au Parlement dans deux ans, c’est afin que soient évaluées les actions qui vont être menées dès maintenant en matière de santé publique pour lutter contre cette maladie.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je conclurai cette réunion en rappelant les règles de respect qui doivent prévaloir entre nous. Lorsque nous traitons ici de sujets délicats, qui touchent l’affect – tels que la fin de vie, les cancers pédiatriques, l’hépatite C ou la maladie de Lyme – je n’aime pas que des collègues sous-entendent que certains députés auraient du cœur et d’autres pas, au motif que ces derniers ne voteraient pas tel ou tel texte.

M. Jean Leonetti. Personne n’a dit cela !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Lorsque nous avons débattu des cancers pédiatriques, la responsable de notre groupe sur ce sujet, Michèle Delaunay, a ainsi reçu de nombreux courriers d’insultes au cours du week-end qui a suivi notre discussion. Il est vrai que notre commission est plus propice à ce type de débats que celles des finances ou du développement durable. Mais je ne puis tolérer de tels procès d’intention.

M. Élie Aboud. Personne ne pense cela ! Ce qu’a voulu dire Jean-Pierre Door dans son intervention, c’est que les patients ne connaissent pas les modalités techniques de nos procédures. Ils ne vont pas comprendre que la majorité vote contre ce texte. C’est donc lui rendre service que de proposer d’envoyer un signal positif en précisant que la Commission tient compte des propos qui ont été tenus, qu’elle a conscience qu’il y a là un problème de santé publique et qu’elle saisira la ministre de la santé la semaine prochaine.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Cela avait déjà été bien expliqué tout à l’heure par Mme Khirouni. Quoi qu’il en soit, je vous remercie toutes et tous.

La séance est levée à onze heures dix.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 28 janvier 2015 à 9 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Joël Aviragnet, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Véronique Besse, Mme Kheira Bouziane, Mme Valérie Boyer, Mme Marie-Arlette Carlotti, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Françoise Dumas, M. Richard Ferrand, Mme Hélène Geoffroy, M. Henri Guaino, Mme Joëlle Huillier, Mme Monique Iborra, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Hervé Morin, Mme Dominique Orliac, Mme Luce Pane, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. François Vannson, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer 

Excusés. – M. Stéphane Claireaux, Mme Jacqueline Fraysse, M. Michel Issindou, M. Laurent Marcangeli, M. Arnaud Richard, M. Jean-Sébastien Vialatte

Assistait également à la réunion. – M. Marcel Bonnot