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Commission des affaires sociales

Mercredi 18 mars 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 36

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente,
de M. Christian Hutin,
Vice-président,
puis de
Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Suite de l’examen des articles du projet de loi relatif à la santé (n° 2302) (M. Olivier Véran, Mme Bernadette Laclais, M. Jean-Louis Touraine, Mme Hélène Geoffroy, M. Richard Ferrand, rapporteurs).

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 18 mars 2015

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission,
puis de M. Christian Hutin, vice-président de la Commission)

La Commission des affaires sociales poursuit l’examen, sur le rapport de M. Olivier Véran, de Mme Bernadette Laclais, de M. Jean-Louis Touraine, de Mme Hélène Geoffroy et de M. Richard Ferrand, du projet de loi relatif à la santé (n° 2302), reprenant ses travaux à l’article 5.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Chers collègues, je vous rappelle qu’en accord avec les représentants des groupes, et parce que plus de 1 700 amendements ont été déposés sur ce texte, il a été décidé qu’il n’y aurait, pour chaque amendement, que deux prises de parole, l’une favorable et l’autre défavorable, ainsi, évidemment que l’expression des avis des rapporteurs et éventuellement du Gouvernement.

Article 5 (art. L. 3232-8 [nouveau] du code de la santé publique et L. 112-13 [nouveau] du code de la consommation) : Information nutritionnelle complémentaire par graphiques ou symboles

La Commission est saisie de l’amendement AS817 de M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. L’information nutritionnelle pourrait paraître un sujet simple, appelant de nombreuses initiatives. Mais les bonnes intentions peuvent avoir des effets pervers.

Aucun consensus scientifique véritable n’existe sur l’étiquetage supplémentaire. Une habile stratégie médiatique, même mise en œuvre par des personnalités qui ont un passé scientifique significatif, ne doit pas suffire à imposer une législation. En instaurant un système graphique supplémentaire, la France imposerait à ses seules entreprises et à ses seuls salariés des contraintes insupportables sans qu’elles aient d’effet sur la nutrition : en réalité, l’état de santé dépend de l’éducation de chacun. Tant que nous ne l’aurons pas compris, toute mesure sera vouée à l’échec.

Accepterons-nous, encore une fois, de sur-transposer les obligations imposées par les directives européennes ? Cette attitude entraîne une montée du chômage en France et met en danger la survie de notre économie dans un monde de concurrence !

Supprimons cet article : il n’apporte rien sur le plan de la santé, il empêche au contraire la poursuite de l’éducation à la santé, et il ne manquerait pas d’avoir des conséquences désastreuses pour notre secteur agricole et agro-alimentaire, qui reste l’un des rares dont la balance commerciale est positive, et qui emploie près d’un million de personnes.

M. Jean-Louis Roumegas. Les consommateurs, monsieur Accoyer, sont inondés d’informations fausses sur l’alimentation, et la publicité les incite tous les jours à consommer de façon complètement déséquilibrée. Pour une fois, ils pourront bénéficier d’une information lisible : cet article est donc très utile, et peut-être même insuffisant !

M. Olivier Véran, rapporteur pour le titre Ier. Avis défavorable. Le surpoids est un problème majeur dans notre société : un tiers des adultes et 15 % des enfants souffrent de troubles nutritionnels. Monsieur Accoyer, il y a non seulement un consensus scientifique – je vous renvoie à l’excellent rapport du professeur Serge Hercberg –, mais aussi un consensus politique à l’échelle européenne pour nous encourager à développer des signalétiques alimentaires.

Nous avons auditionné des industriels du secteur agro-alimentaire, mais aussi des représentants de la grande distribution ; un grand nombre d’entre eux, et pas les moindres, se sont dits très partants pour expérimenter, voire généraliser ce système.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques AS249 du rapporteur et AS1219 de Mme Dominique Orliac.

M. Olivier Véran, rapporteur. À l’instar de ce que nous avons voté pour l’alcool hier, cet amendement introduit la possibilité de réviser régulièrement l’information à caractère sanitaire qui, notamment, accompagne les spots publicitaires en faveur des boissons sucrées et des produits alimentaires manufacturés. En effet, des études sociologiques montrent qu’un message toujours identique perd de sa force. En l’adaptant, on gagnerait certainement en efficacité.

M. Dominique Tian. C’est tout le contraire, monsieur le rapporteur ! Un message martelé systématiquement sera bien plus efficace : cette instabilité marketing va, tous les professionnels le disent, provoquer des difficultés économiques et diminuer l’efficacité de ces messages. Ceux qui sont diffusés aujourd’hui ont été réfléchis, par le Gouvernement comme par les publicitaires : ils sont marquants. Il serait dommage de les modifier.

M. Jacques Krabal. Je rejoins le rapporteur pour dire qu’il serait judicieux de revoir régulièrement ces messages, non pas pour les remettre en cause mais pour prendre en considération des éléments nouveaux.

M. Arnaud Robinet. J’approuve entièrement les arguments de M. Tian.

Les amendements sont adoptés.

La Commission est saisie de l’amendement AS530 de M. Fernand Siré.

M. Fernand Siré. Notre corps est formé à 80 % d’eau. Nous avons besoin d’en boire, et c’est un produit très peu cher, surtout pris au robinet. Il serait donc bon de délivrer un message sur la quantité minimale d’eau que doivent boire les enfants, les adultes et les personnes âgées pour une bonne hydratation. Nous avons vu les ravages que peut causer en période de canicule une mauvaise hydratation.

M. Olivier Véran, rapporteur. Parlez-vous d’eau avec ou sans bulles ?

Plus sérieusement, votre amendement propose de remplacer l’ensemble de la déclaration nutritionnelle prévue par le texte par une information sur la quantité d’eau qu’il faut boire. Avis nécessairement défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS390 de M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Cet amendement vise à clarifier la différence entre l’information nutritionnelle obligatoire – sur les calories, notamment – et l’information complémentaire. Il ne faut pas perdre le consommateur dans un océan de chiffres.

M. Olivier Véran, rapporteur. Je comprends, en lisant votre amendement, l’inverse de ce que vous dites. Quoi qu’il en soit, la présentation graphique complémentaire prévue par le texte vise à faciliter la compréhension des informations déjà données, et non à apporter de nouvelles informations, sur d’autres nutriments par exemple.

J’ajoute que l’Union européenne nous invite à mettre en place une signalétique nutritionnelle, mais n’autorise pas les affichages complémentaires, encore moins à les rendre obligatoires.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement de précision AS1313 de M. Olivier Véran, rapporteur.

M. Bernard Accoyer. Nous sommes en train d’imposer des charges supplémentaires à nos PME, qui n’en peuvent plus. Je souhaite proposer un sous-amendement qui consisterait à ajouter au texte de l’amendement les mots suivants : « la totalité du coût de ces mesures sera prise en compte par la grande distribution ».

M. Olivier Véran, rapporteur. Le dispositif proposé ici est facultatif, même si nous espérons qu’il rencontrera une large adhésion chez les industriels. Il ne coûtera rien aux PME qui décident de ne pas l’utiliser.

Avis défavorable au sous-amendement.

La Commission rejette le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement AS1313.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS1220 de Mme Dominique Orliac et AS341 de Mme Chantal Guittet.

M. Jacques Krabal. Pour que la déclaration nutritionnelle soit efficace, la présentation complémentaire sous forme de graphiques ou de symboles doit être obligatoire et non facultative.

M. Olivier Véran, rapporteur. La déclaration nutritionnelle elle-même est déjà obligatoire. Le règlement européen prévoit la possibilité d’un affichage complémentaire par un logo ou un symbole, mais cette présentation graphique est obligatoirement facultative. Le projet de loi est donc conforme au droit européen, tout en confortant la déclaration obligatoire qui existe déjà en droit français.

Je propose le retrait de ces amendements.

L’amendement AS341 est retiré.

La Commission rejette l’amendement AS1220.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AS379 de Mme Véronique Louwagie et AS1018 de M. Arnaud Robinet, et l’amendement AS1351 de M. Francis Vercamer.

M. Gilles Lurton. L’amendement AS379 vise à prévoir une expérimentation des graphiques et symboles qui seront utilisés, afin que les producteurs n’aient pas à changer les étiquettes en permanence. Il sera ainsi possible de vérifier l’absence d’effets contraires aux objectifs de santé publique, notamment en matière de peurs alimentaires, d’interdits alimentaires et de troubles du comportement alimentaire.

Le Fonds français pour l’alimentation et la santé (FFAS) a recommandé cette démarche : il faut d’abord vérifier l’efficacité de notre système. Toutes les étiquettes ont dû être changées après le vote de la loi sur la consommation ; veillons aux charges que nous imposons à nos entreprises.

M. Élie Aboud. De même qu’on parle de « médecine fondée sur des preuves », il doit s’agir ici d’un affichage fondé sur des preuves et sur une vraie étude d’impact. La vérité est très labile en ces domaines : il faut d’autant plus nous appuyer sur des bases scientifiques solides que certaines entreprises utilisent un affichage fantaisiste, complètement faux.

M. Francis Vercamer. Si nous soutenons l’idée d’une meilleure information des consommateurs, à défaut d’une éducation à l’alimentation, il nous semble important d’expérimenter d’abord ce dispositif, qui pourrait entraîner des conséquences financières importantes pour les entreprises françaises. Les entreprises étrangères, elles, ne sont pas soumises à ce même dispositif. Nous demandons donc une étude d’impact solide, pour mesurer le coût et la réalité des effets d’une telle mesure.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable à ces amendements.

Tout d’abord, de nombreux travaux scientifiques, en France comme à l’étranger, montrent qu’un système graphique a un impact extrêmement favorable sur les comportements alimentaires et réduit le risque de présenter des troubles nutritionnels, et en particulier de devenir obèse. Les études sociologiques sur ce point sont très intéressantes et nous fournissent une base solide – la loi précise d’ailleurs que le dispositif doit s’appuyer sur une base scientifique solide.

Ensuite, le système n’étant pas obligatoire, prévoir une simple expérimentation n’aurait pas vraiment de sens.

L’État émet une recommandation, mais n’interdit pas sur son territoire une forme différente d’expression de la signalétique nutritionnelle, dès lors que le règlement européen est respecté. La concertation est de toute façon nécessaire.

Enfin, l’article prévoit bien une évaluation du dispositif.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS1352 de M. Francis Vercamer et AS441 de M. Jean-Pierre Door.

M. Francis Vercamer. J’entends bien que cette signalétique sera facultative, mais en pratique, la pression des médias et des grandes surfaces la rendront obligatoire. Vous ne voulez pas d’expérimentation : appuyons-nous au moins sur les études des agences françaises et non des agences étrangères. Nous demandons donc que l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) se prononce sur la pertinence et l’intérêt scientifique d’une telle mesure.

M. Jean-Pierre Door. Il n’y a pas de dispositif idéal, et celui-ci, qui propose un code très simplifié, présente évidemment des biais importants. Il faut les analyser, et cet amendement propose de préciser clairement les étapes d’évaluation des différents systèmes et leur intérêt respectif pour le consommateur. Il faut aller plus loin que la simple saisine de l’ANSES qui a précédé nos travaux.

M. Olivier Véran, rapporteur. Chers collègues de l’opposition, vous me semblez bien frileux sur cette question de l’étiquetage : vous êtes passés de la tentative de suppression à la tentative d’expérimentation, et maintenant à la tentative de sur-évaluation.

Les travaux de l’ANSES permettront de juger de la capacité globale du système à permettre une estimation de la qualité nutritionnelle. Le Haut Conseil de la santé publique a, pour sa part, été saisi pour évaluer la pertinence des différents systèmes de différenciation.

Avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Je ne reviendrai pas ici sur l’intérêt du logo nutritionnel, qui a été démontré par de nombreux travaux scientifiques, notamment français – ces derniers, qui sont nos bases de travail, servant d’ailleurs souvent de référence à l’étranger. Ce débat est tranché.

S’agissant de la procédure de mise en place et du choix du logo nutritionnel, je réunirai les scientifiques qui proposent le logo qui a été vu dans la presse, avec différentes couleurs, mais aussi les distributeurs et producteurs, qui peuvent avoir d’autres idées, ainsi que les associations de consommateurs, qui sont très fortement mobilisées sur ces questions. Nous essaierons ainsi de forger un consensus. C’est ensuite évidemment l’ANSES qui se prononcera définitivement, dans des délais courts, car nous espérons aboutir rapidement.

Encore une fois, l’intérêt du logo nutritionnel est clair ; nous devons maintenant nous interroger sur sa nature exacte.

La Commission en vient aux amendements identiques AS443 de M. Jean-Pierre Door et AS685 de M. Guillaume Larrivé.

M. Arnaud Robinet. Je rappelle que le règlement européen relatif à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, adopté il y a trois ans et destiné à éclairer les choix des consommateurs, est entré en vigueur depuis le 13 décembre dernier.

Au-delà de ce rappel, l’amendement AS443 vise à demander, en sus de l’avis de l’ANSES, celui du Conseil national de l’alimentation, qui développe une approche socio-économique tout à fait intéressante.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Mme la ministre vient de décrire la procédure de concertation sur la signalétique, qui vise à aboutir à un consensus. Qui plus est, le Conseil national de l’alimentation est certes une instance reconnue, mais pas scientifique.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement AS377 de Mme Véronique Louwagie.

M. Gilles Lurton. Cet amendement vise à rappeler dans la loi l’importance du modèle alimentaire français. Reconnu sur le plan de la santé publique, fondé sur la diversité, la convivialité et le plaisir, il se caractérise par un équilibre nutritionnel et il est construit sur les principes de quatre repas par jour, de portions raisonnables, d’un équilibre sur plusieurs jours. Il mérite d’être préservé.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Ni l’excellence du modèle alimentaire français ni notre filière alimentaire ne sont menacés. Il ne s’agit pas ici d’imposer des normes d’alimentation et de convivialité ou de modifier le cours des repas dans les familles françaises, mais seulement de délivrer une information claire, lisible, importante pour ceux qui font leurs courses. Ils pourront ainsi constater, devant deux marques de céréales dont l’une se présente comme faisant presque maigrir si l’on en mange beaucoup alors que l’autre paraît calorique et sucrée, qu’elles ont un score nutritionnel identique. De tels exemples ne manquent pas, Mme la ministre en a cité, et l’UFC-Que choisir a publié sur ce thème un article récent. La filière alimentaire française ne sera absolument pas pénalisée, et chacun, je crois, en est d’ailleurs conscient.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS520 de M. Fernand Siré.

M. Fernand Siré. Cet amendement tend à demander une comparaison entre les différents systèmes d’information nutritionnelle existant en France et dans le monde, ainsi qu’une expérimentation sur certains produits. Une mauvaise alimentation peut être à l’origine de diabète, d’obésité, de cancers et autres, et ce phénomène touche notamment les populations défavorisées.

Le dispositif proposé ici est très attendu des consommateurs, mais il devra être simple et compréhensible par tous. Il faut donc s’inspirer des modèles déjà utilisés, en gardant notamment à l’esprit la question des populations défavorisées. Par ailleurs, ce système ne sera efficace que si l’ensemble des parties prenantes – industriels, distributeurs, consommateurs, scientifiques et sociologues – travaillent ensemble de façon transparente et sur la base des recommandations faites par l’ANSES en toute indépendance.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS162 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Nous soutenons l’article 5. Cet amendement, conforme aux possibilités ouvertes par la réglementation européenne, vise à étendre les informations complémentaires aux additifs alimentaires. C’est là une demande de certains distributeurs, qui nous semble intéressante. Il s’agit d’une information très importante pour les consommateurs : aujourd’hui, beaucoup d’études montrent le rôle, dans la propagation de l’obésité, des additifs, et notamment de certains édulcorants, qui peuvent par exemple dérégler les systèmes hormonaux.

M. Élie Aboud. L’amendement vise-t-il à rendre ces informations obligatoires ? Elles figurent déjà souvent sur les emballages.

M. Jean-Louis Roumegas. Il s’agirait d’une information facultative.

M. Olivier Véran, rapporteur. Le score nutritionnel porte sur les informations déjà présentes – et essentielles : c’est une façon d’exposer de façon simple et intelligible pour le grand public des informations dont la déclaration est déjà obligatoire.

Vous parlez ici plutôt d’allégations nutritionnelles, sans que ce terme revête une valeur péjorative. Ces informations ne peuvent pas s’intégrer au score nutritionnel tel qu’il existe, ni dans le cadre du règlement européen, ni dans ce projet de loi.

Les additifs sont, du reste, déjà réglementés et les informations nécessaires à leur identification doivent déjà être présentes. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Roumegas. Votre réponse n’est pas correcte, monsieur le rapporteur. Nous proposons un système tout à fait parallèle au vôtre, mais pour les additifs. Le règlement européen permet, comme pour les valeurs nutritionnelles, un étiquetage complémentaire plus simple. Encore une fois, certains fabricants souhaitent simplifier l’étiquetage.

M. Olivier Véran, rapporteur. Vous pouvez juger que ma réponse n’est pas correcte, mais le lancement d’une opération « coccinelle » sur les produits alimentaires ne me paraît pas une bonne idée : la juxtaposition de multiples codes couleurs, même compatibles avec le dispositif que promeut la loi, ne ferait que rendre l’information moins lisible.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS1461 de Mme Monique Orphé.

M. Serge Letchimy. Il nous semble très important de mettre l’accent sur la sensibilisation en milieu scolaire, et en particulier sur le rôle du sucre dans la propagation du diabète. Le développement d’une pédagogie efficace est nécessaire pour former les enfants, futurs consommateurs. Cela permettrait aussi de toucher les familles.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cet amendement est, je crois, satisfait par l’article 2, examiné hier soir, qui crée un parcours éducatif de santé.

L’amendement AS1461 est retiré.

La Commission adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5

La Commission examine, en présentation commune, les amendements AS1402, AS1406 et AS1408 du Gouvernement.

Mme la ministre. La lutte contre le tabagisme est l’une de nos priorités de santé publique, et j’ai présenté au mois de septembre dernier le programme national de réduction du tabagisme (PNRT).

Je ne reviens pas ici sur les chiffres, même s’ils justifieraient que l’on s’y arrête. Mais je veux insister sur le fait que la France est l’un des plus mauvais élèves de l’Europe en matière de lutte contre le tabagisme. Les arguments que j’entends aujourd’hui reviennent pourtant à laisser perdurer une situation à laquelle nous ne pouvons pas nous résoudre. De fait, 73 000 morts par an, cela peut paraître abstrait. Disons alors très concrètement que ce sont 200 personnes qui meurent chaque jour : si, chaque matin, la radio et la télévision annonçaient la mort de 200 personnes dans un accident quelconque, l’émotion serait immense. C’est exactement ce qui se passe.

Le paquet neutre, que nous voulons introduire en France, entraînera des changements significatifs. Il s’inscrit dans le cadre d’une politique d’ensemble : nous ne lutterons pas contre le tabac par une seule mesure, mais nous devons changer de braquet.

L’Australie a lancé le paquet neutre avec, contrairement à ce que j’entends, des résultats tout à fait significatifs. En Grande-Bretagne, le Parlement a adopté hier le paquet neutre, et la notification européenne a été faite. L’Irlande a également notifié aux institutions européennes sa volonté de passer au paquet neutre. D’autres pays qui ne sont pas membres de l’Union, comme la Norvège, vont adopter la même démarche. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) devrait faire connaître dans les tout prochains jours son intérêt.

Je suis évidemment prête à répondre à des questions précises sur les résultats de l’introduction du paquet neutre, notamment en Australie.

M. Denis Jacquat. Pourquoi, madame la ministre, introduire cette mesure par amendement plutôt que par des articles du projet de loi ? Le sujet est important.

Nous souhaitons, pour notre part, une transposition des directives européennes : pourquoi aller plus loin quand la loi Évin est encore mal appliquée dans notre pays ? Il est interdit de fumer dans les gares, et l’on y voit pourtant des employés de la SNCF même fumer…

On peut également s’étonner que les excellentes propositions des deux rapports que Jean-Louis Touraine et moi-même avons rédigés, et qui ont été adoptés à l’unanimité, ne soient pas reprises par le Gouvernement. En particulier, notre pays détient le record d’Europe de femmes enceintes qui fument, surtout au dernier trimestre de grossesse, alors que l’on sait parfaitement que des pathologies graves peuvent en découler.

S’agissant enfin du paquet neutre, le second de ces rapports estimait qu’il fallait plus de recul, afin d’analyser cette mesure et ses conséquences de la façon la plus objective possible.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Si je puis me permettre, si ces amendements sont votés, ils deviendront des articles de la loi.

M. Olivier Véran, rapporteur. Mme la ministre a donné toutes les explications nécessaires. Avis favorable aux trois amendements.

M. Élie Aboud. Nous sommes tous pour la santé publique. Mais il existe une directive européenne : respectons-la. Nous manquons de recul sur l’expérience australienne : pourquoi nous différencier des autres pays européens ?

Nous estimons même, pour notre part, que les surtaxes sur le tabac devraient être fléchées et leur recette aller à la prévention en matière de santé publique, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

La Commission adopte successivement les amendements.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS113 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à transposer les nouvelles exigences imposées par la directive 2014/40/UE concernant l’aspect et le contenu des paquets de cigarettes et de tabac à rouler.

M. Olivier Véran, rapporteur. Je pense que vous pourriez retirer cet amendement : nous venons d’adopter le paquet neutre, ce qui devrait combler vos attentes, puisque cela va au-delà de ce que vous proposez.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS5 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à réécrire l’article L. 3511-6 du code de la santé publique, afin de prendre en compte les modifications apportées par la directive européenne 2014/40/UE déjà citée, et donc de supprimer l’étiquetage relatif aux teneurs en goudron, nicotine et monoxyde de carbone sur les paquets.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable, comme à toute la série d’amendements visant à transposer cette même directive.

M. Jean-Louis Roumegas. Il faut repousser cet amendement, qui se retranche derrière la directive, laquelle ne nous interdit pas les étiquetages complémentaires, pour réduire l’information sur les dangers du tabac. Je le dis au nom d’un groupe de travail réunissant des députés de tous bords politiques qui se sont penchés sur ces questions. On se demande d’ailleurs d’où viennent ces amendements.

Mme Bérengère Poletti. Madame la ministre, vous dites que le paquet neutre a fait ses preuves en Australie. Cette mesure a-t-elle été accompagnée par d’autres ? De plus, l’Australie est un pays très isolé, ce qui n’est pas le cas du nôtre. Quelles que soient les mesures que vous prendrez en France, elles seront vaines si elles ne s’inscrivent pas dans un mouvement européen. Élue d’un département frontalier, je peux vous assurer que les gens iront acheter leurs cigarettes hors de nos frontières. C’est au niveau européen qu’il faut agir.

Mme la ministre. Je ne voudrais pas caricaturer vos propos, mais si l’on vous suit, alors il ne faudrait rien faire ! Oui, l’Australie a accompagné l’introduction du paquet neutre d’autres mesures, tout comme nous le faisons. Nous agissons notamment contre les trafics et contre l’achat frauduleux de cigarettes sur internet. Les douanes font leur travail. Contrairement à la recommandation de la Commission européenne, d’ailleurs, nous avons plafonné le nombre de cartouches de cigarettes qui peuvent être importées pour la consommation individuelle. Notre politique tient compte de la situation de notre pays. La Grande-Bretagne, la Norvège, l’Irlande vont s’engager dans la même démarche, dont nous pensons qu’elle s’imposera progressivement en Europe.

Nous pouvons être pionniers et montrer la voie en matière de santé publique.

M. Denis Jacquat. J’ajoute aux propos de Mme la ministre que l’Australie a augmenté de façon extrêmement importante le prix du paquet de cigarettes.

M. Dominique Tian. Je ne suis pas favorable au paquet neutre, qui n’est pour moi qu’une façon pour la ministre de faire du marketing sanitaire, de faire croire qu’elle agit. En vérité, nous sommes face à un échec français : celui de la prévention et de la médecine scolaire. Les adolescents boivent de plus en plus et fument de plus en plus. Les mineurs n’ont pas le droit d’acheter des cigarettes, mais ils envoient un adulte : celui-ci saura déjà quelle marque il doit acheter ! Notre politique de prévention est lamentable, notre médecine scolaire est l’une des plus mauvaises d’Europe, et l’on veut maintenant faire porter le chapeau de cet échec aux buralistes. La France est la lanterne rouge de l’Europe pour l’information et la prévention. Rien ou presque n’est fait pour les adolescents. Ce n’est pas aux buralistes de payer le prix de l’échec de la médecine scolaire !

M. Jean-Louis Touraine. J’irai dans le sens de M. Tian : nous constatons ici l’échec du mandat précédent, durant lequel la politique de lutte contre le tabac s’est effondrée dans notre pays, avec des résultats pitoyables.

S’agissant du paquet neutre, j’entends ici quelques arguments que j’avais déjà entendu développer par l’industrie du tabac lorsque j’ai présenté une proposition de loi sur le paquet neutre, il y a un peu plus de quatre ans. À ce moment, nous aurions véritablement été des pionniers. Or l’argument de l’industrie du tabac, et de ceux qui relayent ses arguments, c’est qu’il ne fallait pas être le premier pays au monde : l’expérience devait d’abord être menée ailleurs. Aujourd’hui, l’Australie s’est lancée, nous allons le faire en même temps que l’Irlande et la Grande-Bretagne. Je suis très fier que nous soyons tout de même dans le peloton de tête des pays qui prennent des mesures responsables.

M. Bernard Accoyer. Je souhaite proposer un sous-amendement à l’amendement AS5 de M. Cinieri, qui consisterait à ajouter : « Toute mesure allant au-delà des dispositions de la directive européenne visée ne sera mise en œuvre qu’après que la France ait entrepris des démarches auprès de la Commission pour viser à l’harmonisation européenne dans la lutte contre le tabagisme. » Nous constatons tous les jours les conséquences sur notre économie, sur nos entreprises de la sur-transposition des directives européennes. Nous faisons comme si nous n’appartenions pas maintenant à une communauté ! La France s’honorerait à mener un combat qui irait bien au-delà de ses frontières contre la consommation de tabac.

Nombre d’entre nous sont élus dans des départements frontaliers : nous constatons que les trafics deviennent un vrai problème, et que la consommation augmente du fait même de la multiplication des restrictions – les plus jeunes veulent souvent braver les interdits. La France s’honorerait en cessant de donner des leçons au monde entier et en entraînant l’Europe dans une démarche commune, qui serait évidemment beaucoup plus puissante.

M. Jean-Louis Roumegas. Je suis opposé à ce sous-amendement. Il faut, c’est vrai, travailler à une harmonisation européenne, mais celle-ci doit se faire par le haut. Aujourd’hui, elle n’existe pas, et les différences de prix sont importantes – or c’est contre celles-ci qu’il faudrait lutter pour défendre les buralistes. Le principal problème qu’ils rencontrent, en effet, ce n’est pas la contrefaçon, qui n’existe quasiment pas, mais la contrebande, c’est-à-dire la revente de paquets de cigarettes achetés moins chers dans d’autres pays européens. Or le paquet neutre rendra la vente de produits de contrebande beaucoup plus visible : c’est donc plutôt une bonne nouvelle pour les buralistes français.

M. Olivier Véran, rapporteur. Le débat est riche et intéressant. Toutefois, j’ai du mal à déterminer si certains arguments visent à défendre la santé publique et les consommateurs ou plutôt une industrie et l’économie. Nous sommes en commission des affaires sociales pour débattre d’une loi relative à la santé : fixons-nous l’objectif d’améliorer la santé de nos concitoyens, et concentrons-nous là-dessus au lieu de nous intéresser à la santé économique des cigarettiers ou des buralistes – même si ces derniers, vous le savez bien, monsieur Tian, sont l’objet de toutes les attentions.

Le commissaire européen à la santé a exprimé son plus vif intérêt pour le paquet neutre tel que le propose la France, et notre pays peut s’enorgueillir d’être innovant, à la pointe de la lutte contre le tabac, rejoint d’ailleurs par la Grande-Bretagne. Le paquet neutre fait consensus sur le plan scientifique. Parlons de santé, et soyons attentifs à nos propos, car les Français nous écoutent.

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de débattre plus longtemps de la mesure que nous venons d’adopter sur le paquet neutre.

La Commission rejette le sous-amendement.

Puis elle rejette l’amendement AS5.

Elle en vient à l’amendement AS6 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement propose une standardisation des paquets telle qu’elle est prévue par la directive européenne déjà citée, qui devra être transposée dans les législations nationales avant le 20 mai 2016.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS12, également de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement important vise à inscrire dès à présent dans la loi les principales caractéristiques du paquet de tabac dit « paquet directive », des précisions pouvant ensuite être apportées par ordonnance.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques AS323 de Mme Martine Carrillon-Couvreur, AS334 de M. Jean-Pierre Door et AS502 de M. Dominique Tian.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Les contrebandes et trafics divers constituent effectivement un problème important. Dans un département voisin du mien, je sais qu’il existe des transports réguliers de cigarettes de contrebande.

Depuis plusieurs années, la France a mené des politiques de lutte contre le tabagisme ; elles ont permis d’avancer, mais tout n’est pas résolu. L’éducation, la prévention, l’accompagnement, à destination des jeunes en particulier, sont essentiels. Nous devons nous demander comment établir un compromis entre les exigences de santé publique et la protection des libertés fondamentales. Sur la question du paquet neutre, les photos et dessins que l’on y voit m’ont choquée, car ils sont terribles. Le paquet européen me paraît une bonne idée. Nous devons également nous demander comment faire prendre conscience, notamment aux jeunes, des risques reconnus par tous du tabac consommé avec excès.

M. Jean-Pierre Door. Mon amendement est identique. La lutte contre le tabagisme est évidemment une nécessité – et nous avons été confrontés pendant des dizaines d’années au tabagisme dans le milieu professionnel. En revanche, madame la ministre, la raison doit prévaloir lorsque des mesures ne s’appuient pas sur des démonstrations scientifiques solides. Même Mme Carrillon-Couvreur signale dans l’exposé des motifs de son amendement que les résultats australiens sont trop mal connus pour dire que tout va bien du côté du Pacifique. Hier, le parlement belge a refusé la mise en place du paquet neutre pour privilégier le paquet « directive », c’est-à-dire transposer purement et simplement la directive. Vous avez d’ailleurs signé, je crois, madame la ministre, un arrêté qui confirme que la France mettra en place ce paquet dès mai 2016, comme tous les pays de l’Union. C’est une alternative au paquet neutre, et ce sera un pas décisif.

M. le secrétaire d’État au budget a, hier, présenté les résultats du travail des douanes en 2014 et noté que le programme national de réduction du tabagisme va porter atteinte aux efforts français en augmentant la contrefaçon et le marché parallèle. Ce n’est pas moi qui le dis ! Même en Australie, le marché parallèle a augmenté, atteignant près de 15 %. Nous sommes à 25 %. Or c’est un véritable fléau.

À mon sens, le paquet neutre n’est pas la solution. Je suis en revanche favorable au paquet « directive ». Nous voterons donc l’amendement de Mme Carrillon-Couvreur.

(Présidence de M. Christian Hutin, vice-président de la Commission)

M. Dominique Tian. Je retire bien volontiers mon amendement, pour m’associer à celui de Mme Carrillon-Couvreur, qui est à mon sens un amendement d’équilibre, qui peut recueillir un vote unanime.

L’amendement AS502 est retiré.

Mme Michèle Delaunay. Je suis choquée que l’on évoque les libertés fondamentales quand le seul but des fabricants de cigarettes est de faire entrer les consommateurs en addiction et de les y maintenir. De plus, ces deux amendements nous font perdre la possibilité de traçabilité par l’identification du paquet neutre français, différent de celui de nos voisins européens. Ne reculons sur aucun point : nous serons un jour comptables de ce que nous avons et n’avons pas fait !

(Présidence de Mme la présidente Catherine Lemorton)

M. Bernard Accoyer. Le sous-amendement que je propose pourrait mettre tout le monde d’accord. Il viendrait compléter le II de l’amendement de Mme Carillon-Couvreur, par les mots suivants : « après que la France ait engagé des démarches auprès de la Commission pour qu’elle aille plus loin dans un plan européen de lutte contre le tabagisme ». Ainsi se trouveraient réunis l’objectif du Gouvernement, qui souhaite aller plus loin que la directive européenne, les exigences de réalisme qui viennent d’être rappelées par les déclarations du ministre chargé du budget, mais aussi les problèmes de contrebande ou d’achats légaux à l’étranger.

Dans mon département, la Haute-Savoie, un habitant peut ramener, à chaque passage de la frontière – quotidien pour 100 000 d’entre eux – trois cartouches de cigarettes. Cette pratique, qui relève de la libre circulation des biens et des personnes, n’a rien d’un trafic illégal. Il est dommage que le Gouvernement choisisse d’ignorer la démarche européenne alors que c’est à ce niveau que nous pourrons franchir, dans bien des domaines, y compris celui de la santé publique, des obstacles qui handicapent notre pays.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mon département, frontalier de l’Espagne, fait face au même problème. Le paquet neutre révèlera si les cigarettes ont été achetées en contrebande ou chez un buraliste.

M. Bernard Accoyer. Non, l’achat à l’étranger est légal !

M. Jean-Louis Roumegas. S’il faut rechercher une harmonisation par le haut en Europe, utiliser cet argument pour négliger les possibilités que nous offre la législation nationale constitue une erreur. Le paquet neutre permettra bel et bien de mieux lutter contre les ventes illégales : s’il est permis d’acheter les cigarettes à la frontière, il est interdit de les revendre, ce qui est pourtant une pratique très courante. Le paquet neutre rendra plus visible l’origine des paquets achetés, et les buralistes l’ont bien compris.

M. Olivier Véran, rapporteur. Un arrêté datant d’il y a quinze jours se met en conformité avec l’exigence de recouvrir 65 % de la surface du paquet par les avertissements sanitaires. Avec la mise en place du paquet neutre, la taille de ces informations de signalétique évoluera ; vous pouvez donc, Mme Carillon-Couvreur, retirer votre amendement.

Mme Martine Carillon-Couvreur. Compte tenu des explications du rapporteur, je retire l’amendement. J’espère toutefois que la présentation du paquet neutre ne sera pas aussi traumatisante que ce que l’on a pu voir. Ce n’est pas ainsi que l’on aidera les jeunes à arrêter de fumer.

L’amendement AS323 est retiré.

M. Jean-Pierre Door. Le groupe UMP maintient l’amendement AS334. Outre la rectification proposée par M. Bernard Accoyer, il faudrait d’ailleurs également mentionner une harmonisation de la fiscalité et des prix à l’échelle européenne, afin d’aller le plus loin possible.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable au sous-amendement.

La Commission rejette le sous-amendement.

Puis elle rejette l’amendement AS334.

Elle en vient à l’amendement AS9 de M. Dino Cinieri.

M. Dominique Dord. Il s’agit de transposer dans la législation française les nouvelles exigences relatives à l’étiquetage, prévues par la directive européenne 2014/40/UE. Certes, les dispositions de l’amendement se rapprochent de mesures réglementaires tant elles vont dans le détail, mais nous souhaitons les livrer au débat.

M. Olivier Véran, rapporteur. Je m’étonne de la vigueur avec laquelle l’opposition lutte contre le programme de réduction du tabagisme introduit dans la loi. Si, hier, certains d’entre vous ont défendu la loi Évin, aujourd’hui vous combattez tous ce programme de toutes vos forces.

Avis défavorable à l’amendement.

La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à onze heures dix.

M. Jean-Pierre Door. Depuis hier, le climat de nos débats était serein, l’opposition tombant d’accord avec la majorité sur certains points ; aussi le groupe UMP est-il surpris des propos du rapporteur. Pour franchir ainsi la ligne jaune, a-t-il perdu ses nerfs ou cherchait-il à provoquer la suspension de séance pour passer des coups de téléphone en vue de retrouver une majorité ? Monsieur Véran, vous n’étiez pas là sous les précédentes législatures, mais l’ex-majorité a beaucoup fait pour la lutte contre le tabac. C’est d’ailleurs l’un de ses membres qui a mis en œuvre l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Vous n’avez donc pas le droit de tenir ce genre de propos déplacés, et devriez les regretter ; n’instaurez pas un climat délétère dans cette commission !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Les propos proférés hier à l’encontre de Mme la ministre étaient d’une toute autre ampleur que ceux du rapporteur. Ayant accompli un travail important sur ce texte, comprenez que nous puissions être émus par certains amendements de l’opposition derrière lesquels se trouvent les lobbies de la viticulture ou de l’industrie de la cigarette.

La Commission rejette l’amendement AS9.

Elle discute ensuite de l’amendement AS8 de M. Dino Cinieri.

M. Dominique Dord. Je ne comprends pas en quoi l’amendement précédent irait à l’encontre du programme national de réduction du tabagisme (PNRT). Les réponses du rapporteur relevant de la mauvaise foi, il ne faut pas vous étonner de notre réaction. En effet, l’amendement propose de rappeler, sur les paquets de cigarettes : « Fumer tue », « La fumée du tabac contient plus de 70 substances cancérigènes », de donner à ces avertissements une visibilité totale et d’obliger à ce que le message d’information couvre plus de 50 % des surfaces. Chacun devrait modérer ses propos afin de ne pas dégrader le climat de travail de notre commission.

Mme Michèle Delaunay. L’émotion ne vient pas seulement de la pression des lobbies, mais également de la gravité des problèmes sanitaires en question. M. Véran est médecin et très engagé dans ce combat.

M. Olivier Véran, rapporteur. Restons-en aux faits : le PNRT introduit le paquet neutre ; une série d’amendements que vous défendez visent, directement ou non, à en amoindrir l’effet. En proposant de diminuer la taille des messages sanitaires et de sortir du mode d’application du paquet neutre, ils s’opposent aux objectifs du plan.

Pour les mêmes raisons que j’ai émis et émettrai un avis défavorable aux amendements de cette teneur, je donne un avis défavorable à l’amendement AS8.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS10 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Je ne pensais pas que mes amendements allaient déclencher une tempête ! L’amendement AS10 vise à introduire les nouvelles règles d’étiquetage prévues par la directive européenne 2014/40/UE sur les produits du tabac autres que les cigarettes, le tabac à rouler et le tabac pour pipe à eau.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS112, également de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Cet amendement tend à transposer dans notre droit, conformément à la même directive, les règles relatives à la présentation des produits du tabac.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cet amendement est satisfait par ceux du Gouvernement qui interdisent d’évoquer les arômes ou de mettre en avant les propriétés énergisantes, ainsi que par l’instauration du paquet neutre qui empêchera la ressemblance entre un paquet de cigarettes et un produit cosmétique. Peut-être pourriez-vous le retirer.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS1084 de M. Arnaud Richard, AS1318 de M. Jean-Louis Touraine, AS236 de M. Jean-Pierre Door et AS1156 de Mme Michèle Delaunay.

M. Arnaud Richard. Le tabagisme est responsable de la mort de 73 000 personnes chaque année en France, soit 200 personnes par jour. La politique de lutte contre ce fléau est un échec avéré et passer de 65 à 100 % de la surface du paquet dévolue aux avertissements n’y changera rien, les succès du paquet neutre étant liés à des mesures budgétaires.

L’objet de l’amendement, comme d’ailleurs celui du programme national de réduction du tabagisme, est de protéger les jeunes en les empêchant d’entrer dans le tabagisme. Il est l’expression d’un compromis entre les exigences de santé publique et la protection des libertés fondamentales. Considérant que le meilleur moyen d’arrêter de fumer est de ne pas commencer, nous proposons d’interdire aux mineurs de fumer et d’obliger les vendeurs de tabac à exiger un justificatif de l’âge de l’acheteur.

M. Jean-Louis Touraine. Nous proposons d’interdire aux personnes nées après le 1er janvier 2001 d’acheter du tabac. Si cette substance avait été découverte aujourd’hui, sa vente libre aurait été illicite puisqu’il n’existe aucun autre poison aussi mortel. Les derniers chiffres publiés dans la presse scientifique internationale de haut niveau montrent qu’il est responsable non de 73 000, mais de 90 000 morts chaque année en France, car il accroît l’incidence des cancers du sein ou de la prostate en plus de ceux du poumon et de la sphère ORL, sans parler de l’infarctus du myocarde ou des accidents vasculaires cérébraux. Aux États-Unis, ce sont près de 500 000 personnes qui meurent chaque année du tabac. Les deux tiers – et non la moitié – des fumeurs de longue durée mourront des conséquences de leur tabagisme : il n’y a donc pas de cause plus importante pour la santé publique que sa réduction.

L’OMS et la Ligue nationale contre le cancer ont formulé des propositions pour une évolution vers un monde sans tabac. Pour atteindre cet objectif, il est difficile, malgré les aides au sevrage, d’amener les fumeurs actuels à sortir de l’addiction ; en revanche, ceux qui n’ont pas commencé pourraient échapper à cette dépendance regrettable. N’ayant pas connu le tabac, ils ne seront pas privés du fait de son interdiction et continueront à rester à l’écart du maléfice que représente le tabagisme.

À ceux qui jugeraient cette mesure utopique, je rappelle que c’est ainsi qu’avait été qualifiée la proposition de loi sur le paquet neutre que j’avais déposée il y a quatre ans ; depuis, l’Australie a légiféré, l’Irlande, la Grande-Bretagne et aujourd’hui notre commission en font de même. La Chambre des communes anglaise discute d’une proposition identique ; quant aux Américains, ils envisagent de relever la majorité du tabac de dix-huit à vingt et un ans. L’utopie devient donc réalité. Cette mesure serait de nature à atteindre les objectifs du PNRT qui propose de réduire, dans un avenir proche, la part des jeunes fumeurs à 5 %.

M. Arnaud Robinet. M. Touraine évoque le recul de l’âge de la majorité pour acheter du tabac aux États-Unis, mais son amendement tel qu’il est rédigé tend purement et simplement à interdire la vente du tabac en France dans les années à venir. S’il ne s’agit pas d’un problème de rédaction, la majorité actuelle doit assumer sa volonté de prohiber totalement le tabac !

M. Élie Aboud. Si les amendements présentés en discussion commune visent tous à protéger les jeunes, ils sont très différents. Ainsi, la proposition d’Arnaud Richard d’inclure les cigarettes électroniques parmi les articles qu’il serait interdit de vendre aux mineurs mérite un débat. Pour ce qui est de l’amendement AS236, il propose que le jeune doive prouver sa majorité dans un bureau de tabac.

Mme Michèle Delaunay. Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), 62 % des buralistes vendent du tabac aux mineurs, ce qui constitue un chiffre spectaculaire. L’amendement AS1156 vise à leur retirer l’excuse de la difficulté à évaluer l’âge du client : seule la carte d’identité fera désormais foi. Il permettra, en outre, de responsabiliser le consommateur : alors que deux fumeurs sur trois meurent des conséquences de leur tabagisme, cet achat ne peut pas être considéré comme anodin.

M. Dominique Tian. Monsieur Richard, interdire la vente de cigarettes électroniques à des mineurs alors qu’elles constituent un moyen d’éviter ou de diminuer la consommation de tabac ne me semble pas constituer une bonne mesure.

M. Olivier Véran, rapporteur. Les sanctions prévues par l’amendement AS1084 à l’encontre d’un mineur surpris à fumer me semblent difficiles à mettre en œuvre ; je doute de leur pertinence. Indépendamment du fond, la rédaction de l’amendement en appelle le rejet : vous avez, sans doute par erreur, réécrit l’article L. 3511-2 en reproduisant les dispositions de l’article L. 3511-2-1, ce qui a pour effet mécanique d’écraser le L. 3511-2 qui comporte des dispositions importantes relatives à l’interdiction de certains produits ou certains modes de débit de tabac. Je vous suggère donc de le retirer.

Au-delà de la question de principe et des enseignements à tirer de l’expérience de la prohibition aux États-Unis, l’amendement AS1318 se heurte sans doute à une question de constitutionnalité, la différence de traitement selon la date de naissance étant difficilement justifiable. Avis défavorable.

Quant aux deux amendements suivants, je rejoins l’objectif de conditionner la vente de tabac au principe de contrôle de majorité. En effet, 80 % des fumeurs ont commencé à fumer avant l’âge de dix-huit ans, alors même que la vente de tabac est interdite aux mineurs. En revanche, il faudrait retravailler la rédaction afin de la rendre compatible avec le droit ; en l’occurrence, il conviendrait de préciser que c’est le vendeur qui exige du client qu’il prouve sa majorité, afin de ne pas faire porter la charge de la preuve sur le mineur. Si leurs auteurs acceptaient de les retirer, nous pourrions tous tomber d’accord sur une version consensuelle.

M. Arnaud Richard. Avoir présenté ces quatre amendements très différents en discussion commune ne favorise pas la compréhension mutuelle et le débat éclairé. Quoi de commun entre la proposition de M. Touraine de prohiber totalement le tabac en France, la mienne d’interdire aux mineurs de fumer et d’instaurer le contrôle de majorité, et celle de Mme Delaunay, qui insiste uniquement sur ce dernier point ?

Les arguments de M. Tian relatifs à la cigarette électronique m’apparaissent fondés, tout comme ceux du rapporteur sur la réécriture de l’article du code de la santé publique en question. Je retire donc mon amendement tout en insistant sur la nécessité de ne pas nous interdire, sachant que 80 % des fumeurs ont commencé à fumer avant dix-huit ans, d’explorer cette piste.

M. Jean-Louis Touraine. Les arguments du rapporteur sur l’inégalité entre générations ne tiennent pas : différentes générations ne jouissent pas de la même longévité, ni ne bénéficient des mêmes taux de pension de retraite. Néanmoins, je retire l’amendement pour le réécrire en insistant sur sa compatibilité avec notre droit, de façon à pouvoir le présenter en séance avec le soutien du rapporteur.

Les amendements AS1084, AS1318 et AS1156 sont retirés.

La Commission rejette l’amendement AS236.

Elle en vient à l’amendement AS1404 du Gouvernement.

Mme la ministre. Une des propositions du programme national de réduction du tabagisme, qui transpose pour l’essentiel la directive européenne, propose d’interdire la publicité pour la cigarette électronique à l’intérieur et à l’extérieur des points de vente. Un encadrement, que j’ai mis en application l’année dernière, interdit d’ores et déjà toute comparaison entre la cigarette électronique et le tabac ; il s’agit maintenant d’aller plus loin.

M. Dominique Tian. Cette proposition me paraît étonnante : alors que le tabac fait des ravages, le corps médical voit dans la cigarette électronique une bonne solution pour les fumeurs. Pourquoi en interdire la publicité ? Si les chiffres du tabagisme sont si mauvais en France, essayons toutes les pistes susceptibles d’en favoriser l’arrêt.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis favorable. Il ne s’agit pas de statuer sur le caractère bénéfique ou nuisible du vapotage dans l’aide au sevrage, mais d’interdire des campagnes de publicité qui risquent d’en faire un mode d’entrée dans le tabagisme. On ne parle pas là d’un produit de consommation courante, mais d’une substance qui reste psychoactive, car la plupart des cigarettes électroniques contiennent de la nicotine. En autoriser la publicité pose un problème.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AS1405 du Gouvernement et AS1149 de Mme Michèle Delaunay.

Mme la ministre. L’amendement AS1405 tend à interdire la publicité du tabac à l’intérieur des lieux de vente afin de lutter contre les achats impulsifs.

Pour revenir à la cigarette électronique, certains suggèrent en effet, puisqu’elle peut aider à sortir du tabac, de faire preuve d’une liberté totale à son égard. Cependant, si la plupart des experts français et internationaux considèrent qu’il faut en encourager l’utilisation par ceux qui souhaitent arrêter de fumer, ils pointent également la possibilité d’entrer dans le tabac par ce biais. Une étude de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) est en cours sur le sujet. En somme, la cigarette électronique est certes meilleure que le tabac, mais mieux vaut encore ne rien utiliser. Qui plus est, on peut supposer que les fumeurs majeurs savent comment se procurer des cigarettes électroniques, qu’elles fassent ou non l’objet de publicité.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Les experts du Réseau français de réduction des risques soulignent que le geste compte beaucoup dans l’addiction. On parle ainsi d’injecteurs compulsifs pour les héroïnomanes qui s’administrent des substances de substitution : le geste est consubstantiel de leur comportement et de leur addiction chimique au produit, faisant partie d’un même cercle infernal. Dans cette perspective, le fait d’utiliser des cigarettes électroniques constitue déjà un pas vers un tabagisme plus nocif.

M. Bernard Accoyer. Nous voterons contre cet amendement en espérant ne pas être traités de suppôts d’un prétendu lobby du tabac ! En l’absence de résultats dans d’autres domaines, le Gouvernement veut faire croire qu’il lutte efficacement contre tel ou tel problème de santé publique. Or sa proposition d’interdire de communiquer à l’intérieur même des bureaux de tabac nous fait glisser vers une politique de prohibition. Si vous accordiez la même attention à la lutte contre les drogues dures ou le cannabis – dont le paquet est par définition neutre –, nous pourrions comprendre votre démarche. Mais tel n’est pas le cas, et nous ne nous laisserons pas abuser par ce semblant de politique sanitaire.

La Commission adopte l’amendement AS1405.

En conséquence, l’amendement AS1149 tombe.

La Commission est saisie de l’amendement AS1160 de Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Monsieur Accoyer, il n’est pas question de prohibition, mais il est important d’assumer d’ores et déjà un objectif de sortie du tabac.

L’amendement AS1160 part du constat que les revues et magazines spécialisés négligent régulièrement d’afficher les mentions sanitaires indispensables et qu’ils sont largement diffusés en dehors du milieu professionnel, en particulier auprès des parlementaires. Je suggère que cette diffusion soit désormais prohibée.

M. Dominique Tian. Interdire la publicité à l’intérieur même des débits de tabac est absurde ! Pourquoi ne pas bander les yeux au client ? Certes, les débitants n’arrivant plus à gagner leur vie, on leur a permis de vendre d’autres produits ; on peut donc craindre que des clients venant acheter autre chose ne s’aperçoivent qu’ils sont entrés dans un débit de tabac. Quel danger, en effet !

M. Olivier Véran, rapporteur. Replaçons le débat sur l’amendement de Mme Delaunay. Le code de la santé publique prévoit que l’interdiction générale de propagande en faveur du tabac ne s’applique pas aux publications professionnelles. L’amendement propose de supprimer cette dérogation pour les publications diffusées en dehors du réseau professionnel ou ne respectant pas les avertissements sanitaires en vigueur.

Cette précision me paraît redondante s’agissant des avertissements sanitaires. La loi est déjà très claire puisque leur non-respect constitue une infraction réprimée par le droit commun. En revanche, la mise à disposition des revues professionnelles du tabac en dehors du réseau de distribution professionnel classique est plus problématique. Il nous arrive, en effet, d’en recevoir au Parlement.

Par conséquent, je donne un avis de sagesse.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS955 du rapporteur et AS1158 de Mme Michèle Delaunay.

M. Olivier Véran, rapporteur. Le PNTR et les amendements déposés par le Gouvernement prévoient d’interdire la publicité par les fabricants, importateurs et distributeurs de tabac, ainsi que les opérations de parrainage. Je propose d’interdire également les activités de mécénat lorsqu’elles ont trait au domaine de la santé.

Mme Michèle Delaunay. Notre amendement va dans le même sens, mais élargit l’interdiction à toute forme de mécénat. En effet, celui-ci permet aux cigarettiers de se refaire une virginité et de se donner un visage honorable.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Autant interdire les activités de mécénat de la part des industries de tabac dans le domaine de la santé constitue un message fort mais acceptable, autant les prohiber dans tous les domaines me semble excessif.

La Commission adopte l’amendement AS955.

En conséquence, l’amendement AS1158 tombe.

La Commission est saisie de l’amendement AS1410 du Gouvernement.

Mme la ministre. Les amendements relatifs au mécénat marquent une orientation forte de la Commission. Il faudra veiller aux modalités de l’application de ces dispositions, qui risque de s’avérer délicate.

À l’occasion de la présentation du programme national de réduction du tabagisme, j’avais annoncé vouloir mieux connaître et encadrer les pratiques de promotion et de lobbying des industriels du tabac afin de contrer plus efficacement leur influence dans la définition et la conduite des politiques publiques liées au tabac. Ce n’est faire injure à personne que de dire que les industriels cherchent à faire pression sur les auteurs des politiques publiques susceptibles de les affecter ; l’enjeu est de connaître les personnes concernées. Nous proposons, par l’amendement AS1410, de mettre en place pour les industriels du tabac l’équivalent du Sunshine Act instauré pour l’industrie pharmaceutique. Il s’agit ici de définir le principe – un décret en Conseil d’État devant en préciser les modalités – de la transmission par l’industrie du tabac des informations qui doivent être rendues publiques. Le Gouvernement entend créer un site internet accessible à tous sur lequel ces industriels devront indiquer l’ensemble des actions de promotion qu’ils mènent et des financements qu’ils engagent. Cet amendement nous semble de nature à garantir une transparence absolue sur les agissements de l’industrie du tabac, condition de l’efficacité des politiques publiques.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis favorable. Les parlementaires font-ils partie des personnes concernées par la mesure ?

Mme la ministre. Ils ne figurent pas dans le texte de l’amendement, mais il serait logique qu’ils soient concernés.

M. Olivier Véran, rapporteur. Dans ce cas, je propose d’ajouter, après les mots « des membres des cabinets ministériels ; », les mots « les parlementaires ; ».

Mme la ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement AS1410 ainsi rectifié.

Elle en vient à l’amendement AS1159 de Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. C’est un amendement de repli par rapport à la proposition précédente. Il stipule que si un organisme ou une action bénéficiant d’un financement public ou parapublic reçoit le soutien de l’industrie du tabac, le financement public devient caduc.

M. Élie Aboud. Qu’entendez-vous par financement parapublic ?

Mme Michèle Delaunay. Il peut s’agir du financement par une collectivité, une association relevant d’une collectivité ou une fondation.

M’avisant que la rédaction manque de précision, je retire l’amendement pour le retravailler en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS1161 de Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Cet amendement important vise également à éliminer toute possibilité de conflit d’intérêt, ou de rendre celui-ci transparent. Nous proposons que les fabricants, importateurs, distributeurs et détaillants de tabac communiquent chaque année au ministère des affaires sociales et au ministère des finances toutes les sommes et affectations effectuées de nature à contrevenir aux dispositions du code de la santé publique ou susceptibles de les placer en conflit d’intérêt. Les subventions et les soutiens que les buralistes reçoivent de la part des industriels du tabac doivent être connus du grand public et de nos services.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Je partage l’objectif de l’amendement, mais celui-ci répond aux mêmes intentions que l’équivalent du Sunshine Act proposé par le Gouvernement, que nous venons de voter et qui me paraît, en outre, juridiquement plus solide.

Mme Michèle Delaunay. Mon amendement concerne un autre problème et ne cible pas la même population. Les distributeurs de tabac doivent eux aussi faire œuvre de transparence et rendre publiques toutes les subventions qu’ils reçoivent.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS1157 également de Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Le code de la santé publique permet aux chaînes de télévision française de retransmettre des compétitions sportives qui se déroulent dans des pays où la publicité pour le tabac est autorisée. En n’interdisant pas la retransmission d’événements qui le valorisent, je pense en particulier aux compétitions de sports mécaniques, nous nous privons d’une arme dans la lutte contre le tabac. L’amendement tend donc à supprimer cette autorisation.

M. Arnaud Robinet. En arriver à interdire les retransmissions d’événements sportifs, c’est totalement absurde ! Quand ciblerez-vous internet et la publicité pour l’alcool ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Avant d’adopter une telle mesure, il faudrait mener une concertation avec l’ensemble des acteurs concernés. Il semble difficile de priver les téléspectateurs français de tout accès à la retransmission de compétitions sportives qui se dérouleraient dans des pays n’ayant pas adopté la même législation que la nôtre en matière de tabac.

La Commission rejette l’amendement.

Elle discute ensuite de l’amendement AS1319 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Mon amendement ne vise pas à nuire à la liberté de création : il ne saurait être question d’empêcher qu’au cinéma Churchill fume son cigare ou Gainsbourg ses Gitanes. Nous savons, en revanche, que l’industrie du tabac finance des producteurs de films, de séries télévisées et de pièces de théâtre. En France, aucune poursuite judiciaire n’est jamais engagée contre eux alors qu’aux États-Unis, des producteurs, des metteurs en scène et des acteurs ayant fait la promotion du tabac ont été très lourdement condamnés.

Je ne propose pas d’en arriver là, mais seulement de rendre obligatoire la diffusion d’un message préventif anti-tabac, avant toute œuvre cinématographique, théâtrale et télévisuelle comportant une séquence de valorisation du tabac.

Mme Michèle Delaunay. Dans 80 % des films français, des séquences de tabagisme ne se justifient pas ! La loi Évin n’est pas appliquée !

M. Élie Aboud. Tout cela est surréaliste ! Comment appliquer une telle mesure aux films étrangers ? Voulez-vous vraiment diffuser un message dès lors qu’une cigarette apparaît à l’écran ? Comment comptez-vous faire ? Quel sera le contenu de ce message ?

Mme Michèle Delaunay. C’est la loi Évin !

M. Olivier Véran, rapporteur. La notion de valorisation du tabac dans une série, un film ou une pièce de théâtre me paraît difficile à définir avec précision : lorsque Frank Underwood, le personnage principal d’une célèbre série américaine, fume à sa fenêtre, le tabac est-il valorisé ou dénigré ? Quelle forme prendrait un message sanitaire concernant une pièce de théâtre ? L’objectif général de l’amendement est louable, mais la mesure semble difficilement applicable. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS1162 de Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Cet amendement pondéré vise à appliquer à tout nouveau débit de tabac les mêmes règles qu’aux établissements vendant de l’alcool en matière d’installation à proximité des établissements scolaires.

M. Dominique Tian. Ce que vous proposez n’est tout simplement pas possible. Marseille compte, par exemple, plus de 800 établissements scolaires : aucun débit de tabac n’existerait plus si l’on devait appliquer votre amendement ! Vous ne tenez compte ni de l’histoire de ces commerces présents depuis longtemps sur notre territoire ni du droit de propriété !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Tian, l’amendement ne vise que les nouveaux débits de tabac.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis favorable. Dans la mesure où nous mettons en place un plan très offensif de lutte contre le tabac, il est difficile de s’opposer à un amendement visant à empêcher l’installation de nouveaux bureaux de tabac à proximité des écoles. Sa rédaction méritera sans doute d’être revue, notamment en ce qui concerne la définition des périmètres.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS1148 de Mme Michèle Delaunay, AS1393 de M. Jean-Louis Touraine et AS1413 du Gouvernement.

Mme Michèle Delaunay. L’usage de la cigarette électronique doit être limité dans les mêmes conditions que celui de la cigarette, car le geste lui-même peut être inducteur.

M. Jean-Pierre Door. Avec votre amendement, qui interdit de simuler l’acte de fumer, on n’aurait plus le droit de faire quoi que ce soit à l’extérieur. Aurai-je encore le droit de porter la main à mon visage ou à la bouche ? Est-ce cela que vous réglementez ? C’est grotesque !

Mme Michèle Delaunay. Je retire mon amendement au profit de celui défendu par le Gouvernement.

L’amendement AS1148 est retiré.

M. Jean-Louis Touraine. L’un des objectifs du programme national de réduction du tabagisme est de protéger les jeunes et d’éviter l’entrée dans le tabagisme. En introduisant l’interdiction de fumer aux abords des enceintes scolaires et sportives, mon amendement contribuerait à préserver les enfants et les adolescents du tabac.

Sachant qu’il y a 32 % de fumeurs chez les 15-19 ans et que la majorité des fumeurs commence à fumer au moment de l’entrée au collège, éviter que les jeunes puissent fumer à proximité des collèges, s’entraînant les uns les autres, et ne plus voir non plus les enseignants leur donner un très mauvais exemple enverrait un bon signal.

Le périmètre visé par cette interdiction serait déterminé par décret en Conseil d’État.

Mme la ministre. L’amendement du Gouvernement tend à encadrer la pratique du vapotage en l’interdisant dans certains lieux à usage collectif.

Je ne reviens pas sur le débat relatif à la pertinence de l’interdiction de la cigarette électronique, car rien ne démontre aujourd’hui que son usage pourrait entraîner des dommages de santé publique collatéraux. En revanche, il est apparu clairement que l’imitation du geste du fumeur constituait un risque de voir se développer ce geste considéré comme valorisant. Par ailleurs, dans un certain nombre de lieux publics, la distance rend parfois difficile de faire la différence entre cigarette et cigarette électronique, notamment dans les transports en commun.

Le Gouvernement a consulté le Conseil d’État, lui demandant sur quels principes pouvait être fondée l’interdiction du vapotage sans qu’il y ait entrave aux libertés individuelles. Dans son avis, qui a été rendu public, le Conseil propose que l’interdiction soit mise en œuvre dans les établissements scolaires et les établissements destinés à l’accueil, à la formation et à l’hébergement des mineurs, dans les moyens de transport collectifs fermés, et sur les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif. L’amendement s’en tient à ces préconisations.

M. Gérard Sebaoun. S’agissant des lieux de travail couverts, les grandes entreprises disposent parfois de patios où les salariés peuvent fumer. S’ils sont couverts, sera-t-il interdit d’y vapoter ?

Mme la ministre. Il n’y aura aucun problème dans un patio ouvert, mais cela sera plus difficile pour un lieu couvert.

Mme Sylviane Bulteau. Monsieur Touraine, en prohibant la cigarette dans les lieux où les jeunes rencontrent des adultes qui peuvent discuter avec eux, notamment des méfaits de la cigarette, ne craignez-vous pas qu’ils continuent de fumer mais en s’isolant loin des éducateurs, des adultes ou des parents ?

M. Jean-Louis Touraine. Nous voulons éviter que les jeunes s’agglutinent aux portes des collèges, pour limiter l’effet d’attraction en particulier sur les non-fumeurs. En ce sens, l’amendement ne peut qu’avoir un effet bénéfique. Qu’ils puissent fumer ailleurs, c’est une autre affaire. J’ajoute qu’il n’est pas utile d’attendre de les voir fumer pour leur parler des dangers du tabac. Des cours dispensés par des professionnels sont d’ailleurs prévus à cet effet, qui s’adressent à tous les élèves, qu’ils soient fumeurs ou non.

M. Dominique Tian. Le message de prévention touchera mieux les jeunes s’ils sont visibles à proximité des établissements que s’ils sont obligés de se cacher. En posant un interdit supplémentaire, vous incitez à la transgression qui est le propre des adolescents. En traitant les fumeurs en pestiférés, vous en faites des héros !

M. Olivier Véran, rapporteur. J’étais, à l’origine, favorable à l’amendement de M. Touraine, mais nos échanges m’amènent à réviser mon jugement, car l’interdiction de fumer à proximité des enceintes scolaires et sportives pourrait avoir des conséquences sur le comportement des jeunes. Je suis donc défavorable à l’amendement AS1393 et favorable à l’amendement AS1413 du Gouvernement.

La Commission rejette l’amendement AS1393.

Puis elle adopte l’amendement AS1413.

Elle discute ensuite de l’amendement AS1415 du Gouvernement.

Mme la ministre. Cet amendement vise à interdire de fumer dans un véhicule en présence d’un enfant de moins de douze ans. Il s’agit d’une mesure de bon sens pour éviter le tabagisme passif.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis favorable, mais il me semble que la référence de l’article inséré dans le code de la santé publique devrait être rectifiée.

M. Élie Aboud. Le groupe UMP adhère à l’esprit de l’amendement, mais il s’interroge sur les sanctions que vous entendez mettre en place. Surtout, comment pourrez-vous sanctionner un comportement donné dans un lieu privé ? Pourquoi ne pas interdire de fumer au domicile tant que l’on y est ?

Mme la ministre. Les sanctions prises seront celles qui s’appliquent déjà dans les lieux où il est interdit de fumer.

M. Bernard Accoyer. Quelle différence juridique faites-vous entre le domicile et la voiture, les deux étant des lieux privés ?

Mme la ministre. La disposition s’insérera dans le code de la route, qui contient déjà des mesures permettant d’intervenir dans l’espace privé que constitue un véhicule. Elle n’a pas été considérée comme non conforme à la Constitution ou comme attentatoire aux libertés individuelles.

Mme la présidente Catherine Lemorton. De fait, on ne contrôle pas l’alcoolémie des personnes à leur domicile mais on le fait quand elles sont au volant.

M. Jean-Louis Touraine. De même, il est interdit d’utiliser le téléphone portable en voiture.

Madame la ministre, accepteriez-vous de modifier votre amendement en portant de douze à quatorze ans l’âge des mineurs concernés ? Le tabagisme passif est aussi particulièrement dangereux pour les jeunes de treize et quatorze ans, âges auxquels ils sont par ailleurs particulièrement séduits par la cigarette.

Mme la ministre. Je préfère que nous en restions à la rédaction de l’amendement. Il s’agit surtout d’un moyen de faire prendre conscience aux adultes qu’on ne fume pas en présence d’un enfant. La référence à un âge précis compte moins que l’interdiction qui se veut dissuasive.

Par ailleurs, il convient, en effet, de rectifier l’amendement en précisant que l’article additionnel doit être inséré dans le code de la santé publique sous la référence L. 3511-7-2 et non pas L. 3511-7-1.

La Commission adopte l’amendement AS1415 ainsi rectifié.

Elle en vient à l’amendement AS1403 du Gouvernement.

Mme la ministre. Cet amendement tend à prévoir une sanction en cas d’infraction aux règles relatives au paquet neutre.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie des amendements AS1412 et AS1411, tous deux du Gouvernement, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

Mme la ministre. Il s’agit d’introduire les sanctions pour infraction au Sunshine Act à la française. Le premier amendement concerne les personnes physiques, le second les personnes morales.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte successivement les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement AS1409 du Gouvernement.

Mme la ministre. Celui-ci prévoit que les policiers municipaux pourront constater les infractions à la législation du tabac et produits connexes, en particulier le fait de fumer dans des aires de jeux pour enfants ou en voiture, ou de vapoter dans certains lieux publics. Il s’agit de démultiplier les corps habilités à pratiquer ces contrôles.

M. Bernard Accoyer. Les polices municipales sont déjà débordées en essayant d’assurer la sécurité de nos concitoyens. Cette nouvelle tâche nous paraît superfétatoire.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Suivant un avis similaire du rapporteur, elle adopte également l’amendement de coordination AS1414 du Gouvernement.

La Commission est saisie de l’amendement AS1151 de Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. La vente au public des produits destinés au sevrage tabagique, non soumis à prescription médicale, doit être autorisée afin que les buralistes puissent s’en saisir.

M. Dominique Tian. Madame Delaunay, vous avez déjà permis que soit accordé un avantage exceptionnel aux propriétaires de bureau de tabac en créant, en leur faveur, une sorte de numerus clausus. Dès lors qu’il sera désormais quasiment impossible d’ouvrir un débit de tabac, la valeur des fonds de commerce va exploser. Et vous voulez maintenant en rajouter ? Vous devriez réfléchir aux effets secondaires des mesures que vous proposez.

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. Les substituts nicotiniques destinés au sevrage tabagique restent des médicaments. Introduire une dérogation signifierait que leur mauvais usage n’aurait pas d’impact sanitaire. Pour la santé et la sécurité des Français, il est plus sage de conserver le monopole pharmaceutique pour tous les produits de santé, au premier titre desquels se rangent les médicaments.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS194 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Le commerce illicite du tabac nuit aux politiques de lutte contre le tabagisme, mais aussi aux buralistes qui devraient être considérés comme nos alliés dans ce combat. À partir du moment où ils jouent le jeu de la vente légale, nous devrions les protéger. L’amendement propose que l’enregistrement et la traçabilité des données liées aux opérations d’importation et de commercialisation de produits du tabac soient contrôlés par un tiers indépendant. Cette proposition est conforme à la convention-cadre pour la lutte anti-tabac de l’OMS, signée par la France.

M. Dominique Tian. Il est temps que l’on défende les buralistes dont la profession est autorisée par l’État !

M. Olivier Véran, rapporteur. Avis défavorable. L’administration des douanes exerce aujourd’hui le contrôle qu’évoque M. Roumegas. Devons-nous demander à un évaluateur externe d’apprécier le travail des douanes ? Je n’en suis pas certain. Sur quels critères le ferait-il ?

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS196 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Il s’agit d’améliorer la traçabilité des produits du tabac et d’établir un reporting afin de lutter contre la fraude.

M. Olivier Véran, rapporteur. L’idée de traquer les éventuels transferts de bénéfices d’un pays à l’autre par les entreprises françaises implantées à l’étranger me plaît. Il semble toutefois difficile d’introduire une disposition aussi importante pour l’ensemble de l’industrie au détour d’un amendement au projet de loi relatif à la santé. Je suis, en conséquence, défavorable à l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS159 également de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Chaque augmentation des droits de perception donne lieu à une entente illicite des fabricants qui opèrent un lissage des prix afin d’atténuer les effets de la hausse. L’amendement vise à empêcher ce phénomène.

M. Olivier Véran, rapporteur. Le prix du tabac n’est pas fixé par le Gouvernement, contrairement à ce que laisse entendre le dispositif de votre amendement qui n’est pas très clair. Je crains surtout qu’il ne produise pas l’effet recherché. À défaut d’un retrait, mon avis sera défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS1088 de M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. En février 2014, lors de la présentation du troisième plan cancer, le Président de la République indiquait que l’expérience « nous enseigne que les seules baisses significatives – elles ont été rares – de la consommation de tabac, se sont produites après des augmentations fortes du prix des cigarettes ». Cet amendement propose, en conséquence, de créer un fonds dédié aux actions de lutte contre le tabagisme, ce qui est prévu par le programme national de réduction du tabagisme, et de le financer grâce à une augmentation des taxes sur le tabac.

M. Olivier Véran, rapporteur. D’une façon générale, je demande le retrait des amendements tendant à augmenter la fiscalité sur le tabac. Bien qu’ils visent un objectif de santé publique partagé par tous, ils devraient s’inscrire dans un texte budgétaire, comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) que nous examinons tous les ans. Je signale d’ailleurs que le PNTR ne comporte pas de mesures portant augmentation de la fiscalité. À défaut d’un retrait de l’amendement, j’y serai défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements AS1152 et AS1153 de Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. M. Richard a eu raison de citer le Président de la République. Seule une augmentation significative et rapide des prix peut entraîner une diminution notable de la consommation, ce que confirme la tribune de l’épidémiologiste Catherine Hill, publiée le mois dernier par le journal Le Monde. En même temps qu’elle introduisait le paquet neutre, l’Australie procédait à cette autre mesure forte qu’est l’augmentation notable du prix.

Par ailleurs, pour avoir consulté sur le sujet, j’affirme qu’une mesure fiscale peut parfaitement être prise en dehors des textes budgétaires lorsqu’elle correspond à l’objet du texte dans laquelle elle est votée. Plusieurs amendements du Gouvernement au projet de loi Macron avaient un caractère fiscal, et personne n’y a rien trouvé à redire parce qu’ils étaient opportuns dans ce texte.

L’amendement AS1152 vise à alourdir la fiscalité sur le tabac ; l’amendement AS1153 vise spécifiquement le tabac à rouler dont le prix pousse les jeunes à la consommation.

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, nous allons clairement vers la prohibition du tabac. Assumez-le ! Avec ces hausses et les mesures que vous proposez, seuls ceux qui ont des moyens pourront continuer de fumer. Dès lors, nous nous interrogeons sur la sincérité de votre discours, vous qui en appelez en permanence à la justice sociale.

M. Olivier Véran, rapporteur. Je suis défavorable aux deux amendements. J’ai déjà dit ce que je pensais d’une évolution de la fiscalité dans un texte non budgétaire. Madame Delaunay, j’appelle par ailleurs votre attention sur le fait qu’en augmentant uniquement les droits proportionnels sans toucher aux droits fixes, vous augmenterez le prix des cigarettes les plus chères, ce qui amènera seulement les consommateurs à acheter des produits meilleur marché. De nombreuses études considèrent que l’effet d’une telle mesure serait neutre.

Mme la ministre. Ne faisons pas dire au Président de la République ce qu’il n’a pas dit. Il a surtout indiqué que les nouvelles augmentations éventuelles devraient être affectées à des politiques de santé publique. Cela nécessiterait l’élaboration d’un fonds spécifique, ce à quoi nous travaillons.

Il est possible d’introduire dans une loi non financière des mesures fiscales, si le Gouvernement le souhaite et non sans avoir obtenu un accord de dérogation au plus haut niveau, validé par le conseil des ministres. L’objectif est de conserver aux lois financières leur spécificité, et d’éviter que soit modifié en permanence l’équilibre des finances publiques, sans pouvoir le maîtriser. Oui, l’augmentation de la fiscalité est un facteur important pour empêcher la diffusion du tabac ; elle l’a été et le sera encore probablement en France. Néanmoins, le programme national de réduction du tabagisme a été élaboré pour être un ensemble cohérent de mesures équilibrées parmi lesquelles ne figurent pas de dispositions fiscales. Dans le cadre de ce projet de loi relatif à la santé, je défends ce PNTR tel que je l’ai présenté au mois de septembre dernier, et je ne souhaite pas l’introduction de mesures fiscales.

La Commission rejette successivement les amendements AS1152 et AS1153.

Elle examine ensuite les amendements AS1154 et AS1155, tous deux de Mme Michèle Delaunay, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

Mme Michèle Delaunay. Afin de rester cohérent en matière de lutte contre les ventes illicites et la contrebande, il importe d’harmoniser la fiscalité du tabac applicable à la Corse. Les cigarettes y sont 30 % moins chères que sur le continent ; les cancers du poumon et les décès liés au tabac y sont 30 % plus nombreux.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement AS979 du rapporteur.

M. Olivier Véran, rapporteur. Cet amendement tend à introduire un mécanisme inédit dans ce domaine mais qui existe dans d’autres secteurs. Il consiste à assigner chaque année un taux de décroissance pour la consommation de tabac. Si la décroissance n’était pas constatée en fin d’exercice, une contribution sur le chiffre d’affaires des cigarettiers serait fixée, à lever dans le cadre d’un prochain texte budgétaire, projet de loi de finances ou PLFSS.

Je propose de fixer ce taux à 3 %. Si la baisse de la consommation de tabac constatée est moindre, alors nous aurons une contribution à lever dans le prochain exercice budgétaire, que nous pourrons consacrer au financement des campagnes de prévention contre le tabagisme, devenues rares ces dix dernières années. Celles-ci seraient conduites par l’Institut national de prévention, de veille et d’intervention en santé publique, créé dans un article ultérieur.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le dispositif peut être rapproché de la régulation pour les innovations thérapeutiques, que nous avons adoptée dans le PLFSS pour 2015.

Mme la ministre. Nous ne sommes pas exactement dans le même domaine.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement. Comme je l’ai déjà indiqué, nous ne souhaitons pas que ce projet de loi donne lieu à la mise en place de nouvelles taxes. Par ailleurs, nous nous interrogeons sur ce qui serait taxé. Le siège social des entreprises concernées ne se trouvant pas en France, il serait vain de vouloir taxer leur chiffre d’affaires.

M. Arnaud Richard. Si la démarche du rapporteur me paraît innovante, la position de la ministre m’inquiète, car elle renvoie aux calendes grecques les augmentations de taxes et la création d’un fonds. Ce dernier sera-t-il créé dans le prochain PLFSS ?

Mme la ministre. Le fonds ne doit pas nécessairement être créé par la loi ; il peut être identifié au sein du budget de l’État. Pour l’alimenter, nous sommes nombreux à avoir l’idée de mettre à contribution le chiffre d’affaires des fabricants. Mais à partir du moment où les sièges sociaux et les chiffres d’affaires ne sont pas localisés en France, la base de contribution est extrêmement difficile à identifier – pour ceux qui sont en France, elle pourrait être considérée comme confiscatoire au sens que donne à ce terme le Conseil constitutionnel. Nous cherchons à constituer ce fonds au sein du budget de la sécurité sociale et à l’alimenter par des recettes liées au tabac.

M. Olivier Véran, rapporteur. Nous n’envisageons pas de taxer les bénéfices des fabricants ; nous souhaitons prélever une contribution sur le chiffre d’affaires. Dans le dispositif applicable à l’industrie pharmaceutique adopté dans le PLFSS, le taux L s’applique aux laboratoires fussent-ils anglo-saxons ou allemands.

Je relève également que le financement des campagnes de prévention représente des coûts minimes en comparaison d’une évolution de la fiscalité du tabac. D’un côté, on parle d’une vingtaine de millions d’euros, de l’autre, de milliards. Les montants relativement faibles de la contribution ne pèseraient ni sur les ménages ni sur les buralistes.

J’entends néanmoins que le Gouvernement ne souhaite pas de nouvelle mesure fiscale, aussi je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie des amendements AS1086 et AS1085, tous deux de M. Arnaud Richard, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Arnaud Richard. Ces amendements visent à alourdir les sanctions prévues en cas de fabrication illicite de tabac ou de vente frauduleuse, y compris à distance, pour le premier, et en cas de contrebande pour le second.

M. Olivier Véran, rapporteur. La contrebande de produits dangereux pour la santé est déjà punie de dix ans de prison et d’une amende pouvant atteindre cinq fois la valeur du produit concerné. L’amendement AS1085 porte la peine de prison à vingt ans, et l’amende à cinquante fois la valeur, ce qui paraît excessif. Quant à l’amendement AS1086, il quintuple la peine de prison prévue en cas de fabrication illicite ou de vente à distance. Le trop est peut-être l’ennemi du bien.

Avis défavorable.

M. Arnaud Richard. Je retire les deux amendements.

Les amendements AS1086 et AS1085 sont retirés.

La Commission examine les amendements identiques AS337 de M. Jean-Pierre Door et AS504 de M. Dominique Tian.

M. Jean-Pierre Door. Le marché parallèle du tabac est un véritable fléau contre lequel il faut lutter en renforçant les missions de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude. Celle-ci devra publier un bilan annuel chiffré rendant compte de la réalisation des objectifs de saisie afin que nous soyons régulièrement informés.

Mme Michèle Delaunay. Je rappelle que les buralistes reçoivent tous les ans une compensation de 300 millions d’euros par an, soit la moitié de la somme consacrée au vieillissement.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le versement aux buralistes est inéquitable. Ceux qui ne sont pas touchés par l’existence des marchés parallèles reçoivent les mêmes montants que ceux qui sont les plus exposés : on a vu des chiffres d’affaires dans la Creuse bondir de 143 % alors que, dans les zones frontalières, les buralistes voient les leurs baisser de 15 %. Peut-être les débitants de tabac devraient-ils mieux se répartir ces compensations.

M. Dominique Tian. D’autant qu’en interdisant aux buralistes de s’installer un peu partout, Mme Delaunay va créer des déserts de bureaux de tabac tout en supprimant toute concurrence dans le secteur. Les débitants la remercient pour cette preuve d’amour !

M. Olivier Véran, rapporteur. Le PNTR ne vise pas à pénaliser les buralistes qui tiennent un commerce légal et rencontrent souvent des difficultés. Ceux-ci sont parfaitement conscients des enjeux, et ils ont engagé une réflexion en vue de la reconversion de tout ou partie de leur activité. Compte tenu de la taille moyenne de leurs commerces, souvent insuffisante pour vendre autre chose que du tabac ou la presse, la question n’est d’ailleurs pas simple. Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics se préoccupent de la situation des buralistes, car, à mesure que le tabagisme doit se réduire, il faut évidemment songer à des reconversions professionnelles. Il ne s’agit pas de pénaliser ce secteur.

Confier à la Délégation nationale à la lutte contre la fraude le soin de coordonner l’ensemble des actions des services de l’État en matière de lutte contre la contrebande de tabac me paraît un peu compliqué, sachant qu’elle ne dispose que de douze salariés. À moins que vous ne souhaitiez créer massivement des emplois publics dans cette administration, je vous invite à retirer les amendements, faute de quoi je serai contraint d’émettre un avis défavorable.

La Commission rejette les amendements.

La séance est levée à treize heures.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 18 mars 2015 à 9 heures 30

Présents. - M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Joël Aviragnet, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, Mme Véronique Besse, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, Mme Marie-Arlette Carlotti, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Philip Cordery, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, M. Richard Ferrand, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Patrick Gille, M. Henri Guaino, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, M. Jacques Krabal, Mme Bernadette Laclais, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. - Mme Gisèle Biémouret, M. Michel Issindou, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Laurent Marcangeli, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean Jacques Vlody

Assistaient également à la réunion. - Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Dino Cinieri, Mme Catherine Coutelle, M. Guillaume Larrivé, M. Serge Letchimy, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, Mme Catherine Quéré