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Commission des affaires sociales

Mercredi 18 février 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 33

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur la politique du handicap.

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 18 février 2015

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales procède à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur la politique du handicap.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame la secrétaire d’État, pour avoir siégé dans cette commission, vous savez que les questions liées à la politique du handicap y sont suivies avec beaucoup d’intérêt. Nous vous avions entendue en avril dernier sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERP), des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

Aujourd’hui, outre un point sur la mise en œuvre de ce texte, nous aimerions vous entendre sur les suites de la Conférence nationale du handicap, présidée par le Président de la République, qui a fixé fin 2014 les objectifs de la politique du handicap selon trois axes forts : promouvoir une société inclusive, adapter les parcours et les soins aux besoins des personnes, simplifier le quotidien.

Avant de vous donner la parole, je tiens à souligner que les députés n’apprécient guère de légiférer par ordonnance. Or avec ce texte, nous avons été servis, car un grand nombre de points ne donnent satisfaction ni aux associations de personnes handicapées ni aux parlementaires de l’opposition comme de la majorité ! Madame la secrétaire d’État, vous avez déjà été interpellée sur les carences que présente cette ordonnance – par « carences », je veux parler d’éléments qui sont apparus, alors qu’ils ne correspondent pas à l’esprit ayant présidé à nos discussions en juin 2014 sur la loi d’habilitation.

Je ne suis pas dupe : vous n’êtes pas seule à la manœuvre, Madame la secrétaire d’État. D’autres départements ministériels sont concernés et, notamment, le ministère du logement, où agissent les lobbies des promoteurs et les lobbies des constructeurs, à côté desquels les « lobbies » des personnes en situation de handicap apparaissent bien fragiles. Les associations des personnes handicapées elles-mêmes ne sont pas dupes de ce rapport de force. J’espère que tous les arrêtés d’application vous sont soumis, madame la secrétaire d’État, et si ce n’est pas le cas, sachez que nous resterons à vos côtés pour vous soutenir, car cette loi n’est pas celle des constructeurs et des promoteurs, elle est avant tout la loi des personnes en situation de handicap.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Mesdames, messieurs les députés, lorsque je me suis exprimée devant votre commission en avril dernier sur le projet de loi d’habilitation, je m’étais engagée à revenir devant vous pour présenter l’ordonnance. Je n’ignore pas, en effet, combien il est frustrant pour les parlementaires de légiférer par ordonnance.

La loi d’habilitation a été promulguée le 10 juillet 2014, et l’ordonnance relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées a été publiée le 27 septembre 2014 au Journal officiel. Le projet de loi de ratification devant être déposé sur le Bureau d’une des assemblées parlementaires dans un délai de cinq mois à compter de la publication de l’ordonnance, soit avant le 27 février 2015, il a été déposé sur le Bureau du président du Sénat le 4 février dernier. Il a en effet été décidé, en concertation avec les deux rapporteurs, celui de l’Assemblée nationale et celle du Sénat, de procéder dans le même ordre que pour le projet de loi d’habilitation, c’est-à-dire de commencer par le Sénat.

Je vais apporter des éléments concernant les agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP), tels qu’ils sont décrits dans l’ordonnance et dans les textes sortis depuis le mois de septembre. Cette ordonnance devra être ratifiée par le Parlement. C’est vous qui déciderez de la date à laquelle ce texte sera étudié, sachant que les agendas d’accessibilité programmée doivent être déposés avant le 27 septembre 2015. Plus vite nous débattrons ensemble de cette ordonnance, mieux ce sera pour les personnes handicapées et les propriétaires ou gestionnaires d’établissement qui sauront ainsi à quoi s’en tenir.

C’est la sénatrice Claire-Lise Campion, dans le cadre de son rapport « Réussir 2015 » qui avait proposé cette solution de l’Ad’AP à l’issue d’une concertation avec les parties prenantes. Conformément à la loi du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », le 1er janvier 2015 reste la date limite pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public. Ces derniers doivent donc faire connaître leur situation, soit en attestant être en conformité avec les normes d’accessibilité, soit en déposant un agenda d’accessibilité programmée. Ainsi, la seule façon de pouvoir engager ou poursuivre des travaux d’accessibilité après le 1er janvier 2015 est de déposer un Ad’Ap.

L’agenda d’accessibilité programmée correspond à un engagement de procéder aux travaux de mise en accessibilité dans le respect de la réglementation, dans un délai limité, et selon une programmation des travaux et des financements.

Le propriétaire de l’ERP est généralement responsable pour ce qui concerne les travaux lourds, sauf stipulation particulière portée au contrat du bail, mais plusieurs personnes morales ou physiques peuvent cosigner un Ad’AP. Dans ce cas, chaque personne morale ou physique engage sa responsabilité à hauteur des travaux qui relèvent de sa compétence, mais une seule d’entre elle devient le correspondant de l’administration dans le cadre du suivi de l’exécution de l’Ad’AP.

Il y aura donc un dossier de demande de travaux pour tous les établissements. Dans un souci de simplification, nous avons choisi, pour les établissements de cinquième catégorie, c’est-à-dire qui reçoivent moins de 200 personnes, d’intégrer au dossier de demande d’autorisation de travaux la page relative à l’Ad’AP.

La date limite de dépôt de l’agenda d’accessibilité programmée est fixée au 27 septembre 2015. L’ordonnance – qui pourra être amendée lors du débat parlementaire – prévoit cependant des possibilités de prorogation. Deux motifs peuvent ainsi être invoqués par les gestionnaires d’établissement pour l’obtention du report de la date de dépôt : soit les difficultés techniques, soit les difficultés financières liées à l’évaluation ou à la programmation des travaux.

La notion de « difficulté financière » sera prochainement précisée par un arrêté, mais je peux d’ores et déjà vous indiquer qu’il s’agit des redressements ou liquidations judiciaires, lorsque les capitaux propres sont négatifs ou lorsque les indicateurs du taux d’endettement ou de capacité d’autofinancement sont déjà dans le rouge. Pour ces situations, la dérogation accorde un délai de trois ans pour déposer un Ad’AP – la loi de 2005 prévoit au demeurant des dérogations pour « impossibilité financière ». Le Gouvernement a souhaité que cette disposition ne concerne que les structures dont la survie économique ou budgétaire est en jeu, c’est-à-dire celles qui n’ont pas la capacité d’investir pour la mise en accessibilité et qui ne peuvent contracter des prêts.

Quant à la notion de « difficulté technique », il est délicat d’y apporter une définition réglementaire, mais nous y réfléchissons. Pour l’instant, il est prévu que cette situation soit laissée à l’appréciation du préfet au cas par cas. Cela peut être, par exemple, un patrimoine très étoffé nécessitant la mobilisation de plusieurs bureaux d’études ou encore un ERP nécessitant la réalisation d’études en amont particulièrement complexes.

La demande de prorogation pour le dépôt de l’agenda d’accessibilité programmée doit être adressée au préfet avant le 27 juin 2015. Celui-ci dispose alors d’un délai de trois mois pour statuer. Le préfet a l’obligation de rendre une décision motivée et son silence vaut rejet. Autrement dit, s’il ne répond pas, la demande de dérogation est rejetée.

En cas de rejet d’un premier agenda d’accessibilité programmée par le préfet, celui-ci fixe une prorogation pour un nouveau dépôt, qui ne peut excéder six mois. À titre d’exemple, un gestionnaire d’établissement demandant à bénéficier du dispositif de longue durée, soit six ans, mais ne remplissant pas les conditions, devra redéposer dans les six mois un Ad’AP correspondant à la durée de droit commun.

D’aucuns voient dans ce délai de six mois un effet d’aubaine permettant aux propriétaires ou aux gestionnaires d’ERP de bénéficier de six mois supplémentaires en déposant un dossier incorrectement rempli. Néanmoins, le Conseil d’État estime le risque d’effet d’aubaine très limité, puisqu’un dossier jugé notoirement insuffisant est considéré comme n’ayant jamais existé, ce qui expose le propriétaire ou l’exploitant de l’établissement aux sanctions pénales pour non-dépôt d’Ad’AP prévues par la loi de 2005, c’est-à-dire des amendes comprises entre 45 000 et 200 000 euros.

Pour ce qui est de l’acceptation ou du rejet de l’agenda d’accessibilité programmée, la règle générale est une décision implicite d’acceptation du préfet. Le silence vaut donc accord, sauf dans un certain nombre de cas. Le préfet a, en effet, l’obligation de prendre une décision expresse sur le dossier en cas de demande d’une durée plus longue pour des raisons financières ou de complexité du patrimoine, en cas de demande de prorogation du délai de dépôt, ainsi qu’en cas de demande de prorogation de délai d’exécution. Autrement dit, le silence vaut rejet pour toutes les dispositions hors du droit commun.

S’agissant des délais des agendas d’accessibilité programmée, la durée de base est de un an, deux ans ou trois ans, et aucune année ne doit être blanche. Le préfet peut ainsi refuser une durée de trois ans pour l’installation d’une simple rampe. Toutefois, il est possible à un propriétaire ou à un exploitant d’un ERP recevant plus de 200 personnes de déposer un agenda supérieur à trois ans et ce jusqu’à six ans. En effet, dans les établissements de catégorie 1 à 4, chaque mètre carré doit être mis en accessibilité selon les normes en vigueur, alors que l’obligation d’accessibilité pour les établissements de catégorie 5 concerne uniquement la porte d’entrée et une partie de l’établissement où toutes les prestations peuvent être délivrées.

En termes de budget d’investissement, CCI France considère qu’un commerce de catégorie 5 doit investir 10 000 euros pour sa mise en accessibilité. De son côté, l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement estime à 150 000 euros le budget moyen pour la mise en accessibilité d’un collège.

Vous l’avez compris : un agenda d’accessibilité programmée de plus longue durée que trois ans ne sera accepté pour un établissement de catégorie 1 à 4 que si l’ampleur des travaux le justifie. D’ailleurs, si la loi de 2005 n’a été qu’imparfaitement appliquée, c’est probablement parce qu’elle ne faisait aucune différence entre la taille des patrimoines et l’importance des travaux. D’où l’intérêt de ces dispositions en fonction du type d’établissement.

La durée de l’agenda d’accessibilité programmée peut être étendue sur justification d’une situation économique délicate. En effet, il a été décidé de prendre en compte la réalité économique des maîtres d’ouvrage, qu’ils soient publics ou privés. Si le maître d’ouvrage démontre que les budgets d’investissement nécessaires à la mise en accessibilité obèrent sa marge d’autofinancement et son taux d’endettement, il peut envisager un Ad’AP de longue durée, à savoir six ans. De la même façon, si les indicateurs de marge d’autofinancement et de taux d’endettement passent dans le rouge, avec une programmation sur six ans, le maître d’ouvrage peut soumettre un Ad’AP à neuf ans. Le principe retenu est de programmer des travaux d’accessibilité sur une plus longue durée, sans pour autant dépasser neuf ans. L’objectif est de permettre aux établissements qui ne peuvent procéder aux travaux en trois ans de les réaliser dans des délais plus longs.

Le dépôt de l’agenda d’accessibilité programmée est obligatoire. L’Ad’AP est un schéma directeur de mise en accessibilité du patrimoine, qui permet de poursuivre en toute légalité une démarche d’accessibilité après le 1er janvier 2015. Les Ad’AP d’une durée de droit commun – de un an, deux ans ou trois ans – bénéficient d’une décision implicite d’acceptation, ainsi que ceux des établissements de catégorie 1 à 4 dont l’ampleur des travaux justifie une programmation des travaux sur quatre, cinq ou six ans. Autrement dit, silence vaut accord.

Toutes les autres situations font obligatoirement l’objet d’une décision expresse et motivée du préfet. Il s’agit des agendas de plus de trois ans justifiés par une situation financière délicate ou dégradée ; des agendas de sept, huit ou neuf ans justifiés par un patrimoine très étoffé ou dispersé sur le territoire ; des demandes de prorogation de délai de dépôt de l’agenda ; des demandes de dérogation aux règles d’accessibilité pour les établissements de première et deuxième catégories, c’est-à-dire qui accueillent plus de 700 personnes.

Actuellement, toutes les demandes d’autorisation de travaux des établissements recevant du public doivent être traitées dans les quatre mois. Ce sera la même chose pour les agendas d’accessibilité programmée : le dossier doit être instruit par les services de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) et présenté devant la commission d’accessibilité et de sécurité dans un délai de quatre mois. Ainsi, la décision du préfet doit intervenir dans un délai de quatre mois.

J’en viens à la question épineuse de la copropriété. Le droit de propriété étant constitutionnellement reconnu, le législateur peut uniquement adapter les règles de majorité lorsque les travaux envisagés visent l’accessibilité des personnes handicapées. En cas de refus de l’assemblée générale des copropriétaires pour une mise en accessibilité, le propriétaire ou l’exploitant de l’établissement situé dans la copropriété se retrouve dans l’impossibilité de rendre son établissement accessible du fait d’un tiers. Le Gouvernement et le Conseil d’État ont décidé de ne pas mettre en péril les établissements installés dans des copropriétés – qui sont souvent des cabinets médicaux et paramédicaux – et d’accorder automatiquement une dérogation aux règles d’accessibilité sur les parties communes en cas de refus de l’assemblée générale des copropriétaires. En revanche, tout nouvel établissement recevant du public qui s’installe dans une copropriété d’habitation devra, si le cheminement est un obstacle à l’accessibilité, demander une dérogation et, surtout, expliquer pourquoi il ne peut pas s’implanter dans un autre local accessible. Ainsi, les nouveaux établissements ne devraient théoriquement pas s’installer dans des copropriétés inaccessibles.

Vous l’avez compris : tous les gestionnaires doivent déposer leur agenda d’accessibilité programmée sous peine de sanction administrative forfaitaire. Un exploitant dont l’établissement est déjà conforme au 31 décembre 2014 n’a pas à déposer un dossier, mais a l’obligation de se signaler auprès du préfet. Ainsi, les établissements déjà conformes doivent attester de la conformité de leur établissement avant le 1er mars 2015 ; pour tous les établissements de cinquième catégorie, soit 80 % des établissements, ce document consiste en une simple déclaration sur l’honneur.

En cas de non-respect des obligations de mise en accessibilité prévues par la loi de 2005, des sanctions pénales sont prévues à l’encontre des propriétaires ou exploitants. À partir du 27 septembre 2015, date limite de dépôt des agendas, tout propriétaire ou exploitant qui n’aura pas déposé un agenda sera passible d’une sanction pénale. Il en sera de même pour ceux qui ne respecteront pas leur agenda. Je vous rassure donc : les sanctions pénales sont toujours applicables.

Un suivi des agendas d’accessibilité programmée est prévu. L’ordonnance impose aux propriétaires et aux exploitants de transmettre au préfet les documents de suivi ou d’achèvement. Pour les agendas de droit commun – de un an, deux ans ou trois ans –, le propriétaire ou l’exploitant a l’obligation de communiquer au préfet ce document dans les deux mois qui suivent l’achèvement des travaux. Concernant les Ad’AP de quatre ans et plus, le propriétaire ou l’exploitant devra, d’une part, transmettre un point de situation à un an pour signaler les premières concrétisations et, d’autre part, transmettre un bilan à mi-agenda. La non-communication de ces documents de suivi est passible d’une amende administrative forfaitaire de 1 500 euros pour les Ad’AP de cinquième catégorie et de 2 500 euros pour les autres.

En cas de non-respect des engagements en fin d’agenda d’accessibilité programmée, le préfet engage une procédure de carence. Sur proposition de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité, il pourra prononcer par ordre décroissant de gravité une sanction pécuniaire représentant un pourcentage du montant des travaux non réalisés, ou la constitution d’une provision comptable permettant au propriétaire ou à l’exploitant de financer les travaux, ou l’octroi de quelques mois supplémentaires pour achever la réalisation de l’agenda. Cette dernière possibilité sera logiquement réservée aux agendas quasiment bouclés.

Les commissions communales ou intercommunales pour l’accessibilité vont devenir des observatoires locaux de l’accessibilité. En effet, à la demande du Sénat, les commissions dresseront une liste numérique des établissements recevant du public implantés sur le territoire communal ou intercommunal d’ores et déjà accessibles ou entrés dans la démarche d’accessibilité programmée. Ainsi, chaque citoyen pourra consulter la liste des établissements déjà accessibles et des établissements ayant déposé un agenda et en cours de mise en accessibilité.

Avant de prendre sa décision, le préfet consultera la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité. Cette commission sera systématiquement et obligatoirement consultée sur les demandes d’approbation d’Ad’AP et sur les autorisations de travaux ou de dérogation aux règles d’accessibilité. En réalité, c’est la sous-commission « accessibilité », dont tous les membres ont été formés au cours du premier semestre 2014, qui sera saisie de ces questions.

J’en viens aux transports scolaires. Actuellement, les départements ont l’obligation de mobiliser deux budgets, un budget d’investissement pour l’aménagement des 500 000 points d’arrêt scolaire, dont le coût total est compris entre 10 et 15 milliards d’euros ; un budget de fonctionnement pour assurer le transport spécialisé des enfants handicapés. La plupart des familles préfèrent les transports spécialisés, très personnalisés et très protecteurs. Néanmoins, une société inclusive suppose de permettre aux enfants handicapés d’avoir accès, si les parents le souhaitent, aux modes de transport scolaire classique. À l’issue de la concertation, il a été décidé que les autorités organisatrices de transport continuent d’assurer le transport personnalisé des enfants en situation de handicap, mais aussi que les parents auront la possibilité de demander une mise en accessibilité du point d’arrêt correspondant à leur domicile. L’ordonnance prévoit ainsi que les parents peuvent demander, dans le cadre du projet personnalisé de scolarisation (PPS) de l’enfant, cette mise en accessibilité du point d’arrêt correspondant à leur domicile.

S’agissant des transports en général, les autorités organisatrices de transport ont l’obligation de programmer leur mise en accessibilité dans un délai de trois ans pour les transports urbains, de six ans pour l’interurbain, et de neuf ans pour le ferroviaire. Les critères de priorité d’action, identifiés grâce à la concertation menée par la sénatrice Claire-Lise Campion, sont : la fréquentation du point d’arrêt, les modalités de son exploitation, l’organisation du réseau de transport, les nécessités de desserte suffisante du territoire. Pour élaborer leur schéma d’accessibilité, les autorités organisatrices de transport ont l’obligation de définir, avec les associations locales de personnes handicapées, la liste des points à mettre prioritairement en accessibilité.

Enfin, des « ambassadeurs de l’accessibilité » seront recrutés dans le cadre du service civique pour accompagner et orienter les acteurs sur les agendas d’accessibilité programmée. Nous avons proposé aux conseils généraux d’accueillir ces jeunes en service civique – dispositif financé par l’État. Pour l’heure, une dizaine de départements seulement ont répondu être intéressés, l’un d’entre eux ayant entamé une procédure de recrutement. Nous allons donc proposer aux villes d’accueillir des jeunes en service civique, afin de permettre un bon déploiement de ce dispositif.

En conclusion, vous l’avez compris : un très grand nombre d’agendas d’accessibilité programmée devront être étudiés durant l’été et ce jusqu’au 27 septembre. Pour ce faire, 115 équivalents temps plein (ETP) seront mis à disposition par le ministère du logement. En outre, une centaine d’ETP sera recrutée, dont le financement sera réparti entre le ministère du logement et le ministère des affaires sociales.

Tels sont les éléments que je tenais à vous apporter dans un premier temps. Le sujet est certes très technique, mais cette présentation aura, je l’espère, permis de répondre à certaines de vos interrogations. Je me tiens à présent à votre disposition pour répondre à vos questions.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, madame la secrétaire d’État, vous avez pris des décisions pragmatiques pour éviter que tous ceux qui n’ont pas mis en conformité leur établissement soient sanctionnés d’emblée, puisque les choses n’ont guère avancé, il faut le reconnaître, depuis la loi de 2005.

M. Christophe Sirugue. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de nous avoir apporté ces éléments d’information.

Si la loi du 11 février 2005 a été saluée comme une grande loi, son application est problématique. C’est tout à l’honneur du Gouvernement d’avoir pris à bras-le-corps cette difficulté, en engageant la concertation, avant de présenter le projet de loi d’habilitation, dont j’ai été le rapporteur.

La loi d’habilitation repose sur trois principes. Le premier est que l’ordonnance doit être conforme à l’habilitation. Le deuxième principe est que les dispositions de la loi d’habilitation et de l’ordonnance visent des retardataires, puisque l’obligation d’accessibilité existe depuis dix ans. Le troisième principe est que les acteurs visés par ces textes ne présentent aucun des trois motifs de dérogation à l’obligation de mise en accessibilité inscrits dans la loi de 2005, c’est-à-dire l’impossibilité technique, la conservation du patrimoine, la disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences.

Néanmoins, l’ordonnance a suscité l’inquiétude des associations et plusieurs points méritent d’être éclaircis.

D’abord, sur la date limite de dépôt des agendas d’accessibilité programmée. En effet, pour faire le constat que les agendas peuvent justifier une dérogation ou une modification, il faut qu’ils soient déposés. Comment peut-on s’assurer que le délai du dépôt de l’Ad’AP ne dépasse pas six mois ?

En outre, la difficulté technique ou financière justifiant une dérogation est déjà couverte par la loi de 2005 puisque, en cas de difficulté particulière, la notion d’« impossibilité » technique ou financière avait été retenue. Or l’ordonnance parle de « difficulté ». Pouvez-vous nous en donner une définition précise ?

Ensuite, on nous dit qu’il est impossible de rouvrir le débat sur le droit de propriété, lequel fait partie du bloc de constitutionnalité. Personnellement, je conteste cette approche car une directive sur la sécurité des ascenseurs oblige les copropriétés à les rendre accessibles. Je considère donc que nous pourrions avancer en prévoyant, dans le cadre de l’ordonnance, que la copropriété doit délibérer sur le sujet et, le cas échéant, motiver les raisons pour lesquelles elle exonère une installation accueillant du public des contraintes d’accessibilité.

Par ailleurs, les sanctions de la loi de 2005 sont extrêmement fortes et donc dissuasives dans le sens où elles auraient dû encourager les mises en accessibilité. Pour autant, elles n’ont pas suffi à faire avancer les choses. Comment entendez-vous clarifier la question des sanctions ?

S’agissant des transports scolaires, l’ordonnance fait reposer la charge de la demande d’accessibilité sur les parents d’élèves. Or le rôle des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) est essentiel. Il me semble donc nécessaire de clarifier les choses dans ce domaine, en précisant au mieux les responsabilités des différents acteurs.

Enfin, madame la secrétaire d’État, la date d’examen du projet de ratification ne dépend pas de nous, mais du Gouvernement. Le délai de dépôt des agendas de droit commun est fixé au 27 septembre 2015, et la demande de dérogation au 27 juin 2015. Si le texte n’est examiné qu’en juin au Sénat, des délais auront déjà été accordés pour le dépôt des Ad’AP ; or l’ordonnance prévoit que ces délais peuvent aller jusqu’à trois ans. Comment éviter une situation irréversible ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Effectivement, nous n’avons pas la main sur les semaines du gouvernement.

Mme Bérengère Poletti. Madame la présidente, pour cette réunion, la convocation de la commission des affaires sociales indique : « audition de Mme Ségolène Neuville sur la politique du handicap ». Nous pensions donc pouvoir aborder tous les sujets liés au handicap – scolarisation des enfants, accès à l’emploi, prestations, tarification des établissements, vieillissement des personnes handicapées, convergence – et pas seulement celui des agendas d’accessibilité programmée.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Tous les groupes sont libres d’interroger Mme la secrétaire d’État sur l’ensemble des problématiques liées au handicap. Aucun sujet particulier n’a été prévu pour cette audition, madame la députée.

Mme Bérengère Poletti. Nous recevons tous dans circonscriptions des associations de personnes handicapées, mais aussi des propriétaires d’établissements recevant du public. Il s’agit de trouver un équilibre entre l’intérêt des personnes handicapées et celui des propriétaires d’établissement. Certes, on peut s’étonner qu’au bout de dix ans les choses aient si peu avancé, mais il est des situations très compliquées, notamment en ville. Je pense en particulier aux professionnels de santé qui reçoivent dans leur cabinet des malades et qui sont dans l’incapacité de faire face aux investissements nécessaires. D’ailleurs, si l’étude d’impact évalue le coût de la mise en accessibilité des ERP de l’État à 3,6 milliards d’euros, et à 15 milliards d’euros pour les collectivités territoriales, notamment pour les transports, nous disposons de peu de données sur le secteur privé.

Vous avez essayé de trouver des solutions, madame la secrétaire d’État, et je tiens à vous en remercier. Car si les associations sont dans leur rôle en demandant l’adaptation des locaux, il est clair que les propriétaires n’ont pas toujours la capacité technique ou financière de répondre dans l’immédiat.

L’étude d’impact estime à près de 4 milliards d’euros les investissements nécessaires pour l’accessibilité des services de l’État. Comment les services de l’État pourront-ils investir une telle somme dans le cadre d’un budget toujours plus contraint ?

Un fonds alimenté par les amendes est prévu, mais on ignore comment seront réparties les aides. Les propriétaires privés ayant des montants d’investissement importants seront-ils davantage aidés que les autres ?

Le métro parisien est, à mes yeux, la caricature d’un mode de transport totalement inaccessible. Les montants d’investissement nécessaires sont énormes. Avez-vous appréhendé cette problématique ?

Ma dernière question porte sur la convergence. Actuellement, les personnes de moins de soixante ans relèvent des politiques liées au handicap et après soixante ans, des politiques liées au vieillissement. Alors que l’âge de la retraite est repoussé à soixante-deux ans, ne pensez-vous pas logique de fixer à soixante-deux ans la barrière d’âge, de sorte que les personnes dépendent des politiques liées au handicap avant leur soixante-deuxième année, et des politiques liées à la dépendance à partir de soixante-deux ans ?

Mme Dominique Orliac. Permettez-moi, madame la secrétaire d’État, de vous remercier de votre présentation. L’accessibilité est un sujet sur lequel nous sommes souvent interrogés dans nos permanences, aussi bien par les associations que par les propriétaires ou gestionnaires d’établissement de cinquième catégorie.

Dans son éditorial daté du 18 février, Le Monde titre « La France et les droits de l’Homme : bilan mitigé ». On peut y lire : « Aux yeux du Conseil de l’Europe, dont dépend la Cour européenne des droits de l’Homme, la France offre une citoyenneté à deux vitesses. Le rapport de Nils Muiznieks déplore le traitement réservé aux handicapés, aux Roms et aux demandeurs d’asile. Les premiers, devenus adultes, migrent par milliers vers la Belgique, qui leur propose une vie adaptée à leurs besoins. La loi de 2005, si elle a permis des avancées, est loin de résoudre nombre de leurs problèmes. »

La loi d’habilitation sur l’accessibilité, que nous avons votée en 2014, va certainement améliorer la situation dans notre pays. Nous attendons maintenant sa mise en œuvre grâce à l’ordonnance. Toutefois, les associations de personnes handicapées estiment que cette ordonnance trahit l’esprit de la loi et qu’elle « ne respecte pas la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées en faisant régresser ce droit fondamental qu’est la liberté d’aller et venir ». Comment comptez-vous apaiser les craintes des associations, madame la secrétaire d’État ?

Des sources rapportent que le nombre de demandeurs d’emploi en situation de handicap a explosé. De fin 2007 à juin 2014, il a plus que doublé, pour s’établir aujourd’hui à plus de 400 000. Deux raisons expliquent ce paradoxe. D’abord, l’augmentation des effectifs de travailleurs handicapés dans les entreprises tient pour partie à la reconnaissance du handicap de salariés déjà en poste, et non à l’embauche de demandeurs d’emploi handicapés. Ensuite, le vieillissement de la population française entraîne une forte augmentation du nombre de personnes reconnues travailleur handicapé, et l’avancée de l’âge de la retraite à soixante-deux ans concerne de plus en plus de personnes. Par conséquent, j’aimerais savoir quelles politiques publiques sont prévues afin de permettre une meilleure intégration des personnes en situation de handicap dans le domaine professionnel.

J’en viens au sujet de l’accessibilité. Des prêts à taux bas ou très bas sont-ils envisagés pour les personnes qui doivent mettre en accessibilité leurs ERP ?

Enfin, je participe à une mission sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire, qui utilisent du matériel ancien, souvent rénové, et inadapté à la mise en accessibilité. De nouveaux matériels roulants devraient être choisis prochainement. Quelles sont vos préconisations en la matière, madame la secrétaire d’État ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je remercie Mme la secrétaire d’État d’être venue nous parler de la politique en faveur des personnes handicapées.

Je m’associe aux propos de Christophe Sirugue, qui a suivi pour notre groupe le texte et avec lequel je travaille avec d’autres pour nous assurer que les dispositions qui vont être prises respecteront bien ce que nous étions convenus lors de l’examen de la loi d’habilitation.

La société inclusive, que nous appelons de nos vœux, se construit trop lentement. Les associations elles-mêmes ne manquent pas de nous rappeler les longs combats qu’elles ont menés pour que les personnes handicapées obtiennent quelques améliorations, notamment en matière d’accessibilité.

Je rappelle que la France a ratifié en 2010 la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, dont l’article 3 pose le « principe de l’accessibilité ». En outre, la France est liée par ses engagements souscrits au titre de la Charte sociale européenne, qui affirme que « toute personne handicapée a droit à l’autonomie, à l’intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté ».

Notre collègue Mme Orliac vient de faire référence au dernier rapport du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, qui souligne l’importance du retard accumulé par notre pays en matière d’accessibilité des lieux publics et des moyens de transport.

Madame la secrétaire d’État, quelles consignes seront données aux préfets et comment envisagez-vous de les associer pour s’assurer de la mise en œuvre effective des dispositions de l’ordonnance et des textes ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le déploiement des ambassadeurs de l’accessibilité ? Enfin, de quelle manière allons-nous pouvoir accompagner ces dispositions sur le terrain, afin de garantir qu’aucun retard supplémentaire ne sera pris ?

Mme Isabelle Le Callennec. Le handicap soulève encore de nombreuses questions. Je pense au reste à charge qui pèse sur les bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap (PCH). Je pense également au manque de places en établissement et services d’aide par le travail (ESAT), au manque de places pour les personnes handicapées vieillissantes, mais aussi pour les jeunes quittant un institut médico-éducatif (IME). Le parcours des personnes handicapées n’est malheureusement pas satisfaisant aujourd’hui, comme nous le confirment de nombreuses familles que nous recevons dans nos permanences.

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie d’être venue devant nous pour faire le point sur l’accessibilité. Si je suis bien informée, 40 % des établissements recevant du public seraient accessibles. Et l’on estime que 80 % devraient respecter le délai de trois ans. Confirmez-vous ces chiffres ?

Vous l’avez dit, de nombreuses difficultés techniques et financières subsistent. Comment les préfets et les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) s’organisent sur les territoires pour que tous les freins soient levés ?

Alors que les dotations aux collectivités sont à la baisse, l’Association des départements de France a-t-elle formulé des propositions ?

Vous avez indiqué que le silence vaut rejet ou acceptation. Je m’étais réjouie de la circulaire du 12 novembre 2014 posant le principe du « silence vaut acceptation » de l’administration ; or je m’aperçois qu’il y a d’immenses exceptions. Il serait donc intéressant que les sites Internet des préfectures indiquent la liste précise des situations dans lesquelles le silence vaut soit acceptation soit rejet. En tout cas, avec cette ordonnance, on est loin du choc de simplification attendu.

Par ailleurs, les observatoires locaux de l’accessibilité vont intervenir, pour les uns, au niveau départemental, pour les autres au niveau intercommunal. Quels seront les liens entre ces observatoires et les commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité et comment assurer une bonne coordination entre eux ?

Enfin, vous avez indiqué que les ambassadeurs de l’accessibilité, auxquels je suis favorable, seraient totalement financés par l’État. N’y aura-t-il vraiment aucun reste charge pour les départements ou devront-ils verser les 100 euros au titre du service civique ?

Mme Véronique Besse. Madame la secrétaire d’État, la scolarité des enfants handicapés soulève de nombreux problèmes.

D’abord, en dépit des assurances que nous avait apportées le Gouvernement, tous les enfants qui en ont besoin ne peuvent être accompagnés par une auxiliaire de vie scolaire (AVS), en raison de nombre important de demandes. En outre, les AVS ne peuvent rester plus de deux ans auprès des enfants, ce qui peut entraîner un traumatisme pour eux et les familles en cas de changement de personne accompagnante. Cette situation pose la question de la formation des auxiliaires de vie scolaire.

Ensuite, un grand nombre d’enfants n’ont pas de place en classe pour l’inclusion scolaire (CLIS) et doivent rester en IME.

S’agissant de la problématique de l’accessibilité, je vous indique que le label « Habitat Grand axe », initié dans plusieurs départements, dont la Vendée, permet d’inciter nos concitoyens à mettre les constructions neuves aux normes d’accessibilité grâce à des aides financières. Pensez-vous que l’État puisse prendre le relais pour généraliser ce label à l’ensemble du territoire ?

Mme Monique Orphé. Je veux ici me faire le relais des associations de défense des personnes porteuses de handicap qui ont manifesté leur inquiétude, la semaine dernière, devant la préfecture de la Réunion. Une inquiétude liée, entre autres, à la rédaction finale de l’ordonnance, rédaction qui n’est pas rassurante quant aux délais de mise en accessibilité des établissements recevant du public et qui risque de ralentir les efforts déjà accomplis, voire d’anéantir les avancées réalisées dans ce domaine. Une inquiétude que j’estime légitime, quand on sait le retard pris en la matière, même si cette mise en accessibilité a un coût.

Nous devons donc trouver un compromis entre deux intérêts : celui des personnes handicapées, qui à mon sens sont des citoyens comme les autres, et l’intérêt de ceux qui ont l’obligation de prendre en compte l’accessibilité dans la réalisation de leur projet. L’intérêt des uns ne doit pas primer sur celui des autres. Je compte donc sur la vigilance de notre collègue Christophe Sirugue, mais aussi sur la vôtre, madame la secrétaire d’État, pour faire avancer ce dossier.

De manière plus générale, je voudrais vous alerter sur l’accueil des personnes handicapées à La Réunion. Selon une enquête de l’ARS de 2010, l’offre d’accueil y est insuffisante, avec un taux d’équipement de 7,2 pour mille contre 9,4 pour mille en Métropole – de 4,5 pour mille pour les adultes, contre 9,3 pour mille en Métropole. Ainsi, par rapport aux autres régions françaises, le taux d’équipement de La Réunion compte parmi les plus faibles.

La loi de 2005 n’a pas eu les effets escomptés, notamment en matière d’accessibilité. Quels moyens de contrôle sont prévus pour suivre le respect des règles imposées par l’ordonnance et, surtout, l’application des sanctions ? Et à quand un nouveau plan de rattrapage pour combler le déficit de places à La Réunion ?

Mme Geneviève Levy. Indiscutablement, la loi de 2005 a apporté des améliorations importantes. Je rappelle que l’opposition d’alors ne nous avait pas suivis, estimant que cette loi n’allait pas assez loin. Mais je reconnais que les attentes des familles sont légitimes et que l’on peut toujours faire mieux.

La mise en place des auxiliaires de vie scolaire a permis de scolariser de nombreux enfants handicapés dans les écoles de leur quartier. Néanmoins, des difficultés subsistent, en particulier financières, mais sans doute aussi par manque de formation et d’adaptation. En effet, des AVS sont proposés à des enfants qui n’en ont pas forcément besoin, si bien que les enfants pour lesquels la présence d’une aide est indispensable en sont privés.

En outre, les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) dans les collèges et les lycées sont en nombre insuffisant, sans compter que leur organisation sur le terrain s’avère souvent catastrophique, les réponses attendues par les parents n’étant pas toujours au rendez-vous.

Enfin, la question des transports scolaires soulève également des inquiétudes, cela a été dit.

J’aimerais donc avoir votre avis, madame la secrétaire d’État, sur ces trois points relatifs à la scolarisation des enfants handicapés.

Mme Hélène Geoffroy. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie des précisions que vous nous avez apportées sur l’agenda d’accessibilité programmée. Je voudrais vous interroger sur la scolarité des enfants et la vie quotidienne des personnes porteuses de handicap.

Vous nous avez annoncé la volonté du Gouvernement d’améliorer la formation des auxiliaires de vie scolaire en proposant la création d’un diplôme d’État, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Restent la question de la durée d’accompagnement par les AVS des enfants dans le cadre de leur scolarité, ainsi que celle de la bonne coordination entre les AVS et les acteurs de l’Éducation nationale, au premier rang desquels les enseignants. Quelles sont les pistes de réflexion du Gouvernement en la matière ? Comment renforcer la coordination entre les maisons départementales des personnes handicapées et l’Éducation nationale en vue d’une meilleure prise en compte du projet de vie de l’enfant, dispositif mis en place il y a quelques années et pour lequel des améliorations sont attendues ?

Dans nos permanences, nous recevons de nombreuses personnes handicapées qui viennent nous parler de leurs difficultés pour acheter à crédit. Les banques classiques, qui craignent des difficultés de remboursement, notamment pour les prêts à long terme, réfléchissent beaucoup pour les prêts personnels, les crédits à la consommation, etc. Une première solution a été apportée par le biais des conventions AERAS (S’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé). Comment améliorer la visibilité de ces conventions ? Est-il possible de sensibiliser les différents acteurs sur le territoire et de poursuivre une réflexion partenariale sur les actions communes pouvant être initiées ?

M. Dominique Dord. Madame la secrétaire d’État, j’ai moi-même été surpris de la teneur de votre propos liminaire, qui tenait plus de la présentation d’un préfet à des maires, ou d’un directeur départemental à des adjoints au maire. Néanmoins, il est intéressant pour nous d’avoir ces éléments d’information.

J’aimerais être sûr que, au travers de l’ordonnance, nous ne sommes pas en train de nous mentir à nous-mêmes ni de mentir aux associations de personnes handicapées. Dans un contexte budgétaire toujours plus contraint, je me demande comment le retard pris durant toutes ces années en matière d’accessibilité pourra être comblé, ne serait-ce que pour les bâtiments publics dont le programme de mise en accessibilité est gigantesque. Comptez-vous demander à votre collègue du Budget la sanctuarisation d’une ligne budgétaire, ministère par ministère, afin de nous assurer qu’à l’issue du nouveau délai que nous sommes en train de nous accorder, l’État – qui doit donner l’exemple – aura bien mis en accessibilité l’ensemble de ses bâtiments ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Dord, Mme la secrétaire d’État s’est livrée à un exercice très difficile, décortiquer l’ordonnance, pour répondre aux interrogations des parlementaires. Je vous trouve un peu dur lorsque vous dites qu’elle a répondu comme un préfet à des élus ! Elle fait tout simplement de la politique, en s’efforçant de faire avancer la cause des personnes en situation de handicap.

Mme Kheira Bouziane. Madame la secrétaire d’État, merci des informations que vous nous avez données.

Les petites et moyennes entreprises, les petites structures, voire certaines professions libérales, notamment les médecins, rencontrent des difficultés techniques et financières pour se mettre en accessibilité. Or il existe des initiatives locales très intéressantes, comme celles organisées par les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers pour éclairer les chefs d’entreprise. Les ambassadeurs de l’accessibilité que vous voulez mettre en place sont eux-mêmes une très bonne idée pour accompagner l’ensemble des acteurs, et je regrette qu’ils ne rencontrent pas un plus grand succès auprès des conseils généraux, qui sont pourtant en première ligne pour la prise en charge du handicap.

Par ailleurs, un projet est en cours pour l’accueil périscolaire des enfants porteurs de handicap. Des discussions sont engagées sur le sujet avec Mme la ministre de l’Éducation nationale. Pouvez-vous nous apporter des précisions en la matière, madame la secrétaire d’État ?

M. Gilles Lurton. Je m’associe aux remerciements qui ont été adressés à Mme la secrétaire d’État pour sa présence.

Je souscris totalement au propos de ma collègue Isabelle Le Callennec sur le véritable parcours du combattant que représente la recherche d’une place pour une personne handicapée dans un établissement adapté à son handicap, que ce soit en IME, en ESAT ou en structure pour personnes âgées vieillissantes. Les enfants et même les adultes autistes, notamment, rencontrent toujours autant de difficultés, malgré les plans qui se sont succédé.

Concernant l’accessibilité, je ne dirai pas que rien n’a été fait par les collectivités locales. Depuis 2005, plusieurs d’entre elles ont mis en place des schémas d’accessibilité, assortis d’objectifs en termes de taux d’accessibilité, et ont investi pour rendre accessibles leur voirie, leurs transports et leurs établissements recevant du public. Certes, le 1er janvier 2015 était une date inaccessible au regard de l’ampleur de la tâche, et la loi d’habilitation a été bienvenue, même si elle a mis en position d’attente les collectivités et les services de l’État par rapport à vos décisions à venir, madame la secrétaire d’État.

Vous nous avez indiqué que la date limite de dépôt des Ad’AP était le 27 septembre 2015. Or je pensais que cette date ne serait fixée qu’en fonction de la date de ratification de l’ordonnance par le Parlement.

Par ailleurs, certes, le droit à la propriété est un droit constitutionnel. Néanmoins, il faut trouver une solution, notamment pour les structures médicales et paramédicales situées dans les copropriétés et qui, plus que tout autre, ont besoin d’être accessibles.

Enfin, je ne partage pas l’idée de rendre certains arrêts de transport prioritaires par rapport à d’autres. Je ne vois pas au nom de quoi une personne handicapée n’aurait pas droit à la même accessibilité qu’une autre au prétexte qu’elle se situerait dans un secteur moins prioritaire.

M. Jean-Louis Bricout. Dans la mesure où toutes les gares ne seront pas accessibles, se posent les questions de la continuité de la chaîne de déplacement, du besoin d’information et des coûts supplémentaires que représenteront les parcours atypiques. Madame la secrétaire d’État, comment évolue le système d’information et de quelle manière compenser les coûts ?

Concernant les transports scolaires, l’ordonnance prévoit que la demande de mise en accessibilité de l’arrêt le plus proche du domicile de l’enfant doit être faite par les parents ou les représentants légaux. Or je doute qu’il soit opportun de faire supporter aux familles ces nouvelles démarches administratives, qui risquent de compliquer encore plus leur vie quotidienne.

Enfin, si certains territoires sont très engagés dans la recherche de solutions en matière d’accessibilité, d’autres le sont moins. Je m’interroge d’ailleurs sur la capacité de certaines collectivités à déposer un Ad’AP et même à évaluer les coûts que représente cette mise en accessibilité. Les commissions d’accessibilité elles-mêmes ne sont pas toujours très actives. Quelle est votre point de vue sur cette situation, madame la secrétaire d’État ?

M. Jean-Louis Costes. Madame la secrétaire d’État, je regrette que nous soyons obligés de passer par une loi d’habilitation et une ordonnance. Ne confondons pas accélération et précipitation. Vos propositions auraient mérité d’être examinées dans le cadre d’un texte législatif, d’autant que le handicap renvoie à de multiples questions – places en ESAT, auxiliaires de vie scolaire, etc. –, sur lesquelles nous sommes régulièrement sollicités par nos concitoyens. Il faut trouver un équilibre entre les droits légitimes des personnes en situation de handicap et les contraintes économiques. Sur un sujet aussi sensible, qui transcende largement les clivages politiques, le débat politique aurait trouvé toute sa place au sein de cette commission.

Mme Bernadette Laclais. L’ordonnance suscite une grande inquiétude chez les associations, les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre, d’autant que son interprétation diffère entre les uns et les autres. Votre clarification est utile, madame la secrétaire d’État, mais l’urgence maintenant est de ratifier cette ordonnance. Ce n’est pas à nous de décider de la date d’examen du projet de ratification, mais nous devons, chacun de notre côté, faire en sorte que les choses s’accélèrent.

Vous avez indiqué que la date limite de demande de prorogation était fixée au 27 juin et que celle de dépôt de l’Ad’AP était le 27 septembre. Mais que se passera-t-il si le maître d’ouvrage apprend le 26 septembre que la dérogation n’est pas acceptée ? Et que se passera-t-il si la loi d’habilitation n’est pas ratifiée le 27 juin ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous confirmer que l’obligation de recourir à des cabinets ne figurera dans aucun texte – décret, arrêté ou circulaire – et que les maîtres d’ouvrage pourront faire appel à leurs propres services ou à des services intercommunaux pour déposer ces documents ?

M. Dominique Tian. L’UMP est très attachée à l’exemplarité de l’État, Dominique Dord vient d’en parler sur l’accessibilité des bâtiments publics, où les retards sont importants. L’emploi des personnes handicapées dans la fonction publique est un sujet récurrent, car les choses ne progressent guère. Trois possibilités sont offertes à la fonction publique pour s’acquitter de cette obligation d’emploi de 6 % de personnes handicapées : recruter des personnes handicapées, passer des contrats de fournitures et de sous-traitance avec le secteur protégé ou adapté, contribuer au fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique.

Selon le fonds d’insertion, le taux d’emploi des personnes handicapées dans la fonction publique est passé de 3,74 % en 2005 à 4,64 % au 1er janvier 2012, ce qui traduit une nette progression. Néanmoins, si ce taux est passé de 3,73 % à 5,1 % dans la fonction publique territoriale, et de 3,78 % à 4,99 % dans la fonction hospitalière, il a diminué pour l’État, passant de 3,72 % en 2005 à 3,31 % en 2010.

Madame la secrétaire d’État, quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier à cette situation inacceptable dans la fonction publique d’État ?

M. Michel Liebgott. En tant qu’élu local, je n’ignore pas les vrais succès que nous obtenons grâce aux efforts communs des ARS, des collectivités locales et des administrations, dont l’Éducation nationale. Je pense à une commune située en région Lorraine, où une classe CLIS TED (classe pour l’inclusion scolaire – troubles envahissants du développement) a été ouverte dans d’excellentes conditions, avec la mise à disposition d’auxiliaires de vie et d’une éducatrice. Les enfants de cette classe spécifique intégrée dans un groupe scolaire peuvent ainsi participer aux récréations, aux excursions, à différents spectacles, avec les élèves des classes « ordinaires ».

Par contre, je tiens à signaler que les collectivités locales se voient souvent demander des mises aux normes inadaptées, voire excessives. Je pense à la construction d’une tribune d’un stade de football, opération pour laquelle l’administration a tenté de nous imposer l’installation d’un ascenseur pour permettre aux personnes handicapées de monter au premier étage – alors même que le club phare de la région, le FC Metz, accueille ces personnes au ras du sol dans des conditions de sécurité maximale. Les associations elles-mêmes et les élus ayant dans leur famille des personnes handicapées m’ont affirmé que jamais ils n’accepteraient que les personnes handicapées accèdent à cette tribune au premier étage, même avec un ascenseur, car celles-ci préfèrent rester au ras du sol. Ainsi, autant il est important d’installer des ascenseurs dans les écoles pour permettre aux enfants d’accéder à leur classe, autant certaines demandes de mises aux normes sont totalement disproportionnées.

M. Rémi Delatte. Madame la secrétaire d’État, quel acteur de l’État est compétent pour conseiller les maîtres d’ouvrage sur les travaux nécessaires à la mise en accessibilité réglementaire ? J’imagine que ce sera une des fonctions des futurs ambassadeurs de l’accessibilité, qui sont une très bonne idée, mais leur recrutement dans l’année ne sera pas compatible avec l’échéance du 27 septembre pour les agendas d’accessibilité programmée.

À titre d’exemple, les travaux d’accessibilité pour un hôtel de ville installé dans une vieille bâtisse devront-ils être réalisés seulement au rez-de-chaussée ou également à tous les étages ? En effet, se pose la question de l’adéquation entre l’objectif et le coût.

Mme la secrétaire d’État. Par respect pour les parlementaires, je m’étais engagée à venir vous présenter l’ordonnance. C’est la raison pour laquelle je vous ai apporté toutes ces précisions, et si certains pensent que je me suis livrée à une intervention de préfet, je le prends comme un compliment !

Monsieur Sirugue, dans sa rédaction actuelle, l’ordonnance prévoit deux possibilités de dérogation. Soit les personnes déposent une demande de dérogation d’ici au 27 juin, auquel cas elles ne déposent pas à proprement parler un agenda d’accessibilité programmée. Soit elles déposent un Ad’AP et elles peuvent demander une dérogation pour la durée totale des travaux. Votre préoccupation rejoint celle de Mme Laclais, sur ce qu’il adviendra en cas de refus de la dérogation le 26 septembre, sachant que la date limite de dépôt des agendas est le 27 septembre. Je cherche donc une solution pour que ces demandes de dérogations correspondent à une intention d’agenda d’accessibilité programmée, de telle sorte que tout le monde entre dans le même dispositif. Je pense que nous pourrons parvenir ensemble à des propositions en ce sens.

Le code de la copropriété pose problème, je le reconnais, au regard de l’obligation de mise en accessibilité, en particulier pour les cabinets médicaux et paramédicaux. Dans certaines situations, cette mise en accessibilité sera cependant réalisable. Une expertise juridique va évaluer la possibilité d’introduire l’obligation pour la copropriété d’apporter la preuve d’un refus motivé après délibération. Vous pourrez à ce sujet déposer des amendements.

En cas de non-dépôt d’agenda d’accessibilité programmée, la loi de 2005 prévoit une sanction pénale de 45 000 euros. L’ordonnance prévoit que l’absence de dépôt dans les délais prévus est sanctionnée par une sanction pécuniaire de 1 500 à 5 000 euros en fonction du type d’établissement ; en cas de non-transmission des éléments de suivi ou de non-transmission de l’attestation d’achèvement, la sanction pécuniaire est comprise entre 1 500 et 2 500 euros selon le nombre d’établissement ; si les travaux n’ont pas été réalisés, la sanction pécuniaire est fixée par le préfet en fonction du montant des travaux non réalisés. Ces sanctions respectent les ordres de grandeur en la matière ; à titre d’exemple, l’amende forfaitaire pour défaut de déclaration de la détention de matière nucléaire s’élève à 1 500 euros. Cela étant dit, les parlementaires pourront faire des propositions pour modifier ces sanctions.

Monsieur Sirugue, monsieur Bricout, s’agissant de la demande des parents d’élèves pour la mise en accessibilité des points d’arrêt du transport scolaire, mon choix est de simplifier les tâches administratives, actuellement très lourdes, des maisons départementales des personnes handicapées. Néanmoins, il est légitime d’envisager deux possibilités : soit la MDPH demandera cette mise en accessibilité, soit les parents le feront s’ils le souhaitent, ce qui permettra d’accélérer la procédure.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur la date d’examen du texte au Parlement. Nous devons conjuguer nos efforts en ce sens, et je ne manquerai pas, comme je l’ai fait à plusieurs reprises depuis la publication de l’ordonnance, de rappeler au secrétaire d’État aux relations avec le Parlement la nécessité d’inscrire ce texte à votre ordre du jour.

Madame Poletti, le site « accessibilite.gouv.fr » apporte des informations à destination des commerçants, professions libérales, établissements publics, etc., sur l’agenda d’accessibilité programmée. Il comporte, entre autres, une rubrique « diagnostic » qui permet aux établissements de vérifier, en répondant à une série de questions, leur conformité aux règles d’accessibilité et ainsi de déterminer les points qui nécessitent des travaux. Cet outil est particulièrement utile aux petites communes qui ne peuvent réaliser leur diagnostic seules, ou aux commerces ne souhaitant payer un cabinet pour la réalisation de ce diagnostic. Je vous invite à le tester en ligne.

S’agissant des aides, nous avons signé une convention avec la Caisse des dépôts et consignations et avec Bpifrance pour des prêts bonifiés. Ainsi, l’ensemble des structures publiques peuvent solliciter des prêts bonifiés à la CDC, et les structures privées à la banque publique d’investissement pour financer leurs travaux.

Le fonds sera alimenté par les sanctions pécuniaires prévues en cas Ad’Ap non réalisé. Il commencera donc à être alimenté à la fin des premiers agendas et servira à financer les structures en difficulté pour se mettre en accessibilité.

Concernant le métro parisien, la loi de 2005 avait exonéré ce moyen de transport de la mise en accessibilité, à condition qu’un autre réseau soit accessible. C’est la politique qui a été retenue, avec la mise en accessibilité des bus.

S’agissant de la convergence des droits individuels des personnes âgées et des personnes handicapées, c’est-à-dire entre la prestation de compensation du handicap (PCH) et l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), la barrière d’âge est actuellement de soixante ans. Une personne bénéficiaire de la PCH avant ses soixante ans peut la conserver ; le problème se pose uniquement pour les personnes qui font la demande après soixante ans. Les services de Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, procèdent actuellement à un rapport sur le sujet. Nous pourrons vous apporter des éléments prochainement.

La mise en accessibilité des bâtiments de l’État fera l’objet très prochainement d’une circulaire du Premier ministre. Ce sujet recouvre en effet l’ensemble des ministères.

Vous avez été nombreux à m’interroger sur la scolarisation des enfants handicapés. La scolarisation des enfants en situation de handicap est ma principale priorité, avec la ministre de l’Éducation nationale – ce sujet mériterait d’ailleurs que nous y consacrions une réunion complète. Le Gouvernement a décidé de déprécariser les auxiliaires de vie scolaire qui actuellement sont soit en contrat aidé, soit en contrat à durée déterminée (CDD).

D’abord, tous les auxiliaires de vie scolaire en CDD et totalisant six ans d’ancienneté passeront en contrat à durée indéterminée. Plus de 4 000 AVS ont ainsi vu leur contrat transformé en CDI à la rentrée 2014. Ce mouvement va se poursuivre pour aboutir à 28 000 AVS en CDI au sein de l’Éducation nationale à la fin du quinquennat.

Ensuite, la formation des AVS, actuellement de soixante heures, donnera lieu à un diplôme, en cours de finalisation au sein de mon ministère, à la rentrée 2015. Les personnes actuellement en contrat aidé pourront s’inscrire pour obtenir ce diplôme, avant de poursuivre un parcours en CDD puis en CDI.

Lors de la Conférence nationale du handicap, le Président de la République a annoncé vouloir une société plus ouverte aux personnes handicapées, en annonçant l’objectif de transférer 100 classes d’IME vers des écoles « ordinaires ». Notre priorité est que les élèves en situation de handicap soient scolarisés au sein de l’Éducation nationale, quand cela est possible soit avec l’accompagnement individuel assuré par les AVS, soit grâce à l’accompagnement collectif permis par les CLIS et les ULIS. C’est ainsi que les personnels travaillant actuellement en IME auront la possibilité de venir accompagner les élèves handicapés au sein de l’Éducation nationale, ce qui présentera l’immense avantage pour ces enfants de se retrouver au milieu des autres enfants à la cantine et à la récréation. C’est comme cela que l’on fera changer le regard sur le handicap, c’est comme cela que l’on permettra une réelle inclusion des enfants handicapés. L’Europe reproche en effet à la France d’avoir construit une société où l’inclusion est insuffisante dans le domaine scolaire comme dans les autres domaines. Nous travaillons donc en ce sens.

Madame Le Callennec, la prestation de compensation du handicap, mise en place après la loi de 2005, est montée en charge entre 2006 et 2012, avant de commencer à se stabiliser. Les évaluations réalisées par les MDPH montrent qu’il existe de fortes inégalités territoriales. J’ai donc demandé à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) de procéder à une évaluation précise de ces inégalités, en termes des critères d’attribution, mais aussi de reste à charge. L’égalité doit être garantie en matière de PCH. Je ne manquerai pas de vous faire parvenir les résultats de ce travail.

Il existe en France 470 000 places en établissements pour personnes handicapées, adultes et enfants confondus, et les ouvertures de places se situent entre 4 000 et 5 000 par an. Pour l’année 2015, il est prévu d’ouvrir 4 900 places sur l’ensemble du territoire, selon les agences régionales de santé. Néanmoins, vous avez raison de souligner que des personnes cherchent encore une place. La circulaire relative aux « situations critiques » a permis d’identifier, en un an, une centaine de cas, qui ont été signalés à la CNSA et à mon cabinet ; il s’agit de personnes qui n’ont pas de place et leur situation est gérée individuellement. De façon plus générale, Mme Marie-Sophie Desaulle, ex-directrice d’ARS, est chargée de conduire la mise en œuvre des orientations du rapport du conseiller d’État Denis Piveteau, intitulé « Zéro sans solution ». Cela signifie de vrais changements dans divers domaines pour que plus personne ne se retrouve « sans solution ». En particulier, les MDPH pourront proposer plusieurs orientations pour une personne, et non plus une seule, et verront leur organisation simplifiée grâce à un allégement de leur travail administratif au profit de l’accompagnement des personnes. Enfin, j’ai annoncé récemment qu’en 2015 les places seraient fléchées plus spécifiquement vers les personnes en situation critique, grâce à l’ouverture de places dans des établissements existants, de façon à répondre à l’urgence dans les différents territoires.

Monsieur Tian, le taux d’emploi des personnes handicapées dans la fonction publique a augmenté entre 2010 et 2014, pour s’établir à 4,64 % – et à plus de 6 % au ministère des affaires sociales. Comme le Président de la République l’a annoncé lors de la Conférence nationale du handicap, certains établissements publics qui n’étaient pas soumis à l’obligation d’emploi de 6 % le seront désormais, en particulier la Cour des comptes, le Conseil d’État et les autorités administratives indépendantes.

Monsieur Liebgott, l’ordonnance et les arrêtés portent sur l’organisation des agendas d’accessibilité programmée, mais ils introduisent également une simplification des normes. En effet, il n’y a pas de raison de mettre en accessibilité les étages d’une mairie dont l’ensemble des services est rendu au rez-de-chaussée. De la même façon, rien ne justifie de mettre en œuvre les normes d’accessibilité aux étages d’un établissement dans lequel il est impossible techniquement d’installer un ascenseur. Dans d’autres situations, il est possible de mettre en place un élévateur. Autre exemple : l’entrée du bâtiment devant être mise en accessibilité peut ne pas être l’entrée principale, une autre entrée peut être mise aux normes, à condition que cela ne soit pas discriminatoire, c’est-à-dire que l’ensemble des personnes puissent l’utiliser.

Madame Orphé, sur le programme d’ouverture de places à La Réunion, je vous répondrai personnellement.

Monsieur Delatte, des conseils fournis par l’État sur le sujet de l’accessibilité sont disponibles, d’une part, sur le site « accessibilite.gouv.fr », qui comporte une rubrique « diagnostic », dont j’ai parlé tout à l’heure, et, d’autre part, auprès des fonctionnaires des DDTM. Dans plusieurs départements, les chambres consulaires ont organisé des réunions, comme Mme Bouziane l’a souligné. Certains préfets et sous-préfets n’ont pas attendu la circulaire pour organiser des réunions sur le sujet. J’ajoute qu’une circulaire, en cours de signature par l’ensemble des ministres concernés, sera diffusée auprès des préfets, afin qu’ils puissent informer à la fois les collectivités, les PME-TPE et les professions libérales.

Madame Bouziane, un fonds de 12 millions d’euros est attribué à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) pour soutenir les communes en matière d’accueil périscolaire des enfants porteurs de handicap.

Enfin, monsieur Bricout, la liste des bâtiments accessibles sera mise en ligne sur le site des préfectures, comme le prévoit la circulaire qui va être diffusée prochainement auprès des préfets.

M. Dominique Tian. Il sera difficile d’atteindre l’objectif de 6 % parmi les conseillers d’État et les magistrats de la Cour des comptes, car ils doivent passer un concours national.

Mme la secrétaire d’État. La Cour des comptes n’emploie pas uniquement des magistrats, et le Conseil d’État lui-même comprend des agents. En tout état de cause, les concours seront adaptés en fonction du handicap.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, madame la secrétaire d’État, de votre disponibilité et de nous avoir apporté des informations sur un sujet qui nous touche tous et toutes.

La séance est levée à onze heures trente-cinq.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 18 février 2015 à 9 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Joël Aviragnet, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Véronique Besse, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Sylviane Bulteau, Mme Marie-Arlette Carlotti, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Françoise Dumas, M. Richard Ferrand, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Patrick Gille, M. Henri Guaino, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Catherine Lemorton, M. Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, M. Laurent Marcangeli, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Francis Vercamer, M. Jean-Sébastien Vialatte, M. Jean Jacques Vlody

Excusés. – M. Bernard Accoyer, Mme Gisèle Biémouret, Mme Valérie Boyer, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Christian Hutin, Mme Annie Le Houerou, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Hervé Morin, M. Jean-Philippe Nilor, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Jonas Tahuaitu, M. Olivier Véran

Assistaient également à la réunion. – Mme Delphine Batho, M. Jean-Louis Bricout, M. Guillaume Chevrollier